Levant
Numéro 66 Juin 2016
Beyrouth se recrée Rabih Geha, Taher Asad-Bakhtiari, Chaza Charafeddine, Wissam Charaf, Vatche Boulghourjian, Georges Amatoury, Nadim Asfar, Nasri Sayegh, Urban Retreat
N° 66 – 7,500 L.L. RABIH GEHA EN
HERMÈS
DRIVE DE CARTIER MOUVEMENT MANUFACTURE 1904 MC LA COLLECTION DRIVE DE CARTIER EST UN NOUVEAU MANIFESTE D’ÉLÉGANCE. VÉRITABLE OBJET DE STYLE, CETTE MONTRE À L’ESTHÉTIQUE COUSSIN AUX LIGNES RACÉES EST ANIMÉE PAR LE MOUVEMENT MANUFACTURE MAISON 1904 MC. NÉE EN 1847, LA MAISON CARTIER CRÉE DES MONTRES D’EXCEPTION QUI ALLIENT L’AUDACE DES FORMES ET LE SAVOIR-FAIRE HORLOGER.
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Sommaire 32
L’édito
36
News
56
LA tendance
58
« Mr. Burberry »
59
Multitâche
62
Tendances
70
L’étiquette fait le bagage
72
Anvers
84
L’esprit sporting
92
Bain privé
94
Travel kit
97
À pieds
104
Week-end
108
Chargé d’utilité
112
Escapades olfactives
118
Jungle fragrance
124
Profession parfumeur
126
Guide cerveau
128
Rihanna Vs Beyoncé
130
Sous le soleil exactement
136
Londres
145
Les passages secrets de Rabih Geha
158
Milan
170
Angkor Wat
186
L’agent provocateur
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193
Des cocktails et des hommes
198
Anatomie du temps
202
Beyrouth, peut-être
204
Les Libanais de Cannes
207
Beauté divine et douleur humaine
212
Tisser la laine et l’eau
220
Congo, ce laboratoire de l’impossible
228
Le modernisme selon Georges Amatoury
234
Dar El-Nimer
238
Garden state
241
Damour et de vagues
246
Le Spa Autrement
249
Moon coconut
254
Bon baisers de Zanzibar
258
Adresses
260
Manifeste pour la galanterie
Levant
Numéro 66 Juin 2016
Beyrouth se recrée Rabih Geha, Taher Asad-Bakhtiari, Chaza Charafeddine, Wissam Charaf, Vatche Boulghourjian, Georges Amatoury, Nadim Asfar, Nasri Sayegh, Urban Retreat
N° 66 – 7,500 L.L.
EN COUVERTURE
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RABIH GEHA : chemise, HERMÈS. Photographe TONY ELIEH, styliste SEVINE SAMADI
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Éditeur
Tony Salame Group TSG SAL Rédaction Rédactrice en chef
Fifi Abou Dib Rédactrice et Coordinatrice
Stéphanie Nakhlé Département artistique Directrice de création
Mélanie Dagher Directrice artistique
Josée Nakhlé Contributeurs Photos
Jimmy Dabbagh, Tony Elieh, Raya Farhat Rédaction
Laura Homsi, Philippine De Clermont-Tonnerre, Catherine-léa Otayek Stylisme
Sevine Samadi Production Directrice
Anne-Marie Tabet Retouche numérique
Fady Maalouf Publicité et Marketing Directeur général commercial et marketing
Melhem Moussalem Coordinatrice commerciale
Stéphanie Missirian Directrice marketing
Karine Abou Arraj Directeur Responsable
Amine Abou Khaled Imprimeur
53 Dots Dar el Kotob Édité par LES ÉDITIONS JALOU SARL au capital de 606 000 € — Siret 33 532 176 00087 — CCP n° 1 824 62 J Paris 5, rue Bachaumont, 75002 Paris. Téléphone : 01 53 01 10 30 — Fax : 01 53 01 10 40 L’Officiel Hommes is published quarterly in September, December, March and July — Total: 4 issues by Les Éditions Jalou
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Direction Gémets des boards exécutif et administratif Marie-José Susskind-Jalou et Maxime Jalou Directeur général, directeur des boards exécutif et administratif Benjamin Eymère Directrice générale adjointe, membre des boards exécutif et administratif Maria Cecilia Andretta (mc.andretta@jaloumediagroup.com) Assistante de direction Pascale Savary (p.savary@jaloumediagroup.com)
Publicité Direction commerciale, membres du board exécutif Anne-Marie Disegni (a.mdisegni@jaloumediagroup.com) Christelle Mention (c.mention@jaloumediagroup.com) Marina de Diesbach (m.diesbach@jaloumediagroup.com) Assistante commerciale Sara Schmitt (s.schmitt@jaloumediagroup.com) — Tél. : 01 53 01 88 30
Direction éditoriale Directeur éditorial, membre du board exécutif Emmanuel Rubin (e.rubin@jaloumediagroup.com)
Administration et finances Directeur administratif et financier, membre du board administratif Thierry Leroy (t.leroy@jaloumediagroup.com) Secrétaire général Frédéric Lesiourd (f.lesiourd@jaloumediagroup.com) Directrice des ressources humaines Emilia Étienne (e.etienne@jaloumediagroup.com) Responsable comptable et fabrication Éric Bessenian (e.bessenian@jaloumediagroup.com) Diffusion Lahcène Mezouar (l.mezouar@jaloumediagroup.com) Clients Nadia Haouas (n.haouas@jaloumediagroup.com) Facturation Barbara Tanguy (b.tanguy@jaloumediagroup.com)
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Vente au numéro France VIP, Laurent Bouderlique — Tél. : 01 42 36 87 78 International Export Press, Alain Lecour — Tél. : 01 40 29 14 51 Ventes directes diffusion Samia Kisri (s.kisri@jaloumediagroup.com)
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Publications des Éditions Jalou L’Officiel de la Mode, Jalouse, L’Optimum, La Revue des Montres, L’Officiel Voyage, L’Officiel 1000 Modèles, L’Officiel Hommes, L’Officiel Art, L’Officiel Shopping, L’Officiel Chirurgie Esthétique, L’Officiel Allemagne, L’Officiel Hommes Allemagne, L’Officiel Australie L’Officiel Azerbaïdjan, L’Officiel Brésil, L’Officiel Hommes Brésil, L’Officiel Chine, L’Officiel Hommes Chine, L’Officiel Art Chine, L’Officiel Hommes Corée, L’Officiel Espagne, L’Officiel Grèce, L’Officiel Hommes Grèce, L’Officiel Inde, L’Officiel Indonésie, L’Officiel Italie, L’Officiel Hommes Italie, L’Officiel Japon, L’Officiel Kazakhstan, L’Officiel Lettonie, L’Officiel Liban, L’Officiel Hommes Liban, L’Officiel Lituanie, L’Officiel Malaisie, L’Officiel Maroc, L’Officiel Hommes Maroc, L’Officiel Mexique, L’Officiel Moyen-Orient, L’Officiel Hommes Moyen-Orient, L’Officiel Art Moyen-Orient, L’Officiel Pays-Bas, L’Officiel Hommes Pays-Bas, L’Officiel Philippines, L’Officiel Russie, L’Officiel Singapour, L’Officiel Hommes Singapour, L’Officiel Suisse, L’Officiel Hommes Suisse, L’Officiel Voyage Suisse, L’Officiel Thaïlande, L’Officiel Hommes Thaïlande, L’Optimum Thaïlande, L’Officiel Turquie, L’Officiel Hommes Turquie, L’Officiel Ukraine, L’Officiel Hommes Ukraine, L’Officiel Vietnam
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Communication et relations presse Thomas Marko & Associés Céline Braun et Emmanuel Bachellerie — Tél. : 01 44 90 82 60 Impression, suivi de fabrication et papier Group Valpaco, 3, rue du Pont-des-Halles, 94150 Rungis Photogravure Cymagina Distribution MLP Dépôt légal à parution — Commission paritaire N° 0419K89063 — ISSN 1777-9375
Fondateurs GEORGES, LAURENT et ULLY JALOU †
ÉDITO Par Fifi Abou Dib
Au moment de mettre ce numéro sous presse s’achevait la semaine du design de Beyrouth. Un temps extrêmement fort de la vie de la ville, qui a lancé presque tous les habitants dans un jeu de piste à la recherche des drapeaux frappés du logo de l’événement. D’Est en Ouest et retour, les trottoirs se sont improvisés tapis rouges et le champagne a coulé à flot tandis que le crépitement des flashes éclairait la nuit d’étoiles éphémères. Dès le premier jour de cette quatrième édition, non moins de 10000 visiteurs ont été dénombrés dans les rues de la capitale. Pas un créateur, bricoleur, artiste, éditeur, styliste, concepteur d’accessoires ou de bijoux, de cartes de vœux ou d’articles de papeterie, de luminaire, de meubles ou de tapis, pas un rêve matérialisé qui n’ait trouvé sa place dans cette joyeuse exposition déployée à travers les dédales de la ville. Fascinant Beyrouth, qui exhibe sa vitalité de plus belle chaque fois qu’on le croit endormi, et révèle l’extraordinaire créativité de sa jeunesse quand celle-ci semble l’avoir déserté. C’est donc une édition énergique que propose L’Officiel Hommes en cet été qui commence, portée par la belle vibration des nuits libanaises qui se préparent pour la saison et la perspective des festivals dont certains ont déjà annoncé leur programme. On trouvera dans ces pages de nouvelles figures de la scène artistique, architectes, photographes, cinéastes, artistes visuels. On quittera la chaussée pour mieux se déchausser sur ces plages qui attirent déjà leurs tribus, les surfeurs de Damour et les bobos du Sporting. On fera un crochet par Urban Retreat, le spa ultime qui ouvre ses portes à Aïshti By The Sea. On révisera le vestiaire sublime de la saison chaude. On célèbrera l’insouciance qu’elle invite, entre plongées délirantes et cocktails insolites.
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SOUS LA COQUILLE La collection printemps été 2016 interroge, chez Etro, le mystère de l’œuf et l’androgynie embryonnaire. Ce symbole primordial de la vie, sa forme incurvée et le secret puissant qu’il recèle ont inspiré à Kean Etro, directeur artistique de cette belle marque issue de l’univers du tissu et de la passementerie, une collection masculine qui emprunte ses codes aux coupes et coloris du vestiaire féminin. Encore une interprétation décomplexée pour le motif Paisley, emblématique de la marque, dans des palettes de bleu horizon, bordeaux, vert et jaune. Pourquoi pas ? Etro, rue Fakhry Bey, Beirut Souks, Centre-Ville, Beyrouth +961 1 99 11 11 ext.590
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Photo DR
News Par F.A.D
ART EN BOÎTE Ancienne journaliste culturelle à L’Orient Le Jour, Frida Debbané a toujours eu trois passions : la poésie, les carrés Hermès et la création d’univers miniatures enfermés dans des boîtes. Enfant, avec son frère, le cinéaste disparu Maroun Bagdadi, elle passait des heures entières à réinventer le monde des adultes autour d’une dinette ou d’un autre jeu dont elle avait créé les éléments de toute pièce. Maroun est parti, mais l’enfance est restée, refuge où elle invite le spectateur à travers ses « boîtes poétiques ». En carton, ces boîtes au format taillé sur-mesure, sont habillées de collages auxquels l’artiste, puisque telle est-elle, ajoute de minuscules éléments en relief qui viennent donner vie et une pointe d’humour au thème de la boîte. Ces petits objets peuvent être collés sur carton et taillés au cutter, ou simplement trouvés dans une brocante et repeints, ou brodés, cousus, crochetés ou tricotés par cette magicienne qui ainsi non seulement donne vie, aux mariés de Chagall, aux couleurs de Delaunay ou à l’atelier de Picasso, mais également recrée pour les vieux enfants de véritables petits bijoux d’Arte Povera, casiers en bois où s’accumulent des nécessaires de peinture, des mécanismes d’horlogerie ou des cordages de toutes textures. Galerie Aïda Chefane, Antélias, du 7 au 30 juin 2016
SPORTIFS DU MONDE, UNISSEZ VOUS En hommage aux jeux olympique de Rio qui auront lieu du 5 au 21 aout prochains, la marque Façonnable, née dans les années 60 sur la Riviera française et célèbre pour la coupe de ses chemises et ses couleurs estivales, lance une collection capsule pour les supporteurs des champions de différentes nationalités. Les polos sont ornés de cartes de 8 pays : La France, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis, le Brésil, la Russie, l’Espagne, l’Italie et le Portugal. Le même motif est repris sur des chemises blanches en popeline ornées de revers rayés bleu et blanc. Une troisième collection de chemises exprime subtilement, en simples rayures, le pays représenté.
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Façonnable, 149 rue Saad Zaghloul, Centre-Ville, Beyrouth +961 1 99 11 11 ext.525 Façonnable, Aïshti by the Sea, L1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.233
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COMME UN AS En 2004, Cristiano Sperotto, leader d’une entreprise spécialisée dans la production de vêtements en cuir à Thiene, obtient une licence spéciale de l’armée de l’air italienne qui lui permet d’utiliser ses logos, badges et décorations dans une ligne de vêtements. C’est ainsi que nait la marque Aeronautica Militare. Cette saison, Aeronautica Militare décline la cocarde italienne, les « Frecce tricolore (flèches tricolores de la patrouille acrobatique) les ailes surmontées d’une couronne ou la panthère de l’unité informatique sur une collection printanière tout en couleurs pastel ou estivale dans une palette plus vive. Aeronotica Militare, en vente chez Aïzone, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.140Aeronotica Militare, Aïshti by the Sea, B1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.273
FUTURISME MID-CENTURY Sous la houlette de Mauro Ravizza Krieger, son nouveau directeur artistique, Pal Zileri, l’enseigne italienne du luxe masculin créée en Vénétie en 1970, poursuit son évolution dans le style contemporain de ses débuts. La collection printemps été 2016 de la marque ose ainsi un grand saut dans le futur en revisitant des imprimés inspirés de l’art optique et cinétique du 20e siècle. Selon la vision de Krieger, carrés, losanges et compositions mobiles préfigurent la complexité visuelle de l’âge digital. Le tout soutenu par le savoir faireancestral made in Italy.
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Pal Zileri, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.120 Pal Zileri, Aïshti by the Sea, L1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.235
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ROCK ATTITUDE Maor Cohen a appris son art sur le tas, apprenti chez un bijoutier de son petit village d’origine. Miraculeusement, les bijoux qu’il réalisait pour ses amis et lui-même connaissent un tel succès qu’il se lance dans un tour du monde en quête de nouvelles inspirations. Il finit par jeter l’ancre à Los Angeles où ses bracelets, bagues, pendentifs et bijoux de main masculins affirment leur côté addictif : plus on en a, plus on en veut. Demandez à Johnny Depp, Gerard Butler, Chris Hemsworth ou Jon Bon Jovi ; ils ne diront pas le contraire. M.Cohen, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.120
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Rag & Bone, en vente chez Aïzone, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.140 Rag & Bone, Aïzone, Aïshti by the Sea, L3, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.297
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POUR LE PLAISIR DE BOUGER A peine créée, en 2012, la jeune marque Rag & Bone réussit à convaincre Kate Moss de poser pour sa première campagne. Il n’en fallait pas plus pour mettre en ébullition les stars du show-business qui tombent raides dingues du style déjanté qu’elle véhicule. De Michael Pitt à Winona Ryder en passant par Lea Seydoux, Emile Hirsh ou Stacy Martin, tous veulent prêter leur image à cette enseigne qui érige le street style en élégance ultime. Cet été, ce sera nous. En blanc et gris, avec plein de sangles et de chaînes, des superpositions improbables et la fraîcheur sublime du coton et du lin naturel.
© 2016 TUMI, INC.
NICO ROSBERG Global citizen
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Joe’s Jeans, en vente chez Aïzone, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.140
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CALIFORNIA REPUBLIC D’accord, Joe’s Jeans n’a pas inventé le jeans, mais cette nouvelle marque californienne joue le retour aux sources et nous promène de San Francisco à Los Angeles en passant par San Diego avec un crochet dans la réserve de Yosemite comme de vrais natifs : en ourlets frangés, genoux usés et couleurs délavées. Parfois il suffit d’un rien pour voyager immobile.
RELOOKEZ-MOI ÇA Dès la fin du 19e siècle et l’arrivée au Liban des premières automobiles, la famille Abillama s’est consacrée à l’art de la carrosserie, réparant les véhicules endommagés, créant des habitacles pour les moteurs importés, et signant les personnalisations les plus délirantes des transports en commun du milieu du siècle. Aujourd’hui, cet atelier est devenu une usine à la pointe de la technologie, diversifiant ses activités dans tous les secteurs de l’ingénierie mécanique. Nostalgique de l’époque où l’atelier familial entretenait une relation complice avec les amoureux des voitures, Maher Abillama a joliment pris le relai à travers son « spa automobile » baptisé Auto Shine. Ici, on fait ces nettoyages et réparations plastiques minutieuses qui donnent une nouvelle vie aux véhicules. Sa dernière trouvaille : un revêtement personnalisé qui peut donner, par exemple, à votre carrosserie un aspect d’acier brossé totalement futuriste et insolite. Le lancement de cette technologie a eu lieu dans le cadre d’une fête donnée fin mai dans les locaux d’Auto Shine. Auto Shine, Adliyeh, Beyrouth, +961 70 39 44 66
ÉPURÉ C’est le chez-soi dont on rêve : zen, reposant, propice à la détente dans un climat serein et épuré. Minotti l’a compris et en fait son cheval de bataille. L’éditeur italien de meubles et de canapés dessine des formes simples, saines et confortables et les conçoit dans les matières les plus nobles, luxe discret d’une décoration jamais ostentatoire, aussi légère que l’ombre et la lumière formée par sa palette de couleurs naturelles. Photos DR
Minotti, rue Akkawi, Ashrafieh, Beyrouth, +961 1 33 37 67
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Canali, 225 rue Foch, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.480 Canali, Aïshti by the Sea, L1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.234
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L’ORGANZA AU MASCULIN Costume en denim et soie à martingale et pli creux. Chemise en coton à double col contrasté, mocassins en croco mat et discret. Veste en denim et soie à zip et capuche, mocassins en veau fumé. Veste en nappa et textile, pantalon en denim et soie, derbies en crocodile à semelles en corde et gomme. Trench en organza de soie, ceinture et grandes poches appliquées. Bomber en organza de soie. Veste en coton éponge. Polo en cachemire et soie. On l’aura compris, chez Canali, cet été, tout est dans les matières. Rarement dans un vestiaire masculin on aura croisé une telle nomenclature de textures insolites. Rarement on aura vu un tel raffinement tactile et sensuel sur des coupes d’une aussi élégante sobriété.
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POWER KOOPLES On adore leurs vestes à revers minimaliste, leurs polos et chemises à petit col droit, leurs silhouettes dynamiques, leurs pantalons cigarette, leurs gilets à l’ancienne, leurs coloris osés même s’ils restent sombres, bordeaux saturé, gris fer, bleu de Prusse. On aime ce qu’ils ont fait au style de nos vieux héros de Westerns en le chahutant d’une touche glam-rock. On aime qu’on nous imagine en Kooples, solitude ne rime pas avec coolitude. The Kooples, 148 rue Saad Zaghloul, Centre-Ville, Beyrouth +961 1 99 11 11 ext.535 The Kooples, Aïshti by the Sea, L3, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.287
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IMPER ET PASSE L’inventeur de l’imper garde la haute main sur l’imper. En une poignée d’années, Burberry a su nous convaincre qu’il n’y a pas d’imper qui vaille si ce n’est un imper Burberry. Revampé, recréé, jamais le même mais jamais différent, l’imper Burberry est en tous temps le vêtement de tous les temps. Cet été, il se fait torride sous l’objectif de Mario Testino qui le photographie sous toutes ses coutures dans une campagne vitaminée,éminemment londonienne, qui dénude avec charme les tops britanniques Dylan Brosnan et ses soeurs Ruth et May Bell, Bella Yentob, Hayett Belarbi McCarthy, Eliza Fairbanks, Misha Hart, Liam Gardner, Sol Goss, Ben Gregory et Louie Johnson. Burberry, rue Allenby, Beirut Souks, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.455 Burberry, Aïshti by the Sea, ground floor, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.201
Brunello Cucinelli, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.120 Brunello Cucinelli, Aïshti by the Sea, L1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.220
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LÉGÈRETÉ CHÉRIE À la croisée du chic britannique décalé et de l’élégante nonchalance italienne, Brunello Cucinelli dévoile cet été une collection d’un luxe rare et d’une séduction consommée. À la légèreté du coton et du lin s’allient la caresse et la luminosité incomparable de la soie, dans des textures traitées selon un procédé qui leur confère un aspect légèrement vieilli et fumé, soulignant la virilité des lignes et de la palette minérale qui distingue cette nouvelle saison.
Napapijri, en vente chez Aïzone, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.140 Napapijri, Aïshti by the Sea, B1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.269
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LE TEMPS QU’IL FAIT LÀ-HAUT Pas besoin de gravir l’Annapurna pour mériter Napapijri. Il est des sommets qu’on peut atteindre par la seule force du mental, pourvu qu’on se sente bien dans sa peau. Avec ses couleurs toniques et subtiles, ses tissus naturels ou techniques, ses lignes confortables avec touche de cool juste ce qu’il faut, c’est l’étiquette parfaite pour le vestiaire des vacances.
T’AS DE BELLES LUNETTES, TU SAIS ? Et oui, les lunettes, ça en jette. Quand on sait que les premières lunettes de soleil ont été conçues pour les aviateurs, les militaires et les aventuriers, on n’a pas besoin de décodeur pour comprendre la puissance évocatrice de cet accessoire éminemment viril. Même s’il s’agit de protection, et même si le besoin de protéger dénonce une vulnérabilité. Qu’importe, les lunettes de soleil Gucci, Dior et Marc Jacobs sont conçues pour la plupart dans le même incubateur. De préférence munies d’un arceau depuis quelques saisons, les plus belles, quelle qu’en soit la marque. Lunettes Gucci, Dior et Marc Jacobs, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.104 Lunettes Gucci, Dior et Marc Jacobs, en vente chez Aïshti by the Sea, GF, Antelias, +961 4 71 77 16
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ETERNEL REBELLE Depuis sa naissance dans une grange, foulé au tracteur sous une botte de foin, le jeans Diesel n’en finit pas de jouer les durs sans oublier de mettre en avant son naturel sauvage. Cet été, la marque italienne décline son denim de tous les désirs en deux nouvelles coupes. Le Khiro , taille classique et jambes droites à rouleauter pour un effet non fini, et le Duff qui joue les pantalons de jogging coupé slim dans un denim stretch, frais l’été et chaud l’hiver, élastiqué et terminé en pointe, pour mieux courir, mon enfant. Diesel, 129 rue Foch, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.450 Diesel, Aïshti by the Sea, B1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.270 Diesel, Beirut City Center, L1, Hazmieh, +961 1 28 99 89
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L'AMÉRIQUE DANS LE PRISME DE LA FONDATION AÏSHTI "Ayant grandi au Liban, pour moi comme pour un grand nombre de gens de ma génération, l'Amérique a représenté un symbole de liberté et de puissance, et incarné un art de vivre qu'on a toujours voulu adopter tout en le rejetant", souligne Tony Salamé, créateur et CEO de Aïshti et de sa fondation d'art contemporain."Quand j'ai commencé ma collection,j'ai donc été spontanément attiré par les artistes qui célèbrent et critiquent en même temps le rêve américain" , poursuit-il. Aussi, au coeur de la collection de Tony et Elham Salamé qui comprend plus de 2000 oeuvres majeures de l'art contemporain, trouve-t-on des pièces-clés d'artists qui ont chroniqué les changements spectaculaires de la culture et de la société américaines depuis les année 80. La nouvelle exposition de la Fondation Aïshti, qui sera dévoilée le 26 juin 2016, donnera à voir une centaine de pièces illustrant le thème "Good dreams, bad dreams-American mythologies" choisi par le curateur Massimiliano Gioni. On y trouvera des oeuvres majeures de pionniers de l'art conceptuel tels que John Baldessari et Allen Ruppersberg, mises en dialogue avec celles de grands artistes plus récents. Des pièces importantes de Richard Prince et Raymond Pettibon y apporteront leur vision cynique, de concert avec les oeuvres irrévérencieuses de George Condo, David Salle ou Julian Schnabel qui traitent avec dérision le folklore américain, de concert avec des signatures magistales dénonçant le racisme, l'exclusion, la consommation débridée, et interrogeant l'identité. "Good dreams, Bad dreams - American mythologies" Aïshti Foundation, Antelias, à partir du 26 juin 2016
NOUVELLE RÉVOLUTION Surgie en 1966 comme un phénoménal geyser de fraîcheur, l’eau de toilette Eau Sauvage de Christian Dior a séduit toute une génération en plein bouleversement, une jeunesse vive et bouillonnante en quête d’une autre vérité. Avec une impressionnante constance depuis les années où Alain Delon en était la séduisante icône, Eau Sauvage s’offre depuis 2015 une nouvelle révolution. Réinterprétant ce mythe en le bousculant, avec révérence mais aussi avec insolence, le parfumeur François Demachy amplifie la bergamote de Calabre, note signature de ce parfum vivifiant. Il l’amortit avec l’hédione, également une molécule secrète d’Eau Sauvage, et l’enrichit d’un trait de pamplemousse et de poivre rose. L’étiquette d’origine est remplacée par un bandeau blanc grainé qui en illustre l’élégance et la fraîcheur. Tendres bad boys, c’est pour vous. Dior parfum, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.104
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LA PLUS INSTINCTIVE Voilà longtemps que les grands voyageurs en rêvaient, et Tumi l’a fait. La nouvelle valise du bagagiste le plus pointu de l’industrie s’appelle Tegra-Lite X Frame et se contente de trois boucles supplémentaires ultra solides, qui se clippent en un tour de main, en lieu et place de la fermeture Eclair, cauchemar des valises surchargées qui gémissent de toutes leurs coutures la veille des grands départs. La X Frame est de plus immunisée contre les chocs et totalement étanche. Son compartimentage ergonomique facilite l’accès à n’importe quel objet rangé sans avoir à défaire le tout. Avec sa robe futuriste ornée d’une résille en losanges, ces jours d’aéroport où vous vous sentez seul au monde, vous avez même l’impression qu’elle vous comprend. Tumi, en vente chez Aïshti, 71 rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.102 Tumi, Aïshti by the Sea, L1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.236
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True Religion, Beirut City Center, L1, Hazmieh, +961 1 29 19 91 True Religion, rue Souk el Tawlieh, Beirut Souks, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.585 True Religion, Aïshti by the Sea, B1, Antelias, +961 4 71 77 16 ext.264
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COMME UN DESSIN On a beau tourner et retourner la planète jeans, l’étiquette True Religion continue à fédérer le plus grand nombre d’adeptes avec ses surpiqûres ostentatoires qui transforment la silhouette en croquis à main levée et son emblématique fer à cheval brodé sur les poches arrières. Dans True Religion, il y a « true », comprendre que c’est du vrai bon jeans qu’ils mettent dans leurs jeans. De la pure toile de Gènes, la seule que reconnaissent les connaisseurs dans un monde inondé de vagues tissus indigo infiltrés d’élasthanne, horreur absolue.
149 SAAD ZAGHLOUL STREET, NEXT TO AÏSHTI DOWNTOWN T. 01 99 11 11 EXT. 525 AÏSHTI BY THE SEA ANTELIAS T. 04 71 77 16 EXT. 233
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LA TENDANCE focus Auteur ADRIAN FORLAN Photographe LARA GILIBERTO Styliste LOYC FALQUE
Un peu d’Histoire : réalisés pour honorer des commandes des soldats américains stationnant dans le Japon de l’après-guerre, connus sous le nom de sukajan, ces blousons étaient richement brodés de motifs captant une certaine idée de l’Asie (dragons, tigres, cerisiers en fleurs, etc.) ou du patriotisme bon teint (un aigle triomphant). Plus tard en 56
Corée du Sud ou au Vietnam, cette habitude sera reprise. En nylon ou toile de parachute, les souvenirs jackets évoquaient fortement les tenues typiques des étudiants américains ou des joueurs de baseball. Revisitées par Kim Jones ou Hedi Slimane, les matières s’envolent du côté de la soie et les broderies ont des airs de vitraux de cathédrale.
Page de gauche et ci-dessus à droite, teddy imprimé en soie, SAINT LAURENT PAR HEDI SLIMANE. Chemise en coton, HARMONY.
Ci-dessus à gauche, teddy brodé en soie, VALENTINO. 57
Modèle Romain Frélier-Borda chez Rock Man Assistante photo Olivia Aine
RÉACTIONS EN CHAÎNE « MR. BURBERRY » Texte ADRIAN FORLAN LA VESTE Costume ajusté en laine et mohair de Chelsea
LE SAC Fourre-tout en cuir grainé
L’ÉCHARPE légère, en cachemire, à motif check
LA CHEMISE « Seaford » en coton
LA FOUGÈRE La note dominante de Mr. Burberry.
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LE TRENCH modèle Heritage « The Chelsea » en gabardine de coton
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LES BOUTONS DE MANCHETTES gravés du motif check
MR. BURBERRY 50 ml
Multitâche Photographe RAYA FARHAT Styliste JOSEÉ NAKHLÉ
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1 Anti-Rides fermeté, Clarins Men. 2 Lotion après-rasage, Clarins Men. 3 Porte-cartes, Dior Homme. 4 Bracelet, M.Cohen. 5 Porte-cartes, Dolce & Gabbana. 6 Lunettes de soleil, Dita. 7 Portefeuille, Ermenegildo Zegna. 8 Porte-clés, Dolce & Gabbana. 9 Stylo, Tateossian. 10 Eau de toilette, Gucci.
11 Chocolat, Kinder. 12 Porte-clés, Burberry. 13 Activateur de jeunesse, Lancôme. 14 Bracelet, M. Cohen. 15 Bracelet, Eleventy. 16 Portefeuille, Gucci. 17 Lunettes de soleil, Ermenegildo Zegna. 18 Bracelet, Eleventy. 19 Bracelet, M.Cohen. 20 Activateur de jeunesse, Lancôme.
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TENDANCES Photographie RAYA FARHAT Styliste JOSÉE NAKHLE
Baskets en cuir métallisé, SAINT LAURENT.
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Eau de parfum, DOLCE & GABBANA THE ONE.
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Lunettes de soleil, DIOR.
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Total look, HERMÈS.
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Baskets sans lacets “Bag Bug”, FENDI.
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Total look, BALENCIAGA.
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Total look, CANALI.
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Lunettes de soleil, MYKITA.
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L’étiquette fait le bagage civilité Auteur TONY BRYAN Photographe RAYA FARHAT Styliste JOSÉE NAKHLÉ
Le voyage approche : l’itinéraire est établi, les endroits à voir répertoriés, les avis et conseils mémorisés. L’aventure peut commencer…
Votre garde-robe est impeccable et décidément bien fournie. N’importe quelle occasion peut se présenter, vous êtes fin prêt. Votre valise déborde de vêtements. Mais – attendez un peu – voyez comme ce bagage est pitoyable : usé jusqu’à la trame, ses contours désolants et ses surfaces tachées contrastent douloureusement avec les habits que vous portez. Mais vous avez déjà dépensé une blinde en billets d’avion et réservations d’hôtels, et de nombreux autres frais sont à prévoir – vous ne pouvez absolument pas envisager un nouvel achat. Ne craignez rien : l’ajout d’une simple étiquette en cuir va rajeunir votre valise en moins d’une minute. À l’instar d’une belle paire de chaussettes, tel accessoire constitue de fait une manière modeste et sobre d’apporter un supplément de luxe à votre allure. Oui, le prix des bagages peut atteindre des milliers de dollars, mais une étiquette coûte peu et fait beaucoup d’effet. Même sur une valise à bas prix achetée au marché, elle ajoute un cachet classe, en ce qu’elle évoque l’époque bénie des bateaux à vapeur et des malles de voyage, un monde de majordomes, de portiers et de lettres de recommandation. De femmes aussi, qui agitent des mouchoirs depuis la jetée du port, tandis que les confettis pleuvent et que les badauds contemplent la scène bouche bée, jaloux de devoir rester à terre. Et puis il y a vous, et cette larme solitaire coulant le long de votre joue à l’heure de quitter votre adorée (pour aller en rejoindre une autre, bien sûr), un œil rivé sur elle, l’autre sur l’horizon, et les deux sur votre malle. Un regard noir
Deux Étiquette de valise en cuir et étui pour passeport, TUMI.
À l’arrivée vous attend le lugubre défilé des bagages tournant sur le tapis roulant 70
en attendant d’être collectés. Vos méprisables compagnons de voyage en fringues de gym jouent des coudes pour s’approcher au plus près, tellement près qu’ils n’arrivent à rien sauf à provoquer des embouteillages. Dans un effort pathétique pour identifier leurs biens lamentables, ces excursionnistes accoutrés en sportifs ont attaché des bouts de tissus, des rubans et des écharpes sales à leurs bagages. Et voici qu’apparaît le vôtre, certes vieux et fatigué, mais immédiatement reconnaissable avec sa nouvelle étiquette chic. Vous l’attrapez prestement en leur jetant un regard noir. Odyssées glorieuses Autre chose : si vous voyagez léger, un portefeuille avec vos initiales est l’objet qu’il vous faut pour votre passeport. Tout comme vous ne songeriez jamais à quitter votre domicile en tenue d’Adam, pourquoi exposeriez-vous votre pièce d’identité sans protection ? Bien sûr, vous aurez peut-être à le sortir à la douane, mais en dehors de cette éventualité, votre passeport restera confortablement à l’abri dans son bel étui. Et pourquoi ne pas lui offrir élégance et sécurité ? Après tout, de décevants périples solitaires en odyssées glorieuses, il est appelé à demeurer votre fidèle compagnon pour de nombreuses années. Aussi n’hésitez pas à opter derechef pour une touche de luxe personnalisé. Une étiquette attachée à votre bagage ou un petit portefeuille dissimulant votre passeport vous distingueront du lot comme le voyageur avisé que vous êtes, et serviront éventuellement de cachemisère si vous ne l’êtes pas. Traduction Laurence Romance
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Anvers Photographe FREDERIK VERCRUYSSE Styliste VANESSA GIUDICI
Baskets en cuir avec bande contrastée, MONCLER.
Pochette en cuir imprimé kaléidoscopique, GUCCI. Porte-monnaie en cuir, TRUSSARDI.
Agenda en cuir, SMYTHSON. Lunettes en acétate, FAÇONNABLE.
Mocassins en cuir, CANALI.
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L’ESPRIT SPORTING Une dalle de béton en guise de plage, quelle idée ! Oui mais. Le Sporting Club est la plage la plus urbaine jamais inventée, et c’est ce qui le rend si particulier. Face au monumental rocher creux qui annonce Beyrouth depuis la mer, il fait se croiser en semaine, depuis les années 70, aussi bien les heureux travailleurs à horaires flexibles que les vacanciers travaillant consciencieusement leur farniente estival. Voici notre proposition d’accessoires « plage urbaine ». Direction artistique JOSÉE NAKHLE Photos RAYA FARHAT Réalisation MELANIE DAGHER
Espadrilles, SAINT LAURENT. 85
Ceinture, DIOR.
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Espadrilles, ETRO. 87
Slip-on, GUCCI. 88
Lunettes de soleil, THOM BROWNE. 89
Sac à dos, ALEXANDER MCQUEEN.
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BAIN PRIVÉ Par ANNE GAFFIÉ
C’est LE must-have de votre été, proposé par la marque anglaise Orlebar Brown. Avec dans le viseur le 19 juin jour de la fête des Pères, difficile de passer à côté de cette irrésistible personnalisation. LE PRODUIT Les shorts de bain Orlebar Brown comptent parmi les meilleurs du marché masculin du swimwear. Pas donnés, mais pas volés. En avoir au moins un dans son dressing d’été, c’est capitaliser pour l’avenir. Coupes indémodables, détails intelligents, matières résistantes, technicité avant-gardiste… vous le garderez un bon moment. L’IDÉE Pour la deuxième saison, « OB Éditions Photographiques » propose son service « Design-Your-Own » permettant de personnaliser votre short de bain à partir de la photo de votre choix, qui sera photoprintée dans un délai de trois semaines. LE COMPTE À REBOURS EN 4 ÉTAPES CHRONO
- 27 avril : lancement de l’application #SnapShorts, disponible également via www.orlebarbrown.com et en boutique.
1 Téléchargez l’application #Snapshorts sur App Store ou Google Play Store.
- 2 mai : lancement du jeu-concours Orlebar Brown / L’Optimum, « Gagnez un short de bain personnalisé ».
2 Créez votre propre short de bain, sa coupe, sa taille.
- Du 23 au 29 mai : rendez-vous au concept-store Colette où vous pourrez aussi le créer en « live » avec l’aide d’Orlebar Brown.
3 Sélectionnez et ajoutez la photo. 4 Partagez votre création en utilisant le hashtag #Snapshorts, vous gagnerez peut-être votre propre « OB Classic Bulldog Shorts ».
L’UPGRADE Cette saison, le service est disponible via une application baptisée « #Snapshorts ». Vous prenez une photo, vous la bidouillez comme vous voulez, vous la téléchargez sur le simulateur, vous faites pivoter et vous positionnez l’image comme vous voulez, vous en ajustez la taille...
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L’HEURE UNIVERSELLE Auteur BERTRAND WALDBILLIG Photographe PAOLA PANSINI Styliste MAURO BIASIOTTO
Depuis que l’homme se déplace d’un continent à l’autre sans même s’en rendre compte, l’utilité d’une montre indiquant plusieurs fuseaux horaires n’est plus à faire. Voyage, en première classe, dans l’univers des mécanismes ultra-précis.
Montre “Diagono” BVLGARI.
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Tecnicamente sono rivali, ma la stima che hanno l’uno dell’altro li rende solo buoni colleghi. Oltre alla passione per lo stile Photographie RAYA FARHAT
À pieds Styliste JOSÉE NAKHLE Baskets en cuir, PRADA.
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Richelieus en cuir cloutés, ZEGNA.
HERMÈS 98
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Sneakers en cuir brodĂŠ, GUCCI.
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Burberry Les deux modèles sous Jafar, notre sympathique dogue allemand, ont été confectionnés dans une manufacture fondée il y a deux siècles au cœur de la campagne écossaise. Ils incarnent les valeurs de Burberry en matière de design, de confection et de protection contre les intempéries. L’écharpe est en cachemire, tissée sur des métiers traditionnels par les artisans aguerris des usines renommées d’Ayr et Elgin. Trente étapes sont nécessaires pour sa fabrication. Le poncho plaid réversible est en laine d’agneau et cachemire. Inspiré des couvertures équestres traditionnelles, ce modèle en jacquard présente un motif check agrémenté de points de feston.
WEEK-END mode Photographe AUDREY CORREGAN Styliste CLÉMENCE CAHU
Gucci Tian Présentée pendant les défilés Gucci homme et femme été 2016, cette valise est issue de la collection capsule Gucci Tian. Inspiré des paysages chinois dépeints sur les tapisseries et paravents du xviiie siècle, le motif floral contemporain se compose de fleurs, d’insectes et d’oiseaux et fait la part belle aux libellules, aux papillons et aux colibris. Les plantes et créatures sont représentées dans un style graphique aux touches de pinceau légères et rapides. La collection est fabriquée selon un processus respectueux de l’environnement et avec des finitions en cuir marron érable.
CHARGÉ D’UTILITÉ backpacker Auteure LILY TEMPLETON Photographe DHAM SRIFUENGFUNG Styliste LOYC FALQUE
Combien d’accessoires comme celui-ci peuvent-ils se vanter de remonter aux premiers jours de notre histoire ? Né le jour où l’être humain s’est dit qu’il vaudrait mieux porter son lourd fardeau sur le dos plutôt que dans ses bras, le sac à dos est devenu l’objet nomade par excellence. Qui, malgré son grand âge, a su garder sa jeunesse. Impossible de dater précisément la naissance du sac à dos. Ötzi, l’Hibernatus retrouvé dans les Alpes, a été découvert avec ce qui semble être une structure en bois faite pour porter des charges sur le dos. Au fil des siècles, le havresac du fantassin est devenu sac d’artiste ainsi qu’un allié indispensable des explorateurs et des trappeurs. Alors disons que son véritable acte de naissance est un brevet de 1909, accordé au Norvégien Ole F. Bergan, qui a inventé une armature en métal portant un sac en toile. Le sac à dos moderne est né. L’essor des sports en plein air S’ensuit une bataille d’innovations à partir des années 1930. Bergans of
Norway en Norvège, Lafuma et Millet en France, Dick Kelty et Eastern Canvas Products aux États-Unis ajoutent rembourrage, distribution de charge sur les hanches, toiles imperméables, coutures étanches… L’essor des loisirs et des sports de plein air achève de l’installer dans le quotidien. Aujourd’hui, ce qu’il a gagné est non seulement sa forme actuelle – oserait-on dire définitive ? – mais également une certaine charge émotionnelle. Ses détracteurs n’en démordront pas, le sac à dos est un affront au bon goût, à reléguer aux friches vestimentaires. D’autres lui trouvent toutes les qualités : simplicité, fonctionnalité, liberté des mains. “Le sac à dos enlève les contraintes : le poids se fait léger 108
car il est réparti et donc équilibre la colonne vertébrale, il permet d’avoir les mains libres et d’être par conséquent moins encombré”, affirme Isaac Reina, créateur d’accessoires en cuir aux lignes dénuées de superflu, qui a dessiné un modèle lorsqu’il s’est retrouvé avec des béquilles. “Et, ajoute-t-il, il est un symbole de jeunesse, porté par les adolescents, rappelant l’école, le lycée.” Une ascèse À dire vrai, pour la plupart des hommes, sa simplicité et sa polyvalence répondent parfaitement à leurs attentes. Sa morphologie n’a rien d’accessoire, elle est la quintessence de sa fonction : un bagage à poches, une
Sac à dos en nylon et cuir, BOTTEGA VENETA.
Sac à dos en cuir, LOEWE.
structure renforcée, des sangles pour le port et, bien entendu, des matières solides – naturelles ou artificielles selon l’époque et l’envie – pour lui assurer une tenue dans le temps et tout au long de la route. Immanquablement, il renvoie à l’idée du nécessaire de voyage, débarrassé des prétentions et exigences d’un bagage rigide. Sa charge utile nécessite une ascèse, une discipline interne, car le moindre superflu compromet l’autonomie. Pour le baroudeur, il est le compagnon de voyage vital et le qualifier d’accessoire est presque l’insulter. Après avoir gravi l’Everest et conquis les pôles, le sac à dos est devenu le messager qui véhicule les valeurs de son propriétaire. Son porté est
une rhétorique en soi, un élément d’identité. Pour l’enfant, il signifie le passage vers le monde extérieur, vers l’apprentissage. Plus tard, au premier regard, on identifie ceux qui en sont des autres. Dans les années 1970, détourné de son usage militaire, il envahit les campus universitaires américains en pleine revendication libertaire et contestataire. Sur le dos de Marty McFly, le personnage central de Retour vers le futur, le modèle “Padded Pak’r” d’Eastpak devient une star du grand écran en 1985. Le sac à dos s’est fait le symbole d’une jeunesse en quête de substance qui arpente le monde “sac au dos et souliers ferrés aux pieds” pour chercher “le grand air, les champs, la liberté, (…) celle 110
qui consiste à dire ce qu’on veut, à penser tout haut à deux, et à marcher à l’aventure en laissant derrière vous le temps passer sans plus s’en soucier que de la fumée de votre pipe qui s’envole.”* Asexué et anonyme Effet du sportswear pour tous, il est le sac phare de cette décennie. Il intrigue avec sa forme si familière et si désarmante de simplicité. Déshabillé, disséqué, le sac à dos devient un objet de mode dont on redessine la livrée et les contours. Louis Vuitton, Alexander Wang, Hugo Boss ou Michael Kors lui font les honneurs du podium, il s’habille de matières luxueuses et accompagne même un costume. Chez Eastpak,
Sac à dos en cuir, DIOR HOMME.
Modèle Danny Blake chez D1 Models Groomer Satomi Suzuki
son retour en grâce s’explique par l’évolution des consommateurs. Ceuxci ont quitté les bancs de la fac pour l’utiliser dans leurs déplacements, au travail ou pour leurs loisirs. Le sac à dos devient l’auxiliaire d’un nouveau mode de vie où devient poreuse la séparation entre le travail et les loisirs. Est-il illusoire de vouloir distinguer dans cet humble compagnon du quotidien un véritable éloge de la non-accumulation et du strict nécessaire ? La vie contemporaine est une jungle physique et virtuelle et, à l’échelle mondiale, il faut pouvoir se déplacer sans encombre. Ce qui est sûr, c’est que cet ami des étudiants, des geeks et des baroudeurs en tout genre, séduit un public qui exige désormais que soient mariées de belle manière forme et fonction. C’est en tout cas ce qu’on comprend avec Ramesh Nair, le directeur artistique de Moynat. “J’en porte un tous les jours, répondil. C’est mon sac favori pour un usage quotidien. Il doit être à la fois pratique 111
et élégant, avoir une ligne épurée, être de petite taille et, surtout, être fabriqué dans un très beau cuir. C’est un dosage très complexe et un défi qui me plaît beaucoup car j’adore ce type de sac unisexe et très contemporain.” Car au fil de ses transformations, le sac à dos n’a rien perdu de son rôle premier : porter le nécessaire quotidien. Asexué et anonyme, c’est sans doute l’un des rares sacs universels, qui ne dénote ni occasion ni âge, pas plus qu’une origine sociale ou géographique. À peine une époque. Il n’est même pas exclusivement masculin. Il est à qui veut le saisir, aussi protéiforme que l’identité humaine contemporaine elle-même. Alors star transgénérationnelle ou éphémère vedette ? Quoi qu’il en soit, la mode n’est pas prête à lui tourner le dos. Comme l’écrivait en 1881 Gustave Flaubert dans sa nouvelle Par les champs et par les grèves.
*
Escapades olfactives On profite de l’été pour changer de parfum. Au programme : senteurs fraîches, élégantes et pourquoi pas exotiques. Par STÉPHANIE NAKHLÉ Photographe RAYA FARHAT Réalisation MÉLANIE DAGHER Direction artistique JOSEÉ NAKHLÉ
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Eau de parfum, “Fil Rouge” édition couture, ARMANI/PRIVÉ.
“L’homme ultime”, eau de parfum, YVES SAINT LAURENT. Eau de parfum, “Allure Homme Sport”, CHANEL. Concentré anti-fatigue hydratant jeunesse, “Lancôme Men Energizer Total”, LANCÔME.
Eau de toilette, “Black Orchid”, TOM FORD. Eau de parfum “Bleu de chanel”, CHANEL. Eau de parfum, “Mr. Burberry”, BURBERRY.
Scindapsus Aureus dit Lierre du diable Origine : îles Salomon Parfum Bel Respiro, notes florales vertes mélangées à des notes de cuir frais et des notes aromatiques. 200 ml, “Les Exclusifs” de CHANEL.
Jungle fragrance 11.05.2016 Photographe LARA GILIBERTO Styliste ROMAIN VALLOS Plasticien VÉGÉTAL DUY ANH NHAN DUC
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Philodendron Bipinnatifidum Origine : Brésil Eau de parfum Double Dare, notes de safran, cardamome, jasmin, patchouli, cuir, vanille, vétiver et ambre. 100 ml, collection “Olfactories”, PRADA.
Cordyline Fruticosa Origine : Asie et Océanie Eau de toilette Vanille Galante, vanille charnelle, nuances d’épices, de cognac et de bois fumé, entre pétale et cigare, peau et cacao. 100 ml, collection “Hermessence”, HERMÈS.
Codiaeum variegatum dit Croton Origine : îles du Pacifique Eau de parfum Fève Délicieuse, note de tête bergamotte de Calabre, note de cœur fève tonka et note de fond vanille de Madagascar. 125 ml, “La Collection privée”, CHRISTIAN DIOR.
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Monstera Deliciosa Origine : Mexique Eau de parfum Parco Palladiano II, créée par Alexis Dadier, notes vertes et fraîches de cyprès contrastées par un poivre rose vivifiant. 100 ml, BOTTEGA VENETA.
Cordyline Fruticosa Origine : Asie et Océanie Eau de parfum Saharienne, note de néroli aérée par des muscs blancs cotonneux. 125 ml, collection “Le vestiaire des parfums”, YVES SAINT LAURENT PARFUMS. 123
PROFESSION PARFUMEUR interview Auteur BAPTISTE PIÉGAY
Francis Kurkdjian est un artiste unique. Compositeur autant que chef d’orchestre, il est le nez de plusieurs parfums. Il vient de signer l’émouvant et romanesque Mr. Burberry et a bien voulu nous éclairer sur sa conception.
Francis Kurkdjian : Il faut commencer par l’imagination et, très vite, la relier au rationnel.
Quelle a été la première image ?
Celle du barbier anglais. Il y a eu un casting de parfumeurs. Je leur ai parlé de parfumerie anglaise, qu’on connaît mal et qui est peu valorisée. Et je me suis plongé dans cet univers en consultant le site de la Bibliothèque nationale de France, qui est une mine d’informations.
personne donne la direction, sans verser dans l’ego-manie et sans changer d’avis tous les jours. Ce qui est très important pour moi, tant une formule se développe sur des mois. Quand je pose un accord, j’ai presque un temps d’avance sur ce que va être la réalité de ma formule. C’est donc essentiel que la maison ne me parle pas de citron ou de violette si je suis parti sur la fougère… Et je dois avouer avoir connu ailleurs ce genre de situation !
Comment avez-vous travaillé une fois ces bases posées ? Après trois ou quatre semaines, il y a eu une séance d’olfaction, où Christopher Bailey a
Qu’est-ce qui a changé en cours d’élaboration ?
La couleur de la fragrance. À l’origine, elle devait avoir une teinte ambrée, qui m’emmenait vers des notes liquoreuses de cognac. Et je n’arrivais pas à concilier la modernité et la sensualité souhaitées avec l’ambré. Quand Christopher Bailey a changé la couleur, ça m’a libéré. En fait, je n’aime pas qu’on me donne les couleurs, cela m’enferme.
Le fait d’avoir signé des best-sellers n’a-til pas d’influence sur votre travail ?
Non, parce que c’est plus facile de tordre un accord créatif pour le rendre commercial, d’adoucir un discours que de le muscler. La difficulté de la parfumerie, c’est d’avoir un propos. J’ai fait beaucoup de danse, ce qui m’aide à élaborer mes approches, on n’aborde pas tous les rôles de la même façon.
Il s’agit d’un projet essentiel pour la maison Burberry, avec des enjeux stratégiques et économiques majeurs. De quelle liberté disposiez-vous ?
Un cadre de travail a été clairement posé, avec une stratégie et un objectif nets : faire deux top 10 des ventes en six ans. De cette stratégie naissent des idées. Pas nécessairement olfactives, mais avec des univers sur lesquels Christopher Bailey (directeur général et directeur général de la création de Burberry, ndlr) a ajouté ses impressions ou ses envies, comme le fil gabardine, qui n’était pas dans mon projet, ou des couleurs particulières. Tout est discuté et décidé en interne, c’est une véritable maison. Enfant, à l’école, je redoutais par-dessus tout le sujet libre. Ici, les cadres sont d’autant plus confortables qu’une seule
car le temps du parfum est très long.
réagi aux pistes que je lui soumettais. Il y a eu quatre ou cinq séances ainsi. Le projet s’est aussi construit avec le choix du réalisateur de la campagne, d’un casting de mannequins. Le nom du réalisateur britannique Steve McQueen s’est imposé très vite. Mais je ne dirais pas que tout se nourrit mutuellement, 1 24
Si l’imaginaire associé à Mr. Burberry est très anglais, le parfum a tout de même vocation à fonctionner à l’international, qu’est-ce qui lui permet d’y accéder ?
La simplicité du projet, avec le schéma fougère qui traduit au plus juste l’image du barbier anglais tout en étant le schéma le plus universel de la parfumerie masculine, bien plus que l’eau de Cologne, qui est bien plus segmentante, qui ne marche pas aux ÉtatsUnis ni en Asie.
Photos Burberry
Dans l’élaboration d’un jus, en l’occurrence Mr. Burberry, qu’est-ce qui préside à votre démarche, l’imagination ou le rationnel ?
Qu’est-ce qui vous fait comprendre que telle ou telle trame n’est pas adaptée à certains territoires ?
Des raisons historiques, géographiques, culturelles. La fraîcheur en Allemagne ne sera pas liée au citron, mais au pin des Vosges. En Italie, ça sera des notes de pino silvestre. Même si les mutations contemporaines font que les différences culturelles s’amenuisent, il y a encore comme un ADN commun. Il y a deux pays compliqués à saisir aujourd’hui : les États-Unis, avec une démographie très complexe. Les Latinos et les AfroAméricains adorent les parfums qui cognent, contrairement aux wasps. La Chine aussi est complexe, par son climat, par ses ethnies, à l’image du territoire russe, à l’image de l’Asie plus généralement. Le Japon, quant à lui, s’est retrouvé un peu isolé, privilégiant les marques locales. Le prochain bastion sera l’Inde, où je vais bientôt faire un voyage d’études.
Êtes-vous partisan des parfums dont la trace est très présente et durable ? Un parfum qui ne diffuse pas, c’est une belle et bonne idée, mais ce n’est pas un parfum ! C’est comme une robe qui craque le premier soir. Le marché le dit, et quel que soit le territoire : le top 10 est toujours fait de parfums qui diffusent, même si les 125
noms diffèrent. Le parfum est aussi un accès démocratisé à la mode, c’est un vêtement invisible, mais pas inodore.
Comment articulez-vous les problématiques d’une fragrance et celles de la mode ?
Dans notre domaine, le temps de la tendance est plus long que celui de la mode. Il est fait pour durer. Le phénomène d’accoutumance à une odeur nouvelle met du temps à s’installer, parfois jusqu’à une décennie. Pour prendre l’exemple de la parfumerie féminine, cela fait vingt ans que le sucré s’est accroché à l’inconscient collectif. Comme le poudré dans les années 1880.
Gardez-vous des souvenirs d’odeurs de vos voyages ?
À titre privé, car pour le travail ils ne me servent à rien. Une odeur de bretzel ou de praline grillée de la Cinquième Avenue, ou de la friture à Hong Kong, ça ne m’inspire pas… Ce qui m’intéresse, c’est mon époque et les gens qui l’habitent et qui se parfument. Le parfum est un art du moment, du bon timing. Eau de toilette Mr. Burberry disponible en 150 ml, 100 ml, 50 ml, 30 ml et en édition collector 1 000 ml. www.burberry.com
MICHEL HOUELLEBECQ Texte HÉLÈNE BRUNET-RIVAILLON Illustration PETER JUDSON
DE L’AMOUR Si ses personnages sont souvent aliénés par leur misère affective, sa vie à lui n’est pas dépourvue d’une certaine forme d’amour… La preuve ? Son cameo dans Saint Amour, le road movie affichant 100 % d’alcool signé Kervern et Delépine, avec Depardieu et Poelvoorde.
B.H.L. En 2008, il publie ses conversations par e-mail avec le philosophe people dans le recueil épistolaire Ennemis publics. Chemise immaculée repassée versus chemise en denim froissée.
UN CHÈQUE DE 10 EUROS Soit le montant du célèbre Prix Goncourt, qu’il a reçu en 2010 pour son roman La Carte et le Territoire. On ignore si l’auteur du pastiche La Tarte et le Suppositoire, « Michel Ouellebeurre », a gagné plus avec le « Prix Concours ».
RAËL Le gourou à la tête des raëliens lui aurait inspiré la secte de La Possibilité d’une île, son roman sorti en 2005 qu’il a ensuite adapté au cinéma en 2008, en tant que réalisateur, avec Benoît Magimel dans le rôle principal.
JEAN-PIERRE PERNAUT Un pendant fictionnel (et homo) du présentateur du 13 heures de TF1 apparaît dans La Carte et le Territoire. D’autres figures de la culture de masse (Frédéric Beigbeder) et du capitalisme (François Pinault, Patrick Le Lay) sont convoquées dans son roman.
Depuis la sortie de son premier roman, Extension du domaine de la lutte, en 1994, Michel Houellebecq est un habitué des plateaux télévisés et des couvertures de magazines. Son parcours a été pour le moins polymorphe. Il a étudié l’agronomie et le cinéma avant de se lancer dans une carrière dans l’informatique. Il s’est ensuite fait connaître comme romancier, essayiste, poète, réalisateur, scénariste, acteur, parolier, chanteur ou encore photographe. À 58 ans, le voilà qui débarque dans les musées ! Sa popularité tient aussi à sa propension à provoquer des controverses. Jugé réactionnaire par une partie de la critique et des
DES BOBINES Après une prépa à Chaptal et un cursus à l’Institut national agronomique, il s’est lancé dans des études de cinéma à l’École nationale supérieure Louis-Lumière. Il n’a pas obtenu son diplôme. Ce qui ne l’a pas empêché d’exercer plus tard des activités de scénariste, réalisateur et acteur.
UNE ABBAYE C’est en visitant le MontSaint-Michel que ses parents auraient eu l’idée de lui donner son prénom. Né Michel Thomas, il emprunte plus tard le nom de jeune fille de sa grand-mère paternelle, Henriette Houellebecq, pour créer son nom de plume.
lecteurs, régulièrement taxé de misogynie (notamment après la parution des Particules élémentaires, en 1998, et de Plateforme, en 2001), il a aussi été plusieurs fois accusé d’islamophobie. La sortie de son roman d’anticipation, Soumission, en janvier 2015, a suscité une vive polémique dans les médias. Sur la forme non plus, l’auteur au physique célinien ne fait pas l’unanimité. Si certains le considèrent comme l’un des plus grands écrivains contemporains, d’autres estiment que sa plume est particulièrement faible. Quoi qu’il en soit, en ne laissant personne indifférent, il a réussi son coup. 126
THE ORIGINAL AMERICAN BRAND AÏSHTI BY THE SEA ANTELIAS | 04-717-716 EXT 232 AÏSHTI DOWNTOWN BEIRUT | 01-991-111 AÏSHTI DUNES CENTER VERDUN STREET | 01-793-777
RIHANNA VS BEYONCÉ Texte HÉLÈNE BRUNET-RIVAILLON Illustration JORGE LAWERTA
Depuis plus d’une décennie, elles monopolisent la scène pop mondiale. Riri et Queen B. sont des brutes de travail et des cash machines hallucinantes. Disques, tournées, musiques en ligne, films, parfums, sacs à main, sous-vêtements, jeans : tous les produits musicaux ou dérivés qui portent leur nom s’arrachent comme des petits pains. 54 millions
7
d’albums vendus depuis ses débuts.
100 000 $
parfums vendus sous son nom.
2e
de dons pour l’Unicef après le typhon aux Philippines en 2013.
14
artiste la plus diffusée sur les radios françaises (après les Black Eyed Peas) entre 2003 et 2013.
titres classés n°1 au Billboard Hot 100 depuis ses débuts.
350
récompenses reçues depuis le début de sa carrière.
777 Tour
10
Le nom de sa tournée mondiale de 2011, en Boeing 777.
albums à son actif au printemps 2016.
1988
4,9 millions
de vues sur YouTube dans les premières 24 heures après la mise en ligne du clip de « Where Have You Been ».
L’année de sa naissance, à La Barbade.
100 M $
sa fortune depuis 2012.
230 000
cristaux Swarovski sur sa robe le soir où elle reçoit le Fashion Icon Award du CFDA en 2014. 128
1 M $
perçu pour un concert privé chez Mouammar Kadhafi (source : Wikileaks), reversé depuis aux victimes du séisme d’Haïti en 2010.
828 773
8 868
albums vendus en trois jours pour l’opus Beyoncé, en 2013.
tweets postés par seconde au moment où elle annonce sa grossesse aux MTV Video Music Awards en 2011 (source : The Huffington Post).
1981
L’année de sa naissance, à Houston.
7
tournées en solo (au printemps 2016).
20
Grammy Awards reçus dans sa carrière (au printemps 2016).
2002
Début de sa relation amoureuse avec Jay Z.
100 000 $
de dons pour les victimes de l’ouragan Ike en 2008.
2013
L’année où elle a chanté l’hymne national pour l’investiture de Barack Obama.
5
albums en solo enregistrés en studio (au printemps 2016).
9
rôles dans des longs-métrages (au printemps 2016).
170 millions
d’albums vendus dans le monde entre ses débuts et fin 2014.
129
SOUS LE SOLEIL EXACTEMENT must-have Auteure LILY TEMPLETON Photographe natures mortes GRÉGOIRE MACHAVOINE Portraits PHOTOMATON Styliste LOYC FALQUE
Les lunettes noires n’ont pas pour seule fonction – loin de là – de protéger les yeux de l’astre diurne… Ultime marqueur du cool dans la culture populaire, cet objet occupe aussi une place de choix dans le monde de la mode.
Monture en fils de nylon et cuir, BURBERRY EYEWEAR. Page de gauche, monture en acétate et aluminium, DIOR HOMME. 131
Monture en caoutchouc, acier et nylon, EMPORIO ARMANI.
Les lunettes ont d’abord rempli une fonction paramédicale, en apportant un confort visuel à toutes sortes de troubles. Mais déjà les juges de la Chine antique portaient des lunettes à verres obscurcis pour conforter leur allure impassible et déstabiliser ceux qui se retrouvaient face à eux, au tribunal. Au tournant du xxe siècle, les lunettes de soleil se veulent le symbole d’une certaine élite, ces oisifs fortunés qui passent de Saint-Trop’ à Saint-Barth, cheveux au vent et lunettes protectrices vissées au visage. Progressivement, l’alibi de protection contre les rayons du soleil se perd et les lunettes noires deviennent un objet de désir dans la culture populaire. Accessoiriser une tenue Que faut-il attendre d’elles ? Que les lunettes de soleil habillent le visage avec un soin étudié. Qu’elles soient le détail qui change tout. En un mot, qu’elles remplissent et transcendent la fonction que leur nom leur confère. “Je pars du principe que les lunettes étant au centre du visage, elles sont les premières choses que l’on voit, lance le créateur Thierry Lasry. Elles permettent d’exprimer beaucoup de choses, une humeur, une attitude, préciser un look, accessoiriser une tenue.” Leur capacité à travailler le premier contact visuel entre le regard et le visage est passionnante. Clark Kent sans ses
lunettes ne serait qu’un surhomme en collants, Neo, un agitateur en pardessus de cuir et Raoul Duke (de Las Vegas Parano), un journaliste cramé et camé. Que vous ayez passé la nuit au Montana ou devant votre écran à faire votre déclaration d’impôts, la bonne paire peut vous permettre de donner le change, voire de devenir un autre. Le génie de l’objet tient au fait qu’un simple changement de format équivaut à un changement de personnalité. “L’homme a tendance à s’inventer un personnage lorsqu’il porte ses lunettes de soleil, en cachant ses yeux, il exprime une autre part de lui-même, avec souvent davantage de mystère et donc de séduction…”, résume Thierry Lasry. Leur anatomie est pourtant si simple, essentiellement des verres enchâssés sur une armature reposant à la fois sur le nez et les oreilles. Les matières qui la composent ont longtemps été limitées à ce qui se travaillait facilement à la main, en raison de la délicatesse de l’objet destiné au visage : corne, métal, verre, puis acétate, mélanges plastiques et alliages en tout genre. Au fil du temps, de surprenantes propositions sont apparues, fibres textiles ou marbre, moyens de production novateurs ou propriétés high-tech. Sa versatilité tient moins à sa capacité à se réinventer en tant qu’objet qu’à l’imaginaire des designers qui s’en sont emparé. 132
Un pouvoir désinhibiteur S’il y a bien une chose que les solaires apportent, c’est ce jeu de dupes entre être et paraître. Certains leur prêtent même un pouvoir désinhibiteur, par la rupture des échanges de regard. Hédonisme, insincérité, superficialité, aliénation, les persiflages ne manquent pas. Mais pourquoi pas un retour à l’enfance, où fermer les yeux servait à modifier la réalité ? “Plus jeune, quand je voulais me saper, je mettais des lunettes de soleil pour pouvoir m’habiller à ma guise sans avoir à entrer en contact avec les gens, en créant une réalité virtuelle dans laquelle je suis présent mais en gardant le secret”, raconte Shayne Oliver, fondateur de la marque Hood by Air. “On pouvait choisir d’interagir ou non, c’était très salvateur, même si certains ont pu penser qu’il s’agissait d’une forme d’arrogance. C’était une manière de montrer mon moi véritable sans ressentir d’anxiété.” Et dépassant le rang d’utilitaire technique, les lunettes de soleil se sont aussi affranchies du qualificatif d’accessoire pour un statut de complément indispensable. “L’achat raisonné qui répond à un besoin et représente un investissement”, comme le décrit Maud Tarena, directrice du département homme du Bon Marché Rive Gauche, a cédé la place à “des coups de cœur pour
Monture en acétate et métal TOM FORD. 133
Monture en mĂŠtal et plastique, DSQUARED2. 134
Monture en acétate écaillé, MONTBLANC. Modèle Adrien Sahores chez Premium Models Groomer Philipinne C ordon chez Sybille Kleber Assistante styliste Ewa Kluczenko
des paires plus recherchées, décalées.” Cet objet intime à haute visibilité est “intensément personnel, et c’est un choix de plus en plus subjectif. Les hommes ne le voient plus comme un accessoire de mode”, enchérit son collègue Simon Spiteri, acheteur homme chez Mr Porter. “De la même manière qu’un homme achète des chaussures pour un mariage, le running ou les sorties du dimanche, les lunettes de soleil complètent un look.” Basquiat, le disruptif Porteuses d’une certaine idée du cool, il n’en fallait pas plus pour que les lunettes de soleil deviennent un support à part entière. On passe sur les versions promotionnelles qui se distribuent lors des grands-messes sportives ou autour d’événements de masse, après avoir envahi les murs et la peau, c’est sur le visage que s’affichent les goûts,
les couleurs, les opinions. Ainsi, la marque espagnole Etnia Barcelona pioche chez les peintres Yves Klein et Jean-Michel Basquiat les motifs et références qui habillent ses modèles. “En choisissant Basquiat comme inspiration, nous avons choisi un rebelle, quelqu’un de disruptif parce que c’est un esprit à la fois moderne et qui a toujours besoin d’être transmis”, explique Eduardo Pitarch. Aujourd’hui, l’objet solaire transforme le visage en message. “La possibilité pour une marque de véhiculer un message avec un objet qui occupe près du tiers du visage est une opportunité inouïe. Désormais elle peut aussi venir compléter la seconde peau qu’est le tatouage ou justement s’y substituer”, s’amuse Thierry Lasry, qui a récemment invité le tatoueur Dr. Woo à habiller certains de ses modèles, et fait dessiner sa première boutique par le décorateur Vincent Darré. De chausser des lunettes à endosser des 135
valeurs, il n’en faut pas beaucoup plus pour ce que cet objet à la fois si universel et si élitiste fasse voyager, vibrer, vendre. Accessoirement ou non, les lunettes de soleil représentent une véritable manne commerciale. “Pour beaucoup de marques de mode aujourd’hui, plus de la moitié des ventes vient des lunettes de soleil, et la croissance du secteur est toujours aux alentours de 10 % par an. Mieux, aujourd’hui, les gens utilisent désormais leurs montures solaires pour leurs lunettes de vue et non plus l’inverse”, constate Cirillo Marcolin, président du Mido, le plus gros salon d’optique qui se tient chaque année à Milan. À ceux qui pensent encore que les lunettes de soleil ne sont qu’un accessoire, on ne saurait trop leur conseiller de faire un examen de vue. Boutique Thierry Lasry, 40, rue du Four, Paris 6e.
Londres MM. CHRISTOPHER EINLA & NICK RUPP Photographe ANDREW VOWLES Styliste RAPHAEL HIRSCH
Christopher : trench-coat, chemise et pantalon en coton, T-shirt en toile technique, MAISON MARGIELA. En ouverture, Nick : manteau en velours et chemise en coton, EMPORIO ARMANI.
Veste en velours de coton, gilet en laine, chemise en soie et pantalon en denim, souliers en cuir, SAINT LAURENT.
Doudoune en toile technique et col en fourrure d’agneau, veste en laine et chemise en coton, DIOR HOMME.
Christopher : manteau et pantalon en laine, chemise et chapeau en coton, PRADA.
Christopher : veste en laine et pull en cachemire, GUCCI.
Nick : manteau, veste et pantalon en laine, chemise en coton et souliers en cuir, ERMENEGILDO ZEGNA.
Manteau et pull en laine, pantalon en toile technique et boots en cuir, DSQUARED2. Modèles Christopher Einla chez 16men Paris et Nick Rupp chez Premier Models Coiffeur Roxy Attard Groomer Dele Olo Décorateur Thomas Bird Assistants photographes Mark Simpson, Freddy Lee, Willow Williams Assistante styliste Inez Bizzaro Assistant coiffure Silvio Assistantes déco Katia Hall, Charlotte Norman Production Rosco Production
LES PASSAGES SECRETS DE RABIH GEHA S’il s’est fait connaître avec des propositions aussi radicales que Überhaus ou On/Off, deux boîtes de nuit beyrouthines qui présentent une toute nouvelle approche de la vie nocturne, Rabih Geha est aussi, avec la même jubilation, restaurateur de maisons anciennes et créateur de lieux chargés d’âme. Ce jeune architecte, tombé dans la profession par hasard, y est resté par passion.Il raconte. Par F.A.D
Photographe TONY ELIEH Styliste SEVINE SAMADI Réalisation MELANIE DAGHER Direction artistique JOSÉE NAKHLE Lieu VILLA ASWAD
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Veste et chemise, HERMÈS.
Chemise, HERMÈS.
Veste et T-shirt, HERMÈS. Pantalon, UOMO CHEZ LE66. Sandales, HERMÈS. Bracelets et bagues, ROSA MARIA.
Sur l’architecture On ne nait pas architecte. Personne dans ma famille ne l’est. Je ne reprends pas un quelconque flambeau. J’ai fait mes études à Jamhour. Au collège, on m’a toujours perçu comme un rêveur, constamment « dans la lune ». Je suis un instinctif, un impulsif, mais parallèlement, petit, j’étais très bricoleur, j’adorais créer des choses. Aujourd’hui, je m’éclate avec les jouets de mes enfants. Kinan et Zyena ont quatre ans et deux ans et demie. C’est dans leur univers que je trouve l’essentiel de mon inspiration. Sinon, j’ai passé un master en nouveaux matériaux à l’ENSI. J’ai eu aussi la chance de travailler avec des personnes extraordinaires comme Odile Decq qui a récemment reçu le Prix Femme Architecte. Il y a dans l’architecture féminine en général une approche intéressante, faite de volupté pour les matières et les couleurs. Je constate aussi ce trait chez ma femme, Ghida el Zein, qui est designer de meubles. C’est une sensibilité qui correspond à la mienne. Sur sa démarche personnelle Je ne prétends pas appartenir à une école ou une mouvance. Ce qui me dicte ma démarche, c’est surtout le projet lui-même, l’espace qu’il m’offre. Que je travaille sur une superstructure comme celle de Überhaus, ou sur la rénovation d’une demeure où tout est dans le détail, je ne suis pas conditionné par un style donné mais par la meilleure réponse , la meilleure solution à trouver pour le lieu qui m’est confié. Ma touche est donc dans le rapport à l’espace d’une part, et dans le détail d’autre part. Le monumental et l’imperceptible se juxtaposent dans mon travail. Ces deux images me définissent à part égale. Sur les boîtes de nuit et les structures éphémères Encore une fois, c’est par hasard que je me suis spécialisé dans les lieux nocturnes et de loisirs. Mais je suis tout aussi fier des résidences privées sur lesquelles j’interviens, qu’il s’agisse d’une vieille maison que j’ai restaurée à la montagne, avec ses belles arcades blanches et tout un travail de marbre en trompe-l’œil sur les murs, ou d’une autre à Beyrouth où je mets en harmonie l’ancien et le contemporain. On/Off Le premier club sur lequel il m’a été donné de travailler est le On/Off. L’entrée est déguisée à la manière d’un speakeasy des années 20, avec un salon de barbier à l’ancienne. D’emblée, on est dans le mystère. Il y a quelque chose d’initiatique dans l’accès à ce lieu obscur où on est invité à laisser sa journée derrière soi pour entrer dans la vraie liberté de la nuit, avec cette impression de s’envoler comme Peter Pan au-dessus de la ville endormie. À présent, je travaille sur l’aménagement du rooftop du On/Off sur une terrasse en face de la boîte proprement dite.
Überhaus Pour Überhaus, l’idée était de créer une structure éphémère pour l’hiver, laquelle cède la place, l’été, à un bar à l’air libre. J’ai imaginé Pinocchio se perdant dans les limbes d’une baleine. Un monstre métallique a été forgé, dont toutes les pièces sont démontables. On entre dans un tunnel lumineux qui s’élargit petit à petit, de la queue à la tête de la baleine. Là encore, il s’agissait de créer une expérience inédite dans une industrie qui s’adresse à un public de plus en plus blasé. Il y a toujours une narration derrière ces projets. Je m’inspire beaucoup de l’univers de Disney, des contes, des émotions et des peurs de l’enfance. J’ai toujours à l’idée de créer dans la ville des passages secrets, des refuges surprenants. Villa Badaro Dans d’autres projets, comme le restaurant Villa Badaro, j’essaye de restituer au lieu son histoire. Ici, les murs n’ont pas été repeints. En les décapant, nous sommes arrivés sous sept couches de peinture à la peinture initiale de cette maison qui date de la première partie du siècle dernier. Mon instinct m’a dicté qu’il fallait s’arrêter là, en laissant apparentes les lignes du maçon tracées sur les corniches et sous les lambris. Quant à la terrasse, je l’ai revêtue de dalles jaunes identiques à celles des anciens trottoirs du quartier. Le jardin est joyeusement désordonné, avec des arbres fruitiers et des tonnelles. Au plafond de la terrasse, j’ai imaginé une structure métallique contenant un éclairage en forme d’étoiles, comme une nuit de Noël permanente. Le rooftop du Four Seasons Il s’agit d’un de mes projets les plus récents. Un pop-up qui préfigure une restructuration totale, dans un an, de ce lieu mythique de Beyrouth. L’immense terrasse du Four Seasons, qui peut accueillir plus de 500 personnes, avait besoin de dégager une vibration un peu plus intime, étant un lieu romantique par excellence, puisque les gens y vont pour contempler le coucher du soleil sur la mer. Parmi mes interventions, une barrière assez radicale, en bois noir, qui sépare l’espace du bar de celui de la piscine, tout en préservant une communication visuelle entre les deux. Le bar lui même sera orné d’un carrelage de métro coloré. L’atmosphère loungy –chill sera confortée. De l’enseignement J’ai commencé mes études à l’ALBA puis à l’AUB avant de partir en France pour mon master. A mon retour, en 2006, j’ai rejoint mon académie, cette fois pour y enseigner. Si j’ai un message à adresser à mes étudiants ? Essayer, rêver, continuer à faire ce qu’on peut, on trouve toujours mieux. Et quand on y arrive, c’est une satisfaction sublime de voir son projet abouti, de le voir vivre et fonctionner avec les êtres qui l’habitent ou le fréquentent.
T-shirt et pantalon, ATELIER SUPPAN CHEZ ROSA MARIA. Espadrilles, STAN SMITH EDITION LIMITÉE CHEZ LE66. Bracelets et bagues sur bras droit, ROSA MARIA. Bracelets sur bras gauche, M.COHEN.
DYNAMIQUE Veste croisée quatre boutons et pantalon de jogging en laine, DOLCE & GABBANA.
T-shirt, THOM/KROM CHEZ ROSA MARIA. Pantalon, NOVEMBER CHEZ ROSA MARIA. Sandales, HERMÈS.
Chemise, HERMÈS.
Chemise, PRADA. Pantalon, DOLCE & GABBANA. Bracelets, ELEVENTY.
Chemise, DIESEL. Pantalon, ZADIG & VOLTAIRE. Espadrilles, SAINT LAURENT. Bracelets et bagues sur bras droit, ROSA MARIA. Bracelets sur bras gauche, ELEVENTY.
Top, UOMO CHEZ LE66. Pantalon, BOTTEGA VENETA. Espadrilles, FENDI. Bracelets et bagues sur bras droit, ROSA MARIA. Bracelets, ELEVENTY.
Chemise, DOLCE & GABBANA.
Veste et T-shirt, JOHN VARVATOS.
Milan M. NIELS TRISPEL Photographe PAOLO DI LUCENTE Styliste EMIL REBEK
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​Veste en laine et col en laine et cuir, PRADA.
​Pull en laine, CANALI. Foulard et ceinture, SAINT LAURENT.
Blouson en laine mélangée, ERMENEGILDO ZEGNA COUTURE. Bottes en cuir, GUCCI.
​Manteau en agneau, BALLY.
Chemise en popeline de coton, MARNI.
​ louson en cuir, pull en cachemire et pantalon B en coton, GUCCI. Ceinture, SAINT LAURENT.
​Veste en agneau, ACNE STUDIOS. Pull en laine, CORNELIANI.
​Blouson en cuir, SAINT LAURENT.
Blouson en laine, SALVATORE FERRAGAMO. Gilet en laine, LEMAIRE. Modèle Niels Trispel chez Success Men Paris Groomer Marco Minunno chez WM Management Opérateur digital Maurizio Nava Assistant styliste Nicolò Andreoni
​Blouson et pantalon en coton, CARVEN. Pull en laine, NEIL BARRETT. Boots en cuir, GUCCI.
Angkor Wat M. MICHAEL MORGAN Photographe PABLO ARROYO Styliste JÉRÔME ANDRÉ
ChaĂŽne vintage.
Chemise en soie, débardeur et pantalon en coton, LOUIS VUITTON. Page de gauche : chemise en coton et soie, débardeur en coton, DRIES VAN NOTEN. Pantalon en toile technique, PRADA.
Chemise en soie chambray, débardeur en coton LOUIS VUITTON. Page de droite : débardeur en coton, LOUIS VUITTON.
Pantalon en coton, CHRISTOPHER KANE.
Pantalon en coton, BERLUTI.
Débardeur en coton et foulard, LOUIS VUITTON.
Chemise et pantalon en soie chambray, LOUIS VUITTON. Page de gauche : blouson et pantalon en toile technique, chemise en coton, PRADA. Débardeur en coton DRIES VAN NOTEN.
Blouson et pantalon en coton technique, chemise en soie, LOUIS VUITTON. ChaĂŽne vintage.
Chemise et pantalon en soie chambray, débardeur en coton, sneakers en cuir, LOUIS VUITTON. Chaîne vintage.
Chemise et pantalon en soie chambray, débardeur en coton, LOUIS VUITTON. Modèle Michael Morgan chez AMCK Models Groomer Tongta Assistants photographes Tommaso Bressan, Marco Gazza Assistants stylistes Loyc Falque, Ewa Kluczenko
L’AGENT PROVOCATEUR biopic Auteur JEAN-PASCAL GROSSO 186
Photos John Casablancas, DR
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Dans “John Casablancas : l’homme qui aimait les femmes” d’Hubert Woroniecki, le créateur de la célébrissime agence Elite se confie devant la caméra peu de temps avant sa mort en 2013. Retour sur un destin au glamour hors du commun. Début des années 1990, n’importe quel garçon s’intéressant au milieu de la mode – plus précisément à ses égéries féminines – un minimum ambitieux et déterminé n’avait qu’une seule idée en tête : suivre les pas de John Casablancas. L’homme, après une jeunesse aisée et nomade au sein d’une famille catalane que la guerre civile espagnole a poussé à l’exil, sera parvenu à force de louable déraison, d’une certaine dose de folie, d’arrogance et de surprenants retournements de situation, à créer avec l’agence Elite Model Management une usine à rêves digne d’un grand studio de l’âge d’or hollywoodien. De son vivier doré sur tranche sortiront des noms à piquer la curiosité du moindre lecteur de magazine sur papier glacé, rendre publivores même les plus allergiques à l’univers du luxe. Des noms ? Parmi les découvertes de senõr 4.
1. Au sommet de sa gloire, fin des années 1980. 2. À Paris, en 1969, avec le photographe Gunnar Larsen, deux amies et sa future femme, Jeanette Christiansen (avec un pull sur les épaules). 3. Fête d’Elite, fin des années 1980. 4. Soirée maillot de bain d’Elite dans les années 1980.
Casablancas, beaucoup restent aujourd’hui encore vivaces : Iman (future Mme Bowie), Cindy (Crawford), Naomi (Campbell), Linda (Evangelista), Inés (Sastre), Gisele (Bündchen)… Virés à la batte de base-ball “J’ai rencontré John pour la première fois alors que j’étais adolescent en vacances à Ibiza avec mes parents. Il était notre voisin et avait pour petite amie de l’époque Stephanie Seymour. Une fille de mon âge. Vous imaginez, à 16 ans, l’impact que cela a pu avoir sur moi”, relate sereinement Hubert Woroniecki, cinéaste, ancien employé d’Elite New York, qui propose à John Casablancas, dès 2008, l’idée du documentaire John Casablancas : l’homme qui aimait les femmes : revenir sur une vie exceptionnelle selon son point de
1. À l’agence à New York, fin des années 1970. 2. Dans les rues new-yorkaises, en 1980. 3. Avec Andie McDowell, à sa gauche. 4. Avec deux filles, début des années 1980. 5. À New York, avec des mannequins de l’agence dans les années 1980. 6. Avec plusieurs tops, dont Iman à sa gauche. 7. Fin des années 1970, dans les rues new-yorkaises. 8. Avec Iman, à sa droite, en 1981. 9. À l’agence Elite milieu des années 1980. 10. À une convention de mannequins aux États-Unis, fin des années 1970 11. Avec les finalistes du concours Elite Look of the Year 1985, à l’île Maurice.
1. à lui seul le côté frondeur de son fringant patron : un phallus et une paire de testicules ! Le voleur de corps C’est l’amorce d’une conquête qui se joue sur plusieurs tableaux : brutale dans les arcanes des agences américaines de la côte Est qui se liguent contre lui, festive dans les boîtes de nuit parisiennes – première soirée “T-shirt Elite” lancée en 1975 à L’Aventure, alors pinacle du triangle d’or –, implacable dans les cours de justice du monde entier où tout ce beau monde, mannequins y compris, se tire dans les pattes par avocats interposés. Mais Casablancas s’acharne, s’affiche au bras des plus belles femmes – filles – de la planète, partage son quotidien entre aéroports, resorts de rêve, bureaux et clubs. “J’ai quatre vices dans la vie : les cigarettes, l’alcool, les femmes et le jeu”, répétera inlassablement ce flibustier des podiums (qui comptera parmi ses surnoms “The Body Snatcher” que l’on pourrait traduire comme le voleur de corps). À l’aube des années 1990, “ses” filles, qui ne se lèvent plus, pour reprendre la sacro-sainte formule de Linda 8.
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Photos John Casablancas. Jacques Silberstein. Claude Guillaumain. Marco Glaviano
vue personnel. Si la jeunesse de l’intéressé ressemble à une chronique à la fois mondaine et sensuelle d’un privilégié au physique avantageux – viré d’un prestigieux pensionnat suisse pour de coupables saillies ancillaires –, sa soif de réussite, alors qu’enfant gâté rien ne le prédestine à un parcours aussi iconoclaste, l’étreint dès la fin des années 1960. Il plaque un job tout confort chez Coca-Cola au Brésil pour rejoindre la France. Tandis que les pavés finissent à peine de voler du côté de la rue Gay-Lussac, lui préfère le 50, avenue George-V pour installer Élysées 3, sa toute première agence de mannequin. Un flop total : personne ne désire une révolution dans une corporation mondialement tenue depuis New York par la charismatique Eileen Ford. Une campagne de lancement imaginée par le déjà incorrigible Siné provoque même un scandale parmi les douairières haute couture de la place de Paris. Remonté, Casablancas vire à la batte de base-ball ses premiers employés qu’il suspecte de double jeu avec la concurrence. Plus tard, il misera ses derniers deniers sur une table de jeu de l’Aviation Club. Au bord de la ruine, il décroche la timbale au baccara ; 400 000 dollars qui lui permettent de consolider l’aventure naissante d’Elite, ouverte en 1972, dont le sigle proposé par le graphiste zurichois Malcom Townsend révèle
Evangelista, “à moins de 10 000 dollars par jour”, sont partout dans des clips diffusés en boucle sur MTV, dans de rutilantes pubs pour soda, en couverture du magazine Playboy… Bingo ! Elite engrange désormais 100 millions de dollars de chiffre d’affaires par an. Une manne époustouflante à laquelle son fondateur (en binôme avec son ami d’enfance, Alain Kittner) avait toujours cru dur comme fer. Heidi Klum, une saucisse sans talent Les dernières années de Casablancas au sein d’Elite sont à la fois les plus furieuses, voraces et, à leur apogée, suspectes. Elite, marque de prestige, ornera bientôt des produits qui pour certains le sont moins : maquillage bon marché, fers à boucler, peignes, souliers… Il y a surtout une centaine d’écoles de mannequinat et un show, le Look of the Year (rebaptisé Elite Model Look depuis 1995), aussi célèbre que le concours de Miss Univers. C’est lors d’un de ces événements que John rencontre celle qui sera sa dernière épouse, Aline Wermelinger. Brésilienne, elle a 17 ans, lui en affiche 51. La différence d’âge fait les choux gras de la presse américaine et les commères
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peroxydées d’une télévision sensationnaliste s’en donnent à cœur joie. Mais le coup de grâce viendra, d’un reportage de 1999 – au final plus ou moins bidonné – signé du journaliste de la BBC Donal MacIntyre qui pointe la “décadence” de l’agence, un flot de fêtes, de drogues et de sexe dans lequel les jeunes tops se laisseraient emporter. Malgré le tollé, les récriminations de Gérald Marie, PDG d’Elite Europe directement mis en cause, un mea culpa de la chaîne anglaise dix-huit (longs) mois plus tard, les langues se délient – la chroniqueuse mode du Daily Mail, Brenda Pola, ira jusqu’à parler de “conspiration du silence” autour du scandale. Plus tard, Karen Mulder, une des icônes de l’agence, affirmera avoir “été violée par les dirigeants d’Elite” avant d’être hospitalisée en psychiatrie. Pour le fondateur, la fête est finie. Il revend ses parts et, après quelques déclarations tonitruantes (“Gisele Bündchen est un monstre d’égoïsme”, “Heidi Klum est une saucisse allemande sans talent”…), s’en va jouer les bons pères de famille – un de ses fils, Julian, s’est rendu
19. 18. célèbre comme leader des Strokes – à Miami puis au Brésil, où il décède des suites d’un cancer en 2013. “C’est quelqu’un que j’ai bien aimé, conclut Woroniecki. John Casablancas aura été le héros de sa vie. Le personnage principal d’une sacrée histoire…”
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John Casablancas : l’homme qui aimait les femmes, d’Hubert Woroniecki, en salles le 29 juin.
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12. Avec Carol Alt, en 1981. 13. Avec Kim Alexis, en 1979. 14. Les plus grands tops sont venus dans son agence. 15. À une fête, bien entouré, début des années 1980. 16. Au mariage de Linda Evangelista et Gérald Marie, en 1987. 17. En 1981, devant le mur des unes de ses tops. 18. En 1983, à Acapulco. 19. Avec des filles d’Elite Look of the Year, en 1982.
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DES COCKTAILS ET DES HOMMES Par F.A.D Photographe TONY ELIEH
Le cinéma et la littérature abondent de héros dont l’un des signes distinctifs est leur cocktail favori. Dans Casino Royale et Quantum of Solace, James Bond se détend avec un Vesper (Gordon gin, vodka et Lillet). Philip Marlowe, le héros de Raymond Chandler, boit quant à lui du Gimlet (« moitié gin, moitié lime et rien d’autre »). Les inspirations sont innombrables. Voici notre proposition.
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Elie Metni Ce jeune espoir de l’architecture libanaise a été retenu par la fondation Starch pour redessiner le décor 2015 de son showroom. Diplômé de l’Alba, il a effectué son stage dans la firme suisse Herzog & de Meuron avant de rejoindre l’atelier 1% Architecture dans le cadre duquel il s’occupe de l’aménagement intérieur du projet Beirut Terraces. Entre autres projets, il co-signe en 2014 le design du café bar Orient-Express.
Son cocktail : Le « Green Beans » 7 à 10 grains de café torréfiés et concassés 1cl de sirop de romarin frais 1cl de Lillet (vermouth) 5cl de gin Beefeater 24 Secouer vivement, filtrer doublement et servir dans un verre court. Décorer d’un brin de romarin et de deux grains de café.
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Tommy (Athanasios Kargatzidis) Ce Grec, féru d’héritage culinaire européen, a été formé à Vancouver, à l’institut culinaire français DuBrulle. Fondateur, propriétaire et directeur du bar Baron à Beyrouth, il réunit dans ce lieu qui lui ressemble, cosy, chaleureux et enveloppé de bonne musique, toute une faune heureuse d’artistes et de gastronomes.
Son cocktail : Le « Penicillin » 4cl de Nikka Red (Pur malt) 1,5 cl de jus de citron 2cl d’eau de miel 1cl de jus de gingembre frais 1 trait de bitter (Bitter Truth Decanter) 1cl de Nikka Black (Pur malt) Présenter ce whisky sour dans un verre ballon grand format sur glace pilée, vaporisé de Laphroaig (single malt), décoré d’une tranche d’orange séchée. Accompagne idéalement les desserts.
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Elie Nehmé Cet ingénieur civil de formation a travaillé deux ans comme consultant en stratégie avant d’être rattrapé par sa passion pour la cuisine. Sans crier gare, il tourne le dos aux ordinateurs et s’approprie les fourneaux en parfait autodidacte. Une lubie qui va donner le jour à deux restaurants, Happy Prince et Kissproof, deux adresses parmi les plus fréquentées de Beyrouth. Réputé têtu, Elie Nehmé est surtout un perfectionniste qu’il n’est pas rare de surprendre derrière son bar, essayant de nouvelles combinaisons ou ajustant les lumières.
Son cocktail : Le « Ti punch vanille » 1,5cl de sirop Demerara à la vanille 2,5cl de jus de lime frais 4,5 cl de rhum Flor de Cana (Nicaragua) 1,5cl de rhum agricole Clément Secouer et servir directement dans une coupe. Les deux variétés de rhum peuvent être remplacées par du rhum cubain.
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Riad Aboulteif (Ferdinand) Cet architecte, coincé douze ans plus tôt sur des chantiers de construction de plateformes pétrolières, n’avait qu’une obsession : se réconforter avec un repas savoureux. Or, sur ces lieux isolés du monde, rien n’était moins évident. Comme on n’est bien servi que par soi-même, Riad Aboulteif s’offre plus tard une formation à l’institut Roux des Arts Culinaires… et finit par ouvrir son propre bar restaurant. Ferdinand est à Beyrouth ce lieu cosy où, comme “ Le taureau Ferdinand ”, héros de bande dessinée des années 30 illustré par Robert Lawson, on abandonne le combat pour respirer les fleurs.
Son cocktail : Le « Dirty Martini » 6cl de gin 6cl de dry vermouth Mélanger le tout dans un shaker avec des glaçons, bien secouer, éclabousser avec un zeste de citron, décorer avec une olive.
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ANATOMIE DU TEMPS photo Par F.A.D
Photos Nadim Asfar
Nadim Asfar est plus qu’un photographe et vidéaste : un explorateur de topographies mentales, un quêteur de sens dont les images retiennent l’épaisseur éphémère du monde et du temps. Ses épreuves émouvantes ont été exposées à Paris Photo, au New Museum de New York, au Kunst Werk de Berlin et au FID de Marseille.A Beyrouth, la première partie de son projet Expérience de la Montagne, intitulée « Where I end and you begin » est visible à la galerie Tanit jusqu’au 5 aout 2016
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Temple de Ain Hersha, Jabal el-Cheikh 2 (120x87cm).
Certes ce sont des paysages. Avant même d’avoir lu le très beau texte de l’artiste qui accompagne cette promenade magique dans la montagne libanaise, on perçoit ce qu’il nous donne à ressentir à travers la majesté de ces lieux miraculeusement vierges, propriété de l’espace, du ciel et du temps. On y entend le silence qui couvre les bruits du vent et de la faune invisible qui les habite. On y perçoit cette inquiétude diffuse au cœur même de la paix qui en émane. « Ici, tout est poétique. Ici, tout est politique », constate l’artiste. Il explique cette dualité par la nature même des paysages qu’il interroge et fixe avec son objectif : « Partout, des zones militarisées, des frontières dangereuses, des lieux interdits d’accès. Telle région est chrétienne, l’autre musulmane, ici l’armée, ici la Syrie (…) Les gens sentent bien que je cherche quelque chose et que je ne suis ni un touriste, ni un promeneur ». A la croisée de l’histoire et de la géographie Marqué par son passage, de 2011 à 2014, à l’Ecole des Hautes Etudes 199
en Sciences Sociales à Paris où il étudie l’art et le langage, Nadim Asfar a commencé sa formation en photographie à l’Alba, à Beyrouth, puis à l’Ecole Nationale Louis Lumière. Un parcours intense qui imprime à sa démarche artistique, par delà la technique, une densité à la croisée de la philosophie, de la poésie, de l’anthropologie et de la géographie. Pour ce quadragénaire qui entame chacun de ses projets à la manière d’un journal intime, l’œuvre photographique est un moyen de documenter aussi bien une identité complexe, en l’occurrence celle de son pays, le Liban, que de conserver ce qui risque de ne plus jamais être pareil, à peine le cliché tiré. Une obsession qui vient de l’enfance, dans un pays en guerre. Très vite il prend conscience de l’éternelle dualité de l’histoire et de la géographie, la première tumultueuse et instable, la seconde impassible et pérenne : « Lorsqu’enfant j’émergeais de longs séjours en sous-sol, à l’abri des bombardements, (…) me parvenaient avec la même puissance que le désastre, la progression de la saison, le temps qu’il faisait, le paysage
qui était toujours là, les jasmins qui avaient continué de fleurir ». « Je n’arrivais plus à quitter la forêt » Né en 1976, Asfar a quinze ans quand la fin de la guerre est officiellement déclarée. Il visite pour la première fois la forêt des cèdres, territoire qui lui était jusque là interdit, sinon inaccessible. Il demande à son père de lui acheter un appareil photo. « C’est comme ça que j’ai commencé à faire de la photographie, en découvrant cette autre dimension du territoire ; en le dévorant plutôt, raconte-t-il. Ma mère me demandait à quoi pouvaient servir toutes ces phots de la même chose, qu’une ou deux suffiraient », mais, dévoreur insatiable, le jeune homme émerveillé ne veut « laisser échapper aucune possibilité ». « Je n’arrivais plus à quitter la forêt », se souvient-il : « Dans la répétition, il y a toujours une différence. Le sens de ce que je faisais m’était évidemment
étranger. Sans m’en rendre compte, c’est dans ce même mouvement que j’ai photographié les montagnes, ces dernières années ». Conserver les montagnes « L’art conserve, et c’est la seule chose au monde qui se conserve », écrit Deleuze. Partant de cette conviction, Asfar se dit qu’il y a « des images à faire au présent, il y a l’urgence d’aller sur le terrain et d’affronter le risque que le paysage me redevienne inaccessible. Mon impulsion est à la fois romantique et agressive, amoureuse et combattive (…). Il y a du désir et il y a à la fois un processus de deuil ». Dès lors, il n’a de cesse d’arpenter le Liban du Nord au Sud et le long de la frontière orientale. Chaque lieu photographié est punaisé sur une carte satellite. Les marques jaunes se superposent au point de former une tache dont les détails sont laborieux à distinguer. Du mont 200
Sannine à Jabal Moussa, des cèdres de Jaj à Laqlouq, de Aqoura à Qobaiyat, de Jabal el Cheikh au lac de Qaraoun, de Danniyeh à Chebaa, de Aïto à Dlebta, de Hardine à Becharreh, à la Vallée sainte, à Jabal Makmel, au Mont Hermon, la montagne se transforme devant son objectif en respiration tellurique. On sent sa pulsation qui fait vibrer le ciel autour. Vue de la mer, la ligne de crête est un long dialogue entre formes et silhouettes familières. « Est-ce que c’est ça, le Liban ? » lui demandent les gens, en voyant ses images. Quand à l’artiste, il se demande s’il est possible de libérer « le paysage » du « pays ». Ne lui faudra-t-il pas, pour cela, se libérer lui-même du pays inscrit en lui ? D’où le titre de ce volet inscrit dans son Expérience de la Montagne : « Where I end and you begin ». Se tenir à distance pour permettre au paysage d’exister en soi, libre de la subjectivité de celui qui l’observe, fut-ce pour le conserver.
Photos Nadim Asfar
Qobaiyat (120x87cm).
De haut en bas: Dlebta (120x87cm)
Qornet el-Kaff / Sfireh, Danniyeh (120x87cm).
BEYROUTH, PEUT-ÊTRE dossier Par F.A.D
Photos DR
Touche-à-tout sensible et éclairé, Nasri Sayegh est un artiste polyvalent qui ferait feu de tous les médiums, s’il en avait la possibilité, pour témoigner de son époque et de toutes celles qui se poursuivent en lui. Avec « Beyrouth, peut-être », le voici photographe.
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Photos DR
Seyrig, Grace Jones et Jeanne Moreau, et toutes ces voix féminines avec celle, fusionnelle en tout point, de Yasmine Hamdan.
Il vit entre Beyrouth et Berlin. A la fois journalise, auteur, acteur, DJ et occasionnellement agent d’artistes, Nasri Sayegh a été chef d’édition à Radio Orient Paris et prolonge sa passion de témoigner en qualité de grand reporter. Acteur de cinéma, il a été dirigé entre autres par Christian Merlhiot (dans Le Procès d’Oscar Wilde), Jad Youssef, Roy Samaha, Jocelyne Saab et Georges Hachem. Romancier, essayiste et poète, il est notamment l’auteur de Bowling à Bagdad (Fayard 2004). DJ éclectique, il adore provoquer des rencontres insolite et croiser des univers parallèles : Asmahan et Delphine 203
L’image comme « pré-texte » Tout rédacteur de presse apprend un jour ou l’autre, avec un certain désappointement, qu’ « une photo vaut mille mots ». Et de fait, avec une énorme poussée au cours de cette dernière décennie, la force de l’image oppose une sérieuse concurrence à celle des mots. Est-ce cela qui pousse Nasri Sayegh à taquiner l’objectif, lui qui a si longtemps laissé les caméras l’interroger ? Le voilà qui passe de l’autre côté, du côté du regard. Il dit qu’il use de la caméra comme « excuse aux mots, pré-texte au langage écrit .» Il dit que ses images sont des notes, des « calepins », et qu’elles viennent avant les mots. On comprend donc que ces nouvelles photos vont desceller quelque page blanche, ouvrir les vannes d’une narration. Ou pas : Dans l’objectif de Nasri Sayegh, le texte est déjà présent. Il photographie avec des mots. Ses images texturées expriment une ville intemporelle et subjective, ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre, et dont le caractère à la fois réel et irréel réside dans ce « peut-être » qui donne sa dimension poétique à son projet. A découvrir à la galerie de l’Institut français du Liban, rue de Damas, Beyrouth, du 14 juin au 10 juillet 2016
LES LIBANAIS DE CANNES dossier Par F.A.D
Photos DR
Avec Submarine, le court métrage de Mounia Akl sélectionné pour la compétition Cinéfondation (voir le n° 65, mai 2016, de L’Officiel Levant), Tramontane de Vatche Boulghourjian sélectionné dans le cadre de la Semaine de la Critique, et Tombé du ciel de Wissam Charaf retenu pour la compétition ACID, le cinéma libanais fait preuve d’une belle maturité et se fait une jolie niche à Cannes, soutenu par la Fondation Liban Cinéma et l’Office du tourisme du Liban à Paris. Voici Tramontane et Tombé du ciel.
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“Tramontane”, un héros aveugle et une quête angoissante de l’identité Il y a quelque chose de kafkaïen dans l’atmosphère de ce film où un homme se met à la recherche de ses origines dans un pays où nul n’est capable de raconter son propre passé. Rabih, jeune choriste et musicien non voyant, effectue une demande de passeport pour accompagner sa chorale en Europe. Il se voit annoncer que ses papiers d’identité sont falsifiés. Il se lance alors, à travers le Liban, dans un jeu de piste en quête de son acte de naissance original. Au cours de son périple, il fait la rencontre de personnes en marge de la société qui lui racontent leur propre histoire et l’enfoncent davantage dans la perplexité. Ce trou blanc, cet espace brumeux de sa vie, se fait de plus en plus dense à mesure qu’il tente de se rapprocher de la vérité. Face à ce vide, Rabih ne peut que constater l’égarement d’une nation en proie à l’impossibilité de s’entendre sur sa propre histoire.
Entièrement tourné au Liban, Tramontane est le premier longmétrage de Vatche Boulghourjian, bien que « Fifth Column », le film qu’il a réalisé pour sa thèse de master à New York University ait reçu la bourse de production de la Hollywood Foreign Press Association et le troisième prix de la sélection Cinéfondation à Cannes, en 2010. Couvert de distinctions et retenant sans cesse l’attention de la critique, Boulghourjian signe avec Tramontane son premier film tourné au Liban. Produit par Caroline Oliveira et Georges Schoucair (Abbout productions), Tramontane a reçu le soutien du Venice Biennale College Cinema, du Doha Film Institute, de l’IFP et de Arte entre autres. Le 17 mai, à la fin de la projection à Cannes, le film de Vatche Boulghourjian a été salué par une ovation debout de plus de sept minutes. Un grand moment d’émotion, notamment pour Barkat Jabbour qui 205
campe le personnage de Rabih, véritable musicien et véritable non-voyant, dont c’était la première expérience d’acteur et dont le réalisateur n’a pas de mots pour décrire l’extraordinaire performance. “Tombé du ciel”, ou comment faire avec le retour du refoulé On le croyait mort pendant la guerre. Samir, ancien milicien, a disparu vingt ans plus tôt sans jamais réapparaître. Mais tout à coup le voilà de retour. Il lui faut redécouvrir un pays qu’il ne reconnaît plus et reconstruire sa relation interrompue avec sa famille. Avec son « petit » frère surtout, garde du corps et vigile au corps « oriental, chauve, poilu, massif, puissant et qui transpire, comme on en voit rarement au cinéma », dixit le réalisateur Wissam Charaf. Sélectionné par l’ACID (Association du Cinéma Indépendant Pour sa Diffusion) parmi neuf longs métrages « qui font entendre le bruissement du monde dans une joyeuse diversité d’approches,
Dans une rencontre avec Olivier Père diffusée sur Arte, c’est un Wissam Charaf ému, bien qu’ayant l’habitude des caméras et de la télévision, qui raconte le rapport à la violence et à la virilité de toute une génération d’hommes libanais, à travers la relation entre deux frères . « C’est un film sur le refoulement, précise-t-il, et qu’est ce qu’on refoule au Liban ? C’est l’héritage de la guerre civile ». Bien que cette guerre soit terminée officiellement depuis vingt ans, Wissam Charaf souligne l’amnésie des Libanais sur ce sujet. Une mémoire enfouie qui se manifeste par un réémergence sporadique de la violence dans une société jamais réconciliée avec elle-même. Ce phénomène, selon le réalisateur, explique aussi la démission collective quand il s’agit de réagir face à certaines situations. Olivier Père souligne de son côté l’originalité d’un film qui s’éloigne par son ton et son style du réalisme qui distingue le cinéma libanais depuis plusieurs années. Le réalisateur reconnaît que cet homme qui surgit subitement dans la vie des siens est une sorte de fantôme qui incarne le retour du refoulé, véritable sujet du film. Il ajoute que tous les personnages sont en fait des fantômes piégés dans un quotidien absurde. Au final, le fantastique achève de remplacer le quotidien hyper réaliste. Sur le personnage du petit frère, campé par Raed Yassine, Wissam Charaf confie qu’il a demandé à l’acteur d’être simplement lui-même. « Il n’avait pas besoin de jouer, dit-il, il lui suffisait d’être, c’est tout ce que je lui demandais ». Tombé du ciel est donc une comédie dramatique. Il est joué par Rodrigue Sleiman, Raed Yassine, Said Serhan, George Melki et Yumna Marwan. Le scénario a été coécrit par Wissam Charaf et Mariette Désert. Il est produit par Pierre Sarraf, Aurora Films, et distribué en France par Epicentre Films. 206
Photos DR
de mises en scène, de narrations et de genres », Tombé du ciel est le premier long métrage de fiction de ce réalisateur franco-libanais venu du documentaire, correspondant d’Arte au Moyen Orient, journaliste, cadreur, monteur et assistant à la réalisation, mais aussi acteur que l’on a retrouvé récemment dans « Film KteerKbeer » de Mir-Jean Bou Chaya.
BEAUTÉ DIVINE ET DOULEUR HUMAINE dossier Par F.A.D
De l’androgynie de l’ange au corps torturé selon Francis Bacon, Chaza Charafeddine place l’humain au centre de son œuvre, essentiellement composée de collages et de manipulations digitales. Commissionnée par la galerie Agial, elle donne à voir depuis 2010 une œuvre étrange et fascinante, à la croisée du pop, du modernisme et de l’expressionnisme.
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nocturne entre la Mecque et Jérusalem d’où, escorté par l’archange Gabriel, il fit une ascension au ciel, traversa sept univers et vit l’enfer et le paradis. Selle de rubis et mors d’émeraude, le Buraq est généralement représenté comme un cheval ailé avec un visage et un buste de femme et une queue de paon. Symbole de triomphe et de gloire, le Buraq transporte les élus au paradis. Ambiguïté du Buraq Chaza Charafeddine est interpellée par le visage du Buraq tel qu’il est représenté dans la tradition islamique, notamment moghole. Car ce visage de femme est maquillé, son regard est aguicheur, il est lourdement ornementé. Cependant, le buraq n’a pas un caractère spécifiquement féminin. De par son caractère divin, il n’est ni homme ni femme. Cette ambiguïté sexuelle va devenir un critère de beauté dans les sociétés mogholes du 15e au 18e siècle. Les hommes seront glabres et les femmes au contraire masculinisées, telles les femmes de la dynastie qajar. 208
Sur une longe période, il sera difficile de distinguer un homme d’une femme, sinon par leurs bijoux de tête. Pour l’artiste, il y a comme une révélation dans cette caractéristique insolite de l’art islamique : « au Liban, en particulier, nous sommes peu instruits sur l’art islamique en général. Nous n’avons pas de musées ou d’œuvres majeures qui en rendent compte avec fidélité. L’art européen nous est bien plus familier », souligne-t-elle, ajoutant que c’est l’école de Lahore, au Pakistan actuel, qui a produit les plus grands enlumineurs et maîtres de la miniature persane. La Divine comédie, sur une affiche de Najwa Karam « Un jour, raconte Charafeddine, je vois une affiche représentant Najwa Karam. Une affiche géante où l’on voit la chanteuse de trois quarts, dans une robe blanche moulante qui met en avant un postérieur avantageux. Je vois en elle le buraq et je me lance dans un premier montage. Pour moi, les artistes moyenorientales sont comme le dieu Krishna,
Photos DR
Entre la danse et les arts visuels, un cheval ailé Après quatre ans de formation en danse eurythmique à Hambourg, Chaza Charafeddine revient au Liban au début des années 2000 avec le projet de transmettre cette langue gestuelle qui se parle avec le corps tout entier. Après un premier spectacle « pas très abouti », ditelle, elle est contrariée par la maladie qui l’oblige à abandonner la danse. Six ans passent où elle se disperse en activités diverses. Sa créativité est mise en veilleuse. Un jour, un ami lui demande si, de par ses relations, elle ne connaitrait pas un de ces illustrateurs qui réalisent des portraits à la gloire des martyrs de la résistance. Il lui montre un livre sur les représentations populaires de l’art islamique. Il s’agit d’un art à la fois naïf et très codifié. Charafeddine y découvre, fascinée, les représentations du Buraq, cet animal fabuleux « blanc et long, plus grand qu’un âne mais plus petit qu’une mule, qui pose son pied aussi loin que le regard peut porter », qui a transporté le prophète Mahomet lors de son voyage
elles changent sans cesse de visage et finissent par se ressembler toutes à force de vouloir adopter le même aspect. Je décide de les transformer toutes en Buraq. Mais je me rends compte qu’il est très difficile d’obtenir une autorisation pour les prendre en photo, surtout pour ce projet. Certains assistants me disent même que ce serait nuisible à leur image. Je me tourne donc vers la communauté homosexuelle, transsexuelle et transgenre. Des hommes féminisés avec lesquels je menais de longues entrevues avant de commencer à les photographier. Ils m’intéressaient d’abord en tant qu’humains, puisque l’humain est au coeur de ma démarche. J’écoutais leur « être femme ». Leur aspiration à la féminité était telle que rien ne pouvait être assez féminin pour la définir. L’un d’eux m’a même dit « tu ne peux pas comprendre, tu es une femme ». Un autre affirmait qu’il détestait porter des chemises dont les boutons étaient cousus du côté droit, ce boutonnage étant traditionnellement réservé aux chemises masculines. Quand on avait fini
de parler, on enclenchait le processus du portrait. Je faisais mes collages sur des fonds de miniatures persanes en puisant dans leur bestiaire fantastique l’animal qui correspondait à la personnalité de chacun. Pour Alexandre Paulikevitch (danseur oriental et chorégraphe), j’ai choisi le paon, symbole de beauté, de sagesse et de vanité. Un paon qui danse. Pour Krikor Jabotian (styliste et couturier) j’ai choisi un paon qui vole. Quatre autres personnages ont été transformés en anges. Le résultat était intéressant. Très pop, il attirait l’attention sur un art peu connu, lui offrait une dimension contemporaine et contribuait à offrir une visibilité à une communauté souvent persécutée. J’ai intitulé ce projet « la Divine comédie », en référence à l’oeuvre de Dante qui, dit-on aurait eu connaissance de la narration musulmane sur le buraq et sa traversée des sept ciels, entre enfer et paradis. » Comprendre la souffrance à travers Bacon « Au bout de mon projet sur la Divine 209
comédie, je me suis prise au jeu. L’artiste en moi, comblée, réclamait une suite. J’avais besoin d’exprimer d’autres émotions. A partir de 2011, les images qui nous parvenaient de la guerre de Syrie réveillaient en nous des souvenirs atroces. J’avais l’impression que cette souffrance était la pire jamais vécue depuis la deuxième guerre mondiale. Moi qui ai grandi dans la guerre, je n’aurais jamais pensé que cela pourrait encore se passer de nos jours. Les corps qui étaient restitués aux familles étaient mutilés, déformés. Ils me faisaient penser aux toiles de Bacon. Comme je ne pouvais pas participer aux secours ni être sur place, j’ai voulu à ma manière dire à ces gens que je les vois, me mettre virtuellement à leur place, leur exprimer mon empathie. Il est très important pour ceux qui souffrent d’avoir un témoin pour faire part de leur douleur. Pour reproduire dans ma peau ces images pénétrantes, ma référence la plus insistante était Bacon, lui qui sans cesse reproduisait dans son œuvre la douleur et la folie de son compagnon en proie
à l’alcoolisme. J’ai fait peindre mon visage et mon buste avec deux palettes empruntées à Bacon, l’une de rouge, jaune et brun, l’autre de noir, rouge et bleu. Le photographe Talal Khoury a photographié mon reflet sur des plaques d’aluminium, les unes mates, les autres miroitantes. Nous avons fait cinquante tentatives avec différentes projections de lumière pour réussir le bon angle, et plus de 1600 photos pour obtenir les 30 finales. » Corps dormants et corps endormis « C’est comme si j’avais tout à coup besoin de paix. J’ai réfléchi à la différence entre le corps dormant et le sommeil en tant que tel. Le sommeil est souvent turbulent, bien que le corps dormant reflète un abandon intense. Durant quarante cinq jours, j’ai dormi sous l’œil d’une caméra qui enregistrait mes nuits. Les photos qui résulteront de ce projet en cours seront réalisées en tirages uniques. Les tirages papier seront superposés sur d’autres tirages sur plexiglas, donnant ainsi une idée du dormeur et de sa psyché ». 210
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TISSER LA LAINE ET L’EAU dossier Par F.A.D
Photos DR
Artiste autodidacte, Taher Asad-Bakhtiari est né à Téhéran en 1982. Son approche consiste à réinventer techniques et usages en interrogeant les objets et textiles traditionnels. Son projet autour du tissage tribal (The Tribal Weaves Project) chahute une tradition textile longue de plusieurs centaines d’années. Sa nouvelle série (Galerie Carwan, du 20 mai au 10 juin 2016) tourne autour de la « salle du bassin », une pièce estivale de l’architecture ancestrale iranienne que rafraichit un jet d’eau.
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La salle du bassin est un atrium décoré d’un bassin central qui offre sa fraîcheur durant les mois de canicule. C’est un espace où chante l’écho de l’eau tandis que les invités se détendent dans une atmosphère contemplative. Inspiré par cette pièce centrale de l’ancienne résidence de sa famille à Téhéran, Taher AsadBakhtiari s’en sert pour créer une collection de tapisseries tribales contemporaines où le souvenir de la fraîcheur de l’eau est capturé dans les entrelacs colorés des fils de laine. Sous des cloques de peinture blanche Asad-Bakhtiari confie : « Notre salle du bassin se trouvait au sous-sol, encadrée de murs en arcades selon l’architecture classique islamique. Dans mon enfance, les alcôves étaient recouvertes de mosaïque. Il y avait des lanternes partout, et le bassin au milieu de la pièce.
Cette salle m’accompagne en souvenir depuis toujours. Je crois que mes grandsparents ont voulu par la suite recréer cet espace traditionnel en le modernisant un peu. En ce temps-là, le sol était recouvert de kilims, gabbeh et coussins sur lesquels les gens s’étendaient pour jouer de la musique, fumer la chicha et se détendre. Les murs étaient peints en bleu turquoise, l’arche centrale en or et les alcôves recouvertes de tuiles rouges. Des années plus tard, mes grands-parents se sont installés dans un appartement. La maison a été louée et la salle entièrement repeinte en blanc. A l’âge adulte, j’ai voulu intégrer ce souvenir dans mon travail. Un jour j’y suis revenu. L’humidité avait décapé les murs, laissant entrevoir l’ancienne peinture bleue. Je me suis mis à peler les cloques et je suis tombé amoureux de ce qui m’est apparu. Les gabbehs de la salle du bassin sont une illustration de ce lieu 213
magique. » Ce bassin hante, de fait, les tissages de cet artiste conservateur, à la fois au sens de gardien et de créateur de nouveaux patrimoines. Le gabbeh, pour fixer le souvenir Longtemps dans les tribus nomades le tissage a été une activité féminine. Les plus beaux tapis, gabbeh et kilims retracent dans leurs motifs tout un écheveau de rêves et de souvenirs, des journaux intimes en hiéroglyphes et divers talismans. Quel meilleur support que ces toiles familières, pour cet artiste obsédé par la disparition des choses belles ? En faisant tisser par des femmes issues de tribus seminomades, Asad-Bakhtiari s’exprime à travers leur regard et leurs mains. Il leur confie l’interprétation radicale du bassin de son enfance. La laine qu’elles tissent a été filée selon des méthodes artisanales. Les couleurs des fils sont
Si le kilim est tissé horizontalement sur la trame, le gabbeh consiste en petits fils noués le long de ce support. L’innovation d’Asad Bakhtiari est de présenter la trame nue par endroits, avec pour résultat, sur le kilim, une impression de linéarité et de légèreté, et sur le gabbeh, un contraste fort entre la délicatesse de la trame et la densité des nœuds. Dans les deux cas, on obtient un effet de patchwork. Entre ces pleins et ces vides, cette transparence par endroits et cette respiration, Asad-Bakhtiari chahute une tradition de plusieurs siècles, mais c’est pour mieux la conserver, dit-il, en lui donnant sa chance dans le monde d’aujourd’hui. « Le changement crée de la résistance, et la résistance, en retour, catalyse le changement », souligne-t-il. 214
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organiques. Chaque pièce nécessite plusieurs mois de fabrication. Ici, on n’a pas la sophistication des tisseurs de tapis, pas de carton, pas de modèle. On tisse des motifs simples inspirés de ce qu’on voit : la montagne, le ciel, la terre, les animaux. Souvent ces éléments sont exprimés à travers des aplats de couleurs vives, reflétant une puissante vision conceptuelle du monde.
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CONGO, CE LABORATOIRE DE L’IMPOSSIBLE INTERVIEW D’ANDRÉ MAGNIN Propos recueillis par WILLIAM MASSEY
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Depuis près de trois décennies, André Magnin, commissaire d’expositions, sillonne inlassablement le continent africain. Tombé en arrêt devant la diversité et la richesse de la production artistique congolaise, il propose aujourd’hui à la Fondation Cartier pour l’art contemporain l’exposition “Beauté Congo - 1926-2015 Congo Kitoko”, un voyage à travers 90 ans d’une histoire de l’art jusqu’à présent méconnue. Pour L’Officiel, il revient sur la génèse de l’exposition et analyse la portée de cet événement.
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L’exposition “Beauté Congo 1926-2015 Congo Kitoko” s’inscrit dans une histoire de rencontres, jusqu’ici ponctuelles, entre regards européen et congolais. En 1926 – première borne temporelle de l’exposition – Georges Thiry, fonctionnaire colonial belge, s’inquiétant notamment de la préservation de la décoration des cases peintes au Katanga, rassembla un ensemble d’œuvres qu’il présenta en Belgique, en France et en Suisse. En 1946, Pierre Romain-Desfossés, marinier français peintre à ses heures, créa à Elisabethville (actuelle Lubumbashi) un atelier d’art, le Hangar, encourageant les jeunes artistes congolais à développer leur talent. Malgré ces quelques croisements, le Congo a, depuis 90 ans, édifié une histoire de l’art qui lui est totalement propre. Quel esprit a animé votre démarche dans la genèse de cette exposition ? ANDRÉ MAGNIN : Mon intention 231
Page précédente, JP Mika, La Sape, 2014, acrylique, huile et paillettes sur toile, 160 x 140 cm, collection privée. En haut, Jean Depara, Sans Titre (Moziki), c. 1955-1965, tirage gélatino-argentique, 55,5 x 38 cm, Caac – The Pigozzi Collection, Genève ; en bas, Jean Depara, Sans titre, c. 1955-1965, tirage gélatinoargentique, 77 x 113 cm, collection Revue Noire, Paris ; en arrière-fond, Mode Muntu, Le Calendrier lunaire Luba, 1979, gouache sur papier, 55 x 43 cm, collection Meir Levy, Bruxelles.
liminaire va bien au-delà de l’exposition elle-même. Depuis de nombreuses années, les voyages de recherches que j’ai menés sur l’art contemporain traduisent une ample ouverture vers les cultures et les pays nonoccidentaux. Dans les années 1980, nous étions, en effet, très ignorants de la production artistique des trois quarts de l’humanité. Il y a 25 ans seulement, Pierre Gaudibert écrivait que l’adjectif “international” désignait les échanges artistique entre l’Europe de l’Ouest et les Etats-Unis dans des termes scandaleusement restrictifs. Depuis 1986, je mène une recherche sur l’art sous toutes ses formes, dans toute l’Afrique subsaharienne. Les mégalopoles telles que Lagos, Kinshasa ou Johannesburg possèdent leurs propres identité, caractère et singularité. Trente années de voyages intenses au plus profond de l’Afrique, à la recherche des artistes les plus originaux, inventeurs de mondes, de langages, d’œuvres éblouissantes et puissantes. C’est seulement en 1989 que j’ai pris connaissance de l’existence d’un art moderne qui me semblait être tombé dans l’oubli. Peu à peu, je suis parvenu à localiser quantité d’œuvres inédites. Avec “Beauté Congo” j’avais donc plusieurs ambitions. La première était de partager
autant de découvertes, d’œuvres méconnues et éblouissantes qui m’ont désappris ce que je croyais savoir, qui m’ont amené à porter un autre regard et offrir une autre vue sur l’art vivant d’un pays vivant. Ma seconde ambition était de raconter, à travers ces œuvres, une histoire artistique congolaise de 90 ans qui, jusque là, n’a été décrite que partiellement, et visuellement connue par bribes mais jamais dans sa totalité. Il n’y a pas de filiation stylistique entre le moment des “précurseurs”, le moment du Hangar, le moment des artistes populaires et la jeune scène actuelle, mais il existe entre eux une commune appartenance à un Congo vibrant, traversé d’énergies des plus tranquilles aux plus volcaniques.” Vous avez sélectionné 350 œuvres de 41 artistes qui se déploient à travers une véritable polyphonie de médiums (peinture, sculpture, photographie, bande-dessinée et musique). Comment ce parcours personnel que vous décrivez éclaire t-il les choix que vous avez opérés dans le commissariat de l’exposition ? “J’ai cherché par l’exposition d’une grande quantité d’œuvres à inviter à un voyage, à provoquer la surprise voire l’émerveillement. Kinshasa est le berceau de la peinture “populaire”, comme la nomme le peintre Chéri 232
Samba “parce qu’elle vient du peuple, concerne le peuple et s’adresse au peuple”. Tous ces peintres que j’ai rencontrés font appel, chacun à leur façon, à la mémoire collective, à l’histoire locale et leurs peintures en témoignent : scènes de bars, fêtes nocturnes, rumba, sapeurs, disputes de voisinage. Ils retranscrivent, en couleurs, une ambiance, un mode de vie. Ce sont des reporters de l’urbanité. Arrivé à Kinshasa à la fin des années 1980, je fus saisi par la liberté, la variété, l’humour et la beauté des tableaux que je voyais défiler sous mes yeux. Seul, en Afrique, le Congo pouvait inspirer pareille effervescence de sensualité, de radicalité et d’exubérance, dans une utilisation sans limite de la couleur. Le regretté Bodys Isek Kingelez fait ici office de référence : dans son atelier isolé de l’agitation chaotique et anarchique qui règne à Kinshasa, il imaginait des villes harmonieuses, rêvées, utopiques. Ce que souhaitait Bodys est probablement en train de se réaliser. Les mégalopoles s’organisent, le paysage urbain s’assainit, et son œuvre aura ainsi peut-être permis de prendre conscience de l’importance et de la nécessité de se réapproprier une production artistique trop peu connue dans son pays d’origine. Cet art ne se
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Ci-contre, Pilipili Mulongoy, Sans titre, 1955, gouache et huile sur papier, 46 x 53 cm, Musée royal de l’Afrique centrale, Tervuren, H.O.1.744.
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Page de droite, en haut, Moke, Sans titre (Match Ali-Foreman, Kinshasa), 1974, huile sur toile, 88 x 166 cm, collection privée ; en bas, Chéri Samba, Oui, il faut réfléchir, 2014, acrylique et paillettes sur toile, 135 x 200 cm, collection de l’artiste. Ci-dessus, Chéri Samba, Amour & Pastèque, 1984, huile sur toile, 79 x 89 cm, collection privée ; en arrière-fond, Lukanga, sans titre, non daté, huile sur papier, 30 x 41,5 cm, collection Pierre Loos, Bruxelles.
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À VOIR “Beauté Congo – 1926-2015 – Congo Kitoko”, commissaire général : André Magnin, jusqu’au 10 janvier 2016, Fondation Cartier, 261, boulevard Raspail, Paris 14. À LIRE Pierre Gaudibert, “La planète tout entière, enfin” in Magiciens de la Terre, Catalogue, 1989, Editions du Centre Pompidou. Fondation.cartier.com #FondationCartier #BeautéCongo
De gauche à droite et de bas en haut, Steve Bandoma, Rigobert Nimi, Chéri Samba, Monsengo Shula, JP Mika, André Magnin, Kiripi Katembo (à la gauche d’André magnin), Papa Mfumu’eto 1er, Kura Shomali.
rattache à rien, le public n’a pas besoin de mode d’emploi pour l’apprécier sinon une disponibilité d’esprit qui permettra à tous de se l’approprier.” L’exposition a reçu un accueil d’un enthousiasme rare auprès d’un public de tous horizons, et a bénéficié d’une très importante couverture médiatique nationale et internationale. Pour vous qui avez sillonné le continent africain depuis presque 30 ans, quel regard portezvous sur cet engouement relativement soudain ? “La rumeur d’une exposition inédite, belle, et tout à fait accessible, ainsi qu’une couverture médiatique internationale, ont certainement contribué à faire de “Beauté Congo” un grand succès public. Ce succès est d’autant plus réjouissant qu’il montre un véritable appétit de connaissances du grand public, pour un art méconnu venu d’un pays dont l’image véhiculée par les médias est bien loin d’autant de beauté. Cette exposition est le fruit du hasard et de la nécessité. Le hasard des contacts entre des hommes, des Congolais et des Européens, séparés par leurs racines, leur culture, et la nécessité d’en suivre le fil tout au long d’une histoire de 90 ans. Pourtant, Lubaki est exposé pour la première fois de 1929 à 1931 à Bruxelles, à l’occasion de l’inauguration du
Palais des Beaux-Arts, au Musée d’Ethnographie de Genève et à Paris à la Galerie Charles-Auguste Girard sous l’égide de la revue Jazz, puis à Rome. Il est même prévu un catalogue dont la préface serait confiée à Blaise Cendrars ou à Paul Morand. Djilatendo quant à lui est exposé à Bruxelles aux côtés de Permeke, Delvaux et Magritte. Et pourtant, ces précurseurs présentés en Europe retombent, dès 1935, dans un quasi oubli. L’histoire se répète pour les œuvres de tous les artistes du Hangar qui avaient intéressé les milieux artistiques européen, américain et africain. En effet, à partir des années 1950, des expositions présentent leurs œuvres à Paris, à Londres, au Moma à New York et ailleurs aux Etats – Unis en 1952, jusqu’en Afrique du Sud. A la mort de Pierre Romain Desfossés, en 1954, on perd la trace de la plupart des artistes qui ont fréquenté le Hangar. Il serait légitime de comprendre un jour comment de telles expositions avec de tels artistes et de telles œuvres sont retombées dans l’oubli. C’est vingt ans plus tard, en 1978, à Kinshasa, qu’un groupe de jeunes artistes “populaires” trouve une large audience et une adhésion des kinois, grâce à l’exposition “Art Partout” à l’Académie des Beaux-Arts. Puis, à l’aube des 235
années 2000, l’école des Beaux-Arts de Kinshasa devient un lieu de partage et d’échanges qui facilite l’ouverture vers d’autres formes d’expressions artistiques et permet l’émergence de fructueuses réflexions critiques. Toute une jeune génération d’artistes engagés s’en est emparée pour en faire son terrain d’expérimentation. Cette accumulation de connaissances m’a permis de prendre ici le rôle du rassembleur, à la fois des œuvres et de leur histoire, sans esquiver la passion personnelle qui me le fait tenir. Henri Michaux disait que “toute une vie ne suffit pas pour désapprendre ce que, naïf, soumis, nous nous sommes laissés mettre dans la tête”. Ces mots résument les raisons qui m’ont poussé à aller vers les artistes et à “laisser entrer en moi la beauté polyphonique du monde”. A mon sens, nous pouvons mourir non pas du manque de merveilles mais du rétrécissement de notre émerveillement”. De nombreuses personnalités du monde de l’art, des politiques, des diplomates, des scientifiques, congolais, français, d’origine africaine et des internationaux ont visité “Beauté Congo”. Comment la nouvelle de l’exposition a t-elle été accueillie au Congo ? Dans quelle mesure l’exposition a t-elle acquis une
dimension quasi politique ? “En effet de très nombreuses personnalités des domaines et origines que vous citez nous ont honorés de leur visite. Aussi les artistes présents n’ont pas manqué de faire entendre les difficultés qu’ils doivent affronter pour produire certaines œuvres à message politique et qui les obligent à élaborer toutes sortes de subterfuges, et traits d’humour pour créer des œuvres tellement “belles”, que jamais personne ne verra qu’ils protestent, comme l’a si bien dit l’artiste Yinka Shonibare. “Oui chers amis de l’art, il ne faut pas croire que, les artistes congolais sont libres chez eux au Congo” a exprimé Chéri Samba de son sourire aussi malin que ravageur lors de l’inauguration officielle. Les plus hautes personnalités politiques du Congo sont venues spécialement visiter cette exposition. Ils ont reconnu découvrir tout un pan d’une histoire culturelle qu’ils ne connaissaient pas et dont ils allaient rendre compte au président Kabila afin de réfléchir à une véritable politique culturelle au Congo, car “l’art est ce qui cimente le mieux les idées et les peuples” a écrit Frédéric Bruly Bouabré dans une lettre manuscrite en réponse à la question : Qu’est-ce que l’art pour vous ? J’ai entendu que de nombreux artistes congolais invités à cet événement à Paris, une fois, rentrés au pays, ont été accueillis dans leurs quartiers par des banderoles qui montraient toute la fierté de leur voisinage. L’exposition “Beauté Congo” initie aujourd’hui des événements artistiques qui sollicitent tous les artistes congolais à produire des œuvres qui seront bientôt présentées au peuple congolais. On ne peut jamais envisager a priori le
succès médiatique et public d’une exposition. C’est en avançant dans mes recherches et l’organisation de cette exposition que j’ai pris peu à peu la mesure des enjeux esthétiques mais aussi historiques et politiques de ce projet. J’ai pris conscience que les artistes congolais avaient écrit leur propre histoire en toute liberté sans chercher à rendre des comptes à notre histoire occidentale de l’art.” Cet art “sans théorie ni exégèse”, pour reprendre vos propres mots, provoque la surprise mais peut également faire naître un certain sentiment de familiarité dans les yeux de celui qui regarde. Pour vous qui avez forgé votre regard sur l’art africain à l’aune de vos connaissances sur l’art occidental, croyez-vous en l’existence d’un langage commun, d’un art global ? A l’aube du XXIe siècle, la situation culturelle mondiale est placée sous le signe de l’interrelation, de l’internationalisation croissante de l’économie, de l’information, de la communication. Dans ce contexte, “le métissage culturel généralisé devient une utopie concrète, c’est à dire un croisement de cultures comme seule réponse à l’homogénéisation menaçante, comme seule réponse à un art global. L’Europe n’a pas le choix d’une ouverture confiante et difficile et en tout premier lieu vers l’Afrique” pour citer à nouveau Pierre Gaudibert. Pierre Romain Desfossés en 1946 déclarait vouloir défendre les artistes, ses protégés, contre les pédagogies perverses : “Nous devons nous élever avec force contre toute méthode d’abolition de la personnalité au profit d’une esthétique uniformisée, au niveau des maîtres blancs”. Les artistes congolais, Chéri Samba, Bodys Isek 236
Kingelez ou encore le peintre Moke, plus savants à leur manière, affranchis de la tutelle imposée par le modèle occidental, autodidactes ou populaires auquel on a voulu les cantonner, ne sont plus aujourd’hui considérés sous le seul angle de leur origine mais pour la singularité et la puissance de leur œuvre. Ils prennent ce qui leur plaît de notre histoire sans la subir. Les artistes ont la conscience des possibilités infinies de la création et la conviction que la culture joue un rôle important pour l’épanouissement, les développements et l’avenir de l’Afrique. Partout, les artistes s’appuient sur ce qu’ils savent de leur propre existence. Ce qu’un artiste a de plus proche est son environnement immédiat, d’où qu’il provienne et quel que soit le contexte. Cet héritage est donc intuitivement ou consciemment présent dans les œuvres. Il est intéressant de voir la liberté que les artistes africains, présents sur la scène internationale, affichent et comment ils élargissent le champ de l’art contemporain, comment ils écrivent leur propre histoire et participent à une histoire de l’art mondiale depuis la fin du XXe siècle. “Beauté Congo”, nous fait découvrir des œuvres oubliées, ignorées, méconnues, un art qui a pu se développer en toute liberté, sans tutelle, affranchi de tout ce qui pouvait le restreindre. Laboratoire de l’impossible, l’Afrique parait être de tous les continents celui qui bouge et innove le plus. Le grand artiste ivoirien Frédéric Bruly Bouabré avait pensé il y a bien longtemps que “les arts et la réalité africaine demeurent d’une radieuse beauté et méritent d’être interprétés et fièrement présentés pour informer et instruire les hommes”. C’est aussi son vœu qui est exaucé avec “Beauté Congo”.
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“Avec ‘Beauté Congo’ j’avais, notamment, l’ambition de partager autant de découvertes, d’œuvres méconnues et éblouissantes qui m’ont désappris ce que je croyais savoir.” AM
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LE MODERNISME SELON GEORGES AMATOURY A peine sorti de sept ans d’architecture à l’Alba, plus une année de management à l’ESCP, Georges Amatoury est précipité presque par hasard dans l’industrie du design. Un hasard heureux, puisqu’il y trouve sa véritable vocation.
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Texte F.A.D.
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« Je n’avais pas envie de travailler dans l’architecture », se souvient ce préquadra piégé entre deux temps, entre la lenteur du processus de création et l’impatience de voir l’œuvre aboutie. Pour Georges Amatoury, le travail de l’architecte est à cet égard beaucoup trop décalé, trois longues années au moins entre les premiers dessins et le bâtiment final. Par bonheur, ses parents, galeristes spécialisés dans l’Art Déco, s’associent avec le fabricant de meubles Hugues Chevallier, acquièrent la franchise de la marque et fondent une fabrique au Liban pour écourter les délais de livraison. Amatoury prend entre-temps le chemin des Vosges et réapprend le métier de designer de meubles en immersion dans les ateliers de l’éditeur français. C’est ainsi qu’il crée sa propre ligne, Georges Amatoury Studio, à travers laquelle se dégage l’influence moderniste des années 50 à 70 du siècle dernier.
Anti-tendances Certes, l’inspiration « mid-century » et la tutelle de maîtres du design tels que Pierre Paulin, Ettore Sottsass ou Oscar Niemeier, dominent les créations du jeune designer, mais son fil conducteur demeure l’architecture. Il veut réaliser des objets avant tout bien structurés, puissants, présents, qui tiennent la route sans se laisser influencer par les tendances. Idéalement, des sculptures domestiques, des objets d’art qui seraient fonctionnels. Objets verticaux « J’aime les objets de dimensions importantes, qui se laissent voir dans tous leurs détails », confie Amatoury. Donc les bars, les consoles, les grandes tables de conférences ou de salles à manger plutôt que les coffee-tables dont l’édition est presque toujours une déclinaison de pièces monumentales. C’est ainsi que verront le jour, au fil 229
des années, la ligne Mikado posée sur un enchevêtrement de minces barres d’acier, de fer ou de bronze de plusieurs teintes, dont le designer réalise des consoles, tables basses et même des chandeliers. La ligne Carat s’inspire du World Trade Center, tout comme naguère la flèche du Chrysler building de New York a inspiré les designers de l’Art Déco. Les piédestaux de la ligne Carat sont des socles multifonctionnels taillés à la manière des gemmes, coupés au laser et finis main. D’ailleurs, Amatoury n’a pas résisté à la tentation de proposer sa propre vision du Chrysler avec une ligne éponyme de consoles crantées, à pied ou suspendues, en acier miroitant pour l’assise et oxydé pour le plateau. Toujours dans les hommages du designer à l’architecture, on découvre la ligne Eiffel inspirée des croisillons de la célèbre tour, mais avec un je-ne-sais quoi
de miroirs entre sorcières (ces miroirs convexes de la Renaissance, entourés souvent de rayons solaires) et « Orbit », autre série de miroirs circulaires en cuivre poli, on découvre la ligne de meubles Riva, inspirée du luxueux canot en bois vernissé de la Riviera. Avec ses pieds coniques et son plateau elliptique en bois précieux posé sur une coque en acier poli, cette collection sculpturale dégage une réelle puissance structurelle. Un tsunami végétal sur la ville Si Amatoury ne cache pas son amour pour l’acier, matériau auquel il se confronte inlassablement, le grattant, 230
Rédemption du militaire Lors de la semaine du design de Beyrouth 2016, lancée sous le vocable du développement durable, Georges Amatoury propose dans sa galerie de la rue Trabaud, à Achrafieh, des pièces originales d’avions militaires historiques transformées en tables, luminaires et miroirs. Sa manière personnelle de transformer la guerre en paix, le militaire en esthétique et des engins hostiles en objets familiers.
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de japonisant et radicalement pur et contemporain. La ligne de tables d’angle Chicago n’est pas sans rappeler l’esthétique des années 40 avec ses trois cercles, celui, plus petit, du double piétement, et celui du plateau, séparés par une ellipse verticale en acier. La ligne Cocteau, simple et élégante, associe le bois de macassar avec ses rainures graphiques à un double piétement en cercle interrompu. Entre un hommage à Mondrian à travers la collection Metropolis qui alterne des plateaux carrés et rectangulaires de couleurs et textures variées, entre acier traité, sycomore et bois laqué, et un jeu
le griffant, le gravant, le polissant et l’oxydant à loisir, c’est à un challenge inédit pour lui que l’expose l’architecte Gregory Gatserelia, en lui proposant d’interpréter pour sa galerie (Smo Gallery) un meuble qui représenterait l’invasion hypothétique d’une cité par le règne végétal. Sa proposition consiste en un alignement de cubes de différents matériaux, teintes et textures, noyés dans un bain solide de résine pigmentée de vert, telle la ligne d’horizon d’une ville engloutie par une végétation spontanée. Après plusieurs tentatives, la résine chauffant de manière incontrôlée et présentant des craquelures, la bonne mixture est enfin trouvée et la formule fixée. Le meuble ainsi réalisé est baptisé « Green Pompéi ». Après avoir créé l’attraction à la semaine du design de Dubaï, il trône désormais en bonne place dans cette métropole, dans une villa dont l’entrée monumentale est un véritable musée privé.
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DAR EL-NIMER, LA PAIX DU LEVANT AU CŒUR DE BEYROUTH Par CATHERINE-LÉA OTAYEK
La fondation Dar el-Nimer pour l’art et la culture, c’est plus qu’un centre culturel. Dar el-Nimer, c’est le fruit de la passion d’un homme pour sa Palestine, c’est un appel à la tolérance, et un acte de résistance. Cette initiative qui s’est donné pour but ultime de réunir les peuples du levant autour de leur héritage commun, réussira-t-elle à tenir son ambitieuse mission ? New York, notamment, il se lie d’amitié avec des collectionneurs iraniens, experts en arts islamiques, qui avaient fui l’Iran postrévolutionnaire pour l’Amérique. El-Nimer se spécialise alors en art ottoman, en n’oubliant jamais sa passion pour ce qu’il appelle « la chose la plus douce » : la Palestine. « Ce n’était plus une collection, » dit-il, « c’était une mission. Pour moi, une collection d’art qui n’a pas d’objectif, est une collection sans âme. » Plusieurs années plus tard, mai 2016, le collectionneur voit son rêve prendre forme : la fondation Dar El-Nimer pour l’art et la culture est inaugurée dans les murs de la villa Salem, secteur Clémenceau, à Beyrouth. C’est cette plateforme, ouverte aux débats les plus controversés et aux partages autour de l’identité levantine, qui a donné sa raison d’être à la collection personnelle de El-Nimer. Dar el Nimer, ce n’est donc pas un simple centre culturel. Dar el Nimer, c’est une déclaration d’amour à la terre d’origine de Rami el-Nimer, la Palestine, 234
et un geste de gratitude envers son pays d’accueil, le Liban. C’est un acte de résistance, un projet d’engagement, un appel à la tolérance, et une vision pour un Levant uni au delà de ses diversités. Dar el-Nimer, ou la consolidation d’une identité arabe « Le drame des Palestiniens c’est qu’on leur a volé leur identité. » raconte El-Nimer. « Il y a eu beaucoup de colonisations dans le monde, mais ce qui est arrivé à la Palestine, c’est qu’un autre peuple lui a arraché son identité et son héritage, et se les est appropriés. » Le défi des Palestiniens, pour lui, est de réussir à préserver leur culture. El-Nimer s’est donc donné la mission, à travers la fondation Dar El-Nimer, de redonner confiance aux Arabes en leur rappelant qu’ils ont une histoire riche, et un important héritage culturel et artistique. Il considère que sous l’Empire ottoman, les pays du Levant regroupaient un même peuple. À travers les différentes pièces de sa collection,
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Ce projet, cela fait des dizaines d’années que Rami el-Nimer en rêve. Très jeune, déjà, ce collectionneur d’origine palestinienne avait commencé à s’intéresser à l’art et aux objets anciens. Dans les années 60, il passait ses vacances d’été à Naplouse, une ville située au nord de la Cisjordanie, dans une citadelle que sa famille avait héritée de ses ancêtres. « J’étais fasciné par cet endroit, » se souvient-il. « Et par les pistolets, les photos, et les objets anciens que nos aïeux nous avaient laissés.» C’est avec la défaite arabe de 1967, et la prise de la Cisjordanie par Israël, que le garçon, qui avait tout juste 11 ans, commence à collectionner des objets. Faute de pouvoir retourner à Naplouse, il amasse cartes postales, pièces de monnaies, livres d’histoires et petits souvenirs pour se remémorer la terre qu’on lui avait arrachée. Petit à petit, sa collection se développe et sa passion avec. Entre la Suisse et New York où il fait ses études, il améliore ses connaissances artistiques commence à collectionner des objets de valeur. À
il espère promouvoir la tolérance et la fraternité entre ces peuples aujourd’hui séparés, bien qu’unis par la même histoire. Un vide artistique de 1600 ans Pour son projet, Rami El-Nimer n’a pas choisi le Liban par hasard. Il considère le Liban comme un exemple de liberté d’expression pour les pays environnants, comme l’épicentre du monde arabe pour le dialogue et les débats. Cependant, « la faiblesse du Liban, du point de vue culturel, explique-t-il, c’est qu’on y trouve des musées archéologiques et des galeries d’art moderne et contemporain, mais il y a toute une période artistique de 1600 ans qui n’y est pas représentée.» Il prévoit donc, avec sa collection « simple mais sophistiquée, » de combler ce vide, et de retracer le lien manquant entre ces deux périodes. La fondation sera donc responsable de la collection personnelle de El-Nimer mais sera aussi un espace d’expositions, de performances, d’ateliers, de résidences artistiques, de débats, de conférences et autres. « Dar El-Nimer permettra d’ouvrir un dialogue entre les Libanais 235
Un espace ouvert pour une plateforme d’échange Le porche de la villa Salem, construit perpendiculairement à la façade principale, offre à lui seul un avantgout d’escapade. À l’abri des regards 236
indiscrets, ses murs d’un blanc immaculé sont recouverts de plantes et guident le visiteur loin du brouhaha de la ville. En acquérant cette maison dans les années 90, Rami El-Nimer a contrecarré la démolition d’un spécimen de l’architecture moderne. Ainsi, la villa Salem, conçue en 1936 par l’architecte français Lucien Cavro, était le premier projet libanais basé sur “l’effet domino” de Le Corbusier. Ce concept architectural va d’ailleurs étrangement bien avec la vision du fondateur de Dar El-Nimer: des espaces complètement ouverts, rythmés uniquement par des colonnes de structure, sans aucun mur de séparation. La première exposition « At the Seams : a Political History of Palestinian Embroidery » qui a débuté le 25 mai dernier, date anniversaire de la libération du Liban Sud, a été organisée en partenariat avec le Musée Palestinien qui a récemment été inauguré à Birzeit (Cisjordanie). L’exposition retrace l’évolution de la broderie palestinienne, influencée par les évènements politiques de la région. Faites donc un saut vers la rue d’Amérique, à Clémenceau. La villa Salem, étonnamment grande, vous arrachera, le temps de votre visite, au tapage de la ville, pour vous replonger dans une époque où les orientaux vivaient en harmonie.
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et les Palestiniens », explique Rawad Bou Malhab responsable de la communication à la fondation. « Les palestiniens sont souvent marginalisés au Liban, et les libanais ont parfois de fausses idées les concernant. Il est temps pour nous de dépasser ces préjugés. » Dans cette optique, Dar el-Nimer organise dès le mois prochain des visites guidées pour des élèves d’origines Libanaise et Palestinienne. La fondation se donne donc, en plus de son engagement politique, une mission éducationnelle et académique. Ainsi, outre le café-terrasse, et les espaces d’exposition et d’ateliers artistiques, Dar El-Nimer comportera une bibliothèque et mettra certains objets de la collection El-Nimer à la disposition de chercheurs. « Notre collection de livres proviendra en partie de la collection de M. El-Nimer, » explique Bou Malhab, « mais nous compterons également sur des donations privées de livres et de publications. Ce sera pour nous une façon d’impliquer la communauté dans ce projet. »
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GARDEN STATE, UN JARDIN POUR TOUTES LES SAISONS dossier Propos recueillis par PHILIPPINE DE CLERMONT-TONNERRE
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Spot incontournable de la night life beyrouthine, il est la création verte de Moodlab, la boite à concepts à qui l’on doit, entre autre, The Grand Factory. Avec son nom, sa déco trendy et son set-up irréprochable, Garden State a tout du restaurant new generation. Aux commandes, un trio d’entrepreneurs qui aime mordre un peu sur tout. Rencontre avec Nabil Hayek, l’un des associés.
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Comment vous définiriez-vous ? Plutôt restaurateurs ou plutôt businessmen ? Nous sommes des entrepreneurs spécialisés en Food and Beverage.
Quand nous avons vu que ça prenait, nous avons retenu le terrain pour six ans et nous l’avons planté. D’ici un ou deux ans ce sera cinq fois plus vert.
Pourquoi avoir choisi cet emplacement à Sin El Fil ? C’était un terrain vide qui appartenait à ma famille. Les données étaient cool pour pouvoir ouvrir un lieu sympa. Il n’y a pas de problèmes de voisinage. C’est à la fois à Beyrouth et en périphérie.
Vous vous intéressez aussi à la mode ? Oui ! A l’occasion de la Beirut Design Week nous avons organisé un grand photo-shoot avec des vêtements en forme de plantes vertes. Les mannequins sont des “influencers”, des personnes très suivies sur les réseaux sociaux. Chacun d’entre eux a été sponsorisé par une marque, pour l’occasion.
Les plantes vertes, c’est plutôt nouveau dans le paysage de la nightlife ? Nous en avions assez des rooftops qui poussent partout. En même temps nous voulions un espace ouvert. La première année nous avons commencé avec une structure assez petite et informelle.
Vous comptez énormément sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui c’est devenu indispensable. Il y a tellement d’endroits qui ouvrent partout. Ceux qui savent le mieux 239
utiliser les réseaux sociaux arrivent à atteindre le plus de gens. Nous travaillons avec une compagnie spécialisée dans ce domaine. Nous aurions préféré ne pas sous-traiter. Mais pour cela il faut avoir un vrai département, des employés qualifiés, une vraie équipe. Quel est le profil de votre clientèle ? Vingt-trois ans et plus. Nos clients nous ressemblent et nous représentent. Une nouvelle génération de fêtards, moins show off, plus travailleurs et terre à terre que leurs aînés. Un peu plus hipster aussi … Quel est le programme pour cet été ? A partir de juillet, il n’y aura que des surprises ! Nous allons faire venir des
groupes et des DJs internationaux. Nous nous apprêtons aussi à lancer un grand projet autour du développement durable, avec un programme de levée de fonds au profit d’ONG. Autre changement, Garden State sera ouvert toute l’année. Il y aura un jardin d’été et un jardin d’hiver ! Et tout ça en musique… Il y aura plusieurs DJs en alternance: Ronim, Subliminal, Cynthia Malek… On jouera des choses avant-gardistes, du new disco au happy house en passant par la pop. Un avant-goût de la carte de cet été ? Cette année c’est très simple. De l’huile d’olive extra vierge et de bons produits frais, basiques, super simples. Un bon citron, du sel et du poivre. De la burrata, des calamars grillés, une salade d’asperges, un carpaccio, un tartare de saumon. Et du coté des “ drinks “ ? Nous avons cinq cocktails signature. Le top du top, c’est le Sorrow Beirut. Un cocktail international inspiré du gin basil auquel on a ajouté de l’arak. C’est un succès total. Il y a aussi le Rainforced qui cartonne. Qu’est-ce qu’on trouve à Garden State qu’on ne voit pas ailleurs ? C’est vraiment l’espace qui fait la différence. C’est un très bel endroit, un petit bijou bien desservi. 24 0
DAMOUR ET DE VAGUES Direction artistique JOSÉE NAKHLE Photographe JIMMY DABBAGH Réalisation MELANIE DAGHER
Bien sûr, ce n’est pas Hawaï, mais comme spot de surf, Damour le fait. A moins de trente minutes de Beyrouth par route claire, cette longue plage de sable naguère plantée de bananiers attire les adeptes de la planche qui forment une communauté bariolée, familière des modestes rouleaux de vagues butant sur un récif sous-marin d’elle seule connu et vénéré. Dreads, combinaisons, tatouages et tags, quelques palmiers, ici on prend les choses au sérieux.
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LE SPA AUTREMENT Par F.A.D
Le satellite libanais du célèbre spa londonien Urban retreat va bientôt ouvrir ses portes. Tout comme son homologue anglais niché au dernier étage du grand magasin Harrod’s, l’espace de bien-être est situé au sommet du complexe Aïshti by the sea qui abrite également la fondation Aïshti. Trois mille mètres carrés de bonheur, une piscine, un bar vitaminé et des moments rien qu’à soi. coupe et de la couleur. Des produits exclusifs et ultra performants seront à la disposition des techniciens pour des résultats inédits. Côté gym, la salle est équipée de machines ultra-modernes et dirigée par un fitness manager selon des méthodes qui garantissent des résultats impressionnants tant au niveau de la forme que des formes. Une salle de boxe est également prévue pour les amateurs de cette discipline qui est aussi une formation à la combattivité morale, au quotidien. 24 6
Cerise sur le gâteau, une piscine ouverte, sur le toit, de 21,7m x 5 m2, est mise à la disposition des usagers du spa, avec un service de commande connecté au bar diététique spécialisé dans les jus vitaminés et la cuisine légère. L’accès à ce complexe se fait sur abonnement, avec des dispositions spéciales pour les détenteurs de la carte Aïshti. Mais que ce soit pour une journée unique, un mois ou six mois, le tarif des abonnements est étonnamment abordable. C’était notre rubrique « la bonne nouvelle de l’été ». Pourquoi s’en priver ?
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Les douze cabines sont presque prêtes. En toute intimité, y sont proposés tous les soins que l’on attend d’un spa, tous les soins possibles du corps, du visage, du cheveu et de la peau. Entre les mains expertes d’une équipe formée par les instructeurs londoniens, visage et corps sont massés, tonifiés, revivifiés, et enfin relaxés et rajeunis grâce à des traitements de dernière génération. De l’épilation classique à l’épilation au laser, la manucure, la pédicure, le soin des cheveux, rien n’est laissé au hasard. La gestion du salon de coiffure est confiée à une star internationale de la
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Avec ses deux adresses dans le sud du pays, l’enseigne Aman vous invite à une parenthèse de beauté tropicale, entre flamboyant passé colonial et univers nature et design. Attention : haute probabilité d’addiction.
La mosquée et le phare à l’intérieur des remparts du Fort de Galle. Sous le caquetant concert des corbeaux du matin, une musique. Quelques notes répétitives, chaudes, lointaines : une flûte. Vient-elle du Fort de Galle, ou du demi-sommeil qui vous étreint encore? On finit par ne plus savoir. Le réel se dilue et la paresse vous garde sous les draps. L’hôtel Amangalla a pris ses quartiers dans cet ancien bâtiment de la Compagnie hollandaise des Indes Orientales, à l’intérieur des remparts d’où, pendant des siècles, on a guetté les voiles des Arabes puis des Européens venus chercher des épices, de la soie et des pierres. Murs blancs, carrelage et parquet d’époque, mobilier colonial en bois sombre et hauts ventilateurs font tournoyer l’air chaud de la mousson finissante, autant que les images d’un Ceylan rêvé. Le personnel, drapé de saris blanc à fines rayures bleues, va et vient dans le jardin où le bassin vert tendre sert de miroir à la végétation rayonnante. On respire une grande bouffée de calme avant de se lancer dans le ballet indolent des tuk-tuk qui vibrionnent dans Galle. Cette magnifique petite ville voit éclore d’année en année des adresses de charme, boutiques (pierres précieuses, antiquités, saris/sarongs, épiceries colorées), restaurants, chambres d’hôtes aux vérandas de bois sculpté et cours intérieures ombragées par des banians, magnolias et bougainvilliers. Pour une plongée franchement plus “roots” dans la vie locale il faut sortir des remparts et se confronter à la ville moderne, bruyante et populeuse. Chose faite grâce à l’hôtel qui nous prépare un dîner “hors les murs”. Aman signature. 18h. On saute dans un tuk-tuk, direction la côte. On longe le front de mer où les étals de bois livrent la pêche du jour, où la brune population habillée de vêtements bariolés se croise en tous sens dans les derniers rayons du soleil. Après 250
une vingtaine de minutes et quelques frayeurs inhérentes à la circulation routière du pays, un sentier de terre nous amène à de paisibles rizières piquées de cocotiers. À pied, suivant les bougies qui dessinent un chemin de lumière, on s’enfonce dans le crépuscule entre les cris des grenouilles et des paons. Une mare de nénuphars, une cuisine de brousse : nous arrivons au point de rendezvous pour une cooking class cinghalaise. Le chef de l’hôtel a apporté ses casseroles pour nous préparer – et nous faire préparer – les fameux rotis, des crêpes fourrées aux légumes et à la viande. Une parenthèse gourmande et onirique comme l’enseigne en a le secret, à la fois simple et raffinée, récréative et réfléchie, pour que le passage rejoigne l’expérience. On aimerait étirer les jours et les nuits à l’Amangalla, car c’est là, sans conteste, que l’élégance tranquille a élu domicile. Mais le chauffeur nous attend. On quitte Galle pour rejoindre, en deux heures de route, l’extrême sud de l’île : Tangalle. En chemin, passées les plantations de thé où s’affairent les cueilleuses tamoules, on fait une pause au fameux site rupestre bouddhiste de Mulkirigala, datant du IIe siècle. À l’arrivée, une nuée d’enfants rieurs, tout de blanc vêtus, nous accueille. C’est la classe, en plein air, à l’ombre d’un rocher de 200 mètres dans lequel sept temples s’échelonnent jusqu’au sommet. On y accède par une envolée de 500 marches, très commodes au départ, beaucoup moins à la fin. Gare au vertige. Les Bouddhas couchés dans des grottes et les sublimes peintures sont un ravissement. Tout en haut, le sud du Sri Lanka s’offre à vous ! Nous reprenons la route, direction l’hôtel Amanwella, tout près de Tangalle, deuxième refuge de l’enseigne dans l’île. Changement de décor pour cet hôtel planté dans
La piscine de l’Amawella.
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la sable d’une cocoteraie, les yeux dans l’océan Indien. On est immédiatement happé par l’horizon. La prochaine terre, c’est l’Antarctique. Autant dire que les vagues qui déferlent sur la plage ont eu le temps de se charger en énergie. Sublimes de puissance. Le soir, la berceuse est virile. Même les immenses baies vitrées fermées ne suffisent guère à faire taire l’onde pleine de fureur. C’est tout le charme de cet hôtel qui a résisté au tsunami de 2004. Un mélange de douceur insufflée par l’esprit Aman, la légèreté des hautes palmes qui dansent dans l’azur, le calme des lignes brutes et épurées du bâtiment signé par l’architecte australien Kerry Hill (en hommage au modernisme tropical de Geoffrey Bawa) : face au bleu rageur de l’océan. Petite chose on reste, telles l’étoile et la luciole, fidèles compagnes du soir. Si l’Amangalla célèbre et régénère le riche passé du Ceylan colonial, l’Amanwella contraste littéralement avec un parti pris contemporain minimaliste immergé dans la nature. Ici les 30 suites offrent toutes une piscine et une terrasse privées donnant sur l’océan. À l’intérieur, tons sable, bois, terracotta et pierre se mêlent aux éléments plus contemporains. L’hôtel, suivant la plage, forme un croissant et préserve un droit d’accès à la plage pour les locaux. On n’est pas sous cloche, la vie va, les pêcheurs ont leurs dhonis sur la plage, les enfants jouent, bien que ces jours-ci la force des rouleaux n’invite guère à la baignade. Qu’importe, la sublime piscine de 50 mètres, en surplomb des vagues, est un bon point de vue sur l’immensité. 251
Y aller Traveler in the World propose une escapade au Sri Lanka de 8 jours/6 nuits, 3 nuits à l’Amangalla et 3 nuits à l’Amanwella (base double), avec petits déjeuners, à partir de 5 270 € TTC par personne. Ce prix comprend les vols A/R Paris/Colombo (avec escale à Bombay) en classe économique avec la compagnie Jet Airways, les taxes d’aéroport, un véhicule privé avec un guide-chauffeur francophone pendant le circuit, et de multiples visites dans les régions traversées. Tél. 01 42 36 19 10. www.travelerintheworld.fr Séjourner À Galle Hôtel Amangalla. Idéalement situé à l’intérieur du Fort (classé au patrimoine mondial par l’Unesco), l’hôtel propose 30 chambres et suites à la décoration coloniale. Au Dining Room, la carte est un mélange de cuisine occidentale et sri-lankaise. Belle bibliothèque. Spa avec bains, sauna,
hammam et cabines de soins. Barber shop. Pavillon de yoga et de méditation. L’hôtel propose également des cures ayurvédiques personnalisées de 3, 7 ou 14 jours, suivies par un médecin. À partir d’environ 510 € la nuit. À Tangalle Hôtel Amanwella. Construit dans une cocoteraie, sur la plage, l’hôtel propose 30 suites à la décoration contemporaine minimaliste, ouvrant sur l’océan, avec terrasse et piscine privée. Le restaurant propose des plats mêlant cuisine asiatique et méditerranéenne, mettant l’accent sur le poisson fraîchement pêché. De l’autre côté de la plage, le Beach Club, pour déjeuner ou dîner en privé, les pieds dans le sable. Lounge Bar. Bibliothèque. Boutique. Grande piscine. Pas de spa à proprement parler mais un espace soins et massages. À partir d’environ 580 € la nuit. Réservations au (65) 6715 8855, e-mail : reservations@amanresorts. com. www.aman.com 252
Voler Au départ de Paris-CDG 2C, Jet Airways, première compagnie aérienne privée internationale de l’Inde, propose de relier Mumbai (Bombay) grâce à deux vols directs quotidiens sur Airbus A330, puis Colombo. Forte de son partenariat avec Air France, Jet Airways permet aux passagers de la Province un pré-acheminement au départ de Lyon, Marseille, Nice, Toulouse en code share. A/R Paris/Colombo via Mumbai, à partir de 655 € TTC en “Economy Class” et 2 311 € TTC en “Première”, la classe affaires de Jet Airways. La “Première” offre un maximum de confort grâce à ses 18 sièges inclinables à 180 degrés, une cuisine gastronomique occidentale signée Yves Mattagne, doublement étoilé au Guide Michelin, et des plats indiens créés par Arun Harnu de la célèbre Bombay Brasserie à Londres. Réservations au 01 49 52 41 15, e-mail : paris@jetairways.com, ou sur jetairways.com
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Carnet de route
L’architecture de l’Amanwella, signée Kerry Hill, rend hommage au modernisme tropical de Geoffrey Bawa.
Le grand salon colonial de l’Amangalla. Chaque suite a son intime piscine privée.
BONS BAISERS DE ZANZIBAR Il y a des escales incontournables sur la route d’un voyageur. Cette île métissée par l’Afrique, l’Europe et l’Orient en est une. L’hôtel Park Hyatt vous y attend pour faire de ce rêve une merveilleuse réalité.
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Par LAURA DANIEL-SAINTEFF
Chaque chambre est unique, la décoration est inspirée par la culture locale swahili mais viennent s’ymêler des notes perses, indiennes, arabes ou encore européennes. L’hôtel en compte soixante-sept, dont onze suites, certaines offrant une vue sur la mer, d’autres sur les rues de la ville. Chaque chambre est unique, la décoration est inspirée par la culture locale swahili mais viennent s’y mêler des notes perses, indiennes, arabes ou encore européennes. Ce métissage, typique de Zanzibar, se retrouve également à la carte du restaurant qui propose toute sortes de houmous et aubergines marinées, mais aussi des poissons grillés et des légumes frais, le tout parfumé aux épices locales. Pour une détente absolue, il y a l’Anantara Spa avec trois suites dont une suite “couple” et un balcon extérieur privé pour se prélasser à l’ombre d’un arbre centenaire. L’écrin idéal pour savourer les soins, les massages aux pierres chaudes, et s’enivrer des effluves d’huiles miraculeuses. Afin de découvrir les paysages merveilleux qu’offre la Tanzanie, l’hôtel vous organise, sur demande, des excursions en bateau pour partir à la découverte des îles vierges bordées de sable fin et caressées par l’eau cristalline de l’océan. Mais aussi pour explorer les fonds marins et leurs coraux, poissons multicolores, tortues géantes et sympathiques dauphins. Le paysage est idyllique. Comme une utopie. Après plusieurs jours et plusieurs nuits à vivre au rythme des navires langoureux, il faut partir. Autour de l’hôtel, dans les rues animées, on se promène une dernière fois pour rapporter chez soi un peu de là-bas. Quelques épices, des paniers colorés ou un éventail en osier. Pour ne pas oublier que le temps peut parfois aller un peu moins vite et que, quand il ralentit, c’est beaucoup mieux.
Zanzibar, Tanzanie, archipel de l’océan Indien. Le citer, c’est déjà voyager. C’est déjà partir loin. Dès l’arrivée sur l’îlot qui fait face au continent, un nouveau monde s’offre à vous. Après avoir regardé la mer s’éclaircir à travers le hublot, les portes de l’avion s’ouvrent enfin et l’air chaud imbibé d’épices vous grise immédiatement. Il faudra seulement quelques minutes de voiture pour rejoindre la vieille ville de Stone Town classée au patrimoine mondial de l’Unesco, et y découvrir la nouvelle adresse de Park Hyatt. Nichée dans les ruelles sinueuses de la ville, à quelques encablures du célèbre marché aux épices, se dresse l’imposante porte de bois de l’hôtel. Dès l’entrée, le calme reprend ses droits. Un bassin de marbre clair flotte sous des lampes orientales, mais les yeux ont à peine le temps de balayer le sublime lobby qu’ils sont attirés, irrémédiablement, par le bleu azur de la mer qui scintille derrière les baies vitrées. Dehors s’étire une grande terrasse de bois. À gauche, une piscine vitrée à débordement sur l’océan, à droite, les tables du bar puis celles du restaurant. En face, quelques marches seulement descendent tout droit vers le sable. Un nouveau voyage commence là. Alors l’espace-temps se modifie, tout ralentit autour de vous. Les dhows, sublimes voiliers traditionnels, passent lentement le long de la baie. Impossible de quitter la terrasse avant d’avoir vu le ciel changer cent fois de couleur et regardé le soleil disparaître totalement sous l’horizon, toujours bercé par le paisible ballet des bateaux. Il est temps de rejoindre sa chambre. 255
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MANIFESTE POUR LA GALANTERIE Par LAURA HOMSI
C’est un de “mes hommes du quotidien”. Ces personnes qui essaiment dans nos vies, sans pour autant faire partie du cercle proche des amis et/ou de la famille. Ils embellissent une journée un peu morose d’une petite attention, sans pour autant le clamer sur les toits. C’est le voisin qui propose de porter les packs d’eau sur les escaliers. C’est celui qui cède sa place dans un métro bondé ou encore envoie des fleurs juste “parce que”. Le monsieur qui dit “vous être très jolie mademoiselle” quand on le croise dans la rue. Celui qui met un point d’honneur à 260
ouvrir et tenir les portes des immeubles, des voitures ou des ascenseurs... Une multitude de gestes mais un seul point commun: la discrétion. Pas besoin de costume à la James Bond - qui même quand il sort de l’eau après avoir tué les méchants garde brushing et smoking impeccables. Si on ouvre les yeux, on trouve tous dans notre entourage un de ces “héros de la vie ordinaire.” Ceci est une ode à tous ces hommes. Et surtout un manifeste pour le retour à cette galanterie du quotidien, finalement pas si fréquente. Je milite activement pour préserver cette espèce en voie de disparition, les hommes galants. Il faut croire que nous sommes assez nombreuses à y être sensibles. La dernière fois que je suis passée voir mon kiosquier, j’ai croisé une habituée du quartier venue lui offrir des croissants. Pour être tout à fait franche, cela m’a un peu vexée. Finalement, on est plusieurs sur le créneau du croissant... Et puis je me suis rappelée que la galanterie va dans les deux sens. Alors j’ai souri et essayé d’être “galante” moi aussi. Notre rituel continue.
Illustration MOHAMAD ABDOUNI
Je vis une grande histoire avec le kiosquier au coin de ma rue. Un vieux monsieur à la classe folle qui a toujours une petite attention pour chacun. Il s’enquiert systématiquement de la famille et connaît les habitudes des uns et des autres. Régulièrement, il a la gentillesse de m’offrir un de mes magazines préférés. C’est là que débute un rituel bien rodé et qui a toujours la même issue. Je marchande pour réussir à payer mais suis contrainte de capituler à chaque fois. C’est comme un aller-retour en express pour Beyrouth, c’est si peu courant en France! Alors, dès que possible, je lui apporte son petit-déjeuner (pain au chocolat et jus d’orange).