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São Paulo : de fausses bonnes idées

Alors que la mégapole brésilienne de São Paulo compte au bas mot 45 000 taxis et entre 400 000 et 500 000 véhicules de transport privés pour près de 12 millions d’habitants, la ville a souhaité développer une interface dédiée. Dans le but de contrôler les multiples applications utilisées par les véhicules de transport public particulier de personnes à défaut de contrôler les applications numériques qu’ils utilisent, les services municipaux ont homologué des applications qui se révèlent être de nouveaux leviers de dérégulation du secteur.

Une surenchère au détriment des chauffeurs

S’implantant à São Paulo en 2014, Uber et consorts avaient comme partout ailleurs déstabilisé le transport public particulier de personnes. À grand renfort d’appels de fonds vertigineux, ces plateformes avaient engendré un tel chaos que, face à la multiplication des agressions de clients, la dégradation de la circulation et la révolte des taxis, les autorités fédérales brésiliennes avaient été obligées, en 2018, de légiférer pour réguler l’activité. Mais l’histoire ne finit pas là car les applications de mise en relation avec des véhicules privés ou des chauffeurs amateurs ont petit à petit intégré des taxis dans leurs flottes. Forts de leur mainmise sur le secteur, elles ont imposé des commissions exorbitantes – 40 % de la course pour Uber – et des conditions de service qui ont paupérisé les conducteurs de taxi. Face à cette situation, les autorités publiques avaient alors décidé d’investir et de promouvoir une application publique plus équitable.

Première tentative

En 2018, la ville de São Paulo lançait pour la première fois sa propre application de mise en relation avec un taxi, SP Taxi, afin de concurrencer directement les services de transport privés Uber, 99 et Cabify alors dominants sur le secteur. Ne facturant pas de frais aux conducteurs et promettant des réductions du prix compteur allant jusqu’à – 40 % pour le client, SP Taxi garantissait à ce dernier d’être mis en relation avec un chauffeur licencié et contrôlé par les autorités. Malheureusement, l’initiative a souffert d’une mise en œuvre chaotique. Après deux lancements avortés pour problèmes techniques, la version 2022 impose en outre que soit installé un « Desacoplador » dans toutes les voitures, équipement qui empêche notamment tout changement de données externes au taximètre.

Malgré sa gratuité, ce nouvel équipement obligatoire suscite la protestation et la méfiance des chauffeurs de taxi qui craignent d'être contrôlés par la Mairie. « Le desacoplador supprime notre autonomie, notre droit d’aller et venir. Je ne suis pas contre l’application mais je suis contre cette forme de surveillance », argumente un représentant de la profession.

Ne s’arrêtant pas à ces premiers échecs, la municipalité de São Paulo a renouvelé le défi en lançant, ce 9 mars, une nouvelle application municipale, MobizapSP. L'objectif est de proposer une application attractive pour les clients de

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São Paulo qui rompe avec les tarifs dynamiques augmentant en fonction de la demande. « Pour les chauffeurs, son principal avantage est une commission raisonnable sur le prix du trajet, un système d'alerte en cas d'agression, ainsi qu'un système de notation pour éloigner les mauvais chauffeurs et les mauvais clients. Mais l'application suscite la polémique en raison de plusieurs problèmes inhérents à l’appel d'offres », nous explique notre correspondant sur place. « En plus d’une qualité de service et d’une technologie insatisfaisantes, les chauffeurs de taxi qui se sont investis dans la mise en place de SP TAXI voient l’initiative mise de côté au profit de nouveaux investissements au bénéfice non pas du service public mais d’un service privé ! » En effet, MobizapSP copie-colle Uber... au point d’oublier d'effacer le nom de la multinationale dans ses conditions générales d'utilisation !

Propos recueillis par HM

Nos remerciements à notre correspondant à São Paulo, Alexandre Bürgel.

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