L'Officiel-Levant May Issue 45

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RENDEZ-VOUS 38 44 222 224

ÉDITO LES NEWS ADRESSES PLAYLIST

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PORTRAITS 44 58 60 62 64 66 68 70 72 74 78

ÉMILIE KAREH INGRID CAVEN MARILÚ MARINI PIERRE PASSEBON GEORGINA RIZK ISABELLA ROSSELLINI HAIDER ACKERMANN ADRIANA ASTI RAMI KADI ARIELLE DOMBASLE FATOȘ YALIN ARKUN, UNE FEMME FEY

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LA MODE 116 118 130 140 154 164

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ÉDITO AUTOPSIE ANATOMIQUE, AVEC DITA VON TEESE SMOKING, AVEC CATHERINE DENEUVE LA NOUVELLE ÈVE, AVEC KRISTIN SCOTT THOMAS APPARITION DISPARITION, AVEC ISABELLE ADJANI LES DEMOISELLES DE ROCK’ FORT, AVEC HELENA NOGUERRA, JOANA PREISS ET JEAN-BAPTISTE MAUNIER BANDE À PART, AVEC DIANE ROUXEL, HUGO BEHARTHINIÈRES, THÉO CHOLBI ET LUKAS IONESCO 1 SAC, 4 FILMS

LA VIE 192 TONY DUQUETTE 206 TATOUÉS EN ARABE 208 LA BRODERIE S’ACCROCHE AU FIL DU TEMPS 210 ZNOUD EL SETT, CONFESSIONS DE FEMMES 212 EVA IONESCO ET SIMON LIBERATI 214 BEYROUTH, Ô BRAZIOU ! 216 JORGE SEMPRÚN 218 L’HÔTEL MEURICE

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Éditeur

TON Y SA L A M E GROU PE TSG SA L

Rédaction RÉDACTRICE EN CHEF

FIFI A BOU DIB RÉDACTRICE EN CHEF AD JOINTE

M É DÉ A A ZOU R I RÉDACTRICE E T COORDINATRICE

ST É PH A N IE NA K HL É

Département artistique DIRECTRICE DE CRÉ ATION

M A L A K BE Y DOU N DIRECTRICE ARTISTIQUE

L AY L A NA A M A N I

Contributeurs RÉDACTION

PHIL IPPIN E DE CL E R MON T-TON N E R R E , GIL L E S K HOU RY PHOTO

R AYA FA R H AT, GIL L E S K HOU RY MODE

M É L A N IE DAGHE R , M AYSSA FAYA D

Production FABRICATION

A N N E M A R IE TA BET RE TOUCHE NUMÉRIQUE

FA DY M A A LOU F

Publicité et Marketing DIRECTEUR GÉNÉR AL COMMERCIAL E T MARKE TING

M E L HE M MOUSSA L E M DIRECTRICE PUBL ICITÉ

ST É PH A N IE M ISSIR I A N DIRECTRICE MARKE TING

K A R IN E A BOU A R R A J

Directeur responsable

A M IN E A BOU K H A L E D

Imprimeur

53 DOTS DA R E L KOTOB

n° 45 MAI 2014



directrice de l a rédaction

M A R I E -JOSÉ SuSSk I n d -JA LOu directrice mode

VA n ESSA bELLugEOn cur ateur

v incen t da r r é directeur de cré ation

M Ich EL M A LL A R d Présiden t s

M a r ie -José Ja lou & M a x iM e Ja lou direc t e ur Génér a l

Be nJa M i n e y M è r e direc t e ur Génér a l P ubl ici t é

ol i v ie r J u nge r s direc t e ur édi tori a l

e M M a n u e l ru Bi n direc t e ur in t ern at ion a l e t m a rk e t inG

n icol a s r e y nau d direc t e ur du dé v el oPPemen t

gé r a r d l ac a pe senior m a n aGer in t ern at ion a l & m a rk e t inG

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ROBERTO X MILEY Dans le même genre que Gaultier et Madonna, la mode et la musique se réunissent à nouveau. Cette fois c’est Roberto Cavalli et Miley Cyrus qui s’associent pour la tournée de la chanteuse. Bien joué de la part de Miley qui fait fort dans la provoc et bien joué de la part du créateur qui frappe souvent fort. Déjà que les croquis sont alléchants. On attend de voir ça sur scène ! M . A z . Roberto Cavalli, rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.115

MATERIAL GIRL On a craqué pour ce sac bicolore chez Balenciaga. On a craqué pour ce sac qui joue avec les matières. Le python orangé qui danse avec le cuir noir et la toile beige. On a craqué pour la forme de ce sac. A la fois classique et provocateur. On a craqué. Point. M . A z . Balenciaga, rue Fakhry Bey, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.570

ENTRE LE ROUGE ET LE NOIR Il y a le blanc. Lors du défilé d’Antonio Berardi, cette silhouette a fait sensation. Le créateur italien qui a été l’assistant de John Galliano avait attiré les regards lors de son show final à Central St. Martin’s College of Art and Design il y a 20 ans. Son style est dédié aux femmes urbaines qui préfèrent les coupes classiques à l’extravagance. Sauf que le style est là et avec ce modèle, il s’amuse à nous surprendre. Et c’est beau.

UN PEU PLUS PRÈS DES ÉTOILES

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Délavé, frangé, étoilé, le short DeFrahima de Diesel, avec sa coupe de rêve minutieusement étudiée pour valoriser les jambes, est tout sauf n'importe quel short. Et sûrement le must-have de la saison. F. A . D .

Antonio Berardi, en vente chez Aïshti, Centre-Ville,

Diesel, 129 rue Foch, centre-ville, Beyrouth

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news

CHLOÉ FAIT L'ÉVÉNEMENT Le 28 mars dernier, Chloé offrait un trunk show devant la boutique éponyme de la marque située au centre-ville de Beyrouth. Un cocktail réunissait des dizaines d'invités, passionnés de mode venus assister au défilé des modèles printemps été 2014 de Chloé, dans le quartier le plus glamour de la capitale libanaise. Sous un soleil printanier, les mannequins ont présenté 12 looks de la nouvelle collection. La directrice artistique de Chloé, Clare Weight Keller, a mis l'accent, cette saison, sur la douceur de cette marque iconique avec des tissus légers et des coupes fluides, tout en maintenant le côté garçon manqué qui en fait le charme. Classique mais cool, la collection se décline dans une palette neutre où le noir, le blanc, le kaki, le gris et le marine ont la part belle. Les mannequins portaient deux des sacs phares de la maison, les "tote" Alice et Clare en cuir bicolore. F. A . D . Chloé, rue Fakhry Bey, Beirut Souks, centre-ville, Beyrouth. +961 1 99 11 11 ext.580

ÇA Y EST ! Aurélie Bidermann dont on arbore les bracelets, les colliers et les pendentifs fantaisie depuis des années, lance enfin sa première collection de joaillerie. Mûrie depuis plus d’un an, la designer a pris le parti de l’excellence et de la lumière d’or. Couleurs douces ou acidulées, surfaces légèrement martelées, contrastes, patines et gemmes colorées. Rien que ça. Les pierres précieuses ont été choisies méticuleusement. Quant au savoir-faire, on le connaît. On sait combien Aurélie Bidermann est attentionnée. Qu’elle s’est toujours entourée des meilleurs artisans, a travaillé dans les meilleurs ateliers. On sait, mais à chaque fois qu’on regarde son travail, on fond. Et cette fois, encore plus que d’habitude. M . A z .

ENCORE ET TOUJOURS NICOLE Mais comment fait Nicole Kidman pour paraître de plus en plus jeune. On peine à la reconnaître sur la nouvelle campagne de Jimmy Choo pour l’hiver prochain. Elle est belle et ses cheveux « out of bed » donnent envie. Ses boots aussi. Ses boots surtout. C’est dit, cet hiver, on sort en chemise et veste blanches. Et pour habiller les jambes, rien que ces mini boots. M . A z .

Aurélie Bidermann, en vente chez Sylvie Saliba, Achrafieh, Beyrouth,

Jimmy Choo, rue Fakhry Bey, Centre-Ville, Beyrouth,

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news

VISIBLEMENT PROVOCATEUR Agent Provocateur ne fait pas que dans la dentelle. Il grignote souvent du territoire autour du vêtement intime. Tout ce qui touche à la peau, du parfum au fouet coquin fait aussi partie de son domaine. Le maillot de bain est une évidence. Si évidente d'ailleurs que, pour le printemps été 2014, la marque britannique a revisité ses modèles iconiques, comme le Mazzy ou le Blaise, dans des coloris fluo inratables. Pour voir et être vue, même dans l'eau, même de loin. F.A.D. Agent Provocateur, ABC, Dbayé,L0, autoroute du Nord. +961 4 417 217

FILLE DE POP Quand Stella McCartney sort une nouvelle collection, il faut s'attendre à deux constantes: la pop qu'elle célèbre en digne fille de Beatles, et la nature dont elle entretient le culte, entre yoga et aliments organiques, depuis ses débuts dans la mode. Ce printemps été 2014 lui ressemble plus que jamais, avec ses imprimés cœurs, pâquerettes ou python, ses couleurs tendres, ses gris-gris brodés ou ses applications surdimensionnées. On adore la nouvelle déclinaison de sa célèbre ligne de sacs bordés d'une chaîne caractéristique, en particulier les back packs en cuir pastel. F.A.D.

WAITING FOR THE SUN

Déjà qu’on aimait New Balance, non seulement pour leurs modèles confortables, sexy mais surtout pour leurs prix imbattables, maintenant que Heidi Klum en est l’image, on aime encore plus. Parce que la jeune femme est en forme, qu’elle est belle et qu’on aimerait bien lui ressembler. Et 1, 2, 3, 4. M . A z .

Pour la deuxième saison consécutive, c'est le mannequin Freja Beha qui joue les muses pour la collection printemps été de Zadig et Voltaire. Baptisée "Waiting for the sun" comme la chanson des Doors, cette nouvelle ligne célèbre une fois de plus l'esprit rock de la marque parisienne, si libre qu'elle a fait d'une paire d'ailes son emblème. Près de la moitié des bénéfices des ventes sera, cette saison, reversée à Médecins sans Frontières. Les ailes, ça sert aussi à voler au secours d'autrui! F.A.D

Stella McCartney, avenue Fakhry Bey, Beirut Souks,

New Balance en vente chez Aïzone, Centre-Ville,

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HEIDI FAIT DU SPORT


SOLAIRES "SO REAL" L'année 2014 aura été celle du grand retour de la "Panto", modèle caractéristique des lunettes masculines des années 50 et 60 avec leur cadre épais en acétate et leur pont en forme de trou de serrure. Dior n'est pas en reste, mais Dior y ajoute du génie. Ses lunettes "So Real" de cet été mêlent avec harmonie lignes architecturales et esprit couture. La monture, tout en légèreté, semble ne tenir à rien si ce n'est à l'arc qui survole les sourcils. Les verres semi-miroir argent assurent une protection 100% UV. Souvent l'élégance passe par le mystère. F.A.D. Dior, rue El Moutran, centre-ville, Beyrouth +961 1 99 11 11 ext. 592

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LE CHEVAL SELON HERMÈS

STRIKE A POSE Pucci vient de lancer une application que probablement toutes les modeuses de la planète vont downloader. De quoi s’agit-il ? D’utiliser le dressing room de la maison pour, après avoir pris un selfie, essayer toutes sortes de foulards et les porter de différentes manières. Une fois la photo prise, on poste sa photo sur les réseaux sociaux en utilisant le hashtag #PucciScarfie et @emiliopucci. Les meilleures photos seront publiées sur la page Tumblr de Pucci. Le plus ? L’app est directement liée à un e-store. Donc on peut tout de suite se procurer le foulard en question. Pour nous, c’est déjà fait. M.Az.

FAUVE Encore plus rock, encore plus cloutée, cuirassée, dentelée, encore plus rouge et noir, encore plus animale, la collection The Kooples printemps été 2014 est en boutique. La marque qui joue sur la complicité artistique des couples n'a pas fini d'explorer ce domaine de la mode où le vêtement dégage une étrange énergie érotique. F.A.D.

La cinquième édition du saut Hermès a ouvert le printemps au Grand Palais. Qui mieux qu'Hermès pour organiser ce rendez-vous des meilleurs cavaliers internationaux? Ce critérium a été une fois de plus prétexte à trois jours d'un spectacle équestre intense et fabuleux où deux épreuves reines, le Grand Prix Hermès et le Saut Hermès ont permis de confirmer l'excellence des champions les plus titrés du monde. Et pour que la relève continue à être assurée, les épreuves des Talents Hermès, réservées aux cavaliers de moins de 25 ans, permettaient de valoriser les jeunes potentiels dont quelques uns ont déjà rejoint leurs aînés sur la piste. Plus qu'une compétition sportive, cet événement, par son élégance et sa beauté, s'assimile à une féria où les accessoires et les couleurs de la maison Hermès, née de l'univers équestre, suffisent à poser le décor. F. A . D .

Pucci, 109 rue Allenby ,Centre-Ville, Beyrouth,

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LA PETITE ROBE NOIRE POUR TOUTES Courbes précises, tissus précieux et caressants, hanches et tour de taille accentués…Fini les robes informes pour camoufler des rondeurs mal assumées. Marina Rinaldi retaille la petite robe noire dans un esprit 50's, cette exquise décennie qui aimait qu'une femme ait de la pulpe. F.A.D. Marina Rinaldi, rue Allenby, centre-ville, Beyrouth

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Après s'être longtemps concentré sur le parfum d'intérieur, Diptyque s'ouvre peu à peu à la beauté personnelle. La maison du boulevard St Germain vient d'ajouter deux eaux de cologne à sa petite collection où brillent déjà Eau Moheli et Eau Rose. Cette fois, c'est un grand classique, la lavande, que revisite ce spécialiste des senteurs. L'Eau de Lavande de Diptyque est relevée de coriandre, cannelle et noix muscade qui la rendent plus ample et généreuse. Quant à Geranium Odorata, c'est un pur chef-d'œuvre de fraîcheur un peu androgyne qui compose une symphonie avec la bergamote, le vétiver, le cèdre et des senteurs poivrées. De futures madeleines. F.A.D.

QUAND LA PEAU A SOIF Dior crée Hydra Life Close-Up, un nouveau geste pour réconcilier les femmes avec leur peau. Ce soin hydrate et traite les causes de visibilité des pores en ciblant leur source. La peau est parfaitement hydratée tandis que l’apparence de tous les types de pores est corrigée en profondeur, immédiatement et durablement. Pour une peau nue éclatante, aux pores comme invisibles, et sans artifice. F.A.D.

PHOEBE SE LÂCHE

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Phoebe Philo a le don de nous surprendre saison après saison. Cet été, elle se lâche. Et ça marche. Déjà, ses sandales à grosses semelles sont en rupture de stock. Donc celles-ci vont probablement continuer à se vendre comme des petits pains. La jupe et le top aussi. Le collier, idem. Bref, tout quoi. Joli coup. M . A z .

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Diptyque en vente chez Aïshti, rue El Moutran, centre-ville, Beyrouth +961 1 99 11 11 ext.104


news

VIOLET Gucci a toujours aimé le violet. Ça tombe bien, nous aussi. Son sac à franges en python est à mourir. Disco bag ? Dans le genre, on ne peut pas faire mieux. Sac de jour ? Dans le genre on ne peut pas mieux faire. Peu importe, on va le porter 24/24. M.Az Gucci, rue El Moutran, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.200

SAGA AFRICA

SUBLIME DENIM

La très californienne maison de jeans 7 For all Mankind propose à l'ensemble de l'humanité son lifestyle maison: sauter sans problème et presque sans bagage d'une ville haletante à un désert dépeuplé. "Seven" vient d'inventer, l'air de rien, le vestiaire d'une époque à un avion de distance de toute terre habitée. Il fallait juste penser "élégant, versatile, confortable". Et surtout le faire. F.A.D.

Quand on entend Barbara Bui parler du denim, on ne regarde plus le jeans de la même manière. "Le Denim est une matière authentique (…), je l'ai utilisé pour sa noblesse et sa puissance comme je travaille le cuir". Entre coupe, modelage, pinces, nervures, surpiqûres et découpes, la toile devient sculpture. "Elle sculpte le corps" dit la créatrice qui recommande "le coton blanc en complément de tous ces bleus". Un clin d'œil aux idoles de toute une époque: "L'élégance cool d'un Gainsbourg pids nus dans des derbies blanches, L'irrévérence d'une Birkin en minirobe ou pantalon d'homme jazzy. F.A.D.

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RED On aime ! Le rouge des shoes, le rouge du blouson, le rouge du sac. On aime, parce qu’on a envie de voir la vie en rouge. Avec passion. On aime parce que c’est Longchamp et que ce sac, on a beau en avoir déjà plusieurs, c'est précisément celui qu'on veut. Alors, en rouge… M.Az. Longchamp, ABC Achrafieh, Beyrouth, +961 1 20 26 08

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THE ORIGINAL AMERICAN BRAND

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Elle est née à Beyrouth, a grandi à Paris, étudié à Londres et vit entre New York et Los Angeles. Elle s’appelle Emilie Kareh et son nom apparaît souvent dans nos pages. Parce que c’est une collaboratrice de “L’Officiel Hommes” et qu’elle a beaucoup travaillé avec les éditions Jalou.Emilie Kareh dit d’elle-mÊme qu’elle “habille des mannequins” pour des photoshoots. La styliste photo au portfolio riche de collaborations avec “Vanity Fair US” , “Purple Magazine“, “Interview” , est notre “Officielle du mois“. Cette fois, c’est elle qui prend la pose. Par MÉdÉa Azouri PHOTOS Alice Hawkins ’ai eu une enfance très heureuse, à la fois parisienne et beyrouthine, remplie de bouquins et de liberté ». Emilie Kareh introduit avec douceur ce qu’elle nous racontera d’elle. Une maman journaliste et écrivaine. Une maman forte qui lui communique son ambition. Un père tendre et aimant. Un frère, Frédéric, plus jeune de deux ans qui est son meilleur ami. On comprend mieux. A 18 ans, elle quitte la France pour faire ses études à Central Saint Martins, à Londres. « J’y ai beaucoup appris, et d’abord qu’il était possible de travailler en s’amusant et sans forcément être dans un bureau » dit-elle en souriant. « Il n’y avait pas de retour en arrière pour moi : la liberté que j’avais à ce moment-là, je la voulais pour toujours. Le truc avec les écoles d’art c’est qu’on apprend à être libre et à se trouver mais on n’apprend pas forcément comment trouver du travail ou comment grandir. Ce qui est une excellente chose pour la créativité et peut être aussi une mauvaise chose pour les gens qui ne sont pas débrouillards. » Emilie Kareh termine ses études et postule pour un stage à « Vogue Paris ». Coup de





des photoshoots et des campagnes de pub mode, Emilie Kareh rencontre énormément de monde.

chance, elle y rencontre une rédactrice de mode qui avait besoin d’une assistante. « Ludivine Poiblanc m’a prise sous son aile. J’ai travaillé pour elle en full time. Malgré nos départs respectifs du magazine, nous sommes restées très proches. » Un nouveau monde s’offre à elle. Rédactrices en talons toute la journée. Vêtements et accessoires partout. « Je ne savais même pas ce que voulait dire «styliste photo» quand j’ai commencé, alors que c’est mon job aujourd’hui. Et donc que ce métier existait vraiment: être payée pour habiller des mannequins selon des thèmes spécifiques pour des photoshoots. Être créatif avec les vêtements sans avoir à les créer, ça me semblait idéal ! » Une année à « Vogue » et Paris, et Emilie Kareh, une fois de plus, a besoin de bouger. Elle a des envies de New York. Des envies de changement. « Par chance une des rédactrices de « Vogue » déménageait à NY pour devenir correspondante du magazine là bas. Elle m’a proposé de venir avec elle et bien sûr j’ai accepté. » Pendant 4 ans, Emilie Kareh travaille avec Julia von Boehm comme première assistante mode. « Ce qui est un bon poste aux États Unis quand on travaille pour une rédactrice de mode plus ou mois puissante. Sachant qu’il y avait une deuxième et troisième assistante, ainsi qu’une armée de petits stagiaires en rang derrière moi. C’était assez impressionnant comme expérience. » New York fut fou, incroyable, drôle, sombre, froid et chaud dit-elle. De voyages en voyages aux quatre coins du globe pour

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« À travers ces rencontres, j’ai commencé petit à petit à travailler à mon propre compte. Puis j’ai rencontré mon agent qui s’occupe de moi et avec qui je m’entends à merveille. C’est important d’avoir un bon contact avec les personnes a qui on confie sa carrière. » Emilie Kareh parcourt encore le globe, mais pour elle-même désormais. Pour ses séries mode dans « Purple magazine » , « Pop, Double », « Vogue Ukraine », Ponystep », « Dossier », « Interview », « Vanity Fair U.S », « L’Officiel Hommes » et « Arena Hommes ». « J’ai aussi fait le stylisme sur des campagnes comme celles de Calvin Klein, Edun, Lucky Brand etc. » Basée à Los Angeles où elle vit avec son fiancé, le skateboarder professionnel Dustin Dollin, elle a gardé un appart à New York. Habituée des avions, elle dit avoir ainsi le meilleur des deux mondes. « L’énergie de New York et le soleil de Los Angeles, avec un peu plus de temps pour moi dans cette ville. » SIGNES DISTINCTIFS Film(s) culte(s) : The Godfather de Coppola, The Holy Mountain de Jodorwsky, It de Stephen King, Jungle Fever de Spike Lee Que trouve-t-on dans votre iPod ? De tout : Nina Simone, TLC, Whitney Houston, Notorious BIG, Fonky Family, Koudlam, Scrambled Eggs. Artistes préférés ? Mike Kelley, Paul McCArthy, Cyprien Gaillard, Olafur Eliasson, Chapman Brothers. Un musicien. Ray Charles Un designer. Zaha Hadid Un styliste: Nicolas Ghesquière Un acteur/une actrice. Daniel Day Lewis Vacances idéales. Beyrouth !! Et la Grèce Contre le stress ? Lexo! Ou bien les câlins de mon chihuahua «DicksNuts», selon le niveau de stress à combattre. Allergie ? Aux gens radins Spécialité culinaire. La recette de « djej w� rez w� snoubar » (riz au poulet et pignons) de mon papa Plus beau compliment reçu. «Tu es une bonne amie» Votre livre de chevet ? En ce moment je lis «Le Nazi et le Barbier » d’Edgar Hisenrath que ma maman m’a donné et c’est top. Un héros/une héroïne Ma maman Djenane Kareh-Tajer, journaliste et écrivain, ainsi que mon père Alfred Kareh. Un lieu. Ma maison à Los Angeles que je partage avec mon fiancé et mes deux chiens et dans laquelle je me sens bien. Une rue. Rue Benoit Barakat, à Badaro, où je vais passer du temps dès que je le peux dans l’appartement familial. Cette rue est si calme par rapport au chaos ambiant. C’est mon refuge. Je m’y sens bien et connais tout le monde dans le quartier. Ils m’ont vue grandir. Dans vingt ans ? J’essaye de ne pas penser à l’avenir et de profiter de chaque moment aujourd’hui avec ceux que j’aime. J’évite d’angoisser pour quelque chose que je ne peux pas prédire, donc on verra bien.


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TOUT EST UNIQUE DANS SA VIE, SES CHOIX, SA VIOLENCE, SES AMOURS, SA VOIX. ELLE A INSPIRÉ CINÉASTES, COMPOSITEURS ET ÉCRIVAINS. RENCONTRE AVEC UNE INTERPRÈTE HORS

NORME.

PAR PAQUITA PAQUIN DESSIN PIERRE LE-TAN

omment as-tu reçu cet hommage à l’Arsenal de Berlin, la Mecque des cinéastes ? « C’était un honneur, même si je ne me sentais pas encore tout à fait assez mûre pour ça. La manifestation reposait sur le film de Bertrand Bonello, Ingrid Caven, musique et voix, tourné lors d’un concert à la Cité de la Musique, où j’interprétais Kurt Weill, les Beatles, Erik Satie, Arnold Schönberg ainsi que des textes écrits pour moi par Rainer Werner Fassbinder, Hans Magnus Enzensberger et Jean-Jacques Schuhl (qui partage la vie d’Ingrid, ndlr) sur des musiques de Peer Raben. L’important à mes yeux, ce sont la musicalité, les paroles, les compositions, je ne voulais pas me laisser distraire par les caméras et pourtant j’ai eu confiance en Bonello. Une fois en scène, je les ai oubliés, lui et Josée Deshaies, la directrice de la photo. Ils ont fait de ce concert une merveille de film, sans modifier quoi que ce soit. Étaient programmés, à l’Arsenal également, les plus emblématiques des films que j’ai tournés avec Jean Eustache, Fassbinder, Daniel Schmid, Werner Schroeder. » Qu’est-ce qui te lie à cette génération de réalisateurs ? « On était allemands, et après la barbarie de l’holocauste la plupart des gens ne voulaient plus y être confrontés, mais Fassbinder, Peer Raben et moi, si ! C’était là, on ne pouvait pas l’ignorer. En même temps, nous avions le désir d’échapper à cette chose écrasante. On savait bien qu’on ne pouvait pas changer le monde, mais on voulait faire quelque chose qui puisse plaire, sans nier la misère de l’intime. Nous n’étions pas de grands optimistes ! J’étais aussi une des rares femmes à partager avec eux la volonté de ne jamais me reposer sur un soi-disant naturel. J’étais

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convaincue du pouvoir de l’artifice, qui était crucial pour ces amis-là. Nous étions d’accord avec Kleist : une forme rigoureuse est nécessaire pour laisser transparaître l’âme plus librement. Dès que la forme était suspecte, on savait que le contenu n’allait pas non plus. Nous étions allergiques à beaucoup de choses. » Avoue que tu les faisais fantasmer… « Si tu me demandes pourquoi, je n’ai pas la réponse, sauf que j’avais cette force d’oser montrer avec plaisir plein de faiblesses et de non-savoir. Aujourd’hui,  on s’amuse à faire semblant de tout savoir. Cela ne m’intéresse pas. Ça me dégoûte même. » Tu en imposais pourtant ! « Grâce à quelque chose appris très tôt et qui vient de la musique : une technique très aiguisée de respiration, de chant et de mouvement. Je suis une excellente instrumentiste avec mon corps et ma voix ; je le sais et cela me donne une force. » D’où te vient cette liberté d’interprétation si riche, parfois violente ? « De la musique que nous faisions en famille. Mon père jouait de plusieurs instruments et toutes sortes de musiques, lieder, aria d’opéra, jazz, opérette.  J’ai chanté très tôt ; seule, ça n’était pas le rêve. Mon plaisir était de faire de la musique ensemble. »  Saint Laurent, pour toi, c’est une robe de scène fétiche et des fleurs par centaines… « J’ai choisi de porter à l’envers, côté satin, cette fameuse robe en crêpe qu’Yves avait créée pour mon premier spectacle musical à Paris, au Pigall’s. Plutôt que de coller au corps, elle le frôlait. Je pouvais bouger sans m’en préoccuper. » Un spectacle produit par Pierre Bergé… « Un cadeau qu’il faisait à Yves qui avait tellement aimé mon personnage dans le film de Daniel Schmid, La Paloma. Ils m’ont accueillie à Paris avec une suite à l’hôtel Scribe remplie de bouquets de lys. Ces deux mois de concerts au Pigall’s furent un grand événement, et la fin d’une époque de rêve. Vingt-deux ans plus tard, lorsqu’on a fêté le Goncourt de Jean-Jacques (pour son livre Ingrid Caven, en 2000, ndlr) par un concert à l’Odéon, Yves m’avait fait livrer des centaines de roses Callas. Ce soir-là, dans ma loge, il était en pleurs. » En 2012, tu chantes Pierrot lunaire au Châtelet, une œuvre pour laquelle tu avais déjà expérimenté des sons… « J’ai toujours interprété un chant du Pierrot lunaire de Schönberg et ce n’est pas un hasard. Le compositeur a écrit à son propos, cette formule : “une expression animale des mouvements de l’âme”. Cette phrase, qui était aussi le leitmotiv de toute une époque, m’a guidée. Interpréter la totalité de cette œuvre a été une expérience magnifique. » Quel mystère cache ton mariage avec Rainer Werner Fassbinder, notoirement homosexuel ? « J’ai moi-même couché avec des hommes, des femmes, parfois inconnus, mais je ne supportais pas de dormir avec eux. Rainer était pareil, il allait dans les bas-fonds, vivait des aventures mais dormait seul. Il s’est trouvé que nous pouvions dormir tous les deux dans le même lit. On pouvait tout faire ensemble. Alors on s’est mariés. Et on s’est séparés deux ans plus tard. Mais nous sommes restés amis et avons gardé longtemps une adresse commune à Paris, une maisonnette au 6, rue Cortot, à Montmartre. » Le roman Ingrid Caven ne vient-il pas parasiter tes propres souvenirs ? « Je me suis racontée en toute confiance à Jean-Jacques. Chacun des faits qu’il relate est vrai, mais formulé selon son style. Ce corps qu’il a créé est influencé par mon corps, mais ça n’est pas moi. Je suis très fière que ce soit devenu quelque chose d’une telle beauté. Son nouveau livre, Obsessions, vient de sortir chez Gallimard, c’est un recueil de nouvelles très drôles. » Des projets ? « Une nouvelle aventure avec Bertrand Bonello, je chanterai sur une musique qu’il va composer à partir d’un texte de Jean-Jacques Schuhl dans le cadre d’un hommage que Beaubourg va lui consacrer. Le cinéaste madrilène Adolfo Arietta vient aussi de me proposer un beau rôle de chanteuse aux côtés de Pascal Greggory. »



L’affiche signée Pierre Le-Tan du spectacle « Nini », d’Alfredo Arias, qui s’est joué au théâtre du Petit Montparnasse, à Paris, de février à juillet 1995.

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se confondant avec le décor lunaire pour disparaître, entourée d’onomatopées. Cette marionnette chaotique prend les formes les plus variées, pouvant se transformer en Marlène Dietrich happant tous les projecteurs sur son passage par cette distinction qui lui est si personnelle. Ancienne nageuse, sa traversée de la Seine peut se faire en grandes enjambées et là, elle devient une Greta Garbo déjantée ! Cette artiste hors du commun est sa propre invention aux mille rebondissements surprenants. En 1995, Nini fut un de ses chefs-d’œuvre de mimiques diaboliques, la vieille cabotine lyrique qu’elle interprétait menant son public à la baguette. Je suis retourné au moins dix fois la voir sous cette apparence, toujours surpris chaque soir de ne jamais revoir la même Nini. J’entraînais tous les amis séduits qui suivaient mon rire, celui qu’elle reconnaissait dans le noir. C’était une époque où toute cette bande d’Argentins m’avait adopté pour me protéger de la mélancolie. Marilú en était la fée. Marilú Marini est à l’affiche de « 33 Variaciones », au théâtre Metropolitan Citi de Buenos Aires.

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e l’ai découverte en singe dans une pièce de Marivaux en train de chercher les puces de son compagnon, vêtue d’un costume xviiie telle des grotesques dans une grotte en coquillage, mise en scène par Alfredo Arias. Auparavant, je l’avais vue sans le savoir camouflée en chatte blanche distinguée, parée des costumes de Chloé Obolensky, dans Peines de cœur d’une chatte française. Marilú est une grande actrice, comme ces saltimbanques de la troupe du capitaine Fracasse, caméléons de fortune. Elle est prête à enfiler tous les costumes les plus improbables, poussée par son Pygmalion de l’époque, Alfredo Arias. Mais sous cette couche d’oripeau, explose une Edwige Feuillère moderne, femme du monde aux dons de transformation. Dans La Femme assise, de Copi, son visage modelé par l’auteur, elle suivait les grimaces de ses dessins, agrandissant sa bouche jusqu’aux oreilles, infligeant à son visage toutes sorte de grimaces impossibles pour tout autre être humain. Dans Oh les beaux jours, mis en scène par Arthur Nauzyciel, sa figure modulable se transformait en vase,



Philippe Morillon et Gloria von Thurn und Taxis ont choisi De célébrer leurs proches avec des papiers peints Pourquoi tous deux ont-ils choisi de représenter exposés chez un ami…

st-ce la première fois que vous exposez des papiers peints à la Galerie du Passage ? Pierre Passebon : « J’ai déjà eu des papiers peints panoramiques xix e, dont un représentait le Palais-Royal sous le Directoire. Mais c’est la première expo. » Comment est née cette idée d’exposer des papiers peints ? « L’idée vient de Philippe Morillon. » Comment Gloria von Thurn und Taxis estelle arrivée dans ce projet aux côtés de Philippe Morillon ? « Le pur hasard : Gloria m’a proposé son papier peint “Voilà chéri” sans connaître le projet d’expo. » En quoi leurs univers se rejoignent-ils ? « Ils se rejoignent par le choix du support et le thème commun : l’amitié et l’humour. » La notion d’amitié habite ces papiers peints, Loulou de la Falaise et Pierre Bergé sont représentés par Philippe Morillon par exemple. En tant que galeriste, est-ce que l’amitié entre en jeu dans vos choix artistiques ? « L’amitié joue un rôle important dans mon choix, je considère la galerie comme un salon où les artistes et le public se sentent reçus avec hospitalité. »

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leurs amis ? « Je ne sais pas, peut-être par nostalgie d’un temps où les amitiés se tissaient par une réalité de rencontres et pas par les fantasmes de l’écran. »

La bande d’amis de Gloria est très éclectique, celle de Philippe très Palace. Êtes-vous le lien entre ces deux bandes ? « Toutes les bandes s’entrecroisent, j’en suis la preuve. Bande d’amis, bande de papier. Je ne pense pas faire partie d’une bande mais j’aime les amis et les petites histoires de bandes. » Considérez-vous ces papiers peints comme des œuvres d’art ? « Je ne considère pas les arts décoratifs comme de l’art. Ça me semble prétentieux et réducteur pour l’art décoratif qui n’a pas besoin d’être adoubé. » Quelle est la différence entre œuvre décorative et œuvre artistique selon vous ? « L’art décoratif, c’est l’art de vivre. L’art, c’est sublimer la pensée. » À qui pensez-vous que ces papiers peints sont susceptibles de plaire ? « Les amis des autres sont attractifs car ils parlent de l’amitié en général. Et comme dit Gloria : voilà chéri ! » Exposition « Wallpapers », du 14 mai au 7 juin à la Galerie du Passage, 20/26, galerie Véro-Dodat, Paris 1er. www.galeriedupassage.com

En haut, papier peint « Voilà Chéri ! », signé Gloria von Thurn und Taxis. En bas, papier peint « Loulou et Pierre Bergé » signé Philippe Morillon.

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Par Léa Trichter-Pariente


WATCH THE FILM AT JIMMYCHOO.COM BEIruT SOukS, FAkHrY BEY STrEET 01 99 11 11 ExT 595


MISS UNIVERS…CETTE COUPE QUE GEORGINA RIZK RAMÈNE À BEYROUTH EN CET ÉTÉ 1971 VIENT COURONNER L’ÉLAN D’UN PAYS EN PLEINE CROISSANCE. GRÂCE À CETTE JEUNE FILLE, LE LIBAN, CE TOUT PETIT POINT DU GLOBE, QUE LE RESTE DU MONDE CROIT ENCORE PEUPLÉ DE NOMADES ET DE CHAMEAUX SORT DE L’OMBRE. ELLE N’A ALORS QUE 18 ANS.

Mai 1971. Georgina Rizk fait le voyage de Miami avec Felicina qui envisage de présenter sa collection à Huston,Texas. Dix jours de préparation sont prévus pour les 75 miss en lice avant l’événement qui doit avoir lieu en juin. La désinvolture de Georgina, son assurance, elle qui a l’habitude des runways et des projecteurs, en plus de la facilité avec laquelle elle jongle entre le français, l’anglais, l’arabe et l’italien, la démarquent de ses rivales. Ces dix jours sont aussi ponctués de réceptions et de cocktails qui permettent aux candidates de s’immerger dans un monde de producteurs et de professionnels. Elles ignorent que les membres du jury sont présents dans ces réunions mondaines. Le jour J, Georgina se prépare elle-même, sans l’aide de l’équipe de mise en beauté mise à la disposition des miss. Elle a l’habitude. Elle sait que la presse parle d’elle, que son nom est récurrent dans les pronostics. Un responsable lui a même soufflé qu’elle a «de fortes chances». Elle se voyait dans les cinq premières et se disait «pourquoi pas». Quand les présentations commencent, à 20h, les 75 plus belles femmes du moment sont lancées sur le tapis rouge. Les éliminations commencent. Le public s’enflamme pour Miss Brésil. Georgina est toujours là. A la fin, il n’y a plus qu’elle et miss Australie. Involontairement, en un flash, elle aperçoit sur la feuille du présentateur «1st runner-up, Miss Australia». Elle comprend que c’est gagné. L’émotion est intense pour la jeune fille de 18 ans qui n’avait pour seule supporter dans le public que sa sœur et une amie de celle-ci, et pour seul message d’encouragement que la recommandation de son père, avant son départ: «Sois naturelle et comporte toi comme une dame». Couronnée, couverte de fleurs, célébrée comme une reine qu’elle est désormais, Georgina Rizk découvre «le métier de Miss». Deux mois durant, elle vit dans les avions, se repose à peine, se change, s’habille, se prépare en vol. Sa plus belle récompense est l’accueil de la diaspora libanaise des deux Amériques. Grâce à ses compatriotes, elle se sent partout chez elle. Elle se donne pour mission de faire connaître son pays, son niveau de civilisation, son art de vivre. Mais elle n’a qu’une hâte, «revenir à la maison». Ce n’est qu’en août qu’elle regagne le Liban au milieu d’une liesse populaire et officielle sans précédent. Le président de la République, Sleiman Frangié, met à sa disposition une assistante, la journaliste Nouhad Azar, qui restera longtemps son amie la plus proche. La suite est plus terne, mais elle correspond à la modestie de cette femme qui n’a jamais rien demandé que le droit de vivre à son rythme, loin des projecteurs et du fracas médiatique. A la manière des phalènes, elle tombera pourtant amoureuse d’Ali Salameh, dit «Abou Hassan», l’un des fondateurs de l’OLP et proche de Yasser Arafat. Son mariage avec ce flamboyant Palestinien est évidemment controversé, bien que Salameh ait mis le plus grand soin à la maintenir à l’écart de ses activités et de la politique en général. Il sera assassiné à l’explosif, à un jet de pierre de son domicile, en 1979. Un événement qu’elle vivra dans une sorte de déni. Georgina, enceinte au moment de la tragédie, met au monde, trois mois plus tard, un garçon prénommé Ali. Passées les vicissitudes des années de guerre où elle séjournera longtemps entre Le Caire à Paris, elle épousera le célèbre chanteur libanais Walid Toufic dont elle aura deux enfants, Walid Junior et Noorhan. Depuis, hormis quelques rares apparitions télévisées (elle est souvent au jury de Miss Liban), elle refuse les interview et s’attache à mener la vie «normale» à laquelle elle a toujours aspiré.

e mère hongroise et de père libanais, Georgina grandit à Beyrouth. Elle passe son enfance dans le quartier de Rmeil où elle fréquente le collège de la Sainte Famille française. Elle a une demi-sœur plus âgée, Felicina Rossi, née d’un père italien. Une famille unie, aimante, ouverte et compréhensive au sein de laquelle les deux sœurs vivent une belle complicité. Felicina est styliste et Georgina est son modèle. En plus d’une beauté angélique, Georgina a un corps de rêve entretenu par la natation, discipline dans laquelle elle est championne, ainsi que d’autres sports tels le ski nautique et le ski alpin, le volley ball et le basket. Elle affirme n’avoir eu aucune conscience de sa beauté avant l’adolescence. L’année de ses 14 ans, la boutique Mic Mac, une franchise de Mic Mac Saint Tropez, marque de prêt-à-porter appartenant au play boy et homme d’affaires allemand Gunther Sacks alors marié à Brigitte Bardot, ouvre ses portes à Beyrouth. Le jour de l’inauguration, en présence du couple le plus glam du monde, Georgina fait partie des modèles qui présentent la collection. Elle est notamment remarquée par le journaliste Victor Bercin qui la pousse à se présenter au concours de miss organisé par Télé Liban. Le jury comprenait entre autres la chanteuse populaire Sabah et Raymond Loir, fondateur du concours source: «Maraya» 1999, une interview de Ricardo Karam.

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PAR F.A.D.

Miss Liban. Elle remporte le titre et se laisse convaincre par Loir de participer à Miss Liban. Entre temps, elle continue à tourner des films publicitaires et à faire le mannequin pour les maisons de mode locales. C’est après avoir remporté la coupe de Miss Liban qu’elle est sélectionnée pour participer à Miss Univers. Une expérience qui marquera sa vie mais clôturera sa jeune carrière.


Georgina Rizk Miss Univers en 1971 a Miami Beach .


À l’occasion de la première de son spectacle, Bestiaire d’amour, à la Salle Gaveau, écrit avec Jean-Claude Carrière , nous avons rencontré la belle Isabella à Paris, avant qu’elle ne s’envole pour une tournée mondiale. Par Guido Torlonia

’est une occasion assez rare de vous voir sur un plateau de théâtre… « L’idée est née à partir de films que j’ai réalisés sur le monde animal : Green Porno, pour Robert Redford et Sundance Channel, présentés avec grand succès sur internet, qui sont devenus finalement une série de quarante courts-métrages, puis un livre et, maintenant, un monologue. » Bestiaire d’amour commence de façon apparemment très sérieuse, une conférence sur le sexe du monde animal, mais on comprend tout de suite qu’il est plein d’ironie. Comment avez-vous uni ces deux aspects ? « Au début les gens s’attendaient à voir une parade de costumes, un spectacle entre le Lido et les Folies Bergères. Mais l’idée était de faire une conférence scientifique, sans ennuyer pour autant le public. Je suis en train de passer un master en éthologie, mais avec ce spectacle je voulais surtout amuser. J’ai l’ambition de devenir un clown, pas un savant. J’utilise cette science comme ressource pour créer une comédie. Agatha Christie utilisait le crime pour ses romans, John Le Carré l’espionnage, moi, j’utilise la biologie. » L’ironie semble être une de vos qualités principales, de qui la tenez-vous ? « En Italie on aime rire, c’est une qualité que tout le monde nous envie. Nous sommes aussi un peuple de raconteurs. L’ironie a toujours été une spécialité de la famille. Mon père était drôle, certains de ses films étaient très ironiques, surtout ceux qu’il a faits avec Fellini, comme, par exemple, Francesco Giullare di Dio. J’ai retrouvé en Jean-Claude Carrière un peu de cette magnifique qualité de raconteur qui a tendance à vous hypnotiser, exactement comme le faisaient Fellini et mon père. »

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et Terrence McNally. Avec Bob Wilson, par exemple, on ne risque jamais de perdre le fil car son travail est basé sur une atmosphère, un état d’esprit, plutôt que sur une prose classique. » Vous avez joué Bestiaire d’amour en Italie, en France et aux États-Unis, en trois langues différentes, sans aucune hésitation… « Ce n’est pas facile du tout. Lorsque je joue en français, je demande à tous les techniciens de ne me parler qu’en français. J’ai repensé à ma mère qui jouait parfaitement en cinq langues – anglais, italien, français, suédois et même allemand, la langue de sa mère. Lorsqu’elle jouait à Broadway, elle exigeait que tout le monde à la maison lui parle en anglais. Maintenant je comprends cette nécessité. Je me souviens qu’un soir elle avait commencé à jouer Jeanne d’Arc en anglais, et à un certain moment elle a enchaîné une réplique en français… tous les comédiens l’ont regardée médusés. C’est un risque qu’on ne peut pas courir sur scène. »

Les costumes que vous avez créés pour Green Porno sont ainsi très drôles, pleins de fantaisie… « Lorsque je prépare mes scénarios, je les dessine aussi. Un peu comme les scripts du cinéma muet. Mon père travaillait de cette manière, je le voyais faire lorsque j’étais petite. Il y avait deux colonnes, sur l’une figuraient les dialogues, et sur l’autre les mouvements de la caméra, la technique. Sur une colonne je réalise des petits croquis pour illustrer les scènes, pour donner des indications à la troupe, j’y dessine les costumes et décris les effets que je souhaite. »

Vous avez une longue tournée en perspective, quel est votre rapport avec le théâtre ? « C’est magnifique mais je voyage trop. On nous a demandé de nouvelles dates à Londres, Athènes et Toronto. Ensuite j’irai presqu’un mois en Australie… Répéter la même chose chaque jour est un peu risqué. Ma mère disait toujours qu’elle pouvait jouer impeccablement cent représentations, mais qu’à partir de la cent et unième elle risquait de perdre sa concentration, ce que les Américains appellent “in the moment”, c’est-à-dire la présence lucide du moment. Je crains la panique de perdre le fil du spectacle. Quand je joue, je suis aussi très attentive aux réactions du public. Mon expérience au théâtre est plus limitée qu’au cinéma. J’ai, tout de même, eu l’occasion de travailler avec de grands talents comme Bob Wilson

Dans quel pays vous sentezvous chez vous aujourd’hui ? « J’ai vécu plus de quarante ans aux États-Unis. Plus qu’une Américaine, je me considère comme une NewYorkaise. Et comme beaucoup de New-Yorkais je suis née dans un autre pays, l’Italie, que j’adore. Mais New York, c’est chez moi. C’est une ville où l’on travaille beaucoup, pas comme Rome ou Paris qui sont des villes où l’on peut profiter de la vie différemment. On débarque à New York surtout pour le boulot. C’est rare de trouver des personnes qui sont nées et ont vécu toute leur vie à New York. Maintenant je travaille moins, donc j’habite à la campagne, à une heure de Manhattan, mais j’y vais régulièrement, au moins deux fois par semaine. » Dans le spectacle, grâce à Noé et à son arche, on découvre que les animaux sont beaucoup plus libres qu’on ne pourrait l’imaginer. Leurs mécanismes reproductifs et sociaux sont bien plus flexibles que ceux de l’homme… « C’est une erreur de dire que certains choix sexuels sont “contre nature”. Du point de vue scientifique nous avons donné une définition trop limitée de l’acte sexuel. On dit qu’il sert seulement à la reproduction, or ce n’est probablement pas sa seule fonction. Dans la nature, il sert aussi à créer des liens sociaux, à résoudre des conflits, à établir certaines hiérarchies. Ces différents aspects sont souvent méconnus. Il y a des amitiés entre animaux qui

vont au-delà de l’acte sexuel. Le couple traditionnel mâle/femelle, comme chez l’homme, n’existe que chez de très rares espèces. C’est amusant de lire dans la Bible que Noé a sauvé tous les animaux en couple. Dans la nature, le couple, c’est rare ! »


Par paquita paquin Haider Ackermann a passé son enfance à voyager en terres lointaines, son père était cartographe. II se lance à Paris, en 2005, après avoir fait ses classes à l’Académie des Beaux-arts d’Anvers. Ses défilés reflètent un éclectisme visuel, mental et émotionnel. Des rendez-vous poétiques où la musique compose avec le souffle de la respiration et le tempo des battements cardiaques. D’une grâce absolue, ses amazones sophistiquées, se parent parfois des couleurs d’un sunset au Sahara. On imagine facilement Haider Ackermann comme la prochaine belle prise d’un groupe de luxe international, tant la vision de son art est à l’échelle de quelque chose de grand. Il nous livre son

abécédaire… - Ackermann, le nom que l’on m’a offert en cadeau. - Berlinde de Bruyckere, pour ses corps déchirés.

- Confusion, celle des genres.

- Discrétion, l’élégance des mots.

- Errance, le plaisir de la solitude.

- Fragilité, la force de la fragilité. - Garance, la profondeur de la couleur.


- Mystère, ce qui est encore à découvrir et à percer.

- Noblesse, celle de l’âme.

- Outrance, le plaisir des sens.

- Voilé, le mystère et la pudeur.

- Héros, mes amis sont mes héros.

- The Windmills of My Heart

- Illusions, comment vivre sans elles ?

- Jodhpur, l’évasion.

- Karma, le futur. - Lord Byron, Leonard Cohen, Luchino Visconti, la séduction…

- Unique, comme chacun des moments que je veux passer.

- Xtreme, à éviter.

- Yves Saint Laurent.

- Zen, la protection.

- Perdition, les brumes.

- Quête, de l’infini…

- Rencontre, la recherche de l’autre.

- Séduction, le sel de la vie.

- Tilda Swinton, ma camarade de jeu.

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Jouer nue, elle a adoré cela. Cette spécialité s’est arrêtée avec le temps, avec l’âge. Comment cette actrice, dirigée par Strehler, Pinter, Fellini, Visconti, Buñuel, Bertolucci, Pasolini, et amie de nombreux intellectuels, pouvait avoir ce culot, cette inconscience ? Par paquita paquin

vec Se souvenir et oublier, l’extraordinaire petit livre* concocté avec la complicité de René de Ceccaty, en 2012, pour lequel elle fait jouer sa mémoire à bâtons rompus, Adriana Asti se met à nu une fois de plus, tout en affirmant que se raconter l’ennuie, que seul l’avenir l’intéresse. Après cinquante ans de scène, elle enchaîne effectivement les projets comme une jeune première. Après Oh les beaux jours avec Bob Wilson, au théâtre de l’Athénée, La Voix humaine et Le Bel Indifférent, dirigés par Benoît Jacquot pour le festival de Spolète, elle vient d’achever le tournage du Pasolini d’Abel Ferrara, avec Willem Dafoe, très ressemblant dans le rôle-titre, alors qu’elle joue Suzana, la mère de Pier Paolo. De cette expérience qui l’a souvent émue aux larmes (Pasolini l’avait choisie pour jouer dans son premier film, Accattone, ils sont restés amis jusqu’à sa mort), elle garde une grande admiration pour le réalisateur américain : « Ferrara est quelqu’un d’extraordinaire. » Dès le clap de fin ont débuté les répétitions de La Danse de la mort de Strinberg sous la direction de Luca Ronconi. La pièce sera présentée à Milan, Spolète, Rome…

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psychique, comble pour une actrice, elle vomissait au lieu de parler. Si elle se prétend folle, ce n’est pas que les gens normaux l’ennuient, mais que la normalité la perturbe.

« Le théâtre, c’est fatal ! dit-elle, on n’en finit jamais avec les planches ! C’est comme le désert pour les Bédouins ou la mer pour les marins, ils ne se posent pas la question de savoir pourquoi ils sont là. Ceux qui font du théâtre ne peuvent plus lâcher la scène. L’idée

d’avoir une vie différente m’a séduite. Quand on joue on oublie tout. Pas de vie sociale ! Plutôt que d’avoir à se demander avec quels amis sortir ce soir, on va servir un texte avec des partenaires qu’on ne connaît pas. Ça, j’aime beaucoup. » Pourtant, ça n’était pas gagné d’avance. Quand Adriana Asti quitte sa famille à 18 ans, pendant les vacances, pour s’enrôler dans une troupe de théâtre de passage, elle dit n’avoir aucun talent, ni même aucun intérêt pour ce qui se passe sur scène, seule la vie de troupe, les déplacements incessants, les heures passées à se maquiller dans la loge, l’attente en coulisses, le théâtre plongé dans le noir, l’enchantent. Tellement plus fun que la vie d’une famille de la bourgeoisie milanaise! Adriana Asti a connu des épisodes de perturbation

Un beau jour un déclic se produit, qui va commencer à la débarrasser de son complexe d’actrice médiocre : « J’ai continué, dans cette incapacité où j’étais de jouer, avec ce sentiment d’incompétence, et puis, un soir où je ne m’y attendais pas, j’ai éprouvé ce qu’on pourrait appeler le plaisir de jouer. C’était dans L’Éventail de Goldoni. Soudain, ça m’amusait d’être sur scène: c’était un sentiment très nouveau et imprévu. Il y avait donc en plus du plaisir d’être au monde, celui de jouer. Une petite lampe s’est alors allumée en moi. » Elle en finit avec les petits rôles pour devenir protagoniste de premier plan, « je commençais à acquérir de l’expérience », dit-elle, modeste. C’est alors que Visconti, milanais comme elle, la choisit pour jouer dans Les Sorcières de Salem. Elle devient sa complice, mais aussi, comme tous les collaborateurs du maître, son esclave. Elle est émerveillée par Pasolini, « tout ce qu’il touchait devenait de l’or, tout ce qu’il effleurait devenait poème. Il avait l’œil absolu. » Elle jubile avec Copi pendant les représentations des Bonnes de Genet. « Il étendait par terre une fourrure de renard blanc, qui était son costume, pour que l’on n’ait pas froid ; il fumait, il buvait comme un fou, je lui donnais des comprimés de Témesta pour le calmer; j’adorais son petit corps, je le touchais tout le temps, j’étais fascinée. »

Adriana Asti éprouve toujours une culpabilité à s’exhiber sur scène. « S’exhiber au théâtre, ça coûte cher, ça n’est pas facile, quand le bonheur pourrait consister à se cacher dans un coin, mais le dépassement de l’angoisse qui précède l’entrée en scène donne au final une joie très forte. » On peut se demander comment une personnalité si particulière et aussi peu narcissique a pu croiser le chemin, séduire et collaborer à la crème de l’intelligentsia italienne, Adriana Asti émet une hypothèse : « L’époque était plus bouillonnante intellectuellement, peut-être qu’en étant passive, il y a plus de chance de croiser des artistes intéressants. » * « Se souvenir et oublier », d’Adriana Asti, propos recueillis par René de Ceccatty (éditions Portaparole).


AVEC SA HOUPPE, SES LUNETTES ET SES BASKETS, RAMI KADI, EN PLUS D’ÊTRE LE «UPCOMING» STYLISTE LIBANAIS LE PLUS CÉLÉBRÉ DU MOMENT, RÈGNE EN STAR SUR LES RÉSEAUX SOCIAUX. CEUX QUI LE SUIVENT SUR INSTAGRAM (DÉJÀ 120.000) CROIENT CONNAÎTRE PAR CŒUR SA COLLECTION DE SOULIERS. FAUX, IL EN A ENCORE D’AUTRES. MAIS QUI EST DONC CE MODEUX, À LA FOIS VICTIME ET BOURREAU DE LA PLANÈTE FASHION PAR F.A.D.

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Une trajectoire heureuse qui explique sa consécration, ce printemps, à l’événement Fashion Forward de Dubaï où il n’a pratiquement été question que de lui. Sa silhouette agile de lutin sorti d’un conte de fées du nouveau millénaire, le talent qu’il met à vivre dans un bain d’ondes positives et de légèreté, attirent à lui tous les acteurs et actrices de l’univers de la mode, journalistes, photographes, blogueurs et blogueuses, et naturellement une clientèle enthousiaste. Son défilé est suivi par 1400 spectateurs. Le blogueur Bryan Boy est fan et le déclare à tout venant. Sa collection, baptisée «Le Royaume enchanté», parle d’une princesse qui, telle la Belle au Bois dormant, se réveille d’un long sommeil (il n’est plus, ici, question de Prince charmant) dans la salle de bal d’un château somptueux. Un prétexte idéal pour déployer une collection éthérée, fleurie, féminine à souhait. Une palette pastel envahit l’espace. La dentelle brodée recouvre les tables, des bouquets de fleurs sont retenus par de spectaculaires rubans de soie, les rideaux sont rebrodés de perles et les lustres extravagants. Tulle, Crêpe de soie, Organza, Mikado et dentelle se marient dans des volumes dramatiques. Les mannequins portent des coiffes volumineuses composées de fleurs multicolores. Grand travailleur, Rami Kadi sillonne la région et se déplace chaque semaine tantôt à Doha, tantôt à Koweït City, à Dubaï, à Bahreïn ou en Arabie saoudite. Il s’est même fait des clientes à Moscou, au hasard d’un mariage. Habitué du Cedar Lounge de l’Aéroport de Beyrouth, il s’est fait une sorte de rituel d’y photographier ses pieds chaussés de neuf avant chaque décollage. Ceux qui le suivent sur Instagram veulent désespérément ses Louboutin, ses Valentino, ses Lanvin. C’est ce qu’il appelle le «bouche à oreille». La vérité est que ce jeune talent qui s’affirme connaît avec une précision de maître les mécanismes qui font réagir un public et accélèrent la mise en place d’une réputation. Sensible, sensuel, romantique et transparent tel qu’il se définit lui-même, Rami Kadi rêve d’être un jour identifié à la maison Dior, tant au niveau du style que du concept, de l’image, de la pub et de la communication. Une success-story à suivre, en tous cas, avec déjà un prochain rendez-vous à la fashion week de Paris.

PHOTOS FIRAS CHEHABEDDINE

é aux Etats-Unis, Rami Kadi a grandi au Liban. Très tôt, il manifeste une passion doublée d’un vrai talent pour le stylisme et la couture qui le conduit à faire ses études à ESMOD Beyrouth dont il sort diplômé avec les honneurs en 2008. Il est aussitôt admis en stage chez Rabih Kayrouz et Georges Chakra. La même année, il fait partie de la sélection de Starch, la fondation créée par Rabih Kayrouz et Tala Hajjar pour promouvoir les jeunes talents de la couture. Le succès est si immédiat qu’en 2010 il ouvre déjà une boutique multimarque, «Madame Muguet», où l’on trouve aussi bien ses propres créations que celles d’autres créateurs libanais. A ce stade, Rami Kadi a compris l’essentiel: il ne lésine sur aucun détail, ne recule devant aucune difficulté technique et travaille assidument son exposition sur les réseaux sociaux. Ses modèles se distinguent par la rigueur des finitions et la complexité des coupes. La clientèle locale et moyen-orientale le suit spontanément. Depuis 2011, il possède à Beyrouth, rue Clémenceau, une boutique éponyme doublée d’un atelier. Il y présente ses collections prêt-à-porter, couture et mariées, en plus d’une nouvelle ligne d’accessoires. Cette adresse lui porte bonheur et fait exploser sa carrière. Découvert par le show business libanais et régional, il devient le couturier préféré, sinon attitré de la chanteuse Myriam Farès dont il fait sa muse et à laquelle il réserve ses délires les plus audacieux.



ENCORE PLUS

SOPHISTIQUÉE QU’AU NATUREL,

PHOTOGRAPHIÉE EN TENUE D’ÈVE PAR

PIERRE ET GILLES, ELLE INCARNE UN ÉTERNEL FÉMININ. PAR FRANCIS DORLÉANS PHOTOGRAPHES PIERRE ET GILLES

ui aurait pu penser qu’elle triompherait au Crazy Horse ? Qu’elle mettrait la musique sacrée à la portée du grand public ? Qu’elle obtiendrait un disque d’or grâce à Haendel ? Qu’elle tournerait aussi bien avec Claude Zidi que Peter Handke, Raoul Ruiz ou Volker Schlöndorff ? Passée maîtresse dans l’art de n’être jamais là où on l’attend, Arielle Dombasle multiplie les faits d’armes. Actrice, scénariste, réalisatrice, cantatrice, mais aussi meneuse de revue, effeuilleuse, égérie, sexe symbole, icône gay… elle se réinvente en permanence. La connaissant un peu, je me suis fixé pour règle en commençant cet article de ne pas tomber dans la flagornerie et de me méfier du lyrisme : avec Arielle on risque les deux en permanence. Difficile de la suivre, elle avance en équilibre sur un fil. Passer du Crazy Horse à la Sainte-Chapelle (elle doit y donner un concert en juin), demande une souplesse et un équilibre hors du commun. Comme d’ailleurs de passer de Rohmer à Astérix, de Miami Vice à Polanski, de Philippe de Broca à Robbe-Grillet, de Jérôme Savary à Cocteau, de Philippe Katerine à Luis Mariano… Arielle où le grand écart. Tel pourrait être le titre de cet article. Opium, le film qu’elle a tourné l’an dernier sur Cocteau, nous autorise ce rapprochement. Leur manie de toucher à tout aussi. Elle a fait sienne la devise de Cocteau : « Cultiver ses défauts. » De ce point de vue, elle pourrait lui en remontrer.

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Une des plus grandes forces d’Arielle consiste, en effet, à faire de ses défauts des qualités. Je n’ai pas dit transformer, j’ai bien dit faire. Faire au sens de créer. Presque des œuvres d’art. Pour prendre l’exemple le plus facile à comprendre : sa manière de s’habiller. Normalement je devrais détester (je suis plutôt strict en ce qui concerne l’élégance), mais chaque fois je me fais avoir. Elle m’oblige à réviser mes idées toutes faites et à trouver du charme à ce qui devrait me faire horreur : ces pantalons Karting qui lui font une silhouette de rêve, ces imprimés délirants, ces couleurs criardes qui lui rappellent son enfance mexicaine, ces minijupes trop courtes ou ces robes trop longues (comme s’il n’existait pas de moyen terme), ces décolletés vertigineux ou cette manière qui n’est qu’à elle de s’accrocher des broches en pierreries à la hauteur des hanches pour en souligner l’étroitesse. Je m’étais juré de ne plus jamais employer le mot dandy, mais il y a du dandysme chez Arielle. Le dandysme, c’est une apparition. Au sens de la naissance de Vénus (ou d’Ève). C’est l’effet qu’elle produit, d’autant qu’elle s’arrange souvent pour donner cette impression de nudité frileuse. En plein débat sur la théorie du genre, elle incarne dans toute sa complexité ce qu’on appelait naguère l’éternel féminin. Une femme évanescente, envoûtante, évaporée, ensorcelante, inconséquente, inconsciente, excessive, exotique, fantasque, volubile, mais aussi aimante, attentionnée et pleine de compassion. S’il n’en restait qu’une… Arielle assume. Aussi bien l’éternel féminin que son corollaire : la logique féminine. Cette manière de sauter du coq à l’âne, de nier l’évidence, de rire d’un rien et de se moquer de tout, de demander la lune, de refuser l’ordre des choses, de croire aux signes… et autres incohérences qui doivent faire se dresser sur la tête les cheveux de son philosophe de mari. On retrouve ces dispositions d’esprit dans sa conversation qu’elle élève à un niveau d’agrément et d’érudition tel qu’on le pratiquait aux xvii e et xviii e siècles, quand la conversation passait encore pour un art (et que les femmes tenaient salon). Jamais une platitude, jamais un lieu commun. Tout plutôt qu’une banalité. Elle excelle à citer saint Augustin ou sainte Thérèse d’Avila, à passer du mythe de Don Juan à celui de Faust, de l’infiniment grand à l’infiniment petit… Je ne me lasse pas de l’entendre construire des théories extrêmement alambiquées qui sont à la pensée rationnelle ce que les tapis volants sont à l’aviation. De la haute voltige : saut périlleux, double saut périlleux et rétablissement parfaitement gracieux sur un détail insignifiant ou ridicule de la vie de tous les jours et qui invite à rire.

Je suis tombé sous le charme de sa conversation un soir qu’elle m’avait proposé de me raccompagner, en sortant d’un dîner. Dans le taxi qui nous conduisait chez elle – car me ramener chez moi voulait dire que je devais d’abord la déposer chez elle –, dans le taxi disais-je, Arielle attire tout à coup mon attention sur un minuscule sac du soir brodé de perles et de sequins. « Regarde, c’est horrible, mon sac est si petit que j’ai oublié de mettre mes clefs dedans. » Compte tenu de la gravité de la situation, je ne juge pas utile de relever l’accusation tout à fait arbitraire qu’elle cherche à faire peser sur son sac à main, mais je n’en pense pas moins. « Comment cela, tu n’as pas tes clefs ! Mais qu’est-ce qu’on va faire, en pleine nuit ?



- Cela va s’arranger, dit Arielle dont l’optimisme se montre parfois assez éprouvant. Appelons Bernard-Henri, il va trouver une solution. » Tout le monde connaît la voix enfantine et rieuse d’Arielle Dombasle. Quand elle s’adresse à Bernard-Henri Levy, elle semble rajeunir encore, et c’est sur le ton du « petit chat est mort » qu’elle lui annonce, en le vouvoyant, la perte de ses clefs. Après un long conciliabule, il est décidé qu’on enverra un taxi depuis l’hôtel Bristol – proche de chez eux – prendre le trousseau de clefs de Bernard-Henri, retenu au fin fond d’une banlieue où il travaille dans l’urgence au montage d’un film documentaire qu’il doit terminer dans la nuit. Autant dire que lui, comme nous, n’étions pas couchés.

Il ne me restait plus qu’à suivre Arielle au Bristol, même si pour me mettre à l’aise elle me disait de n’en rien faire : « Je peux très bien attendre toute seule. » Comme si j’avais le cœur de la laisser sans défense, au milieu de la nuit, à moitié nue, dans un palace où l’on est amené à rencontrer des inconnus. Elle portait ce soir-là une robe imprimée dont le décolleté dans le dos méritait d’être qualifié de vertigineux. Est-ce pour me remercier qu’elle s’est mise en frais en me prenant pour confident, mais elle réussissait à me faire penser que mon avis comptait beaucoup pour elle et je m’en montrais flatté ? La conversation a l’avantage sur la chose écrite de ne pas être faite pour durer, aussi je serais bien en peine de reproduire exactement ce qu’on s’est dit ce soir-là, même si j’en conserve un souvenir ému. Je crois me rappeler qu’on a parlé du maniérisme, du peintre Füssli, de son prochain disque, d’un parfum à son nom qu’une marque de cosmétiques lui proposait de commercialiser… Mais il faudrait pour rendre le charme de ces propos décousus inclure le décor du palace endormi, avec ses lustres en cristal, ses bouquets de fleurs pompeux, ses tapis trop neufs et épais qui semblaient absorber nos phrases comme du buvard : en raison de l’heure tardive on en était arrivé à chuchoter. Bref, c’est comme ça qu’on est devenu amis. Ce qui n’aurait dû être qu’une parenthèse s’est répété et on a pris l’habitude de se voir, malheureusement de loin en loin, car son agenda et ses voyages ne lui laissent pas beaucoup de temps à

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m’accorder (j’aime quand elle s’invite à l’improviste pour prendre le thé afin de fumer en cachette de Bernard-Henri qui le lui interdit). Industrieuse comme l’abeille, elle n’arrête pas. Quelle angoisse condamne Arielle à cette quête incessante d’activités ? Elle ne peut s’empêcher de se lancer à corps perdu dans des aventures où elle sait d’avance qu’elle va morfler. Elle est beaucoup plus traqueuse et angoissée qu’elle n’en a l’air. Tout plutôt que de rester à ne rien faire. Pourquoi, par exemple, acceptet-elle toutes ces émissions de télévision ? Ça lui rapporte quoi ? Je n’ai pu m’empêcher, un jour, de lui poser la question : « Rassure-moi, j’espère que tu es payée au moins pour faire tous ces trucs ? - Pas un centime. » Alors pourquoi ? Parce qu’elle ne sait pas refuser. Parce qu’elle croit d’abord que cela va être amusant et surtout parce qu’il lui faut dépenser son énergie. Elle a besoin de cette agitation continuelle, de cette effervescence autour d’elle. Besoin de changements. Besoin de passer d’une discipline à une autre. Si d’aventure un contrat l’obligeait à interpréter la même pièce pendant plusieurs années, je crois qu’elle mourrait d’épuisement comme le caméléon sur une jupe écossaise. La comparaison avec le caméléon, un peu facile, se justifie si on se place du point de vue de l’actrice qui doit se mettre dans la peau de son personnage. Lorsqu’elle interprétait Lana Turner, l’hiver dernier, dans El Tigre, mis en scène par Alfredo Arias, elle angoissait plusieurs heures à l’avance à l’idée de partir pour le théâtre où elle se rendait avec des semelles de plomb (alors qu’elle triomphait, chaque soir, devant des salles combles). J’essayais de la raisonner en lui faisant remarquer que la proximité du théâtre du Rond-Point relativisait ses tourments : « Après tout, c’est pratique : tu n’as vraiment que la rue à traverser. - Tu en parles à ton aise. Si tu crois que c’est drôle de se faire, chaque soir, agonir par sa propre fille et s’entendre dire : “Retourne dans ta tombe vieille momie !” - Mais c’est l’effet contraire que tu produis. Quand tu arrives sur scène, tu apparais comme une bouffée de fraîcheur au milieu de tous ces travestis. » (Les travestis étant à Alfredo Arias ce que la toile monogrammée est à Louis Vuitton. Il y en a toujours pléthore dans ses pièces. Un peu trop même aujourd’hui que les travestis ont perdu le charme de la nouveauté. Sans vouloir prendre parti, Arielle faisait quand même beaucoup plus féminine.)

Arielle en était arrivée à détester Lana Turner. L’histoire du tombeau en particulier qui ne passait pas. Psychanalytiquement parlant, il doit sûrement y avoir là quelque chose à creuser, mais ce n’est pas le genre de la maison. Arielle est quelqu'un de très pudique. Elle s’en veut quand elle se livre à des confidences trop intimes. D’ailleurs le plus souvent elle sait tenir ses distances. Sous ses airs de pin-up, sa candeur et sa probité lui assemblent une armure étincelante qui la préserve du vulgaire. Sa sincérité émeut. Un vrai bouclier que cette sincérité. Le grand public ne s’y trompe pas qui l’a prise en affection. Longtemps cataloguée comme un personnage, elle est devenue au fil des ans un monstre sacré. Comme l’ont été avant elle Sarah Bernhardt ou Mistinguett. Mais à l’inverse de Sarah Bernhardt et de Mistinguett qui gardaient toujours un œil rivé sur le tiroir-caisse, Arielle se montre totalement et désespérément désintéressée. C’est une vertu, mais c’est aussi un talon d’Achille. Plus concernée par les résultats, elle se disperserait moins. Mais elle n’en a vraiment rien à faire. Elle ne regarde jamais en arrière. Une fois que c’est fini, c’est fini. Elle refuse de revenir sur le sujet. Parlons de l’avenir alors. D’autant qu’il lui sourit avec un projet qui lui tient particulièrement à cœur puisqu’elle doit interpréter, sous la direction de Jean-Daniel Verhaeghe (avec lequel elle a déjà tourné Sissi, l’impératrice rebelle, en 2004), Pauline, la sœur de la Malibran, elle-même cantatrice. Une seule ombre au tableau : cette Pauline s’appelait Viardo. Ce qui provoque l’agacement d’Arielle. « Ah non Viardo, c’est affreux et cela ne fait pas du tout romantique, alors qu’elle était le romantisme même. Chopin, Musset et George Sand sont tombés amoureux d’elle. Elle a même vécu un ménage à trois avec Tourgueniev… - Qui était le troisième ? - Ce Viardo justement, c’est assommant. »



Fatos Yali une femme FEY. PREMIÈRE RÉACTRICE EN CHEF MODE DE TURQUIE AVEC VINGT CINQ ANS PASSÉS À LA TÊTE DU GROUPE "MARIE CLAIRE" TURQUIE, FATOS YALIN EST UNE ICÔNE DANS SON PAYS. RENCONTRE AVEC UNE FEMME AUDACIEUSE QUI A ABANDONNÉ SON TRÔNE POUR SE RECONVERTIR EN DESIGNER. UNE BELLE MANIÈRE POUR ELLE DE DÉCOUVRIR OU REDÉCOUVRIR SON UNIVERS ÉLÉGANT ET SENSUEL.

’est une présence magnétique posée sur un canapé en cuir de sa boutique FEY de Nisantasi. Une lourde chaîne d’or au cou semble l’ancrer aux rives du Bosphore, le temps d’une escale. Pantalon lamé, coupe précise et pull mohair grège. Un vêtement flatteur en maille fluide qui permet pas mal d’audaces, comme celle de mettre en valeur sa personnalité chatoyante. Et des mocassins d’homme, bribes d’étrangeté qui, fréquemment, zèbrent le néoclassicisme de Fatos Yalin Arkun. Son secret de beauté? Un visage à pommettes hautes qui «prend bien l’âge». Pas de chirurgie plastique. Des voyages. De la marche. Du yoga. Et puis une sensualité qui fait rêver les Stanbuliotes. Cette gestuelle liquide et experte fait de Fatos Arkun la meilleure démonstratrice de ses créations dont ses compatriotes raffolent. C’est dans le bric-à-brac chaleureux d’une vie de voyageuse que Fatos reçoit ses clientes. Sans rendez-vous, en toute simplicité. A la visiteuse, elle offre de la lenteur dans un Istanbul pressé.

PORTRAIT BIGE YALIN

TEXTE ET PHOTOS GILLES KHOURY


lin Arkun,

Seul maître à bord, cette designer qui se dit « perfectionniste et un peu maniaque » pose sa patte sur chacun des recoins de sa boutique. Des tissus à la réalisation en passant par les rayons. Seuls ses objets « vintage », comme elle les appelle, sont importés de l’étranger ; « ma boutique ressemble un peu à un carnet de voyage » rit-elle. Le voyage : thème clé, au propre comme au figuré, qui illustre cette femme «toujours en partance, amoureuse du Bosphore et de ses mouettes promeneuses. Cela se traduit dans son travail, métissage de lignes claires à la précision géométrique, et de plissés, d’enroulés voluptueux. Née à Istanbul il y a une quarantaine d’année, Fatos Yalin Akun est une femme mappemonde qui parle plusieurs langues et dont le français à l’accent improbable est absolument craquant. D’ailleurs son parcours ressemble à un joli périple, parti au rythme des brouhahas de la mode pour se poser dans la tranquillité de sa boutique stanbuliote. MAI 2014

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nouveautés révolutionnaires et distribuant à tout va ses aphorismes. A la manière de Grace Coddington ou Carine Roitfeld, elle a imposé la figure de la rédactrice mode au panthéon de la culture populaire turque, devenant ainsi une icône pour une génération assoifée d’occidentalisation.

Des études en littérature française avortées à cause de l’anarchie en Turquie, puis un poste décroché à Vison Magazine en 1984. C’est dans cette première revue de mode que Fatos fait ses armes « j’étais toute jeune à l’époque et me suis vue affublée de plein de responsabilités, dont celle de participer à l’organisation de fashion weeks en Turquie » raconte-elle. Elle se fait remarquer et se voit bombardée au poste de rédactrice mode du Marie Claire Turquie, devenant ainsi la première femme turque à occuper un tel poste. Au cours de ses vingt-cinq ans de carrière, Fatos devient une icône dans son pays, simple et d’une élégance qu’elle porte comme une deuxième peau. De son poste à Marie Claire, elle a régné d’une main de fer sur la fashion turque, imposant des

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Rattrapée par les problèmes de finances et gestion du groupe Marie Claire (dont elle était devenue general manager), Fatos plie bagages pour une nouvelle escale, et rebondit aussi sec dans le quartier huppé de Nisantasi, où elle monte sa boutique FEY en 2012. Chez FEY, on trouve des pièces qu’on enfile comme des basiques, des pièces qui vivent, respirent, tout en restant extrêmement glamour et élégantes. Chemisiers en soie, pulls en cachemire, pantalons bien taillés ou, plus farfelu : jupes en velours, pyjamas en satin. Des pièces belles et fortes, à porter en solitaire, ou à combiner avec des accessoires vintages. Travaillant les volumes et les textures, la designer aime jouer en permanence sur les effets de superposition. Dandy-aristocrate mais pas poseuse, elle laboure le petit sillon de la mode sobre et recherchée, faisant un pied de nez au bling bling et autres mauvais goûts prépondérants. Des coupes précises et sensuelles, féminines et décontractées, piquées d’une légère influence du vestiaire masculin, pour des compositions rappelant inexorablement la dégaine de ses idoles Audrey Hepburn et Hubert de Givenchy. La sensualité et l’opulence sont permises mais la femme qui en émerge n’est clairement pas farfelue ou théâtrale. Tout feu tout flamme, mais monacale ? Fausse piste. « Je suis une femme libre ! » renvoie Fatos Yalin Arkun « Je ne travaille pas pour les fashion weeks ou pour paraître dans les magazines, j’essaie juste de créer une mode intemporelle et élégante, ni trop minimaliste, ni too much ni trop dadame.» Le fait d’avoir fait le tour du monde aseptisé des catwalks l’aide probablement à se démarquer de ce milieu selon elle «assez figé », manquant singulièrement de peps. Fuyant les mondanités, détestant être le centre de l’attention, Fatos a toujours joué la carte de la discrétion. Pourtant, aujourd’hui, elle est incontestablement l’une des designers les plus talentueuses de Turquie. La griffe FEY créée en 2012 continue de monter en flèche en échappant aux codes mainstream. Au gré de ses voyages cette icône malgré elle rapporte des meubles de Chines ou des marchés newyorkais ou italiens et les expose, créant ainsi « un espace avec un esprit qui se renouvelle à chaque collection ». Dernière question, avant de partir : Pourquoi Fey ? « Fey, c’est un mot anglais qui veut dire magique, hors du monde », raconte Fatos. « John Kennedy disait de sa femme Jacqueline : ‘She is fey.’ ». On a passé un moment formidable : hors du temps justement, souvent loin de l’univers de la mode, baigné par la lumière d’un milieu d’après-midi ensoleillé de fin d’hiver qui file se perdre dans les teintures mordorées du lieu.


Photograph by Jean-Baptiste Fort

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vêtements ont tous fait un jour la couverture de l’Officiel. C’est au tour des créatrices elles-mêmes d’être à la une. Leurs

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Issue de la haute tradition des calèches et des attelages, de la sellerie et du voyage, Hermès, maison nomade, célèbre avec passion l’art du dépaysement en réinventant l’exotisme. La nouvelle collection printemps été 2014 de Christophe Lemaire ne déroge pas à cette constante. Par f.a.d.

éternel été, parfois traversé d’un nuage de saison incarné par un détail blanc. Ailleurs, des imprimés foisonnants font exploser des nénuphars sur fond d’Amazonie irréelle. Le carré Folklore se décline en un ensemble qui semble danser tout seul un quadrille silencieux. Les détails précieux, ici une ceinture brodée, là un lin double face, une déclinaison du kimono, évoquent l’Asie profonde et ces pays à mille lieues de la civilisation et de son rythme effréné, où l’on prend le temps de faire les choses parce qu’il est important de les bien faire. On pense à ce haïku célèbre: «’Tout a brûlé, heureusement les fleurs avaient achevé de fleurir». On se dit que c’est cela, Hermès, une culture sans concessions, de toutes ses énergies orientée vers la beauté intemporelle, avec cette indépendance et cette gratuité du geste qui la maintiennent en marge des modes et des tendances, ou plutôt au-dessus, comme en un saut suspendu.

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Photos ©hermès

ntre Amazonie imaginaire et déserts lumineux, Hermès nous prend par la main à travers la géographie, mais sans histoires. Ou plutôt, sans autre histoire que ce conte gracieux que la marque nous laisse inventer à loisir. Car si l’enseigne Hermès traverse l’espace avec aisance, elle a au moins autant de talent à résister au temps. Le savoir faire exceptionnel de la maison permet des audaces techniques qui tiennent de la haute voltige - un terme équestre qui lui sied - comme l’application d’agneau en plastron sur une chemise en voile de coton, ou la réalisation d’un short dans une peau de crocodile aussi souple et légère qu’un tissu. Partout règne une fluidité rendue lumineuse par la beauté et l’authenticité des plus belles matières. A l’artisanat s’ajoute l’art, à travers des palettes subliminales qui évoquent l’évasion au premier coup d’œil. Safran des sables du Sahara mêlé à l’indigo du ciel pur d’un



Un fard à pa paUpières, qUelqUes billets, Un briqUet, Un troUsseaU ssea sseaU de clés, la naissance des orteils, Ux bleUs oU U Un poignet, des yeUx Un genoU, on exhibe toUt. U entre Ut. plastiqUe et plexi, notre cœUr balance. la l transparence est de rigUeUr. Par MÉdÉa azouri

Petits (et même grands), on a porté et on porte toujours des méduses sur le sable chaud. Ces sandales en plastique donnent aux pieds de belles rayures de bronzage et permettent de marcher sur les galets. Beaucoup de créateurs, notamment Marc Jacobs, ont décliné le modèle et il ne serait pas étonnant que prochainement, on les arbore sur le bitume. Bitume qu’on arpente avec les désormais classiques

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Prada

Lindy Lou

Thierry Lasry Jeremy Scott pour Adidas Gianvito Rossi

Chanel

Miu Miu

Fendi

Gianvitto Rossi et son modèle bi matière. Naissance des orteils et arc du pied sont mis à nus. Dolce et Gabbana ou Nando Muzi ont fait de même. Le plastique joue avec le velours noir ou le cuir électrique. Charlotte Olympia, quant à elle, déguise les talons de ses chaussures extravagantes en bouteille à la mer contenant de vrais grains de sable et un message enroulé. Jeremy Scott se lâche chez Adidas. Et Prada va loin cette fois en exhibant le pied. Vu d’en haut. Sans parler des bottes de pluie à talons chez Miu Miu et les parapluies transparents, un grand classique. Alors ovnis de la mode ou pas ? Statement ou message subliminal ? Mode éphémère ou dix années de plastique ? On verra bien. C’est justement pour ça que c’est fait, la transparence. Pour tout voir.

Photos DR

e plastique c’est chic. Le plexi aussi. Les accessoires jouent la transparence. On montre, on dévoile tout. Faut être soigné. Soigner ses pieds, ses affaires. Parce que la transparence ne pardonne pas. Le contenu est aussi important que le flacon. Flacon que Chanel a décliné en sac. Un Numéro 5 avec bandoulière. Et Chanel n’est pas la seule maison à avoir ouvert son sac. Valentino et Lanvin ont fait de même. Désormais on montre son rouge à lèvres, son porte-monnaie, son téléphone. Sa vie, quoi. D’autres ont joué le jeu en s’amusant avec les couleurs et le fluo surtout. Sac à dos mauve chez Amercain Apparel, où la brosse à dents côtoie une bouteille d’eau, elle aussi transparente. Soyons clairs, on ne montre que ce qu’on veut bien montrer. Un bout de peau sous une jupe qui dévoile le galbe d’une jambe, sous un trench Burberry ou derrière des lunettes qui laissent le regard se poser sans artifices. Thierry Lasry, toujours à l’avant-garde, avait frappé fort l’été dernier. Non seulement il offrait le plexi au soleil mais en plus il en faisait un modèle futuriste.

Charlotte Olympia




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E

MO DE

telle que l’on peut la voir en rêve : Richard Avedon en conseiller artistique et Audrey Hepburn habillée par Hubert de Givenchy. Tout est chic et Paris brille tel un mirage. Un fantasme qu’interprète Inès de La Fressange à notre époque. Elle traverse la rue comme un cygne de Walt Disney, fait des mots d’esprit tel un dialogue sorti d’un film de Blake Edwards, entre dans les salons qui crépitent de photographes. Son personnage surpasse la réalité, elle incarne la Parisienne vue par les Américains. C’est notre Audrey Hepburn, une version d’Eloïse à Paris par Mademoiselle de la Fressange. C’est un esprit libre et excentrique qui croit encore que la mode est un artifice indispensable et qui commence la journée en remontant la rue du Faubourg-Saint-Honoré en chantant « Bonjour Paris ! » Pour interpréter notre casting très parisien, sont venus jouer exceptionnellement : Emmanuelle Seigner la bombe explosive, Louis Garrel l’indomptable, Catherine Deneuve la belle de nuit, Kristin Scott Thomas la distinguée scandaleuse, Isabelle Adjani la romantique aquatique, Valérie Lermercier le sphinx du panache, Lily McMenamy l’innocente rebelle, Jean-Baptiste Maunier le marin enchanté, Helena Noguerra la brune écervelée, Joana Preiss l’impétueuse rêveuse, LuKas Ionesco, Diane Rouxel, Hugo BeharThinières et Théo Cholbi la nouvelle vague et Dita Von Teese la glaçante pin-up…

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le désossé



Robe-guêpière en sangles de polyester, Bordelle pour Mise en Cage.


starring

photographe

dita von teese

i

realisation

i

vincent darre

ali mahdavi

styliste

catherine baba

interview

marion renard


Robe en latex, Phyléa. Parfum N° 5, Chanel.



Robe en latex, PhylĂŠa. Eau de parfum The One, Dolce & Gabbana.


Soutien-gorge en soie, collection « Madame X », Dita Von Teese sur glamuse.com. Harnais « Gia » en sangles de polyamide, Bordelle pour Mise en Cage. Culotte taille haute en latex, Phyléa. Eau de parfum L’Acquarossa, Fendi.


Blouse cache-cœur en coton, Nouvelle Affaire. Eau de toilette Boss, Hugo Boss.


il souf

frir pour être belle ? Échange entre le photographe et son icône. Ali : « Pour être belle, je pense qu’il faut souffrir un peu, qu’en penses-tu ? » Dita : « Je pense qu’il y a différents types de beauté et que l’on doit souffrir un peu pour chacune. Moi j’aime la beauté des sirènes, c’est plus créatif et difficile à atteindre. » Ali : « En ce qui me concerne, j’aime les choses agressives : pas de soleil évidemment, mais du laser fractionné (méthode pour traiter rides et ridules, ndlr), le plus fort possible ! » Dita : « Ma peau est très sensible donc je ne recours pas à cela. » Ali : « Oui, ta peau est très fine, moi, je n’ai pas ce problème ! Et en soins esthétiques, je demande toujours le traitement le plus fort. Mais peut-être ai-je tort. » Dita : « Je vois le soin comme une routine, comme un style de vie, mais je n’ai pas à souffrir réellement. Toi, tu es extrême dans les choses que tu aimes et dans ta vie de tous les jours : c’est détox-retox, détox-retox, détox-retox ! » (Rires.) Ali : « C’est vrai. C’est aussi pour ça qu’il faut que je t’emmène avec moi chez Henri Chenot. Tu n’y crois pas tant que tu ne l’as pas fait ! Tu ne manges pas trop, c’est délicieux et tu te fais masser. Ça marche vraiment, après une semaine, tu es surpris tellement tu as perdu du poids. En général, à la fin, je mange un très bon gâteau autrichien, ma retox, mais tu en ressors avec de l’énergie pour quatre/cinq mois. Toi tu vas à Canyon Ranch, je me souviens… » Dita : « Oui, où il y a d’ailleurs des cours de strip-tease. Mon amie Catherine, qui est une artiste assez connue, et moi y sommes allées et nous nous sommes mêlées discrètement aux housewives qui étaient là. Je n’étais pas maquillée… C’était amusant de voir bouger ces ladies, remuer leur poitrine, etc. » Ali : « C’est vrai : la question n’est pas d’être jeune ou belle, parce qu’il n’y a pas de femmes laides, il n’y a que des femmes paresseuses… » Dita : « C’est une phrase d’Helena Rubinstein, je crois. »

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« Je PENSE qu’il y a différents types de BEAUTE et que l’on doit souffrir un peu pour CHACUNE. » Dita Von Teese


Body en latex, Phyléa.


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« JiAIME la beauté des SIRENES,

c’est plus créatif et DIFFICILE à atteindre. » Dita Von Teese


Ali : « En fait nous pensons tous les deux que la vraie beauté est celle que l’on crée. Parfois, quand je suis dans le métro, je croise des femmes et je me dis que si elles arrangeaient un ou deux détails, elles seraient tellement plus belles. D’autant que les femmes ont accès au maquillage et à tous les artifices, elles peuvent devenir des oiseaux de paradis. Dita, elle, est belle naturellement. Mais la beauté c’est vraiment quelque chose qu’on peut construire, c’est ce que je cherche à démontrer dans mes photos. N’importe quelle femme peut se transcender si elle suit quelques règles, principalement celles du glam hollywoodien, et si elle se connaît, qu’elle se regarde objectivement dans un miroir. » Dita: « Il faut aussi faire attention au style. Chaque femme doit choisir le sien, sans s’embarrasser de l’avis des autres, femmes ou hommes. J’ai le même look depuis des années, et souvent, certains de mes boyfriends m’ont reproché : “Oh, pourquoi tu mets autant de maquillage ? Pourquoi tu t’habilles comme ça ? Les gens te regardent trop…” Je le fais parce que je me sens bien par rapport à ça. Si tu as envie de porter un rouge à lèvres rouge, tu le fais. » Ali : « Et je continue de penser que l’on ne doit pas suivre la tendance… » Dita : « Après chaque show, on me pose la question “Quelle sera la prochaine tendance ?” Je n’en sais rien, je n’en suis aucune, je mets ce dans quoi je me sens bien, ce qui est populaire m’est égal. Si on trouve que je ne suis pas chic, je m’en fiche. Les femmes les plus élégantes savent ce qui leur va et ne changent pas de style au gré des tendances. »

Ali : « Regarde Loulou de la Falaise ou d’autres femmes que nous admirons, la plupart ont du style et ne suivent pas les tendances. Si tu regardes Catherine Baba (la styliste de cette série, ndlr), il y a eu une évolution de son style, mais elle n’a jamais suivi une mode qui ne lui allait pas. » Dita : « Il n’y a rien de pire que des femmes qui craquent sur des tendances qui ne leur vont pas. Quand tu es jeune, ça passe encore, après, c’est plus dur. » Ali : « Pour cette série avec toi, nous avons réalisé plusieurs facettes de la femme… Tu es ma muse, j’adore te photographier. Une fois, on s’est inspiré du maquillage des filles de Madame Claude, d’autres fois, des choses plus étranges… Je connais tout sur toi, toutes tes spécificités. » Dita : « Ce qui est bien, c’est que toi tu joues avec la lumière, d’autres photographes se reposent sur la retouche. » Ali: « Une mauvaise photo, même retouchée, est une mauvaise photo. La peau de Dita est tellement sublime qu’il n’y a pas besoin de la retoucher. Intensifier le make-up, oui, c’est tout. De plus en plus, j’aime travailler avec une équipe que je respecte, comme Catherine et Vincent. Ils sont arrivés avec des influences : Erwin Blumenfeld, des images médicales, que j’ai exploré sur des travaux plus personnels. Nous avons aussi pensé au film L’Enfer de Clouzot, avec Romy Schneider. Et tout cela adapté à Dita, c’est venu très naturellement. Mais c’est vraiment un travail d’équipe. Cependant, j’ai vu de très mauvaises photos de toi. Certains ne comprennent pas ta beauté. Et veulent faire quelque chose de moderne, de cool. Ça ne marche pas toujours. Je n’aime pas le cool I hat

.

ol ! »

e co


Tour de cou en plastique et métal et soutiengorge harnais en cuir et métal, Murmur pour Mise en Cage. Parfum Carnal Flower, Dominique Ropion pour Frédéric Malle. Maquillage Megumi Itano Coiffure Marc Orsatelli Décoratrice Laëtitia Advocat Assistants photo Matthieu Sorey-Garnier et Pierre-Yves Toledano Assistante de création Diane Ducasse Assistante stylisme Bianca Guidoni


PHOTOGRAPHE

DOMINIQUE ISSERMANN

RÉALISATION

VINCENT DARRÉ STYLISME JOAILLERIE

EMILY MINCHELLA STYLISME

ALEXANDRA ELBIM INTERVIEW

PATRICK CABASSET


Collier « Serpenti » haute joaillerie en or blanc serti de deux diamants taille poire, pavage diamants, Bulgari. Page de gauche : Bracelet manchette « Serpenti » haute joaillerie en or blanc serti de deux diamants taille poire, pavage diamants, Bulgari.



Collier en or gris et diamants serti d’onyx, Cartier.


Collier « Constellation du lion » en or blanc serti de diamants taille brillant et d’un cristal de roche taillé de 250 carats, collection « 1932 », bracelet « Constellation du lion » en or blanc serti de diamants taille brillant, de quatre diamants noirs taille brillant et d’un cristal de roche taillé de 161 carats, collection « 1932 », Chanel Joaillerie.


Bague « Lion Royal » en platine sertie de 506 diamants taille brillant et d’un diamant taille poire, collection « Sous le signe du lion », Chanel Joaillerie.


« ON NE PEUT PAS TRAVERSER LA VIE QU’EN FAISANT DES FILMS, AU MILIEU DE SES FOURRURES AVEC DES DIAMANTS AUX DOIGTS.

»

êtue de noir, ballerines « Belle de Jour » en python de Roger Vivier aux pieds, Mademoiselle Deneuve fait son entrée dans un hôtel discret du 6e arrondissement de Paris. Son planning est bousculé, mais elle n’est pas mécontente de se poser enfin dans ce petit salon pour prendre un café et converser avec Vincent Darré et notre journaliste Patrick Cabasset. Accompagnée de l’une de ses fines cigarettes, évidemment… Vincent Darré : « À chaque fois que je vous croise, vous réussissez à allumer une cigarette dans un endroit où personne n’oserait aujourd’hui imaginer fumer. C’est fascinant ! » Catherine Deneuve : « J’essaye de rester discrète au contraire, ça me permet de continuer de fumer dans des lieux un peu limite en effet. Je fais aussi attention de ne pas trop en parler. Ça devient caricatural, je n’aime donc pas trop renchérir là-dessus. » Vincent : « Vous vous octroyez cette liberté à une époque où tout est interdit. Particulièrement la cigarette… » Catherine : « Oui, mais j’ai toujours été comme ça, même très jeune. Et pour beaucoup de choses. Je ne discutais pas, je ne m’opposais pas. Mais je me débrouillais pour faire ce que je voulais. » Vincent : « Intervenez-vous dans le choix de vos garde-robes ? » Catherine : « Oui, dans la mesure où c’est moi qui porte les vêtements et qu’il faut que je me sente bien dedans. » Patrick Cabasset : « Les robes de quels films avez-vous conservé ? » Catherine : « Plusieurs, mais plutôt celles de films récents. Avant, je n’avais pas la place chez moi pour les garder. Ainsi, je n’ai presque rien conservé des costumes d’Yves Saint Laurent. Une ou deux choses, mais pratiquement rien. Aujourd’hui, je garde plus facilement, car il y a peu de créations de costumières finalement. Ce sont des choses que l’on prend dans des boutiques ou des maisons de couture. » Patrick : « Quelle est la tenue que vous avez préférée dans l’ensemble de vos films ? » Catherine : « J’aime beaucoup la robe que je portais dans Le Sauvage. C’était une robe chemise rayée très simple, mais d’autant plus difficile à réussir. » Patrick : « Quelle est celle que vous regrettez de ne pas avoir gardée ? » Catherine : « Au moins une robe de Peau d’Âne ! Mais elles étaient créées par le costumier italien Tirelli, il les a donc

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récupérées. Hélas, une grande partie de son entrepôt a brûlé. » Patrick : « Quel est votre couturier préféré aujourd’hui ?. » Catherine : « En couture, c’est Jean Paul Gaultier. Sinon, je porte aussi du Nicolas Ghesquière, du Prada, mais aussi du Lanvin par Alber Elbaz. Et les bijoux d’Élie Top pour Lanvin bien sûr ! » Vincent : « Vous avez aussi un goût certain pour les fourrures, non ? » Catherine : « Oui, j’en ai toujours porté. Je pense que ça vient de mon enfance. Ma mère portait un manteau en guanaco (un lama sauvage d’Amérique du Sud, ndlr), je trouvais ça si chaud et voluptueux… J’ai dû ensuite porter ma première fourrure vers l’âge de 17 ans. C’était un manteau de panthère que mon amoureux avait gagné au poker. Ça semble très romanesque, mais c’est vrai ! C’était le père de mon fils. Je l’ai porté longtemps et l’ai transformé en blouson. J’ai même affiché de la fourrure aux États-Unis à une époque où c’était mal vu. » Vincent : « Vous aimez les bijoux aussi… » Catherine : « Oui. Enfin, à vous entendre, on a l’impression que ma vie n’est que diamants, bijoux et fourrures. Mais c’est autre chose aussi quand même ! Il est vrai que j’aime les pierres et tout ce qui est minéral. J’aime aussi l’artisanat qu’il y a autour des pierres, la façon dont elles sont taillées, montées… » Vincent : « J’ai été étonné de voir la longue liste de vos prises de positions politiques. » Catherine : « Ce ne sont pas des combats politiques, plutôt des causes qui me tiennent à cœur. Et avec le temps, ça finit par faire beaucoup. Je trouve ça normal. On ne peut pas traverser la vie qu’en faisant des films, au milieu de ses fourrures avec des diamants aux doigts quand même ! » (Rires.) Patrick : « C’est quoi une femme libre aujourd’hui ? » Catherine : « La liberté, ce n’est pas seulement se sentir ou se croire libre, c’est l’être vraiment. C’est très difficile. » Patrick : « Quelle femme admirez-vous pour son courage politique ? » Catherine : « Le courage politique aujourd’hui ?… Il faut chercher ! Le courage, c’est faire des choses en sachant que la sanction peut être terrible. Ce n’est pas seulement prendre des positions ou signer des manifestes. Le courage est lié à des situations qui vous mettent en danger, physiquement et moralement. Ce risque d’agression encouru par certaines femmes dans le monde fait que, personnellement, je ne me sens pas si courageuse ! » Vincent : « D’une façon générale, vous êtes toujours en mouvement, non ? Même votre diction est rapide ! » Catherine : « Oui. Je ne suis pas agitée, mais je suis active. Je suis curieuse et comme j’ai encore de l’énergie, j’en profite. Je sais que mon énergie va finir par ralentir un jour, alors j’essaye de faire le maximum de ce que j’aime. »


Pendentif en or gris et diamants orné d’une améthyste et d’une aigue-marine, collection « Emprise », Louis Vuitton Joaillerie.


Bague « Cygne blanc » en or blanc et diamants, Dior Joaillerie.


Boucles d’oreilles « Cygne blanc » en or blanc et diamants, Dior Joaillerie. Coiffure Jean-Claude Gallon Maquillage Thibault Vabre Manucure Béatrice Rochelle Assistants photo Emma Hernandez, Olivier Hersart et Delphine Micheli Opérateur digital David Martin Assistante de création Diane Ducasse Assistante stylisme Caroline Munier



TEXTE

BERNARD CHAPUIS RÉALISATION

STYLISME

STYLISME JOAILLERIE

VINCENT DARRÉ

GABRIELLE GREISS

EMILY MINCHELLA

PHOTOGRAPHE

FRANÇOIS HALARD

Veste en cuir et robe en coton, Gareth Pugh. Collier « Lanvin Cassiopée » en métal et cristal, Lanvin. Bracelet en platine et diamants, Cartier. Gants longs en cuir, Maison Fabre. Minaudière en coton brodé, boîtier en laiton, Olympia LeTan. Sur la minaudière, broche « Lanvin Mira » en métal et strass, Lanvin. Escarpins en chevreau, insertions en PVC, Francesco Russo.


Robe en crêpe de soie, Dsquared2. Collier « Lanvin Cassiopée » en métal et cristal, Lanvin. Bracelet et bague « Tango » en or rose et diamants bruns, Pomellato. Gants longs en cuir, Maison Fabre. Escarpins en rayonne et soie, Manolo Blahnik.


’abord ses yeux. Et puis son français parfait, son chic sans esbroufe, son port de reine. Et cette voix, en demi-teinte : « Mon enfance a été dans le Dorset, le pays de Thomas Hardy. Des chemins bas, en dessous des champs, murés par des haies de chèvrefeuille et des bancs blancs d’ail sauvage, les chênes en silhouette devant un ciel souvent gris. L’odeur de l’ herbe et le bruit des tracteurs m’envoient tout de suite là-bas. C’est aussi la pierre dorée et le son des cloches, la bière tiède et les cigarettes roulées. » Paysage d’enfance sous le vent romanesque. Cinquante-huit films, neuf pièces de théâtre. Six fois meilleure actrice : British Academy of Film and Television Art, European Film Awards, Evening Standard British Film Awards, Prix Lumière, Globes de Cristal, Laurence Olivier Awards. Magnétique et secrète, désemparée ou terrible, brûlante ou altière, Kristin Scott Thomas signe ses rôles.


Veste en soie, Giorgio Armani. Jupe en coton mélangé, Cos. Chapeau en velours vintage. Collier « Franges Swing » en or blanc serti de diamants tailles brillant et baguette, collection « 1932 », Chanel Joaillerie. Broches « Lanvin Mira » en métal et strass, Lanvin. Gants longs en daim, Maison Fabre.


Robe en viscose et mousseline, Azzaro. Boucles d’oreilles et collier plastron « Lanvin Altaïr » en résine, métal doré, strass et ruban de gros grain, Lanvin. Bague « Nudo », en or blanc, or rose, diamants et topaze azur, Pomellato. Escarpins en chevreau, insertions en PVC, Francesco Russo.


Kristin : Spencer tuxedo sans manches en gabardine de laine brodée, Saint Laurent par Hedi Slimane. Pantalon en organza de soie, Fendi. Boucles d’oreilles « Nid » en or blanc serti de diamants taille brillant, collection « Plume de Chanel », manchette « Éventail » en or blanc serti de diamants blancs et noirs taille brillant, collection « Plume de Chanel », bague « Panache » en or blanc serti de diamants tailles brillant et rond, collection « Plume de Chanel », Chanel Joaillerie. Gants longs en cuir, Maison Fabre. Escarpins en chevreau, insertions en PVC, Francesco Russo. Élie Top : Queue-de-pie en laine et mohair, chemise en coton, Lanvin.



de la scène, après la prise de vues. Au théâtre, elle rêverait d’être Margo Channing et dire, entre deux dry Martini, la phrase culte qu’interprétait Bette Davis dans Ève : « Attachez vos ceintures, ce soir, ça va secouer ! » « Un rôle en or », dit Kristin : Margo Channing, gloire absolue de Broadway, prend sous son aile Ève Harrington, une débutante, si indispensable, si dévouée. En vérité, une mygale qui va dévorer vive sa bienfaitrice. « J’ai déjà croisé une ou deux Ève, assez terrifiantes, mais je ne citerai pas de nom. » Quand Vincent Darré lui a proposé une affiche pour ce « spécial cinéma », Kristin Scott Thomas a mis la main sur la tête de Margo Channing. Le shooting vient de s’achever sous le firmament étoilé de La Nouvelle Ève, le cabaret-écrin de la rue Fontaine à Paris, et le photographe François Halard éteint ses projecteurs.


Haut en soie sur jupe en soie, Dior. Manteau en vison, Yves Salomon. Collier en or gris et diamants, collection « Voyage dans le temps », Louis Vuitton Joaillerie. Bague « Panache » en or blanc serti d’un diamant taille rond et de diamants taille brillant, collection « Plume de Chanel », Chanel Joaillerie. Gants longs en cuir, Maison Fabre. Sur la table, minaudière « Lanvin Evening » en résine, cristal et métal doré, Lanvin. Minaudière en coton brodé, boîtier en laiton, Olympia Le-Tan.


Robe en tulle brodé, Blumarine. Voilette et fleur en sequins irisés, Laurence Bossion. Collier en or gris et diamants, Cartier. Bague « Miss Dior » en or jaune, diamants et citrine, Dior Joaillerie.


CREDIT PHOTO

Kristin : Robe de chambre en soie, Ulyana Sergeenko. Robe en mousseline de soie rebrodée de perles et paillettes, Roberto Cavalli. Accessoire de tête vintage. Collier « Franges Swing » en or blanc serti de diamants tailles brillant et baguette, collection « 1932 », Chanel Joaillerie. Escarpins en miroir argent, Dior. Élie Top : Queue-de-pie en laine et mohair, chemise en coton, Lanvin.


Chemise en coton léger et jupe en coton ramie, Bottega Veneta. Voilette brodée de cristaux Swarovski irisés, Laurence Bossion. Collier « Lanvin Cassiopée » en métal et cristal, Lanvin. Gants longs en daim, Maison Fabre. Nœud vintage. Coiffure Alexandry Costa Maquillage Hélène Vasnier Stylisme joaillerie Emily Minchella Assistante de création Diane Ducasse Assistante stylisme Caroline Munier



Adjani qui PHOTOGRAPHE y a quelque décide, adolescente, chose d’amusant de s’emparer du vedettariat presque, à revoir sur YouTube les (et il faut revoir cette interview interviews que donnait Isabelle Adjani dans d’elle encore lycéenne pour savoir qu’être les années 1980 ou 90. Toutes, sans exception, star est une chose qui n’a rien à voir avec le commencent avec ce même étonnement : « Pourquoi hasard), de s’imposer tout simplement comme le vous faites-vous si rare à la télévision ? » Réponse fatiseul horizon possible du cinéma français, et faire guée de l’actrice : « Je me fais déjà rare au cinéma, aussi pour cela les sept ou huit films pour que ce cinéma je m’imagine mal venir sur les plateaux parler des films devienne, en quelques plans, son règne total, et puis que je ne fais pas. » C’est une réponse que Garbo aurait pu se dire que ce royaume n’a de sens que dans l’exil. faire, c’est la réponse lasse d’une actrice qui voudrait qu’on Il est bien possible qu’Isabelle Adjani n’existe pas. Au lui demande autre chose que d’avoir à justifier pourquoi elle sens où Baudrillard disait de la guerre du Golfe qu’elle ne fait rien comme les autres. C’est la réponse d’une femme n’avait pas eu lieu, qu’elle était une fiction, pure virtualité. qui est naturellement dans la fiction face à des journalistes qui Il y a Isabelle et tous ses films intérieurs, qu’elle porte en elle. croient eux, les pauvres, être dans le réel. C’est sa façon Adjani Isabelle Adjani est tout à la fois un rêve et une supposition.Tous de nous dire qu’aller la chercher sur le terrain du jeu, c’est bien, les films qu’elle ne tourne pas, son choix, sont autant de films mais si c’est seulement pour venir lui demander pourquoi elle qui manquent au cinéma français. ne joue pas le jeu médiatique, c’est pauvre. Vouloir croire une Mais on peut dire tout aussi bien l’inverse, et le dire fort : Isabelle seconde qu’Isabelle Adjani est une actrice comme les Adjani existe, elle existe même deux fois plus que les autres, c’est forcément prendre le mauvais chemin autres, comme actrice (peut-être même la seule ou pour comprendre quelque chose à son fonctionnement. l’une des seules à s’être jetée dans le cinéma à corps Maintenant que nous connaissons mieux ce jeu entre perdu) et comme femme (lyriquement, passionnément). l’apparition et la disparition, avec ces périodes de repli, d’iso- Elle qui a tout, toujours tout tourné en film. Qu’on y regarde lement, ces déserts et ces châteaux, on sait mieux la question de près : Gainsbourg lui a écrit ce disque, beau disque oui, et qu’il faudrait poser à Isabelle Adjani : à quoi ressemble-t-il ce film ce disque, non elle ne l’a pas chanté, elle l’a joué. C’est un script. permanent, cette fiction constante dans laquelle vit l’autre Isabelle Elle ne peut pas faire autrement que de jouer : tout est déjà là Adjani, celle que l’on ne voit pas, celle qui vit dans le secret ? À quoi dans son visage, dans ses yeux qui rêvent d’un autre espace, d’un ressemblent-elles ces mille fictions possibles, essayées, habitées ? autre temps, d’un point dans le désert, en même temps qu’ils vous Sont-elles douces avec vous, d’une vie bien plus intense que la dévisagent et répondent à une interview. Tout est déjà dans cette nôtre ? Sont-elles tragiques, tragiques et bien ? Sont-elles en voix pleine de fictions, qui vient jusqu’à nous, cette fois encore, noir et blanc, Isabelle, ou sont-elles en couleur, Adjani ? mais qui pourrait se casser – dans tous les sens du terme. Ne pas aimer à la folie celles qui ont fait le choix d’échapper à Écrire un texte sur Isabelle Adjani sans avouer le plaisir l’image que l’on bâtit autour d’elles, c’est ne rien comprendre vif de se faire avaler par le silence entêtant de ce aux (grandes) actrices. Ne pas défendre l’ombre et le regard et par le paysage de cette voix, ce serait secret, c’est ne rien comprendre au cinéma. Il faut écrire un texte où l’on se ment à soi-même. aimer à la folie, il faut aimer sans l’ombre Quand ici elle est la seule à avoir d’un doute cette ce droit, Isabelle divin.

KATERINA JEBB

RÉALISATION

VINCENT DARRÉ

TEXTE

PHILIPPE AZOURY


Sur la chevelure, broche « Dentelle » en or gris et diamants, collection « Voyage dans le temps », Louis Vuitton Joaillerie.



Caban en laine taillé dans une tapisserie d’après « La Femme du roi » de Paul Gauguin, Maison Martin Margiela Artisanal. Sur la chevelure, collier « L’Oiseleur » en or blanc, diamants blancs et diamants de couleur, nacre, laque, saphirs, grenats et émeraudes, Van Cleef & Arpels.





Manteau du soir en satin duchesse parsemé de velours, Schiaparelli Haute Couture. Page de gauche : Kimono en soie, Chanel Haute Couture. Manteau en laine, Valentino. Collier « Regina » deux ors gravés, diamants taille rose et rubis, pièce unique, Buccellati.


Bague en or blanc serti d’une aigue-marine poire, de deux saphirs roses ovales et de diamants, collection « Temptations » Chopard. Bracelet en platine et diamants, Cartier. Maquillage Sarah Reygate Coiffure Cédric Chami Assistant photo Franck Mura Opérateur digital Julien Souloumiac Assistante de création Diane Ducasse Assistante stylisme Caroline Munier



Helena Noguerra Joana Preiss

Jean-Baptiste Maunier

photographe

Zebulon stylisme

Gabrielle Greiss rĂŠalisation

vincent darrĂŠ interview

louis bompard 164

AVRIL 2014


Gilets en organza de soie et bracelet, Chanel. Robes en cotte de maille argentĂŠe, Zadig & Voltaire. Page de gauche : Manteaux en vison, Miu Miu. Robes en coton, Victoria, Victoria Beckham. Bracelets, Yazbukey. Trompette, Regifilm. Cithare, GaĂŤtan Lanzani.


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Helena Noguerra et Joana Preiss sous la forme d’un cadavre exquis, on se rend compte que ce dernier n’a finalement jamais aussi bien porté son qualificatif. En effet, une journée à leurs côtés devient vite un intermède délicieux. Délicieux comme ces instants passés avec des femmes dont la différence et la beauté sont des pièges à cœurs inévitables. Délicieux comme le piquant goût de l’inattendu et de la spontanéité qu’elles brandissent en philosophie. Délicieux, enfin, comme le sentiment nostalgique et fier de revoir briller la magie de Jacques Demy aussitôt qu’elles prennent les traits de nouvelles demoiselles de Rochefort. Dans cette mission, elles sont aidées par le jeune acteur, lui aussi slasheur puisque chanteur, Jean-Baptiste Maunier. Il endosse ici le costume rayé du matelot interprété par Jacques Perrin dans le film de 1967. Joli clin d’œil quand on sait que ce dernier jouait le personnage de Jean-Baptiste Maunier devenu adulte dans Les Choristes. Avant que ne démarre ce voyage dans le temps, Helena Noguerra passe donc par la case maquillage. Elle y attend son amie Joana – qu’elle a récemment fait jouer dans un de ses clips – en contaminant l’équipe de sa bonne humeur. Et si c’était elle qui commençait ce cadavre exquis… Alors Helena, je croyais qu’on ne vous y reprendrait plus dans un magazine de mode ? Helena Noguerra : « Mais moi aussi ! J’ai passé tant d’années à les lire, les dévorer même, quand je vouais un culte aux grands photographes comme Dominique Issermann ou Ellen von Unwerth… J’ai même pleuré devant des défilés, car l’art de créer, de provoquer et de sublimer de Jean Paul Gaultier ou Vivienne Westwood m’a toujours touchée. Puis, je me suis un peu échappée de tout ce cirque. Mais, aujourd’hui, comment dire non à Vincent lorsqu’il me l’a proposé, un jour dans la rue, tout enthousiaste ? Avec lui, on sait que rien ne sera gratuit, qu’il y aura toujours une démarche artistique derrière, c’est ça qui me plaît. Et puis, c’est aussi plus facile parce que ce n’est pas moi qu’on photographie, c’est une demoiselle de Rochefort. Ça sera donc plus beau, plus fort, plus émouvant ! » Vous avez… (Elle coupe, ndlr.) « Et aussi, désolée de vous couper, pour vous faire une confidence, ce matin, je me suis réveillée avec la radio. Et la première des chansons qui est passée était celle du film ! Je me suis dit que c’était un joli signe et que j’avais bien fait de dire oui ! »


Helena : Pull et jupe en coton et soie, Sportmax. Collier en métal et perles et bracelet façon denim, Chanel. Jean-Baptiste : Veste en jean, BLK Denim. Marinière en coton, Doursoux. Jean, A.P.C. Chapeau de marin, Olympia Le-Tan.


Haut en jacquard de fil coupé, T-shirt en jersey (en dessous) et bracelets en métal, Céline.




Robe en organza de soie, Jean-Charles de Castelbajac. Page de gauche : Veste en jean, BLK Denim. Marinière en coton, Doursoux. Chapeau de marin, Olympia Le-Tan.


Hauts et jupes en organza de soie et vison rasĂŠ, Fendi. Chaussettes en coton, Pas ChassĂŠ. Chaussures plates en cuir, Acne Studios.



ous avez t

o

ujours l’impression que vous travaillez lorsque vous posez ou cela tient-il de l’amusement ? « Je ne veux pas décevoir les gens. C’est un travail comme un autre pour lequel je ressens toujours un peu de stress. » Mais au fait, c’est quoi votre travail ? « Disons que je suis un ménestrel qui raconte des histoires, quel que soit le support. Je me sens un peu plus chanteuse, c’est vrai, mais quand je joue, j’écris ou je réalise, je veux tout autant qu’on y voit ma personnalité. » Même lorsque vous avez réalisé un court-métrage porno ?! « Oui, et même encore plus que dans mes autres projets car, là, je ne connaissais pas du tout les codes du X. Lorsqu’on m’a proposé ça, j’ai dit oui car j’aimais l’audace de cette aventure. C’est ça qui me fait avancer : le défi. Si on ne me sent pas capable de tenir une boulangerie, je peux vous dire que je fais tout pour en ouvrir une le lendemain. Ici, j’ai donc essayé d’injecter un peu de mon univers, dans les cadrages et l’atmosphère notamment. Après, lorsque vous dites “action” sur un tournage de porno, les acteurs savent très bien ce qu’ils ont à faire ! » (Rires contagieux pour toute l’équipe.) Où en êtes-vous aujourd’hui dans votre carrière d’actrice ? « Je ne me suis jamais mis la pression, mais c’est vrai que les choses s’accélèrent. J’ai tout de même attendu d’avoir 40 ans pour obtenir mon premier premier rôle dans Hôtel Normandy. En fait, il y a clairement eu un avant et un après L’Arnacœur. Et pas seulement dans le regard des autres, pour moi aussi. » Qu’est-ce qui vous plaît le plus dans le fait de jouer la comédie ? « Pouvoir prendre des vacances de moi, entrer dans la peau de quelqu’un d’autre, sans pour autant oublier q

ui je su

is. »


Robe en dentelle de coton, Burberry Prorsum. Manchette plaqué or, Pierre Hardy. Page de gauche : Pulls en Néoprène avec détails en cuir, Iceberg.



Joana et Helena : Hauts en fourrure, Dolce & Gabbana. Collier mosaïque en métal blanc et argent, Viveka Bergström. Manchette asymétrique en métal, Hélène Zubeldia. Ceinture en cuir et perles, Chanel. Sac en fourrure et cristaux Swarovski, Fendi. Jean-Baptiste : T-shirt en coton, Christophe Lemaire. Jean, A.P.C. Chapeau de marin, Olympia Le-Tan.


Robe droite à col V en coton, polyester et viscose, Maje. Coiffure Sébastien Richard Maquillage Kathy Le Sant Manucure Laura Forget Assistants photo Clément Dauvent et Morgane Pouliquen Opérateur digital Pablo Azevedo Assistante de création Diane Ducasse Assistante stylisme Ghalia Chraibi


u’est-

th

ce q

ue cela fait d’endosser le costume des demoiselles de Rochefort ? « C’est génial. J’ai tellement de souvenirs de Jacques Demy… Aujourd’hui encore, revoir Lola ou La Baie des anges me donne des frissons. Ce que j’aime le plus chez lui, c’est sa facilité à contrôler nos cœurs : quand il fait beau dans ses films, on a aussi l’impression d’avoir chaud. Je me souviens de la première fois où j’ai vu Les Demoiselles de Rochefort, c’était en Belgique, j’étais allongée par terre devant le canapé, avec ma sœur. Et je voyais ces deux jeunes femmes, belles comme le jour, qui faisaient tout ce que les petites filles rêvent de faire: elles chantaient, elles dansaient… » Cela met-il plus de pression d’incarner des personnages qui ont déjà existé ? « Non, car je ne leur vole rien. J’aurais d’ailleurs beaucoup aimé que Catherine Deneuve soit là pour que je lui montre ma vision de son personnage. Pour moi, c’est en s’appropriant un rôle qu’on lui rend vraiment hommage. Vanessa Paradis qui chante Le Tourbillon à Cannes devant Jeanne Moreau, ça a de la gueule non ? » Je crois que votre jumelle arrive… (Elles se serrent dans les bras, et Helena aborde les points communs que leurs chemins et caractères respectifs comportent. Puis elle laisse la place à un tête-à-tête avec la belle Joana Preiss.) Joana, vous semblez contente de retrouver Helena ! Joana Preiss : « Oui, beaucoup. Même avant de la connaître je suivais sa carrière car j’aimais son audace. Un jour, elle m’a demandé de jouer Marilyn dans un de ses clips. C’est à ce moment-là que nous nous sommes rapprochées. Nous avons un point commun : nous jouons toutes deux de la musique avec nos fils. » Vous en avez un autre, celui de cumuler les activités. Helena se décrit comme un ménestrel. Et vous ? « Artiste ?! Ce que je recherche dans tout ce que je fais, lorsque j’écris, je joue, je chante ou lorsque je réalise, c’est l’onirisme. Et aujourd’hui je suis heureuse car je me retrouve dans mon rêve. » C’est-à-dire ? « J’ai grandi avec les comédies musicales ! Les américaines, avec Cyd Charisse, Gene Kelly, Fred Astaire, Judy Garland, celles de Vincente Minnelli… Puis, surtout, celles de Jacques Demy. Je connaissais par cœur la plupart de ses films. Même avec le recul, j’y découvre encore de nouveaux éléments, notamment sa légèreté pesante, comme dans l’histoire incestueuse de Peau d’Âne. Je pense que ce sont eux qui m’ont poussée à faire ce que je fais aujourd’hui. » Et pourquoi n’avez-vous pas vous-même joué dans une comédie musicale ? « Mais j’adorerais ! Christophe Honoré, dans Dans Paris, m’a déjà demandé de chanter en jouant et ce fut

un grand bonheur. Alors une vraie comédie musicale… » Quel rôle aimeriez-vous y jouer ? « Celui de Médée, parce que Pasolini, parce que la Callas… Ou bien celui d’une sainte. Simplement parce que je trouve que ce sont des personnages complexes et sublimes. » Cela vous embête-t-il que l’on vous identifie au cinéma « alternatif » ? « Oui, c’est dommage. C’est un peu poser des limites à ce que je peux faire. Je sais que je suis radicale dans mes choix, intègre et exigeante, mais ma manière de travailler et ma passion du cinéma sont moins réduites que cette identification-là. » Vous en pensez quoi du cinéma français aujourd’hui ? (Hésitation…) « Cette année, le film français qui m’a bouleversée est L’Inconnu du lac, d’Alain Guiraudie. Sinon je regarde plutôt des films étrangers, des films américains. » Et quel est le film que vous avez le plus vu ? « Cocksucker Blues, de Robert Frank, un docu sur les Stones, représentatif d’une époque et d’une manière de filmer, mais aussi Le Narcisse noir, de Michael Powell, et Théorème, de Pasolini. » Ces influences se ressentent-elles sur votre travail de réalisatrice? « Je ne sais pas vraiment… Mon premier film, Sibérie, était tellement personnel, et finalement si spontané, qu’il est difficile de le relier à autre chose que ce que je ressens. Celui que je suis en train de réaliser est de la même veine, sauf qu’il se déroule dans un univers a priori plus éloigné de moi, celui de la tauromachie. Je veux tout de même que l’on y sente une atmosphère d’introspection, de proximité et de doux réalisme. C’est peut-être ce que j’ai en commun avec le film de Robert Franck : un désir d’intimité, entre pudeur et crudité, rêves et réalité. » Quel est votre casting de rêve ? « Vincent Gallo, Isabelle Huppert, Willem Dafoe. » Et quelle bande originale irait avec ce trio magique ? « Madame Butterfly, de Puccini. » C’est vrai que vous êtes très proche de l’opéra, vous qui avez débuté comme chanteuse lyrique. Pourquoi ne pas avoir continué ? « Je continue à chanter et ma formation lyrique ainsi que ma formation de musique contemporaine continuent à me nourrir, mais je préfère la création à l’interprétation. Je fais actuellement des concerts avec mon fils où nous improvisons, nous composons en temps réel, ma voix comme un instrument qui traverse les mondes, accompagnée de sa guitare organique. » Vous vouliez aussi être danseuse lorsque vous étiez petite, non ? « Oui ! C’est ainsi que j’ai débuté. J’ai pratiqué la danse classique pendant dix ans, c’est une activité qui construit. Je continue à danser. » Et dans vos rêves les plus fous, avec qui vous partageriez ces danses ? « Marlon Br

o.»

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Ci-contre, Théo : bandana en étamine de cachemire et soie, Saint Laurent par Hedi Slimane. Blouson en croûte de velours, Louis W. pour A.P.C. Pantalon en coton, Viktor & Rolf. Diane : veste en jacquard, Comptoir des Cotonniers. Pantalon en polyester, 3.1 Phillip Lim. Bracelets en argent, Saint Laurent par Hedi Slimane. Lukas : perfecto en cuir, Schott. Jean en coton, Saint Laurent par Hedi Slimane. Page de droite, Lukas : perfecto en cuir, Schott. Polo en cachemire et soie, Berluti. Pantalon en coton, AMI. Chaussures en cuir et crochet, semelles en crêpe naturel, Adieu. Théo : veste en coton et lin, MP di Massimo Piombo. T-shirt col cheminée en maille de soie, Saint Laurent par Hedi Slimane. Jean en denim, Levi’s. Chaussures « 1461 » en cuir, Dr. Martens. Diane : trench en coton, Zadig & Voltaire. Pull en cachemire, Berenice. Short en coton et lin, See by Chloé. Chaussettes en coton, Calzedonia. Ballerines en python avec nœud clouté, Saint Laurent par Hedi Slimane.

Mutinerie sur le tournage du dernier film de Larry Clark, « The Smell of Us ».


Photographe Alexia Silvagni Réalisation Vincent Darré Stylisme Hala Moawad Interview Paquita Paquin


Lukas : veste et pantalon en laine, chemise en soie, T-shirt en résille de coton, Saint Laurent par Hedi Slimane. Boots « 1460 » en cuir, Dr. Martens. Théo : teddy en drap de laine et nylon, manches en cuir de vachette, Schott. T-shirt en coton, Acne Studios. Pantalon en coton, Marc Jacobs. Chaussures « 1460 » en cuir, Dr. Martens.


Rend

e

z-vous sur le pont de la gare de l’Est avec Diane Rouxel, Hugo Behar-Thinières, Théo Cholbi et Lukas Ionesco, les quatre principaux acteurs du prochain Larry Clark. Le réalisateur dit avoir tourné dans ce film la scène la plus perturbante de toute sa carrière, et trois des acteurs ont dû quitter le tournage peu avant la fin. Une façon de se préserver, car on sort rarement indemne d’un tournage de Larry Clark.

Que raconte le film ? Lukas : (Il tourne actuellement un courtmétrage de sa mère Eva Ionesco, pour Canal+, à Cannes.) « C’est l’histoire de deux garçons, Matt et JP, l’un skate l’autre non, ils se droguent un peu, beaucoup même, ont besoin d’argent. Appâtés par une pub sur le net pour devenir “escort boys”, ils bravent leurs réticences car ils ne sont pas gay. Hyper-contents au début de se faire un paquet de thunes dans ce monde d’hommes, assez semblables aux amateurs d’art contemporain qu’ils croisent au Dôme, sur l’esplanade du musée d’Art moderne et du palais de Tokyo où il skatent, ils finissent par ne plus savoir comment sortir de cette histoire. Ils ne supportent plus les clients fétichistes un peu chelou. »

Hugo :

« JP, mon personnage, est secrètement amoureux de Matt, son meilleur ami, mais la relation n’est pas assumée. JP a une ambiguïté sexuelle, il n’arrête pas de se taper des meufs. »

Théo : (Plusieurs expériences au cinéma, deux longs-métrages et une série pour Arte : « Des morceaux de moi » avec Adèle Exarchopoulos, ainsi qu’un film d’horreur américain.)

Diane : gilet en coton, American Retro. Chemise en coton et broderie anglaise, Brigitte Bardot. Jupe plissée en polyester, Claudie Pierlot. Lunettes de soleil en acétate et métal argenté, Ralph Lauren Eyewear. Chaussettes en coton, Calzedonia. Ballerines en python avec nœud clouté, Saint Laurent par Hedi Slimane.


Lukas : perfecto en cuir, Schott. Polo en cachemire et soie, Berluti. Pantalon en coton, AMI. Chaussures en cuir et crochet, semelles en crêpe naturel, Adieu.

« J’incarne Packman, un chien fou un peu gipsy qui baise tout ce qui bouge et se débrouille tout seul. Mon rôle est plus sauvage, celui de Lukas plus silencieux. Marie est ma copine, une fille bourgeoise qui ne se drogue pas et dont tout le monde est un peu amoureux. »

Diane :

« Lorsque Marie, mon personnage, apprend que ses potes sont devenus escort, elle s’en sert pour les manipuler. »

Dans quel état d’esprit es-tu allé au casting ? Lukas :

« Je connaissais les photos de Larry, j’aimais son travail. Il est arrivé avec le scénariste Mathieu Landais, alias Scribe, à la fin du casting. Beaucoup de monde les entourait, je n’osais pas trop approcher, mais lui est venu direct vers moi et m’a longuement parlé. La semaine qui a suivi, on s’est revu, on a dîné ensemble. Il m’a donné le scénario. Il était sûr que le rôle de Matt était pour moi. »

Quelle impression cela fait de se balader avec Larry Clark ? Lukas :

« Au début, c’était waouh ! Qu’est-ce qui se passe, le Larry Clark qu’on


admire est devenu mon pote ! Même s’il a 69 ans et moi 18, c’était naturel de l’emmener partout où j’allais. »

Larry Clark avait-il visionné le film « My Little Princess » de ta mère, Eva Ionesco ? (« My Little Princess » raconte les instants borderline d’une enfance pulvérisée par les images réalisées par la propre mère d’Eva, Irina Ionesco, la grand-mère de Lukas, artiste photographe érotique, elle-même fruit d’un inceste. Eva Ionesco recrée les séances de pause, sublimes mais cauchemardesques, avec sa mère qui en veut toujours plus, et qui offre au désir des hommes les images de sa fille dévêtue.) Lukas :

Lukas : manteau en soie, MP di Massimo Piombo. T-shirt en coton, Acne Studios. Pantalon en laine, Saint Laurent par Hedi Slimane. Boots « 1460 » en cuir, Dr. Martens.

« C’est sûr qu’il avait vu le film et connaissait l’histoire de la famille. Larry Clark aussi en voulait toujours plus. J’avais même l’impression qu’il cherchait à me faire vivre des situations semblables. »

Beaucoup de sexe et de drogue dans le film ? Lukas :

« Coke, joints, MDMA, alcool, mais pour tourner, on ne pouvait ni se défoncer ni être bourré, les producteurs veillaient au grain, craignant que nous soyons aussi déchirés qu’habituellement sur les films de Larry Clark. Cela donnait des scènes bizarres comme cette soirée de trois-cents personnes, dans un squat pourri, où l’on devait faire


comme si nous étions ivres morts et hyper défoncés, tout en buvant des boissons factices. »

Vous avez tourné avec Michael Pitt, un ancien acteur de Larry Clark… Lukas :

« Michael a remplacé Pete Doherty, pressenti pour son rôle. Un peu plus âgé que nous, 32 ans, alors que nous avions entre 18 et 21. Sa présence et son expérience nous ont aidés à comprendre comment fonctionnait le réalisateur quand cela commençait à ne plus tourner rond. »

Pourquoi avez-vous quitté le tournage ? Théo :

« Ça a pété parce que c’est un vieux monsieur et qu’on n’a pas eu la complicité qu’il attendait. Il s’était beaucoup attaché à nous, espérait trop de nous, cela nous a fait peur. Il improvisait sans respecter le scénario de base, en voulait toujours plus. » Lukas : cardigan en maille ajourée, Paul & Joe. Chemise en coton, Burberry Prorsum. Pantalon en laine, Saint Laurent par Hedi Slimane. Diane : gilet en laine, American Vintage. Robe en soie et coton, Kate Spade. Sac en coton, Olympia Le-Tan. Bracelets en argent, Saint Laurent par Hedi Slimane. Théo : pull Astrodye en laine, A.P.C. Pantalon en coton, Viktor & Rolf.

Diane :

« Sans mes trois partenaires, j’ai très mal vécu la fin du tournage, mais je ne voulais pas abandonner, avoir fait tous ces efforts pour rien ! »

Lukas :

« Larry m’avait tellement impliqué dans mon rôle que je ne savais plus si j’étais Matt ou Lukas. Bref, il m’a fallu deux bons mois loin de cette histoire pour reprendre pied. Je suis parti en Géorgie pour un tournage sur les skateurs et j’ai réalisé un travail photo et des poèmes, “Straight to Hell”, qui fera l’objet d’un livre et d’une exposition. Depuis, plus aucune nouvelle de Larry. On verra bien quand le film sortira. »


Lukas : T-shirt à manches longues en coton, Alexander Wang. Skinny en denim, Saint Laurent par Hedi Slimane. Boots « 1460 » en cuir, Dr. Martens. Théo : perfecto en cuir, Schott. Chemise en coton, Marni. Pantalon en coton, Viktor & Rolf. Chaussures « 1461 » en cuir, Dr. Martens. Diane : teddy en drap de laine et nylon, manches en cuir de vachette, Schott. Robe en coton à col Claudine, Ralph Lauren Collection. Bandana en étamine de cachemire et soie, ballerines en python avec nœud clouté, Saint Laurent par Hedi Slimane. Chaussettes en coton, Calzedonia. Hugo : veste en lin, AMI. Polo en coton, Calvin Klein. Pull en lin, Essentiel Homme. Pantalon en toile de coton, IKKS.

Coiffure Jérôme Cultrera Maquillage Marielle Loubet Assistant photo Clément Mahjoub Opérateur digital Yohan Burel Assistante de création Diane Ducasse Assistante stylisme Caroline Munier



PHOTOGRAPHE CHARLES SERRUYA STYLISME MARIE BELTRAMI RÉALISATION VINCENT DARRÉ ASSISTANT PHOTO DAVID DAIM ASSISTANTE DE CRÉATION DIANE DUCASSE LE SAC « BY THE WAY » DE FENDI





PHOTOGRAPHE

JEFF

BURTON

TEXTE

FRANCIS

DORLÉANS





Encore a

u

jourd’hui, Lady Mendl reste curieusement « la » référence lorsqu’on parle de Tony Duquette. Leurs routes se croisent, à Hollywood, dans les années 1940, par le plus grand des hasards, même s’il n’est pas inutile de préciser qu’une guerre particulièrement meurtrière présidait à ce hasard. Cette rencontre devait déterminer pour Tony Duquette un style de vie où l’art, la décoration et les mondanités se conjuguent. Un style de vie auquel ce natif de Los Angeles restera fidèle jusqu’à la fin de ses jours. Il est mort avec le siècle, en 1999. Lady Mendl était arrivée à Hollywood précédée d’une réputation d’arbitre des élégances qui ne pouvait laisser indifférent un jeune homme, très papillonnant, attiré par « tout ce qui brille ». En fait, ils se sont trouvés. Ils appartiennent à la même famille, une famille où le style l’emporte sur toutes les autres préoccupations. Au culot, Lady Mendl avait su s’imposer comme la grande décoratrice de son époque. Elle est également restée célèbre pour avoir servi de mentor à Wallis Simpson, alors maîtresse du roi d’Angleterre et future duchesse de Windsor. LA MARRAINE HOLLYWOODIENNE On ne peut pas dire que le style de Lady Mendl ait vieilli, entendu qu’il n’a jamais été jeune, mais elle avait su aérer et élaguer les intérieurs étouffants du xixe siècle (le style Rothschild). Elle passait pour avoir remis les tons clairs à la mode. La postérité se souvient de son cri du cœur en découvrant l’Acropole : « Oh ! it’s my beige. » L’arrivée des Allemands en France désespéra Lady Mendl. Ce n’était pas dans Paris occupé ni dans Londres sous les bombes qu’elle risquait de trouver de nouveaux clients. Se souvenant à propos qu’elle était américaine, elle décida de rentrer au pays et entama à Hollywood une seconde carrière. On me pardonnera de me citer, mais voici ce que j’écrivais à ce sujet dans Snob Society* : « Depuis le début du conflit, la côte Ouest des États-Unis assistait au débarquement régulier de transfuges de la haute société européenne dont l’oisiveté avait été chamboulée par les visées expansionnistes de Hitler. Cette émigration massive provoquait une émulation : les actrices en rajoutaient pour épater les femmes du monde qui, elles-mêmes, se laissaient gagner par la surenchère. Requinquée par cette ambiance, Lady Mendl allait camper, à Hollywood, le personnage d’une décoratrice inspirée, telle qu’aucun scénariste,


même  en  rêve,  n’aurait  osé  l’imaginer.  Le  star-system  et  les années 1940 devaient quelque peu dénaturer son goût, mais sans en altérer le charme. Un peu trop d’imprimés léopard, de peaux de zèbres, de cantonnières, de baldaquins font basculer son  pur  amour  du  XVIIIe dans  le  toc  (annonçant  Tony  Duquette qui fut à l’époque son élève). » Je n’écrirais plus cela aujourd’hui. Tony Duquette a d’avantage été son collaborateur et son ami que son élève. Elle le protégeait, il la distrayait. Il était le Walpole de cette du Deffand. Si les relations de Lady Mendl propulsent d’emblée Tony Duquette dans une société qui lui vaudra une clientèle extraordinaire (Paul-Louis Weiller, le duc et la duchesse de Windsor, J. Paul Getty, Greta Garbo, Elizabeth Arden, Doris Duke), il n’en possédait pas moins au départ des dons hors du commun. Son travail à Hollywood et à Broadway en témoigne : Kismet, Yolanda et les Voleurs, Ziegfeld Follies, Cancan, Lovely to Look at, Camelot… « Comment ne pas avoir de talent quand on travaillait entouré de Cukor, d’Adrian (le grand costumier de la MGM, ndlr) ou de Vincente Minelli ? » a déclaré par la suite Tony Duquette. Cette modestie l’honore, mais son goût de l’accumulation le distingue des autres décorateurs. Tout particulièrement dans Ziegfeld Folies où il atteint des sommets de kitcheries meringuées comme on en avait jamais vu et comme on n’en a pas revu depuis : atlantes et cariatides coiffés de branchages, manèges où des femmes nues chevauchent des licornes, forêts de Brocéliande frangées de lichen en passementerie… Et partout des coquillages, de la nacre, du corail, des ruissellements de pierreries, des écrans de dentelle. CHIMÈRES ET EXUBÉRANCES Au lendemain de la guerre, Tony Duquette accompagna Lady Mendl à Paris où elle avait tenu à revenir. En 1947, cela tombait bien : c’est l’année du New Look. La haute couture triomphante et ses falbalas enthousiasment Tony Duquette. Avec son regard émerveillé, il est parfait dans le rôle d’un Américain à Paris. Tout l’enchante et les derniers feux du néoromantisme s’accordent à sa sensibilité. Tony Duquette partage pour les chimères et les exubérances rocaille le goût de Christian Bérard, Jean Cocteau, Cecil Beaton, Oliver Messel, Pavel Tchelichev, Eugène Berman… Le goût d’une époque. (À ceci près que cette époque tourne le dos à la réalité. Si on excepte la console « Polymorphe » – devant laquelle le nom d’Henry Moore pourrait être prononcé – les décors et les meubles laissés par Tony Duquette tournent eux aussi le dos à la réalité.) En fait, les années 1950 s’inscrivent comme une parenthèse dans le siècle. Surtout aux États-Unis où la morale impose encore en amour le mythe de la jeune fille vierge et du chevalier en armure. Dans ce contexte, Tony Duquette trouve moyen de se marier (on a envie de mettre un point d’interrogation, mais rien ne nous y autorise). Avec son âme sœur, Elizabeth Jonhstone, qu’il a connue sur les bancs de l’université. Ils se ressemblent ou plutôt se complètent : elle est aussi introvertie qu’il est extraverti, mais ils communient dans le même amour du travestissement et de l’artifice. Un amour qui va trouver à s’employer dans la fabrication de masques et de costumes de carnaval, quand les Duquette achètent,

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pour recevoir leurs amis, d’anciens studios poussiéreux ayant appartenu à l’actrice Norma Talmadge. Extérieurement l’endroit ne paye pas de mine, mais Tony Duquette le transforme en palais des mirages où le tout Hollywood vient se perdre dans des perspectives de miroirs : Mary Pickford, Gloria Swanson, Greta Garbo, Fred Astaire, Douglas Fairbanks Jr., Marion Davies, les commères Louella Parsons et Hedda Hopper, Arthur Rubinstein, Aldous Huxley, Mona Bismarck, Rosalind Russell, Joseph Cotten, Henry Fonda… EN ATTENDANT SON CARROSSE J’ai visité, à Los Angeles, il y a de cela une quinzaine d’années, la maison de Tony Duquette. Il venait de mourir et l’on sentait encore sa présence dans les pièces surchargées de souvenirs où il ne restait pas un centimètre carré de surface à décorer. Depuis les taches panthères de la moquette jusqu’au plafond tendu d’indienne, en passant par les murs tapissés de miroirs, de chinoiseries, de coquillages, de moucharabieh…, tout concourait à vous transporter dans un univers aux influences multiples que le talent de Tony Duquette réussissait à faire vivre en parfaite harmonie. Le même besoin d’occuper l’espace se retrouvait dans le jardin où la nature servait elle aussi de faire-valoir aux délires du décorateur : guérites, fabriques, obélisques, pagodes, pont chinois et autres folies de treillages et de caillebotis s’échelonnaient parmi des roseaux et des eucalyptus. Passée la première impression d’émerveillement, on s’apercevait, en regardant d’un peu plus près, ce que ce décor d’empereur de Chine devait à l’ingéniosité et au bricolage. (Le pont chinois était une ancienne passerelle de l’US Navy, les objets de faîtage avaient été découpés dans des bidons en plastique, etc.). On mentirait en prétendant que tout avait été fait avec trois sous, mais beaucoup d’astuces suppléaient aux fortunes qu’il aurait fallu dépenser pour obtenir autrement un tel résultat. Si après avoir cherché à rendre l’effervescence d’une époque, on pousse le récit jusqu’à la disparition des personnages, on relativise forcément ce qu’on vient d’écrire. Qu’en est-il de ces jours que l’on croyait heureux ? Les modes changent, les fleurs fanent, le temps passe, les yeux se dessillent et l’on s’étonne d’avoir tellement aimé des choses qui ne nous touchent plus guère. Tony Duquette échappe en partie à cette remise en cause en raison de sa candeur. Les souvenirs qu’il laisse ne pèsent guère : ils ne portent que des rêves et empruntent leur légèreté aux trompe-l’œil, au carton-pâte et au papier mâché. Sa candeur protégera également Tony Duquette des atteintes de l’âge (même si, à la fin de sa vie, les soucis ne l’ont pas épargné). À 85 ans, il attendait encore son carrosse et fourmillait de projets. Tom Ford avait fait appel à lui pour créer des bijoux et il venait de terminer, coup sur coup, deux décorations pour l’excentrique et exubérante Dodie Rosekrans : un pied à terre à Paris, place du Palais-Bourbon et, à Venise, un étage du palazzo Brandolini, sur le Grand Canal. La mort a trouvé Tony Duquette le pinceau à la main, cherchant sur sa palette la nuance exacte pour écrire, sur un ciel pommelé à la Walt Disney, l

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*« Snob Society », de Francis Dorléans (Flammarion, 2009).







Available at A誰zone stores 01 99 11 11



Retenez son nom. Il s’appelle Bashar Alaeddin, il est photographe et il vient de lancer un projet baptisé «Arab ink», Encre arabe. SON objectif est de colelcter le plus grand ombre de tatouages en calligraphie arabe et de photographier les plus beaux, les plus expressifs. A l’arrivée, cette chasse au trésor fera l’objet d’un ALBUM et D’UNE EXPOSITION ITINÉRANTE. Propos recueillis par F.A.D

ashar Alaeddin, qui êtes-vous ? Je suis un Jordano-Libanais d’origine palestinienne. J’ai commencé la photographie en 2003. Au départ, c’était pour moi un passe-temps, mais c'est devenu, depuis, mon unique occupation. Je suis basé à Amman où se trouve mon studio, mais je voyage régulièrement, pour les besoins de mon travail, à Beyrouth et Dubaï. J’adore voyager. Je passe mes week-ends à documenter les paysages et la culture arabe.

A votre avis, pourquoi la calligraphie, surtout arabe, est-elle un phénomène de notre époque ? Je crois que le Moyen Orient est de plus en plus perçu comme une région exotique et intrigante. L’occident veut en savoir

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Photos Bashar Alaeddin

Est-ce à travers la photo que vous êtes venu à la calligraphie ? Mon projet, Ararb Ink, a créé un malentendu. On me croit calligraphe ou designer, ce que je ne suis pas. Je suis simplement un photographe qui travaille sur un projet personnel de documentaire photographique, dans le but de mettre en lumière l’évolution des styles dans cette forme d’art. Je veux observer et étudier la génération qui porte des tatouages en arabe. Je crois que ce sujet n’a jamais été couvert, dans tout le monde arabe, et je voudrais que l’on s’y intéresse. Les histoires et la singularité des gens me passionnent.


Quelles sont les thèmes ou les expressions qui reviennent le plus souvent dans les tatouages arabes ? Le mot arabe le plus récurrent dans les tatouages que j’ai vus jusqu’à présent est « Hurriya », qui signifie « liberté ». Hommes et femmes portent ce mot tatoué sur le bras, le poignet ou l’arrière d’une épaule. J’espère réussir à comprendre, non pas seulement pourquoi ce mot revient si couramment, mais aussi la signification du choix de son emplacement sur le corps. Evidemment, je comprends pourquoi ce mot a tant de sens pour des gens qui vivent dans des régions où la liberté n’a jamais été évidente depuis dix à vingt ans. La récurrence de ce mot dans les tatouages que porte une certaine jeunesse arabe montre bien quelle est l’aspiration la plus importante pour cette génération.

davantage sur la diversité et la complexité de cette partie du monde. Je pense aussi que l’écriture arabe elle même est une forme d’art banalisée par l’usage quotidien. La langue arabe a une telle dimension poétique qu’il vous suffit d’en traduire la moindre expression à un anglophone pour qu’il en tombe amoureux. Pour ma part, les mots et la phonétique de cette langue me donnent la nostalgie d’un temps historique. Il y a dans la langue arabe un romantisme nostalgique qui fascine les gens. Qu’on-t en commun vos modèles ? Ce sont des personnes que j’ai croisées et qui ont accepté de participer à mon projet. Elles sont au cœur de cette œuvre. L’une des principales caractéristiques qu’elles ont en commun est sans doute la fierté qu'elles ont de leur appartenance arabe. Mon concept ne s’intéresse pas uniquement au tatouage et au style calligraphique. Il prend en compte l’histoire des individus et le sens des mots ou des phrases gravés sur la peau. Pourquoi il sont choisi d’être tatoués en arabe et quel sens, quel message, la langue représente pour eux en tant qu’individus. Quel genre de personnes, en général, choisissent de porter un tatouage en arabe ? Mon projet étant encore à ses débuts, je n’ai pas suffisamment d’informations pour pouvoir répondre à cette question de manière précise. J’espère pouvoir photographier des dizaines de personnes, du Maroc à l’Iran, sur toute la durée d’Arab Ink. Il s’agit d’un projet sur le très long terme. J’ai dû le lancer prématurément pour encourager les gens à participer. Certains hésitent et ne comprennent pas le concept, mais quand ils visitent le site internet et comprennent le but, ils sont très enthousiastes et prêts à se jeter à l’eau.

Portez-vous un tatouage, vous-même ? Pour le moment, non, bien j'envisage de m’en faire réaliser un cette année, d'une part pour faire partie de mon propre projet, et d'autre part parce que les sujets que j'ai photographiés mon inspiré et donné envie d'exprimer la fierté que j'ai de mon héritage arabe. L’astronomie et l’espace faisant également partie de mes centres d’intérêt, et comme je lis de nombreux ouvrages sur la contribution des premières civilisations islamiques aux progrès de l’astronomie, mon tatouage aura très probablement quelque chose à voir avec cette discipline qui m’appelle à l’humilité en me rappelant combien nous sommes petits dans cet univers et comme il est important de rester curieux du monde. Mon tatouage, je le ferai dessiner par un artiste arabe, parce que pour moi, encore une fois, ce n’est pas tant le tatouage qui importe que l’histoire de celui qui le dessine et le lieu où il est dessiné. Qu’est-ce qui, à votre avis, est le plus fascinant dans un tatouage ? C’est l’aptitude et la capacité de certaines personnes à prendre la décision, dont elles savent qu’elle est définitive, de marquer leur peau et leur corps d’un mot ou d’une phrase qui sera toujours là. Il n’y a pas de retour possible. Même si on décide de l’effacer, il restera une cicatrice. Je crois que c’est une décision audacieuse et que pour la prendre, il faut se trouver dans un état mental de confiance et de détermination. Je trouve admirable que quelqu’un soit attaché à une idée, un concept qui se résume en un mot dont il voudrait sans cesse se souvenir. Cela peut vous définir de manière puissante en tant que personne, et c’est à mon sens le facteur le plus impressionnant de cette démarche. Plus tard, on aura beau évoluer et prendre de l’âge, ce petit mot sera toujours là pour vous rappeler qui vous êtes. C’est un acte de connexion que je trouve admirable. Arab Ink, votre projet, en quelques mots ? Ce projet, je l’ai visualisé et aussitôt conçu l’été 2013, alors que je vivais à Beyrouth. Je me promenais dans la rue Mar Mikhaël et j’admirais la magnifique calligraphie des graffitis sur les murs. J’ai réalisé combien étaient nombreux les jeunes artistes arabes qui créaient de nouvelles casses et faisaient évoluer l’écriture arabe à partir de ses six styles répertoriés. Je me demandais à quoi ressemblerait l’écriture arabe dans 100 ans, ce que cela signifie pour les jeunes graphistes, et je me posais un tas d’autres questions auxquelles mon projet pourrait apporter une réponse. Ce que j’attends aussi d’Arab Ink, c’est de créer une connexion entre le spectateur et le modèle, de manière à ce que le tatouage soit un pont qui ramène chacun à sa propre histoire à partir de l’histoire de l’autre. Idéalement, je rêve de pouvoir emporter Aran Ink dans une exposition itinérante et en faire un grand livre de photographie. Plus de détails sur: http://www.arabink.me/


S’ACCROCHE AU FIL DU TEMPS DE DEIR EL QAMAR À

MOUKHTARA, EN

PASSANT PAR LES CAMPS PALESTINIENS ET CERTAINS QUARTIERS ARMÉNIENS, DES FEMMES PERPÉTUENT AVEC PATIENCE LE SAVOIR-FAIRE DES TRAVAUX D’AIGUILLES. PAR P. DE C-T.

CROCHETS À MOUKHTARA Sett Fatmé supervise depuis près de vingt ans le réseau de femmes-artisans de Moukhtara et de ses alentours. Dans ces villages, une centaine de femmes maitrise l’art du crochet. La présence de ce savoir-faire dans cette région de la montagne doit sa continuité à l’impulsion donnée, à la fin des années 1970, par May Joumblatt. « En 1979, une première exposition de travaux au crochet réalisée par les habitantes des différentes localités a été organisée au ministère du Tourisme à Hamra. L’objectif était de faire connaître le patrimoine artisanal du Chouf », raconte Sett Fatmé. L’initiative perdurera quelques années avant que la guerre ne vienne mettre un terme provisoire à cette activité naissante. En 2006, l’ouverture au centre-ville de la boutique

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Tourath – qui signifie patrimoine – institutionnalise pour de bon le savoir-faire des artisanes de Moukhtara. Robes, coussins, rideaux, linge de table, les commandes affluent et ne sont pas toujours à l’abri d’une certaine démesure. « Une des demandes les plus impressionnantes que nous ayons réalisée est un rideau de 6 m sur 8 m pour une cliente saoudienne. Sa confection nous a demandé trois ans de travail », se souvient Sett Fatmé. Les compositions les plus imposantes, dont le prix unitaire peut s’élever à 30.000 dollars, voire plus, requièrent parfois le concours de plusieurs femmes. Près de 70% des ventes se font à l’étranger, en particulier dans les pays arabes. Ces trois dernières années, la chute de fréquentation des touristes du Golfe a privé le magasin d’une grande partie de sa clientèle, jusqu’à entrainer sa fermeture il y a quatre mois. Sett Fatmé reste toutefois persuadée que le crochet a encore de beaux jours devant lui. « Depuis quelque temps, on assiste à une tendance générale de retour à la terre et aux traditions. Cela devrait contribuer au renouveau des arts artisanaux », assuret-elle, optimiste. DENTELLE BRETONNE À DEIR EL QAMAR A cinq kilomètres de là, Deir El Qamar est un autre bastion des travaux d’aiguille au Liban. Dans l’ancienne capitale du Mont-Liban, on brode comme on respire. « Chaque maison a sa brodeuse, le savoir-faire se transmet de mère en fille », explique Samira Sassine, le visage à moitié caché par une nappe qu’elle vient de déplier le long de sa poitrine. Il y a deux mois, cette localité enterrait la doyenne des brodeuses. « Hneiné Adaimi a appris la dentelle bretonne de Zahia Saad. Elle-même avait acquis cette technique en Egypte avant de l’importer au Liban », raconte-elle. Depuis son introduction à Deir el Qamar il y a pres d’un siecle, la dentelle bretonne, qui se différencie de la broderie pleine, fait vivre 90% des femmes de ce village de 1000 habitants l’hiver. « Mon mari est chauffeur de taxi et ne gagne pas très bien sa vie. Avec l’argent que je touche de la dentelle et de la broderie, je couvre une bonne partie des dépenses », témoigne cette mère de deux enfants. Avec les années, les dentellières de Deir El Qamar se sont forgé une réputation

PHOTO INAASH

’est dans un intérieur où se mêlent l’odeur du linge propre et du café en préparation que Fatmé Breik, alias Sett Fatmé, reçoit ses visiteurs. L’appartement, situé au rezde-chaussée d’un immeuble du quartier de Hamra, est le pied à terre beyrouthin de cette habitante de Moukhtara. Sur la table basse du salon, l’assortiment de galettes de sésame et beignets, disposé sur un plateau en argent ovale, commence à ramollir sous l’effet de la chaleur. A côté, Sett Fatmé déplie une immense nappe travaillée au crochet. L’ouvrage a nécessité trois mois de travail, et le résultat en dit long sur l’investissement de son auteur.


de qualité dans toute la région du MoyenOrient, en particulier dans le Golfe, où elles écoulent une grande partie de leur production. « Les Émiratis et les Koweitiens apprécient nos ouvrages. Nous recevons des commandes de familles aisées et de riches émirs », précise Samira Sassine. A Moukhtara comme à Deir Qamar, le travail artisanal fait-main a un coût. Certaines réalisations sont vendues à 5.000 dollars, à l’instar des nappes de 4 mètres de long pouvant nécessiter une année entière de travail. GÉOMÉTRIES PALESTINIENNES Héritiers d’une longue tradition de broderie, les Palestiniens du Liban ont su garder intact ce savoir-faire. Dans les camps de Rachidiya à Saida ou de Mar Elias à Beyrouth, plusieurs centaines de femmes perpétuent la tradition. Ces activités sont chapeautées par l’association Inaash pour assurer une source de revenus aux femmes et valoriser les métiers d’arts palestiniens. Mais la broderie est avant tout un outil de résistance culturelle. « L’association a été créée par des dames de la haute société libanaise et palestinienne pour montrer au monde qu’il existe un peuple et une culture propre à la Palestine», affirme Maya Corm, fille de Sirine Husseini Chahid, qui avait participé avec Huguette El-Khoury Caland au lancement de l’association dans les années 1960. Dans les camps, les brodeuses suivent la trame des modèles traditionnels. « Thob », châles, coussins, l’ornement des vêtements ou tissus d’ameublement ne laisse pas de place à l’improvisation. On retrouve les motifs géométriques au point de croix caractéristiques des travaux d’aiguilles palestiniens, brodés sur des tissus de soie ou de najaf. Les formes et les couleurs sont définies au préalable par le comité artistique d’Inaash qui distribue ensuite un lot de tissus et de fils à chaque brodeuse. L’association s’autorise toutefois une marge d’innovation au niveau des coupes, des couleurs et du choix des accessoires. « Notre défi est de conserver la tradition tout en innovant avec des produits finalement assez modernes », explique Maya Corm. Cette quête de nouveauté se retrouve dans les coloris fluo qui habillent les motifs des pochettes à main ou le design contemporain des sacs bodegas. Vendues au Liban et à l’étranger, les broderies ont également trouvé une certaine résonnance dans le monde de l’art et de la haute couture. Les brodeuses ont ainsi prêté leurs mains agiles au créateur Rabih Kayrouz. Cette collaboration a donné lieu à une splendide veste composée de petits coussins carrés brodés vendue à 35.000 dollars. En 50 ans, Inaash a produit pas moins de 3 millions de pièces et assuré un revenu à des milliers de femmes palestiniennes. L’association, qui

reverse l’intégralité des bénéfices aux habitantes des camps, voudrait faire évoluer ses activités vers une structure plus lucrative, pour attirer une nouvelle génération de brodeuses. « La broderie est un métier d’art très contraignant. Quand elles ont le choix, les jeunes filles s’orientent plutôt vers des emplois dans les salons de coiffures », confie Maya Corm. POINTS DE CROIX ARMÉNIENS En dehors des ateliers de maisons de haute couture, où l’on valorise le temps passé à l’ouvrage, à Bourj Hammoud la broderie répond davantage à une volonté de conservation du patrimoine qu’à une logique marchande. Dans le quartier arménien, une petite boutique met à la vente des travaux confectionnés par les brodeuses de la Croix du secours arménien. L’association dispense des cours de broderie aux femmes arméniennes. Là encore, la tradition est appliquée à la lettre. Chaque artisane se voit confier la réalisation d’un seul motif. Les petits « patchworks » sont ensuite rassemblés sur une grande pièce unique. « La broderie requérant beaucoup de temps, l’association a eu l’idée de faire travailleur plusieurs femmes sur un seul et même tissu », explique Arpi Mangassarian, directrice du musée d’artisanat Badguer à Bourj Hammoud, situé à quelques mètres du magasin. « La broderie arménienne est un travail très régulier et ordonné. Chaque région a sa spécificité et ses codes », explique-t-elle. Remplissage de motifs fleuris à Urfa, points de croix sur tissu d’étamine à Sevaz ou ornement du velours à Marach, la technique la plus fine reste incontestablement celle pratiquée à Ain Tab. « On la considère comme la reine des broderies », poursuit la directrice du Musée. BAALBEK TIRE SA RÉVÉRENCE Elément phare du trousseau de la jeune mariée, la broderie a constitué pendant des siècles le principal passe-temps des femmes durant l’hiver, saison morte pour le travail des champs. «Les travaux d’aiguilles sont avant tout une activité rurale. Au Liban, elle était surtout pratiquée dans les montagnes et la Bekaa », explique Nour Majdalani, spécialiste de l’artisanat libanais. « Certains motifs, comme l’arbre de vie, les oiseaux qui se font face ou l’aigle, symbole de la Syrie, reviennent souvent dans la broderie syro-libanaise », poursuit-elle. « Il n’existe pas pour autant de style proprement libanais pour la simple et bonne raison que cette zone a connu un grand nombre d’influences », note-t-elle. Baalbek, par exemple, est le dépositaire d’un type bien particulier de broderie que l’on trouve aussi en Egypte et en Tunisie. La ville des temples est le seul endroit où l’on pratique encore, bien que timidement, le Tark, technique consistant à orner un voile très fin d’un fil d’argent. Mais à Baalbek comme ailleurs, l’arrivée des tissus colorés a progressivement contribué à éclipser les travaux d’aiguille des maisons. Au profit d’autres occupations, plus rapides et lucratives.


rois épouses modèles, femmes au foyer, enferrées dans ces tâches ménagères dont chacun sait qu’elles ne finissent jamais. Cette monotonie ne semble pas déranger ces trois amies. Leurs vies étant similaires, elles n’en sont pas frustrées… Jusqu’à ce qu’elles découvrent une voisine dans l’immeuble d’en face. Cette découverte va déclencher une mythomanie de déni, une avalanche de confidences, un soufflé d’illusions qui ne tardera pas à retomber, ramenant chacune à sa solitude. A l’initiative de cette pièce, une troupe dont chaque membre compte à part entière dans la réalisation du projet. Le texte et la production sont de Marwa Khalil et Wafa’a Halwani. La mise en scène est de Chadi el Zein. Les actrices sont Marwa Khalil, Wafa’a Halwani et Patricia Nammour, mais il faut aussi compter la direction artistique du Studio Safar, la conception musicale de Jana Saleh, le décor d’Henri Dakak Jr, les costumes de Grace Hanna (Atelier G) et la communication de Lara Kanso. Bref, «l’équipe», et quelle équipe! Derrière chacun de ces noms, et chacun dans son domaine, une formation en béton, une vision artistique, un parcours international, une reconnaissance médiatique. Un moment théâtral qui s’annonce délectable.

Par F.A.D.

Lever de rideau le 15 mai, au théâtre Monnot.

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«Znoud el sett» est le nom d’une exquise pâtisserie orientale à base de crème enroulée dans de la pâte filo, nappée de sirop à la fleur d’oranger. Littéralement, ce nom signifie «les bras de la dame». Un titre en or pour une comédie douce amère autour de l’univers des femmes au foyer, portée sur scène par Marwa Khalil, Wafa’a Halwani et Patricia Nammour, sans compter «l’équipe».



Eva et Simon, dans la maison de Simon.

les

ari s

TOUT LE MONDE DISAIT QUE 2013 SERAIT L’ANNÉE DE LA B… SUR CETTE PLAISANTERIE D’UN GOÛT DISCUTABLE, EVA IONESCO ET SIMON LIBERATI ONT CONSTRUIT UN VÉRITABLE CONTE DE FÉES. « ILS FURENT HEUREUX ET EURENT BEAUCOUP DE SCÉNARIOS. »

PHOTOGRAPHE ALEXIA SILVAGNI TEXTE FRANCIS DORLÉANS

’année dernière, le mariage d’Eva Ionesco et de Simon Liberati a eu un effet bœuf. D’autant qu’ils avaient passé l’âge de se marier. Où alors pour régulariser, pour les impôts, mais un mariage d’amour ! Bref, un effet bœuf et un effet de surprise comme on n’en avait pas connu depuis le mariage de La Grande Mademoiselle et de Lauzun. Le « je vous le donne en cent, je vous le donne en mille » de Mme de Sévigné. Toutes proportions gardées, les langues allaient bon train. Pour ou contre, tout le monde avait un avis. Ceux qui pensaient qu’ils ne pouvaient se marier que pour le meilleur et ceux qui, en raison du choc de leur personnalité, prévoyaient le pire. « Faites chauffer la colle », insinuaient même les plus déterminés à ne voir dans un coup de foudre que des risques d’explosions, de bruit et de fureur. Parallèlement à ces prévisions plus ou moins bienveillantes, tout le monde prétendait les avoir présentés.


Marie Beltrami disait que c’était elle, Raphaël Goubet affirmait que c’était lui. Il se trouve que j’y suis aussi pour quelque chose. Par ricochet, mais pour quelque chose. Six mois avant l’heureux dénouement, Eva était passée à la maison prendre le thé et, tout en parlant, elle avait repéré sur le haut d’une pile de livres les 113 études de littérature romantique, de Simon, dont je me suis empressé de lui dire le plus grand bien. J’adore ce livre. Toujours est-il qu’à quelque temps de là, Eva, dans un vernissage (« La Vie de timbrée » de Marie Beltrami, chez Louis Vuitton), aperçoit Simon et n’hésite pas à l’aborder pour lui parler de son livre et lui proposer de travailler avec elle sur un scénario qui lui donnait du fil à retordre, un scénario sur le Palace (qui, si le film se fait, s’appellera Jeunesse dorée). Voila exactement comment les choses se sont passées. De la bouche même de l’intéressée. Qu’ils me doivent leur bonheur me touche d’autant plus que ce bonheur repose sur la littérature. J’appartiens à une génération qui mettait encore la littérature au-dessus de tout. Le respect qui entourait les écrivains était unanimement partagé et l’on ne prononçait leur nom qu’avec ferveur. Quand on disait Balzac, Hugo, Dumas, Zola, Colette, Gide ou Proust, on avait tout dit. Les 113 études de littérature

romantique, de Simon Liberati, m’ont ramené à cette période heureuse de mon enfance et de mon adolescence, m’aidant à revivre quantité d’émotions que les années avaient quelque peu effacées. Une madeleine, mais pas du tout bourrative. Légère au contraire, comme un voyage en ballon d’où l’on découvrirait l’immensité de la terre et la diversité des paysages sans avoir à se fatiguer. Ce livre n’a vraiment pas eu le succès qu’il méritait ! Même médiatiquement. On a davantage vu Simon, dans la presse, quand il s’est fait choper par la police en train de se faire une ligne de coke avec Frédéric Beigbeder sur le capot d’une voiture décapotable que lors de la parution de ce chef-d’œuvre dans lequel il déploie des trésors d’érudition et de sensibilité. C’est triste, c’est injuste, mais c’est comme ça. Pour toutes ces raisons, je me sentais très proche de Simon – mais les grands écrivains ont le chic pour vous donner cette impression. Aussi proche de Simon que d’Eva, que j’ai connue au Palace alors qu’elle n’était qu’une enfant. Mais une enfant star en raison des photos où sa mère, Irina Ionesco, la mettait en scène dans des situations parfois scabreuses. Le caractère pédophile de ces photos passait à l’époque comme une lettre à la poste. Je ne saurais expliquer pourquoi, mais on n’en faisait pas un drame. Même Eva, qui a traversé par la suite une période de rejet, ne semblait pas en souffrir exagérément. Elle assumait parfaitement son statut de star en sucre : toujours parfaitement coiffée, maquillée et habillée à la dernière mode. Avec Christian et Vincent, ils formaient une bande, très Riri, Fifi et Loulou. Une bande à part dans une bande beaucoup plus vaste que la presse désignait comme « les branchés ».

s DE L’AN 1 3 Je conservais, au plus profond de ma mémoire, des tas de flashs d’Eva (à la Main Bleu, à l’ouverture du Palace de Cabourg, boulevard Magenta, en week-end à Étretat) qui n’attendait qu’une occasion de se fondre dans un nouveau personnage. Elle m’en a donné deux (d’occasions), coup sur coup. Son film My Little Princess avec Isabelle Huppert, son mariage avec Simon Liberati. Si vous avez aimé le film, vous ne pouvez qu’approuver le mariage. Aussi échevelé et poétique. Au lendemain de ses noces, Eva a suivi son mari dans les bois, où il vivait en ermite avant de la rencontrer. On dirait un conte de fées de Mme de Beaumont, qui a inspiré à Cocteau le scénario de La Belle et la Bête. Ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit… Encore qu’en y réfléchissant, Simon pourrait ressembler à un ours. Un ours dégingandé, hirsute et chaussé de grandes bottes. Je ne suis pas fou de ces bottes qui ne rentrent jamais comme il faudrait dans son pantalon, mais il faut reconnaître que pour un homme qui vit un conte de fées dans les bois, c’est assez pratique. Quant aux dispositions d’Eva pour jouer les petites princesses, elle les a exprimées dans son film. Tout ça n’est-il pas merveilleux ? Merveilleusement raccord. Depuis leur mariage, Eva et Simon ne se sont pas quittés d’une semelle. Ils partagent tout. Même l’écriture, qui d’ordinaire est plutôt quelque chose de « perso ». Simon réécrit les scénarios d’Eva et Eva s’apprête à tourner, pour Canal+, un court-métrage, avec Marisa Berenson, Jean-Pierre Léaud, Elli Medeiros, Féodor Atkine et Lukas Ionesco, sur une idée de Simon. (Les gens de Canal+, qui ne manquent jamais d’idées, ont demandé à des écrivains de troquer leurs stylos contre une caméra. On aimerait être une petite souris pour assister à ce genre de brainstorming.) Neuf mois jour pour jour après leur mariage, Eva et Simon vont présenter leur premier enfant à Cannes… MAI 2014

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Beyrouth, ÇA COMMENCE AVEC DES PAS DE CAPOEIRA ET ÇA FINIT SUR UN AIR DE SAMBA ENDIABLÉE. COMMENT RÉSISTER AU CHARME ÉLECTRIQUE DU PAYS DE STAN GETZ ? QUAND LA FOLIE DU BRÉSIL VOUS PREND, ELLE NE VOUS LÂCHE PLUS. RENCONTRE À BEYROUTH AVEC QUELQUES AFFICIONADOS DU PLUS GRAND PAYS D’AMÉRIQUE LATINE. n samedi après-midi au City Mall. Il est 18 heures quand un épais brouhaha sonore vient troubler les dernières heures de la journée. Une poignée de percussionnistes fait son apparition dans les allées du centre commercial. Interpellés par le rythme effréné des Batucadas, les fameuses percussions brésiliennes, les passants s’écartent au passage des musiciens. Le joyeux peloton vient se poster à quelques mètres du comptoir Mac Donald, devant une bannière faisant la promotion du Brazilian burger, le dernier-né de la chaine de fast-food. PERCUSSIONS ET PERFORMANCES Les acteurs de ce flash mob sont les membres de Segundo Bloco, un ensemble de percussions créé en

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2011 par Keven Safadi. « La samba que nous jouons est celle que l’on peut entendre à Rio de Janeiro. Elle fait partie des musiques brésiliennes les plus écoutées dans le monde », explique le jeune compositeur de 27 ans. Au fil des mariages, soirées privées, évènements publicitaires ou simples concerts qu’il anime, le groupe a fortement contribué à faire connaître la culture brésilienne au Liban. Si les 17 percussionnistes de Segundo Bloco se produisent un peu partout – Radio Beirut à Mar Mikahel ou Razz à Hamra - Keven Safadi ne cache pas sa préférence pour les performances de rue. « Jouer dans la rue permet d’entrer en relation avec le public, les gens marchent à côté de nous, nous suivent, ils participent d’une certaine façon », explique le batteur, également membre de Xango Band, qui propose des reprises de morceaux de Bossanova au Nova, à Sin el fil. Il n’est pas rare que les deux principaux groupes de musique brésilienne du pays se produisent ensemble. « On se complète, Segundo a le rythme et Xango apporte une belle mélodie pour faire de la bonne samba ! », lance Keven Safadi.

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TEXTE PHILIPPINE DE CLERMONT-TONNERRE


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« RONDES » DE RUES Au Brésil comme au Liban, batucadas et bossanova riment avec capoeira, samba ou lambaba. Les clubs de capoeira et de danses brésiliennes constituent un autre repère des amoureux du Brésil. Régulièrement, les élèves des trois centres d’enseignement du pays se retrouvent pour des « rondes » organisées en pleine rue. Au milieu du cercle, deux joueurs de capoeira s’affrontent au rythme des percussions et des chants. Cet art martial afro-brésilien, dont la particularité réside dans le fait que les adversaires ne se touchent jamais, compte de plus en plus d’adeptes. « Depuis deux ans, le nombre de personne s’intéressant à la capoeira, et au Brésil en général, a beaucoup augmenté », assure Nassib el Khoury qui a fondé en 2009 l’Ecole Filhos de Bimba (FBEC), branche libanaise de l’Ecole de Capoeira Régionale de Salvador. « Au Liban, cette école est la seule à être directement rattachée au Brésil », affirme le jeune homme de 26 ans. Nassib el Khoury a participé au lancement de Segundo Bloco avec qui il organise la plupart des évènements brésiliens dans le pays. Pour chapeauter toutes ces activités, l’entrepreneur a créé en 2012 Passos Alegres, une compagnie d’évènementiel entièrement dédiée au Brésil. Comme beaucoup d’afficionados du plus grand pays d’Amérique latine, le jeune homme a été piqué par le virus du Brésil il y a cinq ans, en assistant par hasard à son premier cours de capoeira lors d’un séjour à

les femmes. « Beaucoup de mouvements sont issus de la culture africaine. Certaines danses ont des racines indiennes, portugaises, et même arabes », explique-t-elle. De façon générale, les arts de scène brésiliens font la part belle au chant. Ainsi, la plupart du temps, les élèves de capoeira apprennent la langue sur le tas. Si un niveau basique de portugais suffit à fredonner les paroles des mélodies populaires entonnées lors des rondes, les plus assidus rejoignent les classes de portugais du Centre culturel Brésil-Liban. « Il arrive que certaines personnes ayant de la famille au Brésil manifestent la volonté d’apprendre le portugais», indique Samia Yakzan, directrice du Centre. Mais malgré cette curiosité récente pour le géant d’Amérique latine, la culture brésilienne reste peu connue des Libanais qui sont pourtant au nombre de six millions dans ce pays-continent. « Les clichés ont la peau dure. Le Brésil ça n’est pas juste le carnaval, le football et les jolies filles. C’est une culture très riche qui a bénéficié de l’apport d’émigrants du monde entier », assure la jeune femme. Nommée il y a trois mois à la tête du bras culturel de l’ambassade brésilienne à Beyrouth, Samia Yakzan, elle-même d’origine libanaise, s’est fixée l’objectif de faire découvrir son pays au-delà des stéréotypes. « Au Liban, peu de gens savent, par exemple, que le célèbre architecte brésilien Oscar Niemeyer est l’auteur du projet de la Foire internationale de Tripoli », s’exclame-t-elle.

‘o‘ Braziou! Berlin. « La capoeira a changé ma vie, c’est la seule activité que j’ai commencée et que je n’ai jamais arrêtée », témoigne-t-il. Rapidement conquis par les vertus de l’art martial afro-brésilien, ce jeune électron libre de 26 ans a fondé, dans la foulée, une ONG pour faire découvrir la capoeira à des enfants défavorisés. Les activités ont lieu au centre d’éducation Tahaddi à Jnah. L’organisation intervient également auprès d’une vingtaine d’enfants du camp palestinien de Dbayeh. « Cette discipline génère beaucoup de solidarité entre les gens. La capoeira est très flexible et n’exclut personne. Les capoeiristes forment une communauté soudée», assure Nassib El Khoury. FUSION D’INFLUENCES Dans la grande famille des « brasilophiles » au Liban, Naima Yazbek est un autre pilier incontournable de la scène libano-brésilienne à Beyrouth. La chanteuse de Xango Band a donné ses premiers cours de capoeira dans les années 1990 à des enfants des favelas de Sao Paulo, la ville où elle a grandi. « La capoeira, c’est beaucoup de choses à la fois : un combat, un jeu, une danse, un art martial, un sport, une philosophie, un outil pédagogique », assure la jeune femme. Arrivée au Liban en 2009, cette touche à tout multi-talentueuse enseigne également les danses brésiliennes au Centre Culturel Liban-Brésil. Samba, Forro’, Maracatu, Frevo, Forro’ et Lambada… les cours attirent surtout les jeunes et

BOSSANOVA, HARICOTS ET CAIPIRINHA A Achrafieh, le Centre Culturel Brésil-Liban a élu domicile entre les murs d’une maison traditionnelle du XIXe siècle. Situé rue Mar Mitr, le bâtiment rénové et comme flambant neuf accueille la seule bibliothèque d’ouvrages en portugais du pays. Créé en 2011, le centre propose également un panel varié d’activités ouvertes au grand public : projections de films, cours de dance ou encore ateliers de cuisine. Les mercredis, les « soirées Bossanova » offrent une expérience pluri-sensorielle garantie 100% Brésil. On y écoute les mélodies enveloppantes de Chico Buarque en dégustant un Feijao - plat traditionnel brésilien à base de haricots- arrosé d’une caipirinha, cocktail de citron et glace pilée relevé d’un alcool de cachaça. Mais les connaisseurs le savent, nul besoin d’attendre les rendez-vous du centre culturel pour s’offrir une fringale brésilienne en bonne et due forme. Les fous de Brésil ont désormais une cantine à eux. Un premier restaurant, LisaS, a ouvert ses portes à Antelias il y a cinq mois. Fondée par un couple libano-brésilien, cette enseigne propose désormais une sélection exhaustive de plats traditionnels. « Nous offrons également des services de catering pour des soirées à thème ou des mariages. De plus en plus de personne ont envie de découvrir la gastronomie brésilienne», souligne Bassam Haddad, fondateur du restaurant. Brigaderios, Bejinhos ou Empadas… De Rio à Beyrouth, il n’y a (plus) qu’un pas ! Errata: Dans le papier «Japan Mania à Beyrouth» du numéro 44 de L’Officiel Levant, les photos du sujet «Calligraphie» sont de Sarah Lee Merheb. La directrice de l’Enjoying Japanese Culture Club est Seiko Hatakeyama

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Jacques Perrin, Jorge Semprún et Yves Montand, sur le tournage de « Z », de Costa-Gavras, à Athènes en 1968.

omme ses ancêtres dans les églises, il avait le droit d’entrer au Café de Flore à cheval ! Du moins était-ce l’impression qu’il donnait quand je l’y retrouvais. Grand d’Espagne majestueux et mélancolique, crinière blanche, beau à faire se damner les femmes et se consumer de jalousie les hommes. Il lisait El País en m’attendant, le regard aux aguets, comme le combattant clandestin qu’il n’avait jamais cessé d’être tout à fait. En un éclair, dans ses yeux, les douze vies de Jorge Semprún. L’enfant de l’aristocratie majorquine, à La Haye, où son père était ambassadeur de la jeune République espagnole. L’adolescent, exilé à Paris après la chute de Madrid, qui apprend sa philo au lycée Henri-IV. Le jeune résistant en Bourgogne, arrêté, torturé. Le déporté, à Buchenwald qui fut une fin et un commencement. Le dirigeant de l’ombre du Parti communiste espagnol, sillonnant secrètement l’Estrémadure ou la Cantabrie. L’écrivain, enfin, comme si tout ce qui avait précédé n’était qu’un immense alambic, comme s’il avait fallu tout ce temps pour distiller la souffrance et y faire renaître la joie, l’écrivain, l’écrivain du roman vrai de la déportation, limite de toute expérience possible. Et puis les autres vies que je ne connaissais pas et qui ne se racontent pas. Les femmes qu’on aime et qui pourtant vous quittent. Les rencontres fortuites, les amis de toujours. La joyeuse bande, pas tout à fait revenue des lendemains qui chantent, encore désireuse de réécrire le monde : Montand et Signoret, Alain Resnais et Florence Malraux, Chris Marker, Costa-Gavras, Colette. La vie des douze Semprún… « Nous avons vu des astres/Et des flots ; nous avons vu des sables aussi ;/Et, malgré bien des chocs et d’imprévus désastres,/Nous nous sommes souvent ennuyés, comme ici. » (Charles Baudelaire, « Le Voyage », Les Fleurs du mal.) En quelques secondes, dans son regard, toute la joie d’être vivant et toute la finitude d’être homme.

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pHOTO dr

Par denis olivennes


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Le palace parisien nous a offert son élégance pour une séance photo avec Catherine Deneuve. Par Bernard Chapuis DESSIN YOKO UETA es palaces parisiens ne poussent pas n’importe où. Le Crillon domine le grand bosquet des lampadaires de la Concorde. Le Ritz éclaire le théâtre Vendôme. Le Meurice, au balcon de Rivoli, s’expose au ciel des Tuileries. Les voituriers à redingote, beaux gosses, blagueurs, coiffés d’un tuyau de poêle biaisé. La porte à tambour qui avale et expulse des émirs aux doigts bagués, des tycoons impassibles en costume étroit, des familles avec malles, des body guards, des belles et des beaux, des passes muraille.

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Salvador Dalí, par la sortie de la rue du Mont-Thabor, se rendait chez Rovigo, son tailleur, qui a bouclé ses tweeds en 2013. En août 1944, mon oncle Henri, qui allait devenir Compagnon de la Libération, avait pris d’assaut le Meurice et fait prisonnier le général von Choltitz, commandant le Gross Paris. Jean-Pierre Cassel tenait son rôle dans Paris brûle-t-il ? En 2009, ma nièce Ara a réalisé le plafond du salon. Un dimanche de février dernier, imaginez un palier du grand escalier du Meurice avec un canapé au milieu. Sur le canapé, Catherine Deneuve s’est enroulée d’un vison comme d’un plaid et serre contre elle un petit akita nippon. Au même moment, Andie MacDowell sort de sa chambre, fait quelques pas, tombe sur le canapé, reconnaît Catherine D. et, passant son chemin, s’écrie : « She’s so cool ! » Après-midi de shooting au Meurice. Andie n’a pas remarqué l’insaisissable et présente Dominique Issermann qui capturait l’instant et pas davantage l’attentif Vincent D., qui apportait son tact apaisant à cette séance de travail du numéro de L’Officiel que vous avez actuellement entre les mains. Le Meurice, comme le cinéma, fait aussi rêver ceux qui n’y dorment pas.


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Il y a celles quI se meuvent devant une caméra et quI y restent. d’autres s’essayent à flIrter avec le 4e art. l la musIque. Pousser la chansonnette est un exercIce PérI ér lleux. Parce qu’on érI attend une actrIce au tournant. Parce qu’une voIx, ce n’est P Pas as un cor corP Ps en mouvement. certaI erta nes ont mIeux réussI que ertaI d’autres. sIlence, lence, on chante.

Charlotte Gainsbourg – Terribles Angels Isabelle Adjani – Ohio Jeanne Moreau – India Song Brigitte Bardot – Bonnie and Clyde Scarlett Johansson – Break Up Marilyn Monroe – My Heart Belongs to Daddy Vanessa Paradis – Tandem Juliette Lewis – Hardly Wait Mélanie Laurent – En t’attendant Emmanuelle Seigner – Dingue Arielle Dombasle – Ave Maria Jane Birkin – Ballade de Johnny Jane

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