Cahiers de la Reconciliation

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Juin 2012

80 e année Edition imprimée 8 e / Edition numérique 7  e e e

Revue de non-violence chrétienne publiée par la branche française du Mouvement international de la Réconciliation

N° 2 - 2012

Cahiers de la Réconciliation

Dossier Armement - désarmement, un marché de dupes

Actualité Palestine : Voilà notre position, venez nous rejoindre


Bénédiction franciscaine pour la justice et la paix Que Dieu nous mette mal à l’aise face à des réponses commodes, des demi-vérités et des relations superficielles, afin que nous puissions vivre profondément dans nos cœurs. Puisse Dieu nous accorder la colère contre l’injustice, l’oppression et l’exploitation.

Ouverture

Puisse Dieu nous accorder des larmes à partager avec ceux qui éprouvent souffrance, exclusion, famine et guerre, afin que nous puissions faire appel à nos mains pour les consoler et transformer leur souffrance en joie. Et puisse Dieu nous gratifier de suffisamment de folie pour croire que nous pouvons changer les choses de ce monde, afin que nous puissions faire ce que d’autres prétendent impossible. Et puisse la bénédiction du Dieu d’Abraham et de Sarah, de Jésus, né à Bethléem de notre sœur Marie et du SaintEsprit, qui veille sur le monde comme une mère sur ses enfants, être sur nous et demeurer toujours avec nous. Amen

Du journal de bord de Fred Lucas, délégué de Chrétiens de la Méditerranée. En couverture : Entrée du salon français de l’armement 2012, Eurosatory © DR easyfair.cz


E d i t o rial

80 ans de diffusion de la culture de la non-violence

Comme vous l’avez peut-être déjà remarqué sur la couverture, les Cahiers de

la Réconciliation sont dans leur 80 e année de parution. Comme l’histoire de notre revue a été un peu mouvementée, à l’image de l’histoire du siècle passé, nous ne fêtons pas exactement les 80 ans des Cahiers, car ils paraissent depuis 1926 mais ils se sont sabordés en 1939 et n’ont reparu qu’en septembre 1946. Ces années de silence au moment où la violence se déchaînait expliquent ce décalage de dates. Les Cahiers sont nés comme le bulletin de liaison entre les membres de la branche française du Mouvement de la Réconciliation. Ils se sont développés au cours des décennies pour devenir une revue de non-violence chrétienne, qui traite à la fois de l’actualité de l’action non-violente dans le monde et des grands thèmes de la théologie de la non-violence. Quand on feuillette la longue collection des numéros, on y trouve traités les grands sujets qui ont préoccupé nos devanciers : l’objection de conscience, Gandhi, la lutte contre les guerres coloniales, le refus de l’arme nucléaire, Jésus et la non-violence, Martin Luther King, le Larzac, César Chavez, la révolution des Philippines, la diaconie de la paix, l’Afrique et bien d’autres sujets, dont beaucoup sont encore d’actualité. Notre revue a connu ces derniers mois une nouvelle évolution en passant à une édition numérique pour lui permettre de continuer son engagement en faveur de la diffusion de la culture de la non-violence dans la langue française. Nous lui souhaitons une longue vie ! Christian Renoux

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© Giampaolo Musumeci

Martin Luther King Palestine

Déclaration de la rencontre-conférence “ Kairos pour une justice mondiale “ au cours de son élaboration.

L’ a p p e l d e B e t h l é e m : «  D i e u g a rd e v i v a n t e l a f l a m m e d e l a f o i l o rs q u e t o m b e l a n u i t d u d é s e s p o i r  »

Voilà notre position, venez nous rejoindre Du nouveau mouvement « Kairos pour une justice mondiale » Dans le n° 2-2010 des Cahiers de la Réconciliation, nous avons publié le texte Kairos, appel des chrétiens palestiniens à leurs frères, aux Israéliens et au monde entier pour dire leur espoir de paix. Paix acquise par la voie de l’amour de l’ennemi et de la justice et non par la force militaire. Aujourd’hui, Kairos est en passe de devenir un mouvement international. Ainsi, du 4 au 10 décembre 2011, plus de 60 participants de 15 pays ont rejoint des Palestiniens à Bethléem pour une rencontre-conférence « Kairos pour une justice mondiale ». Leur appel a été rendu public à l’issue de cette rencontre internationale, un texte à lire et à aborder avec la conscience du “ temps favorable “ qu’est le Kairos et un regard de colère prophétique.

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Point d’actualité Pendant combien de temps, Ô Dieu, vont-ils nous voler nos moyens d’existence ? Opprimer, emprisonner et humilier notre peuple ? Priver nos enfants de leur enfance ? Et même pendant combien de temps, Dieu, la multitude des chrétiens du monde va-t-elle ignorer l’angoisse de nos sœurs et frères palestiniens et de tous les opprimés ? “ Venez et voyez ” ont dit les chrétiens de Palestine. “ Venez voir les vergers d’oliviers, les bulldozers, les terrasses anciennes, les villes mises en isolement. La situation ne fait que s’aggraver. ”

document Kairos Palestine : “ Une parole de foi, d’espérance et d’amour du cœur de la souffrance palestinienne. ” Et maintenant nous disons : “ En finir avec l’injustice. Voilà notre position. Venez nous rejoindre. ” Aujourd’hui, le régime illégal et les formes illégales de l’occupation israélienne de la Palestine prennent des dimensions d’injustice systématique, d’une façon telle que l’impensable et l’inimaginable en viennent à être mondialement acceptés, soutenus et normalisés. Voilà un exemple d’empire ( domination mondiale ) à l’œuvre. Cela se produit en Palestine comme cela se produit dans beaucoup d’autres contextes de par le monde. Dans le même temps, la Palestine est clairement une affaire mondiale. Le gouvernement d’Israël revendique un statut exceptionnel au sein de la communauté internationale et en bénéficie effectivement. Israël se considère au-dessus de la loi et est traité comme s’il n’était pas soumis au droit international. Ce statut donne au gouvernement israélien la liberté d’occuper impunément la Palestine. Comme nous l’avons vu de nos propres yeux, les conditions déloyales qu’impose l’occupation israélienne aux Palestiniens et à leur terre ont atteint un niveau de criminalité d’une sophistication presqu’inimaginable. Cela va du nettoyage ethnique lent mais délibéré et méthodique au ” génocide ” des Palestiniens et de la Palestine, ainsi qu’à l’étranglement de l’économie palestinienne. La brutalité de la “ violence du silence ” assure au plan international une protection presque absolue au gouvernement israélien pour réaliser ses projets pervers, au mépris total des droits humains et du droit international. Le silence est une opinion. L’inaction est une action. Nous sommes incontestablement témoins d’une lâcheté molle dans l’incapacité de la majorité des gouvernements, partis politiques, médias, entreprises, ainsi que de la plupart des institutions religieuses – y

Les visées et les objectifs de cette rencontre/conférence étaient de conduire à une sensibilisation et au partage de la prise de conscience du Kairos vécue par tous les groupes qui ont participé à la rencontre, d’établir et de renforcer des liens entre les groupes Kairos, afin de constituer un réseau mondial engagé pour la justice et de prendre conscience, à partir de l’expérience palestinienne, de l’urgence de développer une solidarité Kairos et de mettre fin à l’injustice en menant des actions concrètes aux niveaux national, régional et mondial.

D’Amman à Bethléem Sur la voie qui a mené à cette rencontreconférence, il y eut l’Appel d’Amman en 2007, qui mit un terme à 60 années passées sans qu’une voix chrétienne unifiée ne s’élève contre l’occupation israélienne de la Palestine. L’étape suivante fut la Perspective de Berne en 2008, illustrée par la déclaration : “ Assez, c’est assez. Plus de paroles sans actions, il est temps d’agir. ” Puis l’appel à la justice en Palestine a atteint un moment crucial lorsqu’en décembre 2009 des chrétiens palestiniens ont lancé le

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Martin Luther King Palestine compris les Eglises chrétiennes– à résister au gouvernement israélien, et du silence des prophètes dans le monde entier. Cela fait de nous les complices de crimes contre l’huma-nité, comme les crimes d’apartheid et de persécution, tels qu’ils sont définis par le droit international. Nous sommes aussi témoins de la résolution et de la résilience des Palestiniens face au comportement inéquitable des pouvoirs politique, économique et militaire, témoignant une fermeté inébranlable dans la lutte pour leur liberté et une paix juste. La délégitimation et la criminalisation du gouvernement israélien et de ses soutiens locaux et internationaux est en train de prendre une force irrésistible. L’existence des campagnes internationales de boycott, de désinvestissement et de sanctions ( BDS ) et d’autres formes de résistance non-violente sont un fait bien établi. Le gouvernement et l’État d’Israël sont maintenant considérés comme un régime d’apartheid au regard du droit international, en référence en particulier à la convention des Nations unies sur la suppression et la répression du crime d’apartheid et au statut de Rome de la Cour pénale internationale. La dureté de la situation palestinienne rend les comparaisons avec l’Afrique du Sud superflues et presque sans objet. La référence est le droit international et non l’Afrique du Sud.

plus, l’instabilité économique et politique croissante des puissances mondiales en Amérique du Nord et en Europe crée un climat d’incertitude pour des projets précis concernant la situation israélo-palestinienne. Cependant, cette fluidité associée au Réveil arabe comporte des potentialités d’espoir. Le sud de la planète, également complice au regard de la crise israélo-palestinienne, bénéficie des potentialités d’une source d’espoir à laquelle on n’a pas encore puisé. Ces potentialités présentent de l’intérêt non seulement pour les Palestiniens mais aussi pour ces sociétés de l’hémisphère nord où l’Empire se lézarde. Nous avons aussi une conscience aiguë des combats pour la justice partout, y compris en Israël même. Nous sommes venus pour susciter, cultiver et renforcer une prise de conscience du Kairos pour chacun de ces contextes dans leurs interconnections et leurs liens mutuels. Nous prenons aussi notre inspiration et notre force les uns chez les autres ainsi que chez les acteurs de progrès que sont les militants de la paix et les groupes de défense des droits humains en Israël. Dans la profonde souffrance du peuple palestinien de Gaza, de Cisjordanie et de Jérusalem-Est, des réfugiés palestiniens et des citoyens arabes d’Israël, nous avons vu les larmes de Dieu. Dieu garde vivante la flamme de la foi lorsque tombe la nuit du désespoir. Dieu vit et respire dans la plainte de ceux à qui l’on a volé leur avenir. Dans les cris de ceux que l’on a expropriés, nous avons senti la passion de Dieu pour que le droit l’emporte. Dieu prend parti pour la justice contre l’injustice. Dieu n’approuve pas l’injustice ni ceux qui commettent l’injustice. “ Il est intervenu de toute la force de son bras ; il a dispersé les hommes à la pensée orgueilleuse ; il a jeté les puissants à bas de leurs trônes et il a élevé les humbles. ” ( Luc 1, 51-53 ). Une spiritualité qui reconnaît le visage de Dieu dans chaque être humain est donc, inévitablement, imprégnée d’un parti pris de justice pour le pauvre et

Les potentialités d’une source d’espoir Au plan mondial, nous constatons un contexte de fluidité et d’instabilité croissantes. Dans ce contexte, nous sommes profondément inquiets d’observer comment des gouvernements et des sociétés du monde occidental, y compris des Églises et des organismes œcuméniques dominés par l’Occident, adoptent de plus en plus des attitudes d’exclusion, de suprématie et d’autoritarisme pour le maintien d’un statu quo injuste. De

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Point d’actualité

Pour tous les signataires de la déclaratiion de cette première rencontre “ Kairos pour une justice mondiale “, « il est impératif d’élever la voix et de crier avec les opprimés pour demander justice ». © DR ucobbserver.com

l’opprimé. “ Ce que le Seigneur exige de toi : rien d’autre que de respecter le droit, d’aimer la fidélité et de t’appliquer à marcher avec ton Dieu. ” ( Michée 6, 8 ). C’est là la vérité essentielle des deux Testaments. Le Christ pleure encore sur Jérusalem. Un Kairos est à la fois la reconnaissance de la volonté de Dieu et l’urgence avec laquelle nous avons à y répondre. C’est la prise de conscience d’un Dieu de maintenant, qui est profondément impliqué dans les difficultés des hommes. Dieu affermit notre courage, notre espérance et notre amour dans notre poursuite de la lutte et de la résistance. Nous prions et plaidons pour un changement radical des cœurs, des politiques et des pratiques du gouvernement israélien et des gouvernements qui le soutiennent. Si cela ne se produit pas, nous prions en tremblant et avec espoir, si c’est la volonté de Dieu … pour que ces gouvernements tombent.

à agir sans concession, en s’exprimant avec courage, passion et détermination. Le temps des paroles et des finesses diplomatiques qui masquent la réalité est révolu. Nous affirmons l’engagement des Églises et leurs contributions à une action décisive depuis l’Appel d’Amman ainsi que par la création et l’impact du Forum œcuménique Palestine Israël (PIEF). Nous allons néanmoins renforcer et accroître nos initiatives pour ce plaidoyer.

En conséquence, nous : - Refusons le silence de l’Église, sauf à être complices de crimes contre l’humanité, tels que ceux d’apartheid et de persécution. Il est impératif d’élever la voix et de crier avec les opprimés pour demander justice. - Refusons d’être obligés d’accepter une aide financière de toute Église ou organisation qui soutient l’occupation. - Contestons le comportement de toute Église qui, directement ou indirectement, investit dans des sociétés qui soutiennent l’occupation. Comme membres d’une Église, nous serons attentifs à sa politique pour contester les investissements financiers et les dépenses non conformes à l’éthique. - Appelons l’occupation israélienne de la

Un des éléments non-négociables : l’arrêt de l’occupation À la lumière de ce qui précède et dans la conviction que la Palestine affronte une crise de plus en plus profonde, Kairos Palestine appelle instamment à avancer hardiment et

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Martin Luther King Palestine Notre vision :

Palestine un crime et un péché. Nous rejetons toute justification théologique ou politique de l’occupation. Nous estimons que de telles théologies sont en contradiction avec le cœur même de l’Évangile. - Rejetons tout argument qui tendrait à convaincre des Palestiniens et la communauté internationale que les problèmes sont causés par les musulmans plutôt que par l’occupation. - Demandons que les Églises prennent des positions fortes et courageuses en faveur de la justice et contre l’injustice. Nous sommes consternés par la lâcheté spirituelle et institutionnelle qui empêche de prendre position sans équivoque pour la justice. De même, il n’est pas acceptable de traiter les victimes et les fauteurs d’injustice sur un pied d’égalité en tentant de créer l’illusion d’un juste équilibre. - Confirmons l’obligation que nous avons de résister à l’occupation avec foi, espérance et amour. Nous rejetons les appels à cesser de promouvoir et d’appliquer l’action BDS ( Boycott, désinvestissement et sanctions ) ou toute autre forme de résistance civile non-violente avec pour but de mettre fin à l’occupation. - Refusons de nous associer à toute Église ou organisation d’Église proposant des voyages en Terre Sainte ne comportant pas de rencontres avec des Palestiniens locaux et nous affirmons notre opposition à de telles initiatives. Des groupes de tourisme autres existent actuellement auxquels des chrétiens et d’autres peuvent s’adresser. - Exigeons la reconnaissance du droit au retour de tous les réfugiés palestiniens. - Soutenons fermement le principe de compassion à l’égard de l’oppresseur. Nous reconnaissons et comprenons leur vécu d’oppression, de peur et d’insécurité. Nos exigences sont pour le mieux des intérêts de tous en vue d’un avenir meilleur. Dans l’amour, nous sommes en colère contre l’injustice et cependant nous refusons de nous laisser détruire par notre colère.

Appeler à agir maintenant Une vision partagée de paix dans la justice nous pousse, en ce moment critique, à répondre par un engagement actif. Cette vision doit inclure les voix des juifs, des musulmans et de ceux d’autres traditions qui expriment avec nous leur espoir d’une société plurielle et démocratique dans ce pays.

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ous sommes à un tournant. La douleur prendra fin bientôt si nous agissons maintenant. Cela demande une détermination commune à prendre des risques pour la cause de la justice.

Une seule voix pour le démantèlement de l’apartheid Communautés prophétiques qui soutiennent la Palestine, nous nous engageons à développer des théologies bibliques contextuelles et des pratiques de résistance et de libération. Nous démasquerons ces théologies qui chez nous sont annonciatrices de mort pour les Palestiniens et les opprimés du monde entier et nous allons remettre en question des façons traditionnelles de faire de la théologie.

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Point d’actualité Démantèlement de l’apartheid israélien

des actions BDS. - Nous participerons activement, en y donnant de la crédibilité, à la résistance nonviolente en Palestine, en Israël et au plan international, y compris en engageant des actions BDS. - Nous nous opposerons par des moyens adaptés aux politiques de soutien de nos gouvernements à l’occupation.

Nous apportons notre soutien au démantèlement de l’apartheid israélien et nous nous y engageons, nous insistons pour la mise en application du droit international et pour que soit garantie la satisfaction des demandes légitimes des Palestiniens. Ces demandes comprennent : - la vie de tous côte à côte dans la justice et la paix dans les frontières d’avant 1967 ; - une Jérusalem partagée comportant un libre accès à tous les lieux saints ; - le droit au retour pour les réfugiés palestiniens ; - la fin de toutes les extensions de colonies et le démantèlement du système de colonisation ; - le libre accès à l’eau et aux installations sanitaires ; - la démolition du mur de l’apartheid. Nous ne saurions admettre l’argument selon lequel la peur de troubles civils entre colons israéliens et Palestiniens des territoires palestiniens occupés serait un élément dissuasif pour la réalisation de la liberté palestinienne. Nous nous engageons à : - reconnaître que les gens au niveau de la communauté sont en capacité d’être les principaux théologiens d’une prise de conscience Kairos ; - constituer des associations sud-nord et sud-sud en vue d’actions prophétiques ; - donner notre accord pour que KairosPalestine crée un groupe noyau pour faciliter ces associations.

Tourisme en terre sainte et pélerinages Nous allons : - Promouvoir, en y participant, un tourisme différent et des pèlerinages Kairos en Terre Sainte avec les objectifs suivants : formation spirituelle, sensibilisation et plaidoyer pour les causes qui nous mobilisent. - Insister pour que de tels voyages soient organisés par, ou en partenariat avec, des agences de voyages palestiniennes. - Recourir aux agences de voyages qui se conforment à “ Come and See “ / “ Venez et voyez “ : appel de chrétiens palestiniens pour un tourisme éthique. Nous allons contester et boycotter ceux qui ne s’y conforment pas. - Chercher activement à permettre à des groupes ciblés de venir en Israël-Palestine. L’appel de Bethléem pour un voyage sur le thème : “ Voici notre position, venez nous rejoindre ” est pour chacun d’entre nous une joyeuse bénédiction et un honneur, quelles que soient les difficultés du voyage. Nous accueillons ce moment opportun, Kairos, avec conviction et espérance. Des Palestiniens et une communauté mondiale se sont rassemblés : en cela, ils brisent des barrières entre régions et cultures et construisent des ponts d’amitié et de solidarité en partageant le même rêve de voir une Palestine et un monde libérés de toutes formes d’injustice. Nous croyons que chacun d’entre nous était appelé à Bethléem pour ce but. “ Nous sommes ceux que nous attendions. ” ( Alice Walker ). <

Boycott – désinvestissement sanctions ( BDS ) : une résistance créative non-violente maintenant - Nous nous engageons pour cela à nous impliquer dans une résistance créative nonviolente en réponse à l’appel de nos sœurs et de nos frères de Palestine, en particulier par

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Afrique du sud

Un soutien fort à l’appel

pour les conventions internationales et pour le cadre juridique de l’industrie nucléaire et l'oppression permanente du peuple palestinien. Cependant Dieu, qui est le même hier, aujourd’hui et éternellement, ne sommeille ni ne dort. Les voix prophétiques ont rappelé ce peuple, puissant aujourd'hui, autrefois opprimé et assassiné, à ses valeurs les plus profondes de justice et de compassion. Mais il a refusé d’écouter, même les voix les plus raisonnables. La communauté humaine ne peut pas rester silencieuse à la vue de cette injustice flagrante infligée au peuple de Palestine. Si les tribunaux internationaux et les gouvernements refusent de traiter de ce sujet, nous, dans les Eglises et dans le reste de la société civile, n’avons vraiment pas d’autre choix que d’agir par tous les moyens, qu’il soient petits ou grands. Dieu est en train de faire une chose nouvelle. Et Dieu est en train de nous utiliser tous pour être ses partenaires. Tous, Israéliens et Palestiniens doivent être libérés, mais à ce stade une plus grande responsabilité revient aux Israéliens, car ce sont eux qui possèdent le pouvoir au niveau économique, politique et militaire. Il nous faut chercher les moyens de les amener à réfléchir profondément sur ce qu’ils sont en train de faire et de les empêcher de sombrer, non pas par esprit de mépris ou de vengeance, mais parce que nous les aimons profondément. Je soutiens donc pleinement votre action de désinvestissement des compagnies qui bénéficient de l’occupation de la Palestine. Il s’agit d’une prise de position morale. Je n’ai pas d’autre choix que de la soutenir, surtout que je connais les effets que les boycotts, désinvestissements et sanctions ont eus sur le régime de l’Apartheid en Afrique du Sud. Que Dieu bénisse votre conférence et vos délibérations sur ce sujet important. Je prie que votre décision reflète les meilleures valeurs de la famille humaine, debout et solidaire des opprimés. Que Dieu vous bénisse. <

Révérend Desmond Tutu Archevêque émérite anglican du Cap

Traduit de l’anglais par Sébastien Widemann

Le 26 avril 2012, Mgr Tutu apporta son soutien à tous les membres de la conférence “ Kairos pour une justice mondiale “ et à ce nouvel appel, dans la lettre suivante adressée à ses “ Chers amis de l’Eglise méthodiste unie “.

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a situation en Israël et en Palestine me fait beaucoup de peine, en particulier parce que c’est l’endroit où Dieu a tissé des liens très particuliers avec un peuple particulier : les Hébreux, qui avaient connu l’oppression de l'esclavage dans un autre pays. Le temps a passé, ce peuple a désobéi à Dieu et les prophètes durent souvent le rappeler à ses plus profondes valeurs. L’Holocauste des Juifs, conçu et mis en œuvre principalement par des Européens, a donné une excuse à certains idéologues au sein de la communauté juive et chrétienne pour mettre en œuvre, au nom de la sécurité des juifs dans cette situation exceptionnelle, des plans qui étaient en préparation depuis au moins 50 ans. C'est ainsi que commença l’immense oppression du peuple palestinien, qui n’avait pas du tout été impliqué dans l’Holocauste. Non seulement ce peuple est oppri+-mé au delà de tout ce que les idéologues de l’Apartheid ont pu inventer en Afrique du Sud, mais son identité et son histoire sont aussi niées et occultées. Pire encore, l’Europe et les Etats-Unis refusent de prendre leurs responsabilités par rapport à leurs actions dans le contexte de l’Holocauste et par rapport à la surpuissance d'Israël, à son mépris

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Point d’actualité Campagne œcuménique pour un traité international fort et efficace sur le commerce des armes D’après Jonathan Frerichs Responsable du programme du Conseil œcuménique des Eglises ( COE ) sur la pacification et le désarmement, membre de Église évangélique luthérienne d’Amérique. À partir de juillet 2012, peut-être sera-t-il plus difficile de se procurer ou de vendre des armes à l’échelle internationale pour commettre des crimes et des atrocités. À condition, bien sûr, que les gouvernements, qui se sont mis d’accord sur le besoin de réglementer le commerce des armes, conviennent d’un traité pour remplir cette tâche et couvrir toutes les armes conventionnelles.

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es diplomates provenant de près de 200 pays passeront le mois de juillet aux Nations unies pour négocier un Traité sur le commerce des armes. Le défi à relever est d’assurer l’accès aux armes aux militaires, aux policiers et autres groupes censés les utiliser de manière légale et responsable, tout en l’interdisant à tous les autres. Des passionnés des armes à feu, des fabricants d’armes, ainsi que des organisations de la société civile et des Églises essaient d’influencer l’issue de ces négociations. Poussées à agir par les répercussions humaines du commerce des armes, les Églises, au sein du COE, travaillent actuellement à assurer que le traité protégera les populations et communautés soumises aux risques des actuelles pratiques commerciales en matière d’armes. Des Églises de plus de 30 pays participent à cette campagne, dont certaines originaires de pays qui profitent de ce commerce, tandis que d’autres viennent de pays qui en souffrent. Jusqu’à présent, des représentants de la campagne ont rencontré plus de 20 gouvernements d’Asie, d’Afrique, d’Europe et des Amériques, avec le but d’élaborer des mesures

pour que le traité soit efficace. Chaque année des millions de vies sont perdues ou anéanties, à cause de la violence armée et « le manque de réglementation des exportations, importations et transferts d’armes a certainement sa part de responsabilité » dans cette affaire, comme le souligne la déclaration faite en février par le COE pour guider la campagne. Cette déclaration insiste sur le fait que 153 gouvernements ont décidé d’adopter « les normes internationales communes les plus strictes possibles » pour régir le commerce des armes conventionnelles, mais met aussi en garde sur le fait que le traité devra prévenir les cessions d’armes à destination des États « dont le gouvernement constitue une menace pour sa propre population ou d’autres États » et bloquer les transferts susceptibles d’être détournés vers des groupes armés, le crime organisé ou les contrebandiers. Le COE stipule que le traité devra interdire les ventes d’armes, là où il y a un “ risque concret “ de les voir utilisées pour commettre des violations graves du droit international relatif aux droits humains et du

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droit international humanitaire, perpétuer un modèle de violence sexo-spécifique ou entraver gravement les efforts de développement. Des positions qui sont partagées par un vaste éventail d’organismes civils au sein d’une coalition connue sous le nom de “ Contrôlez les armes “. La campagne menée par le COE vise la réduction de l’écart entre le nord et le sud qui caractérise le commerce des armes. Des Églises situées dans des pays grands producteurs d’armes, tels que les Etats-Unis, la Suède, la Norvège, mais aussi l’Ouganda, la République démocratique du Congo et la Sierra Leone, s’emploient à faire pression pour inverser les choses, là où les armes importées continuent d’alimenter les conflits et la violence. Les Églises exigent la mise en œuvre de contrôles plus stricts des deux côtés. Des vies humaines et des communautés seront épargnées si revendeurs, intermédiaires et acheteurs sont tous tenus de respecter des standards plus stricts et plus cohérents tout au long de la chaîne d’approvisionnement, de l’hémisphère nord à l’hémisphère sud. Voir le site de cette Campagne : www.armstreatynow.org/fr/


Armement - désarmement, un marché de dupes

Dossier coordonné par Maria Biedrawa et Deogratias Ahishakiye

Armement-désarmement : un marché de dupes Le commerce des armes, un marché presque ordinaire, avec ses catalogues, à l’heure même où l’on parle de désarmement ou de reconversion. © DR mp-sec.fr

Ce dossier sur l’armement sort au moment où vient d’avoir lieu Eurosatory, le Salon de vente de l’armement, qui s’est déroulé aux portes de Paris. La France tient le 4ème rang mondial de producteur d’armes, dans une échelle où les dépenses militaires atteignent 1 740 milliards de dollars de chiffre d’affaire pour l’armement en 2011 ; 10 % de cette somme seraient suffisants pour mettre en œuvre mondialement les projets du Programme des Nations unies pour le développement ( PNUD ). Que l’on se le dise : la misère, comme “ carburant “ de conflits armés, est voulue et la crise n’en est certainement pas une pour certains. Dans ce dossier nous abordons les faits, les chiffres et les effets - notamment sur le sousdéveloppement - et, au-delà de l’économique, le prix humain. Nous nous intéressons aussi à la responsabilité des chrétiens et des Eglises et à quelques-unes de ces personnes qui ne baissent pas les bras.

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Dossier Le marché des armes

Un commerce hors norme ? Patrice Bouveret

directeur de l’Observatoire des armements * Du 2 au 27 juillet 2012, les diplomates vont se retrouver au siège de l’ONU à New York, pour négocier un Traité sur le commerce des armes ( TCA ). Quatre semaines ne seront pas de trop ! Car, au-delà des affirmations de principe sur la nécessité du contrôle du commerce des armes, la volonté politique se dérobe dès qu’il s’agit pour les États d’accepter la mise en place d’instruments de transparence, de contrôle du matériel militaire ou de maintien de l’ordre.

I

Comme pour l’interdiction des mines antipersonnel en 1997 et des bombes à sousmunitions en 2008, le point de départ est la mobilisation de la société civile et son organisation au sein d’une coalition internationale qui ont obligé les gouvernements à agir. Le projet de Traité sur le commerce des armes est né en 1997 de la campagne lancée par un groupe de dix-huit lauréats du prix Nobel de la paix. Une initiative reprise en 2003 par trois ONG : Oxfam, Amnesty International et IANSA ( Réseau international d’action contre les armes légères ) qui créent la plateforme “ Controlarms “ ( Contrôlez les armes ) 1. Face à cette mobilisation en 2006, l’Assemblée générale de l’ONU adopte une résolution qui lance le processus préparatoire à la négociation d’un traité. L’objectif de la conférence de juillet 2012 est donc « d’élaborer un instru-

l aura fallu attendre la fin de la guerre froide et le développement des nombreux conflits — notamment la première guerre contre l’Irak en 1991 — pour qu’une prise de conscience des conséquences d’une prolifération “ débridée “ des armes conventionnelles se manifeste au sein de la communauté internationale avec la mise en place au sein de l’ONU d’un Registre international sur les armes conventionnelles, l’organisation de conférences et l’élaboration d’un plan d’action limité aux trafics d’armes. Initiatives non contraignantes, à la portée très limitée, comme l’actualité ne cesse de le rappeler … * L’Observatoire des armements est un centre d’expertise indépendant créé en 1984 à Lyon ( 69 ). Il a pour objectif d’étayer les travaux de la société civile sur les questions de défense et de sécurité et ce, dans la perspective d’une démilitarisation progressive. L’Observatoire intervient sur deux axes prioritaires : les transferts et l’industrie d’armement ; les armes nucléaires et leurs conséquences. Il publie des études et une lettre d’information, Damoclès ( spécimen sur simple demande ). Pour en savoir plus : www.obsarm.org

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1 : Pour en savoir plus : www.controlarms.org

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Armement - désarmement, un marché de dupes ment juridiquement contraignant établissant des normes internationales communes les plus strictes possibles pour le transfert des armes ».2 Il est important de préciser que nous sommes bien dans le cadre d’un traité de régulation et non d’interdiction. Au carrefour de plusieurs enjeux contradictoires — industriels, politiques, commerciaux, syndicaux, etc. —, la production et le commerce des armes reflètent en effet l’organisation du monde, l’état des rapports de force entre les nations. C’est un des principaux vecteurs par lequel un État exerce sa puissance … Voire même, à l’heure de la globalisation, l’un des rares leviers encore aux mains des États pour peser sur l’ordre du monde. « Un pays qui n’a pas d’industrie de défense est amputé » a d’ailleurs souligné Jean-Yves le Drian, lors de sa première conférence de presse en tant que ministre de la Défense 3. D’où la complexité des négociations qui vont s’ouvrir.

Une transparence trompeuse… Dans une des rares études parlementaires consacrées au contrôle des exportations d’armes en France, les députés notaient avec justesse : « Ce qu’on connaît le mieux du système français de contrôle des exportations d’armes, c’est son opacité 4 … » Une affirmation qui, douze ans après, est toujours de rigueur et peut s’appliquer à la quasi-totalité des États de la planète. Toujours est-il qu’en s’appuyant sur les quelques données existantes, il est possible de dresser des tendances, à défaut de pouvoir apporter des éléments précis et fiables. 2 : Rapport du Comité préparatoire de la Conférence des Nations unies pour un traité sur le commerce des armes, document A/ CONF.217/1. Disponible sur : www.un.org/disarmament/.../ PrepCom%20Report_F_20120307.pdf/ 3 : Propos rapporté par Michel Cabirol, Drones : le coup de semonce du ministre de la Défense à Dassault, La Tribune.fr, 30 mai 2012 4 : Jean-Claude Sandrier, Christian Martin, Alain Veyret, Le contrôle des exportations d’armement, Commission de la défense, Les documents d’information de l’Assemblée nationale, n° 2334, 25 avril 2000, p. 17 (disponible sur : www.assemblee-nationale.fr).

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Toutefois, les seules données financières dont nous disposons ne sont pas forcément le meilleur instrument de mesure comparative. L’efficacité du matériel militaire n’est pas forcément proportionnelle à son coût … Il faudrait en quelque sorte pouvoir établir une “ valeur d’usage “, mais nous voyons bien, dans l’énoncé même, l’impossibilité de la tâche. La publication par les États exportateurs de listes précises du matériel vendu serait déjà une première étape importante pour la transparence et permettre à la société civile et à ses représentants ( parlementaires, ONG … ) d’exercer un réel contrôle démocratique réalisé en son nom par les gouvernements. Par exemple, ce sont les armes dites légères et de petit calibre ( ALPC ) qui tuent le plus de personnes au quotidien, alors qu’en termes financiers elles ne représentent qu’un très faible pourcentage des transferts d’armes. De plus, ces armes sont souvent absentes des statistiques, de même que les munitions sans lesquelles elle ne peuvent fonctionner … En outre, une grande part des instruments destinés au maintien de l’ordre ne sont pas comptabilisés dans le matériel militaire. La recherche et le développement de technologies de sécurité entraîne la mise sur le marché de systèmes à double usage — c’està-dire à la fois civil et militaire — échappant ainsi à toute comptabilisation et surtout aux systèmes de contrôle d’armement existants. Une autre difficulté importante à prendre en compte est la durée de vie des armes pouvant se compter en plusieurs dizaines d’années. Il existe ainsi tout un marché d’occasion qui vient alimenter nombre de trafics, tout en diluant la responsabilité des fabriquants et exportateurs d’armes. Dans le cadre de cet article nous utiliserons principalement les données établies par le Sipri ( Stockholm International Peace Research Institute ) 5, organisme indépendant 5 : Créé en 1966 à l’initiative du Parlement suédois, il publie depuis 1969 un annuaire, SIPRI Yearbook, et dispose d’une importante base de données accessible sur Internet (www.sipri.org).

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Dossier

Affiche de campagne d’Amnesty international pour la première négociation de l’ONU en vue d’un traité sur le commerce des armes, au siège de l’organisation à New York, en ce mois de juillet 2012 © DR Amnesty international

devenu une référence incontournable, tant pour les gouvernements que pour les médias, les ONG ou les chercheurs. Mais commençons par apporter quelques précisions, tant les confusions sont fréquentes notamment entre dépenses militaires et commerce des armes.

Ce sont les armes dites légères et de petit calibre qui tuent quotidiennement le plus de personnes Le terme de dépenses militaires correspond à l’ensemble des dépenses effectuées par les États pour leurs armées et les guerres qu’elles conduisent. Elles ne se transforment pas toutes en armes, car environ la moitié des dépenses sert aux frais de fonctionnement : paiement du personnel, frais d’hébergement, coût des entraînements et des interventions, etc. Le Sipri estime l’ensemble des dépenses militaires pour l’année 2011 à 1 740 milliards de dollars ( environ 1 403 milliards d’euros ). Des dépenses en augmentation constante depuis plus de dix ans ! Toutefois, pour cause

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de crise financière, les dépenses militaires semblent marquer le pas. Bien évidemment, les ressources militaires sont très inégalement réparties entre les différents États de la planète et concentrées entre quelques grands acteurs de la scène internationale. Ainsi, les États-Unis représentent à eux seuls près de la moitié des dépenses militaires, 41 % plus précisément pour l’année 2011. L’absence de transparence de certains pays importants ( notamment de l’Iran, du Yémen, de la Chine … ) fausse les estimations qui peuvent être publiées. Par exemple, certaines dépenses concourant aux activités militaires ne peuvent être comptabilisées, car elle sont tout simplement camouflées dans d’autres budgets que celui du ministère de la Défense …

Un marché concentré … Le Sipri établit chaque année un Top 100 des principales entreprises productrices d’armement dans le monde et évalue leur chiffre d’affaires à 411,1 milliards de dollars pour 2010 ( dernier chiffre répertorié ; soit environ 330 milliards d’euros ). Le secret commercial se superposant au secret défense, il s’agit bien sûr d’une estimation à prendre avec pré-

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Armement - désarmement, un marché de dupes Moyen-Orient ( 17 % ), les Amériques ( 11 % ) et l’Afrique ( 9 % ).

caution. Comme on peut s’en douter, ce top 100 est dominé par les firmes basées aux États-Unis ( 44 sur 100 ) suivie de l’Union européenne ( 30 ) et seulement 6 pour la Russie. L’essentiel de cette production militaire est à usage national, c’est-à-dire produite par des entreprises pour les forces militaires du pays dans lesquelles elles sont implantées. Seul environ ¼ de la production d’armement, fait l’objet de transactions au niveau international — et donc sera soumis aux normes du traité sur le commerce des armes, une fois que celui-ci entrera en vigueur. Toutefois, il est difficile de donner un montant financier un tant soit peu précis et correspondant à la réa-lité des transferts effectués. D’ailleurs le Sipri lui-même ne s’y risque plus face à l’opacité. Cependant, l’institut suédois a mis en place son propre indice qui permet de mesurer l’évolution des transferts d’armement. Ainsi le Sipri estime que le volume des transferts d’armes à travers le monde sur la période 2007-2011 était de 24 % plus élevé que sur la période 2002-2006. La région Asie et Océanie représentaient 44 % des importations mondiales d’armes, suivie par l’Europe ( 9 % ), le

Vendre des armes, pour un État, est surtout le moyen de “ rentabiliser “ au mieux ses propres investissements dans le domaine militaire Le ministère français de la Défense estime à 70 milliards d’euros ( soit environ 86 milliards de dollars ) le montant des exportations mondiales d’armes, pour l’année 2010, les qualifiant de “ stables “ par rapport à l’année précédente 6. Il s’agit d’un marché extrêmement concentré comme le souligne le top 5 des exportateurs mondiaux d’armements, qui à eux seuls totalisent 75 % des transferts d’armements. On remarquera — et ce n’est pas un hasard — que l’on trouve parmi eux 4 des 5 États membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU ayant droit de veto ! La Chine — particulièrement opaque en la matière — se situerait en sixième position … 6 : Rapport au Parlement sur les exportations d’armement de la France en 2010, août 2011, p. 8. www.defense.gouv.fr/

Top 5 des exportateurs mondiaux d'armement conventionnel, 2007-2011

% du total des exportations Principaux clients mondiales (% des exportations totales du fournisseur) 2ème 3ème 1er États-Unis : 30 % Corée du sud (13 %) Australie (10 %) Émirats arabes unis (7 %) Russie : 24 % Inde (33 %) Chine (16 %) Algérie (14 %) Allemagne : 9 % Grèce (13 %) Corée du Sud (10 %) Afrique du Sud (8 %) France : 8 % Singapour (20 %) Grèce (10 %) Maroc (8 %) Royaume-Uni : 4 % Arabie saoudite (28 %) États-Unis (21 %) Inde (15 %)

Top 5 des importateurs mondiaux d'armement conventionnel, 2007-2011 % du total des exportations Principaux clients mondiales (% des exportations totales du bénéficiare) 1er 2ème 3ème Inde : 10 % Russie (80 %) Royaume-Uni (6 %) Israël (4 %) Corée du Sud : 6 % États-Unis (74 %) Allemagne (17 %) France 7 %) Pakistan : 5 % Chine (42 %) États-Unis (36 %) Suède (5 %) Chine : 5 % Russie (78 %) France (12 %) Suisse (5 %) Singapour : 4 % États-Unis (43 %) France (39 %) Allemagne (8 %)

SOURCE : base de données du Sipri (www.sipri.org)

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Dossier Cette concentration se retrouve aussi du côté de la demande comme le montre le tableau page précédente qui souligne les liens de dépendance unissant exportateurs et importateurs d’armement.

Justifier l’injustifiable N’est pas incluse, dans ces estimations, toute l’aide militaire directe — résultant des accords de coopération militaire liant deux ou plusieurs États — qui peut emprunter différentes voix comme : prêts ou dons de matériels, aide financière, formation, entraînements, manœuvres communes, transferts de technologies et autres services. Ni, comme nous l’avons déjà signalé, l’essentiel du matériel de police ou de maintien de l’ordre. Pour justifier le développement du commerce des armes, les États se réfèrent à l’article 51 de la charte des Nations unies qui reconnaît à chacun de ses membres le “ droit naturel de légitime défense “ en cas d’“ agression armée “. En fait, vendre des armes, pour un État est surtout le moyen d’essayer de “ rentabiliser “ au mieux ses propres investissements dans le domaine militaire. En bref, cela revient à vouloir assurer sa sécurité en favorisant

l’insécurité chez les autres … Vous avez dit contradictoire, cette politique ? À propos du commerce des armes, le ministre des Affaires étrangères, Laurent Fabius, vient tout juste d’affirmer que « notre doctrine est claire : quand la France vend des armes, elle veille à ce que celles-ci ne puissent pas être retournées contre les peuples » 7. Certes. À condition que le droit international puisse s’affranchir de la raison du plus fort et fournir un cadre normatif au service d’un renforcement de la sécurité collective pour tous les peuples. Et que se développe « un ordre qui a répudié, dans les rapports entre ceux qui s’y sont ralliés ou y aspirent, la coercition, la domination, la menace et l’intimidation » 8. C’est tout l’enjeu de la négociation qui va s’ouvrir au mois de juillet à l’ONU pour un traité sur le commerce des armes. Encore faut-il que ce dernier soit contraignant et comporte un instrument de vérification supranational et indépendant disposant d’un pouvoir de sanction. Je crains que nous en soyons encore loin ! < 7 : Interview de Laurent Fabius, Le Monde, 29 mai 2012. 8 : Pierre Buhler, La puissance au XXI e siècle. Les nouvelles définitions du monde, CNRS éditions, 2011, p. 145.

La France : 4 e exportateur mondial d’armement Représentant 8 % des exportations mondiales, la France se situe au quatrième rang mondial. Sur la période 2007-2011, la France connaît une augmentation de 12 % de ses exportations par rapport à 2002-2006. Selon le Sipri, 51 % des exportations françaises se font en direction de l’Asie et de l’Océanie ; 22 % vers l’Europe et 12 % pour le Moyen-Orient. Quant aux trois premiers clients de l’in-

dustrie militaire française pour la période 2007-2011, on retrouve Singapour avec 20 %, la Grèce 10 % et le Maroc 8 %. On comprend mieux l’enjeu pour la France que la Grèce ne tombe pas en faillite … Pour connaître précisément les résultats de l’année 2011, il faudra encore attendre jusqu’au mois de septembre la publication par le ministère de la Défense du Rapport au Parlement sur les

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exportations d’armements de la France. Mais d’après les quelques informations distillées par la DGA ( Délégation générale pour l’armement ), l’année 2011 a été excellente. Les prises de commandes devraient s’élever selon les premières estimations à 6,5 milliards d’euros, contre 5,2 milliards en 2010. C’est ainsi environ 50 000 emplois qui dèpendent des exportations. P. B.


Armement - désarmement, un marché de dupes Armement et pauvreté

Des milliards qui manquent Bernard Stoven Militant du CCFD-Terre Solidaire Tandis que la crise financière s’approfondit, les dépenses militaires vont bon train, continuant de croître, de manière ininterrompue, depuis 1999. Certes, il y a des zones en guerre, ne serait-ce que pour conquérir une autonomie ou pour voir reconnaître leur souveraineté. Mais, la “ guerre froide “étant arrêtée depuis 1991 et les pays émergents se concentrant sur leur développement, les raisons de cette course aux armements ont de quoi surprendre.

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e nombreux conflits frontaliers subsistent dans le monde, attisés par la recherche de minerais ou l’appropriation de ressources énergétiques. Et tout cet argent dépensé en armement, c’est autant de crédits qui n’iront pas à l’éducation, à la formation professionnelle, à la santé publique, voire à la construction d’infrastructures ou de logements. Dans maints pays du Sud, c’est là non seulement un paradoxe, mais c’est aussi un scandale. Les besoins d’une population, qui, en majorité, survit avec 1 ou 2 $ par jour, ne sont pas satisfaits, tandis que des achats d’armement continuent d’être effectués à grands frais : dans de nombreux pays africains, les forces armées sont choyées, des matériels blindés sont exhibés à l’occasion de parades grandioses, alors que les soldes des instituteurs ou celles des infir-

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miers sont minables ou bien ne sont pas versées ponctuellement. Les casernes, le plus souvent en pleine ville, sont pimpantes avec des trottoirs soigneusement peints, tandis que les rues avoisinantes sont défoncées, les caniveaux engorgés et que les ordures s’amoncellent. Les budgets des municipalités sont réduits à la portion congrue alors que les officiers se pavanent en véhicules tous terrains rutilants. Contrastes choquants ! Et puis, toutes ces armes ne contribuent-elles pas à engendrer des tensions, à maintenir un climat d’anxiété, à contraindre le suffrage ? Montrant leurs muscles, les militaires sont tentés d’intervenir dans la vie civile, perturbant durablement le jeu démocratique, quand ils ne s’immiscent pas dans les affaires ( comme en Algérie ), faussant la concurrence ou créant un climat d’insécurité préjudiciable.

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Dossier Persistance de la misère Une des premières données sur la pauvreté, qui perdure, est apportée par le classement – effectué par le Programme des Nations unies pour le développement ( PNUD ) - lequel a défini un Indice de développement humain ( IDH ). Cet indice statistique composite, c’est-à-dire multicritères 1, permet de situer le niveau de développement des pays les uns par rapport aux autres. Ainsi, l’ensemble des pays de l’Afrique sub-saharienne ( à l’exception de l’Afrique du Sud, de la Namibie et du Botswana, ces deux derniers étant peu peuplés et disposant de ressources minières appréciables ), le Népal, le Bangladesh, la Birmanie et la Papouasie–Nouvelle Guinée sont les plus pauvres. Et, comme par hasard, c’est chez eux que l’on constate une omniprésence militaire. Des généraux, devenus hommes politiques, occupent le pouvoir dans nombre d’entre eux ; et les budgets alloués à la défense y sont substantiels et les transferts d’armes fréquents. La malnutrition et la faim affectent encore 925 millions de personnes 2 dans un monde peuplé de plus de 7 milliards d’individus. Parmi les “ Objectifs du Millénaire pour le Développement “ ( OMD ), que les Nations unies se sont fixés en septembre 2010 pour ce début de XXI e siècle, le premier est de réduire de moitié le nombre de personnes qui souffrent de la faim d’ici 2015. Si des progrès sont intervenus dans certaines régions d’Amérique latine et d’Asie de l’Est, force est 1 : L’IDH est établi en calculant la moyenne des indicateurs de trois dimensions fondamentales du développement humain : l’espérance de vie ( résultats relatifs d’un pays s’agissant de l’espérance de vie à la naissance ), l’éducation ( mesure des résultats relatifs d’un pays en matière d’alphabétisation et de scolarisation ) et le revenu par habitant ( mesure du PIB par personne, en dollars et à parité de pouvoir d’achat ). Sur la base de cet indice des Nations unies, quatre groupes de pays ont été distingués : un premier groupe de pays dont le développement humain est le plus élevé ( IDH au moins égal à 0,845 ), un second groupe de pays dont le développement humain est moyen ( IDH entre 0,845 et 0,71 ), un troisième groupe ( IDH entre 0,71 et 0,45 ) et enfin les pays dont le développement est le plus faible ( IDH inférieur à 0,45 ). 2 : Programme alimentaire mondial ( http://fr.wfp.org/faim )

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Des effets du changement climatique qui se conjuguent avec l’instabilité politique. ©Teresa d’Orey

de constater que la situation s’est fortement dégradée dans la zone sahélienne, au Soudan, en Ethiopie et en Somalie. Dans ces régions, les effets du changement climatique se conjuguent avec l’instabilité politique chronique : les périodes de sécheresse anormalement longues alternent avec des pluies diluviennes engendrant des conflits ruraux, les tensions entre éleveurs à la recherche de pacages pour leurs troupeaux et agriculteurs sédentaires s’exacerbent, ces affrontements provoquant - du fait de mesures de répression - des déplacements subits et massifs de populations, notamment suite aux guérillas comme au Darfour, dans l’est de la République démocratique du Congo ou au nord de l’Ouganda. Quand, de surcroît, la guerre civile éclate, s’ensuit un exode massif de populations qui deviennent “ à charge “ : en témoignent les réfugiés qui ont fui au printemps 2012 le nord du Mali, tombé sous la coupe des tribus touareg autonomistes, voire sécessionnistes, avec le soutien des djihadistes, et qui vivent dans des villages de

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Armement - désarmement, un marché de dupes tentes, au sud même du Mali ( 107 000 ) ou dans les nations voisines ( 46 000 au Burkina Faso, 29 000 au Niger, 30 000 en Algérie, ainsi qu’en Mauritanie ). Les Etats qui accueillent, déjà confrontés à d’importants problèmes de ressources agraires, appellent au secours … Ces derniers sont chichement comptés ou tardent. Force est de constater que tous les programmes d’aide à la réduction de la pauvreté, à la restauration de la souveraineté alimentaire, à la lutte contre les maladies endémiques ( VIH/SIDA, paludisme, tuberculose, bilharziose, trypanosomiase ) ainsi qu’au développement local coordonné et au micro-crédit, sont freinés par le manque de ressources. L’aide publique au développement, piètrement utilisée pour cause de mauvaise gouvernance, se restreint. Seuls les pays scandinaves, le Luxembourg et les Pays-Bas respectent la consigne de l’OCDE ( 0,7 % du PIB ). Les organisations internationales impliquées dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement sont constamment en train de quémander, n’hésitant pas à faire appel aux personnalités du monde de l’industrie du spectacle pour rameuter les donateurs. Montant alloué ( en milliards de dollards ) pour les programmes dans l’Objectif du Millénaire pour le Développement Eradication de la faim et de l’extrême pauvreté Education primaire universelle Réduction de la mortalité infantile Lutte contre le VIH/SIDA et la malaria Promotion d’un environnement durable Partenariat pour le développement

102 10 10 14,2 156 40

http://demilitarize.org/fact-sheets/militaryspending-vs-millennium-development-goals/

Car les Etats, impécunieux pour ces “ grandes causes “ indiscutables, invoquent les difficultés budgétaires liées à la crise économique ; le repli sur soi des “ pays riches “

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et la “ défense du pouvoir d’achat “ passent avant la solidarité et … les engagements solennellement souscrits dans les enceintes internationales. Toutefois, comparativement aux pays les moins avancés, ce niveau de vie reste très élevé dans les nations occidentales ( le PIB par habitant est 45 fois plus gros aux Etats-Unis qu’au Niger ) en proie à de délicates reconversions de leur appareil productif, les pays “ développés “, en voie de désindustrialisation pour profiter des bas salaires des pays du Sud et de la quasi absence de protection de l’environnement, doivent songer à revoir leur modèle et … partager. Après tant d’années de gaspillages et de consumérisme, la pilule est difficile à avaler. Ce dont les Etats ne se vantent pas, c’est du maintien, sinon de la croissance des dépenses militaires, non seulement chez eux, mais aussi ailleurs, ce qui alimente une formidable industrie exportatrice. Les dépenses militaires, dont les achats d’armes et de munitions, apparaissent d’autant moins légitimes que la faim sévit encore sur notre planète. S’il y a 10 % d’enfants mal nourris dans un pays “ industrialisé “ comme la France, les familles en proie à la dénutrition ou à la famine sont très nombreuses dans des régions comme le Sahel, la Corne de l’Afrique, les montagnes andines, les plateaux d’Asie centrale ainsi que dans les grandes agglomérations asiatiques ( où les bidonvilles sont légion ). Le scandale de la faim dans le monde, qui a été à l’origine de la création d’organisations non gouvernementales comme le CCFD-Terre Solidaire, OXFAM ou Action contre la Faim, est loin d’avoir disparu ; de plus, la construction d’infrastructures ( barrages hydroélectriques, autoroutes ), le développement anarchique des mines et des forages pétroliers entraînent des expropriations sinon des destructions de terres agricoles ( comme dans le delta du Niger ) ; l’urbanisation anarchique jointe à la réduction des services publics ( enseignement, santé, accueil des personnes âgées ) accélère l’exode rural et entraîne une diminution du

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Dossier secteur agricole productif. Enfin, des groupes agroalimentaires font main basse sur les terres agricoles ( souvent non cadastrées ) dans les pays du Sud et expulsent les agriculteurs qui, devenant des paysans sans terre, sont condamnés à devenir salariés – mal payés – des multinationales ou à fuir pour échouer dans les bidonvilles des capitales. Un être humain sur sept est victime de sous-alimentation, indique le directeur général de l’Agence de l’ONU pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), dans un rapport préparatoire publié le mercredi 30 mai 2012 en vue du sommet devant se tenir du 20 au 22 juin 2012 à Rio de Janeiro. Or, les dégâts de la dénutrition sont individuellement facteurs de baisse de la production de quelque nature que ce soit et de destruction du tissu social. L’enchaînement fatal Faim-Misère-Exclusion Faim / dénutrition Affaiblissement de l’organisme Fatigue

Recherche de moyens de subsistance

Exposition accrue aux maladies

Baisse de productivité

Pertes de temps

Marginalisation Diminution des revenus professionnelle Dépression Pauvreté (misère morale) (misère physique) Exclusion

Ces crédits qui manquent- aux budgets du développement rural, de la santé, de l’éducation, pourquoi ne pas les obtenir en transférant, ne serait-ce qu’en partie, les fonds alloués aux forces armées ? Il apparaît, en effet, plus judicieux d’investir massivement dans l’amélioration de la productivité agricole, dans l’éradication des maladies parasitaires endémiques, pour l’éducation des jeunes, dans les réseaux urbains et de faciliter l’accès à l’eau potable ainsi que le retraitement des eaux usées et le recyclage des ordures ménagères : ceci éviterait les épidémies de

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choléra ou de malaria. Mais, il n’en est rien : près de 2,6 milliards de personnes n’ont toujours pas de toilettes à chasse d’eau ou d’autres formes d’assainissement 3. Les dépenses d’armement ( officiellement enregistrées ) représentent plus de cinq fois le montant de l’ensemble des programmes fixés par les Objectifs du Millénaire pour le Développement ! Pourquoi les dépenses militaires explosent-elles plus particulièrement en Afrique ? Des raisons factuelles l’expliquent : - Bien que soit sans cesse proclamé le dogme de l’intangibilité des frontières héritées de la colonisation ( et donc du partage de 1885, à la conférence de Berlin ), il y a maints conflits frontaliers, qui dégénèrent en guerres ouvertes particulièrement sanglantes ( environ 70 000 morts de mai 1998 à juin 2000 dans le conflit Erythrée–Ethiopie ) et, finalement, provoquent des déplacements de population ( entre le Soudan et le Soudan du Sud, du fait des incidents frontaliers et des luttes pour le contrôle de la région pétrolifère d’Abyei ) ; - La déliquescence de l’Etat débouche sur des sécessions ( Somaliland, Azawad ) ou des guerres civiles qui subsistent de manière larvée ( Burundi, Côte d’Ivoire ) ; des bandes armées ( CNDP, M23 ) sévissent dans les provinces de l’est de la RDC ( Nord et SudKivu ) limitrophes du Rwanda, en raison de l’exploitation sauvage des mines de coltan, de cassitérite, d’or et d’étain ) ; les minerais partent ainsi clandestinement vers la Chine et l’Inde, spoliant l’Etat de RDC ; les Etats voisins ( Rwanda, Ouganda, Tanzanie ) profitent du transit de ces marchandises de contrebande ; - Les trafics engendrent une escalade de violences qui opposent sans cesse forces légales et bandits ( comme en Guinée Bissau - plate-forme de redistribution de la cocaïne en provenance d’Amérique latine - et, auparavant, au Liberia ou en Sierra Leone ), les militaires étant eux-mêmes par lucre souvent mêlés aux transactions délictueuses ; 3 : Objectifs du Millénaire pour le développement – Rapport 2011 ( http://www.un.org/fr/millenniumgoals/pdf/report_2011.pdf )

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Armement - désarmement, un marché de dupes - La “ guerre totale contre le terrorisme “, lancée par les Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre 2001 affecte directement l’Afrique du Nord et les Etats du Sahel ; d’ailleurs, les Etats-Unis, sous couvert de lutte contre Al Qaïda au Maghreb islamique, ont créé en 2008 l’état-major AFRICOM ( pour l’instant basé à Stuttgart ), couvrant l’ensemble du continent africain plus les îles de l’océan Indien ( http://www.africom.mil/ ) ; les liens de coopération militaire ont été renforcés tant avec Alger qu’avec Rabat ; des programmes de formation sont montés pour l’entraînement des troupes de Mauritanie, du Burkina Faso et du Niger, afin d’endiguer les contestations au Sahel et d’éviter la propagation du Printemps arabe. Le Conseil de coopération du Golfe ( Emirats arabes unis, Oman, Qatar et Arabie saoudite ) avait su intervenir militairement pour stopper la contestation à Bahreïn ;

Mais, il ne faut point négliger aussi la préoccupation des grands fournisseurs d’armes ( qui sont principalement des pays riches ) de trouver en Afrique des marchés fidèles et profitables. Les guerres civiles viennent opportunément dynamiser la demande et inciter à un réassort. Les budgets militaires de certains Etats sont disproportionnés ; ils traduisent les incertitudes politiques ou révèlent les tensions internes ( dont tirent parti les commerçants “ informels “ et … les marchands de canons ). Dépenses militaires, en % du PIB, de certains Etats africains en 2010 (Pays : part des dépenses militaires, facteur explicatif). Angola : 4,4 %, augmentation des soldes et formation Mauritanie : 3,8 %, troubles politiques récurrents Burundi : 3 à 4 %, guerre civile larvée Djibouti : 3 à 4 %, tensions avec l’Erythrée Mali : 1,9 %, émeutes urbaines Kenya : 1,9 %, troubles politiques et sociaux Sénégal : 1,8 %, dissidence en Casamance Togo : 1,8 %, troubles politiques et sociaux Ouganda : 1,7 %, guérilla de la LRA ( frontière nord ) Zambie : 1,7 %, troubles politiques et sociaux Banque mondiale ( http://donnees.banquemondiale. org/indicateur/MS.MIL.XPND.GD.ZS )

La responsabilité cruciale des pays riches

Pour B. Stoven, c’est chez les plus pauvres que l’on constate une omniprésence militaire. ©DR B. Stoven

- Et puis, l’instabilité politique chronique et la contestation de régimes autoritaires ou privilégiant une ethnie au détriment des autres motivent la plupart des dépenses militaires en Afrique : l’armée est la “ colonne vertébrale “ de la plupart des Etats de l’Afrique de l’Ouest et centrale ( Mauritanie, Burkina Faso, République centrafricaine, Congo-Brazzaville, Rwanda ). Elle est souvent l’instrument de domination d’un clan.

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L’examen des dépenses militaires et des ventes d’armes amène à constater qu’il s’agit d’abord d’un phénomène de pays riches. Les plus dépensiers sont de loin les Américains, qui cherchent à défendre leur position de leader et dont les intérêts économiques sont mondialisés. Ils sont suivis par les pays émergents, qui veulent affirmer une puissance militaire à la mesure de leurs appétits commerciaux et leur garantissant

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Dossier un accès régulier aux ressources minières, énergétiques ainsi qu’aux récoltes. Les pays industrialisés sauront-ils reconvertir leur industrie d’armement ? A court terme, il est permis d’en douter, puisqu’ils traversent, depuis 2008, une sévère crise et que la défense de l’emploi devient une priorité. Selon une approche keynésienne, les industries d’armement représentent d’ailleurs un moyen de relancer la recherche et de concevoir de nouveaux systèmes. Cela n’empêche point de promouvoir une culture de paix, aussi bien dans les pays du Sud ( où la misère perdure malheureusement ) que dans les pays riches. Cette dernière doit s’appuyer sur plusieurs leviers : - Le contrôle démocratique : de même que les citoyens doivent se montrer vigilants quant à leur environnement, à la qualité de leur nourriture et à la façon de produire et consommer de l’énergie, de même doiventils s’inquiéter davantage du bon emploi des deniers publics et insister pour que soient reconsidérées les priorités d’affectation budgétaire ; ce n’est pas aisé, notamment dans un pays comme la France, où des liens consubstantiels ont été tissés, de longue date, entre l’Etat et les industries d’armement, ou les sociétés de services sécuritaires, par le biais de l’unicité des filières de formation ( grandes écoles d’ingénieurs ) ; le complexe militaro-industriel et son influence délétère ne sont pas propres aux Etats–Unis : c’est également une réalité tangible dans maints pays d’Europe. - La diffusion de la non-violence : elle est d’autant plus urgente que l’immigré est devenu la proie de tous les services administratifs et que les crispations identitaires débouchent sur la stigmatisation de l’autre ( différent physiquement, culturellement, religieusement ) ainsi que sur une honteuse hystérie de contrôles ; il faut empêcher la militarisation de nos sociétés, envahies par les systèmes de veille, s’enfermant derrière des clôtures et multipliant les fichiers de profilage ;

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- Le soutien aux initiatives diplomatiques multilatérales : ainsi, un traité sur le commerce des armes ( TCA ) doit-il faire l’objet d’une adoption au début de l’été 2012 ; bien sûr, il conviendra d’en préciser les modalités d’application pour éviter les failles ( dont profiteront les marchands peu scrupuleux ) et d’en hâter l’incorporation dans les règlements nationaux 4 ; dans le même ordre d’idées, il faudrait pousser tous les Etats africains à ratifier le Traité de Pelindaba ( ouvert à la signature en avril 1996 et entré en vigueur en juillet 2009 ), qui définit une zone exempte d’arme nucléaire en Afrique ( sur le modèle du Traité de Tlatelolco, signé en 1996 et applicable en Amérique latine ainsi qu’aux Caraïbes ) ; - Le ralliement d’un plus grand nombre d’ONG européennes à l’appel de Ban Ki Moon, le secrétaire général de l’ONU, proposant l’option 10 %, c’est-à-dire de convertir 10 % des dépenses publiques d’armement en investissements de développement social 5. Plus que jamais, dans un monde en mutations profondes, les vertus de tolérance et d’empathie sont à valoriser. Elles contribueront à prendre soin de l’autre plutôt qu’à s’en garder ou à le surveiller. Elles viseront à employer les ressources fiscales pour réduire la pauvreté, cause des mécontentements, plutôt qu’à l’exacerbation des tensions internes et externes, que provoque le surarmement. Il s’agit, évidemment, d’actions à long terme, un temps peu adapté aux personnels politiques préoccupés par des réponses immédiates ( souvent sommaires voire démagogiques ) et ne convenant point aux affairistes soucieux de profits rapides. < 4 : Voir à ce sujet le dossier présenté par OXFAM International ( http://www.oxfam.org/fr/campaigns/le-traite-sur-le-commercedes-armes-en-questions ) 5 : http://www.fdh.org/Option-10-qu-en-savez-vous-Toute-l.html

Le texte intégral de cette réflexion de Bernard Stoven est disponible sur le site du MIR-France http://www.mirfrance.org

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Armement - désarmement, un marché de dupes Une démarche de non-violence face aux armes

Droit dans notre humanité Alseny Soumah Juriste, originaire de la République de Guinée - Ethnie Soussou On lit à longueur de pages des journaux la banalisation de la drogue dans tous les pays et l’urgence qui s’impose de la freiner. On entend les politiques se faire l’écho des problématiques de nos pays. Des sociologues, des économistes, parlent, écrivent et s’inquiètent de la pauvreté en Tchétchénie, Colombie, Côte-d’Ivoire, Birmanie, Afghanistan, etc., mais font rarement le lien avec un fléau mondial passé sous silence : les armes.

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ans accuser personne ni aucun gouvernement, je me dois simplement de participer à l’effort de réflexion et d’action pour interpeller les décideurs du monde et l’opinion publique internationale sur les conséquences sociales, sociétales, politiques, économiques et culturelle graves que cela engendre dans la transmission des valeurs et le développement des pays de destination finale des armes. Je voudrais également crier, dans ma démarche de nonviolence, mon indignation à la face des industries, des pays et des intelligences qui inondent l’Afrique en armes. Suite à une longue et minutieuse observation, j’ai pris conscience de l’impact des conflits armés sur le développement global de ce continent auquel je suis particulièrement attaché - sans ignorer les mêmes conséquences ailleurs, engendrées par des circonstances similaires ou différentes.

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Pourquoi l’Afrique est-elle le principal réceptacle des armes ou du moins pourquoi est-elle une destination autant prisée par les armuriers ? Pourquoi n’a t-on toujours pas pris la peine de faire le lien entre la vente et la circulation des armes avec les migrations ? D’autres formes de pauvretés ne sont-elles pas liées aux guerres ? Toutes ces guerres, ces souffrances profitent réellement à qui ? Est-ce qu’on veut se donner les moyens pour vulgariser une culture mondiale de résolution de conflits par la négociation et la non-violence ? Les peurs et les interrogations que je porte depuis longtemps sur cette question sont de plus en plus partagées par beaucoup, particulièrement par les jeunes de ma génération. D’elles sont aussi nés un engagement et un espoir tournés vers le développement ensoleillé de l’Afrique. Je n’ai pas la prétention ici d’apporter des réponses à tou-

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Dossier tes les questions liées à la commercialisation et à la circulation des armes, mais je voudrais gratuitement vous faire partager mon cri de non-violence contre ce phénomène. Je suis profondément persuadé que contre les armes, les industries d’armement et les groupes de pression qui se cachent derrière, il faut opposer une autre arme, une autre façon d’être, une autre façon de faire et de résoudre les conflits, c’est la nonviolence. Sans chercher à la définir ici, elle est plus efficace, beaucoup moins chère et moins destructrice, gratuite et accessible à tous. Il s’agit de revenir à notre humanité, donner vie, transmettre, protéger et faire chemin avec chaque chose et chaque être, humblement et à égalité. La commercialisation et l’utilisation des armes montrent justement l’inverse. Accéder et détenir une arme montre la puissance, la conquête, la domination, l’arrogance … Sa détention est justifiée par beaucoup comme facteur de protection et de dissuasion. La plupart des Etats appelés “ grande puissance “ sont ceux qui détiennent les armes à destruction massive. Et ceux qui veulent être dans “ la cour des grands “ ou cherchent à s’en approcher se dopent et en amassent pareillement. J’ai autant d’empathie pour les familles, les personnes victimes des atrocités causées par les armes que pour les personnes qui les fabriquent et les utilisent. Je reste persuadé que pour causer autant de souffrance il faut être en souffrance soi-même. Les personnes et/ou les sociétés qui utilisent les armes contre d’autres personnes et contre la nature ne sont pas dans une démarche naturelle, normale, celle qui consiste à résoudre les différends par l’écoute, le respect de chacun et la prise en compte du point de vue de toutes les parties. C’est la démarche de la non-violence, regarder en face sans vouloir faire peur et avoir à tout prix raison. C’est rester vrai, s’exprimer et trouver la paix et la tranquillité en toute intelligence. Nombreux sont les personnes et Etats qui

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pensent trouver la paix et la tranquillité par la détention d’armes. Je m’oppose, bien sûr, vous le comprendrez, à ce type d’attitude. Aucune arme ni l’utilisation d’aucune forme de violence n’a été une réelle protection pour personne et pour aucun Etat. L’utilisation des armes – par exemple en Libye et actuellement au Mali – n’a protégé aucun civil dans ces pays ni résolu les préoccupations sociales et politiques de ces populations. Au contraire, elle a davantage fragilisé la paix et l’équilibre entre différentes composantes de la société, autrefois tranquille avec des préoccupations simples et soucieuses de les résoudre quotidiennement. Tout ça n’aura alimenté financièrement que les industries d’armement et que la garantie pétrolière d’autres Etats. Ces armes utilisées pour conquérir, dérober, prendre par la force ce que l’on ne peut ou ne sait obtenir par la négociation, c’est la destruction de l’humanité, ce qui donne à leurs utilisateurs un caractère irresponsable. « Chaque fois que notre voisin montre ses muscles, notre égoïsme et non notre intelligence nous pousse à faire autant et très souvent à faire davantage », me disait mon grand-père. Dans l’esprit de son enseignement j’ai, au fur et à mesure, compris que cela nous donne un air idiot et faible. C’est parce qu’on est aussi démuni que l’autre qu’on entre dans son jeu. Le mieux serait de lui proposer autre chose, plus détaché et paisible – une main tendue, une proximité – si cela peut nous permettre d’éviter les souffrances. « Offrir un sourire et un regard vrais, toucher l’autre par la parole et se laisser capter en retour, c’est aller droit dans notre humanité en transmettant une “ branche “ d’amour qui sera forcement transmise ». C’est aussi un des nombreux enseignements que je retiens de lui. C’est pourquoi je propose la non-violence contre les armes, pour participer à la réflexion et interpeller les industries d’armement, ses groupes de pression et les Etats, les presser de prendre leurs responsabilités et “ d’aller droit dans notre humanité “. <

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Armement - désarmement, un marché de dupes Vingt après… à propos de la conversion des usines d’armement

Au-delà du rêve de la reconversion Richard Pétris Fondateur de l’Ecole de la paix Qu’est-ce qui est le plus important : une analyse des statistiques, qui soulignent de façon brute l’évolution des dépenses militaires mondiales ces dernières années, ou la réflexion que suggère celle plus ou moins marquée des politiques de défense, dont les dépenses d’armement seraient à celles-ci un peu ce que l’arbre est à la forêt qu’il cache ? L’auteur explique son choix.

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e ces deux réflexions, je choisis la seconde, tant il faut replacer ces questions dans le champ global d’une sécurité elle-même humaine et globale ; aller bien au-delà du traitement du problème de l’armement et de sa reconversion et s’interroger sur la possibilité concrète d’une véritable stratégie de construction de la paix, sur l’avenir d’une culture de la paix. Il ne s’agit pas de renoncer au rêve mais, au contraire, de le voir en plus grand, dans toutes ses dimensions. On m’avait demandé, il y a vingt ans, au lendemain de la chute du mur de Berlin et tout à l’euphorie de la fin de la guerre froide et des “ dividendes de la paix “ qui n’allaient pas manquer de tomber, de m’intéresser à la conversion des industries d’armement, de tenter de comprendre “ comment ça pouvait marcher “, comment réaliser la prophétie de l’épée et de la charrue. Je crois pouvoir dire que les deux principales leçons qui s’étaient imposées, c’était qu’on

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ne pouvait envisager une opération de conversion en l’isolant de son contexte, d’une part, qu’une stratégie de conversion se devait d’avoir une orientation visionnaire, d’autre part. Si les dividendes de la paix ne se sont pas présentés exactement comme on l’espérait, force est tout de même de constater que, globalement, nous avons changé d’ère. La nouvelle tendance des budgets militaires, pendant les années qui ont suivi, a bien été orientée à la baisse, traduisant non seulement une nouvelle conscience des enjeux réels de la sécurité mais aussi une nouvelle conception des priorités de l’économie et du développement. C’est si vrai que l’on peut considérer que l’idée d’un retour en arrière, à la faveur de la prise en considération d’un réajustement des budgets de défense qu’auraient rendu nécessaire le renforcement d’une politique de défense européenne plus affirmée, tel qu’évoqué, en France, à l’occasion du référendum

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© DR infos.fncv.com

Dossier

En France, l’enjeu industriel fait des exportations d’armements un élément de politique d’influence tout autant qu’une donnée économique articulée entre balance commerciale et maintien des emplois.

sur le nouveau traité européen en 2005, n’a pas peu joué dans le rejet de celui. Les dépenses militaires dans le monde se sont stabilisées en 2011, totalisant 1 740 milliards de dollars, soit 1 320 milliards d’euros, selon un rapport publié au mois d’avril 2012 par le Sipri ( Stockholm International Peace Research Institute ), un institut international indépendant, basé à Stockholm, spécialisé dans les conflits, les armements, le contrôle des armes et le désarmement. Il faut également remarquer que parmi les premiers pays acheteurs d’armes, six – le Brésil, la France, l’Allemagne, l’Inde, le Royaume-Uni et les Etats-Unis – ont réduit leurs budgets militaires, tandis que la Chine et la Russie les ont « nettement augmentés ». La volonté de ces deux derniers de retrouver leur statut de « puissance mondiale » ne peut surprendre et en matière d’armement, précisément, cette question du statut joue un rôle important. Il compte ainsi dans le cas de la France qui

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est prise dans un double défi expliquant sa posture en matière de politique d’armement. Son souci d’affirmation de son indépendance nationale fait de la possession d’un armement, dont le haut niveau de technicité est représenté par l’arme nucléaire et sa doctrine de “ dissuasion “ induite, une condition de sa souveraineté qui ne peut être remise en cause. Sur un autre plan, celui de l’enjeu industriel fait des exportations d’armements non seulement un élément d’une politique d’influence qui a aussi à voir avec “ le rang “ auquel renvoie le premier défi, mais, au moins autant, une donnée économique articulant à la fois les considérations d’équilibre de la balance commerciale et le problème du maintien des emplois. Une nouvelle complexité, mêlant ces différents éléments, s’est nouée, ces dernières années, autour du choix stratégique fait par les Etats-Unis pour le “ bouclier antimissiles “. Sans entrer dans le débat technologique au-

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© DR Ecole de la paix

Armement - désarmement, un marché de dupes

Allégorie du vivre ensemble et du développement durable *, un défi pour une paix toujours à construire.

tour de la parade absolue qu’il constituerait pour les uns ou de l’illusion de la protection de cette défense antimissile qu’il serait pour les autres, on peut déjà mesurer l’enjeu à la fois stratégique, au sens large du terme, politique et économique, dans lequel se trouve pris notre pays, dans une attitude de suivisme ou de compétition, c’est selon, vis-à-vis des Américains et de soumission, ou non, au poids industriel, économique et financier de ses propres “ missiliers “ !

Quelle stratégie de sécurité et de paix ? Cette situation est emblématique des questions que l’on devrait se poser ; possédons-nous une avance technologique telle qu’elle nous permettrait donc de croire en l’arme absolue capable de tenir un ennemi en respect, ce qui est le calcul sur lequel * “ Calligraphie de l’origine “ du peintre colombien Jenaro Mejia Kintana ( 2010, acrylique sur toile,100 x100 ). Collection Ecole de la paix. Série de six tableaux retraçant l’aventure humaine dans son environnement.

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est fondée la doctrine de la dissuasion nucléaire, ou bien, sommes-nous devant le risque que nous laisse déjà entrevoir celleci, d’un “ Meilleur des mondes “ construit sur un équilibre de la terreur ? « Fuite en avant » pour les uns, début de la sagesse pour les autres, le fait est, comme l’observait Michel Rogalski, économiste et directeur de la revue Recherche Internationale, qu’en 2001, dans un article sur “ Dépenses militaires et élaborations stratégiques : un moment charnière “ ; les deux Grands avaient pris conscience non seulement de l’inanité et de la dangerosité de la course aux armements, mais également de son coût de plus en plus insupportable, à commencer pour ses chefs de file. Il y a vingt ans, nous soulignions déjà quels devaient être les ingrédients d’une conversion nécessairement ambitieuse, parce que se donnant les moyens de nouveaux chantiers et de nouvelles missions correspondant à un nouveau concept de sécurité. C’était déjà un général, le directeur de l’Enseignement supérieur scientifique et technique, qui posait la question dans la revue Défense nationale de mai 1993 : « N’est-ce pas le moment de concevoir la stratégie de la non-guerre ? » Et de proposer qu’on réfléchisse à une « théorie de la dissuasion que l’on pourrait qualifier de duale » : d’une part « menace spécifique et adaptée » contre les « fauteurs de trouble », d’autre part, « politique véritable de répartition des richesses et du savoir-faire concernant le développement ». Peu avant, alors que la guerre du Golfe réveillait brutalement les consciences, André Fontaine, ancien directeur du Monde, remarquait : « Il est urgent de donner autant d’importance aux scénarios de paix qu’aux scénarios de guerre. » Après le retrait d’Irak et le désengagement d’Afghanistan, et même après les interrogations des lendemains de l’intervention en Libye, comment ne pas entendre les réflexions du chef de corps du 15-2 de Colmar de retour d’Afghanistan, le colonel Jeand’heur : « J’avais dit aux soldats en partant qu’il ne

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Dossier fallait pas croire qu’on allait gagner la guerre. Aujourd’hui, les guerres ne se gagnent plus … » (Le Monde, 18/02/2012) ? Mais l’horizon n’était-il pas décidément déjà fixé, également, lorsque c’est un prix Nobel de … chimie, Ilya Prigogine, qui quelques mois avant sa mort, affirmait que, à ses yeux, « le plus important est de savoir comment passer, politiquement, d’une culture de guerre à une culture de paix. » ( Le monde s’est-il créé tout seul ?, Albin Michel, 2010 ) ?

« J’avais dit aux soldats en partant qu’il ne fallait pas croire qu’on allait gagner la guerre. Aujourd’hui, les guerres ne se gagnent plus … » La question est effectivement d’importance et il ne peut s’agir, dans cet espace, d’en aborder tous les aspects, mais une approche devrait retenir toute notre attention : le fait que, pour la première fois dans le débat international sur l’éducation face aux grands défis planétaires, le signal d’alarme provient non plus seulement des scientifiques et des réseaux militants, mais de militaires qui affirment que cette nécessité de transformer en profondeur nos systèmes éducatifs pour cesser d’y reproduire les schémas non durables est devenue une question de sécurité planétaire, parce que c’est la seule façon de s’attaquer aux racines des crises économiques, sociales et environnementales que ces schémas entraînent et aux graves menaces de conflits que ces crises représentent. La réunion de responsables éducatifs de 25 pays, à Monterey, Californie, en automne dernier et d’où émane cette réflexion, a été lancée par l’Ecole navale supérieure de l’armée américaine. L’irruption des militaires sur le terrain de la transformation de l’école peut surprendre ; elle s’inscrit elle-même dans un mouvement profond de transformation

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du rôle des armées qui paraît inéluctable. La tribune que nous avons signée à plusieurs des représentants de la société civile et un militaire, un scientifique et un expert de l’éducation - et que Le Monde vient de publier sous le titre Rio+20, la transformation de l’éducation et la sécurité planétaire 1 soulignait cette conjonction favorable de points de vue et concluait : « Nous ne sommes pas à la fin de l’histoire et elle reste à écrire celle qui verra une politique de développement se substituer aux moyens de force. La responsabilité de la France et de l’Europe dans le pillage historique des peuples et de la nature est sans équivoque : nous avons été à l’avant-garde d’un système fondé sur le développement insoutenable et l’ordre militaire, serons-nous à l’avant-garde de la fusion des armées et de la formation du citoyen capable de comprendre les grands défis, d’inverser les tendances et de construire l’indispensable solidarité planétaire ? » Les mutations qui se sont produites en deux décennies de révolution dans les affaires militaires, en même temps que le monde gagnait encore en complexité, permettent de moins en moins de traiter la question des armes et de l’armement comme un objet isolé. Comme il ne suffit pas non plus de déduire de la “ fin de la guerre, “ telle qu’elle nous apparaît aujourd’hui dans la longue évolution de l’histoire de l’humanité, en négligeant volontairement ce qui distingue les exceptions du courant principal, la fin de l’institution militaire. Le nouveau cadre d’emploi de l’outil militaire dans la gestion des crises doit, au contraire, être l’occasion d’une réflexion toujours plus globale chez les militaires eux-mêmes, mais aussi chez tous les autres acteurs de la société, sur le fondement de la motivation politique qui doit présider à l’éventuel recours à la force et aux armes. Leur concertation sera la vraie nouveauté et c‘est le seul moyen de passer de la suppression rêvée des armements à la réalité de leur maîtrise. < 1 : ( http://www.lemonde.fr/idees/ensemble/2012/06/19/debatles-enjeux-de-rio-20_1720880_3232.html )

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Armement - désarmement, un marché de dupes Le marché des armes au Burkina Faso

Qui fabrique ? Qui vend ? Qui achète ? Frédéric Ilboudo Pour le site lefasonet.bf , de la Commission nationale de lutte contre la prolifération des armes légère, du Burkina Faso Véritable industrie porteuse, l’armement, qui fait vivre l’économie de nombreux Etats, laisse apparaître dans certains pays son côté lucratif jusqu’au niveau même artisanal, occultant les torts causés par les “ fabricants “ peu scrupuleux. Le poids économique du secteur est indéniable. Exemple au Burkina Faso, en remontant le circuit pour comprendre.

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a problématique des armes se pose de plus en plus avec acuité. Des victimes à la pelle, des situations de conflits à n’en pas finir. Bref, le cortège des malheurs du fait des armes est long, aussi bien au Burkina, en Afrique que dans le monde. Nous avons cherché à savoir qui fabrique ? Qui vend ? Qui utilise ? Comment ? Et pourquoi ? Le 18 février 2004, trois policiers tombent sous les balles de malfrats. Le 22 juillet 2004, sur la route Ouagadougou-Accra, des coupeurs de routes attaquent deux cars de transporteurs : bilan, cinq morts, 20 millions de francs CFA emportés. Le 10 septembre de la même année, un gendarme abat sa copine de 23 ans d’une balle dans la tête. Dimanche 24 juillet 2005, axe routier Ouagadougou-Pô, braquage avec armes à feu. Bilan, un mort, sept blessés, dont quatre graves et des biens emportés. Pas plus tard que courant mars 2007, un vigile d’une société de gardiennage

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parti réclamer son reliquat de salaire de 6 500 FCFA chez son patron est abattu par ce dernier d’une balle dans la tête au quartier Ouidi de Ouagadougou. Dans la même période, un père de famille abat son fils avec un fusil du côté de Gounghin… Une macabre liste loin d’être close ; l’arme à feu aux mains de personnes sans scrupules fait ses œuvres morbides. Que les armes soient de fabrication artisanale ou industrielle, elles ont toutes un point commun, elles donnent la mort. Pourtant, elles seront toujours fabriquées pour le malheur de tous car leur industrie nourrit tout autant qu’elle tue. Le commerce des armes est très florissant de par le monde, il fait brasser des quantités énormes de devises et l’on voit mal les acteurs du secteur et même les Etats envisager son extinction. Au Burkina, ils sont nombreux à tirer leur pitance quotidienne du commerce des armes. C’est le cas du vieux Karamoko Traore.

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La soixantaine bien sonnée, “ Papa “, comme l’appellent affectueusement ses proches, tire ses revenus de la fabrication, de la vente et des réparations des armes : « Les armes chez moi, c’est une histoire de famille. Mon père a appris avec son père, j’ai appris avec lui, aujourd’hui mon fils aîné est prêt pour me remplacer. C’est un héritage qui se transmet de père en fils ». Dans son atelier situé devant la cour familiale, dans un quartier populaire de Ouagadougou, le vieux Karamoko et deux de ses fils s’activent à achever trois commandes de fusils de chasse, pendant que le plus petit, Amidou, s’échine à tenir le feu de la forge. Bamouni, l’aîné ( 27 ans révolus ) termine, lui, les finitions de la pièce maîtresse de l’arme : la chambre de mise à feu. Un travail de longue haleine qui demande patience et précision. Deux, trois semaines, c’est le temps qu’il faut au vieux Karamoko et ses apprentis de fils pour fabriquer un fusil de chasse calibre 12.

Temps durs pour les armuriers Mais recrudescence du banditisme, exacerbation des conflits, etc. font que les armuriers passent des jours difficiles ces dernières années, car il est question de lutter contre la prolifération des armes légères. Du coup, les Etats s’arment de textes ( convention CEDEAO contre les armes légères 1 ) pour réduire la circulation des armes. Conséquence, les armuriers tels que le vieux Karamoko sont à la peine. Une récession se fait jour dans le secteur car les consommateurs se raréfient. Voilà par exemple un bout de temps que la forge de “ Papa “ n’avait pas fonctionné faute de commandes : « Avant, on fabriquait même pour exposer, car en ce temps les affaires marchaient, on vendait une arme à 90 000 FCFA, mais aujourd’hui avec 50 000 FCFA et même 1 : La convention de la CEDEAO ( qui réunit les chefs d’Etat et de gouvernement des Etats membres de la Communauté économique des Etat s de l’Afrique de l’Ouest ), adoptée en juin 2006 et entrée en vigueur en novembre 2009, a pour objet d’encadrer la production, la détention et la circulation des armes en Afrique de l’Ouest [ www.grip.org - www.unidir.org ]

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© DR Anne Mimault/Rick

Dossier

La fabrication d’armes légères artisanales au Burkina Faso, un commerce pratiquement comme un autre …

moins, je te fabrique une arme. Nous fabriquons également les fusils pétards que nous appelons “ bougdandouille “ pour des cérémonies diverses. Mais rien de tout ça ne marche actuellement. C’est pourquoi il arrive des fois que je donne un coup de main à mes clients pour l’obtention de leurs papiers, puisque sans permis d’achat, je ne peux pas fabriquer. Le plus dur, c’est qu’on peut passer trois mois sans une seule commande, à plus forte raison une réparation. Du coup, on survit en attendant des jours meilleurs. C’est vous dire à quel point la situation est devenue difficile », nous a confié tristement le vieux Karamoko. Le nombre des armuriers fabricants au Faso, personne ne saurait le dire avec exactitude, pas même l’AFRIMA ( l’Association des fabricants et importateurs d’armes du Burkina ). A cause de l’exiguïté du marché et des tracasseries administratives, beaucoup sont entrés dans la clandestinité. C’est le cas de Hamidou K. qui traverse les frontières burkinabées pour s’approvisionner dans les pays voisins et pouvoir ravitailler ses clients. Ses

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Armement - désarmement, un marché de dupes propos sonnent comme une défiance à l’autorité : « L’Etat pense que c’est en augmentant les frais de l’agrément qu’il va mettre fin à nos activités. Ce n’est pas possible. Si on n’a pas l’argent pour être en règle, on devient clandestin et on opère tranquillement. D’ailleurs, c’est plus rentable. Comment voulezvous qu’on paye 250 000 F CFA pour exercer un métier qui te procure difficilement cette même somme ? ».

8 millions d’armes illicites sur lesquelles aucun Etat n’a de contrôle circulent en Afrique, et chaque minute, une personne meurt des violences armées Le vieux Karamoko embouche la même trompette : « L’Etat est bête, quoi ! S’il croit que ce montant va nous dissuader, il se trompe. Si c’est trop cher, on va se cacher pour fabriquer. Et je vous dis, même au temps des colons, il y avait deux gardes-cercles en poste devant notre concession familiale pour contrôler mon grand-père puisque la fabrication était interdite. Ça ne l’a pas empêché de faire son travail. A chaque fois que le colon entendait le marteau taper sur l’enclume, il débarquait et constatait que c’était une pédale de vélo qu’on réparait …. J’ai même perdu un oncle dans les geôles du colon, mais ça n’a pas arrêté notre travail, bien au contraire ». C’est dire si la convention CEDEAO contre la prolifération des armes est vue d’un mauvais œil du côté des armuriers, car c’est leur gagne-pain qui en dépend. Mais les armuriers ne sont pas les seuls à être inquiets. De plus en plus aussi, les concessionnaires des zones de chasse s’interrogent sur l’avenir de leur métier au regard de la complexité du problème. Selon un responsable de zone dans l’Est du Burkina, il est difficile de faire entrer les munitions de certains calibres de chasse.

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L’activité a-t-elle encore de beaux jours devant t-elle ? Avec une clientèle composée à 90 % de paysans, malgré les difficultés, les armuriers n’en démordent pas. Autant les clients traditionnels tendent à disparaître, autant une nouvelle race d’utilisateurs voit le jour, notamment les utilisateurs malveillants. En effet, les bandits et autres coupeurs de routes s’approvisionnent généralement, selon les services de police, chez les armuriers locaux. En plus de cela, l’essor spectaculaire des compagnies de gardiennage - puissamment armées en milieu urbain - et des “ milices rurales “, pour répondre à l’incapacité croissante de l’Etat à assurer la sécurité des personnes et des biens, représente une manne inespérée pour eux. Selon un rapport de l’ONU, « 8 millions d’armes circulent de manière illicite en Afrique, sur lesquelles aucun Etat n’a de contrôle. Et, chaque minute, une personne meurt des violences armées. Plus de 50 % des armes qui échappent au contrôle des Etats africains sont des armes de fabrication locale. Ainsi la production locale au Burkina et en Afrique de l’Ouest en général échappe au contrôle légal et règlementaire des divers Etats ». Les armuriers refusent de se reconnaître dans les attaques à main armée, alors que certains d’entre eux sont souvent soupçonnés de collaboration avec les bandits et, mieux, il arrive que d’autres soient appréhendés pour les mêmes faits. « C’est avec consternation et amertume que nous entendons ces nouvelles qui affligent notre corporation », soutient “ Papa “. La sauvegarde de millions de vies dans notre pays - et dans la sous-région ouest africaine - ne dépend que de la volonté politique de nos dirigeants, qui devraient maîtriser la chaîne de fabrication et de “ consommation “ des armes légères. La maîtrise des armes est l’un des principaux défis sécuritaires de ce XXI e siècle. Si rien n’est fait, la communauté internationale ne pourra ni résoudre les conflits ni promouvoir la démocratie. <

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Dossier L’urgence de délégitimer l’arme nucléaire

“ Détruire des millions et des millions d‘hommes “ Jean-Marie Muller * Porte-parole national du Mouvement pour une Alternative Non-violente. Vigoureux et vibrant appel. L’auteur presse ici les Eglises en tout premier lieu comme l’ensemble de nos concitoyens à s’indigner contre l’immoralité intrinsèque, la monstruosité et le total irréalisme de l’arme nucléaire. Appel aussi à décider de vouloir y renoncer unilatéralement, en refusant l’impasse d’un désarmement nucléaire multilatéral aussi hypocrite que paralysant.

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e 14 janvier 1963, le général de Gaulle, Président de la République, affirme la nécessité pour la France de se doter d’une force atomique qui « aura la sombre et terrible capacité de détruire en quelques instants des millions et des millions d’hommes ». Il précise : « Nous nous en tenons à la décision que nous avons arrêtée : construire et, le cas échéant, employer nous-mêmes notre force atomique ». Le chef d’État français envisage donc clairement d’employer une arme capable de détruire en quelques instants des millions et des millions d’hommes … Fallaitil tout le prestige attaché à la personne du général de Gaulle pour que l’énormité de tels propos ne suscite pas en France l’indignation de tous les hommes de raison ? Mais peut-être fallait-il précisément le caractère proprement inimaginable de la tuerie exterminatrice programmée pour que * Auteur de Les Français peuvent-ils vouloir renoncer à l’arme nucléaire ?, Éditions du MAN, 2010 et de Le christianisme face au défi des armes nucléaires, Éditions Golias, 2011.

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les hommes ne puissent y prêter attention ? Comment imaginer ce que représente réellement « des millions et des millions de morts » ? À la lettre, une telle monstruosité dépasse l’entendement, tellement elle passe les bornes de l’imagination. Par son immensité, une telle destructivité est aveuglante. On ne la voit pas. La possibilité d’un tel désastre reste abstraite et se situe au-delà du bien et du mal. Ce qui est impensable apparaît impossible. Cette capacité de détruire des millions de vies humaines ne nie-t-elle pas les valeurs d’humanité qui fondent la civilisation ? Pourquoi ce reniement de ces valeurs morales qui donnent sens à l’histoire n’a-t-il pas été perçu par les citoyens français ? Pourquoi n’a-t-il pas suscité leur indignation ? Pourquoi les autorités intellectuelles, morales, et spirituelles n’ont-elles pas dénoncé l’inacceptable ? Pourquoi les clercs, qui ont la responsabilité de faire œuvre de pensée, n’ont-ils pas protesté contre ce dévoiement de la connaissance des hommes de science opé-

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Armement - désarmement, un marché de dupes

Dès lors que l’emploi de l’arme nucléaire serait un crime contre l’humanité, la menace de son emploi n’est-elle pas déjà criminelle ? © DR sevtechno.free.fr

ré par les hommes d’État ? Certes, quelques voix se sont élevées, mais elles ont parlé dans le désert. La majorité est restée silencieuse. Consentante. Complice. Collaboratrice.

Un crime contre l’humanité L’enjeu de l’arme nucléaire n’est pas d’abord militaire ; il est certes politique et culturel, mais il est en premier lieu philosophique et spirituel. Il ne s’agit pas d’abord de savoir par quels moyens nous devons défendre notre société mais de savoir quelle société nous voulons défendre. Il s’agit de savoir quelles sont les valeurs de la civilisation qui donnent sens à notre propre existence et à l’histoire humaine et pour la défense desquelles il convient de prendre des risques. La menace de l’arme nucléaire, qui implique par elle-même le consentement au meurtre de millions d’innocents, est le reniement de toutes les valeurs qui constituent la civilisation. Aucun être humain, s’il veut rester digne, ne saurait donner ce consentement. Le caractère criminel de l’emploi de

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l’arme nucléaire a été clairement affirmé par la résolution de l’ONU du 24 novembre 1961, donc bien avant Vatican II. L’Assemblée générale déclare : « Tout État qui emploie des armes nucléaires et thermonucléaires doit être considéré comme violant la Charte des Nations unies, agissant au mépris des lois de l’humanité et commettant un crime contre l’humanité et la civilisation. » La condamnation est sans appel. Face à la possibilité du crime nucléaire, l’humanité est sommée de se réveiller de son inconscience et de résister à sa barbarie intérieure. L’humanité, c’est-àdire chacun de nous. Certes, la dissuasion n’est pas l’emploi de l’arme nucléaire, mais elle est l’emploi de la menace, et l’emploi de la menace comporte directement la menace de l’emploi. Dès lors que l’emploi de l’arme nucléaire serait un crime contre l’humanité, la menace de son emploi n’est-elle pas déjà criminelle ? Le principe même de la dissuasion exige que le décideur ait la ferme intention d’employer l’arme dont il exerce la menace sur un adversaire potentiel. Il faut donc qu’il

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Dossier « affiche » cette intention avec le plus fort coefficient de détermination possible. En réalité, cette intention risque fort de rester abstraite et de ne jamais être confrontée à l‘expérience du passage à l’acte. Car il n’existe aucun emploi raisonnable de l’arme nucléaire. Celle-ci n’est le moyen d’aucune fin raisonnable. C’est s’illusionner de penser qu’elle est un moyen de puissance. C’est se tromper de croire qu’elle puisse être un moyen de défense. Non, l’arme nucléaire n’est pas un moyen légitime de défense, elle n’est qu’une arme criminelle de terreur, de destruction et d’anéantissement. Depuis la fin de la guerre froide, la France n’a pas cessé de développer son arsenal nucléaire. Et dans le même temps où la France vante les mérites de l’arme nucléaire comme symbole de la grandeur et de la puissance de la nation française, elle entend faire montre d’une intransigeance absolue à l’égard des États non dotés d’armes nucléaires qui voudraient s’autoriser à en posséder. À cet égard, le dossier iranien est particulièrement significatif. Ainsi, les cinq grandes puissances prônent l’abstinence nucléaire sans la pratiquer eux-mêmes. Avec beaucoup d’indécence, elles s’adonnent au vu et au su de tout de monde au plaisir de la prolifération verticale, elles jouissent de la possession de l’arme nucléaire tout en exigeant des autres nations qu’elles fassent vœu de continence nucléaire. Un tel comportement ne peut pas ne pas alimenter la frustration et le ressentiment des nations non nucléaires.

Une obligation morale unilatérale et impérative Certes, tout le monde est comptable du désarmement mondial, mais quand tout le monde est comptable, personne ne se sent responsable. Pour un État, se prononcer en faveur d’un désarmement nucléaire général, complet, progressif, simultané, contrôlé et garanti ne l’engage en réalité strictement à

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rien. Les plaidoyers pour un désarmement nucléaire universel relèvent de l’incantation pieuse. Malheureusement, jusqu’à présent les responsables des Églises s’en sont euxmêmes tenu à parler ce langage qui ne peut avoir aucune prise sur la réalité. En tant que citoyens français, nous ne sommes pas directement responsables du désarmement mondial, mais nous le sommes entièrement du désarmement français. Dès lors, ne nous appartient-il pas de rechercher la paix et la sécurité dans une France sans armes nucléaires ? Pour vouloir désarmer, nous ne pouvons certainement pas attendre que les autres veuillent également désarmer, que tous les autres veuillent désarmer afin que nous puissions désarmer ensemble. Tout particulièrement pour ce qui concerne le désarmement nucléaire, le principe de « multilatéralité » est un principe fallacieux. Seul le principe de l’« unilatéralité » peut nous permettre d’avoir prise sur la réalité. Nous avons l’obligation morale impérative de vouloir renoncer à l’arme nucléaire sans attendre la réciproque. L’essence même de l’obligation morale est d’être unilatérale. La réciproque, ce n’est pas notre affaire. La réciproque, c’est l’affaire des autres. Notre affaire, c’est de prendre aujourd’hui la décision qui engage notre responsabilité. Notre dignité nous y oblige. Force est de reconnaître que jusqu’à présent, l’Église s’en est tenu à préconiser la négociation d’un désarmement nucléaire multilatéral, progressif, simultané et contrôlé. Mais un langage aussi précautionneux est dépourvu de toute portée morale et politique. Une telle casuistique ne peut avoir pour conséquence que de diluer les responsabilités morale et politique de tous et de chacun. Certes, dans le domaine de la stratégie nucléaire, l’argument moral ne convaincra probablement pas les décideurs politiques et militaires qui ne s’en soucient nullement. Dans ce domaine, un prétendu réalisme

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Armement - désarmement, un marché de dupes

© MIR-France/ P. Guérive

prétend toujours récuser un prétendu moralisme. Cependant, il se trouve que l’immoralité intrinsèque de l’arme nucléaire se double de son infaisabilité stratégique. Le simple réalisme nous oblige à reconnaître que l’arme nucléaire ne nous protège d’aucune des menaces qui peuvent peser sur notre sécurité, mais qu’elle constitue ellemême une menace. Tout particulièrement, l’arme nucléaire n’est d’aucune utilité pour protéger nos sociétés de la menace terroriste qui pèse sur elles. Ainsi, le désarmement nucléaire unilatéral satisfait aussi bien les exigences de « l’éthique de conviction » que celles de « l’éthique de responsabilité ». Et les unes sont aussi impérieuses que les autres.

J.-M. Muller : « L’arme nucléaire est sans conteste l’une des plus graves manifestations du mal ».

L’arme nucléaire est sans conteste l’une des plus graves manifestations du « mal » qui hante et tourmente et afflige l’humanité. Mais, s’il le veut, l’homme, peut avoir prise sur ce mal. S’il le veut, il peut décider de le supprimer. Il existe de nombreux problèmes dont la solution est complexe, incertaine, difficile, parfois même impossible. Mais, contrairement à l’avis des « experts » qui ont besoin de la complexité des choses pour exercer leur métier, le problème de l’arme nucléaire nous offre une solution possible : il faut « simplement » que nous décidions de

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vouloir y renoncer. Pour autant, il n’est pas simple de le vouloir. La décision est difficile, car de multiples raisons qui sont autant de sophismes risquent d’entraver notre volonté. Alors que d’aucuns sont portés à laisser croire que le renoncement à l’arme nucléaire porterait atteinte à la « grandeur de la France », c’est probablement tout le contraire qui se produirait. Comment ne pas croire en effet qu’il en résulterait un surcroît de prestige pour notre pays ? « Le prestige, déclarait M. Ban Ki-moon, le Secrétaire général des Nations Unies, lors de l’allocution qu’il prononça à Hiroshima le 6 août 2010, appartient non pas à ceux qui possèdent des armes nucléaires, mais à ceux qui y renoncent. » Sans nul doute, la capacité de notre pays de faire entendre sa voix dans les grands débats de la politique internationale ne serait non pas affaiblie mais fortifiée. On peut gager que partout dans le monde des femmes et des hommes salueraient la décision de la France comme un acte de courage qui leur redonne un peu d’espérance.

L’arme nucléaire est une idole En définitive, l’arme nucléaire est une idole, celles et ceux qui lui rendent un culte sont des idolâtres. Et il est toujours difficile de briser les idoles. La croyance des hommes en l’arme nucléaire comme symbole de la puissance est l’un des plus formidables envoûtements auquel l’humanité ait jamais succombé. Il signifie l’aliénation de la conscience, la perversion de l’intelligence, l’asservissement de la raison, la perte de la liberté et s’apparente à un véritable ensorcellement. Par son consentement au meurtre nucléaire, l’homme nie et renie la transcendance de son être spirituel. Par cet assentiment, il « perd son âme », comme on disait naguère. En refusant de rendre un culte idolâtre à l’arme nucléaire, l’homme redevient maître de son propre destin et il lui est alors possible

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Dossier de recouvrer sa part de transcendance. Dès lors, le moment n’est-il pas venu d’actualiser la prophétie d’Esaïe qui, se scandalisant de voir le pays de Juda et de Jérusalem « rempli de chevaux et de chars sans nombre, rempli de faux dieux », annonçait le jour où des « peuples nombreux briseront leurs épées pour en faire des socs et leurs lances pour en faire des serpes » ? ( Esaïe, 2 )

Les Français peuvent-ils vouloir renoncer à l’arme nucléaire ? 1 La force de cet ouvrage de J-M. Muller repose sur la vigueur et l’actualité de l’analyse politique qui y est présentée. Les références au passé et les textes cités, bien audelà de leur sortie des archives historiques, sont devenus indispensables aujourd’hui, afin de comprendre pour agir. La question nucléaire est ici abordée sous l’angle de la contestation de tout pouvoir autoritaire, de la remise en question de notre pratique démocratique affadie, et surtout du défi philosophique, face aux périls qui se dressent devant l’humanité. [ … ] Il est une autre politique de défense possible que celle qui s’en tient à un pseudoréalisme, au risque de compromettre toutes les espérances terrestres. Nous voici, et ce n’est pas vrai seulement de l’armement nucléaire, ramenés devant des évidences [ … ] : la Bombe porte atteinte à la démocratie, elle fonde la monarchie présidentielle, elle est incompatible avec tous les idéaux de la civilisation occidentale et la contredit donc. C’est par ce biais qu’il convient d’aborder l’hypothèse du désarmement unilatéral de la France. Le système institutionnel de la V e République, d’origine gaulliste, enferme l’État dans une logique monarchique du pouvoir qui s’appuie sur la volonté de puissance représentée par l’armement nucléaire. Jean-Marie Muller nous invite à considérer sérieusement cette situation à laquelle nous voici, plus que jamais, confrontés, et à nous interroger sans plus tarder. [ … ] Plus encore que les risques, évidents, liés à la prolifération nucléaire, aux dangers que cette prolifération étend à des utilisations terroristes de la Bombe, il y va de notre survie, dès lors que, quelle qu’en soit la cause, l’arme nucléaire peut échapper au contrôle de la petite minorité d’hommes, faillibles, en charge de surveiller le dispositif militaire. [ … ]. Il faut sortir de ces turbulences où il peut être mis fin à notre histoire.

Faire écho à la voix du jeune prophète de Nazareth Dans la société laïque et républicaine qui est la nôtre, les chrétiens ont encore le rare privilège de pouvoir faire entendre leur voix dans la cacophonie des bruits médiatiques qui asphyxient notre démocratie. Dès lors, n’estil pas de leur responsabilité de faire écho à la voix du jeune prophète de Nazareth qui, il y a quelque deux mille ans, a délégitimé toute violence, a demandé à ses amis de ne pas résister au mal en imitant le méchant et de remettre leur épée au fourreau ? Durant toute sa vie, avec une liberté magnifique, il a osé défier le pouvoir des puissants. Nous savons qu’il en est mort. Je ne sais pas si nous sommes encore beaucoup à attendre des Églises qu’elles fassent écho aux paroles de compassion, de douceur, de justice et de paix que le Nazaréen fit entendre sur la montagne des Béatitudes… Mais si elles en avaient l’audace, alors nous pouvons être sûrs que, dans ce monde malade de la violence à en mourir, ils seraient nombreux, très nombreux, parmi celles et ceux qui sont sans voix, qu’ils croient au ciel, qu’ils n‘y croient pas ou qu’ils y croient mal, à se réjouir de les entendre parler haut et fort pour délégitimer l’arme nucléaire et demander le désarmement unilatéral de la France. Dans ce monde enténébré, ils auraient contribué à entretenir la petite flamme fragile de l’espérance. Il est possible de briser l’idole nucléaire. Si nous le voulons. <

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Comité de Coordination du Mouvement pour une Alternative Non-violente 1 : Editions du MAN, juillet 2010,104 pages, 6 €

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Armement - désarmement, un marché de dupes Bienvenue à la maison, jeunes anciens combattants !

Et maintenant faites comme si … Jim Murphy Militant pacifiste, membre du MIR-Etats-Unis, militaire au Vietnam de1966 à1968

Bienvenue à la maison à ces diplômés de l’enseignement secondaire ayant récité pendant douze ans le “ serment d’allégeance “ au drapeau et à la nation, dont les lycées ont accueilli volontiers les recruteurs militaires et leurs promesses de “ réaliser toute votre personnalité “. Ce soir, quand vous aurez fini de lire cet article, pensez à ces chiffres : 75 000, le nombre minimum d’anciens combattants qui sont sans abri.

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00 000, c’est le nombre minimum d’anciens combattants incarcérés à ce jour dans les prisons d’Etats et de comtés. On ne connaît pas les chiffres exacts car nul ne tient de données précises. Ce sont des estimations qui doivent probablement s’entendre au bas mot. On est amené à se demander combien de ces anciens combattants incarcérés ont combattu en Irak et / ou en Afghanistan. Selon des chiffres compilés par les Etats de Californie et de Pennsylvanie, au moins 35 000 d’entre eux ont combattu dans ces guerres en cours. Bienvenue à la maison à ces jeunes gens qui avaient cru les recruteurs militaires leur disant qu’ils ne seraient probablement pas envoyés dans une zone de guerre, qu’ils rece-

L’auteur, ancien militaire au Vietnam en 1966 ( TDY ) et 1968, a été doyen d’un lycée public de la ville de New York de 1981 à 2004. Il milite contre la guerre depuis 1971, dans le cadre de l’association Vietnam Veterans Against the War ( Anciens combattants du Vietnam contre la guerre, VVAW ) et participe actuellement aux activités des VVAW, du groupe 038 des Veterans For Peace ( VFP ) et du groupe de Veterans Fellowship of Reconciliation.

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vraient une excellente formation professionnelle et que leurs études seraient payées dès qu’ils se présenteraient à n’importe quelle université. Bienvenue à la maison les anciens combattants et leurs compatriotes, qui s’intéressent à eux et qui ne sont généralement pas autorisés à aller parler dans les lycées de l’aspect moral de la guerre, de sa totale brutalité et de la façon dont elle colore le restant de la vie des anciens combattants. Les principaux indices d’une future incarcération sont un comportement violent par le passé, puis un abus d’alcool et de drogue et des agissements agressifs. Des facteurs qui jouent également un rôle essentiel dans les suicides. Déjà, des études de 2004 indiquaient que plus de 300 000 anciens combattants d’Irak et d’Afghanistan présentaient des troubles dûs à un stress post-traumatique ( post-traumatic stress disorder, PTSD ) ; un nombre couvert par celui des anciens combattants souffrant de dommages cérébraux traumatiques ( traumatic brain injury, TBI ), estimé à 330 000 cas.

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Le rôle qu’ont joué ces éléments chez les anciens combattants de la guerre du Vietnam n’a pas réellement été étudié. Quand nous sommes rentrés du Vietnam, nous n’étions pas en mesure d’analyser par nous-mêmes les modifications de notre comportement. Je suis convaincu qu’il en était de même pour ceux qui ont combattu pendant la Seconde Guerre mondiale et en Corée, et que cela vaut aussi pour les jeunes qui rentrent aujourd’hui.

Automédication, drogue et alcool Nous étions persuadés que les nuits d’insomnie et la dépression disparaîtraient. Pour beaucoup d’entre nous, l’alcool est devenu le centre de notre vie ainsi que, à un degré moindre, la marijuana et l’héroïne. L’automédication était l’habitude de l’époque, elle l’est encore aujourd’hui ; plus de 50 % des anciens combattants incarcérés sont en prison pour des crimes liés à la drogue, à laquelle ils recourent pour lutter contre le PTSD ou le TBI. Les crimes, aussi, commis sous l’empire de l’alcool augmentent fortement le nombre des anciens combattants incarcérés. Le Service des anciens combattants ( VA, Veterans Administration ) a mis au point plusieurs méthodes très efficaces pour soulager les anciens combattants atteints de PTSD et / ou de TBI, mais il est dépassé et l’on ne pourra jamais répondre à l’urgence du besoin. Hors le VA, il existe aussi deux programmes prometteurs, aux résultats bénéfiques. L’un, mis en place à Buffalo ( Etat de New York ) est un système judiciaire particulier spécifique pour les anciens combattants : des méthodes de désintoxication et d’autres recours tels que des programmes uniques de soutien psychologique sont proposés aux jeunes anciens combattants. Le deuxième, qui s’adresse à ceux qui sont déjà derrière les barreaux, se déroule à San Francisco ( Californie ) : la prison n°5 du comté n’accueille que des anciens combattants à qui elle offre des services spécifiques dans les domaines de la santé, de l’enseignement et de

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© Luis Sinco/Los Angeles Times

Dossier

J. B. Muller, cet ancien combattant souffre aujourd’hui de cauchemars récurrents et de troubles mentaux.

la formation professionnelle, en vue d’aider un grand nombre à enfin rentrer à la maison. Grâce à l’Association de réconciliation des anciens combattants ( VFOR, Veterans Fellowship of Reconciliation, nouveau groupe de la FOR ), nous avons créé un programme de lecture qui consiste en ce que des anciens combattants d’Irak et d’Afghanistan incarcérés “ fassent une lecture de groupe “ d’un livre choisi, le commentent oralement, en rédigent une critique rapide et enfin expriment leurs sentiments par écrit, en prose ou en poésie. Après quoi nous imprimons des carnets relatant les échanges entre les participants, destinés uniquement à leurs amis et leurs familles. L’autre activité que nous menons actuellement dans le cadre de la VFOR vise à mettre en place, en collaboration avec Veterans For Peace ( Anciens combattants pour la paix ), un réseau international de groupes pacifistes d’anciens combattants. Nous avons jusqu’à maintenant établi des relations avec Yesh Cr’vul en Israël, avec Standfast en Australie et, en France, avec un groupe représentant des anciens combattants de la guerre d’Algérie ; nous aidons aussi des personnes résidant au Canada, en Suède et au Royaume-Uni à former de nouveaux groupes 1. < 1 : Il est possible de soutenir notre action en adressant des dons à FOR, en mentionnant VFOR dans le message d’envoi. Si vous avez des contacts en prison ou si vous souhaitez participer au projet de lecture en prison de VFOR, veuillez contacter Jim Murphy à ivetsfor@gmail.com ou par courrier c/o FOR, BOX 271, Nyack, N.Y. 10960

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Source biblique Dans un véritable engagement

Notre prière : un combat © DR / ecouteetpartage.fr

« C’est pourquoi moi aussi, après avoir entendu parler de votre foi dans le Seigneur Jésus [et de votre amour] pour tous les saints, je ne cesse de dire toute ma reconnaissance pour vous lorsque je fais mention de vous dans mes prières. »

Notre prière doit être un combat. Et comme outil de réconciliation et comme fondement de l’action.

( Paul aux Ephésiens 1,15-23 )

A

travers la prière ( lorsqu’il nous arrive de prier ), nous n’arrêtons pas de demander à Dieu. Notre prière est pour ainsi dire un effort de consommation spirituelle, de consommation de Dieu. Comme si Dieu devait être ainsi l’agent de nos satisfactions, de nos besoins ... Il nous arrive même de considérer la prière comme un moyen de ne pas nous engager, de ne pas agir, de ne rien risquer ; de considérer que prier pourrait nous éviter fatigues et dangers, nous assurer tranquillité, bonne conscience, garanties de tous ordres. Non seulement nous nous éloignons de la réalité de la prière, mais bien plus, nous entrons dans la plus périlleuse des entreprises ! Car c’est ici que s’applique la prophétie d’Amos ( v, 1820 ) : « Malheur à ceux qui désirent le jour de l’Éternel... » Notre prière ne doit pas être cela. Notre prière doit être un combat. Mais dire et affirmer que la prière est un combat, signifie déjà qu’il n’y a pas d’unité entre Dieu et nous, entre Dieu et le monde. Et, la prière devient même le signe de l’absence de cette unité ... devenant ainsi le combat pour pallier

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cette absence d’unité, pour la réunification. Alors que la situation dans ce monde mène à toutes sortes de ruptures de l’homme, des hommes en modèles inconciliables, alors que nos sociétés font éclater la personnalité en actions éparses, en absences de significations, la prière, elle, réunifie, elle réconcilie. Mais cette réunification ne va pas de soi, car pour recevoir cette unité, il faut vouloir aller contre le plus naturel et le plus évident en soi et autour de soi ; il faut de la volonté pour recevoir cette unité, il faut être volontaire, il faut se réconcilier, se rassembler pour vouloir prier. Se rassembler, comme on dit d’un animal, d’un cheval qu’il se rassemble quand il va fournir un effort considérable, sauter l’obstacle décisif. Se réconcilier et se rassembler pour vouloir prier, c’est reprendre en mains toutes les portions éparses de soimême, toutes les énergies appliquées à n’importe quelle tâche, toutes les attentions, toutes les affections, toutes les puissances et tous les désespoirs, toutes les intelligences et toutes les humiliations. Si cet ensemble

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Source biblique de nous n’est pas rassemblé, alors nous ne pouvons pas prier. Parce que justement combat, la prière est aussi, un véritable engagement. Elle est même l’engagement sans réserve de toute notre force pour exprimer le salut obtenu pour tous en Jésus-Christ. Et la matière de cet engagement total qu’est la prière doit être fournie par le monde ( dans lequel notre action est appelée à se manifester ). Cela exige de nous une participation à la société et à la vie de ceux qui nous entourent comme de ceux qui sont loin, familiers et étrangers. Ainsi, normalement, notre prière doit être nourrie de situations concrètes et impliquant des vues précises. Par exemple, il ne sert à rien de prier simplement pour la paix ou pour la justice : il faut aussi préciser de quelle paix, de quelle justice nous parlons, car immanquablement, au regard du monde, la prière porte la réalité devant Dieu. Nous ramenons souvent l’engagement au profit de l’agir et considérons que seule l’action est utile. Dans ce cas, nous sommes dans l’idéologie de l’action, et dans une méconnaissance complète du combat de prière. D’ailleurs le plus souvent, spontanément nous acceptons d’agir et en plus de prier. Alors que l’ordre devrait être inverse : prier et, à cause de, en fonction de cette prière, agir. La prière donne à l’action sa plus grande vérité : elle sauve l’action de l’activisme, comme l’individu de l’affolement ou du désespoir dans cette action. La prière va avec l’action, mais c’est la première qui est radicale et décisive : toute action sera nécessairement récupérée par le milieu dans lequel elle s’exerce, elle sera détournée de son but, elle sera viciée par les circonstances, elle comportera des conséquences imprévisibles, alors que, seule, la prière ne peut être récupérée puisqu’elle reçoit sa portée, son contenu de Dieu, puisqu’elle comporte les conséquences données par Dieu ... La prière, parce qu’elle est le garant et l’expression de notre finitude, nous apprend

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toujours que nous sommes plus que notre action. D’autant plus que cette action est elle-même habitée par un Autre dans son action. Et voici que grâce à la prière nous prenons conscience d’une réalité de nousmême et de notre action dans l’espérance et non dans le désespoir. Notre prière doit être un combat. Et comme outil de réconciliation et comme fondement de l’action, ce combat donne une consistance à la vie, à l’action bien sûr, nous l’avons dit, aux relations humaines, aux humbles et aux grandes réalités ... Elle fait tenir ensemble les parties éclatées de la création, elle donne une possibilité d’histoire : elle est alors victoire sur la vanité, sur l’inconsistance, sur le fugace, le non-responsable, le non-construit, le nonmoral ... En un mot, ce combat qu’est la prière est une victoire sur le vide, le néant et le chaos, pour rassembler, pour unifier, pour réconcilier ... Ce combat qu’est la prière est une victoire pour ressaisir la trame de la vie. < Jean-Paul Nuñez Prière Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste Donnez-moi ce qu’on ne vous demande jamais. Je ne vous demande pas le repos Ni la tranquillité Ni celle de l’âme, ni celle du corps. Je ne vous demande pas la richesse Ni le succès, ni même la santé. Tout ça, mon Dieu, on vous le demande tellement Que vous ne devez plus en avoir. Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste. Donnez-moi ce que l’on vous refuse. Je veux l’insécurité et l’inquiétude. Je veux la tourmente et la bagarre Et que vous me les donniez, mon Dieu, définitivement. Que je sois sûr de les avoir toujours, Car je n’aurai pas toujours le courage De vous les demander. Donnez-moi, mon Dieu, ce qui vous reste. Donnez-moi ce dont les autres ne veulent pas. Mais donnez-moi aussi le courage Et la force et la foi. André Zirnheld

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Comprendre Václav Havel

Magazine

Nonviolent ? Oui et non Alain Cleyssac Membre du MIR-France et de la communauté du Chemin neuf à Prague

Prague, place Venceslas : alors que les cloches de toutes les églises de la ville sonnent, des milliers de personnes sont rassemblées, agitent des trousseaux de clés, déposent des bougies devant le mémorial de Jan Palach (* ) et scandent le nom de Václav Havel. Non, nous ne sommes pas en novembre 1989, mais le 18 décembre 2011.

( * ) Jan Palach, ( 11 août 1948 - 19 janvier 1969 ), étudiant tchèque en histoire, s’est immolé par le feu sur la place Venceslas à Prague le 16 janvier 1969, pour protester contre l’invasion de son pays par l’Union soviétique en août 1968.

Václav Havel lors du premier Conseil de l’Europe les 8 et 9 octobre 1993. © DR Council of Europe

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ès l´annonce du décès de Václav Havel, une foule immense s´est spontanément rassemblée sur cette place où s´étaient déroulées les principales manifestations de la ‘‘ révolution de velours ‘‘ et a repris les mêmes gestes et les mêmes slogans que 22 ans plus tôt. Tout un peuple réuni à l´occasion de la disparition du symbole de cette révolution, le dissident devenu président. Quelques jours plus tard, il aura droit à des funérailles nationales et recevra les éloges même de ses adversaires les plus acharnés, comme l´actuel président de la République tchèque, Václav Klaus.

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Au delà des symboles, ces événements ont aussi souligné les paradoxes de cet homme et de ce pays. 22 ans après, les slogans de la révolution de velours résonnent encore au futur. Pendant tous ces jours on a souvent entendu répéter cette phrase que Václav Havel avait prononcée lors des manifestations de novembre 1989 : « La vérité et l´amour doivent triompher du mensonge et de la haine ». Comme si cette révolution n´avait pas abouti. On a parlé de révolution nonviolente ( même si les Tchèques préférent l´expression révolution de velours ) et de V. Havel comme un leader non-violent,

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mais une de ses plus grandes fiertés comme président a été de faire entrer son pays dans l´OTAN et il a approuvé toutes les interventions militaires des Etats-Unis d´Amérique ( avec ou sans l´OTAN, avec ou sans l´accord de l´ONU ) ainsi que le projet de bouclier antimissile. Václav Havel ‘‘ Gandhi tchèque ‘‘ ou ‘‘ meilleur allié du militarisme américain ‘‘ ?

Portrait sous la lumière d’un contexte politique

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l´armée de ne pas résister, pour éviter une effusion de sang. Ce qui est connu en Occident comme la résistance non-violente à l´invasion ( panneaux indicateurs détournés, tentatives de fraternisation avec l´ennemi… ) est inconnu ici ou considéré comme de simples manifestations de l´humour et de l´esprit frondeur des Tchèques, qui ne peuvent rien changer à la réalité.

De l’écrivain … Comme beaucoup d´autres, les pièces de Vaclav Havel sont interdites. Il ne renonce pourtant pas à exprimer ses convictions et, en 1975, il écrit une lettre ouverte au président Husak, où il dénonce la “ normalisation “ de la société. En 1977 il est l´un des cofondateurs et l´un des trois porte-parole de la ‘‘ Charte 77 ‘‘, qui s´appuie sur la constitution tchécoslovaque et sur les accords d´Helsinki, signés par la Tchécoslovaquie, pour réclamer le respect des droits de l´homme. Et de nouveau le moteur de la résistance sera culturel : c´est l´interdiction d´un concert de rock ( le genre musical préféré de V. Havel ) qui déclenchera le mouvement. Il sera emprisonné à trois reprises, passant près de 5 ans en prison entre 1977 et 1989. Il cofondera aussi en 1978 le ‘‘ Comité de défense des personnes injustement poursuivies ‘‘ ( VONS ). Mais même pendant cette période, il ne cesse pas d´écrire : des pièces de théatre qui, à cause de la

MMa agga az zi ni ne e

Pour comprendre cet homme, il faut se replacer dans le contexte de l´histoire de son pays et de son histoire personnelle. Václav Havel est né le 5 octobre 1936 à Prague, dans une grande famille bourgeoise, qui possédait des studios de cinéma et de nombreux biens immobiliers. A sa naissance, la République tchèque est encore une grande alliée de la France. Moins de deux ans plus tard les accords de Munich laisseront les mains libres à Hitler pour dépecer ce pays et finalement le mettre sous sa coupe sous le nom de ‘‘ Protectorat de Bohême-Moravie ‘‘. Le président de l´époque Edouard Beneš donnera l´ordre à son armée de ne pas résister aux troupes allemandes et de leur livrer les clés des fortifications sudètes. Trahison de la France et des puissances européennes et interdiction à l´armée de défendre le territoire : deux traumatismes qui marqueront les mentalités. Le pays passera sous la coupe des nazis de 1938 à

1945. Suivra une courte période de transition, marquée par l´expulsion dans la violence des Allemands des Sudètes ( installés dans ces régions frontalières depuis plusieurs siècles ), puis une autre dictature s´installera, celle des communistes (1948 -1989 ). Il n´a pas encore douze ans, lorsque le “ coup de Prague “ donne les clés du pouvoir au parti communiste. Sa famille est dépossédée de ses biens et accusée de collaboration avec les nazis. Comme “ ennemi de classe “, l´université lui est fermée, mais il suit des cours du soir et découvre Kafka, auteur praguois interdit à l´époque. Dès 19 ans il s´intéresse au théatre et commence à publier des articles et des nouvelles. C´est d´ailleurs au théatre “ Sur la balustrade “ où il travaille comme éclairagiste, qu´il rencontre Olga Šplichalova, qu’il épousera en 1964. Il écrira plusieurs pièces, pour ce théâtre, qui, dans leur style ‘‘ kafkaïen ‘‘, participent au mouvement culturel qui conduira au “ Printemps de Prague “. En juin 1967, au IVe congrès des écrivains tchécoslovaques, il prononce un discours critiquant la censure. Pendant le Printemps de Prague il devient président du Cercle des écrivains indépendants et membre actif du Club des sans-parti engagés. Mais cette tentative de ‘‘ socialisme à visage humain ‘‘ tourne court, quand les chars soviétiques entrent dans Prague en août 1968. Et une fois de plus, le gouvernement ordonnera à


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censure, ne peuvent être jouées que dans les pays occidentaux, des lettres ou des essais ; dont le plus retentissant est sans doute ‘‘ Le pouvoir des sanspouvoirs ‘‘, écrit en 1978, où il démonte les mécanismes de l´oppression communiste et où il propose le refus du mensonge et la ‘‘ vie dans la vérité ‘‘ comme moyen d´entrer en dissidence et de lutter contre cette dictature. ‘‘ Tentative de vivre dans la vérité ‘‘ sera le titre d´un recueil d´essais qu´il publiera en 1980. Ces essais influenceront les dissidents de tout le ‘‘ bloc de l´Est ‘‘ et les militants non-violents de l´Ouest y retrouveront les principes qui fondent leur action, même si le mot non-violence n´y apparaît pas. En décembre 1986, quand le président français François Mitterrand est en visite officielle à Prague, il exige de recevoir à l´ambassade de France Václav Havel, qui est devenu le symbole de l´opposition au régime tchécoslovaque. Et c´est tout naturellement qu´en novembre 1989, celui qui vient tout juste de sortir de prison se retrouve porte-parole du “ Forum civique ‘‘, mouvement d´opposition né en réaction à la violente répression de la manifestation des étudiants du 17 novembre ( 50ème anniversaire d´une autre manifestation d´étudiants, réprimée cette fois par les nazis en 1939 ). Après la démission du président Husak, Václav Havel est élu à l´unanimité président de la “ République socialiste tchécoslovaque ‘‘, le 29 décem-

bre 1989, par une assemblée composée à 80 % de députés communistes ! Il n´avait accepté cette fonction qu´à titre intérimaire jusqu´aux premières élections libres. Mais, comme il l´a rappelé lui-même avec son humour habituel, “ l’intérim a duré 13 ans ‘‘.

… à la présidence Après les premières élections libres, largement remportées par le “ Forum civique “, il est réélu président de l´Etat, qui prend le nom de “  République fédérale tchèque et slovaque “. Mais l´euphorie sera de courte durée et le nouveau président sera vite très critiqué. Il a choisi de ne pas pratiquer “ d´épuration “ et de ne pas interdire le Parti communiste, et cela lui sera beaucoup reproché : le “ velours “ de la révolution a été trop doux pour les dignitaires de l´ancien régime, qui sont soit restés en place soit reconvertis en “ nouveaux capitalistes “. Il ne croit pas à l´efficacité du système des partis traditionnels ( il ne sera jamais membre d´un parti ), mais il est impuissant devant la désagrégation des mouvements citoyens tels que le “ Forum civique ‘‘ et la naissance sur leurs cendres de partis politiques plus classiques. Et surtout il est partisan du maintien d´un seul Etat tchécoslovaque et les élections de 1992 voient la victoire de ses principaux adversaires : en Slovaquie, le parti nationaliste de gauche de Vladimir Meiar et, en Tchéquie, le parti eurosceptique de droi-

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te de Václav Klaus. Les deux vainqueurs s´entendent sur une séparation à l´amiable ( l´indépendance de la Slovaquie était l´élément clé du programme de Meiar et le libéral Klaus n´est pas fâché de se débarrasser de la partie la plus pauvre du pays, qui aurait pu être un fardeau pour sa politique ). Václav Havel démissionne alors le 20 juillet 1992, en signe du refus de présider à la séparation et il se retire de la politique, mais il revient finalement sur sa décision et est élu premier président de la République tchèque en janvier 1993. Pendant ses deux mandats ( il sera réélu en 1998 ), il se consacrera principalement à la politique étrangère ( la réalité du pouvoir à l´intérieur étant aux mains du Premier ministre, qui sera souvent un de ses opposants ). Sa grande oeuvre sera de sortir du bloc communiste ( dissolution du pacte de Varsovie et retrait des troupes soviétiques en 1991 ) et d´arrimer la République tchèque au camp occidental par son entrée dans l´OTAN en 1999 et dans l´Union européenne en 2004.

Européen de conviction Václav Havel était un européen de conviction, il a toujours défendu l´intégration européenne contre ses détracteurs ( en particulier contre son successeur, l´eurosceptique Václav Klaus ). Il a beaucoup travaillé au règlement du contentieux germano-tchèque, imprimant sa marque à la déclaration de

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la lutte contre la dictature à l´intérieur d´un pays mais pas au niveau international. Etre “ non-violent “ dans un conflit international, ce serait rester l´arme au pied contre l´oppresseur, comme l´armée tchécoslovaque en 1938 ou en 1968. D´ailleurs, lorsque le gouvernement français s´est opposé à la guerre de George Bush junior en Irak en 2003, l´argument le plus couramment entendu était : « Ce n´est pas étonnant de la part de la France. Elle a cédé face à Hitler en 1938, elle cède encore face à Saddam Hussein maintenant ». Le traumatisme des accords de Munich de 1938 est toujours très présent dans la mentalité tchèque, ce qui peut expliquer pourquoi les Etats-Unis sont considérés comme un allié plus sûr que la “ vieille Europe “ : eux, au moins, n´ont pas trahi leurs valeurs par “ pacifisme “. Malgré ces limites, V. Havel a représenté la recherche

d´une vision, d´un idéal dans un monde politique très pragmatique, réaliste et corrompu. Ces “ disciples “ ou héritiers en Tchéquie sont affublés du quolibet de “ pravdoláskai “, formé à partir des mots “ pravda  et “ láska “ ( vérité et amour ) du fameux slogan « la vérité et l´amour doivent triompher du mensonge et de la haine ». On pourrait traduire : « ceux qui croient ( encore ) à la vérité et à l´amour ». Après avoir longtemps lutté contre diverses maladies ( cancer, bronchite chronique, pneumonies, problèmes cardiaques … ) Václav Havel est décédé chez lui, pendant son sommeil, le 18 décembre 2011 à l´âge de 75 ans. Ses dernières apparitions publiques ont été pour recevoir la visite du dalaï-lama et pour soutenir les manifestations contre Poutine en Russie. Les “ pravdoláskai “ ont encore du pain sur la planche, et pas seulement en République tchèque ! <

Disparition du pope Shenouda III Lauréat du prix UNESCO-Madanjeet Singh pour la promotion de la tolérance et de la non-violence (2000) Il y a quelques mois, le 17 mars, disparaissait Shenouda III, le pope d'Alexandrie et patriarche de la Prédication de saint Marc et de toute l'Afrique. Shenouda III était une figure engagée de la tolérance et du dialogue interculturel et interreligieux, qui, en 2000, avait reçu le prix UNESCO-Madanjeet Singh pour la promotion de la tolérance et de la nonviolence, en reconnaissance de

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son engagement en faveur de la paix. En lui décernant ce prix, l’UNESCO avait ainsi reconnu sa contribution exceptionnelle à la « promotion des échanges et de la compréhension entre le christianisme et l'islam dans les pays du Moyen-Orient, à la poursuite du dialogue avec toutes les grandes fois religieuses et son rôle majeur pour forger des liaisons œcuméniques avec tous les autres membres de la

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famille chrétienne partout dans la planète ». Pendant son discours d'acceptation du prix, prononcé au siège de l'UNESCO, il avait déclaré : « Il y a une manière de vaincre votre ennemi qui consiste à le changer en ami. Nous avons besoin de nous faire des amis partout. [...] Ne laissons pas le mal nous vaincre, surmontons-le par le bien. La douceur et l'humilité sont nécessaires à la paix ».

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1997, dans laquelle les deux parties se demandent mutuellement pardon pour les torts causés et affirment leurs valeurs démocratiques communes. Mais il était peut-être plus profondément encore “ atlantiste “. Pour lui l´Europe est partie intégrante du “ monde occidental “ et de ses valeurs, du “ monde libre “, avec pour “ leader “ de ce monde occidental les Etats-Unis d´Amérique. C´est pourquoi il a toujours été un allié fidèle des Etats-Unis, même contre la “ vieille Europe “. L´alignement sur les EtatsUnis était pour lui la garantie de ne pas retomber sous la coupe de la Russie ou d´une autre dictature. Le soutien à une intervention militaire ne lui posait pas de problème. Il n´utilisait pas le mot ‘‘ nonviolence ‘‘, parce que pour lui, comme pour la majorité des Tchèques, cette expression est synonyme de passivité. Pour lui, le “ pouvoir des sans-pouvoirs “ s´applique dans


Jean-Marie Pruvost-Beaurain

Abolir le nucléaire civil et militaire

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Editions Terre d’Espérance, Collection Priorités durables, mars 2012, 272 p., ( 10 € ) Je me souviens d’un dessin de Plantu montrant un petit rat visitant le Muséum d’histoire naturelle qui s’arrête devant le squelette d’un Homo sapiens dans une cage de verre. Il se tourne alors vers son père : « Qu’est-ce qui a fait disparaître cette espèce ? - Oh ceux-là, ils s’en sont chargés eux-mêmes ! » L’humanité fait face aujourd’hui à de très graves problè-

Bernard Quelquejeu

Sur les chemins de la non-violence

Editions Vrin, Collection Pour demain, octobre 2010, 224 p., ( 23,93 € ) Depuis sa sortie, ce livre reçoit toujours un accueil très chaleureux de la part de nombreux connaisseurs. Reçu comme un “ ouvrage décidément très novateur “ ( Ch. Mellon, dans la revue Projet n°323 ), il est un précieux outil de réflexion, qui associe la clarté de l’exposition à la rigueur de la pensée.

mes. La famine touche une grande partie de l’humanité et de très nombreuses personnes vivent sous le seuil de pauvreté. On connaît en Europe une régression sociale et le saccage des services publics. La pollution, les émissions de gaz à effet de serre sont alarmants. Les armes circulent partout et les profiteurs de guerre sévissent. La folie nucléaire civile et militaire devrait paniquer tous les citoyens. L’humanité court à sa perte. Tous ces maux ont été introduits par l’homme qui a pourtant développé une richesse énorme et une connaissance scientifique qui lui permettraient de les résoudre. L’homme est responsable de la préservation de la nature et doit la transmettre à sa descendance. Il n’est pas trop tard, mais il faut d’urgence changer radi-

calement dès aujourd’hui nos systèmes de production d’énergie et la notion de sécurité. Ce livre est un appel au sursaut nécessaire de l’humanité. Jean-Marie Pruvost-Beaurain était bien placé pour écrire un tel livre, de par sa formation et ses travaux scientifiques d’une part, et d’autre part avec ses engagements pour la nonviolence depuis sa jeunesse. Merci à Jean-Marie d’avoir su traiter ce sujet dramatique avec objectivité et lancé ce vibrant appel pour l’abolition du nucléaire civil et militaire, pour une humanité responsable. C’est notre dernier espoir. Il y a ceux qui subissent et ceux qui anticipent. « C’est une belle fonction que celle d’inquiéteur », avait-on écrit au sujet de l’objection de conscience. Préface de Maurice Montet

Procédant “ à un parcours rigoureux des fondements éthiques de la non-violence, tant par l’examen des concepts que par celui des œuvres de référence “ ( J. Roman, du comité directeur de la revue Esprit ), pour Jean-Marie Muller, d’Alternatives Non-violentes, il est “ une contribution majeure à l’édification d’une culture de la non-violence “ Pressentie en Russie par Tolstoï, forgée en Inde par Gandhi, puis en Amérique du Nord par Martin Luther King, la nonviolence, comme logique de luttes contre l’injustice et la domination, a essaimé un peu partout dans le monde au XX e siècle. Pourquoi demeure-t-elle si peu connue et pratiquée en France, alors qu’elle est la seule forme de luttes qui cherche à conjoindre l’aspiration morale

avec l’efficacité à long terme ? Sans doute n’a-t-on pas assez éclairé les liens intimes unissant la non-violence avec les grands thèmes de notre tradition occidentale : le langage, le travail, la famille, le lien social, le pouvoir, la dignité humaine, la reconnaissance mutuelle. Les études ici retenues, diverses par leur occasion, mais convergentes au long d’une interrogation obstinée, cheminent avec plusieurs des philosophes de l’action, des plus classiques à nos contemporains. Attachés à la clarté de l’exposition autant qu’à la rigueur de la pensée, ces parcours éclairent l’un des paradoxes de l’être humain : il est le seul être capable de violence, et pourtant la violence est totalement indigne de lui. P. G.

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Michel Lafouasse

Chrétiens dans les révolutions non-violentes

Médiaspaul Février 2012, 240 pages, ( 15 € )

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‘‘ politique ‘‘ que dans un sens plus englobant, plus spirituel, de retournement, de conversion, de changement radical. Il commence ainsi son préambule : « Toute action non-violente est révolution … révolution dans les esprits … révolution dans les moyens » Et plus loin : « Les révolutions non-violentes ont la force du calme. Nous en aborderons plusieurs : révolution des modes de vie, révolution contre la misère, révolution économique et financière, révolution du printemps arabe, révolution de la sécurité nationale ». Cela en effet est développé à partir de la page 86, où je note : « Dans toutes ces révolutions, l’Église institutionnelle n’est pas en reste ». Mais en vis-à-vis, à la page précédente, je lis « la désobéissance civile ne cherche pas à renverser le pouvoir, car ce n’est pas une stratégie révolutionnaire ». Il y aurait là matière à discussion et à clarification de vocabulaire, comme l’auteur le fait si bien à propos des mots ‘‘ délivrance ‘‘ et surtout ‘‘ violence ‘‘. J'ai aimé sa notion de ‘‘ non-violence créatrice ‘‘ et sa recherche d'enracinement proprement théologique : pas de Dieu à deux faces ! J’ai été interpellé par l’insistance sur la nécessité d’un regard critique sur nos propres convictions, du discernement, dans l’usage quotidien comme dans l’exégèse ou la militance. Ce livre original, dans lequel Michel Lafouasse se livre en témoin, appelle à des échanges, à des controverses stimulantes, le recevrons-nous comme un signal pour un dialogue entre le MIR et Pax Christi ? Jean-Louis Morin

RReecceennssi ioonns

Michel Lafouasse est un militant actif de Pax Christi, au sein de sa commission “ Nonviolence“ et il est très proche du MIR, avec lequel il a travaillé sur ses modules de formation à la non-violence. Comme il l’écrit, son livre est à lire « comme une fenêtre ouverte sur la liberté, le rapport d’étape d’un aviateur amoureux des étoiles » ( p. 14). Le préambule est franc : « Ce livre est personnel, mais aussi nourri de multiples rencontres, colloques, réunions et échanges … Prenant le risque d’exposer en plusieurs endroits mon vécu, nuisant de ce fait à l’unité d’une étude rigoureuse, j’apporterai le témoignage d’un homme heureux et libre en Christ, aimant son Église et donc souffrant de ses contradictions ». Et plus loin :« Ce livre est difficilement classable. Il lui fallait de l’espace, où puissent s’entremêler la spiritualité, la réflexion, la rêverie, le témoignage, où puissent s’inclure quelques textes déjà publiés, et aussi se glisser quelques digressions … » On trouve beaucoup de choses dans cet ouvrage, et on re-

grettera le manque d’une table analytique pour les retrouver facilement : de multiples interprétations de textes bibliques ( certaines bien connues du MIR, d’autres nouvelles et parfois très originales ), des précisions importantes, avec force citations, sur les positions de l’Église catholique ( la nonviolence, le besoin de changement radical de notre société, l’armement nucléaire … ), une découverte du travail de Pax Christi et de ses commissions ( Noël 2003 en Palestine, Vivre les JMJ en Irak, soutien aux communautés de paix colombiennes, vœu de sobriété, Noël autrement et Vivre l’été autrement, projet de conférence des pays du Proche-Orient, mouvements de pression pour le désarmement nucléaire … ). Mais le titre est-il bien choisi ? Chrétiens dans les révolutions non-violentes, cela m’évoque tout de suite Martin Luther King et la lutte des Noirs aux Etats-Unis, P. Esquivel et le SERPAJ en Amérique latine, L.Walesa et Solidarnosc, Lanza et la lutte des paysans du Larzac, V. Havel et les chrétiens, surtout protestants, en Tchécoslovaquie et en RDA, le cardinal Sin et les chrétiens philippins dans la chute du dictateur Marcos … Or, si c'est cela que l'on cherche, on peut être déçu. Certes Jean Goss et Hildegard sont cités deux fois et Michel Lafouasse parle effectivement des révolutions non-violentes de Tunisie, d'Égypte et de Syrie, et brosse à grands traits un panorama de la non-violence active, de Tolstoï à Rajagopal. Mais il faut s'entendre sur le mot ‘‘ révolution ‘‘ : l’auteur l'utilise moins dans un sens


Portrait Nicole Bouexel

Madame Palestine Par Marlène Tuininga

© Michel Rouger

Journaliste, membre du MIR

I

nfatigable, malgré son récent cancer, Nicole Bouexel, la “ Madame Palestine du Mouvement de la Paix “ ( quatre mille membres en France ), est présente dans presque toutes les manifestations, instances et initiatives où il est question des droits du peuple palestinien. Pourquoi ? « Parce que, répond-elle simplement, il ne pourra jamais y avoir de paix au Moyen-Orient, sans que cette question soit résolue. » Son premier voyage dans cette région date de 2001, lorsqu’elle a découvert Gaza, déjà à cette époque-là une énorme prison. Puis est venue, en 2006, la guerre d’Israël contre le Liban. « Je me suis trouvée en minorité au sein du Collectif français pour une paix juste et durable en IsraëlPalestine, se souvient-elle, car la majorité soutenait le Hezbollah, alors que nous, au Mouvement de la Paix, nous cherchions à entrer en relation avec les pacifistes israéliens. »

Nicole Bouexel, membre du plus grand mouvement pour la paix en France, représente cette organisation dans tous les collectifs luttant pour la paix en Israël-Palestine. Elle est une partisane indéfectible du dialogue et de la non-violence. Ce qui ne plaît pas toujours à tout le monde.

L’engagement de Nicole lui est venu de ses parents, militants socialistes opposés à la guerre d’Algérie, et il a été renforcé par une longue expérience locale dans sa banlieue parisienne de Malakoff. Elle y est encore aujourd’hui de tous les combats, étant passée du Programme commun en 1987 jusqu’à la grande campagne récente “ Un bateau français pour Gaza “, en passant par le combat contre les euromissiles et la guerre d’Irak. C’est, lors d’un nouveau voyage en Israël-Palestine, en 2007, qu’elle fit la rencontre qui lui donne le plus d’espoir : la résistance contre le “ mur d’apartheid “ d’un petit village situé à l’ouest de Ramallah, Bi’lin. « Vous vous rendez compte, c’est un minuscule village de 1700 habitants qui réussit depuis 2005, chaque année en avril, à réunir des centaines de personnes, venant de tous les pays du monde, y compris des Israéliens, pour protester

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pacifiquement contre ce mur qui, construit carrément à l’Est de la “ ligne verte “, leur interdit d’avoir accès à leurs terres. La répression dont il font l’objet est souvent très violente : il y a eu des blessés graves, des emprisonnements et même un mort. Mais l’option prise par la “ conférence de Bi’lin “ qui accompagne les manifestations, est explicitement non-violente. J’y suis retournée ce printemps et j’ai constaté que tous les partis politiques palestiniens étaient présents, y compris le Hamas. » Nicole Bouexel sait qu’elle est très souvent critiquée pour ses prises de positions pacifistes, jugées trop “ molles “ par certains. « C’est le cas surtout en France, constate-telle, en Palestine la stratégie non-violente, la “ résistance populaire “ comme on dit làbas, est de mieux en mieux acceptée. De même d’ailleurs dans mon propre Mouvement de la Paix ! » <

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Bloc-notes Jeûne pour l’élimination des armes nucléaires Jeûner du 6 au 9 août pour l’élimination des armes nucléaires

6 au 9 août 2012 au Mur de la paix à Paris, place du Champ de Mars, face à la tour Eiffel. Cette action est soutenue par la mairie du 2ème arrondissement de Paris, le Réseau “ Sortir du nucléaire “ et “ Armes nucléaires STOP “ Renseignements : www.maisondevigilance.com www.vigilancehiroshimanagasaki.com

L’éducation à la non-violence et à la paix : Pourquoi ? Comment ? Échanges de pratiques et de mutualisation d’expériences : groupes de travail suivant les attentes et les propositions des participants

Les journées d’été 2012 du Réseau Ecole et Non-violence Un certain nombre de personnes en France, enseignant ou intervenant dans un milieu scolaire, sont convaincues de la nécessité de travailler à l’introduction d’une éducation à la non-violence et à la paix à l’école pour développer chez les élèves des compétences personnelles, émotionnelles, sociales, relationnelles et citoyennes nécessaires au bien-vivre-ensemble ( respect de l’autre, estime de soi, empathie, communication non-violente, gestion de ses émotions, gestion non-violente des conflits, coopération, etc. ).

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Au programme de cette année :

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Renseignements et programme détaillé auprès du Réseau école et non-violence : par mail : reseauecole@decennie.org ou par courrier : Coordination pour l’éducation à la non-violence et à la paix -148 rue du faubourg Saint-Denis - 75010 Paris Tél : 01 46 33 41 56 - Fax : 01 40 51 70 02

ERRATUM - ERRATUM - ERRATUM Dans le dernier numéro 1-2012 des Cahiers, page 35, dans l’article de Anne Thöni, Les armes pacifiques de l’esprit, il fallait bien lire à la dernière ligne les “ armes pacifiques de l’esprit “, et non les “ âmes “, comme écrit malencontreusement.

Recensions

La Maison de vigilance organise depuis 28 ans des présences de jeûneurs et des actions contre les armes nucléaires, chaque mois, à Paris devant le ministère de la Défense et au mois d’août sur plusieurs autres sites. La base de la force aéroportée de Taverny en a été un lieu privilégié. La présence au mois d’août est une action mise en œuvre à l’initiative de Solange Fernex et Théodore Monod. Cette année, ce jeûne international pour l’abolition des armes nucléaires et le souvenir des victimes des bombardements nucléaires de Hiroshima et Nagasaki aura lieu du

C’est ce que nous développons en mettant en place ce véritable Réseau Ecole et Non-violence ( lancé en novembre 2008 par la Coordination française pour la Décennie ), avec la participation active de tous ceux qui sont engagés, d’une manière ou d’une autre, dans l’éducation à la nonviolence et à la paix en milieu scolaire. Lieu ouvert de rencontres et de ressources, laboratoire d’idées et de recherche, outil évolutif, le Réseau école et non-violence permet d’apporter de multiples éclairages, concrets et réalistes, sur ce que recouvre l’éducation à la non-violence et à la paix. Ainsi, les Journées d’été du Réseau école et nonviolence, organisées tous les ans au mois d’août, sont l’occasion d’échanger sur des situations, des ressources, des techniques, des outils et des projets d’éducation à la non-violence et à la paix. Les deuxièmes journées d’été 2012 du Réseau auront lieu cette année : du dimanche 12 au vendredi 17 août 2012 au Collège-Lycée international cévenol ( Le Chambon-sur-Lignon - Haute-Loire ).


Cahiers de la Réconciliation

la revue

Fondés en 1926

Cahiers de la Réconciliation : 68, rue de Babylone, 75007 Paris Courriel : cahiers-reconciliation@club-internet.fr • Directrice de la rédaction : Maria Biedrawa • Comité de rédaction : Christian Renoux, Déogratias Ahishakiye, Marlène Tuininga, Maria Biedrawa, • Secrétariat de rédaction : Pascale Guérive

Derniers numéros parus 2012 - 1 Le dialogue interreligieux au service de la paix Imposons-nous ! Nettoyage ethnique Une parole depuis la Syrie Rubans et foulards blancs

2011 - 4 Kingston : vaincre la violence par la paix juste  Congo (R DC ) : Place à la voix du peuple Rwanda : Justice compromise Monde : Des peuples qui s’indignent

• Correcteurs : Yves Poulain, Agnès Demolombe, Christian Renoux • Directeur de la publication : Yves Poulain • Imprimerie : Imprim’Ad hoc, 3 rue du Pont aux Choux, 75003 Paris Toute reproduction des articles autorisée, avec indication de la source et envoi d’un justificatif au secrétariat des Cahiers. Les titres, intertitres et introductions des articles sont de la responsabilité totale ou partielle de la rédaction.

le mouvement

2011 - 3 Prétextes de la guerre

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Libye : Comme au milieu des loups Palestine : Le retour de Ponce Pilate

2011 - 2 Le monde arabe à un tournant de son histoire

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en mouvement

Les objectifs du MIR

• La dénonciation de la guerre et de la culture de violence. • La promotion d’une culture de non-violence et de paix. • Le dialogue et la réconciliation entre les personnes, les peuples, les cultures et les religions. • La mise en place et le renforcement de structures politiques démocratiques, structures sociales et économiques plus justes dans et entre les diverses parties du monde. • L’interpellation fraternelle des croyants, des Églises et des communautés chrétiennes, sur leur vocation et leur responsabilité dans ces domaines.

Le MIR s’engage

Nous résistons avec la plus grande fermeté : • À l’usage de la violence comme moyen de régler les conflits entre personnes, groupes, communautés ou nations. • Au recours à la guerre et à tout ce qui tend à l’organiser ou à la justifier. • À la fabrication et au commerce de toutes les armes, particulièrement les armes nucléaires. • Aux autres formes de violence et de domination, parfois plus insidieuses : violences économiques et écologiques ; nationalisme ; totalitarisme ; racisme ; exclusions ; exploitation des hommes, femmes et enfants…

Le MIR travaille

À la recherche théologique sur la non-violence et ses implications pratiques au sein des Églises chrétiennes et des autres traditions religieuses. • À l’éducation à la paix, à la formation à la médiation et à la résolution non-violente des conflits. • À la reconnaissance de l’objection de conscience à l’obligation militaire. • À l’analyse des formes d’injustices et de violences dans notre société et à la recherche des moyens non-violents pour y remédier, jusqu’à la désobéissance civile.

Coordonnées

• Secrétariat du MIR 68, rue de Babylone, 75007 Paris Tél. : 01 47 53 84 05. Fax : 01 45 51 40 31 Courriel : mirfr@club-internet.fr Site Internet : www.mirfrance.org

Détail d’une fresque de David Fichter (Atlanta, Etats-Unis) dédiée « aux femmes et aux hommes, connus et inconnus, qui ont consacré leur vie à la lutte non-violente pour la justice et la paix ».

Le MIR est membre de la Coordination pour l’éducation à la non-violence et à la paix.

• Coordination pour l’éducation à la non-violence et à la paix 148, rue du Faubourg Saint-Denis, 75010 Paris Tél. : 01 46 33 41 56 Courriel : coordination@decennie.org Site Internet : www.decennie.org

Les Cahiers de la Réconciliation sont édités avec le soutien de

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Sommaire 1 Editorial : 80 ans de diffusion de la culture de la non-violence Christian Renoux

Point d’actualité  2 Palestine : Voilà notre position, venez nous rejoindre

Du nouveau mouvement « Kairos pour une justice mondiale » 8 A frique du sud : Un soutien fort à l’appel Révérend Desmond Tutu

9 Campagne œcuménique pour un traité international fort et efficace sur le commerce des armes D’après Jonathan Frerichs

Dossier  Armement - désarmement : un marché de dupes

1 740 milliards de dollars, c’est le chiffre d’affaire mondial de l’armement en 2011. 10 % de cette somme seraient suffisants pour mettre en œuvre mondialement les projets du Programme de développement des Nations unies. Que l’on se le dise : la misère comme “ carburant “ de conflits armés est voulue et la crise n’en est certainement pas une pour certains. Au-delà de faits, chiffres et effets, quelle responsabilité pour les chrétiens ?

11 Un commerce hors normes ? Patrice Bouveret 16 Des milliards qui manquent Bernard Stoven 22 Droit dans notre humanité Alseny Soumah 24 Au-delà du rêve de la reconversion Richard Pétris 28 Qui fabrique ? Qui vend ? Qui achète ? Frédéric Ilboudo 31 Détruire des millions et des millions d‘hommes Jean-Marie Muller 36 Et maintenant faites comme si … Jim Murphy

Magazine 38 Source biblique : Notre prière : un combat Jean-Paul Nuñez 40 Václav Havel, non-violent ? Oui et non

Alain Cleyssac

44 Recensions 46 Portrait : Nicole Bouexel Madame Palestine Marlène Tuininga 47 Bloc-notes


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