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éditeur
Rédaction
Tony Salame Group TSG Sal
Rédactrice en chef Fifi
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Rédactrice en chef adjointe médéa Rédactrice et Coordinatrice maya
Département artistique
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Publications des Éditions Jalou L’Officiel, Jalouse, L’Optimum, La Revue des Montres, L’Officiel Voyage, L’Officiel Hommes, L’Officiel Art, L’Officiel 1000 Modèles, L’Officiel Chirurgie Esthétique, L’Officiel paris Guide, L’Officiel Hommes Allemagne, L’Officiel Asie Centrale, L’Officiel Azerbaïdjan, L’Officiel Brésil, L’Officiel Hommes Brésil, L’Officiel Chine, L’Officiel Hommes Chine, L’Officiel Art Chine, Jalouse Chine, L’Officiel Hommes Corée, L’Officiel Inde, L’Officiel Indonésie, L’Officiel Italie, L’Officiel Hommes Italie, L’Officiel Lettonie, L’Officiel Liban, L’Officiel Hommes Liban, L’Officiel Lituanie, L’Officiel Maroc, L’Officiel Hommes Maroc, L’Officiel Moyen-Orient, L’Officiel pays-Bas, L’Officiel Hommes pays-Bas, L’Officiel Russie, L’Officiel Singapour, L’Officiel Thaïlande, L’Officiel Hommes Thaïlande, L’Optimum Thaïlande, L’Officiel Turquie, L’Officiel Hommes Turquie, L’Officiel Ukraine, L’Officiel Hommes Ukraine www.lofficielmode.com — www.jalouse.fr — www.larevuedesmontres.com — www.editionsjalou.com
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Directeur de création et rédacteur en chef andré Saraiva Directrice de la mode Jennifer eymère Rédacteur en chef Baptiste piégay Editor at large New York Timothée Verrecchia Rédacteurs en chef mode helena Tejwedor (h.tejedor@editionsjalou.com) romain Vallos (r.vallos@editionsjalou.com) Editor at large mode New York masha orlov Editor at large mode Londres Valentine Fillol-Cordier Textes Caroline Bourgeois adrian Forlan norman mailer paquita paquin Glenn o’Brien François Simon Stylisme Julian Dartois
photos Tim Barber Bibi Cornejo-Borthwick emanuele Fontanesi alessandro Furchino Jean-paul Goude andrew hail Carlotta Kohl Jon naar philip neufeldt
Directeur artistique Jean-marie Delbès Maquettiste Thomas Stavridis Secrétaire général de la rédaction David navas (d.navas@editionsjalou.com) Secrétaire de rédaction emmanuel Caron Direction de la production margaux Bâlon et Joshua Glasgow producteur Joshua Glasgow (j.glasgow@editionsjalou.com) patrick parchet Vincent perini magnus unnar
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Traductions héloïse esquié laurence romance
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www.lofficielhommes.fr édité par leS ÉDiTionS Jalou Sarl au capital de 606 000 € — Siret 33 532 176 00087 — CCp n° 1 824 62 J paris
5, rue Bachaumont, 75002 paris. Téléphone : 01 53 01 10 30 — Fax : 01 53 01 10 40 Fondateurs Georges, laurent & ully Jalou † l’officiel hommes is published quarterly in September, December, March and July — Total : 4 issues by Les éditions Jalou
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On ne dit plus «short», on ne dit plus «bermuda». On dit «culottes courtes»: c’est l’état du pantalon avant l’âge adulte. La tendance s’affirme: le costume d’été des prochaines années associera le trois pièces cravate avec ce basique du prépubère des années 50. Les plus audacieux s’y mettent dès cet été. Plus besoin d’arborer ces vieux jeans troués aux genoux: on n’a qu’à se les écorcher, les genoux, comme de vrais héros des cours de récréation. Et sans pleurer, sans gémir, avec juste ce sourire crispé des petits durs et la lèvre qui tremble, oh, à peine. Même pas mal. «Tu ne seras pas un homme, mon fils». Plus jamais. Kipling peut se rendormir. L’époque est à la douceur, même contenue. A la régression pure, enfin assumée. Plus besoin de refouler le pervers polymorphe qui nous fait du pied sous le bureau de la pédégéture. On le laisse enfin s’épanouir, jouer tout son content sans déguisement, et réclamer des caresses. On ne nait pas homme, on n’est pas non plus obligé de le devenir. On peut parfaitement, derrière la barbe, le cigare, la voix de baryton, le premier cheveu blanc, le vrombissement de la berline achetée sur le premier million, s’offrir ce luxe ultime: rester un enfant. Comme sur la vieille photo de classe où les chères têtes blondes sont brunes sous le soleil, les souliers invariablement crottés et l’air dangereusement sage. Il reste, comme avant, comme dans les rêves d’enfant justement, à être «le premier à». Le premier à porter «ça», par exemple, le pantalon court, très court, plus court que celui de Tintin lui-même. Cap ou pas cap? |
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COUPE COUPE n aime le sur-mesure. Le tailor-made. On aime parce qu’il n’y a rien de mieux que de se faire tailler un costard, au sens propre du terme. Et ça, Canali sait faire. Les 5 et 6 mars, un maitre tailleur est venu pour veiller à la bonne exécution du service exclusif et personnalisé que la maison offre à ses clients. C’est que la prise des mensurations est très importante, on le sait bien. Tous les choix étaient dans la nature : coupe, tissus, style et détails. Un costume personnalisé ? Par Canali ? Oh oui. | M.Az.
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Le renard se met au p’tit noir ls pensaient presque à tout : aux vêtements (beaux), à la musique (impeccable), à l’attitude (délicieuse). Manquait cependant un lieu de vie, de passage, de rêveries. À Paris, en tout cas, car les heureux Tokyoïtes avaient la chance de connaître un café Kitsuné. L’injustice est enfin réparée, et la boutique du Palais-Royal est désormais voisine d’un coffee-shop où cafés, thés, gâteaux répondent à l’appel et aux critères d’excellence de la maison. | B.P.
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Café Kitsuné, 51, galerie Montpensier, Paris 1er.
tiraGe La Loterie aÏsHti JaGuar samsunG ’est la tombola la plus attendue de l’année. Depuis dix ans, tout au long du mois de décembre, tout reçu d’achat de plus de 200$ est accompagné, chez Aïshti, d’un ticket donnant accès au tirage, organisé en février, du dernier modèle de Jaguar et d’autres lots de valeur. Le ministère des Finances ayant imposé cette année la limitation du nombre de billets émis à 7000, il y eut beaucoup de déçus, les premiers acheteurs ayant épuisé le quota. Toujours est-il que le tirage a eu lieu le 11 février dernier, devant la boutique Aïshti du centre-ville, en présence d’un délégué de la Loterie libanaise, de MM Tony Salamé CEO d’Aïshti, Michel Trad, CEO de Jaguar Liban et Eddy Cherfane, CEO de Samsung Liban. C’est Mme Lina Boubès, porteuse du ticket 0414 qui a reçu, éberluée, l’appel de Tony Salamé l’invitant à venir prendre le volant de l’élégante décapotable Jaguar F-Type 2014 rouge piment. Un second tirage a été effectué sur un téléviseur LED intelligent Samsung de 75”, remporté par Mme Elisa Antar. Le partenariat entre Aïshti et Jaguar sur cette opération est extrêmement populaire à Beyrouth dans la mesure où il met en avant l’art de vivre véhiculé d’un côté par la principale chaine de luxe libanaise sinon régionale, et de l’autre par le concessionnaire de la voiture la plus légendaire en termes d’élégance et de raffinement. | F.A.D.
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KEN n ne voit pas pourquoi il n’y aurait que les petites filles et les petits garçons qui pourraient porter des couleurs claires. Genre bleu pastel et rose pale. Pourquoi ne pourrait-on pas aller dans ces teintes-là, genre douceur et guimauve, barbe à papa et nougat. Eh ben Marc Jacobs a tout compris. Après le pyjama, voici que le génial créateur nous la joue Barbie et Ken. Reste plus qu’à trouver Barbie. Quoi que… | M.Az.
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UM MAni PAdMe HUM… es frères joailliers Mads et Mikkel Kornerup se partagent les taches. A Mads l’inspiration, à Mikkel la technique. Ces Danois basés à Copenhague ont surtout réinventé le voyage à Katmandou, un must do des années 60, en apportant à leurs créations un peu de la pureté et des énergies positives de l’Himalaya. Mieux, leurs bracelets Shamballa, à l’origine bracelets de prière, avec leurs infinies variations, ajoutent à leur valeur matérielle une valeur spirituelle. Le dernier né s’appelle Lock. Il a la particularité d’être en cuir avec fermoir incrusté de pierres précieuses, rubis ou saphirs taille carrée de 10mm et 5ct chacun. Une interprétation contemporaine d’autant plus précieuse que mise en valeur par la simplicité du design scandinave. | F.A.D.
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PYJAMA PARTY ant qu’à sortir en habits d’appartement, en pyjama de soie ou en robe de chambre, autant être jusqu’au-boutiste. Se la jouer total look fleuri comme on se la jouait total look imprimé cachemire. Petites et grandes fleurs, variantes de couleurs, c’est parfait pour affirmer le snobisme qu’est le nôtre : l’art du rien foutre. | M.Az.
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Un PeU de CLASSiCiSMe a ne fait de mal à personne. Façonnable, c’est ça. Exactement ça. Dans le mouvement mode de cet été où toutes les fantaisies sont permises, un petit retour à la case départ des rayures tennis ne fera de mal. Bien au contraire. M.Az.
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Lancement exclusif le 1er mars chez Colette, 213 rue Saint-Honoré et sur colette.fr. “Hello Kitty Collaborations” (éd. Rizzoli), parution le 15 avril.
Photo Playboy Enterprises International, 1976/Sanrio, 2014
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Bestiaire canaille ello Kitty ! Hello Bunny ! La jolie petite chatte a 40 ans et le lapin coquin 60. Pour célébrer ce double anniversaire, Colette organise un événement dont les contours resteront mystérieux jusqu’au dernier moment mais qui promet des collaborations étonnantes, nées de la rencontre de ces deux icônes de la culture pop moderne, qui se croisaient dans l’imaginaire contemporaine sans se rencontrer. Grâce à Colette, c’est chose faite. On y verra assurément (c’est le propre des surprises orchestrées par les gens de goût : toujours surprenantes, jamais décevantes !) des créations uniques et des objets rares, en parallèle avec une exposition de l’artiste Wes Lang. | A.F.
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LA PAIX SANS CALUMET ongtemps la douceur est restée la face cachée de l’homme. Après le succès de Scent of Peace, devenu dès son lancement un best seller auprès des femmes, les parfums Bond N°9, célèbres pour leurs jus unisexe, ont décidé d’en éditer une version plus “virile” mais tout aussi apaisante. Voici donc “Scent of Peace for Him”, une fragrance pleine de réconfort avec ses notes de bergamote, baies de genièvre et fruits rouges soutenue par un fond de patchouli. Pour les tendres qui s’ignorent. | F.A.D.
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AERO-KICK n a fourgué au fond des armoires, les baskets pour le basket justement et celles pour le tennis ou le jogging, et on a décidé de monter sur un ring. En ce moment, vu l’ambiance, on pourrait casser la gueule à n’importe qui. En rouge, en bleu, peu importe, le but c’est de filer un coquard. Merci qui ? Merci Prada. | M.Az.
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Prada chez Aishti, +961 1 99 11 11 ext.130
BEYROUTH-TEXAS tro est dans un mood texan à fond. Santiags, Stetson et même éperons, la maison s’éclate. La collection printemps été 2014 est on ne peut plus audacieuse. Mélange des genres, on s’imagine très facilement sur un cheval cabré, un lasso à la main, foulant le sable à la rescousse d’une jolie femme. John Wayne ou Clint. Yihaaa. | M.Az.
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pOsT wAr rdeco a désormais une petite sœur, Ardeco Gallery. Situé en face de la galerie initiale spécialisée dans l’art et le mobilier des années folles, ce nouvel espace de 150m2 à double hauteur sous plafond est dédié, quant à lui, aux mouvements artistiques postérieurs à la deuxième Guerre mondiale. Pour le plus grand bonheur des chineurs avertis, on y trouve des pépites du courant moderniste, entre toiles de peintres disparus et objets iconiques. A cela s’ajoute une ligne de meubles dessinés par Georges Amatoury pour les éditions Ardeco Studio. Inspirée de l’esthétique des années 50, cette collection exclusive, avec ses matériaux nobles, est à l’aise dans tous les intérieurs, des plus classiques aux plus contemporains. | F.A.d.
EAU D’ANTHOLOGIE ’est la petite dernière de la famille Aqva Pour l’Homme, parfum créé pour Bvlgari par Jacques Cavallier en 2004. Les adeptes de cette eau bleue Méditerranée vont adorer sa déclinaison cuivrée qui évoque un coucher de soleil sur la mer. Composée pour les navigateurs et les aventuriers, cette nouvelle fragrance conserve de son aînée les accents minéraux qui rappellent l’eau à son jaillissement. Mais ses notes dominantes déclinent à la fois la bergamote de sicile et son bourgeon, le néroli tunisien. Associant la vivacité de l’agrume et l’amertume blanche et élégante de sa fleur, cette eau violemment addictive se présente dans un flacon sensuel en forme de bulle, perle cuivrée telle un talisman. | F.A.d.
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COUPES AU BOL ET CUIRS éLIMéS à L’HONNEUR èches sur l’œil, pull informe, anorak délavé, chaussures boueuses : bienvenue dans la pop anglaise des années 1980. Si les Pastels, Orange Juice ou encore Felt ont éclairé le paysage musical, ce n’est pas leur aptitude cynique à l’attitude cool qui les a servis, mais leur sens inné du style. Le photographe Sam Knee a capté ce moment fragile de l’histoire de la musique, peu documentée au regard de la débauche éditoriale autour du punk ou de la scène house. On ne saurait lui témoigner assez notre reconnaissance : qui aurait pu s’imaginer que Bobby Gillespie, le chanteur de Primal Scream, ait eu un jour bonne mine ? | B.P
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M ROULETTE RUSSE n ne présente pas/plus The Kooples. On ne présente pas parce qu’on connaît bien leurs pubs, leur image et surtout leur style. Rock, slim, hot. La collection de cet été l’est tout autant. Comme d’hab. Et on se fringuera chez eux. Qu’on soit en couple ou pas. | M.Az.
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ien sûr, on n’en attendait pas moins du Palais de Tokyo, mais l’ampleur de cette exposition qui court jusqu’en septembre est enivrante. Sous le bel intitulé “L’État du ciel”, elle regroupe des artistes parmi les plus excitants de l’époque – Hiroshi Sugimoto, Ed Atkins, Arno Gisinger (photo), Thomas Hirschhorn… – dont les préoccupations tournent en orbite autour de la politique, de l’environnement, de l’éthique. L’on observera ainsi une petite météorologie artistique du monde tel qu’il va, ou pas… | A.F. Jusqu’au 7 septembre. www.palaisdetokyo.com
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HOUSE OF CARDS l est THE acteur of the moment. À l’affiche de « House of Cards », la série télé qui explose tous les écrans, Kevin Spacey s’éclate. Le vainqueur de l’Oscar 1999 du meilleur acteur pour American Beauty, du meilleur second rôle dans « The Usual Suspects » était nommé cette année aux Golden Globes pour le rôle de Frank Underwood. Ultra élégant, Spacey a débarqué aux Globes et chez David Letterman en Burberry. Pourquoi ça ne nous étonne pas ? Kevin Spacey en Burberry, c’est ça la classe. | M.Az.
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HANKY CODE a nostalgie de la garrigue et tous les indigos de la Méditerranée. Les nouvelles basquets Louis Vuitton édition spéciale printemps été 2014, en vente au compte-goutte avant la belle saison, affichent l’esprit coquin du bandana et l’art de vivre de la Provence. Sel, soleil, lavande, cigales, pétanque, pastis, beignets de fleurs de courgettes et débarcadères, esprit des vacances es-tu là? | F.A.D
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YELLOWKORNER omment rendre possible la démocratisation de l’art ? Il y a 8 ans, Alexandre de Metz et Paul-Antoine Briat, tous deux passionnés de photo décident de lancer Yellowkorner. Le concept ? Simple. Rendre accessible la photographie d’art. Et c’est ce qu’ils ont fait en proposant des tirages argentiques avec certificats dans différents formats et à des prix non pas raisonnables, mais super raisonnables. YellowKorner fête aujourd’hui ses deux ans de présence à Beyrouth. A la Librairie Antoine des Souks de Beyrouth et au centre Dunes à Verdun. C’est l’occasion de fêter ça, en s’offrant un portrait de Gainsbarre, un Belmondo haut en couleurs dans Pierrot le Fou ou un Man Ray qu’on a toujours adoré. Happy Birthday ! | M.Az.
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Photo Sam Knee
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GEORGE HAKIM SUR LES BORDS DU LÉMAN tablie aux souks de Beyrouth depuis 1875, quand le Liban était encore une province de l’Empire ottoman, la joaillerie George Hakim est aujourd’hui gérée par la quatrième génération d’une famille de puristes dont le savoir-faire est reconnu dans toute la région. Ayant connu son apogée dans les années 50 à 70, quand l’adage voulait que le Liban fût la Suisse du Moyen Orient, la joaillerie George Hakim a désormais, presque naturellement, son adresse à Genève, au Grand Hôtel Kempinski. Une réception viscontienne, au son du violon, des froissements de la soie et des pétillements du champagne, a marqué l’ouverture de ce précieux écrin qui magnétise déjà la clientèle huppée de la ville. | F.A.D.
Peinture gourmande onnu par les amateurs de rock bondissant pour avoir dessiné la pochette de l’album des B52’s, Bouncing Off the Satellites, Kenny Scharf l’est par les amateurs d’art pour avoir été le colocataire de Keith Haring et par les amateurs d’opéra pour avoir été proche du chanteur Klaus Nomi. On ne voit plus ce qui vous empêcherait de courir découvrir cet artiste dont l’art urbain relie figuration libre, pop culture, art contemporain et graffiti. | B.P.
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Jusqu’au 29 mars, chez Colette, 213, rue Saint-Honoré, Paris Ier.
Voir Biarritz et mourir ommandée par les Galeries Lafayette pour la façade de leur magasin de Biarritz, la fresque Sans Titre est signée par Pieter Vermeersch. Elle poursuit le travail de Guillaume Houzé, directeur, entre autres, de l’identité visuelle des Galeries Lafayette : faire de celles-ci un lieu de vie pour l’art contemporain. Inspiré par un tableau de Vermeer, cher aux lecteurs de Proust, puisque cette toile a offert les pages sublimes sur le fameux “petit pan de mur jaune.” Et voilà une excellente raison d’affronter les embruns basques et pourquoi pas de profiter de la terrasse de l’Hôtel du Palais et du restaurant Chez Philippe. | B.P.
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17-19, place Clemenceau, Biarritz.
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La bibLe Hip-Hop du fLyer é dans la rue, le hip-hop a su exploiter les échos que donnait la bonne volonté des initiatives locales. Buddy Esquire inventait des flyers sublimes pour faire la publicité des premiers concerts de Grandmaster Flash, Kurtis Blow ou Afrika Bambaataa, mêlant imaginaire de comics, typographie soignée, découpage brut et influences du paysage new-yorkais. Ce catalogue rend justice à son art. | A.F.
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La pLanque exposée e pappataci (petits moustiques) et ragazzi (garçons), Fellini inventa le personnage du paparazzi qui tournoie autour des stars de La Dolce Vita. Aujourd’hui classé entre le vautour et la fouine dans l’imaginaire collectif, il incarnait pourtant autrefois, à travers des personnages comme Galella ou Rostain, une figure romanesque, un peu bandit, un peu aventurier et juste assez cool pour qu’on lui pardonne. Cette esthétique brute, sensuelle parfois, émouvante souvent, a inspiré aussi bien des artistes tels que Richter, Sherman ou Warhol que des photographes plus respectés – tel Avedon. Cette belle expo du Centre Pompidou à Metz met justement en lumière ces circuits d’influences. | B.P.
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“Paparazzi ! Photographes, stars et artistes”, jusqu’au 9 juin. www.centrepompidou-metz.fr
swinging HamiLton es clichés sont cruels : célébré en Angleterre comme l’un des artistes essentiels du XXe siècle, Richard Hamilton, disparu en 2011, n’est connu en France que sous son versant pop et coloré. S’il a signé un tableau iconique (Jagger dissimulant son visage aux photographes), il a également arpenté des champs moins sexy – l’IRA, Thatcher, la guerre en Irak –, ou immortalisé le peu poétique toasteur Braun. Maître des techniques mixtes (collage, peinture, dessin), il a tout de même eu l’intuition zen d’aller au plus simple, au moins une fois dans sa carrière, en concevant pour le groupe le plus connu au monde une pochette blanche, presque immaculée à l’exception d’un subtil dégradé mettant en valeur un nom, celui des Beatles, pour ce qui sera alors connu pour l’éternité comme The White Album. La Tate Mordern, à Londres, lui rend hommage. | A.F.
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Jusqu’au 26 mai, à la Tate Modern, Londres. www.tate.org.uk
Photos “Still-life” Richard Hamilton, 1965, Museum Ludwig, Cologne/Donation Ludwig, The estate of Richard Hamilton, “Les photographes attendant Anita Ekberg à la passerelle de l’avion”, agence Pierluigi, DR
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CUVEE 2014 h oui. Cet été ça va être comme ça. Ça va être Bordeaux, Bermuda et Buste structuré. 3 B comme les bonnets de ces dames. Kris Van Assche s’est vraiment fait plaisir. Il s’est lâché de chez lâché avec une collection à la fois belle, surprenante et totalement avant-gardiste. Dior un temps d’avance ? Oh que oui. | M.Az.
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QUESTIONS DE MODE L’éTé, SaISON DE TOUS LES DaNgErS, IMpOSE Sa DIScIpLINE vESTIMENTaIrE. IL y a UN TEMpS pOUr TravaILLEr, ET UN TEMpS pOUr S’aMUSEr. SaUf QU’aUjOUrD’hUI, LES hOMMES SavENT parfaITEMENT cONcILIEr LES DEUx. cETTE SyNThèSE DES TENDaNcES EST faITE pOUr EUx. Stylisme Amine JreissAti | Texte Anne GAffié
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Set-deSign : eli SerreS.
jim lambie secret affair, 2008
THAT PETROL EMOTION SOuS LE NOM d’uN gROuPE dE ROck dES ANNéES 80, «THAT PETROL EMOTION», cINq ARTISTES dONT cERTAINS fONT PARTIE du «gLASgOw MIRAcLE» ExPOSENT à BEyROuTH à L’INITIATIvE dE LA METROPOLITAN ART SOcIETy ET THE MOdERN INSTITuTE : MARTIN BOycE, JIM LAMBIE, vIcTORIA MORTON, ScOTT MyLES ET MIcHAEL wILkINSON. Par F.A.D.
Photos Nabil ismail
A L’ O r I G I N e D u P r O J e T Projet inaugural de The Modern Institute au Liban, «That Petrol emotion» occupe la totalité de l’espace muséal de la Metropolitan Art Society, représentatif de l’architecture traditionnelle libanaise qui permet à chaque artiste, autour d’une salle centrale, d’organiser ses œuvres dans une pièce qui lui est dédiée. Cette exposition représente une entrée en matière et une vision d’ensemble du projet global du Modern Institute.
The Modern Institute a été fondé en 1998 comme une galerie de recherche et de production dont l’objectif était d’amener l’art contemporain international à Glasgow, tout en assurant une promotion à l’étranger aux artistes basés dans cette ville. Au cours des huit dernières années, quatre d’entre eux ont remporté le prestigieux Turner Prize et deux ont été nominés. Il s’agit de Martin Boyce, Jeremy Deller, Jim Lambie, Simon Starling, Cathy Wilkes et richard Wright. La Metropolitan Art Society, créée pour sa part en 2013, s’est donné pour vocation d’être, sur la scène artistique libanaise, une «galerie des galeries», offrant son magnifique espace (le palais d’une famille patricienne de Beyrouth) aux plus célèbres galeries d’art contemporain du monde, pour faire connaître leurs travaux in situ dans un but principalement didactique et culturel.
LeS ArTISTeS J I M L A M B I e ( N É e N 1 9 6 4 , G L A S G O W, ÉC O S S e) C’est lui, en quelque sorte, qui ouvre le bal. Pour accéder à la salle d’exposition, il faut passer par le trou de sa serrure. Transformé en Alice à l’entrée du pays des Merveilles, le spectateur va franchir ce portail métaphorique en acier rose pour se retrouver de plein pied dans un délire psychédélique représenté par une installation au sol en bandes de vinyle noires et blanches, illustrant les vibrations sonores
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I
ls sont nés entre le milieu des années 60 et le milieu des années 70. Ils ont en commun d’avoir grandi à Glasgow, en Écosse où ils ont joué ensemble au foot sur les mêmes pelouses et fait leurs études à la Glasgow School of Art. Depuis quelques années, les diplômés de cette académie sont surtout célèbres pour enchaîner succès et nominations au Turner Prize, le prix d’art contemporain le plus prestigieux de grande Bretagne. On a baptisé ces lauréats «the Glasgow Miracle», un nom qui irait comme un gant à un groupe de rock. Ce qu’ils sont un peu puisque, pour la plupart, ils se réclament de la culture punk avec son idéologie écologiste et sa musique impérieuse. Jim Lambie et Martin Boyce sont un peu les pionniers de ce «Miracle». Non moins doués, Victoria Morton, Scott Myles et Michael Wilkinson (le seul Anglais du groupe), également portés par la galerie écossaise The Modern Institute, font partie de la même mouvance.
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jim lambie, metal box tbc 2013 aNd soNic reducer, 2008
jim lambie, uNtitled 2008
scott myles, uNtitled 2013 aNd hot saNd 2010
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michael WilkiNsoN, Never Never...2013, uNtitled 2013 aNd 100 years 2012
d’une musique intérieure. La démarche de Lambie a évolué comme une réponse à la psychologie de l’espace et des couleurs, sous l’influence des mouvements de l’art et de l’histoire des lieux. Les matériaux qu’il utilise sont directement puisés dans l’environnement contemporain. Il se réfère volontiers à la culture pop s’inspirant autant de sa musique que de ses figures iconiques. Il utilise des objets et des matériaux de la vie de tous les jours, à la fois trouvés et fabriqués. Il transforme ces éléments en nouvelles formes sculpturales, les revampe et leur confère une nouvelle énergie et une fonction alternative. Sous l’auspice des divinités de l’histoire de l’art dont il a encapsulé les idéologies, Lambie s’autorise une extraordinaire liberté, par-delà les contraintes du matériau et des dimensions. Ses sculptures et installations ont le pouvoir de réinventer l’espace au moyen d’une éblouissante interaction des couleurs et des formes, mettant à mal la perception du spectateur avec des expériences sensorielles d’un autre monde. Lambie expose à l’international depuis 1996. Il a représenté l’Écosse à la 50e Biennale de Venise en 2003. Il a été nominé au Turner Prize en 2005.
M A r T I N B O y C e ( N É e N 1 9 6 7, G L A S G O W, e C O S S e ) La salle consacrée à cet artiste sensible est autrement austère que celle de Lambie. Bouleversé par les paysage et la disparition des arbres autant que par les traces laissées par une civilisation, Boyce exprime aussi dans son oeuvre la dualité entre l’intérieur et l’extérieur, le naturel et le construit, et la manière dont le sens d’un lieu peut être communiqué avec des détails et des fragments. en 2005, Boyce a commencé à travailler à partir d’une œuvre historique, les quatre arbres abstraits en ciment moulé des sculpteurs Jan et Joel Martel. Ces arbres avaient été réalisés pour un jardin de robert Mallet-Stevens dans le cadre de l’exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes de Paris en 1925. Boyce a décomposé les éléments géométriques de ces arbres en détails dont il a fait l’alphabet de son vocabulaire artistique intrinsèque. Les œuvres qu’il donne à voir soulignent une absence. Absence d’oiseaux dans ce papier kraft où les silhouettes des volatiles sont découpées et montrées en creux. Absence de membre dans un emballage de prothèse de jambe destiné aux militaires blessés
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martiN boyce, from this Place 2012 aNd from the Water 2013
qui a gardé l’empreinte de son contenu. Poésie d’un saule métallique représenté par de fines chaines dorées suspendues à un mobile. Absence de communication à travers des mots disloqués creusés à la lame dans de vieilles plaques de bois laminé évoquant des troncs d’arbres et des tables d’écoliers… Boyce a remporté le Turner Prize en 2011 et représenté l’Écosse à la 53e Biennale de Venise en 2009. Il expose à l’international depuis 1992.
V ICTOr I A MOrTON G L A S G O W, É C O S S e )
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19 71,
et s’il restait quelque chose à inventer dans le thème éculé du paysage dans les arts plastiques? Victoria Morton tente l’aventure. A ses paysages sur toile, brouillés, hachés, violents, naturellement dépourvus de présence humaine, répondent des portants sur lesquels pendent des vêtements de femmes, équipés de petits enregistreurs qui diffusent des sons et de la musique. L’œuvre de Victoria Morton, c’est surtout une intrication d’une grande sensibilité entre peinture et installations sculpturales. Ses sources d’inspiration sont autant les compositions musicales que le mouvement et la vie de tous les jours ainsi que des récits de sa vie personnelle et de l’histoire universelle. Dans son travail, elle développe une expérience tant visuelle que spatiale et
psychologique. elle réévalue la complexité de la représentation visuelle et de la figuration en combinant strates, fragments et mouvement. A partir de ce vocabulaire abstrait et instinctif, Morton réalise une œuvre «dont le point de départ est physique, mais dont le moteur est l’exercice mental de la création qui consiste à défragmenter et reconstituer des images complexes». A l’arrivée, ce sont des paysages troubles, toujours dépourvus de présence humaine Morton travaille entre Glasgow, en Écosse, et Venise, en Italie. elle expose à l’international depuis 1997.
S C O T T M y L e S ( N É e N 19 7 5 à D u ND e e , É C O S S e) Des photos de fragments de corps, entre sérigraphie et radiographie. Il s’agit de photos de cadavres prises par des médecins légistes. Au centre, une sculpture, colonne de ciment sur laquelle semblent ramper des escargots, protégée par une cage en plexi orange. La démarche de Scott Myles, basée sur l’art conceptuel, prend sa forme matérielle à travers la sculpture et des travaux basés sur l’exploration du sens, les juxtapositions, les objets trouvés ou «readymade» et des installations. Globalement, son travail représente un réseau complexe de réponses aux infrastructures sociales et physiques. Ces réponses s’expriment remarquablement
victoria mortoN, dress - edit Without GardeN 2011 aNd theN do the head 2011
M I C h A e L W I L k I N S O N ( N É e N 19 6 5 à M e r S e y S I D e , rOyAu M e u N I ) Wilkinson est Anglais, mais son travail ne se démarque en rien de celui de ses pairs écossais. Ses variations autour du mur en tant que concept, en tant qu’obstacle à détruire, sont directement liées à la culture Punk. une évidence, quand on découvre les collages qu’il réalise avec des bouts de miroirs sur la pochette des Pink Floyd, The Wall. Ailleurs, un tableau monumental en pièces de Lego figurant un mur noir. Le plus surprenant est cette sculpture qui pend du plafond, écheveau de bandes magnétiques tirées d’une cassette vidéo. L’idée lui en est venue à la vue de photos rapportées de kaboul où des pelotes noires accrochées aux arbres ne sont autres que de la musique «punie». en effet, les talibans confisqueraient les cassettes des imprudents
qui se laisseraient aller à cette activité subversive, écouter de la musique, et les châtieraient en dévidant les bandes sonores et en les accrochant aux branches. L’œuvre de Michael Wilkinson est une négociation complexe entre références culturelles, politique et histoire de l’art, punk rock et anarchie. Majoritairement monochrome, sa palette est limitée et son travail incorpore les matériaux les plus divers, photos et objets trouvés, pages de catalogues, peinture sur tableau noir, cire d’abeille, vert de gris, rubans magnétiques audio ou vidéo, disques vinyle, Lego, miroirs gravés. Avec ces matériaux disparates, Wilkinson utilise des techniques de superpositions et de collages qui reflètent ses multiples sujets de référence, juxtaposant l’abstraction gestuelle, l’histoire sociale et des éléments physiques venus de son propre univers. Les travaux de Wilkinson reflètent toujours un séisme, un conflit profond, qu’ils soient tournés vers le passé ou qu’ils proposent une évaluation du présent. Wilkinson expose à l’international depuis 2001. Sa prochaine exposition en solo aura lieu à la galerie Tanya Bonakdar, New york. | that Petrol emotion, metropolitan art society, rue trabaud, achrafieh, beyrouth, horaires d’ouverture: lundi à samedi, 11h à 19h. jusqu’au 27 avril 2014, +961 70.366.969.
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à travers une exploration de l’architecture et du langage appuyée tant sur des paysages municipaux et culturels que sur certains tournants de l’histoire de l’art tels que l’abstraction gestuelle. Myles expose dans de nombreuses manifestations à travers le monde depuis 1998. Cette année c’est au Modern Institute de Glasgow qu’il donnera une exposition en solo. Il présentera également ses œuvres dans le cadre de Clark Work Initiative à Bombay.
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IbrahIm maalouf l’InsaIsIssable
après une consécratIon en 2013dans la sectIon Jazz, le trompettIste franco-lIbanaIs faIsaIt cette année encore l’unanImIté aux VIctoIres de la musIque, cette foIs-cI dans la catégorIe musIque du monde. IbrahIm maalouf a reçu les honneurs du métIer pour son dernIer album « IllusIons ». ce trophée luI a Valu une exposItIon en « prIme tIme » face aux troIs mIllIons de spectateurs de france 2. en dIx ans de carrIère, l’un des InstrumentIstes les plus Vendus de france a contrIbué à faIre connaItre la musIque Instrumentale au-delà des cercles InItIés. rencontre. Par PhiliPPine de Clermont-tonnerre
Photos DR
En 2013, vous aviez remporté ce même prix dans la catégorie jazz. Cette année vous étiez sélectionné dans la
section Musique du Monde. Il semble difficile de vous classer quelque part. oui, c’est là toute l’ambigüité et je l’ai dit au moment des Victoires. Certaines musiques sont inclassables, et il n’est pas nécessaire de chercher à les étiqueter. mes albums sont classés dans les rayons jazz et mon éducation musicale s’est faite dans la musique arabe, qui est ma musique natale, celle que je connais le mieux. J’ai étudié quinze ans dans les conservatoires classiques, et en même temps, j’ai eu l’opportunité de jouer avec beaucoup d’artistes d’univers musicaux très différents, que ce soit de la pop ou de la chanson française. Cette Victoire est plutôt un prétexte pour me donner une récompense et mettre en avant un travail global de compositeur et de musicien, au-delà des frontières et des cloisons. D’où vous vient ce désir permanent de vouloir brouiller les pistes? il y a là quelque chose d’assez authentique et naturel, ce n’est pas un désir mais une nécessité. J’ai toujours été comme ça. J’ai passé mon enfance à inventer des musiques sur le piano de ma mère ou sur le synthé que mon père m’avait offert. mes parents m’ont beaucoup encouragé dans cette direction et me disaient : « C’est vraiment personnel ce que tu fais, continue, tu as peut-être des choses à dire ». Votre carrière est ponctuée de collaborations musicales. Lesquelles vous ont particulièrement marqué ? Parmi les rencontres très fortes, il y a eu celle de lhasa de Sela. Cette collaboration a vraiment été le déclic. elle m’a permis de me sentir en confiance dans mes musiques.
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C
e curieux instrument, la trompette à quart de ton, dont joue ibrahim maalouf, a été inventé par son père, nassim maalouf, à qui il doit sa formation en musique classique. S’il est considéré comme l’un des meilleurs trompettistes de jazz au monde, le compositeur a également marqué de ses sons la chanson française, au fil de ses collaborations avec plusieurs chanteurs : Vincent delerm, matthieu Chedid, Jeanne Cherhal ou encore le slameur Grand Corps malade. on le retrouve aussi au cinéma où il vient de signer la bande son du film Yves Saint laurent de Jalil lespert. Vous venez d’obtenir une nouvelle Victoire, la deuxième en deux ans. Quel est votre sentiment? C’est un honneur de sentir que le milieu professionnel apprécie mon travail. C’est aussi la première fois de ma vie que j’ai l’occasion de passer sur une chaine de télévision publique (France 2) et de jouer devant une audience de 3 millions de personnes. Juste après l’émission, un journaliste de France inter m’a envoyé le rapport des tweets de France et j’ai découvert que mon nom occupait la troisième place dans le moteur de recherche durant les trois heures qui ont suivi la cérémonie. C’est une belle victoire pour la musique instrumentale, qui bénéficie rarement d’une diffusion aussi importante. C’est la preuve que les instrumentistes intéressent les gens, et qu’il n’y a pas de la place que pour la chanson à la télévision, contrairement à ce que nous rétorquent souvent les programmateurs des émissions télévisées.
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Cette artiste m’a donné beaucoup d’espace. d’ailleurs mon premier album ressemble beaucoup, dans ses timbres et dans ses couleurs, à certains morceaux de son deuxième album auquel j’ai collaboré. mais celui qui m’a donné le plus, et qui m’inspire encore aujourd’hui, c’est mon père. C’est lui qui m’a présenté au Conservatoire de Paris pour que je passe le concours. il y avait une centaine de participants pour trois places. Je n’avais encore même pas ouvert les yeux sur le monde professionnel, et j’avais déjà été accepté. C’est mon père qui m’a vraiment formé de manière rigoureuse, parfois même rigide et sévère. il m’a tout appris, je n’ai aucun mérite à ce niveau. Vous évoquez souvent une certaine culpabilité par rapport à votre père… Comme tout rapport humain, les rapports père fils sont compliqués, ça fait partie de la règle du jeu. il est vrai que je me suis un peu éloigné du parcours que mon père espérait me voir adopter. mais cette direction n’avait pas sa place
dans mon avenir. Je ne me voyais pas continuer toute ma vie à jouer uniquement les morceaux qu’il aurait souhaité que je joue. A un moment donné, il a fallu que je m’inscrive dans une démarche plus personnelle. mon père a pu parfois mal vivre certaines de mes décisions, même si, quand il écoute mes albums, j’imagine qu’il est fier. il m’est arrivé de me demander si j’étais vraiment à la hauteur de l’héritage que mon père m’a transmis. en même temps je suis en droit de l’exploiter à ma façon et de personnaliser un peu ce que l’on m’a offert de plus beau. Vous avez composé la bande son du film «Yves Saint Laurent» sorti en salles début 2014. En quoi a consisté cette démarche ? il y a eu un travail de personnalisation. il fallait composer une musique qui ressemble à Yves Saint laurent mais aussi à son histoire d’amour avec Pierre Bergé. C’est une histoire à la fois forte et fragile, comme l’est la personnalité d’ Yves Saint laurent. C’était quelqu’un d’assez
J’aI passé mon enfance à InVenter des musIques sur le pIano de ma mère particulier, dont la vie pouvait être un peu «borderline» par plusieurs aspects. l’idée était de composer une musique à la fois fragile, «sur des œufs», mais qui reflète en même temps le talent, la grandeur et l’aura de ce grand couturier. J’ai cherché un compromis entre cette fragilité et quelque chose d’un peu plus fort.
Composer une bande originale est quelque chose que vous rêviez de faire depuis longtemps… oui, je suis un fan de cinéma, je trouve que c’est un des arts les plus complets. Composer la bande originale du film «Yves Saint laurent» a été une expérience extraordinaire. J’ai eu de la chance que Jalil lespert me fasse confiance. Je commençais un peu à perdre espoir, alors que je criais haut et fort depuis des années que je rêvais de faire ça (rires). mes albums sont d’ailleurs construits comme des musiques de films. «Wind», mon quatrième album est une musique que j’avais composée pour un vieux film muet des années 20, «la proie du vent» de rené Clair. Illusions est sorti en novembre dernier. Quel a été le fil conducteur de ce cinquième album ? le thème de l’illusion, et la magie qui en découle. J’ai sans doute voulu exprimer quelque chose que je ne sais pas forcement dire avec des mots. il y a beaucoup de choses qui m’intriguent, qui me passionnent et me turlupinent un peu sur le monde dans lequel on vit. Un monde finalement assez mensonger et malade dans lequel on essaie chacun de faire semblant d’aller bien pour que tout se passe bien. C’est de cette illusion-là dont je parle.
Ces aérations sont-elles nécessaires à la création ? il ne faut pas être fermé. il est important de laisser une certaine forme de perméabilité. Aux etats-Unis, c’est quelque chose d’assez commun. en France, on n’aime pas beaucoup ça. on a tendance à ne pas vouloir dépasser une limite qu’on nous a gentiment autorisée à respecter. Beaucoup de gens, même parmi ceux qui suivent mon travail depuis des années, ont très mal vécu ces vidéos. Certains n’ont pas apprécié que je sorte de cette image du musicien libanais qui a fui la guerre. en ce qui me concerne, ce sont aussi tous ces à côté qui me plaisent dans la musique. il ne s’agit pas juste de rester dans son bureau avec son casque sur les oreilles. réaliser l’album de Grand Corps malade, par exemple, fut une expérience incroyable. Ce travail me sort complètement du cadre de mon environnement musical, la trompette, le jazz et l’orient. Quels sont vos projets futurs ? Y en a-t-il au Liban ? oui, ce n’est pas encore officiel, mais on vient jouer cet été dans un festival ! J’ai également composé deux autres musiques de film. on tourne beaucoup jusqu’à fin décembre 2014 et on prévoit quelques créations l’année prochaine avec des orchestres. Beaucoup de voyages, de création et de travail ! |
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L’univers de la mode vous a-t-il inspiré ? oui, évidemment. Pour être honnête, je ne connais pas grand-chose à la mode, que ce soit le prêt à porter ou la haute couture. Jalil lespert était un peu comme moi, et on en a beaucoup rigolé d’ailleurs. Pour lui comme pour moi, baigner dans cet environnement a été une expérience intéressante. le fait que nous soyons extérieurs à ce monde-là nous a finalement rendus assez objectifs par rapport à la personnalité d’ Yves Saint laurent.
Vous accordez-vous quelques respirations en dehors de la musique ? Pas vraiment, on est plutôt dans du 23h59 sur 24 ! Je voyage beaucoup. l’année dernière nous avons tourné dans 30 pays, ce qui est quand même assez épuisant. la musique prend énormément d’espace, alors évidemment un peu de sport, un peu de ciné, un peu de rien du tout, de temps en temps, ça fait du bien ! Au bout d’un moment on a juste envie de faire des choses banales, se balader et de prendre un verre dans un café parisien. Je passe du temps avec ma fille, ma famille, ma mère, mes cousins et mes amis. J’essaie aussi de relier ma musique à ce que j’aime. J’enseigne dans un conservatoire depuis l’âge de 17 ans. récemment, on a fait des vidéos sur le thème de l’illusion en réalisant de faux journaux télévisés. Ça nous a amusés de changer un peu, de jouer un rôle différent, ça nourrit le travail musical aussi.
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Stefano Pilati, « Head of deSign » d’ermenegildo Zegna Couture, loS angeleS, novembre 2013.
l’évolution de velours C’est l’événement de l’année en mode masCuline. la première ColleCtion de stefano pilati pour ermenegildo Zegna représente une étape déCisive dans l’histoire de la marque. nous sommes allés à la renContre du Créateur à los angeles, alors qu’il y inaugurait le nouveau flagship de la maison italienne.
Photos Inez & vinoodh
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n soir d’automne pas comme les autres sur rodeo Drive. Alors que la vitrine de la nouvelle boutique Zegna de Beverly Hills s’illumine, que les projecteurs de ciné se braquent sur le red carpet où défile le toutHollywood du style et de la sape, le ciel de Los Angeles est en train de s’éteindre. ils sont venus, ils sont tous là autour du créateur maison, Stefano Pilati, pour inaugurer le global store Zegna conçu par l’architecte Peter marino. Les flashes crépitent. Gerard Butler, edward norton, Jeremy renner devisent sur la terrasse, une coupe de champagne à la main, entre deux créatures très Hollywood Boulevard et des dandies hipsters. Anna Zegna est là, très élégante, Gildo également. on navigue entre les dix looks couture exclusifs uniquement disponibles à Beverly Hills : veste en gabardine de laine, costume en laine et mohair, lainages à motifs jacquard et floral. Arrive Scott Schuman, on attend Sharon Stone. « non finalement, elle sera plutôt de la soirée. » en route donc pour la galerie branchée J.f. chen Design, un vaste hangar à l’autre bout de la ville. Dans la première salle, un audacieux film mettant en scène Pilati
en présentateur de Jt. il y dévoile la nouvelle stratégie de la marque et le concept de la campagne de publicité printemps-été 2014, décliné autour de l’idée des « nouvelles éminences grises ». tout un monde en trois mots, pensé et exécuté par « Stefano » himself pour ermenegildo Zegna couture. il synthétise l’esprit de sa première collection avec un concept plutôt facile à comprendre. eminence grise : personnalité de grande envergure et de grand talent à qui beaucoup doivent leur réussite. il est de bon ton de louer leur culture, leurs compétences, et leur style vestimentaire qui fait autorité. « Le temps est venu de montrer qui est le new Zegna guy qui prend le pouvoir », confiait le directeur marketing juste avant l’événement. La barre est donc haute pour Jamie Dornan, qui incarne cette valeur refuge. Bien vu, lorsque l’on sait que l’ex-top-model nord-irlandais et désormais acteur vient d’être choisi pour incarner le héros christian Grey dans l’adaptation de fifty Shades of Grey. A noter toutefois que sur les visuels de la campagne, Pilati l’a fait poser avec un autre mannequin, de dos, sanglé dans un costume tout ce qu’il y a de plus classique. Bon sang ne saurait mentir. Depuis dix-huit mois,
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Par Anne GAffié et Aymeric mAntoux
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Quand tradItIon et créatIon ne font Plus Qu’un.
le tout est extrêmement raffiné mais faCilement portable, un manifeste d’éléganCe Contemporaine teinté de nostalgie fifties. le groupe est pourtant en pleine ébullition. en septembre 2012, l’annonce de l’arrivée de Pilati chez Zegna avait fait l’effet d’une bombe. même au siège de verre et d’acier du groupe à milan, la surprise fut de taille à l’époque. « Personne n’était au courant », confie un membre de la famille. car si Stefano Pilati était connu pour avoir habilement œuvré pendant huit ans à la continuité « post-tomfordienne » de la maison yves Saint Laurent, son association à une institution transalpine avait de quoi surprendre. « on voit peu Stefano à milan, confie Anna Zegna, il est très concentré sur ses collections. Au début, on s’est dit que ça allait être difficile qu’il reste à Berlin, mais il est très discipliné et son équipe est très organisée. La greffe a bien pris. » Soyons clair, la question fut vite posée de savoir comment une entreprise familiale à la tradition légendaire allait pouvoir accepter de voir son quotidien bouleversé
par le débarquement d’un des plus talentueux trublions de la scène mode, qui plus est pour y prendre en main les rênes des collections masculines de la première ligne de la marque, restée jusqu’à présent sous la coupe exclusive des enfants de la maison. interrogation qui fut aussi bien posée à l’inverse d’ailleurs. « il nous pousse dans nos retranchements, poursuit Anna Zegna. nous sommes un groupe intégré et il sait utiliser ces atouts, comme partir de la matière, des tissus. il nous stimule, nous apporte des idées et nous a montré son talent, dans l’homme comme dans la femme, ainsi que dans son soin maniaque des détails. il est très impliqué. » Autant dire que le premier défilé, printemps-été 2014, était l’événement à ne pas manquer en juin dernier. ouvrant, comme à son habitude et aussi un peu comme un signe du destin, la semaine de la mode milanaise, il rameuta à l’ex-fiera milanaise, lieu à la (dé-)mesure de l’événement,
la camPagne PublIcItaIre 2014 avec l’acteur JamIe dornan.
Photos dr
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toutes les sommités du milieu. et il faut bien avouer que la grande majorité d’entre elles en a eu pour son argent. Si les trois premiers passages étaient d’un académisme très politically correct – probablement voulu –, le rythme s’était rapidement accéléré et l’on retrouvait juste derrière la « patte Pilati ». costume croisé deux boutons seulement, cache-poussière minimal ou manteau-peignoir ceinturé, non doublé, zéro boutonnage, maille aérienne et foulard en soie. Le tout était extrêmement raffiné mais facilement portable, un manifeste d’élégance contemporaine teinté de nostalgie fifties. un style qui n’est pas sans rappeler celui très personnel du créateur. et finalement pas si éloigné de l’esprit Zegna. La démonstration parfaite que cette rencontre ne doit donc finalement rien au hasard. car même si la maison nous avait habitué ces dernières années aux collaborations créatives, c’était toujours sur « Z Zegna », sa seconde ligne. Alessandro Sartori depuis 2003, puis Paul Surridge depuis 2012, ont su aller dans ce sens. mais la
ligne principale. ermenegildo Zegna est depuis des décennies « propriété » exclusive de la famille. tradition « sartoriale », tissus exceptionnels, fabrication de haute volée... Sa réputation « worldwide » n’est plus à faire. il n’était donc pas question d’en écailler le vernis. « L’arrivée de Stefano marque une étape importante dans l’histoire de Zegna, assure Anna Zegna. ce n’est pas un styliste quelconque. il a une expérience, un respect pour notre métier, notre tradition, notre savoir-faire. Stefano interprète à sa manière le langage Zegna. c’est un choix cohérent pour notre maison. il n’enlève rien, il ajoute des compétences. il s’agit d’une évolution, plus que d’une révolution. » en nommant Stefano Pilati au poste de « Head of Design », Gildo, Paolo et Anna Zegna avaient en tout cas dans l’idée de faire d’ermenegildo Zegna une collection exclusive, une ligne « couture », leur permettant de mettre l’accent et de communiquer encore davantage sur la créativité et l’innovation dont la marque maîtrise à la perfection les rouages techniques. L’objectif ? renouveler l’intérêt des
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3 queStionS à StefAno PiLAti, Directeur ArtiStique De ZeGnA vous avez été très discret, comment s’est passée cette première année avec Zegna ? J’ai beaucoup travaillé. Je me suis plongé dans l’histoire de la marque, dans ses archives, pour mieux la comprendre. Je suis allé à trivero, le berceau de la famille Zegna, parce qu’au-delà de sa réputation de tailleur de costumes qui n’est plus à faire, il était important d’appréhender l’aspect pionnier de la maison. Zegna est une marque importante dont la présence dans la mode à proprement parler est relativement récente. il me revient de creuser ce sillon, de l’ancrer dans son temps, dans son époque. Comment travaillez-vous ? vous vivez à berlin ? oui, je me suis installé à Berlin qui est une ville en phase avec son temps, moderne, ouverte, très créative. Je vais une fois par mois à milan pour rencontrer les équipes,
mais j’y passe le moins de temps possible. c’est trop figé, je ne voulais pas être influencé par un style trop italien. rester à distance, là où ça se passe, permet d’éviter le syndrome de Paris ou de Bombay. Berlin compte une communauté importante d’artistes, de musiciens, de plasticiens. Le monde entier passe à Berlin, je m’y sens plus anonyme et plus libre pour créer. ce n’est pas une ville bourgeoise, il n’y a pas de carcan, et en plus j’ai trouvé un très bel endroit pour m’y installer. Comment vous a été inspirée cette collection printempsété 2014 ? Le costume gris est l’apanage de l’homme d’affaires dans le monde d’avant. Aujourd’hui, il est difficile de connaître le métier de quelqu’un ou son importance par sa façon de s’habiller. en revanche, ceux qui agissent dans l’ombre s’activent. ils portent souvent des costumes sombres. c’est cette idée, qui m’a été inspirée de la france de mazarin, que l’on a souvent qualifié d’« éminence grise » alors qu’il portait un costume rouge de cardinal. qui se souvient de françois Leclerc du tremblay, la véritable éminence grise de l’époque ? J’ai conçu cette collection en hommage à ces personnes qui font avancer le monde, les mœurs, les choses.
Photos dr
clients pour la marque, en fidéliser de nouveaux, et lui donner une image plus offensive sur le marché de la mode masculine. on peut considérer que c’est déjà chose faite.
OEUVRES DE VICTORIA MORTON, SCOTT MYLES, MICHAEL WILKINSON, JIM LAMBIE ET MARTIN BOYCE
THAT PETROL EMOTION JUSQU’AU 27 AVRIL METROPOLITAN ART SOCIETY, RUE TRABAUD, ACHRAfIEH, BEYROUTH, INfO@MASBEIRUT.COM, T: 70.366.969
L’AteLier, de MALLetStevenS, en vente pour 2,6 MiLLionS d’euroS dAnS Le Xvie ArrondiSSeMent.
architecture : la dernière Folie deS collectionneurS
Photos Architecture de collection
Par Marie Maertens
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ans les années 1930, le vrai luxe provenait de ceux que l’on nommait les ensembliers. Des décorateurs ou architectes comme Jules Leleu, Pierre Chareau ou robert Mallet-stevens concevaient des intérieurs dans leur totalité, des volumes aux moindres éléments de décoration. Ce goût pour un décor conçu dans sa totalité est en train de renaître chez les amateurs d’art ou de mobilier souhaitant un écrin pour abriter leur collection. aujourd’hui, apparaît même la tendance à collectionner… de l’architecture. engouement développé par ceux qui souhaitent intégrer leurs œuvres et leur mobilier dans un ensemble ou par des galeristes qui font naître les désirs, la collection d’architecture se crée une nouvelle place, à la fois esthétique et financière.
L’agence architecture de collection s’est ainsi spécialisée depuis 2007 dans les demeures de prestige et l’on peut découvrir sur son site des biens signés Le Corbusier, Jacques-emile ruhlmann (avec une maison proposée à un peu moins d’1,3 million d’euros), ou encore L’atelier, de Mallet-stevens, en vente pour 2,6 millions d’euros dans le XVie arrondissement. « D’ailleurs, comme pour le marché du design, précise la cofondatrice Delphine aboulker, s’il y a aujourd’hui un consensus du côté des années 1930, les précurseurs vont davantage regarder des années 1950 jusqu’aux seventies. » Cette période, et particulièrement les créations de Jean Prouvé, passionne tout autant le galeriste Philippe Jousse, lui-même venu à l’architecture par l’étude du mobilier. « Petit à petit, on se rend compte qu’il y a une globalité dans le travail de Jean Prouvé, qui disait
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Si leS amateurS aux pocheS pleineS courent de Fiac en Frieze en paSSant par art BaSel ou leS nouvelleS FoireS d’aSie et deS emiratS, ilS Sont auSSi à la recherche de nouvelleS SenSationS et Se tournent volontierS verS l’architecture.
AteLier vAn LieShout, « WoMb houSe », 2004. JeAn MAnevAL, MAiSon « buLLe », 1968.
Photos Galerie Jousse Entreprise, Paris
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LA GALerie JouSSe coMMerciALiSe AuSSi deS hAbitAtSScuLptureS deS ArtiSteS XAvier veiLhAn, Joep vAn LieShout ou JeAn MAnevAL, dont LeS priX débutent à 70 000 euroS.
en 2007, chez chriStie’S, Le prototype de LA MAiSon tropicALe de JeAn prouvé A MêMe Atteint Le record de prèS de 5 MiLLionS de doLLArS.
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Photos Fhong
deS privéS ou deS inStitutionS acquièrent deS eSpaceS de 6 m2, « comme maiSon d’amiS […] ou caBane à penSer ». même : “Je construis mes maisons comme mes meubles”. » a partir des années 1980, il se met à racheter, restaurer et sauver de l’oubli ces édifices, avant de les proposer aux collectionneurs. Des institutions, comme le Vitra Design Museum, ou des privés, acquièrent des espaces standard de 6 m2, « comme maison d’amis, bibliothèque ou cabane à penser. Une fois que certains possèdent le mobilier de Prouvé, Charlotte Perriand ou Le Corbusier, il leur est important de compléter par une construction qui revêt le même schéma. » si ces maisons démontables et nomades se monnaient entre 200 000 et 300 000 euros, le prototype de la Maison tropicale a même atteint le record de près de cinq millions de dollars en 2007 chez Christie’s ! Plus modestement, la galerie Jousse commercialise aussi les habitats-sculptures des artistes Xavier Veilhan, Joep Van Lieshout ou Jean Maneval, dont les prix débutent à 70 000
euros. avec le lancement de “Maisons d’édition”, qui verra le jour courant 2014, le galeriste Philippe Gravier va également développer le goût pour l’architecture chez de nombreux collectionneurs ou esthètes… ayant observé que la plupart des grands constructeurs ne le sont plus pour les particuliers et que les amateurs d’art n’ont souvent pas de résidences à la hauteur de leur collection, il a l’idée de solliciter de prestigieuses signatures. « J’ai demandé à des architectes comme Claude Parent, rudy ricciotti ou edouard François de réfléchir à des modules entre 25 et 35 m2 qui seront édités à 50 exemplaires, détaille-t-il. C’est en cours de réalisation et la première maison signée de Parent sera proposée à partir de 200 000 euros Ht, mais il y aura par la suite d’autres bijoux d’architectures signés de grands prix ou du Pritzker, que l’on pourra multiplier. » Le but de ce marchand spécialisé
ci-contre et en -deSSouS, vueS de LA cASA SoLo pezo, MAiSon « éditée » pAr SoLo houSeS, Située dAnS une réServe nAtureLLe du Sud de LA cAtALoGne. ArchitecteS : MAuricio pezo et SofiA von eLLrichShAuSen.
Photos © Cristobal Palma - dr
dans l’art déco et les années 1950 est aussi de faire entrer l’architecture dans le marché de l’art et non plus celui de l’immobilier, à un moment quasi historique. « Comme dans les années 1930, ce domaine est aujourd’hui à un sommet d’excellence », selon celui qui expérimente personnellement cet art de vivre global. sa maison est en effet l’ancien atelier du peintre Jean-Paul riopelle, qui a bnéficié d’une réhabilitation menée par rudy ricciotti. Les projets liés à l’architecture naissent souvent de désirs qui peuvent sembler utopiques à première vue. tel celui de solo Houses, ou comment édifier des bâtisses dans une sublime réserve naturelle du sud de la Catalogne. Didier Faustino, à la fois artiste, architecte et « alchimiste » comme il se définit lui-même, a été sélectionné pour l’aventure. « Je trouve que le promoteur qui a mis en place toute cette histoire, Christian Bourdais, l’a menée à la manière d’un commissaire d’exposition qui ferait sa sélection
en relation avec ses goûts. Mon projet, intitulé in the Center of the infinite en référence au land artist robert smithson, a été réalisé exactement comme une œuvre d’art, par rapport à des idées, des pulsions et une certaine urgence du moment. » Mais la maison ne sera construite qu’une fois les destinataires engagés dans leur acquisition, ce qui représente pour Didier Faustino « un investissement très fort de la part du futur propriétaire, beaucoup plus actif dans l’élaboration de l’œuvre que lorsque qu’il se retrouve en face d’un produit fini. » solo Houses est également commercialisé par architecture de collection, chez qui l’on observe, autant pour les biens patrimoniaux que contemporains, que l’on ne sort jamais vraiment indemne de l’achat d’une maison d’architecte. On se prend au jeu, défrichant l’univers du créateur, enquêtant sur son parcours, ses sources d’inspiration, pour vivre, au final, une véritable expérience globale.|
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une FoiS que certainS poSSèdent le moBilier de prouvé, charlotte perriand ou le corBuSier, ilS complètent par une conStruction.
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NABIL DADA EN DEUX PROJETS CE DéCORATEUR DISCRET EST AvANT TOUT UN ARChITECTE. FORmé à L’ALBA, IL EST CONNU DEPUIS DE NOmBREUSES ANNéES AU LIBAN ET DANS LE mONDE ARABE POUR SA TOUChE ROBUSTE, UN RIEN AUSTèRE mAIS TOUJOURS INTEmPORELLE. SON NOm EST INSéPARABLE DE CELUI DU PRéSIDENT RAFIC hARIRI DONT IL A SIgNé PRATIqUEmENT TOUS LES INTéRIEURS. SOUS L’égIDE DE LA SOCIéTé SOLIDERE, IL vIENT DE LIvRER DEUX PROJETS REmARqUABLES: LA mARINA DE BEyROUTh ET L’ENSEmBLE CINEmA CITy DU CENTRE-vILLE. Propos recueillis par F.A.D
Que pouvez-vous dire de votre approche sur le projet Cinéma city et celui de la Marina de Beyrouth? Pour les cinémas, l’idée était de partir d’une enveloppe, une coquille, et d’y créer un jeu de couleurs et de lumières propre à séduire une clientèle jeune et dynamique. L’idée est de faire en sorte qu’on s’y sente bien, un peu comme dans un univers à part, détaché de tout contexte géographique ou autre. Les lumières changent de couleur et transforment toute l’atmosphère à intervalles réguliers. Même les ascenseurs changent de couleur en montant et en descendant. Les mains courantes des escalators, commandées sur mesure, ont elles aussi des couleurs insolites (deux jaunes et deux bleues). Les trois étages sont ouverts les uns sur les autres pour favoriser la circulation et la communication. Nous avons chargé un artiste de créer une animation pour le plafond qui domine le complexe ainsi que pour le couloir de 50m qui relie les salles. Un artifice grâce auquel on a pu supprimer toute sensation d’enfermement et créer une
immersion totale dans l’univers de l’image et du son. D’ailleurs, les meilleurs équipements et matériaux acoustiques ont été utilisés pour isoler, optimiser et affiner tout le système sonore. Les comptoirs ont été illustrés par des street artists. Les chaises sont une commande exclusive auprès du binôme Sawaya et Moroni. A part Cinema City, seul Karl Lagerfeld en possède une petite série! Il y a également deux salles VIP avec leur salon, et une cour de restaurants qui sera inaugurée dans les six mois qui viennent. Ce projet est certainement à la pointe de tout ce qui a été réalisé dans le monde en matière de salles de cinéma. Pour ce qui est de la Marina, il s’agit du club privé rattaché au port de plaisance de Beyrouth. Celui-ci a été aménagé en un ensemble de résidences vendues meublées avec deux atmosphères différentes, auxquelles s’ajoutent neuf unités d’habitation que les membres peuvent réserver à l’intention de leurs invités. Ce projet est naturellement plus “calme” et
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Photos Massimo Listri
Le yacht LaDy IN BLUe
intemporel que celui des cinémas. On y retrouve ma passion pour l’Art Déco et les années 50. Une première catégorie d’appartements est intemporelle, simple, avec une prédominance du blanc, des sols et des plafonds en teck. L’autre est plus avant-gardiste avec des sols et des murs noirs, en ardoise. Les espaces communs sont très contemporains avec tout de même une touche Art Déco. La plupart des meubles et objets sont de Gio Ponti. Certains sont de moi. De l’entrée au bar court un mur en ardoise incrusté de calligraphie phénicienne. Le sol du lobby présente lui aussi une œuvre en inclusion d’inox représentant un plan de la Méditerranée à l’époque phénicienne. Elle a été créée par le jeune artiste
libanais Marwan Rashmawi dont mon fils, Adib Dada, collectionneur d’art, est un admirateur. Les pays découverts par les Phéniciens ainsi que les comptoirs qu’ils y ont installés sont marqués sur cette carte. A l’entrée de la Marina sont installés quatre vieux bateaux de pêche issus de Byblos, Tyr, Sidon et Tripoli, les principaux ports de construction navale du Liban. Le restaurant, le bar et le lobby sont isolés par des verrières mobiles qui donnent sur la piscine. En été, cet espace ne fait qu’un avec l’extérieur. Le complexe offre aussi une salle de jeu équipée de fléchettes et de tables de billard. Toutes ces pièces donnent sur la mer avec champ visuel ouvert de Jounié au Liban-Sud.
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cINeMa cIty aUx soUks De BeyroUth
Quels ont été vos maîtres et vos modèles en matière d’architecture, depuis vos années d’étudiant? J’ai fait mes études à l’ALBA. Nos professeurs à l’époque étaient notamment Joseph Kharrat, Joseph Eid et Mme Saikali. De vrais artistes cultivés et passionnés. Sinon, j’ai toujours eu une admiration pour les grands maîtres modernes italiens: Gio Colombo pour les meubles et les objets, Gio Ponti pour la tour Pirelli à Milan, Gae Aulenti pour son travail sur le Musée d’Orsay. Quelles sont les œuvres qui vous inspirent le plus (mode, cinéma, art, musique etc)? La mode pour moi, ce sont surtout les belles coupes, les belles matières et la sobriété. Je me suis longtemps habillé chez Armani. Le style était pur, net, sans fioriture. Mais tout a changé. Au cinéma, je suis fan de Fellini pour son réalisme et le côté théâtral de son œuvre. Les musiques qui m’inspirent sont le barrique et le classique, Bach, Vivaldi, et le jazz d’Armstrong, Miles Davis et B.B. King. Etes-vous un nostalgique ou un futuriste? Les deux. Je suis un nostalgique des temps modernes, de l’Art déco aux années 50. Mais j’aime le design futuriste quand il est bien pensé et capable de devenir un classique
avec le temps. Quel est le monument historique dont vous auriez aimé être l’auteur? Comment l’auriez-vous conçu? Qu’y auriezvous changé? J’aurais rêvé de restaurer le Palazzo Grassi de la Punta della Dogana à Venise! Je suis fasciné par la manière dont l’architecte Tadao Ando a traité ce lieu en faisant cohabiter avec une exceptionnelle harmonie l’ancien et le nouveau. Si je devais changer quelque chose, ce serait peut-être l’entrée dont les volumes étriqués contrastent avec la majesté du lieu. Mais c’est sans doute voulu. Quel est l’édifice existant que vous détestez? A Beyrouth, la plupart des nouveaux immeubles sont sacrilèges. Je sens que tout le monde s’acharne à détruire le feeling de la ville. En revanche, le plus bel immeuble, encore inachevé, est à mes yeux le “Beirut Terraces” conçu par la firme suisse Herzog et De Meuron pour Benchmark, derrière la tour Platinum à Minet el Hosn. Un chef d’œuvre. Dans quel pays auriez-vous aimé vivre? Pourquoi? L’Italie, pour mille et une raisons, plus celle d’avoir quelque chose du Liban.
Photos Georges sokhn
Etes-vous plutôt pour une architecture “déconstructiviste” avec une identité forte ou pour une architecture “low key”, minimaliste et intégrée? L’une ou l’autre peuvent être très belles ou complètement ratées. Le musée Guggenheim de Bilbao par Frank Gehry est un chef d’œuvre de l’architecture déconstructiviste. La tour Pirelli n’est pas moins belle avec sa pureté linéaire et minimaliste. Il y a aussi des architectures “pauvres” qui procurent des émotions esthétiques tout aussi fortes. L’important c’est l’équilibre et l’harmonie qui font la beauté. Quelles sont vos principales réalisations au Liban et ailleurs? Au Liban, aujourd’hui, ce sont essentiellement la Marina du Beirut Waterfront et le complexe Cinemacity de Beirut Souks. A part ça, j’ai réalisé l’architecture intérieure des trois étages des bureaux du quotidien AnNahar au centre ville ainsi que de nombreuses résidences privées. A l’extérieur, en Syrie, j’ai été chargé de la transformation d’un hôpital du 19e siècle en quartiers généraux de l’Université de Damas; à Riad j’ai rénové un palais pour le transformer en maison d’hôtes pour les invités VIP et aménagé deux hôpitaux, le King Khaled hospital et le
Dr Michari hospital. J’ai également aménagé de nombreuses résidences, villas et palais en Chine, aux EtatsUnis, à Paris, Londres, en Arabie saoudite, au Koweit. J’ai notamment décoré les résidences de la famille Hariri à Paris, Monaco, Sainte Maxime ainsi que le bateau et l’avion du président Hariri et les bureaux de la société Solidere. Qu’est ce qui a changé dans votre manière de travailler, entre le début de votre carrière et aujourd’hui? Pas grand-chose, à part qu’on évolue, on découvre de nouvelles solutions. Si c’est le but de la question, je travaille toujours avec un crayon et une équerre, je fais tous mes sketches et je cherche mes idées sur papier. Comment imaginez-vous le futur urbain? Sera-t-il archaïque ou “futuriste”? Avec la croissance de la population mondiale, nous allons certainement vers de plus en plus de chaos. Il reste heureusement, et il y aura toujours, de grands artistes tels que Renzo Piano, Peter Zumthor, Jean Nouvel ou Tadao Ando (mes préférés!) et des designers comme Philippe Starck et Ron Arad (des génies!) pour préserver une certaine beauté urbaine. |
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cINeMa cIty aUx soUks De BeyroUth
CORNELIANI, L’HOMMAGE À MANTEGNA LA NOuvELLE COLLECTION pRINTEMps éTé 2014 dE CORNELIANI EsT INspIRéE dEs fREsquEs dE MANTEGNA Au pALAIs duCAL dE MANTOuE.
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Par F.A.D.
u commencement était Alfredo Corneliani, le père fondateur. Alfredo avait créé à Mantoue sa petite entreprise de pardessus masculins, dans les années 30. Son fils, Carlalberto, se souvient qu’à cinq ans, il partageait avec ses parents, au sein de la fabrique, une petite chambre où sa mère pliait les chemises destinées aux bataillons d’Afrique. Survient la deuxième Guerre mondiale qui contraint Alfredo à abandonner, la mort dans l’âme, une manufacture florissante déjà reconnue pour son savoir-faire. La résurrection aura lieu en 1958, quand les deux fils d’Alfredo, Claudio, l’aîné, et Carlaberto, décident de réactiver la marque, non seulement en réhabilitant la manufacture de Mantoue mais en créant à New York la société Corneliani Inc, chargée de la distribution aux Etats-Unis et au Canada.
U N E CoLLECt IoN I NSpI r éE DE L A r ENA ISSA NCE, à LA CroISéE DE L’ o r I E N t E t D E L’ o C C I D E N t Carlalberto est aujourd’hui, à 82 ans, au sommet d’un organigramme qui ressemble à un arbre généalogique. Ses fils et ses neveux se sont répartis les tâches : Maurizio est directeur marketing et commercial, Sergio directeur du style et de la création, Corrado dirige le département technique et Christiano le commerce extérieur. Bénéficiant d’un développement informatique de pointe, Corneliani peut aujourd’hui se prévaloir d’une position leader dans le domaine du sur-mesure, les mensurations des clients du monde entier étant instantanément communiquées à la fabrique où les commandes sont immédiatement prises en charge et livrées en un temps record, sachant que si la coupe est numérisée, le fini, lui, est exclusivement réalisé à la main.
«Moins agressive que Brioni, plus structurée que les faiseurs de l’école napolitaine au niveau de la fermeté du fini et des tissus», Corneliani se situerait plutôt du côté de la raison avec tout de même cette irrésistible touche de fantaisie italienne directement puisée à son ADN. En 2008, pour fêter les 50 ans de la marque, les collections des deux saisons rendaient hommage aux années 50. En 2014, à l’aube d’une nouvelle ère d’ouverture à l’Asie et à l’orient, c’est par un ferme retour aux sources que la marque exprime sa modernité. prenant pour référence le mur dit «de la Cour» situé dans «la Chambre des époux» du Castello San Giorgio au palais ducal de Mantoue, la collection printemps été 2014 de Corneliani décline la palette de la fresque d’Andrea Mantegna et reprend le détail de la balustrade, des cercles reliés entre eux par des cordons. Entre le pourpre fané du manteau du duc Louis III de Gonzague, le jaune d’or de la robe de la princesse Barbara de Brandebourg et le bleu profond du ciel sur lequel se détache l’ivoire de la balustrade, c’est un peu du faste de la renaissance qui donne tout son caractère à cette ligne de costumes taillés dans des lins lustrés et des soies opulentes. remis à l’honneur, le col Nehru, un col droit et sans pattes, apporte la langueur asiatique sous le soleil occidental. L’implacable géométrie de Mantegna dans les trompe-l’œil de ses fresques, exprime une modernité inattendue, une composition que l’on prêterait volontiers à un Vasarely, proposée sur un pull à col rond dans une palette aigue-marine sur fond noir. Les coupes des vestes restent classiques, les pantalons sont fuselés, au raz de la cheville, et le port de la chaussette définitivement banni, quelle que soit la chaussure. on a rarement vu une signature se démarquer avec autant de subtilité, sans bruit, sans ostentation. originalité n’est pas forcément synonyme d’agressivité ou de folie. Corneliani le prouve une fois de plus. |
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l’enquête en 1974, norman mailer partait à la rencontre de la scène des graffeurs new-yorkais pour le magazine “esquire”. nous publions des extraits de son reportage. Par norman mailer Photos jon naar 1 3 1
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e journalisme est une corvée. C’est même un véritable esclavage sauf si vous réussissez à vous prendre pour une sorte de détective privé enquêtant sur un phénomène nouveau. Dans ce cas, vous pourrez peut-être même devenir un enquêteur esthétique et jouer un rôle dans le mystère du XXe siècle. enquêteur esthétique ! et prenez donc pour nom “a trait d’union i” en chiffre romain, car c’est un graff. a-i parle à CaY 161. C’est le célèbre Cay 161 de la 161e rue, celui qui débuta avec TaXi 183 et jUnior 161, et qui est aussi connu dans le monde des graffitis des murs et métros que Giotto luimême a pu l’être lorsque son nom commença à circuler dans les ateliers de masaccio et de Botticelli, en passant par Piero della Francesca, michel-ange, Vinci ou raphaël. ouah ! CaY perd toute identité en une telle compagnie, même s’il n’en a pas nécessairement conscience. il a le pouvoir de sa propre croyance. Si l’esprit moderne a dépassé les enluminures du premier maître de la fresque, ce Giotto simple et subtil qui trouvait aussi bien la béatitude dans la décollation que dans le vol des anges au travers du ciel doré en coupole de la perspective à ses débuts, si le difficile chemin de la renaissance nous a conduits à la célébration par raphaël du Vrai, du Bon et du Beau de chacune des trois dimensions de la succulence
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l’argent symbolique
est une imprimée sur
du grand fessier et du biceps humain pour déboucher enfin sur les vallées et les lavis contemporains d’ellsworth Kelly et de rothko, c’est que nous aussi nous sommes passés de la célébration au nom. nous avons fait du chemin depuis cette notion mystérieuse, terrifiante même, selon laquelle des hommes et des femmes aux corps confits avaient fini par conquérir de haute lutte un certain degré d’indépendance par rapport à l’église et à Dieu pour en arriver à la certitude du XXe siècle que la vie est une image. Une anecdote : Willem de Kooning donne un dessin à robert rauschenberg qui l’emporte chez lui et l’efface. il signe ensuite de son nom le dessin de Kooning gommé et le vend. rauschenberg voudrait-il nous laisser entendre que “l’artiste est tout aussi fondé que le financier à imprimer de l’argent ?” […] l’argent est une autorité symbolique imprimée sur du vide. et l’ego est un capital que l’on peut convertir en espèces en se servant du nom. […]
autorité du vide
C’eST Com m e U n e DeV i n eTTe Tout cela est à l’esprit de notre enquêteur esthétique assis dans une chambre à coucher de la 161e rue ouest à Washington Heights tandis qu’il parle avec Cay 161 et junior 161 et l’il Flame et lUrK. ils parlent du nom. il vient d’accepter d’écrire la préface d’un album de photographies […] prises par jon naar, il a donné son accord à l’instant même (dans une chambre d’hôtel de los angeles) où il les a vues. […] les photos magnifiques et ce qu’il pensait confusément sur le sujet se sont rejoints d’un bond. il tient une allumette. maigret au moment où il va découvrir une énigme pour le compte de Simenon ou Proust avec, sur les lèvres, le goût de la madeleine peuvent difficilement être plus heureux. il y a quelque chose à découvrir dans ces photos se dit a-i. […] alors oui, d’accord, il accepte. et il apprend des semaines plus tard que le livre à déjà un titre : “Je regarde mon nom qui passe.” il n’aime pas “Je regarde mon nom qui passe”, qui implique un rapport au
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on “frappe” un objet avec son nom, et dans le ghetto frapper équivaut à tuer monde direct et sentimental. et rien ne permet d’être sûr que ces jeunes auteurs de graffitis le partagent. De plus ils n’utilisent pas leur vrai nom. ils en choisissent un autre. C’est comme une devinette. moXie ou SoConTo, TanG, WHirlPool, DUZ. ils ont une relation difficilement définissable avec leurs productions. Ce n’est pas mon nom mais le nom. “Je regarde le nom qui passe.” il ne l’aime toujours pas. Pourtant tous les “graveurs” se réfèrent à ce mot. C’est celui qui revient le plus souvent, même dans les journaux. “J’ai mis mon nom partout, déclare SUPer Kool à David Shirrey du Times. Je ne peux aller nulle part sans tomber dessus. Parfois, le dimanche je vais à la station de la 7e Avenue et de la 86e Rue et je reste toute la journée à regarder mon nom qui passe.” ils font tous ça. jaPan i, interviewé dans le métro par jon naar et a-i, sourit lorsqu’un flic passe et le dévisage. il n’a rien sur lui. Pas de bombe de peinture. Sinon il se serait mis à courir, pas à sourire. “Il faut travailler des heures pour
écrire son nom dans le plus d’endroits possibles. Il faut qu’il circule”, précise jaPan, avec une haute idée de son travail. Comme il est petit et qu’il ne pourrait pas faire grand-chose si certains lui empruntaient son nom immortel de jaPan i, il se contente de grogner en réponse à cette question : “J’aurais toujours de la classe.”
U n e For êT De PlU i eS et qu’il s’agisse d’une interview faite par soi ou par quelqu’un d’autre, le mot qui prévaut est toujours le même : le nom. miKe 171 déclare au magazine New York : “Il y a dans toute la ville des types avec des pots de peinture qui attendent le moment d’écrire leur nom comme s’ils défonçaient le mur.” Une indication précieuse. on “frappe” un objet avec son nom, oui, et dans le ghetto frapper équivaut à tuer. “Il faut tuer une chose, a dit un jour D.H. lawrence, pour la connaître de façon satisfaisante.” (Qui d’autre aurait pu dire cela ?) Vous frappez
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l’autorité, l’administration. Votre présence est sur leur présence, votre pseudonyme est suspendu au-dessus. […] il est assis avec CaY 161 et jUnior et les autres dans la chambre à coucher des parents de jUnior. […] il a passé l’après-midi d’un dimanche mouillé, glacé et noyé sous la neige, à parcourir les grisailles monumentales de South Bronx et de Washington Heights qui ressemblent tant aux rangées de vieilles maisons grises du Brooklyn où il a grandi, retournant trois générations en arrière parce qu’il se pourrait bien que les Portoricains de cet appartement ne soient pas si différents des familles pauvres et ambitieuses vaguement amies auxquelles sa mère rendait visite dans le lower east Side lorsqu’elle vint, enfant, en visite de la côte de new jersey. Si peu de choses ont changé. Toujours cette-odeur-de-cuisine-sur-les-murs, comme un mot unique, et les pustules noires du stuc vert des couloirs, ces crevasses sombres du plâtre qui disent l’acné et la pauvreté des logements. Dans l’appartement, où l’on entre par la cuisine, traversant le petit salon et passant devant une file de chambres à coucher obscures, tous rideaux tirés, on entrevoit la télévision allumée dans le salon comme la lumière votive d’une chapelle sombre et pauvre des bas quartiers, un feu humide dans une forêt de pluies, tandis que le père en short dort sur le divan et que les femmes sont réunies – la cuisine est proche. les fenêtres sont des vitraux de morceaux de plastique jaune et rouge collés sur les vitres – elles doivent donner sur une conduite d’aération. Pas la moindre lumière en ce jour gris d’après-midi. C’est toute l’obscurité de cette mélancolie qui règne au centre même de la ville des taudis, cet amalgame d’inquiétude et de peur, aussi dense que des bidons d’huile, le véritable salaire de la classe ouvrière, avec toute cette fièvre qui naît des tentations de l’illégalité, les pièges douloureux de la loi triomphante – honoraires d’avocat, inspecteurs de la liberté surveillée et tout le reste – et la crainte doublement écrasante des dettes et du désastre économique qui s’ensuivra si le bookmaker vient réclamer son dû sur des paris pris et perdus dans des courses. […] on a la taille qu’on a et il y a eu des graffeurs de toutes tailles, de 12 à 24 ans. on leur doit des chefs-d’œuvre en lettres d’1m80 sur les murs et sur les wagons de métro, et ils ont aussi griffonné de furtives petites bagatelles, c’est-à-dire de pauvres noms sans style, parfois de simples initiales. il entre de la panique dans cet acte, ce genre d’écriture où l’œil guette par-dessus l’épaule la venue des flics. les flics du métro vous tabassent lorsqu’ils vous attrapent, ou vous emmènent au commissariat, ou les deux à la fois, et le juge condamnait les premiers inculpés à nettoyer les murs et les wagons souillés par les noms. HiTler 2 (dont on dit qu’il ignorait son prédécesseur au point de savoir simplement qu’il avait une énorme réputation !) se fit prendre et rendit publics les détails de son humiliation. nettoyant les wagons, il fut obligé d’effacer les œuvres des
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autres : aussi déchirant que de condamner Cézanne à détruire les œuvres de Van Gogh. la peur d’être pris est donc bien réelle. la souffrance et l’humiliation en sont les conséquences inéluctables et tous les graffeurs n’eurent pas la même dignité devant une telle pression. Certains graffèrent lâchement, nerveusement. “Mon vieux, tu as une écriture de cochon.” Telle était la condamnation de leurs pairs. D’autres passaient, au contraire, des couches de peinture fleurie et ceci après être passés par tous les stades existentiels de la délinquance, et d’abord celui “d’inventer” la couleur, euphémisme du ghetto signifiant qu’on volait cette peinture dans les magasins, mais l’invention c’est également la création de quelque chose qui n’existait pas auparavant – comme une bombe de peinture entre vos mains prête à être utilisée. (et si l’idéal de Platon existe véritablement, si l’univers est avant tout une série de formes, qu’est-ce qu’une invention sinon un vol à partir de l’idéal universel donné ?)
De Br iQU eS BrU n eS eT T er n eS et maintenant tandis que jaPan parle, sans que ses yeux ne cessent d’enregistrer la série de noms, hiéroglyphes, symboles, étoiles, rubans, chefs-d’œuvre et bagatelles qui défilent sur chaque wagon qui passe, il est un peu triste. Car le mouvement
est en plein déclin. il faut aujourd’hui moins de temps pour nettoyer un wagon que pour écrire dessus. on aurait pu croire à un certain moment que les graffitis se répandraient dans le monde entier, lorsque ce mouvement, qui débuta comme l’expression de ces exilés des tropiques condamnés à vivre dans un environnement de briques brunes et ternes, une monotonie de grisaille et de fer, noyés dans l’asphalte, le ciment et les sons métalliques, avait soudain jailli avec la force d’une éruption biologique comme pour sauvegarder la chair sensuelle de leur héritage du risque de la “macadamisation” de la psyché, sauver leurs cerveaux mal nourris par les murs vides de la ville en couvrant ces murs des arbres géants. […] Personne n’écrivait sans raison sur le nom de quelqu’un d’autre, personne n’était obscène – car cela aurait détruit l’harmonie. Une communication s’établit dans la ville parmi cette végétation de plantes en forme de noms jusqu’à ce que chaque mur d’institution, fixe ou mobile, chaque nouvelle école moderne ressemblant à quelque usine flambant neuve, chaque entrepôt des bas quartiers, chaque panneau publicitaire encore debout, chaque kiosque et les murs de tous les grands ensembles à loyers modérés qui ont l’air d’une prison (absolument tous), jusqu’à ce que tout cela soit recouvert d’une frondaison de graffitis qui atteignaient deux mètres cinquante et même trois mètres
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il faut aujourd’hui moins de temps pour nettoyer un wagon que pour écrire dessus cinquante dans ces endroits de choix qui valaient la peine de se faire la courte échelle. […] et comme la métaphore de la vie végétale n’avait cessé de fleurir au cours de cette conversation sur les graffitis (comme si cette métaphore avait, elle aussi, des droits sur une partie de cette jungle), il se rendit au musée d’art moderne de new York et cela s’avéra fort utile, car il y trouva la confirmation de la notion botanique de laquelle il était parti, à savoir que si les graffitis du métro n’avaient pas existé, certains artistes auraient trouvé nécessaire de les inventer, car cela faisait partie de la chaîne d’une telle évolution. […] et lorsqu’on en arrive à se demander ce qui pourrait influencer les graffeurs, ce n’est pas la peine de parler uniquement du néon des enseignes, des décalcomanies sur les voitures, de la télé et de son ego pesant – ce scintillant vaisseau fantôme du gouvernement contemporain – on a le droit également de penser que les graffeurs sont enrichis sans le savoir par tous les arts
qui ont un air de famille avec le leur. Ce qui nous permettrait peut-être de parler de jackson Pollock et des graffitis abstraits de ses confluents et de ses méandres, de Stuart Davis et de sa dramatisation de l’image […] et même d’ajouter Memoria in Aeternum d’Hans Hofmann, dans lequel les rectangles rouges et jaunes flottent comme les déclarations d’un nom sur d’indistincts lavis, ou encore La Danse de matisse (les membres des danseuses de matisse serpentent comme le lierre grimpant des calligraphies des graffitis de new York). on pourrait se référer à toutes les œuvres qui rendent compte de l’émotion du ghetto où qu’il soit, de l’Echo of a Scream de Siqueiros à la Nuit étoilée de Van Gogh. […] mais retournons au dessin de Kooning gommé par rauschenberg. les détails, renseignements pris, évoquent moins une improvisation que prévu. rauschenberg commença par dire à Kooning ce qu’il allait faire et ce dernier lui donna son accord. l’œuvre fut vendue avec l’inscription : Dessin de Willem de
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certains deviendront même les tenants d’un monde opulent et moribond Kooning gommé par Robert Rauschenberg. il se pourrait qu’ils nous disent que la substantifique moelle de l’art, l’essence de la peinture, la vie de la couleur, sont transformables en quelque chose d’autre. […] il se peut que nous vivions la fin d’une civilisation et que notre instinct meurtri rêve d’une purification que nous n’avons su découvrir ; des conduites tribales surgissent spontanément dans le monde entier. la généalogie du travail solitaire de l’artiste isolé passe de michel-ange au Shoot de Chris Burden, et si nous sommes condamnés aux peintures rupestres émotionnelles, ces griffures sur la réalité du monde extérieur permettent d’éprouver l’existence de la fatalité. […] Une nouvelle civilisation est peut-être en train de naître. Si, dans les débuts de la peinture occidentale, l’homme était faible face à un Dieu omnipotent, si l’homme de la renaissance a mystérieusement acquis une certaine force face à ce même Dieu, l’homme d’aujourd’hui a disparu. il est Dieu. il
est l’homme de la masse sans identité, et il est Dieu. il est toute la schizophrénie de l’impuissant et du superpuissant dans une seule et même psyché. […] les graffitis sont l’expression d’un ghetto proche de la catastrophe, car la civilisation lui est maintenant hostile. […] il est quasiment impossible, dans le ghetto, de se livrer tranquillement à la recherche de son identité. non, dans cet environnement de taudis, le courage d’une exhibition de parade reste votre unique capital, et la délinquance est le processus productif qui transpose ce capital dans les termes de la puissance du monde moderne, l’ego et l’argent. mais il y a une différence. Car les graffeurs travaillent ensemble. les peintures rupestres sont aujourd’hui collectives. la peinture de l’un coule et un autre se précipite. il fleurit de son souffle la goutte sur le point de tomber et la renvoie sur sa ligne d’origine. ils travaillent à toute allure, avec calme, ils peignent leurs chefs-d’œuvre (maintenant que la société les
“The Faith of Grafitti” by Norman Mailer, 1974 used by permission of The Wylie Agency (UK) Limited
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entrevoit pour quelques instants) devant les caméras d’une équipe de la télévision allemande. ils font un film d’une heure pour l’europe. ils sont élégants dans chacun de leurs mouvements. ils font de leur mieux pour le spectacle. C’est naturel. ils ont l’habitude de travailler sous haute pression. ils finissent par peindre pour la compagnie de danse joffrey Ballet, leurs œuvres passent de 200 à 2 000 dollars, ils sont embauchés, achetés, arrivés. Certains deviendront même les tenants d’un monde opulent et moribond. mais ils sont peut-être les dépositaires d’un nouveau millénaire de vision. Car nous ne savons pas avec quels instruments nous dessinerons dans les années à venir, ni sur quels matériaux. […] De toute façon, où qu’il soit, quel qu’il soit, l’art n’est pas la paix mais la guerre, et la forme choisie écrit l’histoire de cette guerre.
l’a l P H a B e T H é B r e U et pourtant un mystère demeure. De quel lointain combat ces lettres étranges des graffitis, ces calligraphies chinoises et arabes, sont-elles le vestige ? Quel rapport ont avec le passé ces touches de lumière et de flammes qui évoquent l’alphabet hébreu dans lequel la forme de chaque lettre était adorée en tant que manifestation du Seigneur ? non, il ne suffit pas de parler de ce désir enfantin de voir passer son nom en lettres
assez grandes pour hurler votre ego d’un bout à l’autre de la ville, non on dirait presque qu’il nous faut retrouver un sentiment de l’existence beaucoup plus primitif, jusqu’à l’étrange prémonition que notre existence et notre identité ne peuvent se percevoir l’une l’autre que comme dans un miroir. Si notre nom a pour nous une importance capitale, c’est aussi quelque chose qui n’est pas réel – comme si nous étions venus d’un autre lieu que ce nom, et que nous ayons vécu d’autres vies. C’est peut-être cela, l’écho silencieux des graffitis, les vibrations de ce malaise profond qu’ils suscitent, comme si l’inaudible musique de ce qu’ils proclament et/ou du désordre qu’ils suggèrent, le foisonnement intense et enchanteur de leur frondaison étaient les signes avant-coureurs de l’apocalypse d’un futur de plus en plus proche. les graffitis s’attardent sur la portière de notre métro, notre premier art du karma, et comme si toutes les vies jamais vécues retentissaient soudain comme le clairon de ces armées qui se rassemblent de l’autre côté d’une chaîne montagneuse et que nous ne voyons pas. | Ce reportage de Norman Mailer et Jon Naar a aussi fait l’objet du premier beau livre sur l’art du graffiti, “The Faith of Grafitti” (éd. Alskog, 1974).
bErnard mourad En décEmbrE dErniEr, lE nom dE bErnard mourad apparaissait partout dans la prEssE françaisE. cE banquiEr d’affairEs, spécialistE En fusions acquisitions chEz morgan stanlEy Et autEur dE dEux romans dE fiction, lançait avant lEs fêtEs, unE vErsion béta pour iphonE dE son application qui “sauvE” dEs viEs. mysos Est dEvEnuE En dEux mois, l’app dE santé la plus téléchargéE En francE. portrait d’un franco-libanais discrEt qui sait cE quE pEut êtrE la solidarité.
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Par Médéa azouri
S
ouvent, derrière un homme, il s’en cache un autre. rarement, deux. Bernard Mourad fait partie de ces personnes étonnantes qui savent faire plusieurs choses à la fois. Et qui les font bien. de Sciences Po et HEC à mySoS, en passant par Morgan Stanley et les éditions Lattès, la route de cet homme de 39 ans est tracée. Les liens entre chacune de ses activités peuvent être imperceptibles mais ils sont bel et bien là.
FiNaNCES
Photos Architecture de collection
FiCTioN Son premier roman, “Les actifs corporels”, publié en 2006, a été partiellement inspiré par son métier. “Je travaillais alors sur une opération d’introduction en Bourse et m’ennuyais à mourir dans une réunion, quand une personne s’est écriée “n’oublions pas que la vraie valeur de cette entreprise, c’est son PdG !”. Je me suis alors mis à rêvasser sur la manière dont on pourrait calculer la valeur de ce PdG. Puis, de fil en aiguille, à imaginer que ce soit lui-même qui s’introduise en Bourse. C’est ainsi qu’a démarré l’écriture du roman, motivé par une
aNGES GardiENS il aura suffit d’une histoire. une triste histoire comme il en arrive tous les jours pour que Bernard Mourad
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Cela fait 14 ans que Bernard Mourad a rejoint les bancs de la grande banque d’affaires Morgan Stanley. un stage au cœur de l’équipe dédiée aux fusions acquisitions qui orchestrait à l’époque les grands deals du secteur médias et télécoms. Tiens, les télécoms. des débuts à Londres et un retour à Paris où il vit depuis l’âge de 2 ans. Bernard. “Je suis rentré à Paris où j’ai continué de me consacrer aux entreprises du secteur “TMT” (Tech Media Telecoms) en France et en Europe. aujourd’hui, en tant que managing director, mon rôle est de conseiller les dirigeants de grandes entreprises dans leurs opérations stratégiques de fusions, d’acquisitions ou encore d’introductions en Bourse. C’est un métier très dense, qui repose sur le conseil, la confiance, la confidentialité - et qui m’a aussi permis de rencontrer et de tisser des liens d’amitiésavec des personnalités exceptionnelles comme Xavier Niel (fondateur de Free) ou Patrick drahi (fondateur de Numericable).”
question simple : que se passerait-il si les êtres humains étaient cotés en Bourse, comme les entreprises?” Le livre rencontre un grand succès. il a été traduit en plusieurs langues et bientôt, il connaîtra une nouvelle vie à travers une adaptation cinématographique ou télévisuelle. avantgardiste auteur qui, dans cette œuvre d’anticipation réaliste, avait eu une étrange intuition. Les projets d’introduction en bourse du pilote F1 Lewis Hamilton ou encore les plateformes comme Fantex qui permet d’acheter des actions virtuelles de sportifs de haut niveau et de spéculer comme sur n’importe quel marché boursier. une petite part de david Beckham ? Son deuxième roman “Libre Echange” sorti en 2009 n’a plus rien à voir avec son métier. dans la même veine d’anticipation réaliste que le précédent, ce roman aborde la fiction d’un “état Providence” où l’on proposerait à chaque candidat au suicide de redistribuer sa vie au hasard et de prendre celle d’un autre. Y compris son épouse, ses enfants etc. Télécoms, seconde chance, anticipation réaliste, on se dirige doucement vers la définition de mySos. La création de cette application qui n’a pas empêché Bernard Mourad de se consacrer à l’écriture de son troisième roman et à la finalisation d’une pièce de théâtre, “Le Sommet” qui devrait également faire l’objet d’une adaptation audiovisuelle. “Le sujet: une réunion à huis-clos, qui a vraiment eu lieu, le soir du 2 novembre 2011 à Cannes, entre angela Merkel, Nicolas Sarkozy et George Papandréou. Ce dernier venait de lancer une grenade dégoupillée sur l’Europe et le monde en annonçant, à la stupeur générale, qu’il allait demander à son peuple de se prononcer par référendum sur le plan d’austérité qui était censé sauver la Grèce. il avait alors été convoqué d’urgence, “comme un malpropre”, par Sarkozy et Merkel juste avant l’ouverture du G20 de Cannes. Personne ne sait vraiment ce qui s’est dit pendant cette heure où le monde aurait pu basculer dans le chaos. J’ai donc décidé de l’imaginer, avec la complicité d’un ami scénariste, Xavier dorison.”
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lEs liEns EntrE chacunE dE sEs activités pEuvEnt êtrE impErcEptiblEs mais ils sont bEl Et biEn là pense à créer cette application dont tout le monde parle depuis quelques mois. “L’idée m’est venue début 2012, en apprenant une triste histoire, qui illustre un paradoxe choquant de notre époque soi-disant « connectée ». une vieille dame vivant seule fait un malaise et appelle le SaMu, juste avant de s’écrouler, victime d’une crise cardiaque. au même moment, à 10 mètres de là, derrière la fine cloison qui sépare leurs appartements, un jeune homme formé à la Croix-rouge et spécialiste du massage cardiaque surfe tranquillement sur internet ; «connecté» avec ses amis à l’autre bout de monde mais incapable d’être « connecté » à une situation critique à quelques mètres de lui. Voilà une mort absurde qui aurait pu être évitée. Et il existe des milliers de situations similaires chaque jour à travers le monde. Le projet mySoS est né de la volonté de résoudre ce paradoxe.” deux frères passionnés de technologie prennent en main le développement de l’application sous la supervision de Bernard Mourad qui constitue le comité scientifique de mySoS composé d’experts renommés, noue les partenariats avec la Croix-rouge et la Fédération française de cardiologie. on n’est pas pour rien fils de cardiologue et frère d’un médecin grand spécialiste de l’hypertension artérielle. Enthousiasme immédiat et on le comprend très vite quand on voit de quoi il s’agit. Le service est d’une grande simplicité. Simple et diablement efficace. Grace à la géolocalisation des Smartphones, une personne qui est en difficulté physique et qui s’est
connectée sur l’application installée sur son téléphone, déclenche instantanément une alerte. alerte relayée dans un rayon de trois kilomètres alentour. Les “anges gardiens” comme les appelle Bernard Mourad, eux aussi inscrits sur mySoS sont informés de l’alarme et de l’endroit d’où elle a été déclenchée. un truc de fou comme qui dirait. Ces anges gardiens peuvent être des personnels de santé, des secouristes ou même de simples voisins. un système d’une grande simplicité disait-on, mais qui permet de sauver des vies. En trois mots, la solidarité de proximité. C’est probablement sa libanité qui a suscité cette idée chez Bernard Mourad. de l’art du bon voisinage mis en pratique par un homme qu’on pourrait facilement surnommer affectueusement SaintBernard puisque mySoS est entièrement financée sur ses fonds personnels. une application sans risque puisque l’ange gardien n’a pas le nom de la victime, juste l’endroit où elle se trouve, son numéro de portable et ses contacts ; et les serveurs tracent ces secouristes. un projet que Bernard Mourad aimerait étendre à l’international. “Ce qui m’importe également, c’est sa gratuité totale, insiste-t-il”. une grande réussite et une jolie consécration des efforts mis en oeuvre. “C’est le professeur Louis Lareng, fondateur du SaMu, qui préside le Comité scientifique de mySoS qui m’a déclaré : c’est l’idée que j’attendais depuis des années. Nous y sommes donc arrivés.” |
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HERMÈS VA SANS DIRE LA coLLEctIoN pRINtEMpS été 2014 D’HERMÈS SE DIStINguE pAR uNE pALEttE DES pLuS SobRE, pRESquE AuStÈRE pouR LA SAISoN.
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Par F.A.D.
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es bleus: roi, lavande, ciel. Des gris: toutes les déclinaisons, du ciment au mastic, du ciel d’orage, argent, acier ou étain, au nuage d’été. Un peu de marron cuivré ou châtaigne avec des nuances de chocolat en sorbet. Et ce vert col-vert audacieux, peut-être la seule impertinence - heureuse - dans une collection tout en rigueur ponctuée çà et là d’imprimés à petits motifs ou de grands dessins, variations sur le thème équestre et études d’étriers, traités en relief comme des tatouages. Combinaisons, pantalons droits rouleautés ou à revers bien nets, T shirts blancs froissés, chemises dépassant un peu sous le pull, notamment dans les sublimes associations de marron et de bleu ou les camaïeux de gris, pulls en métis imprimé comme en filigrane, blousons en agneau, cardigans de coton, lins précieux et vestes en gabardine: on est
bien chez Hermès où la simplicité signe un luxe subtil, un train de vie facile, une opulence sans ostentation. Associées à des sandales de moine à lanières de gros cuir et semelles de corde, ces pièces revendiquent leur sobriété pour mieux mettre en avant la tendresse, la sensualité et la force qui les sous-tend. En près de 30 ans à la direction artistique d’Hermès, Véronique Nichanian, la seule femme dans l’univers de la mode à créer des collections pour les hommes, n’a jamais fait une seule fausse note. Elle confie ne jamais opérer de modifications profondes dans la ligne traditionnelle de la maison, à peine quelques variations, notamment au niveau des volumes, mais jamais au détriment de l’ADN qui reste reconnaissable entre mille. «Je les regarde», ditelle des hommes. Il y a de l’amour dans ce regard-là. |
La porte du cLub, au 157 Hudson street à ManHattan. page de droite, Le tout preMier ticket d’entrée
the remix Par JEFFREy DEITCH
Photos Volker Hinz, DR
N
ous avons célébré la publication de l’ouvrage définitif sur l’histoire de l’Area, Area : 19831987, d’Eric et Jennifer Goode, par une exposition à la galerie The Hole, qui a attiré à la fois les anciens habitués du club et les jeunes artistes pour qui il est une inspiration. Plusieurs des fondateurs et instigateurs de l’Area – Eric et Jennifer Goode, Serge Becker et Glenn O’Brien – ont fait appel à moi pour les aider à monter cette exposition. Kathy Grayson, la propriétaire de The Hole, situé sur Bowery, en face de l’ancien CBGB et de l’Eric’s Bowery Hotel, a proposé d’accueillir l’exposition. Kathy est l’une des jeunes ambassadrices de l’art qui perpétue la tradition de l’Area : faire de l’art le plus sérieux une source de fête et de joie. Nous avions pour projet d’inviter les artistes qui ont montré leur
travail dans ce club dans les années 1980 et de plus jeunes artistes qui partagent l’état d’esprit développé à l’époque. L’Area était célèbre pour renouveler toutes les six semaines son décor selon un thème différent. Les patrons/directeurs artistiques éblouissaient leurs visiteurs avec des propositions radicales telles l’Affreux, la Banlieue, la Science-Fiction ou l’Enfermement. L’un des thèmes les plus mémorables de l’Area a été l’Art : à cette occasion, la solennité du cube blanc de la galerie a été renversée. Je n’oublierai jamais ma stupéfaction lorsque je suis arrivé à la soirée d’ouverture : Andy Warhol se tenait dans une vitrine à côté d’un piédestal vide. Le cartel, semblable à ceux des musées, disait : Sculpture invisible. Une bonne partie des artistes new-yorkais les plus importants avaient participé à l’installation Art ; on y comptait aussi bien Larry Rivers que LeRoy Neiman. Il y avait également
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épicentredelaculturenew-yorkaisedeseighties, le club area a drainé une faune extravagante lors de soirées mémorables. un livre et une expo en retracent la fabuleuse aventure.
Photos Darius Azari, DR
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InVItAtIon PouR l’AnnIVeRSAIRe D’eRIc GooDe PAR JeAn-MIcHel BASquIAt (JeuDI 19 DéceMBRe 1985)
DAnS ce VeRRe, flotte une InVItAtIon Au AReA. lA PIlule quI lA contenAIt S’eSt DISSoute
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eRIc GooDe DAnS Son StuDIo, à lA fIn DeS AnnéeS 1980
une PuBlIcIté MAGAzIne PouR le cluB
la tradition de l’area : faire de l’art le plus sérieux une source de fête et de joie
Photos Jeff Vaughan, DR
L E S L éGE N DA I R E S T OI L ET T E S M I xT E S Tous les artistes ayant participé à l’installation d’origine nous ont dit oui. Les responsables de la succession de Sol LeWitt, LeRoy Neiman et Larry Rivers ont accepté, pour leur part, de nous prêter des œuvres. Nous avons demandé à Tom Sachs d’installer sa cabine de DJ présidentielle et commandé à Stephen Powers et Todd James un bar en forme de bodega de quartier. J’ai demandé à Glenn O’Brien quel élément de l’Area était selon lui le plus important à recréer. Il a déclaré qu’il fallait absolument reconstruire les légendaires toilettes mixtes, qui possédaient leur propre bar. Le photographe Volker Hinz a passé presque toutes ses nuits, pendant trois ans, dans les toilettes de l’Area, à tirer le portrait des visiteurs les plus extravagants. Chuck Close est venu à The Hole pour réinstaller sa gigantesque œuvre photographique au-dessus des urinoirs dans notre nouvelle version des toilettes de l’Area. Nous avons rempli l’un des grands espaces de la galerie de
photographies, de cartons d’invitation et autres souvenirs de l’Area. Eric et Jennifer avaient conservé une quantité impressionnante d’archives. L’autre grand espace a été transformé en dancefloor cerné par une sculpture-mannequin désormais célèbre de Keith Haring, prêtée par Jane Holzer, et une sculpture de Kenny Scharf, toutes deux installées dans le club original. Eric a invité le sculpteur radical Mark Pauline, des Survival Research Laboratories, pour recréer sa toile mécanique encore plus inquiétante, qui dépeint un affrontement violent entre les membres du gouvernement chinois et des manifestants.
L A PER RUqU E GR ISE J’étais déterminé à recréer mon œuvre préférée de l’Area, la Sculpture invisible d’Andy Warhol. Nous avons d’abord envisagé de retrouver Allen Midgette, qu’Andy avait dépêché pour tenir son rôle lors d’une série de conférences dans les universités de la côte Ouest. Nous n’avons pas réussi à trouver son numéro ni d’adresse mail valide donc, en désespoir de cause, nous avons lancé un casting pour chercher des gens qui ressemblaient à Andy Warhol, ou pourraient lui ressembler avec la perruque grise que nous fournissions. Glenn O’Brien a suggéré que nous demandions à une critique d’art très réputée, Linda yablonsky, dont les attitudes, la stature frêle et la coiffure rappellent clairement celles de Warhol. Linda nous a fait le cadeau d’accepter, et elle est restée debout dans la vitrine à
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des artistes associés avec le monde des clubs de downtown Manhattan, tels Jean-Michel Basquiat, Keith Haring et Kenny Scharf. Mais cette soirée faisait aussi la part belle à des artistes conceptuels tels Sol LeWitt, Jenny Holzer et Barbara Kruger. Chuck Close a installé une gigantesque image d’homme nu au-dessus des urinoirs. C’est dans cette fameuse installation pendant la soirée Art que nous avons été puiser notre inspiration pour cette exposition commémorative.
page de droite : 1- werner Herzog, à gaucHe 2- Jean-pauL gauLtier et andy warHoL 3- david Hockney et keitH Haring 4- gLenn o’brien et brion gysin 5- Matt diLLon et francis ford coppoLa 6- wiLLiaM burrougHs et L’avocat dean roLston 7- Le perforMer JoHn sex, Jean-MicHeL basquiat et keitH Haring 8- david byrne 9- niLes rodgers
Photos Ben Buchanan, Kate Simon, Patrick McMullan, christopher Makos, Wolfgang Wesener
eLLen kinnaLLy, styListe au Magazine “detaiLs”, et Marc Jacobs
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JeAn-MIcHel BASquIAt et fRAnceSco cleMente PAGe De GAucHe, une lettRe De RecoMMAnDAtIon PouR leS fonDAteuRS Du futuR AReA
Photos Patrick McMullan, DR
l’area fusion
est un modèle entre l’art et
côté du piédestal vide pendant la soirée du vernissage. Serge Becker s’est occupé de l’aspect performance. Il a invité la sulfureuse photographe Ellen Stagg à prendre ses quartiers dans les toilettes avec ses mannequins, garantissant l’animation de l’espace. Kathy, elle, a invité l’impertinente photographe et blogueuse, Sandy Kim, à faire son studio photo dans les toilettes. Serge a eu une idée formidablement extravagante : percer un grand trou rectangulaire dans le sol de The Hole et inviter Mistress Leda, une célèbre dominatrice, à pratiquer un piercing sur un top modèle aux formes voluptueuses, attaché à un lit dans le donjon en dessous. L’artiste Narcissister a été invitée à amener plusieurs de ses clones pour travailler nues dans les bureaux de la galerie, vêtues de ses seuls masques bizarres. Mais elles en ont vite eu marre de rester dans les bureaux, et lorsque Justin Strauss, le DJ de l’époque de l’Area, a monté le son, elles ont bondi sur le dancefloor, toujours nues à l’exception de leurs masques et de leurs talons aiguille.
de la
la vie
Serge a ajouté la touche finale en invitant Miss Likkle Bit et sa troupe de dancehall jamaïcain pour mettre le feu. Tous les survivants de la vie nocturne du downtown New york des années 1980 ont débarqué au vernissage, ainsi que les contributeurs à la nouvelle plateforme élargie de l’art. Nous nous trouvons de nouveau dans une période où les frontières entre les différents médias artistiques se brouillent, et où l’art exerce une certaine influence sur la culture populaire. L’Area est un modèle pour une approche contemporaine de la fusion entre l’art et la vie. Les gens avec qui j’ai bavardé au vernissage m’ont dit combien ils aimeraient voir renaître l’Area, non seulement pour une exposition temporaire, mais pour son mélange unique entre club et galerie d’art, qui pourrait offrir l’expérience artistique la plus contemporaine à New york. | toutes les photos de cet article sont extraites du livre “Area : 1983-1987”, de eric Goode et Jennifer Goode (éd. Abrams). www.theholenyc.com traduction de Héloïse esquié.
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paul anka SanS doute l’un deS pluS grandS chanteurS compoSiteurS populaireS du 20e Siècle, paul anka eSt né à ottawa en 1941. SeS parentS, reStaurateurS maroniteS, venaient du liban. Par F.a.d.
mineur, mais c’est lui qui signe le leitmotiv de la bande son avec Many men, encore un tube.
aLCHIMISTE En plus de son prodigieux talent de crooner et de rocker, Paul anka aura surtout enchaîné les coups de génie, notamment en réadaptant des titres réussis pour en faire des succès planétaires. Comme d’habitude, de Claude François, deviendra ainsi par ses soins l’immense My way, recréé pour Frank Sinatra. C’est lui qui transforme l’obscure Plus rien qu’une adresse en commun, du même Claude François en Do I love you. She’s a lady, de Tom Jones, c’est encore lui. Sans parler du hit Papa. C’est peu dire qu’il a la science des cordes sensibles, celles des émotions, de la fragilité, de la séparation, de la famille. Paul anka sait faire danser aussi bien que pleurer dans les chaumières. Ce père de famille nombreuse (cinq filles et un garçon) continue à chanter. Compositeur à succès, il est aussi l’auteur de jingles dont les plus célèbres sont The times of your life, réalisé pour Kodak en 1975 et le générique du Tonight’s show de Johnny Carson. Il n’a jamais rompu avec ses racines libanaises et il est même venu à Beyrouth en 1999 où il a chanté à guichet fermé au Forum. Officier de l’Ordre du Canada qui lui a offert une fête nationale en proclamant le 27 avril «Jour de Paul anka», chevalier de la médaille françaises des arts et des Lettres, le chanteur de diana confie que cet air de rock joué sur une déclaration d’amour était adressé à l’origine à une jeune femme qui chantait dans la chorale de son adolescence. d’autres diront que diana était sa nounou. Mais qu’importe, il était si Young, elle était si Old…et s’il est un peu goujat de le souligner de manière si abrupte, l’élégance de Paul sauve la maladresse des paroles. |
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’il n’a jamais vécu dans son pays d’origine, c’est en chantant dans la chorale de sa paroisse, sous la férule d’un autre Libanais, le compositeur et chef d’orchestre Frederick Karam, qu’il fait ses premiers pas dans la musique. Son titre mythique, diana, fait partie des 45 tours les plus vendus de l’histoire avec 9 millions d’exemplaires écoulés dès sa parution. Diana a été enregistrée en 1955. Paul anka est alors un tout jeune adolescent d’une quinzaine d’années. deux ans plus tard, il s’installe à New York avec sa chanson pour seul vade-mecum, mais ce tube fait aussitôt un malheur, et le petit bonhomme d’à peine dixhuit ans s’envole pour une tournée mondiale entre Londres, Tokyo et Sydney. En 1958, il enchaîne avec deux autres titres mythiques, You are my destiny et Crazy love qu’il chante lors de ses tournées d’une capitale à l’autre. Véritable usine à tubes, il est adulé par ses fans et les filles, à son passage, se pâment comme on sait le faire dans les années 60. Le registre de la tendresse n’a pas de secret pour lui, Put your head on my shoulder, It’s time to cry, My home town font vibrer l’amérique. Ce n’est qu’à l’âge de la majorité qu’il est autorisé à se produire dans les casinos de Las Vegas, incontournables tremplins pour les vedettes de l’époque. Son public le suit avec ferveur, mais déjà, dans le cœur des jeunes, il est supplanté par le bulldozer Beatles qui n’épargne personne sur son passage. Paul anka ne se laisse pas décourager pour autant. En 1962, dans le film multi primé The longest day (Le jour le plus long) sur le débarquement, auprès d’une brochette de 42 stars internationales de sa génération parmi lesquelles John Wayne, Kenneth More, Richard Todd, Robert Mitchum, Richard Burton, Sean Connery, Henry Fonda, Red Buttons, Rod Steiger, Leo Genn, Peter Lawford, Gert Fröbe, Irina demick, Bourvil, Curd Jürgens, Robert Wagner et arletty, il joue un rôle
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ZOOM SUR LE SAKÉ NON, iL NE dOit pAS SE bOiRE chAUd. NON, cE N’ESt pAS L’ÉqUivALENt d’UN viN dE tAbLE pOUR AccOMpAgNER SUShiS Et AUtRES MAKiS. NON, cE N’ESt pAS UNE EAU dE viE à bASE dE RiZ. LE SAKÉ, cEt ALcOOL jApONAiS AUx MiLLE vARiANtES ESt LA NOUvELLE cOqUELUchE dES gRANdS chEfS Et dES 20-35 ANS. LE SAKÉ SE dÉgUStE Et S’AppRÉciE cOMME UN bON viN : à L’œiL, AU bOUqUEt Et à LA RObE. dEScENtE dANS LES cUvES dE fERMENtAtiON. Par Médéa azouri
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ela fait deux ou trois ans que le saké est le chouchou des Français. Cela fait un peu plus pour les Libanais qui depuis quelques années déjà aiment le marier au Martini. Mais on ne sait pas grand-chose sur le saké. on ne sait pas comment il est fabriqué. on ne connaît pas forcément ses saveurs. Le saké a été baptisé ainsi autant par facilité de prononciation que pour jouer sur l’ambiguïté, le mot désignant en japonais tout type d’alcool. Parce qu’il s’appelle réellement nihonshu pour éviter la confusion. Nous continuerons à l’appeler saké pour ne pas nous emmêler les baguettes. Cet alcool fruité, floral et épicé est obtenu par fermentation et non par distillation. au même titre que le vin ou la bière. Mais ici, pas question de raisin, de malt ou de pomme pour sa fabrication, mais de riz, la céréale nationale et de kôji. Le kôji, au même titre que le malt ou le levain est le jus
obtenu quand l’amidon contenu dans le riz se transforme en sucre. un saké de qualité (ça ne veut pas dire que la grande production ne soit pas bonne) est généralement fabriqué en quatre étapes d’un procédé très complexe. Polissage du riz, cuisson, fermentation et pressage dans des sacs de coton. Ces étapes prennent 20 jours et ensuite, une fois le processus terminé, le saké obtenu sera filtré et mis à vieillir dans des fûts durant 6 à 12 mois. il atteindra sa maturité à ce moment-là et sera prêt à être consommé. Le saké de qualité n’a pas subi un ajout d’alcool comme les sakés vendus en grande surface qui représentent les 2/3 tiers de la fabrication japonaise. Le riz utilisé doit être poli. Extrêmement bien poli pour être débarrassé l’excès de lipides contenu dans l’enveloppe. C’est ce qui fait généralement toute la différence. Et on s’en rend compte quand on en boit avec des connaisseurs ou dans
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dakuryu
kuromatsu
un bar à saké. (L’ouverture d’un bar à saké au CentreVille devrait avoir lieu courant mars). Plus de six cents paramètres et/ou composantes peuvent influer sur la robe, le bouquet et la saveur d’un vin de riz. Et c’est pendant la saccharification, grâce à l’action du kôji que le saké prend sa saveur plus ou moins sucrée. Chaque brasseur ajoute de l’eau et du riz en fonction du taux de sucre qu’il veut obtenir. Après 30 jours de fermentation, un taux d’alcool moyen de 20° est atteint. Il faut donc savourer son saké. Savoir que certains se marient tout aussi bien avec la viande ou le poisson. Qu’il existe des appellations contrôlées. Que ce n’est pas un prix élevé qui détermine la qualité de cet alcool. Pas besoin de rouleaux d’algues ou de saumon cru pour savourer un bon saké. Il suffit d’un peu de fraicheur pour laisser parler l’ivresse. Une des plus belles. |
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QU ELS SA K ÉS ? Préfecture de Yamagata - Distillerie Tatenokawa Seiryu Dakuryu Préfecture de Tochigi - Distillerie Sohomare Shuzo Tokubetsu Préfecture de Fukui - Distillerie Kokuryu Tokusen Yamadanishiki Ryu 88 Préfecture de Nagano - Distillerie Miyasaka Shuzo Yawaraka 55 Préfecture de Hyogo - Distillerie Kenbishi Kuromatsu En vente à: Le Comptoir, rue Abdel Wahab el Inglizi, Achrafieh, Beyrouth, +961 1 32 28 41
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Le fiLm arabe dans L’urgence du renouveau dans La fouLée des révoLtes, une vague de fiLms issus du monde arabe s’est abattue sur Les festivaLs internationaux. Par PhiliPPine de Clermont tonnerre
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our la première fois depuis 1947, l’egypte et le Yémen prendront part cette année à la course aux oscars. The Square, de la réalisatrice égypto-américaine Jehane noujaim et Karama Has No Walls, de l’écossaise d’origine yéménite Sara ishaq ont été sélectionnés dans la catégorie meilleur film documentaire. Ces deux longs métrages retracent l’épopée des manifestants de deux révolutions, l’une ayant eu lieu place tahrir au Caire, l’autre sur le rond-point de la Perle à Sanaa. Un troisième projet issu du monde arabe, Omar, du Palestinien hany Abu Assad est également en lice dans la catégorie meilleur film en langue étrangère. le long métrage avait déjà remporté le prix spécial de la section « Un certain regard » à Cannes en 2013.
U n é l A n d o P é PA r l e S r é v o l t e S depuis quelques années les filmographies arabes ont gagné en visibilité dans les festivals internationaux, une importante production cinématographique ayant accompagné ce que l’on appelle communément les « Printemps arabes ». dès 2011, quelques mois après la chute des dictateurs Zeinedine Ben Ali et hosni moubarak, des films tournés dans l’urgence des révolutions tunisienne et égyptienne débarquaient à Cannes. « Il y a une tendance qui consiste à penser que les révolutions ont créé des cinéastes, note Jad Abi-Khalil, directeur du programme doCmed au sein de l’association Beirut dC. « Or ces gens étaient là depuis longtemps, on les croisait, on les avait identifié, on avait vu leur travail ». « Le changement a commencé il y a environ quinze ans. Une
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iL y a eu un engouement soudain pour Le cinéma arabe comme ce fut Le cas iL y a dix ans pour L’amérique du sud nouvelle génération de réalisateurs arabes est arrivée sur le terrain avec un regard différent. Grâce aux nouvelles technologies, au digital, beaucoup ont commencé à prendre librement leur caméra et à faire des films avec pas grand-chose », explique-t-il. l’émergence de festivals régionaux, tout comme le développement de fonds de financements arabes, sont venus accompagner ce renouveau. les rendez-vous de doha, Abu dhabi mais surtout de dubaï, où se tient chaque année le Festival du Film international, ont permis aux réalisateurs de
la région de gagner en indépendance par rapport aux productions occidentales. mais cela ne fait aucun doute ; les révolutions ont apporté un second souffle à l’industrie cinématographique de ces pays, ne serait-ce que par la formidable exposition médiatique qu’elles ont suscitées. « Il y a eu un engouement soudain pour le cinéma arabe comme ce fut le cas il y a dix ans pour l’Amérique du sud », souligne Jad Abi-Khalil.
la femme a inspiré nombre de scénarios (...) les femmes cinéastes occupant désormais une plus grande place dans le métier
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Tour nés sur le vif Dans des pays comme la Tunisie, les soulèvements populaires ont permis de mettre fin à des années de censure qui pesaient lourd sur les cinéastes. Cette libération de la parole a donné naissance à des films soucieux avant tout de rendre compte d’une réalité sur le terrain, comme Plus jamais peur du tunisien Mourad Ben Cheikh réalisé en Tunisie au moment de la révolution. en syrie, des projets tournés dans la clandestinité ont alimenté ce cinéma de l’urgence, empreint de militantisme, à l’instar du court-métrage Nights chants Morning Fears de roula ladqani et salma Aldairy ou encore de Retour à Homs, premier long-métrage du réalisateur syrien Talal Derki, diffusé en avant-première lors du festival international du film Documentaire d’Amsterdam. Tourné en secret, il retrace le parcours de deux activistes de la révolution syrienne. « Quand on est à l’intérieur de la tourmente, il est difficile d’avoir du recul et de vraiment faire du cinéma. C’est surtout une façon de survivre, de prendre la caméra et de tourner », reconnaît Jad Abi-Khalil. Ce foisonnement de films tournés sur le vif des évènements a fait exploser le genre du documentaire. les fictions, quant à elles, se déroulent souvent sur fond d’actualité. Après la bataille, de Yousry nasrallah, revient sur un épisode marquant de la révolution égyptienne, celui de la bataille des chameaux. le film mélange fiction et réalité, en insérant des images tournées place Tahrir au moment même des évènements. il met en scène deux personnages, aux antipodes sur le plan social, une jeune cairote aisée et un égyptien de la campagne, mais qui se retrouvent dans leurs aspirations pour une société plus juste et égalitaire. le long métrage résume ainsi les contradictions de la société égyptienne : l’impossibilité de concilier deux mondes et un puissant désir de changement.
Des T h èM es spéCi fiqu es M A is pA s D e l A n g A g e p r o p r e qu’ils soient algériens, marocains, tunisiens ou palestiniens, les cinéastes de la région sont de plus en plus nombreux à brosser le portrait de leur société. Certains thèmes reviennent de façon récurrente dans leurs productions : inégalités sociales, religion, interdits moraux, condition féminine. la femme a inspiré nombre de scenarios dont certains ne manquent pas d’originalité. « Ce thème est très présent dans les cinémas algérien, égyptien, syrien ou palestinien, les femmes cinéastes occupant désormais une plus grande place dans le métier », affirme Jad Abi Khalil. par exemple, Boxe avec elle des réalisateurs tunisiens latifa Doghri et salem Trabelsi raconte la lutte quotidienne de Tunisiennes pour défendre leur droit de pratiquer la boxe. sur un autre registre, Wadjda, meilleur film de l’année à Dubaï, de la saoudienne haifa el Mansour parle d’une petite fille prête à tout pour s’acheter une bicyclette dans un pays ou ce passe-temps est réservé aux hommes. Mais un élément majeur manque à ce nouveau cinéma arabe : un langage unique, propre. « En Egypte, on trouve des scénarios fabuleux mais dès qu’on passe à l’image, on sent un parfum européen. Notre culture est très orale contrairement par exemple aux Iraniens qui ont une longue tradition visuelle », note Jad Abi-Khalil. « par ailleurs, le cinéma d’auteur fait face à une insuffisance en termes de débouchés professionnels et de formation », ajoute le directeur du programme DoCmed. pour prendre complètement son envol, l’industrie cinématographique aura aussi besoin que chaque pays mette en place de véritables stratégies culturelles. Celles-ci font encore cruellement défaut dans la région. |
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ALI CHERRI, L’INTRANQUILLE ALI CHERRI vIENT dE RECEvoIR LE pRIx dU “MEILLEUR RéALIsATEUR” dU fEsTIvAL INTERNATIoNAL dU fILM dE dUbAI 2013. poUR soN CoURT-MéTRAgE «L’INTRANQUILLE». UN doCUMENTAIRE sUR L’IMMINENCE d’UN TREMbLEMENT dE TERRE AU LIbAN. A 38 ANs, CE ToUCHE-à-ToUT dE géNIE A déjà vU sEs TRAvAUx fAIRE LE ToUR dU MoNdE dEs pLUs gRANds fEsTIvALs ET MUséEs.
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Par F.A.D.
beyRouth 2014
the Disquiet (l’intRanquille)
Photos DR
En décembre 2013, vous avez été primé “Meilleur réalisateur” au festival international du film de Dubai pour votre court métrage “The Disquiet”, L’Intranquille. A votre avis qu’est-ce qui vous a valu cette récompense? Plus précisément, qu’est-ce qui a distingué ce film des autres travaux en compétition, et touché à ce point le jury ? Mes films d’artistes sont présentés en général dans des galeries d’art ou des musées. C’est uniquement ces dernières années que je vois les grands festivals inclure ce type de films « non conventionnels » dans leur programmation. Donc déjà d’être sélectionné dans la compétition au Festival de Film de Dubai était une belle surprise. Je pense que le jury avait une vision très ouverte de ce qu’est diriger un film aujourd’hui. J’ai eu le prix du meilleur réalisateur alors que mon film n’a ni acteur, ni construction narrative. Je ne sais pas ce qui les a mené à ce choix, mais en tout cas ça m’a fait très plaisir. L’intranquillité, est-ce quelque chose qui vous définit? Je pense que l’intranquilité vient justement du fait qu’on n’arrive pas à se définir. C’est un état de perpétuel
mouvement. C’est partant de là que je fais le parallèle entre l’intranquilité souterraine (le mouvement continu des plaques sismiques) et l’intranquilité de ceux qui vivent sur cette terre. Je ne pense pas que c’est un sentiment personnel, c’est l’état dans lequel on vit tous. La mort, les catastrophes, une obsession? Quelles sont vos autres terreurs? La peur vient toujours de notre angoisse face à la mort. C’est la peur de l’inconnu, de l’incontrôlable. Au Liban, cette angoisse est multipliée, et fait partie de notre quotidien. C’est une obsession qu’on arrive à gérer plus ou moins au courant de notre vie, mais elle ne disparaît jamais. L’art pour évacuer l’angoisse? Je n’utilise pas mon art comme exercice thérapeutique. A travers mes films et mes créations, j’essaye d’aborder des sujets qui me hantent, tout en gardant leur complexité. Je trouve que la création artistique nous donne la possibilité de poser les questions différemment, d’aborder les sujets sous un nouvel angle.
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dE LA bERLINALE AU MUséE gEoRgEs poMpIdoU, dE L’IMA à LA TATE ModERN
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the Disquiet (l’intRanquille)
De quoi est fait votre univers (films, musique, livres, lieux, goûts, odeurs) Je me déplace beaucoup durant l’année pour présenter mon travail. Donc j’essaye tout le temps d’emporter avec moi le plus de livres possible, car les livres, c’est mon « chez moi ». D’être souvent à Paris me donne accès à beaucoup de films indépendants, de spectacles, d’expositions… c’est un privilège que j’apprécie beaucoup.
Où êtes-vous, en ce moment, que faites vous? Je suis actuellement à Paris où je présente une exposition personnelle à la Galerie Imane Farès, « On Things that Move ». Mais je vais rentrer à Beyrouth bientôt pour présenter The Disquiet au festival du film de l’AFAC au Metropolis et au Beirut Art Center, où j’anime un atelier de 3 jours sur le photomontage, dans le cadre de l’exposition AfterAtlas de Georges Didi-Huberman et Arno Gisinger.
Quel a été le tournant de votre carrière? Je pense que ma carrière a évolué d’une manière très fluide et progressive. Je suis quelqu’un d’assez rationnel donc les changements dans ma vie prennent du temps. Mais je pense que l’une des étapes importantes de ma carrière a été mon engagement avec la Galerie Imane Farès à Paris. C’était en 2010
Où serez-vous au moment du prochain tremblement de terre? Qu’avez-vous prévu? Je pense que la prochaine catastrophe est déjà en cours, c’est une catastrophe au ralenti que nous sommes en train de vivre. La question que je me pose c’est « qu’est ce qui va survivre à cette catastrophe ? »
Quel artiste en vous domine les autres (acteur, metteur en scène, réalisateur, cinéaste, artiste visuel?) Les choses ne sont pas cloisonnées dans ma tête. J’ai un seul projet artistique même si le medium dans lequel je m’exprime peut changer. Mais j’aime la vidéo en installation. Je trouve que l’image en mouvement et la mise en espace permettent beaucoup de possibilités.
Quels sont vos projets dans le futur proche? Je participe à la Biennale de la Photo de Helsinki où je présente un nouveau projet à partir du 26 mars. Je participe aussi à une grande exposition au Gwangju Museum of Art en Corée du Sud au mois de mai. The Disquiet continue à tourner dans les festivals : il sera présenté en compétition au festival IndieLisboa à Lisbonne, et au Ann Arbor Festival à Michigan. |
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ROY DIB, MONDIAL 2010 Le TeDDY AwARD Du cOuRT-MéTRAge, L’uN Des pRIx OffIcIeLs De LA BeRLINALe (fesTIvAL INTeRNATIONAL Du fILM De BeRLIN) ATTRIBué à Des fILMs suR LA quesTION gAY, A éTé ReMpORTé ceTTe ANNée pAR ROY DIB pOuR sON fILM “MONDIAL 2010”. TOuRNé Avec uNe cAMéRA AMATeuR, ce ROAD MOvIe MeT eN scèNe uN cOupLe D’hOMOsexueLs DANs uN péRIpLe à TRAveRs LA pALesTINe. sI Les fILMs, vIDéOs eT INsTALLATIONs De ROY DIB sONT cONNus à BeYROuTh, ILs ONT AussI éTé pRéseNTés Au pALAIs De TOkYO à pARIs (2012) eT à vIDeOBRAsIL à sAO pAOLO (2013). queLques NOTes suR uN pARcOuRs. 1 7 2
Par F.A.D.
Evidemment, étant Libanais, et puisqu’il m’est impossible de tourner moi même les scènes à Ramallah, j’ai demandé à des amis palestiniens de tourner dans leurs villes, de me faire visiter leurs coins, quartiers, villages, villes ... à travers leurs propres objectifs. Ca fait trois ans que je corresponds avec eux et j’ai réussi à récupérer un grand nombre de minutes filmées dans différents coins de la Palestine, entre autre la ville de Ramallah.
De quoi parle votre court métrage primé à la Berlinale: “Mondial 2010”? Mondial 2010 est un film sur l’amour et l’espace. Un jeune couple gay libanais décide de faire la route jusqu’à Ramallah. Tourné avec une camera numérique, Mondial 2010 emprunte l’esthétique d’un journal de bord. A travers les conversations du couple, le public est conduit à travers une ville qui s’éteint. Le film tente de normaliser l’«anormal», qu’il soit territorial ou sexuel, et crée ainsi son propre univers de possibilités.
Qu’est-ce qui a ému le jury dans votre réalisation? Je cite le jury lors de la déclaration du prix : «A film that takes us on a journey, both literal and personal through a hazardous landscape where invisibility is a necessary aspect of Queer survival».
Quelles ont été les conditions du tournage, difficultés et moments de grâce? De façon générale, les images venant de Palestine représentent souvent l’Israélien qui occupe la terre et agresse et tue les Palestiniens. On en oublie la Palestine elle-même. Dans Mondial 2010, j’ai voulu faire de Ramallah une protagoniste du film, une ville où les gens mènent leur vie quotidienne, où l’on ne voit les Israéliens que dans le troisième plan de l’image. Je voulais aussi parler de Ramallah, comme d’une ville en voie de disparition à cause des colonies israéliennes qui l’engloutissent.
Vous attendiez-vous à cette récompense? Pas du tout. D’ailleurs, je disais à des amis le jour de la cérémonie qu’il était impossible que je gagne vu qu’on ne m’avait pas contacté pour assurer ma présence à la cérémonie de remise des prix. J’ai su le lendemain qu’on conspirait «secrètement» pour assurer ma présence! C’était une surprise totale!
J’ai écrit le scénario de «Mondial 2010» à Beyrouth bien après avoir récupéré le matériel, et je me suis donc lancé dans un processus de montage des scènes déjà filmées à Ramallah et de la nouvelle fiction qui inclut les dialogues entre les deux protagonistes, développés et enregistrés à Beyrouth. Si on ne voit pas le couple, à l’écran, c’est pour que Ramallah, ma deuxième protagoniste, puisse occuper la partie majeure de l’image avant sa disparition. Traiter et travailler une matière que je n’avais pas moi même filmée s’est avéré une expérience très intéressante, surtout que j’ai eu la chance de collaborer avec une équipe (Les acteurs Ziad Chakaroun et Abed Kobeissy, et au son Fadi Tabbal et Stefan Reeves) remarquablement créative et motivée.
Un film qui nous emmène dans un voyage, à la fois littéral et personnel, qui traverse un paysage dangereux où l’invisibilité est un aspect nécessaire de la survie d’une communauté gay.
Vous considérez-vous davantage comme un cinéaste ou comme un artiste visuel? Je n’ai aucune intention de me placer dans une catégorie
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Photo Jad Abou Khalil
Parallèlement à votre travail artistique, vous êtes critique culturel à Al Akhbar. L’adage dit que la critique est aisée mais l’art difficile. Comment vivez-vous cette double identité de créateur et de destructeur? Je ne dirais pas que le rôle d’un critique culturel est destructeur, au contraire il permet d’ouvrir la voie vers des dialogues. Je suis davantage dans la critique constructive. Et c’est précisément pour ce rôle là que j’ai décidé de me lancer dans la critique culturelle. D’autre part j’ai toujours été fasciné par l’expérience des débuts des Cahiers du Cinéma, où les cinématographes eux-mêmes étaient critiques des créations de leurs collègues. Godard a même dit une fois: “Truffaut est un très bon ami, mais il faut qu’il arrête de faire du cinéma”. Personnellement, je n’ai aucune intention de décourager quiconque de faire de l’art, mais je veux poser des questions et essayer d’engager les acteurs de la scène artistique au Liban et dans le monde arabe dans des débats qui seront accessibles au grand public. Surtout que cette relation entre artiste et critique a toujours été essentielle à l’évolution de l’art contemporain. De plus, ce double rôle m’a rendu encore plus exigeant vis à vis de mon travail en tant qu’artiste et nourrit au quotidien ma connaissance et mon ouverture sur les différents univers artistiques de la région.
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roy dib - mondiAl 2010
roy dib - mondiAl 2010
roy dib - mondiAl 2010
Tant de cordes à votre arc, d’où vient ce besoin de vous exprimer en faisant feu de tout bois? Quel est le message obsessionnel que vous voulez, avec une sorte d’urgence, faire passer? L’urgence est de communiquer mes pensées et mon expérience subjective vis à vis des espaces, des gens avec qui je partage ces espaces, et la vie. Ce qui m’intéresse c’est d’explorer les potentialités de l’image des espaces qu’on habite et qu’on essaie de représenter, qu’elles soient politiques, poétiques, ou sexuelles. Je ne fais pas de films dits «politiques», mais l’histoire du film Mondial 2010 est issue d’un besoin urgent d’aborder différemment les questions sociales, politiques et humaines qu’on se pose, surtout au Liban, depuis très longtemps. Quelle a été votre formation? J’ai fini mes études de théâtre à l’Université Libanaise, Institut des Beaux Arts, en 2004. J’ai participé à Home
Workspace Program (2011-2012) mis en place par Ashkal Alwan qui a d’ailleurs toujours soutenu mes projets, et qui a coproduit «Mondial 2010». De quoi est faite votre enfance? Votre univers en général? Je suis né à Rasmaska, un village au Nord Liban, dans une petite famille adorable de la classe moyenne. J’ai mené une simple vie d’enfant, rien de spécial, mais j’ai connu Beyrouth à travers la télévision, et j’ai toujours voulu venir vivre ici. J’habite Beyrouth depuis mes années universitaires et j’ai vécu dans plusieurs de ses quartiers dont Hamra, Furn el Chebbak, et Mar Mikhael. Bien qu’elle soit difficile, j’aime Beyrouth, et j’aime surtout les gens qui partagent ma vie dans cette ville. Au cinéma, Godard et Antonioni sont mes grandes inspirations. La musique arabe est mon seul refuge, ma nouvelle vidéo sera dédiée à la grande Oum Koulsoum. Je ne lis pas beaucoup en anglais mais ma grande découverte récente est Rabih Alameddine. En littérature arabe c’est dans les romans d’auteurs comme Huda Barakat, Elias Khoury, Sonaallah Ibrahim et beaucoup d’autres que je retrouve un amour de la vie. J’ai eu la chance de voyager dans plusieurs pays en participant à quelques festivals, mais Sao Paulo et Berlin restent les villes qui m’ont le plus marqué. Mon plus grand chagrin est de n’avoir jamais eu la chance de visiter la ville d’Alep. |
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ou une autre. Je travaille et continue de travailler dans l’art video, mais je voudrais aussi un jour écrire et tourner un long métrage. J’ai aussi un grand amour pour le théâtre qui me pousse à collaborer avec des artistes, metteurs en scènes etc. Je continue aussi à contribuer à la page culturelle d’ Al Akhbar et autres magazines arabophones. Le médium choisi sera toujours au service du sujet.
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Pire que le climat, la climatisation. en avion, en train ou en voiture, l’air chaud comme l’air froid soufflent, en Plus des bactéries, une sécheresse Pénible. la Peau déjà malmenée Par le rasoir et la rePousse des Poils aPPelle au secours. on emPorte son sPa de Poche. ca met aussi du baume au cœur. Photos raya farhat | Réalisation maya kaddoura
Masque biosensible et Gel ADN SilkgeN Biologique recherche, Genefique HD lANcome, DeoDorant l’HoMMe D’YSl, trousse mArc BY mArc JAcoBS, Masque BioSeNSiBle Biologique recherche, nettoyant exfoliant clAriNS meN, Huile De rasaGe clAriNS meN, séruM grAND milléSime Biologique recherche.
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Photo DR
Quand une icône a rendez-vous avec un mythe, cela tourne parfois à l’orage. ou au chef-d’œuvre. la rencontre de morrissey et siouxsie a donné les deux. Par BAPTISTe PIégAY
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u N g O û T D e T OA S T C h A u D PA r T A g é Lorsque Morrissey lui envoie une cassette – comme tous les fétichistes mélomanes militants, il n’aime rien tant que faire des compilations –, avec des raretés sixties exclusivement féminines siglées Dionne Warwick, Nancy Sinatra ou Timi Yuro, il la sollicite pour un duo. La reine des panthères choisit une ballade, presque optimiste. Composée par georges Delerue et hal Shaper, pour un film oublié, cette chanson est portée par la douce voix légèrement agaçante, tirant un peu trop sur le lacrymal, de Timi Yuro. Vedette éphémère, par la grâce d’un tube, Hurt, Yuro n’a pas laissé une grande impression sur l’histoire de la pop musique. Interlude, jolie perle ajoutée au collier des langueurs
amoureuses et voluptueuses, dans la lignée des chansons de l’ombre que l’on se passe de main en main comme un secret, reprise en mode duo, a un parfum de petit matin au creux du lit, un joli goût de toast chaud partagé.
L A C O M é D I e D e L’A M O u r Ce n’était pas tous les jours que Morrissey, l’icône ironique des solitaires, et Siouxsie, idole des caves à chauve-souris, jouaient la comédie de l’amour. Délicatement arrangée, leur lecture à deux voix évoque assez les tandems hollywoodiens classiques (McQueen/Dunaway dans L’Affaire Thomas Crown ou Finney/hepburn dans Voyage à deux), où des adultes trouvent encore la force de tomber amoureux. La maison de disques, Parlophone, en revanche, est moins émue. elle ne juge pas utile de publier la chanson aux états-unis, et n’appuie pas avec enthousiasme sa sortie anglaise. Pour ne rien arranger, Parlophone décale la sortie d’une chanson objectivement hivernale en plein été. Faute de clip vidéo, estiment les comptables, pas la peine de s’y intéresser. et s’il n’y en a pas, c’est que le chanteur et sa partenaire se sont fâchés avant le tournage : en pleine bouffée anglophile, le premier insiste pour que la star du clip soit un bulldog, symbole de son nouvel amour pour le drapeau anglais. Sa proposition ne recueillant aucun suffrage, il bouda, ne céda pas et Siouxsie se fâcha. un peu vacharde, quoique un peu maso, elle dira plus tard que si elle avait accepté, c’était moins par goût pour la musique de Morrissey que pour sa personnalité. Dans son autobiographie*, le chanteur donne une tout autre version de leur collaboration : elle aurait tourné court suite à la proposition de la chanteuse qui aurait voulu le voir lapidé dans la vidéo. S’arrogeant bien sûr le beau rôle, il jure être attristé par le témoignage de Siouxsie. Depuis cette brève parenthèse enchantée, l’une est retournée à une semi-retraite et l’autre à des disques tristement ordinaires. Imaginons pourtant que la carrière d’Interlude ait imité celle de Where the Wild Roses Grow, le baroque duo entre Nick Cave et Kylie Minogue ! Le succès ne tient pas toujours à un fil : parfois, il tient seulement à un chien… | *
“Autobiography”, de Morrissey (Penguin Classics).
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omment concevoir aujourd’hui qu’hier les adolescents caressaient pendant des heures des pochettes de disque ? Leur chambre était encombrée de petites galettes noires vinyles et leurs rêves, de musique. On ne peut pas regarder bien longtemps un fichier MP3 ni s’imaginer une autre vie en contemplant son relevé iTunes, c’est à se demander comment naissent encore les vocations. Bref. Dès ses premières interviews, dont on sentait bien qu’elles avaient été répétées vingt fois, cent fois, devant une glace, Morrissey parlait de ces 45 tours qui lui avaient sauvé la vie (“But don’t forget the songs that made you cry/And the songs that saved your life” chantera-t-il dans Rubber Ring) . Il parlait de Bowie, Bolan, les New York Dolls, Dusty Springfield et, comme une génération d’Anglais bouleversés par le punk et ses échos élevés aux émissions de John Peel comme les petits Français écouteront religieusement Bernard Lenoir, Siouxsie and the Banshees. Au mitan des années 1990, englué dans des controverses pathétiques – raciste ou pas Momo ? cramé ou encore pertinent ? –, le chanteur prépare pourtant l’enregistrement de son plus bel album solo, Vauxhall and I, tandis que Siouxsie constate avec amertume que l’ère des gothiques électriques est révolue, son dernier disque est un four, pas immérité. Faute d’inspiration, sa vie dans le Sud de la France est bien douce.
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Il a faIt danser tOUt parIs, dU sept aU palace. en 1982, GUY cUeVas sOrt “ObsessIOn”, dOnt la pOchette est l’œUVre de Jean-paUl GOUde et la face b, Un mIx de françOIs KeVOrKIan. Un réGal ! Par PAqUItA PAqUIN
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Photo DR
PA t C L E v E L A N D À P O I L Guy Cuevas savait mettre le feu à la piste exiguë du Sept où se pressait la jet-set, la crème des créateurs du prêt-à-porter naissant, les couturiers et les mannequins. Les filles – dont Loulou de la Falaise – montaient sur les tables minuscules pour refaire, toutes jupes relevées, la chorégraphie de la pub Dim : “papapapa papaaam…” Dans la biographie Jenny Bel’Air,
une créature, de François Jonquet, Guy Cuevas nous donne une idée du hot spot qu’était le Sept : “Helmut Berger a reçu un seau de champagne sur la tête : bagarre générale. Pat Cleveland s’est complètement lâchée un soir, elle a dansé à poil, la chatte épilée en cœur, avançant son bassin vers quelques heureux élus, qui pouvaient y aller d’un coup de langue…” Le Sept contribuait aussi à lancer de nouveaux styles de musique. C’est vers 1975, dans son minuscule réduit face à la piste de danse du Sept, que j’ai connu Guy. Il avait un don exceptionnel pour sentir la salle et créer l’effervescence. Plus tard, au Palace, la puissance magnétique de sa musique opérait sur la foule qu’il surplombait installé dans la dernière baignoire du balcon. Il enchaînait comme personne de longues séquences sur trois, quatre, cinq morceaux, atteignant un vertige dont il aménageait ensuite l’apothéose avec des extraits de symphonies wagnériennes ou de la musique de Star Wars! Dans ces moments de folie héroïque où se déchaînait la foule, Fabrice Emaer se mettait lui-même aux manettes de la régie lumière, pour commander une poursuite et la fixer sur lui.
M O N O C L E À L A vO N S t R O H E I M En 1981, quand Fabrice a décidé d’ouvrir le Privilège, nous avons fait équipe avec Guy pour accueillir la clientèle. Guy changeait de rôle, il n’était plus aux platines où Philippe Krootchey l’avait remplacé. Dans ce sous-sol ultrachic, décoré par Gérard Garouste de colonnes drapées en stuc et de fresques figurant un conte ésotérique, nous recevions, lui en spencer blanc, crâne rasé et monocle à la Erich von Stroheim, moi en tailleur Chanel. Guy Cuevas s’est lancé un moment dans l’aventure du prêt-à-porter. Ses tenues blanches galonnées de croquets de couleur possédaient une réelle fraîcheur. Lui-même se concoctait chaque soir des looks somptueux. Sur une chemise blanche à col cassé, il drapait un pagne en crêpe noir et blanc : un tissu Yves Saint Laurent imprimé de notes de musique. Ses tuniques chinoises agrémentées d’un casque colonial lui venaient de son ami Kenzo. Lors du bal venise au Palace, son costume était colossal : une fontaine ! Pourtant, ses inventions au quotidien restaient les plus savoureuses et témoignaient d’un esprit subtil, cultivé et ultra-sensible. tout en venant d’ailleurs, Guy fait partie, comme Karl Lagerfeld ou Kenzo, des gens qui ont fait Paris. |
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é à La Havane, Guy Cuevas – de son vrai nom Guillermo Cuevas Carrion – a fui le castrisme qui réprimait les dissidents et les homosexuels. Après un passage à New York, il se retrouve, à Saint-Germain-des-Prés, à passer les disques au Nuage, où Fabrice Emaer le remarque et le débauche. En 1972, il devient le disquaire mythique du club le Sept. À cette époque, on ne parlait pas encore de DJ. Il partageait le titre de “disquaire” avec ses amis, Hugues Guéné et Michel Gaubert, qui travaillaient avec lui dans les magasins de disques Givaudan et Champs Disques, faisant venir des États-Unis des imports de disques soul et funky, puis de disco, de musique caribéenne et brésilienne. Admiratif de Guy Cuevas, Michel Gaubert est devenu le sound designer des défilés Chanel, Dior, Raf Simons… Il raconte : “J’ai connu Guy au début des années 1970, quand je commençais à sortir. C’était la première fois que je voyais une telle créature ! Je reste en admiration devant les gens capables comme lui de tout plaquer pour vivre leur fantasme et ce qu’ils ont envie d’être à l’autre bout du monde. Cette détermination passe par-dessus tous les obstacles. L’idée de ce disque Obsession lui est venue de sa rencontre avec différentes personnes. D’abord Jean-Paul Goude, que son allure ne pouvait qu’inspirer, ensuite le Congolais Ray Lema, un musicien qu’il adorait. Il n’avait qu’une envie : chanter. Le titre ne m’a pas étonné : Guy Cuevas est une obsession vivante ! Obsédé et obsessif, il aimait aller au bout de ses extravagances. Le disque est sorti en 1982, à une époque où Nina Hagen flirtait avec l’opéra, où les mondes musicaux se mélangeaient : soul, reggae, new wave. Guy avait envie d’apporter sa touche cubaine. Cette idée de mixer les univers musicaux était plus intellectuelle, plus réfléchie que ne l’était le disco. Ce disque parlait du cœur.”
Brooks Brothers, ameriCaN BeautY
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Créée à New York eN 1818, Brooks Brothers est la première maisoN de CoNfeCtioN pour hommes à avoir iNtroduit le prêt-à-porter masCuliN sur le marChé amériCaiN. près de deux sièCles plus tard, après avoir élargi soN offre à la femme et l’eNfaNt, Brooks Brothers eNtretieNt sa légeNde et reste fidèle à ses Codes sourCes.
S
Par F.A.D.
ervice, qualité, style, valeurs, tissus révolutionnaires et intemporalité rassurante, chez Brooks Brothers le succès est lié à l’ADN. Ici, on se prévaut d’avoir habillé au moins 39 des 44 présidents des Etats Unis élus depuis la création de la marque. Abraham Lincoln, au moment de son assassinat, était en Brooks Brothers. Hemingway fut un inconditionnel, de même qu’Andy Warhol et les membres de Nirvana. Brett Eston Ellis s’y réfère toutes les trois lignes. La firme a beau cultiver l’esprit preppy, même les artistes les plus décalés et les groupes de rock les plus déjantés y ont recours, un jour ou l’autre, pour assumer la respectabilité qu’impose toute réussite. Précisions en quelques questions à la direction de la marque : A quel moment les tissus «exotiques» sont-ils entrés dans la haute tradition de Brooks Brothers? Au moment de la grande dépression de 1929, Brooks Brothers a du présenter une toute nouvelle offre en développant pour la première fois aux Etats Unis une ligne entière de costumes en seersucker et fil de coton. Le seersucker, avec son alternance de lignes lisses et froissées (en hindou lait et sucre), tout comme le madras avec ses croisements de rubans multicolores, ont été mis à la mode par les
Britanniques sous le Raj. Mais leur adoption par la marque et leur succès auprès des Américains sont surtout dus à leur légèreté. Les tissus estivaux de l’époque étaient très lourds et inconfortables. Le seersucker est léger, lavable et extraordinairement durable. C’est ce qui en fait un incontournable de la garde-robe des belles saisons. Qui représente le mieux l’ADN de Brooks Brothers? Chaque président américain, depuis Lincoln a possédé une quantité substantielle de pièces Brooks Brothers dans son vestiaire. Nous sommes honorés d’avoir habillé non moins de 39 présidents américains sur 44 ainsi que de nombreux leaders à travers le monde. La marque est-elle toujours aussi mythique aujourd’hui? Brooks Brothers est une marque très particulière. Nous influençons les tendances depuis 1818 et revendiquons une authenticité dont nulle autre marque ne peut se prévaloir. La réputation de la firme est due à ses valeurs et à la qualité exceptionnelle de ses produits et de ses services en boutique. En près de 200 ans, nous avons été à l’origine de nombreuses innovations sur le plan du style parallèlement à notre développement sur le marché. Le client Brooks Brothers n’est pas une personnalité abstraite ni une
Quelles sont les caractéristiques de la nouvelle collection pour hommes printemps été 2014? Cette saison, Brooks Brothers explore les thèmes familiers de l’été, la mer, le surf et le soleil. Combinés à la richesse de son héritage, ces éléments se traduisent dans un style à la fois contemporain et intemporel, inspiré par les artistes, les intellectuels et les jet-setteurs qui, entre les années 20 et 50 du siècle dernier se sentaient chez eux, qu’ils se trouvent au Connecticut, à Cuba ou sur la Côte d’Azur. Cette collection a donc un esprit international tout en étant distinctement américaine. Qui sont les icônes de cette collection? Hemingway et Fitzgerald sont les principales muses de cette saison. La collection évoque le chef-d’œuvre
d’Hemingway, «Le Vieil homme et la Mer», en particulier avec les cols roulés, un best seller qui se trouvait sans doute déjà dans nos catalogues des années 50. La palette est constituée de couleurs passées, comme délavées par le sel. Fitzgerald et la tribu des Américains qui ont travaillé à Paris et joué sur la Riviera sont l’autre inspiration de la saison. Des vêtements de belle coupe sont interprétés en rouge ou marine avec des déclinaisons de bleus vifs, verts et citron et des total-looks blancs. Un chic classique et éternel mais toujours confortable. Que révèle Brooks Brothers de la personne qui porte la marque? Le client Brooks Brothers est plutôt classique dans ses goûts mais il a des préférences personnelles dans tout ce qui touche à la mode. Sa fidélité à la marque vient du fait qu’il place la qualité en tête de ses critères, mais il y trouve aussi du style et du confort. C’est un sentiment, une manière d’être, l’expression d’une élégance en marge des modes et du temps, d’une authenticité innée. En deux mots, un art de vivre. La marque a une maxime historique concernant sa mission: « ne confectionner qu’une marchandise de la meilleure qualité, ne la vendre qu’avec des marges de profit raisonnables, ne travailler qu’avec ceux qui recherchent et savent apprécier nos produits». |
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fashion victim. C’est un gentleman qui cultive des valeurs authentiques et les partage. Il recherche la continuité discrète et confortable d’un style qui lui ressemble et qu’il adore porter. Cette année, Brooks Brothers est présent dans des films tels que «The Wolf of Wall Street», «American Hustle» et bien entendu «The Great Gatsby», les deux derniers ayant été nommés pour l’Oscar des meilleurs costumes. Brooks Brothers travaille avec l’industrie du cinéma depuis les premières années de Hollywood. La marque est aussi représentée dans les séries «Mad Men», «Up in The Air» et «Gossip Girl».
Pull en laine technique extra fine, chemise en PoPeline de coton et Pantalon en laine mĂŠlangĂŠe ermenegildo Zegna.
Kool Shen repart de zéro
Par Jean-Pascal Grosso | Photos emmanuele Fontanesi | Stylisme simon Pylyser
quelques apparitions au cinéma au début des années 2000. et puis, à partir de 2006, plus rien. Pour vous, la « plaisanterie » avait assez duré ? Kool shen : c’était quoi ? une, deux apparitions ? la Beuze, c’était pour la blague. il n’y a jamais eu chez moi aucune envie de faire du cinéma. Ça revient aujourd’hui parce qu’on m’a contacté pour faire le Breillat. Je me suis renseigné un peu sur elle. Je l’avais vue dans l’émission de ruquier où elle s’était fait démonter par eric Zemmour et eric naulleau que j’avais trouvés assez odieux. catherine m’avait plu : elle avait de la repartie, la dame ! J’en ai discuté avec des gens de mon entourage qui connaissent mieux le cinéma que moi. Je ne suis pas un grand cinéphile. et ils m’ont persuadé d’aller faire les essais… qu’est-ce qui fut le plus difficile dans cette expérience de comédien ? après les essais ? s’atteler à apprendre le scénario. Ça me
paraîssait assez improbable de retenir ce gros pavé par cœur. autour de moi, on me disait : « mais, attends, tu es capable de chanter deux heures sur scène, d’envoyer plusieurs milliers de rimes ! » mais ça reste mes textes. là, c’était vraiment un combat. Je me suis fait coacher pendant plusieurs semaines. et je me suis lancé dans l’aventure en bossant vraiment… aucun sentiment de malaise durant le tournage ? Jamais. il y a eu, par moments, beaucoup d’émotion. catherine se mettait parfois à pleurer. elle était très impliquée dans le projet. une vraie guerrière. Pour elle, le résultat final est peut-être une fiction, éloignée de ce qu’elle-même a vécu, mais au départ je pense qu’elle voulait retranscrire ce qui lui était arrivé. Bien sûr, en jouant les choses, vous ne les rendez pas exactement comme elles se sont déroulées, mais, à la fin du film, elle m’a presque engueulé : « eh, tu l’as rendu sympathique ! »
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Sa carrière de rappeur derrière lui, Kool Shen, la « caiSSe claire » de ntM, eSt devenu entre-teMpS joueur éMérite de poKer et, SouS l’iMpulSion de la réaliSatrice catherine Breillat , coMédien à part entière. SoMBre héroS d’« aBuS de faiBleSSe », il Se gliSSe danS la peau d’un type SanS ScrupuleS inSpiré du toxique chriStophe rocancourt. rencontre.
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« à chaque foiS que je M’aSSoiS à une taBle de poKer, il y a face à Moi un Mec qui porte un Bracelet de chaMpion du Monde. » et de se retrouver face à isabelle huppert, un choc des cultures ? Pas tant que ça. Vraiment pas même. elle a été très sympathique. elle n’a jamais cherché à tirer la couverture à elle et elle a tout donné.
avec les meilleurs joueurs mondiaux. a chaque fois que je m’assois à une table, il y a face à moi un mec qui a un bracelet de champion du monde. De se rendre compte que je peux presque me mettre à leur niveau, c’est assez agréable.
Votre personnage, Vilko Piran, s’inspire du très réel christophe rocancourt. Jamais croisé ? si, à Bercy, en 2008, lors de nos cinq concerts de ntm. il était là dans les loges. il ne connaissait ni Didier ni moi, mais il a quand même réussi à rentrer ! Juste un bonjour. Je le connaissais comme tout le monde : vu de ma banlieue, c’était une sorte de robin des Bois qui allait à l’école pieds nus et s’est retrouvé à Hollywood à arnaquer les plus grandes stars. c’était une image. en parlant avec catherine, vous vous rendez compte de bien autre chose…
le poker deviendrait-il une addiction ? Pas tous les jours. mais c’est vrai que quand ça fait trois ou quatre semaines que je n’ai pas joué, ça gratte un peu…
Vous voyez-vous devenir comédien à l’instar de Joeystarr ? abus de faiblesse, c’était un peu pour voir ce que ça allait donner. entre-temps, j’ai reçu d’autres propositions. Je vais tourner dans Paris, une série pour arte, avec Gilles Bannier, qui avait réalisé des épisodes d’engrenages sur canal+. Je joue un proxénète. ensuite, c’est le cambodge pour le tournage du soldat blanc d’erick Zonca, sur la guerre d’indochine, puis un autre en mars intitulé la saison des âmes… on me propose des choses, je les fais ! après votre dernier album solo en 2009, crise de conscience, vous vous lancez dans une « carrière » de joueur de poker. qu’est-ce qui vous fait vibrer dans ce jeu ? la compétition. Je ne suis pas trop branché par le « cash Game ». ce qui me plaît, moi, ce sont les tournois avec le but de terminer premier. Je suis sportif dans l’âme, je prends donc ça comme une compétition. Je ne suis pas un imposteur, je me suis vraiment pris au jeu. J’ai travaillé mon poker avec l’envie de progresser et de pouvoir jouer
que faites-vous de vos gains ? Je paye mes impôts ! Je viens d’apprendre que les joueurs de poker seront désormais taxés. mauvaise nouvelle… sinon, je n’ai pas de luxe. Pas de bague, de voiture, de grosse montre, je porte des converse… il y a bien les voyages. J’aime partir en famille. et être avec mon fils très souvent. mon vrai luxe, c’est d’avoir une vie tranquille avec ma femme à la maison. Kool shen s’est-il apaisé ? Je ne vais pas dire que le discours n’a pas changé, ce serait trop gros. sur ce que je pensais, ce que j’écrivais il y a vingt ans, les choses n’ont pas trop évolué. Je crois même qu’on avait une certaine prémonition de ce qui allait arriver sans pour autant en faire des caisses. nos textes n’étaient pas violents. Virulents mais pas violents. il y avait tout un fantasme autour de ntm. nous parlions simplement de ce que nous vivions. aujourd’hui, il y a pas mal de pose. un rappeur te dirait presque que Boulogne-Billancourt, c’est le Far West… mais je me refuse au « c’était mieux avant ». oui, le rap est devenu plus capitaliste, plus égocentrique. mais le monde aussi est devenu comme ça ! la musique, terminé ? non. J’ai écrit un petit truc pour la B.o. du film la marche. si on me propose d’écrire des titres pour le cinéma, pourquoi pas ? mais repartir deux ans sur un album, ça me passionne moins. au risque de paraître prétentieux, j’ai l’impression d’avoir fait un peu le tour de la question.
Pull en laine fine et chemise en PoPeline de coton rayĂŠe dior homme.
smoKing en laine et satin et chemise en coton rayĂŠ louis Vuitton.
« repartir Sur un alBuM, ça Me paSSionne MoinS. au riSque de paraître prétentieux, j’ai l’iMpreSSion d’avoir fait un peu le tour de la queStion. » ne vous voyez-vous pas en « vieux rappeur » ? Du tout. on se disait déjà ça avec Joey, il y a quinze ans, quand on regardait Johnny qu’on trouvait déjà vieux à l’époque ! Pourquoi insister ? les types qui meurent s’ils ne montent pas sur scène, je peux comprendre. moi, ce n’est pas mon cas. ma date de péremption est déjà passée.
auteur d’un « cop Killer » controverse musicale majeure des années 1990, s’est aussi activement illustré à l’écran. new Jack city, de mario Van Peebles, impose son charisme hargneux dès 1991. aujourd’hui, il officie dans la télé-réalité avec ice loves coco… nettement moins badass.
50 cent l’homme d’acier du hip-hop a laissé derrière lui un passé trash pour atteindre les sommets de l’industrie du disque. niveau ciné, c’est moins probant. Jim sheridan (my left Foot) a beau lui offrir une bio sur mesure, réussir ou mourir (2005) n’explose pas le box-office. 50 cent continue néanmoins à officier dans le nanar musclé.
si le résultat d’abus de faiblesse n’avait pas été probant, auriez-vous laissé tomber le cinéma ? oui, sur-le-champ. en gros, je ne me suis trouvé ni extraordinaire ni super mauvais. catherine était contente. isabelle, par gentillesse peut-être, m’a fait des compliments. J’ai l’impression d’avoir « fait mon travail ». mais si je m’étais trouvé très mauvais, je serais rentré chez moi sans me retourner. |
Jo eysta r r
Abus de faiblesse, de Catherine Breillat, sortie le 12 février.
Film e, c’est Du r a P Photos DR
Du flow au film, il n’y a qu’un pas…
i c e -t un peu le doyen de la bande. l’ex-crips de south central,
eminem marshall Bruce mathers iii, de son vrai nom, a vécu une jeunesse tellement pénible qu’elle valait bien un film. cela donne 8 mile signé curtis « l.a. confidential » Hanson, rocky version hip-hop, interprété par un eminem forcément criant de vérité. a été vu depuis en pleine castagne dans la série entourage.
la figure de proue de suprême ntm promène sa gueule cassée sur la série mafiosa ; une révélation. Vite, le cinéma lui ouvre grand les bras : le Bal des actrices, Polisse, l’amour dure trois ans, etc. Deux nominations aux césars, un film à sortir en janvier, une autre vie, un mélo réalisé par emmanuel mouret, et mathilde seigner qui l’adore…
mc J ea n Ga B’1 responsable du lyrique J’t’emmerde, l’ex-braqueur façon erasmus entre la France et l’allemagne a mis à profit son physique massif et son timbre de voix métallique dans diverses productions : Banlieue 13 et sa suite, seuls two… son premier grand rôle, Black (2009), rendait un hommage brutal à la blaxploitation.
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quel regard porte la figure tutélaire que vous êtes sur le rap français actuel ? J’ai un peu de mal. Je ne me reconnais pas dans le « grand monde », si on parle des dix rappeurs qui font vendre aujourd’hui ; les « bankables ». Ça reste un peu de la cour d’école et ils le font exprès. si ce n’est que l’embrouille avec ton voisin que tu as à me raconter sur ton disque, je m’en fous un peu. a plus de 35 ans, ils jouent aux cons pour des gamins de 15. Faut pas se leurrer : ça passe sur skyrock, il faut donc écrire pour leurs auditeurs qui sont des ados. aujourd’hui, si on ne parle pas de bite, de fric et de putes, j’ai l’impression qu’on ne touche plus grandmonde ! le rap un peu « politisé », il y en a encore, mais celui-là reste méconnu.
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De moins aventureux se seraient reposés sur leur splenDiDe patronyme. louismarie De CastelbajaC ne s’est pas assoupi. À l’impossible nul n’est tenu, sauf lui. Par baptiste piégay Photos MagNUs UNNaR | Stylisme Masha oRlov
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n en connaît peu qui, à 30 ans, peuvent dire qu’ils viennent de terminer la mise en fût de leur propre armagnac. et pourtant, c’est ce que vient de faire louis-Marie, chez lui, dans le gers. l’armagnac 700 se déploiera d’abord au harry’s bar parisien ou au Cabaret voltaire de Zurich, “là où le dadaïsme a été inventé” dit-il, avant de gagner tous les bars dignes de ce nom. “J’ai envie de redynamiser cette eau de vie, eau de feu magnifique, authentique et historique.” C’est le même jeune homme qui (re)lance une ligne de vêtement, le void by louis-Marie de Castelbajac, ce qu’on a vu de plus drôle et facétieux sur ce territoire depuis longtemps : avec des rébus et des jeux de mots, il a imaginé de belles pièces
en mailles et des t-shirts. la mode est ici aussi une mission : “Ramener la culture dans la pop culture.” en effet, que serait la pop sans la culture et la culture sans le pop ? N’imaginez pas qu’il s’en tient à cela : il dessine ces jours-ci des sacs avec la société new-yorkaise tyler alexandra. et c’est tout ? il ne prend jamais de vacances ? C’est à croire que le concept lui déplaît vivement. il vient de tourner La Permission de Joyce a. Nashawati, et s’apprête à rejoindre le tournage d’Utopia de hassan Nazer, en afghanistan et en écosse. il ne fuit rien, au contraire, il suit sa ligne de fuite, guidé par une formule de shakespeare, dont il a fait sa devise : “La seule obscurité est l’ignorance.” | www.lmdecastelbajac.com, www.armagnac700.com, www.levoid.com
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CHEMISE ET PANTALON THE KOOPLES
nadIm tabet Il a un regard ténébreux et tendre à la foIs, maIs c’est surtout son humour quI le caractérIse le mIeux. nadIm tabet est réalIsateur. 10 courts-métrages et un long. celuI quI est à l’orIgIne de la créatIon du festIval du cInéma lIbanaIs, a accepté de jouer les models dans l’offIcIel levant pour rembourser la dette morale qu’Il avaIt envers tony elIeh, notre photographe quI a composé un grand nombre des musIques de ses fIlms. chut on photographIe. Photos tony elieh | Stylisme amine jreissati Réalisation malak beydoun | Entretien médéa azouri
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VESTE ET ECHARPE THE KOOPLES T-SHIRT GUCCI
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lutôt timide, nadim tabet n’aime pas beaucoup qu’on parle de lui. C’est pour ça qu’il se cache derrière une sorte de surnom, emprunté au monde du polar et à celui du cinéma, précisément dans «alphaville» de Godard : lemmy Caution, agent secret. un vrai coureur de jupons et coqueluche des femmes. les femmes… C’est pour mieux les draguer qu’à 13 ans nadim tabet arrête les entrainements de tennis et se met à jouer de la basse parce qu’il n’étais pas assez bon à la guitare. Pour mieux les séduire qu’il lâche son instrument et son groupe pour ados du mouvement Generation X. a 15 ans, il a trouvé plus subtil de leur faire voir « les 120 jours de sodome » afin que, dégoutées, elles se réfugient dans ses bras. a force de leur faire mater des films, il devient incollable sur l’histoire du cinéma et tombe dans la marmite. addict au 7e art, il commence à tourner des petits films. «le premier, tourné en vidéo et où j’avais embarqué mes copains, s’appelait Caravane. j’espère que personne ne le verra jamais». il quitte l’alba et l’iesav, suit des cours de philo et d’histoire à la sorbonne pour avoir un bac+2 afin d’intégrer la Femis. il rêve de refaire le monde, parle de Godard, tente de comprendre hegel et flâne dans les cafés parisiens comme tous les jeunes de son âge. mais à la différence des jeunes de son âge, il tourne quasiment un court-métrage par an. il crée le festival « ..né à beyrouth » qui deviendra par la suite le Festival du Film libanais. «Pour projeter mes films, entre autres» avoue-t-il pince sans rires. il ne continue pas la Femis préférant apprendre sur le terrain
ou plutôt sur le tournage. il poursuit un dea en cinéma théorique et aimerait un jour faire une thèse sur un sujet du genre «le cinéma en vacances». un jour peut-être, parce qu’en attendant, nadim tabet écrit son premier longmétrage, «une famille libanaise» sur la chute d’une famille bourgeoise racontée sur plusieurs générations depuis les années 40. «C’est la raclée pour ce film trop ambitieux pour un premier long-métrage». retour à la case «films fauchés» en attendant de réintégrer le cinéma officiel. «illusions perdues comme le dit si bien balzac. du cinéma fauché, il y en a eu et même beaucoup. mais au moins, ça m’a permis de me créer une esthétique, un univers et des thématiques: la morale ambigüe, la décadence bourgeoise, l’histoire du liban, la lutte des classes, l’adolescence, les premières amours, le couple, l’origine du mal… Voici quelques thèmes qui me travaillent et me hantent de film en film.» des thèmes récurrents, comme cette jeunesse dorée qu’il va bientôt décrire dans une série de courts-métrages sur la drague au liban. mais avant ça, on attend de voir sa dernière réalisation entreprise avec karine Wehbé : «été 91» ou l’histoire d’une jeune femme et d’un jeune homme qui donnent chacun leur version de ce qu'ils ont vécu ensemble alors que défilent les images des lieux où ils ont évolué. Ce court-métrage sera projeté en juin au Festival du film libanais. il succède à «une journée en 59» et «Printemps 75» qui avaient rencontré un grand succès au liban. mais là, en attendant, nadim tabet n’est plus derrière la caméra, mais devant. |
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MORALE AMBIGUË ET DÉCADENCE BOURGEOISE, HISTOIRE DU LIBAN ET LUTTE DES CLASSES, ADOLESCENCE ET PREMIÈRES AMOURS
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J’ESPÈRE QUE DANS 10 ANS, J’EN AURAIS TERMINÉ AVEC LE CINÉMA. MAIS J’EN SUIS LOIN, OBSÉDÉ PAR LES IMAGES QUI ME HANTENT .
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A 19 Ans, ce BritAnnique est pAssé pAr lA london contemporAry dAnce school, il fAit Aujourd’hui pArtie de lA compAgnie theo lowe dAnce theAtre... Avec chArme, ce dAnseur d’Avenir trAvAille Aux confins de lA mode et de lA chorégrAphie. Photos andrew hailes | Stylisme rOMain VallOs Mannequins Banana MOdels
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Demain tu te maries – Patricia Carli La fidélité – Miossec Ring Of Fire – Johnny Cash Back door Man – The Doors Another man’s vine – Tom Waits Unfaithful – Rihanna
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