Guide de l'autorite

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À LA MAISON À L’ÉCOLE

AUTORISONS

L’autorité

Parents, enseignants, spécialistes de l’enfance et de l’adolescence… nous donnent leurs conseils DOCUMENT RÉALISÉ À L’OCCASION DU XVIE CONGRÈS DE L’APEL, À MONTPELLIER, 4-6 JUIN 2010


Le sommaire 4|

L’ÉDITO

RENCONTRES PARENT-ÉCOLE®

Des réflexions de parents sur l’autorité

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9 mois 5 ans

L’AUTORITÉ FAIT SES

14

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5 -10

L’ENFANT N’EST PAS

21 |

ans

premiers pas

un petit adulte

L’AUTORITÉ à l’épreuve de la

société actuelle

25 | 35 |

11-18 ans

L’autorité dans tous ses états

QUAND L’ADOLESCENCE

s’en mêle

EN 2010, AUTORISONS L’AUTORITÉ

Les propositions de l’Apel

Les chiffres sont issus du sondage Apel, La Croix, CSA, “Regards croisés, parents d’enfants scolarisés / jeunes de 15 à 24 ans sur l’autorité”, avril 2010. Les citations d’enfants ont été recueillies lors d’ateliers philosophiques qui ont eu lieu au collège-lycée de l’Assomption à Bondy (93) et à l’école Ste-Élisabeth-Plaisance, à Paris (14e).

E

n matière éducative, nous ne sommes pas infaillibles et nos enfants le savent bien ! Avec une habileté certaine, ils s’engouffrent dans nos contradictions, profitant de nos lassitudes et de nos incohérences. Cela nous déconcerte, nous épuise, produit en nous un sentiment de culpabilité alors que, justement, nous voulons bien faire. Nous ne faisons pas aujourd’hui comme hier. Nous ne procédons pas avec un enfant comme avec un autre, fut-il son frère ou sa sœur. Nous ne punissons pas de la même manière pour la même bêtise. Tout est affaire de dosage, un peu comme en cuisine, où les meilleures recettes sont celles que l’on s’échange, mais auxquelles nous ajoutons quelques ingrédients en fonction de ce que nous avons en réserve et de l’humeur du moment. Osons relativiser, ne nous laissons pas non plus culpabiliser par les discours ambiants qui nous font perdre confiance en nous. Nous sommes plus souvent démunis que démissionnaires. Je n’ai jamais rencontré de parents qui n’aient pas envie de bien faire, même quand ils se trompent. Qu’il est difficile d’éduquer ! Pourtant, il existe des conseils simples auxquels nous ne pensons pas quand nous sommes dans le feu quotidien de l’action éducative… Nos enfants ont tout à gagner à ce que nous fassions preuve d’une autorité ferme mais bienveillante qui fasse grandir. Ce guide va nous aider à prendre du recul et à trouver le bon sens éducatif. BÉATRICE BARRAUD,

© Apel nationale, 277, rue Saint-Jacques, 75240 Paris cedex 05. Crédits photos : Marie Genel - Florence Levillain - Patricia Leconte - iStock - Illustrations : Robin Rédactrice en chef : Sylvie Bocquet. Secrétariat de rédaction : Claire Alméras Rédacteurs : Claire Alméras, Sylvie Bocquet, Aurélie Djavadi, Lise Dupas. Conception : Villeneuve et associés. Direction artistique : Clémentine Rocolle. Imprimerie Vincent, Tours. Mai 2010.

PRÉSIDENTE NATIONALE DE L’APEL

À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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RENCONTRES PARENT-ÉC OLE®

Des réflexions de paren ts sur l’autorité Parents, enseignants, chefs d’établissement, vous avez été très nombreux ces derniers mois à participer aux Rencontres parents-école® sur le thème de l’autorité, organisées par l’Apel de votre établissement. Interrogations, souhaits, témoignages de vie… ces échanges ont permis d’enrichir la réflexion et de préparer les débats de notre XVIe congrès. En voici une synthèse.

Pas de nostalgie des modèles de l’ancien temps

A

vant, les enfants n’avaient pas voix au chapitre, c’était le règne du « tais-toi » et du « parce que c’est comme ça ». Ce modèle, les parents n’en veulent plus ; Ils disent non à l’autoritarisme et à l’humiliation qu’il engendre. L’autorité, ce n’est pas exercer son pouvoir sur

La nouvelle autorité ? Du sur-mesure

C’

est ce que les parents appellent « l’autorité évolutive ». Celle-ci n’est jamais acquise, elle se joue et se rejoue chaque jour, en fonction de l’âge et de la personnalité de l’enfant. C’est une autorité dialoguée qui exige du temps et de l’énergie et qui n’est pas toujours compatible avec les rythmes de vie actuels. Alors les parents demandent un MNN – un minimum non négociable –, tout en avouant : « L’autorité, c’est

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GUIDE CONGRÈS APEL

le plus faible, c’est-à-dire l’enfant, et le respect ne peut pas faire bon ménage avec la peur. Ainsi, les parents actuels donnent-ils volontiers la parole à leurs enfants et cherchent à éviter les jugements de valeur. Ils veulent avant tout leur bonheur au risque de placer la barre très haut.

drôlement fatigant mais passionnant. Il ne faut pas lâcher ! ». Oui, mais pour oser l’autorité, il faut avoir confiance en soi. Parents et enseignants se sentent parfois bien seuls face à une société qui a tendance à minimiser la place des adultes et à donner le pouvoir de décision aux enfants. Les parents reconnaissent la difficulté d’enseigner et les enseignants celle d’éduquer.

Une autorité porteuse de sens et bienveillante

L’ L’autorité, c’est drôlement fatigant mais passionnant. Il ne faut pas lâcher !

autorité sera d’autant mieux acceptée qu’elle sera comprise. Cependant, la relation adulte-enfant n’est pas égalitaire, elle est asymétrique : l’adulte a le devoir de faire autorité pour aider son enfant à grandir dans la sécurité, la protection. Sans autorité, l’enfant ne peut pas devenir autonome et à son tour être l’auteur de sa propre vie. Il lui faut donc apprendre à obéir

pour qu’un jour il décide lui-même d’obéir ou de désobéir. Nous devons être crédibles : si on veut être respecté, on se doit d’être respectable et respectueux. Enseignants et parents s’accordent à penser que l’enfant apprend beaucoup par l’exemple de ses parents. Mais nous avons le droit d’être faillibles car l’autorité n’est pas une science exacte !

À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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Rencontres parent-école® Des réflexions de parents sur l’autorité Pour grandir, l’enfant a besoin de faire l’expérience de la faille chez l’être humain. L’autorité est une relation qui apprend à grandir ensemble. Amour et autorité sont-ils compatibles ? Les adultes n’aiment pas affronter leurs enfants, alors que ceux-ci ont besoin d’exprimer plus ou moins vigoureusement leurs

différences pour grandir. Éduquer n’est pas séduire. Sylvie Bocquet avec Régine Florin, responsable de la formation à l’Apel nationale.

Le mot confiance revient souvent dans les paroles de parents pour que l’exercice de l’autorité soit un art crédible. Jean-Yves Baziou

« SAVOIR PRONONCER UNE PAROLE DE CONFIANCE » > L’avis de Jean-Yves Baziou, doyen de la faculté de théologie de l’Institut catholique de Lille Les diverses autorités auxquelles est confronté l’enfant sont des médiations nécessaires pour l’accès à une maturité : nul en effet n’advient à sa pleine mesure par lui-même. Les autorités éducatives sont ces altérités au service de la structuration de l’enfant. Quand elles ont atteint leur but, elles deviennent inutiles. Tel est le paradoxe de l’autorité éducative : elle s’efface une fois accomplie sa tâche. C’est quand les autorités ont “élevé” l’enfant que celui-ci peut les quitter pour irriguer l’humanité de son travail, de son intelligence, de sa liberté, de ses alliances… Le mot confiance revient souvent dans les paroles de parents pour que l’exercice de l’autorité soit un art crédible. La confiance de l’autre nous est nécessaire pour acquérir une confiance en nous-même. La grandeur d’une autorité est de savoir prononcer une parole de confiance sur l’enfant, de signifier que la société entière espère dans chacun de ses enfants et

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qu’elle compte sur lui pour lui donner un avenir sensé. En ce sens, il existe une affinité entre la tâche éducative et la parole primordiale de Dieu dans la Bible. Car la première parole de Dieu est la prononciation d’une inconditionnelle bienveillance envers la créature et la Création : « Et Dieu vit que cela était bon ». C’est sur fond de cette initiale reconnaissance que l’appel à l’exigence, à l’effort, c’est-à-dire à la mise en œuvre de ses propres capacités créatrices, peut avoir une chance d’être entendu comme stimulant et encourageant. Dans toute la Bible résonne cette articulation de l’appel à s’aventurer en humanité et de la certitude du non-abandon : « Va, je suis avec toi ». À jamais, comme depuis toujours, les humains sont en quête d’autorités qui soient réellement au service de la protection et du progrès de leur vie.

9 mois L’AUTORITÉ FAIT SES 5 ans premiers pas À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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REPÈRES

mois

ans

9 Quels sont les fondements de l’autorité ?

Vers 18 mois, apprendre l’obéissance

Éduquer son enfant, faire preuve d’autorité, lui fixer des limites, oui mais pourquoi et surtout que puis-je attendre de mon enfant si jeune ? Du moment où le bébé acquiert une autonomie physique jusqu’à 5 ans, que se passe-t-il dans la tête de l’enfant ? Peut-il comprendre ce que nous, parents, exigeons de lui ?

Le bébé, être bienveillant Je ne peux pas lui dire non, il est si petit, si mignon, pense le parent débordant d’amour pour son enfant. Mais savoir dire non à son enfant, c’est s’assurer, dès ses premiers mois, qu’il grandit dans un environnement protecteur et stimulant. Il ne faut pas envisager l’autorité comme un seul mode de répression. L’autorité, c’est à la fois contenir des comportements dangereux pour les autres ou pour soi, mais, c’est aussi envelopper son enfant, le materner, veiller à son sommeil, le nourrir ou lui donner des jouets pour l’éveiller et prendre soin de lui. Cette autorité-là est très positive et nécessaire. L’adulte doit avoir ce souci de protection pour l’enfant car celui-ci n’a pas la

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capacité, surtout lorsqu’il est tout-petit, de savoir ce qui est dangereux pour lui et ce qui ne l’est pas. Ainsi, s’il veut prendre un objet dangereux, il faut simplement lui enlever des mains et le mettre ailleurs, puis attirer son attention sur autre chose.

Si l’enfant pleure, ne pas lui dire « ne pleure pas, ça ne sert à rien ». Il faut lui laisser au contraire le temps d’exprimer sa frustration. Cela lui permet de laisser sortir la tension qui est en lui. Pleurer est un passage nécessaire et sain.

L’autorité, c’est l’apprentissage de l’obéissance. Mais cela n’est pas immédiat. « Les parents attendent de leurs enfants qu’ils soient obéissants tout de suite, constate Véronique Guérin, psychosociologue. Or, c’est un apprentissage comme la marche ou la parole. Il ne viendrait à l’esprit d’aucun parent de gronder son enfant parce qu’il tombe lorsqu’il apprend à marcher. C’est pareil avec l’autorité, il faut être patient, et leur laisser le temps d’acquérir l’obéissance. » Certains enfants obéissent plus facilement que d’autres. Chaque enfant est différent, certains parlent plus tard ou mettent plus de temps à marcher, d’autres n’ont pas les capacités neuronales qui leur permettraient d’obéir vite et bien. Durant cette période d’apprentissage, un contexte très normatif et autoritaire peut favoriser la révolte chez l’enfant, à l’inverse, un environnement trop lâche ne lui permettra pas d’apprendre l’obéissance, nécessaire à tout un chacun.

Vers 2 ans, la phase d’opposition L’enfant commence à dire non. C’est une étape d’affir-

mation, une période où sa vitalité lui permet de sortir de la fusion avec sa mère. « C’est un enjeu très important pour toute la vie, explique Véronique Guérin. Les enfants qui ne peuvent pas exercer et essayer cette puissance restent dans les jupes de leur mère pendant longtemps ».

À 2-3 ans, immédiateté et impulsivité À cet âge, et jusqu’à 5-6 ans, l’enfant est dans l’immédiateté, il n’a pas la capacité de différer une envie et il est égocentrique. « Ne pensons pas que notre enfant est mauvais, prévient Véronique Guérin. C’est tout simplement une étape de son développe-

ment ». L’enfant est impulsif. Si on casse cette pulsion, on casse son énergie de vie et à l’inverse si on laisse faire on ne permet pas à l’enfant d’apprendre à canaliser son énergie. « On ne met pas un mur en face de l’enfant contre lequel il viendrait buter, on met des bornes le long du chemin, explique Véronique Guérin. Pour cela il faut l’accompagner. Lui dire oui dès qu’on le peut et non quand c’est nécessaire. Et si on dit non, essayer de dire oui à autre chose. Tu veux crier, je comprends que tu sois en colère, mais pas dans mes oreilles, tu vas dans ta chambre. Tu veux mordre, ok, mais pas le bras de ta sœur, mors plutôt dans une pomme. » Claire Alméras

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mois

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des parents pensent que l’autorité c’est positif.

« À l’école, on obéit pour savoir beaucoup de choses et pour grandir. »

« Ma fille fait de grosses colères » > Les conseils d’Etty Buzyn, psychanalyste Vers 18 mois ou 2 ans, l’enfant peut piquer de grosses colères parce qu’il ne supporte pas la frustration. L’adulte doit garder son calme, car l’enfant est dans le mimétisme, il copie ce qu’on lui renvoie. On peut alors lui parler et détourner son attention, car avant l’acquisition de la parole c’est compliqué pour l’enfant d’exprimer son refus ou sa frustration. Certains parents me disent que c’est malhonnête de détourner l’attention de

l’enfant. Je ne le pense pas. Parfois l’enfant ne sait même plus pourquoi il est en colère, il est empêtré dans une crise et ne sait plus comment la gérer. On peut dire à l’enfant : ta colère, c’est comme si tu te mettais en prison et que tu n’arrives plus à trouver la porte pour en sortir. Lorsqu’il est plus grand, vers 2-3 ans, on lui laisse le temps de se calmer, on l’isole dans sa chambre ou sur une chaise, s’il ne peut supporter l’éloignement. Après, il faut aller

le chercher, c’est l’adulte qui permet une ouverture. Il est très important de montrer à l’enfant qu’on comprend sa colère. Les parents peuvent aussi faire de la prévention. Par exemple, prévenir son enfant que l’on va passer devant la boulangerie, mais lui dire que l’on ne cédera pas et que l’on n’achètera pas de viennoiserie. Auteur de Je t’aime donc je ne céderai pas, Albin Michel, 2009

Témoignage d’Alice, maman de Joséphine, 4 ans.

Joséphine a été un bébé très facile puis, vers 18 mois elle s’est mise à piquer de très grosses colères, jusqu’à 7 par jour. Dès que je lui disais non, elle piquait une crise. Aujourd’hui encore, elle fait de grosses colères, mais moins fréquentes. Elle crie, devient toute rouge et se roule par terre. Une fois, elle s’est allongée au milieu de la rue. J’avais son petit frère de 6 mois dans les bras, j’allais chercher un de ses grands frères à une

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activité. Plutôt difficile de faire face à ce genre de crise. Dès la moindre contrariété, à la maison, elle hurle, alors qu’à l’école elle est très sage. J’essaye de rester calme. Souvent je l’éloigne de moi, car je suis assez “sanguine” et mes mots peuvent vite dépasser ma pensée. Mais cela demande beaucoup d’énergie,

pas seulement morale mais aussi physique, pour gérer plusieurs crises par jour. Ce qui est difficile, c’est le regard réprobateur des autres adultes, comme si j’étais une mauvaise mère. Certains oublient vite que nous passons à peu près tous par là.

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des parents pensent avoir suffisamment d’autorité.

« On obéit parce que sinon on nous punit. »

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ans

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« À deux ans, elle a un sourire d’ange, je n’arrive pas à lui dire non » > Les conseils de Véronique Guérin, psychosociologue Pour les tout-petits on ne parle pas de sanctions, car ils sont trop jeunes pour comprendre. L’objectif de la sanction est de responsabiliser l’enfant. Avant un certain âge, cela n’a pas lieu d’être. Mais ne pas obéir a des conséquences. Plus grand, vous pouvez le priver de la possibilité de jouir de quelque chose s’il ne respecte pas la règle, par exemple jouer avec un jeu s’il ne cesse de le jeter par terre, aller se coucher plus tôt, réparer une bêtise, il vous aide à essuyer s’il a fait déborder l’eau du bain… Attention à ne jamais stigmatiser l’enfant : ce n’est pas lui qui est méchant, c’est son comportement qui est répréhensible. L’autorité, c’est interdire ou obliger à certains actes. Appliquer l’autorité, c’est apprendre à son enfant à obéir à des règles constantes, qui ne varient pas selon l’humeur des parents et qui sont nécessaires pour la santé physique et psychique de l’enfant. Cela est différent de la soumission à une personne, où l’enfant se

soumet à l’adulte parce qu’il en a peur. L’autorité se passe mal si la relation avec l’enfant se transforme en duel. L’enfant dit non, l’adulte se met en colère, l’humilie et essaye de le soumettre. L’adulte doit apprendre à son enfant à intégrer les règles avec calme et empathie, parce que la colère de l’adulte entraîne incompréhension et colère chez l’enfant. Pas facile tous les jours, car nous aussi nous avons nos moments de fatigue ou de stress. Si votre enfant n’aime pas être brusqué et a besoin de temps avant d’abandonner une

activité, pensez à vous laisser une marge de manœuvre en prévoyant du temps. Si le départ à l’école le matin est laborieux, préparez avec lui les vêtements la veille. Quand l’enfant est brutal, le parent doit alors intervenir physiquement en prenant l’enfant dans ses bras, en restant calme, après lui avoir expliqué ce qu’il va faire. Il ne s’agit pas de le brutaliser, mais de le contenir pour qu’il ne se fasse pas mal ni à vous. Votre enfant ne veut pas mettre ses chaussures car il ne veut pas aller à l’école ? Mettez-lui ses chaussures. Il n’a pas le choix car,

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pour lui, c’est l’heure de l’école et, pour vous, celle d’aller au travail. Mais assez vite faites diversion en lui parlant du goûter, par exemple. Votre enfant ne veut pas prendre son bain, parce qu’il est en train de jouer avec un camion ? Autorisez-le à prendre son jouet pour aller dans le bain. L’enfant très jeune n’a pas la capacité de raisonner et de comprendre. Les parents

expliquent les règles en attendant que leur enfant comprenne et y adhère. Or, parfois il ne faut pas expliquer mais dire avec calme en étant convaincu que c’est pour le bien de son enfant : « Maintenant c’est comme ça et pas autrement ». Tout est question de dosage dans l’autorité. Si l’adulte impose toujours tout à l’enfant, il ne lui permet pas d’apprendre à faire des choix.

Il faut laisser à l’enfant un espace de liberté encadré par des règles. Tu doit mettre un bonnet parce que c’est l’hiver, mais tu préfères mettre le bleu avec un pompon ou celui de toutes les couleurs ? Auteur de À quoi sert l’autorité ? S’affirmer, respecter, coopérer, Chroniques Sociales, 2008

« Mon enfant a du mal à suivre les règles à l’école » > Les conseils de Stéphanie Chen, enseignante de petite section, à l’école Bossuet, à Paris

En petite section, l’enfant peut avoir des difficultés à suivre les règles parce qu’il découvre la collectivité et ses contraintes. Ce qui est très important pour les enfants réfractaires, c’est de préserver leur individualité dans le groupe. J’essaye de les impliquer, mais en leur proposant des moments de tranquillité et en respectant leur espace propre. Par exemple, dans des temps de rassemblement où chacun se met sur son coussin. Ou bien pendant les activités

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GUIDE CONGRÈS APEL

sensorielles, où chacun fait seul ses activités. Je propose aussi des moments où je suis seule avec un enfant pour une activité. Je réussis lors de ce tête à tête à le motiver. Je me sers aussi des rituels, pour valoriser les enfants qui ont du mal avec les contraintes et les consignes. Il y a un système de feux rouges et verts pour l’accès aux coins poupée ou dînette. L’enfant qui a le plus de mal à quitter ces coins est chargé de mettre le feu rouge qui en interdit l’accès. Pour les enfants les plus turbulents,

je propose aussi des activités surprenantes. Par exemple faire une tour, mais pour mettre la dernière et plus haute pièce, il faut monter sur la table. Cela les captive et les aide à se concentrer. L’action est un bon moyen de canaliser les enfants récalcitrants et leur faire accepter les règles. Je tolère aussi que l’enfant dise non à telle ou telle activité, car souvent il finit par dire oui. Et je répète constamment les règles et les consignes.

66%

« Quand j’obéis à mes parents je me sens très très contente. »

des parents d’élèves pensent que les enseignants n’ont pas assez d’autorité.

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ans

« On obéit à Dieu parce que c’est lui qui nous a créés, c’est lui qui a créé la terre, on doit le respecter. »

« Mon enfant ne veut pas se coucher, comment faire preuve d’autorité ? » > Les conseils d’Edwige Antier, pédiatre «Tout d’abord il ne faut surtout pas secouer son enfant ou lui donner une douche froide. Ce sont des gestes graves et nuisibles. Il ne faut pas non plus le laisser pleurer au moment du coucher. 40 ans de pratique me montre que cela ne sert à rien. Il faut au contraire calmer cette angoisse de la séparation et de la nuit. Cette période passera d’autant plus vite qu’elle sera bien gérée. Si l’enfant ne veut pas se coucher, c’est peut-être parce qu’il n’a pas sommeil. Adaptez l’heure du coucher à son rythme. Faites un tableau

du sommeil de votre enfant. Peut-être a-t-il trop dormi dans la journée ? Il vaut mieux une sieste moins longue et une nuit bien complète. Comprenez aussi que votre enfant est non seulement en pleine phase de découverte, mais qu’il veut aussi être avec ses parents qu’il n’a pas vus de la journée. Enfin, si votre enfant prend un biberon le matin, je conseille d’en donner un le soir avant le coucher. Le lait est un très bon somnifère. » Auteur de L’autorité sans fessées, Robert Laffont, 2010

À LIRE • Les psys-trucs pour les enfants de 3 à 6 ans, de Suzanne Vallières, Les éditions de l’Homme, 2009 • Éduquer sans punir de Thomas Gordon, Marabout, 2009

• Votre enfant et la discipline, de T. Brazelton et J. Sparrow, Fayard, 2004

UN SITE • Un site internet www.enfant.com, site de Enfant magazine en partenariat avec Femme actuelle.

À LIRE AVEC VOS ENFANTS • Grosse colère, de Mireille d’Allancé, l’École des loisirs

• Les colères, de Catherine Dolto, Gallimard Jeunesse Giboulés

• T’Choupi est en colère, de Thierry Courtin, Nathan • Au lit, petit monstre !, de Ramos Mario, l’École des loisirs

• Non, non et non !, de Mireille d’Allancé, l’École des loisirs

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REPÈRES

ans

5 Quelle place pour l’adulte, quelle place pour l’enfant ?

Passés le cap des 5-6 ans et l’entrée en primaire, les enfants semblent tout à coup plus autonomes. Mais attention à ne pas se méprendre sur cette nouvelle aisance. Pour s’épanouir, ils attendent encore de leurs parents des règles et des limites. Le point avec Béatrice Copper-Royer, psychologue clinicienne.

5 -10 L’ENFANT N’EST PAS ans un petit adulte 14 |

GUIDE CONGRÈS APEL

Considère-t-on aujourd’hui les enfants comme des ados ? Q u e l s s o n t l e s risques de cette confusion ? Béatrice Copper-Royer : Dans la société actuelle, tout va très vite et les enfants sont pris dans ce mouvement d’accélération générale. Familiers des nouvelles technologies, ils sont très débrouillards sur Internet. Et la mode tend à gommer les générations, avec la création de collections mère/fille, notamment. Très vite, les enfants s’habillent comme s’ils avaient 14-15 ans. Ces comportements laissent penser qu’ils seraient devenus matures. Or, les enfants n’ont pas encore d’autonomie psychique et ont besoin d’adultes pour les aider à grandir. Ce

n’est pas parce qu’ils maîtrisent bien portables et ordinateurs qu’il ne faudrait pas leur donner un recul critique sur leurs usages, par exemple.

Mais en leur laissant une marge de choix, ne les incite-t-on pas à prendre des initiatives ? B. C.-R. : Les parents doivent expliquer leurs décisions et entendre les contestations de leurs enfants. Mais certains choix sont des choix

d’adultes ! Sinon on place les enfants devant des alternatives qu’ils n’ont pas les capacités de résoudre, du type : préfères-tu aller en colonie ou chez mamie pour les vacances ? Veux-tu redoubler ou passer dans la classe supérieure ? En posant ces questions, on inquiète l’enfant au lieu de l’aider à s’affirmer, car on le laisse seul devant des situations complexes.

Pourquoi les parents peuvent-ils se sentir bloqués dans cet exercice de l’autorité ? B. C.-R. : Les parents sont désireux de très bien faire et placent la barre très haut. L’idée même de priver l’enfant de quoi que ce soit les culpabilise. Or, tout

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ans

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enfant doit passer par des renoncements pour se construire. Par ailleurs, il y a une confusion sur ce que serait son bien-être. Le bonheur d’un enfant, c’est d’avoir des parents qui l’aiment, soient capables de l’éduquer et de le rassurer. Les limites qu’on lui fixe sont autant de repères pour lui permettre de développer sa sécurité intérieure,

donc de supporter le conflit et le jugement des autres. Soutenu par ses parents, il peut ainsi vraiment prendre son envol.

> Les conseils d’Ostiane Mathon, enseignante à l’école Saint-

Propos recueillis par

Louis de Montcalm (Paris)

Aurélie Djavadi

Auteur de Vos enfants ne sont pas des grandes personnes, Albin Michel, 2010

Le bonheur d’un enfant, c’est d’avoir des parents qui l’aiment, soient capables de l’éduquer et de le rassurer.

En dissimulant ses mauvais résultats scolaires, il manifeste un malaise certain. Votre enfant craindrait-il de perdre votre estime ? Redoute-t-il vos reproches ? Tout en le plaçant face à ses responsabilités, il s’agit d’établir un autre dialogue autour des notes.

faut donc rester ferme, mais aussi cerner les raisons de son comportement. Questionnez votre enfant sur ce qui s’est passé : lui donner la parole, c’est déjà l’aider à reprendre confiance en lui. Montrez une continuité entre votre autorité et celle de l’enseignant : expliquezlui que, vis-à-vis de son école, il vous a mis dans une situation en porte à faux. Par ailleurs, votre enfant doit comprendre qu’il a tout à gagner dans cette communication : en cachant les mots de son carnet ou ses notes, il vous prive d’une occasion de parler de ses problèmes et de les traiter.

Remettre les notes en perspective Ne vous seriez-vous pas trop

GUIDE CONGRÈS APEL

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« Il commence à me cacher ses mauvaises notes »

Il a enfreint les règles. Il

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29%

des 15-24 ans estiment que les adultes ne font pas preuve d’autorité car ils ont peur de perdre l’amour de leurs enfants.

ans

« Si un enfant est plus grand, il a plus d’autorité. »

focalisés sur les notes ? Les cacher serait alors une manière d’échapper aux remontrances. Il n’est certes pas évident de prendre du recul par rapport aux notes : l’école leur accorde une si grande place ! Cependant, il y a un message clé à faire passer aux élèves : ils ne se résument pas à leurs notes, un 6 ou un 4 reflètent seulement leur niveau dans une matière, à un instant “t”. Cela implique d’examiner avec eux les copies qu’ils ramènent, bonnes ou mauvaises, dans leur ensemble. « Tu t’en es bien tiré cette fois-ci, on va regarder comment tu t’y es pris », ou encore « Tu as perdu des points, mais regarde, c’est normal, tu as oublié une retenue »… Avec de telles discussions, on peut vraiment déterminer leurs acquis, et les encourager à progresser.

menacer d’être privé de sortie s’il échoue ? Le chantage à la note s’écarte du véritable enjeu : la compréhension des notions et leur apprentissage. Si l’enfant n’a pas bien révisé, il devra l’assumer en reprenant ses leçons, et en rognant pour cela sur ses loisirs, par exemple. La sanction doit rester constructive, sous peine de perdre son sens, et d’entraîner un sentiment d’injustice. Rien n’empêche de féliciter un enfant, mais aprèscoup, sans avoir recours à la carotte ni au bâton. Auteur de Un projet… pour repenser la relation parents/enseignants, Éditions Delagrave, 2009.

Récompenses/ punitions : un système à éviter Lui promettre un cadeau en cas de réussite, ou le

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17


ans

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43%

des parents pensent que le dialogue permet d’exercer une bonne autorité.

« On obéit aux parents, grandsparents parce que, en général, ce qu’ils disent est vrai. »

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ans

« À la maison je désobéis, mais pas à l’école, parce que je n’ai pas envie d’avoir des gommettes noires et de me faire virer. »

Témoignage de Frédérique, maman de Théo (10 ans) et de Lola (8 ans).

La difficulté, c’est d’aller au bout de la sanction. Pour les jeux vidéo, nous avons instauré une règle dès le début : dans la semaine, il n’y touchent pas, car ils ont d’autres activités. Le weekend, ils sont autorisés à y jouer, mais pendant une durée déterminée. Un jour, mon fils ne voulait pas s’arrêter, et il était très désagréable. Je lui ai donc confisqué sa console. On les avertit, on leur répète que c’est la dernière fois qu’on leur dit ceci ou cela. Mais si on ne va pas jusqu’au bout de la sanction, on risque de se

retrouver sans arrêt dans la même situation. Les enfants n’ont pas les mêmes intérêts que nous en tête. Qu’ils ne retrouvent pas leurs affaires parce qu’ils les ont mal rangées, cela ne les gêne pas plus que ça. C’est donc important de leur expliquer les règles, dès que possible. Il ne s’agit pas d’obéir pour obéir, mais d’apprendre à vivre en société. Par exemple, je les rappelle pour qu’ils viennent ranger la salle de bains, s’ils ne l’ont pas fait après leur

passage. En colonie, ils ne pourront pas se comporter ainsi. Je leur demande aussi de m’aider dans les tâches ménagères. Faire ensemble, c’est une façon de leur montrer l’exemple et de les inciter à participer à la maison. Ma fille voulait sortir faire du roller sans protections. Elle a un caractère assez fort, et avec elle, il faut beaucoup dialoguer. Au lieu d’aller à la confrontation en lui disant « tu ne sors pas, point », je lui ai parlé d’une personne qui s’était cassé le poignet. Comme elle la connaissait, c’est un exemple qui l’a touchée. Ainsi, j’ai pu négocier pour qu’elle protège ses poignets et ses coudes. »

« Mon enfant est soumis à l’influence de ses copains » > Les conseils de Nicole Catheline, pédopsychiatre Votre enfant est impressionné par un groupe de camarades qui fait la loi dans la cour de récré ? Il tombe dans le piège des « t’es pas cap », et se fait prendre à leur place ? Ou même subit des moqueries, voire des insultes ? Pour l’aider à s’en sortir et lui redonner confiance en lui, le recours à l’autorité des adultes est indispensable.

Les histoires avec ses copains/copines, ce sont ses affaires ? Certes, il est

Il ne s’agit pas d’obéir pour obéir, mais d’apprendre à vivre en société.

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GUIDE CONGRÈS APEL

important de laisser un enfant se frotter à la vie en groupe, ses bonheurs et ses aléas. Mais, sans intervenir à tout bout de champ, il faut garder un œil sur ce qui s’y passe. Mauvaises plaisanteries, railleries constantes, ou tyrannie d’un élève : il y a des problèmes dont un enfant ne peut venir à bout seul. Livrés à eux-mêmes, en

effet, les enfants établissent des rapports de pouvoir et de soumission. Il revient aux adultes, par leur autorité, de réguler ces relations et de les initier au respect des autres… Bref, les difficultés de la cour de récré ne se régleront pas d’elles-mêmes. S’impliquer en tant que parent est alors nécessaire.

« Laisse-les dire, ils se lasseront » ? Rien de moins sûr. Au contraire, il faut tout de suite aider votre enfant à mettre en place des stratégies de défense. « Que s’est-il passé ? », « Si tu avais pu, qu’aurais-tu fait ? » : analysez la situation avec calme, sans vous voiler les yeux, et en lui montrant que vous croyez en lui. L’inscrire à des activités extrascolaires peut l’aider à aller de l’avant. À condition de bien choisir le groupe en

question, pour prévenir d’autres faux pas, et de s’entretenir avec son responsable au préalable.

Ne contactez pas directement les parents des autres enfants en cause, cela provoquerait des réactions passionnées. En revanche, il est crucial d’alerter l’enseignant, car la solution réside dans un travail de fond sur la dynamique de la classe. Préparez la rencontre et misez sur la diplomatie, pour éviter que votre enfant ne soit soupçonné de se plaindre à tort. N’hésitez pas à solliciter les représentants des parents d’élèves, qui pourront vous aiguiller, et même assurer une médiation. Auteur de Harcèlements à l’école, Albin Michel, 2008.

À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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ans

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L’autorité à l’épreuve de la société actuelle

« L’autorité, ça sert à apprendre ! »

« Mon enfant veut décider de tout »

On ne peut être en permanence dans une atmosphère paisible, sans conflit d’opposition, lorsque l’on éduque un enfant.

Comment maintenir le cap de l’autorité dans le cas de familles recomposées ou monoparentales, quand votre enfant, jeune adulte, revient vivre à la maison ou quand le savoir du professeur est remis en cause par Internet ?

De nouvelles formes d’autorité

> Les conseils de Martine Robustelli Neu, professeur d’anglais et formatrice d’enseignants dans l’enseignement catholique

« Qu’un enfant exprime des souhaits et cherche à obtenir toujours plus, rien de plus normal : cela fait partie de la construction de sa personnalité. Aux pères et aux mères de poser leurs limites. Eux seuls peuvent juger de ce qui est dangereux, raisonnable, acceptable, etc. Un enfant, de 5 à 10 ans, n’en a pas la maturité. Il ne peut se douter de toutes les conséquences qu’entraînent ses actes et ses désirs, par exemple installer une télé dans sa chambre. C’est en dialoguant avec ses parents qu’il comprendra pourquoi on n’offre pas un parfum de jeune fille à une amie de 8 ans pour son anniversaire, et manger trois glaces d’affilée n’est pas une bonne idée… Les problèmes surgissent lorsque les parents abandonnent ce rôle de leaders. En laissant un enfant décider de tout, on le transforme en victime,

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car on le prive d’une part de son éducation. Si vous avez toujours cédé à ses demandes, il sera difficile, mais pas impossible, de changer la donne. Certes, vous passerez par des scènes et des phases de chantage du type « je ne t’aime plus ». Mais souvenezvous qu’on ne peut être en permanence dans une atmosphère paisible, sans conflits d’opposition, lorsque l’on éduque un enfant. Par ailleurs, votre enfant sera rassuré de sentir un guide à ses côtés ». Auteur de Enfant roi, enfant sans loi : apprenons à dire non !, Res Publica éditeur, 2010

Fini l’autorité du père de famille, du professeur, de l’homme politique… Les repères traditionnels sont bouleversés. Y-a-t-il pour autant une crise de l’autorité ? Le regard de Pierre-Henri Tavoillot, philosophe.

À LIRE • L’autorité expliquée aux parents, Claude Halmos, NiL éditions, 2008 • Non tu n’es pas encore ado. Les huit-douze ans sont toujours des enfants, Béatrice Copper-Royer, Guillemette de La Borie, Albin Michel, 2004 • Il est permis d’obéir : l’obéissance n’est pas la soumission, Daniel Marcelli, Albin Michel, 2009 • L’autorité, pourquoi, comment. De la petite enfance à l’adolescence, de Anne Bacus, Marabout, 2005

DES SITES • www. vosquestionsdeparents. fr, un site du groupe Bayard. • www.apel.fr

«L’

autorité (du lat i n “ a u g e r e ”, augmenter) est cette opération mystérieuse qui permet d’augmenter un pouvoir ou la force d’un argument. Jadis, elle venait de trois sources. Le passé : c’est l’exemple des institutions de la Rome antique, la fondation de la cité revêt un caractère sacré d’où les dirigeants tirent leur légitimité. Le cosmos : pour les philosophes grecs, la connaissance des lois de l’univers permet de mettre de l’ordre dans l’existence de l’homme. Et enfin le divin : « Celui qui résiste à l’autorité se rebelle contre l’ordre établi par Dieu », écrit Saint-Paul (Épître aux Corinthiens, 13, 1-7). Aujourd’hui, l’autorité absolue est rejetée, de nouvelles formes d’autorité apparaissent plus complexes

parce que traversées par le doute. On construit donc de nouveaux modèles que l’on n’a de cesse de déconstruire. Ainsi, fait-on confiance à trois formes d’autorité, tout en les critiquant (notons que la critique de l’autorité est, depuis la Renaissance et non pas mai 68, l’expression majeure de la modernité). C’est d’abord l’autorité de la science et de l’expertise dans de nombreux domaines et en particulier celui de l’éducation. Mais le savoir peut accompagner le pouvoir, il ne le remplace pas. Vient alors l’autorité liée au charisme : c’est ce qu’on attend du professeur, du responsable politique, du dirigeant d’entreprise. Avec toutes les réticences qu’engendre la notion de leader : « Il n’est point de pire tyran que celui qui sait se faire aimer », disait

Spinoza. On peut y ajouter l’autorité de la sollicitude et de la compassion. La victime fait de nos jours autorité pour le meilleur (démonstrations de solidarité mondiale) et pour le pire (quand la souffrance confère des droits, voire des privilèges, et conduit à la démagogie). Je ne vois pas là les signes d’une disparition de l’autorité, mais plutôt de sa reconfiguration, quête d’une figure idéale, qui ne nous en impose pas mais qui soit compatible avec la liberté individuelle acquise depuis plusieurs siècles. L’autorité n’est pas près de disparaître.» Propos recueillis par Sylvie Bocquet

Auteur avec Éric Deschavanne de Philosophie des âges de la vie, Grasset, 2007

À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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L’autorité à l’épreuve de la société actuelle

L’autorité à l’épreuve de la société actuelle

Le savoir scolaire doit encore faire autorité Internet, réseaux sociaux, télévision... la concurrence est rude pour les savoirs scolaires qui n’ont plus vraiment la cote auprès des jeunes générations. Pour Alain Bentolila, professeur de linguistique à Paris V, il est urgent de résister. Il nous explique comment. Comment expliquer ce désamour des jeunes pour le savoir scolaire ? Alain Bentolila : 75 % des jeunes lisent mal, mais pas comme les illettrés d’autrefois, qui déchiffraient laborieusement. Aujourd’hui, ils ne lisent pas le texte, ils essayent de trouver des indices qui donnent lieu aux interprétations les plus inattendues. Nous avons changé d’époque, le texte ne fait plus autorité, l’auteur (n’oublions pas que le mot autorité vient du latin “auctor”) a disparu pour laisser place à un lecteur tout-puissant. Et ce désamour avec le savoir scolaire, qui va de pair avec une ringardisation de la culture, a créé une fracture culturelle inquiétante. Il met en danger la classe moyenne de nos élèves.

À qui la faute ? A. B : À la télévision qui formate les esprits. À un certain usage d’Internet. Savez-vous que 1 000 pages de Facebook contiennent seulement

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552 mots, soit le vocabulaire d’un enfant de CP qui a du mal à apprendre à lire ? Qu’on ne me dise pas que c’est l’époque qui veut ça. Quand un courant met en péril la résistance intellectuelle de ses enfants, il est urgent de s’y opposer.

Comment ? A. B : Il faut apprendre des mots de vocabulaire aux enfants. Les enseignants ne doivent pas avoir peur d’employer une langue claire et précise, sans se soucier des sourires moqueurs de certains élèves.

Ils doivent mettre en place des rituels d’apprentissage : tous les jours, un temps fort pour découvrir des mots nouveaux. C’est aussi une mission familiale. Utiliser un cahier de vocabulaire, outil de liaison entre la maison et la classe. Instituer des rendez- vous de lecture : surtout pas pour endormir les enfants mais quand ils sont bien éveillés au contraire ! Tout cela demande du temps, mais c’est notre rôle de parents de donner du sens aux apprentissages, de proposer à nos enfants des activités culturelles et de développer leur esprit critique. Ne baissons surtout pas les bras ! Auteur de Tout sur l’école, Odile Jacob, 2004.

L’autorité au sein des familles recomposées Les trois avis d’une magistrate, d’un pédopsychiatre et d’un sociologue.

L’avis de MarieChristine Dallas, magistrate, ancien juge aux affaires familiales ◗ En droit, le beau-parent n’a pas d’autorité parentale sur l’enfant de son conjoint ou de son concubin. S’il peut effectuer certains actes usuels comme, par exemple, l’emmener à l’école ou à une consultation médicale, c’est uniquement parce que le père ou la mère lui a, de manière plus ou moins tacite, délégué ce droit. Si donc un juge se retrouve face à un adolescent qui ne respecte pas son beau-père ou sa belle-mère, le seul discours qu’il puisse lui tenir est celui du bon sens. Il va lui rappeler le nécessaire respect de l’autorité de tous les adultes qui en sont dépositaires (père, mère, enseignants, contrôleur de bus…) . Ensuite, il va lui dire que son beau-parent doit être respecté, parce que c’est une personne avec laquelle son père ou sa mère a tissé des liens et qu’il n’a pas à juger. Nombre d’adolescents sont, en effet, très sensibles à cette

notion de lien. Maintenant, bien sûr, le gendarme de ce respect, c’est le parent qui, juridiquement, détient l’autorité. À lui donc de savoir jouer son rôle et de reprendre son enfant s’il n’agit pas correctement avec son beau-parent.»

L’avis de MarieClaude Vallejo, pédopsychiatre ◗ Si le beau-parent sait se montrer prudent et discret, les choses se passent, en général, très bien. Même avec un adolescent. Tout se complique, en revanche, quand, de manière naïve, se sentant investi d’une mission, il cherche à prendre la place du parent absent et entend refaire à lui seul l’éducation de l’enfant ou de l’adolescent. » D’abord, t’es pas ma mère !, Marie-Claude Vallejo, Albin Michel, 2006.

L’avis de François de Singly, sociologue à l’université Paris Descartes ◗ Le beau-parent qui s’entend rétorquer « T’es pas mon père, t’as rien à me dire » doit répondre : « Effectivement, je n’ai pas d’autorité sur toi, au sens juridique du terme. En revanche, je peux très bien avoir à te dire quelque chose parce que l’on vit ensemble et qu’il y a des règles à poser pour réussir ce vivre ensemble ». L’essentiel de la vie quotidienne en famille, ce n’est pas de l’autorité mais du lien et, du coup, le beau-parent peut occuper une immense place. À lui d’admettre en retour que, dans la famille moderne, tout le monde peut avoir à dire quelque chose, y compris les enfants. » Comment aider l’enfant à devenir lui-même ?, François de Singly, Armand Colin, 2009.

À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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L’autorité à l’épreuve de la société actuelle

Quand le jeune adulte tarde à prendre son envol Fin d’un cursus de formation ou d’un CDD, retour d’un stage à l’étranger, les jeunes sont nombreux à revenir dans le nid familial. Quelles règles définir pour que cette cohabitation ne se transforme pas en co-location pesante ?

> Les conseils de Xavier Pommereau, psychiatre

«Quand un adolescent qui grandit vit toujours chez ses parents, il faut l’inciter à mettre la main à la pâte et contribuer

financièrement à la vie familiale. Accepter des petits boulots pendant l’année, travailler au moins un mois l’été... Les parents ne sont pas uniquement des vaches à lait. Trop d’adolescents sont complètement assistés. Or, pour qu’ils puissent se projeter dans une vie d’adulte, ils ne doivent pas être traités comme des consommateurs passifs de biens matériels. »

Témoignage d’Aurélie, maman de trois enfants.

Au secours, mon ado revient à la maison !» « Quand notre fille aînée est revenue à la maison entre deux expériences professionnelles, nous l’avons accueillie à bras ouverts. C’est à la fois délicat car nous sommes face à une jeune adulte qui a pris son indépendance et enrichissant, elle nous demande conseil pour ses projets. Nous réussissons à

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GUIDE CONGRÈS APEL

rester fermes sur les règles de vie commune : elle doit faire sa chambre, ranger la salle de bains après chaque passage... En revanche, nous n’arrivons pas à lui imposer des horaires. Les aspects matériels sont également lourds : de nouveau le réfrigérateur est à remplir, le panier à linge déborde, sans compter toutes les

affaires personnelles qu’elle a rapportées ! La prochaine étape : salariée depuis presque un an, elle vient d’acheter son appartement et a décidé de voler de ses propres ailes. Mais notre seconde fille nous a annoncé qu’elle revenait à Paris pour un stage de quelques mois. Les allers-retours sont loin d’être terminés ! »

11-18 QUAND L’ADOLESCENCE ans s’en mêle À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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des 15-24 ans pensent que les parents n’ont pas suffisamment d’autorité.

REPÈRES

ans

11 Que faire quand l’autorité est malmenée ?

Le point avec Alain Fuseau, pédopsychiatre, responsable de la Maison des adolescents du Havre (76) et président de l’association nationale des Maisons des adolescents. Pourquoi les adolescents résistent-ils à l’autorité ? Alain Fuseau : L’adolescence est une période de quête identitaire où il est normal, d’avoir des conduites d’opposition. L’enfant est plutôt “comme” ses parents alors que l’adolescent, lui, est dans un phénomène d’inversion. Pour réussir à se définir, il a davantage besoin de décider de ne pas être “comme” que de décider d’être “comme”. C’est dans la différence avec les adultes que tout va se jouer. Et, d’ailleurs, pas forcément avec tous les adultes puisque certains d’entre eux vont, parfois, au contraire, lui servir de modèles d’identification : un oncle, une grandmère, un enseignant… Cette résistance est donc plutôt bon signe ? A. F. : Tout à fait ! À condition, bien sûr, que cela ne prenne pas des proportions infernales. D’ailleurs, quand

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GUIDE CONGRÈS APEL

importe, en tout cas, c’est que les parents, à ce moment-là, ne modifient pas leurs modalités éducatives, en devenant subitement très laxistes ou, au contraire, sévères comme ils ne l’ont jamais été. L’adolescent, en effet, ne comprendrait plus de se retrouver face à des parents qui ne sont pas fiables. un adolescent se présente à ma consultation et que je ne perçois aucune velléité de résistance à l’autorité, je suis inquiet car cela fait partie du processus de construction psychique.

Comment les parents doivent-ils réagir ? A. F. : Selon les adolescents et l’environnement dans lequel ils ont été éduqués, les conduites d’opposition sont plus ou moins spectaculaires. Il y a lieu de s’inquiéter dès lors qu’elles durent ou prennent des formes très graves. Ce qui

À quelle période de l’adolescence, cette résistance à l’autorité est-elle la plus visible ? A. F. : Pour les filles, souvent dès la 5e et jusqu’à la fin du collège. Pour les garçons, plutôt en 3e et 2nde, voire jusqu’en 1r e . C h a q u e a d o l e s c e n t connaît, en principe, deux années vraiment difficiles en sachant que c’est rarement en continu, qu’il y a des pics et des périodes d’apaisement.

« Quelqu’un qui a de l’autorité, il empêche la liberté de l’autre. »

18

ans

66%

« LES ADOS DEMANDENT À LEURS PARENTS DES RÈGLES ET DES LIMITES » > L’avis de Xavier Pommereau, psychiatre « Le mot d’ordre des adolescents, c’est : lâchez-nous... mais ne nous laissez pas. Rien de pire pour eux que les remarques laxistes du style : « Fais ce que tu veux », qui les conduisent à pousser les limites le plus loin possible pour susciter une réaction. Ce que les adolescents demandent à leurs parents, même s’ils râlent contre leur autorité, ce sont des règles et des lois. Ils doivent être les protecteurs, les garants. On ne fume pas du cannabis, on ne roule pas sans casque sur son scooter, on ne sort pas le soir à 15 ans sans dire à ses parents où l’on va et avec qui. Ainsi, les adolescents se font une certaine idée de la “pureté parentale” et sont mal à l’aise avec tout ce qui peut salir cette image. Dans le cas de parents fumeurs, par exemple, mieux vaut qu’ils déplorent ouvertement leur dépendance : « on a

malheureusement essayé d’arrêter sans succès, mais essayons de faire de la maison un espace sans tabac ». Ainsi les règles seront applicables par tous et donc respectables. » Auteur de Ados en vrille, mères en vrac, Albin Michel, 2010

Les parents doivent être les protecteurs et les garants.

Propos recueillis par Lise Dupas

À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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ans

11

« Il ne veut plus que je vérifie son travail scolaire malgré des résultats médiocres » >

65%

« Faut un minimum d’autorité dans la société pour que ça puisse marcher. »

des 15-24 ans considèrent que les enseignants n’ont pas assez d’autorité.

18

ans

« De nos jours il n’y a plus d’autorité. Tout est inversé, ce sont les enfants qui ont de l’autorité sur les adultes. »

« Il passe trop de temps sur Facebook » >

Les conseils de Brigitte Prot, psychopédagogue, enseignante et

Les conseils de Jacques Henno, journaliste, conférencier, spécialiste des nouvelles technologies

formatrice

«Les adolescents ont beaucoup de mal à supporter le regard inquisiteur de l’adulte. Surtout à partir de la 4e, au moment où ils essaient de devenir indépendants et sont en train de passer un cap vers davantage d’autonomie. Attention, donc, en tant que parent à ne pas avoir une attitude trop pesante. Inutile, par exemple, de chercher coûte que coûte à aider son enfant le soir ou le week-end de la même façon qu’on le faisait, quand il était en 6e. Car on court le risque d’être rejeté. Pour autant, quand on s’entend dire, par son enfant, « Laisse-moi, je me débrouille tout seul ! » et que le bulletin trimestriel n’est pas bon, mieux vaut ne pas baisser les bras tout de suite et chercher à réfléchir. Il s’agit là, en effet, d’une phraseécran qui peut cacher bien des choses. Une façon, d’abord, pour l’adolescent, de tester la capacité de ses parents à résister. Mais également – et aussi paradoxal que cela puisse paraître – un vrai

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GUIDE CONGRÈS APEL

besoin d’être aidé, à condition, toutefois, que ce soit une aide qui ne les étouffe pas et leur permette de savoir faire tout seuls. En tant que parent, dès lors qu’on se retrouve confronté à une telle situation, il convient donc de procéder avec mesure, en privilégiant la politique des petits pas. Si, par exemple, le contrôle de maths a été raté, pas question de dire à son enfant : « On refait le cours et on y passe la soirée si nécessaire ! », mais plutôt : « Je te fais confiance pour me dire ce que tu n’as pas compris et comme je n’ai pas envie de te laisser te battre tout seul face

aux difficultés, si tu veux, on s’y met une demi-heure. » Une aide, bien dosée et toujours limitée dans le temps, a toutes les chances d’être bien accueillie. Il y aurait, d’ailleurs, danger à ne pas la proposer. Je rencontre, en effet, dans ma pratique, nombre d’adolescents qui, arrivés en 2nde ou en 1re, reprochent soudain à leurs parents de ne pas les avoir assez cadrés quand ils étaient au collège. » Auteur de J’suis pas motivé, j’fais pas exprès, Albin Michel, 2003.

Plutôt que de dénigrer cette activité, cherchez à comprendre pourquoi il y passe du temps. Est-ce un refuge parce qu’il peine à communiquer avec son entourage ? Ou encore, à cet âge où nombre d’adolescents ne sont pas très à l’aise dans leur corps, est-ce que cet outil n’est pas devenu, pour lui, le moyen idéal de s’ouvrir au monde en ne transmettant de lui que les images où il pense être à son avantage ? Enfin, serait-il rentré dans une compétition avec des élèves de sa classe pour être celui qui réussira à se faire le plus d’amis sur Facebook ?

Instaurez le dialogue. Expliquez-lui que Facebook est, avant tout, une entreprise commerciale qui, parce qu’elle vit de la publicité, a besoin d’audience et a tout intérêt, par conséquent, à ce que ses utilisateurs y restent connectés le plus longtemps possible. Aidez-le également à réfléchir aux limites de ce réseau social : au fait,

notamment, que ses amis sur Facebook n’ont, au fond, rien à voir avec de vrais amis, ceux sur qui on peut compter en cas de difficulté.

Sans diaboliser cet outil, mettez-le en garde contre ses dangers potentiels. Demandez-lui, d’abord, s’il a bien paramétré son profil pour ne le rendre accessible qu’à ses amis et éviter ainsi que ses informations, photos et vidéos ne soient visibles par n’importe qui et, notamment, par des adultes mal intentionnés. Profitez-en pour lui rappeler qu’il n’a pas le droit de diffuser de photos de ses camarades sans une autorisation écrite de leurs parents. Enfin, réagissez si votre enfant est inscrit sur Facebook alors qu’il a moins de 13 ans. C’est interdit et le signe, donc, qu’il a triché sur sa date de naissance.

millions d’utilisateurs dont quinze millions en France. Dites-vous, d’ailleurs, que cette activité a toutes les chances de n’être qu’une passade et que votre enfant va finir par s’en fatiguer tout seul.

Montrez l’exemple. Si l’on veut détourner son enfant de Facebook, attention à ne pas passer soi-même trop de temps sur les écrans et à prévoir diverses activités (sorties, visites, rencontres avec des amis…) qui donnent envie à toute la famille de faire autre chose. Auteur de Les 90 questions que tous les parents se posent (téléphone mobile, Internet, jeux vidéo…), éd. Télémaque, 2008.

Dédramatisez. S’il existe des cas d’addiction aux jeux vidéos, ce n’est pas le cas pour Facebook qui compte, aujourd’hui, quatre cents

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ans

11

« Certains profs ont une certaine prestance, une manière d’être. C’est ça l’autorité. »

41%

des parents et des ados estiment que ce sont les classes trop chargées qui sont la cause d’un manque d’autorité des enseignants.

18

ans

« Autorité et éducation, ça ne peut pas fonctionner l’un sans l’autre. Faut toujours avoir un peu peur de ses parents. L’autorité, ça nous fait évoluer. »

«IL Y A TRENTE ANS, JE TROUVAIS GLOBALEMENT EN GERME LES MÊMES COMPORTEMENTS QU’AUJOURD’HUI » > L’avis de Daniel Watremez, directeur du collège-lycée Saint-Louis Saint-Clément à Viry-Châtillon (91)

« Ma fille veut que je lui achète des vêtements de marque » > Les conseils de Didier Pleux, docteur en psychologie du développement, psychologue clinicien « Il y a un vrai travail éducatif, à mener sur le long terme, pour faire comprendre à son enfant que coller à la mode, c’est accepter d’être cloné et donc refuser toute singularité. Si, toutefois, un jour, un parent se retrouve dans la situation où son fils ou sa fille exige les mêmes vêtements de marque que ses pairs, il ne faut surtout pas hésiter à lui répondre : « Non ! Il n’en est pas question ! » ou encore

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GUIDE CONGRÈS APEL

« Je trouve cela ridicule ! ». Beaucoup de pères et de mères, aujourd’hui, n’osent plus être authentiques, n’osent plus dire non par crainte du conflit, par peur que leurs enfants n’explosent, surtout à l’âge de l’adolescence. Ils ont tort car la frustration, c’est justement ce qui construit le psychisme. Si maintenant, l’adolescent ne veut pas en démordre, reste alors à lui apprendre le principe de réalité : « Très bien, mais

comment comptes-tu te les offrir ? Avec quel argent ? ». Bien sûr, on évitera, dans ce cas, de tomber dans la contradiction en lui fournissant l’argent de poche qui lui permettrait de se les procurer. Et, si on estime qu’il fait un mauvais usage de cet argent, alors on n’hésitera pas à le gérer soi-même. »

On dit volontiers qu’il est de plus en plus difficile d’affirmer son autorité face aux élèves. Qu’en pensez-vous ? Daniel Watremez : Il est indéniable que la société a évolué, que les jeunes vivent des choses qu’on ne vivait pas et que le commerce en a fait des clients. Pour autant, si je regarde en arrière, je n’ai pas le sentiment que la différence soit aussi grande qu’on veut bien le dire. Chez les adolescents avec qui je discutais, il y a trente ans, je trouvais globalement en germe les mêmes comportements qu’aujourd’hui. L’idée que nous serions dans une époque totalement incroyable me fait sourire. Du moins, dans un établissement classique.

qu’elle est nécessaire. Tout jeune professeur, j’ai vite pris l’habitude d’avoir une relation humaine avec mes élèves, de les considérer autrement que dans leur seule fonction d’élèves, comme mes frères et sœurs. Mais il vous arrive de sanctionner durement ? D. W. : Bien sûr ! Et, d’ailleurs, je le dis à l’élève pour qu’il comprenne bien que ce n’est pas de gaieté de cœur et qu’il n’y a, chez moi, aucun sentiment de vengeance. Pour les choses moins graves, je privilégie l’humour tendre. Je ne dis pas l’ironie. Nombre de situations peuvent se régler parfois d’un simple regard. Cela suppose, évidemment, que la personne ait la confiance de ceux qui reçoivent l’autorité.

Quelle est votre conception de l’autorité ? D. W. : En tant que chef d’établissement, l’autorité a été mon premier sujet de réflexion. Et en m’interrogeant, j’ai compris qu’elle était provisoire. J’ai souvent comparé mon rôle à celui d’un tuteur. Une fois que la plante a poussé, on l’enlève. Ensuite, l’autorité que j’ai sur quelqu’un ne se justifie que parce qu’elle va lui permettre de grandir et que je sais

Auteur de Un enfant heureux, Odile Jacob, 2010.

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ans

11 Témoignage de Éléonore L., 40 ans, maman de Charlotte (14 ans)

Ma fille me demande d’aller à des booms et cela me fait très peur… … car pour les adolescents d’aujourd’hui, il n’y a pas de soirée réussie sans alcool. Souvent, sous prétexte de ne pas gêner, les parents qui invitent ne sont pas là et du coup, les jeunes sont complètement livrés à eux-mêmes. Pour que Charlotte y aille le moins souvent possible, je me débrouille donc, quand je sais qu’elle aura une invitation, pour prévoir un week-end à la campagne. Je lui ai même proposé, cette année, d’organiser à la maison son anniversaire, mais parce qu’elle savait qu’il n’y aurait pas d’alcool et que je serais présente, elle a refusé. Elle n’avait pas envie d’être la risée du groupe, le lendemain, en arrivant au collège. J’ai bien essayé d’en

parler autour de moi. Malheureusement, j’ai le sentiment de ne pas être entendue. Les parents, semble-t-il, n’osent pas dire non à leur enfant par peur d’affronter leur colère mais aussi parce qu’ils se culpabilisent. « Est-ce que je ne vais pas le couper du groupe ? », se disent-ils. Du coup, ils acceptent de fermer les yeux sur un certain nombre d’inconvénients, dont l’alcool ! Quand j’en discute avec ma fille, elle a l’air d’accord avec moi. À treize ans, toutefois, elle est très malléable, très naïve et je crains que, face à la pression du groupe, mes arguments n’aient que bien peu de poids ! »

42%

« On ne peut pas imposer l’autorité à l’adolescence. Faut que les parents s’y prennent avant. »

des parents estiment que montrer le bon exemple permet d’exercer une bonne autorité.

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ans

« Mes parents je trouve qu’ils sont trop stricts. Mais mon enfant, il aura encore moins de chance que moi de faire ce qu’il veut. »

« Mon fils est en 1re et il sèche les cours. Que faire ? » > Les conseils de Sylvain Connac, enseignant, docteur en sciences de l’Éducation

Donnez du poids à la valeur scolaire. Sans que cela prenne l’allure d’un interrogatoire et sans vous focaliser sur les résultats scolaires, ouvrez un espace de parole à la maison au sujet de l’école. Cherchez à discuter régulièrement, avec votre fils ou votre fille, de ce qui se passe au lycée, de sa relation

avec ses camarades, ses enseignants.

Travaillez avec votre enfant sur l’orientation. Invitez-le à s’interroger sur ses projets à long terme : « Quels domaines t’intéresseraient ? » ; « Qu’est-ce que tu ne voudrais surtout pas faire ? » ; « Est-ce que ce qui compte pour toi,

c’est d’abord l’épanouissement dans le travail ou plutôt le fait de gagner beaucoup d’argent pour pouvoir accéder à un certain nombre de loisirs ? ». Les jeunes, qui ont un projet personnel, savent pourquoi ils vont à l’école et acceptent d’autant mieux le fait que l’école ne soit pas toujours passionnante.

« Ma fille écoute plus ses amis que ses parents » > Les conseils de Jean-Louis Davin, enseignant et formateur d’enseignants

« À l’adolescence, les jeunes vivent quelque chose de très paradoxal. Ils veulent se démarquer, devenir indépendants mais ont, en même temps, très envie de ressembler à leurs pairs dont ils recherchent la reconnaissance. Il n’y a rien d’anormal, du coup, à ce que le parent sente soudain son enfant lui échapper et ait la désagréable impression de passer après le groupe. Il

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convient, néanmoins, de réagir si l’on s’aperçoit tout à coup qu’il subit une mauvaise influence. Mais inutile alors de se mettre à critiquer ses amis. On ne ferait que le perdre davantage. L’idéal est de réussir à entamer avec lui un dialogue constructif qui lui rappelle les limites à ne pas dépasser et lui fasse prendre conscience des dangers qu’il encourt à suivre aveuglément ses amis. Au cas où l’on ne

serait pas entendu, il faut alors envisager d’avoir recours à un tiers : un membre de la famille ou un ami en qui l’adolescent a confiance et qu’il saura écouter. Reste, enfin, à tenter une autre solution : celle de faire diversion, en l’incitant à participer à de nouvelles activités (sportives, culturelles…) qui puissent le détourner de son groupe et lui permettre, peut-être, de faire d’autres rencontres. »

À L’ÉCOLE, À LA MAISON AUTORISONS L’AUTORITÉ

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Envisagez une réorientation scolaire. Si votre enfant ne voit plus l’intérêt d’aller aux cours, c’est peut-être que les études qu’il suit ne lui conviennent pas. Renseignezvous alors pour savoir s’il n’existe pas des passerelles qui lui permettraient de bifurquer vers une autre voie. Mais attention à ce que cela n’apparaisse pas comme une sanction. Si votre enfant était dans la voie générale – ce que vous estimiez être la voie royale – et qu’il opte pour la voie professionnelle, n’y voyez rien de dégradant. Considérez plutôt que le bien-être de votre enfant est primordial et passe avant vos rêves.

Valorisez ses réussites. Afin de le remettre en selle et de lui redonner confiance en lui, regardez ce qui fonctionne plutôt que ce qui dysfonctionne. Encouragezle et félicitez-le, même pour ce qu’il fait à la maison. Vous renforcerez ainsi chez votre enfant l’estime de soi qui, en général, fait défaut aux élèves qui n’ont plus goût à l’école.

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ans

IL CONSOMME DE LA DROGUE OU DE L’ALCOOL, QUELLE AIDE JURIDIQUE ? >

> L’avis de Sylvia Berdin, juriste à Apel service

« Dans ces moments-là, les parents se sentent perdus et les repères juridiques peuvent les aider à y voir plus clair. Le droit les conforte dans l’idée que non seulement ils peuvent protéger leur enfant mais qu’ils doivent le faire. Les titulaires de l’autorité parentale peuvent, par exemple, organiser une prise en charge médicale et un suivi psychologique. Quand l’enfant est mineur, ses parents prennent un rendez-vous chez le médecin, sans forcément attendre son consentement. Lorsque la situation devient préoccupante et que le parent a du mal à asseoir son autorité, il peut se saisir du dispositif de l’Aide éducative à domicile (mis en place par l’Aide sociale à l’enfance) et qui permet d’introduire un tiers dans une situation souvent “bloquée”. Dans le cas de parents défaillants ou si le jeune est arrêté en possession de cannabis, il sera convoqué par le juge des enfants qui pourra demander des mesures d’assistance éducative ou encore une injonction de soins. Celle-ci sera demandée pour rechercher les raisons de cette addiction. » En savoir plus : Apel service, tél. : 0 810 255 255 (coût d’une communication locale), de 10 h à 18 h, du lundi au vendredi.

À LIRE • Les ados expliqués à leurs parents de Marie-Rose Moro, Bayard, 2010

• Guide de l’ado à l’usage des parents de Stéphane Clerget, Calmann-Lévy, 2008

• Les nouveaux ados, comment vivre avec ? Marcel Rufo, Serge Hefez, Philippe Jeammet, Daniel Marcelli, Marc Valleur, Patrice Huerre, Marabout, 2010

• Tracas d’ados, soucis de parents de Daniel Marcelli et Guillemette de La Borie, Albin Michel, 2002

En 2010, autorisons18 l’autorité

ans

« S’il n’y a pas d’autorité, y’a pas d’éducation. L’autorité, c’est mettre des règles. C’est l’éducation à la maison, à l’école, partout quoi. »

Réinventer notre manière d’exercer l’autorité, être des adultes cohérents, voilà ce qu’il ressort des nombreuses réflexions menées depuis plus d’un an au sein de notre mouvement. Voici les propositions que l’Apel fait pour que les débats portent leurs fruits.

CONFORTONS LES CONSEILS D’ÉTABLISSEMENT la cohérence entre Comment construire de cipale de régulation prin nce sta adultes sans l’in tab d’é lissement ? Nous que constitue le conseil par établissement, un ait en y souhaitons qu’il et des élèves réellement avec un président d’Apel sion d’élèves mis la à s associés et formé ls d’établissement délégués. Certains consei sur le thème de ats déb des lli ont déjà accuei vus pré . N’hésitez pas à l’autorité ; d’autres sont blissement. éta re vot s en proposer dan pondants ils devront Quant aux parents corres et siéger à tous les rôle r leu t tou pouvoir y jouer nt aux conseils me conseils de classe, notam e. nné d’a n fi déterminants de

DES ADULTES SOLIDES POUR DES ENFANTS À CONSTRUIRE Nous demandons solennellement aux médias d’arrêter de mettre en exergue les faits déviants d’une jeunesse minoritaire, ce qui dévalorise l’ensemble de la jeunesse au point que près de 50 % des Français ont une image négative des jeunes*. Nous demandons aux adultes que nous sommes de témoigner de la confiance que nous avons envers les jeunes, nos enfants ! C’est en s’appuyant sur des adultes solides que nos enfants pourront se construire. À nous, adultes, de savoir faire preuve de cohérence, entre parents, entre école et parents, et entre parents, école et société. Alors, là oui, nous pourrons autoriser l’autorité.

AMÉLIORONS LE DIALOGUE PARENTSPROFESSEURS Les rencontres avec les enseignants se résument souvent aux seules réunions parentsprofesseurs. Nous voulons créer des espaces de dialogue où parents et enseignants puissent échanger sur un pied d’égalité. Les Rencontres ® parents-école organisées par l’Ape l jouent ce rôle, nous voulons les multiplier. Parents-enseignants, comment mieu x se comprendre ? L’Apel est prête, dès la rentrée prochaine, à collaborer avec les orga nismes de formation des enseignants de l’Enseign ement catholique pour créer des modules de formation à la relation école-familles.

Le congrès ne s’arrête pas là… Dès la rentrée 2010, proposez des conférences, des Rencontres parents-école® (RPE®) et des débats en conseils d’établissement… L’Apel nationale est à votre disposition pour vous épauler et vous conseiller. Pour organiser une RPE®, connectez-vous sur votre intranet via www.apel.fr ou prenez contact avec votre président d’Apel.

*Enquête “Les Français et les jeunes” réalisée pour l’Afev (Association de la fondation étudiante pour la ville), mars 2010.

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