N° 87 DECEMBRE-JANVIER 2018/2019
INA EN TOTAL LOOK PRADA
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ÉTINCELLE-MOI !
TABBAH.COM MAISON TABBAH, ALLENBY STREET - DOWNTOWN BEIRUT t +961 1 975 777 . AISHTI BY THE SEA t +961 4 711 942
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ALLENBY STREET, BEIRUT SOUKS AÏSHTI BY THE SEA, ANTELIAS
ALLENBY STREET, BEIRUT SOUKS AÏSHTI BY THE SEA, ANTELIAS
J AV I E R B A R D E M a n d D E V PAT E L , M A D R I D , 4 p m WAT C H T H E S E R I E S O N Z E G N A . C O M
B E I R U T 6 2 A b d e l M a l e k S t r e e t Te l . 0 1 9 9 1 1 1 1 E x t . 2 2 2
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MAXMARA.COM AÏSHTI BY THE SEA, LEVEL 2, SEASIDE ROAD, ANTELIAS AÏSHTI DOWNTOWN BEIRUT, AÏSHTI VERDUN DUNES (FRANCHISEES MAX MARA)
L’OFFICIEL
SOMMAIRE
p.230
p.226
54 News 66 Tendances 70 « Mon trésor » de Fendi 72 La minaudière 76 Je le veux ! 78 Le rayon rouge 96 Une forêt en automne 98 My december symphony 96 L’amore dell’arte 98 Quand la mode s’engage 102 Le monde de Céline Semaan p.208
p.234
52 L’édito
110 La croisière s’amuse 116 Douceur extrême
118 Les douze travaux de Remo Ruffini
164 L’univers m’envoie des signes
126 Au cœur de la fleur
182 … Et je danse
138 Éternelle jouvence
190 Logo mania
140 Tabbah réécrit ses classiques
200 Albert Oehlen nous met en « Trance »
142 De pierre et de peau 148 Jeux de mains 150 Une moisson de médailles
206 Le souffle créateur d’Alya Tannous 208 On voit ce qu’elle dit
152 Cora Sheibani de l’art à l’or
214 Laisser parler les p’tits papiers
154 Casa preziosa
218 Plein les yeux
156 Précieux ornements
220 Au bouleau !
158 « Par la fumée »
226 Sous l'image, le visage
162 Les super-pouvoirs du Silicium
230 Nadine Labaki, le pouvoir des images
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PHOTOS DR
p.102
L’OFFICIEL
SOMMAIRE
p.164
p.126
234 Maria Hassabi, la leçon de danse 238 Au nom de Sama 242 Quitter Google pour l’amour de Bach
262 Un goût de Méditerranée 264 Pour l’amour de l’avocat
244 La photo, les autres sexes et la beauté du monde
266 Mint Basil Market, la nature en ligne
250 The Ballroom Blitz club invite la scène alternative
268 Le bonheur est dans les prés
252 Les bouquets de maître de Sybil Layous 256 Rossini, un air d’Italie au Phoenicia
270 L’hospitalité retrouvée 272 L’île flottante 274 La belle âme du Cuixmala
258 Le terroir en bouteille
282 Adresses
260 Prêts, cuisinez !
284 À la recherche de Noël
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PHOTOS DR
p.206
© 2018 Chloé, all rights reserved.
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FAKHRY BEY STREET, Beirut Souks AÏSHTI BY THE SEA, Antelias
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N ° 8 7 D E C E M B R E -J A N V I E R 2 018/2 019
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TON Y SA L A ME GROUP TSG SA L Rédaction RÉDAC TRI CE EN CH EF
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MÉL A NIE DAGHER DIRECTRICE ARTISTIQUE
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JOSÉPHINE VOY EU X , L AUR A HOMSI, M A R I A L ATI, M A R IE A BOU K H A LED, M Y R I A M R A M A DA N, NA SR I SAY EGH, PHILIPPINE DE CLER MON T-TONNER R E STYLISME
L AUR EN K ENNEDY M A LPA S I L L U S T R AT I O N E T G R A P H I S M E
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53 DOTS DA R EL KOTOB
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FAYE in carbon brown calfskin
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Directrice de la publication et de la rédaction Marie-José Susskind-Jalou Rédactrice en chef mode Vanessa Bellugeon
Directeur de création Jean-Marie Delbès
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Photographes Julia Andréone Marine Billet Sergio Corvacho Erick Faulkner Bertand Jeannot Danny Lowe Fabian Öhrn Julien Roux Simon Thiselton Ruben de Wilde
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Mélanie Mendelewitsch melanie.mendelewitsch@gmail.com Rédactrice parfum Antigone Schilling aantigone3@aol.com
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EDITO
ÉTINCELLE-MOI ! L’esprit de la fête est là et, jusqu’aux premières semaines de janvier, nous aurons le sentiment qu’il est installé pour tous les mois à venir. Pas seulement dans la déco et les kitscheries de Noël, pas que dans les guirlandes, les boules, les cartes, les rubans, les chaussettes, les pommes de pin, les grelots, la neige artificielle, l’orange, le clou de girofle, la cannelle, les marrons glacés et le chocolat ; moins encore dans les monticules de cadeaux, ce serait trop banal. Non, la fête c’est nous, c’est notre envie, nos désirs, nos rêves de choses belles et de moments mémorables. L’habit de réveillon semble n’avoir été inventé que pour ce soir où l’on se réinvente, réillumine et redécouvre, belles comme on peut l’être pour un rendez-vous amoureux, belles et troublées, presque étonnées de notre propre beauté. Le vêtement comme le bijou, comme la mise en éclat du visage, des cheveux et des ongles, dictent de nouvelles attitudes, de nouveaux gestes. Une grâce nouvelle nous possède, inspirée par cette nymphe en nous qui tout à coup perce le fourreau pailleté pour apparaître au grand soir. Quitte à le provoquer, il faut que cet événement ait lieu. Et que sa force nous accompagne jusqu’au prochain.
Fifi Abou Dib
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NEWS
PAR F.A.D
L E S N O U V E L L E S M U TA N T E S Voilà 2 ans que nos baskets ressemblent à des créatures injectées d’agent fertilisant ou d’hormones de croissance. Résultat, elles sont monstrueuses, mais plus elles le sont, plus on aime. Chez Alexander McQueen, cet hiver, avec des couleurs sorties du tube débordant sur l’arrière de la semelle et maculant le cuir blanc virginal comme les traces d’une mutation, la runner affiche fièrement sa démesure. Alexander Mcqueen Aïshti, 71 Rue El Moutrane, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.130 Aïshti by the Sea, Antelias, L2, +961 4 717 716 ext.251
Ce n’est pas un hasard si la première collection Chloé a été présentée au petit-déjeuner, au Café de Flore, un matin de 1956. La fondatrice de la maison, Gaby Aghion, fréquentait Picasso, Paul Eluard, Lawrence Durrell, et c’est toute la bohème artistique de l’après-guerre qui court dans l’ADN de cette marque parisienne dans l’âme, créée pour offrir à la femme des vêtements fluides, sensuels et légers, flatteurs et ne procurant aucune gêne. Aujourd’hui encore, on ne trouvera jamais chez Chloé de tissus qui grattent, de coupes rigides ou d’attaches qui accrochent. Les sacs suivent le même principe. Arrondis, avec des ornements en « O », leurs noms, comme celui d’un animal de compagnie, indiquent leur pedigree et leur année de conception. Pour les nouveaux modèles Tess, Roy et l’inoxydable Drew, la directrice artistique Natacha Ramsay-Levi a choisi des cuirs fumés, des fermoirs sophistiqués, et toujours un style flexible avec des anses interchangeables selon l’humeur ou la circonstance. Chloé Chloé, Rue Fakhry Bay, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.580 Aïshti by the Sea, Antelias, GF, +961 4 717 716 ext.215
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L’ Â M E D U S A C
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NEWS
L E P O U V O I R D U PA R F U M Cette saison, Ditpyque se fait triptyque avec l’édition de trois bougies parfumées complémentaires. Trois fragrances à la fois fraiches et chaleureuses s’unissent pour créer une atmosphère magique et festive. Elles sont issues d’un conte imaginé sur-mesure pour renforcer leur pouvoir : la Légende du Nord. Trois personnages venus respectivement du Sud, de l’Est et de l’Ouest affrontent le Grand Nord pour y trouver une boussole magique. Chacun d’eux porte une bougie au pouvoir puissant : Sapin de Lumière, Amande exquise et Baume d’Ambre. En les allumant ensemble aux quatre coins cardinaux, ils provoquent la révélation de la boussole. A défaut de trouver l’introuvable boussole, on peut se contenter de savourer les parfums exquis de ces nouvelles créations, ensemble ou séparément. Diptyque Aïshti, 71 Rue El Moutrane, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.105 Aïshti by the Sea, Antelias, GF +961 4 717 716
U N SAC TOM B É DU CI E L Ce jour-là, on a pu le croire fabriqué par les anges et envoyé du ciel comme une prophétie. Le sac Devotion de Dolce&Gabbana, avec son fermoir bijou fait main en laiton et cuivre reproduisant le symbole catholique et éminemment sicilien du Sacré-Cœur, a volé la vedette à tous les défilés de l’été 2019 lors de la semaine de la mode de Milan, en février dernier. Tout à coup, le rideau s’était ouvert sur… des sacs volants portés par des drones surmontés de sphères fluorescentes. A hauteur de spectateur, les sacs ont fait un show aussi inoubliable qu’inédit, offrant à des techniques et symboles ancestraux une entrée fracassante dans le 3e millénaire. Devotion sera ainsi entré dans l’histoire avant de se poser à notre bras. Dolce & Gabbana Dolce & Gabbana, 146 Rue El Moutrane, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.555 Aïshti by the Sea, Antelias, GF, +961 4 717 716 ext.203
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ILLUSIONS ET LO GOMAN IA Pour l’automne hiver 2018, Fendi a réinventé le power dressing avec des coupes strictes chahutées par de drôles de capelines carrées et une débauche de tissus monogrammés. La nouveauté est dans l’esprit sportif qui se glisse insidieusement dans les modèles qui semblent les plus guindés, impeccables manteaux et imperméables, voire tailleurs d’esprit 1940. Partout courent des logos. Là où l’on s’attend à du tweed, le motif tartan s’enduit d’une couche imperméable. Là où l’on s’attend à du nylon, l’anorak est en cuir. Le logo Fendi lui-même imite celui de l’équipementier Fila. La collection affiche un côté collégien plutôt qu’ « executive », qui donne une impression de fragilité. Mais la force des structures ressemble à celle d’une armure. Le jeu d’illusion et de dérision accentué par les logos détournés et la profusion de monogrammes est d’une radicale modernité. Fourrures et sacs emblématiques de la maison romaine n’échappent pas à ce réjouissant tsunami de détournements audacieux, notamment le nouveau cabas Shopping et les blazers de fourrure traitée en couleur et en trompe-l’œil. Fendi Fendi, 144 Rue El Moutrane, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.550 Aïshti by the Sea, Antelias, GF, +961 4 717 716 ext.205
KENZO, COMME AU CI N É MA
Kenzo Kenzo, Rue Fakhry Bay, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.590 Aïshti by the Sea, Antelias, L3, +961 4 717 716 ext.295
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C’est derrière le grand écran, dans la lumière des créatures de rêve qui hantent les salles obscures, que Carol Lim et Humberto Leon, les directeurs artistiques de Kenzo, sont allés chercher leur inspiration pour l’hiver 2018-19. Sans citer les héros et héroïnes de la grande époque du cinéma hollywoodien, ils empruntent à qui son twin-set et à qui son blouson. Les robes jacquard en satin de soie s’ornent de fleurs de cerisier ; les jupes crayon en soie se portent au-dessus du genou et dévoilent une fente à l’avant. Tweed, velours froissé, pantalons cargo, cabans, robes bustier… on joue à rhabiller la star qui sommeille en nous.
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O H ! MARYLI N Cette silhouette en bouteille de Coca Cola, ces hauts courts pour mieux allonger la taille, cette taille étranglée, d’ailleurs, ces baby-dolls, ces pulls douillets à grosses mailles… la maison Pucci renoue avec sa tentation américaine des années 1950 avec un hommage appuyé à Marylin Monroe, apposant ses célèbres imprimés sur une collection luxueuse décalée par un esprit sportif et léger mais aussi subtilement sexy, avec des dessous qui se portent dessus. Un glamour espiègle qui rappelle l’insolente liberté d’une tribu que naguère on appelait la jet-set. Emilio Pucci Emilio Pucci, Rue 109 Allenby, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 99 11 11 ext.579 Aïshti by the Sea, Antelias, L2, +961 4 717 716 ext.241
Obsédé par l’architecture et les nouveaux codes plastiques du milieu du 20e siècle, Ralph Masri lançait en 2017 une collection de bijoux baptisée « Modernist » dont le succès fulgurant est venu confirmer la justesse de son inspiration et de sa passion. Porté par sa réussite, le créateur joailler poursuit l’exploration de cette veine porte-bonheur avec de nouvelles pièces prolongeant la collection « Modernist » qui ont fait leur début lors de la semaine de la mode de Paris. Bagues, colliers, bracelets, boucles d’oreilles reprennent les codes géométriques et minimalistes de la ligne initiale avec encore plus de force dans le tracé et plus de contrastes dans l’agencement des couleurs. Des formes douces et arrondies viennent compléter la première collection marquée par des créations plus anguleuses, notamment celles conçues autour d’une variation diamants-saphirs. Les pièces de ce jeune créateur de 29 ans sont désormais vendues à Harvey Nichols Londres et Bloomingdales ainsi qu'à Moda Operandi Dubaï et séduisent un grand nombre de stars parmi lesquelles Gigi Hadid, Meghan Markle et Katy Perry, ainsi que la reine Rania de Jordanie, grande fan de son travail, qui a été photographiée portant l’une de ses pièces lors de la semaine de l’Assemblée générale des Nations-Unies à New York. Ralph Masri Ralph Masri Showroom, 100 Rue de Madrid, Mar Mikhael, Beyrouth, +961 1 566 538
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RALPH MASRI, M O D E R N I STE R É C I D IVI STE
OFF-WHITE X AÏSHTI L A C O N T R E - C U LT U R E BLANC-BLEU Virgil Abloh est le phénomène mode incontesté de cette fin de décennie. L’architecte et ingénieur civil américain originaire du Ghana est doublé d’un musicien et directeur artistique, talents qui font de lui un phénomène universel. Sous sa marque Off-WhiteTM, il vient de créer en collaboration avec Aïshti une collection capsule tout en flèches et damiers bleu et blanc.
Lauren et de sweat-shirts Champion en remplaçant leurs logos par le sien. L’expérience tourne mal ; il est accusé de plagiat, preuve que la collection est loin d’être passée inaperçue. On est pourtant clairement dans une application de l’art conceptuel à la mode, une tendance dont Virgil Abloh est un des pionniers et qui va aussitôt faire boule de neige dans l’univers du vêtement.
Le motif exclusif qui orne les sweats et hoodies de la collaboration Off-Whitetm X Aïshti décline des flèches et damiers bleu et blanc inspirés de la signalétique des rues, graphisme iconique qui a fait le succès de Virgil Abloh dans la création vestimentaire. Concepteur d’un streetwear qui incarne le nouveau cool avec ses codes ultravisibles empruntés à l’univers du bâtiment et des travaux publics, l’ancien skater fou de hip-hop des années 1990 est le premier à oser loger l’art et le vêtement sous un même toit dans sa petite galerie de Chicago baptisée RSVP Gallery. Un esprit qui n’est pas sans rappeler celui de la Fondation Aïshti qui partage sa coque d’acier rouge avec un grand magasin de mode et de luxe.
Un segment culturel ne va jamais seul A la croisée du luxe et du street style, Virgil Abloh fait siennes les icônes de la vie urbaine, les retravaille et les applique sur des collections qui résument tout un univers, entre musique hip-hop, graffiti et codes vestimentaires de la tribu des skaters. Il a compris que pour la nouvelle génération, un segment culturel, qu’il s’agisse de musique, d’art ou de cinéma, ne va jamais seul et implique tout un ensemble de signes d’appartenance dont la mode fait partie. En 2015, il est lauréat du prix LVMH et sa carrière de créateur décolle. Sous la marque Off-White, il prolonge l’esprit de la tentative Pyrex Vision, puise son inspiration dans la culture jeune et se réclame des démarches d’Andy Warhol et Jeff Koons. Directeur artistique de Louis Vuitton homme, il vient de créer pour Ikea une capsule d’objets tagués à l’intention de la « Y generation » qui va sans doute provoquer des émeutes à sa sortie en 2019.
Une application de l’art conceptuel à la mode Avant d’en arriver là, architecte le jour et DJ la nuit, il se rapproche de Kanye West dont il devient le directeur artistique. La pochette qu’il crée pour l’album Watch the Throne de Jay-Z/ Kanye West est nommée pour le Grammy Award. Avant de créer son label Off-White, il fait une première tentative dans la mode en créant en 2012 la marque Pyrex Vision sous laquelle il détourne des stocks de polos Ralph
Off-White Aïshti, 71 Rue El Moutrane, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 911 111 Aïshti by the Sea, Antelias, L1, +961 4 717 716 ext.226 Aïzone, ABC Verdun, +961 1 796 497
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J U S Q U ’A U X OREILLES Mickey Mouse célèbre cette année ses 90 ans. La souris de Disney a tant accompagné de générations que non seulement il est difficile d’imaginer un monde sans elle, mais elle a réussi à se rendre populaire dans toutes les cultures de la planète terre. Pour célébrer cet anniversaire emblématique, la marque newyorkaise Rag&Bone a lancé le 1er novembre une collection capsule en hommage au héros fétiche de Walt Disney. Mickey est décliné sur toutes les pièces de cette collection présente en quantités limitées dans tous les magasins de la marque à travers le monde ainsi qu’une sélection de points de vente partenaires. Des collectors à conserver pour les 90 prochaines années ! Rag & Bone Aïzone, 71 Rue El Moutrane, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.140 Aïshti by the Sea, Antelias, B1, +961 4 717 716 ext.104
Deux jeunes prodiges de la couture, deux qui croient ferme que la mode n’a jamais été une question d’ourlets mais d’attitude : Marta Marques et Paulo Almeida, Alien londoniens, diplômés de Central Saint Martins, fondateurs de leur marque bi-éponyme en 2014, lauréats en tandem du prix LVMH 2014. Ils viennent d’être débauchés par 7 for all Mankind, la maison californienne de jeans pour y insuffler l’esprit du millénaire. S’inspirant des photographies de Joseph Szabo sur la jeunesse des années 1970, le binôme Marques Almeida a livré une collection de flares, shorts et jupes, de silhouettes boyfriend taillés dans l’indigo rigide de l’authentique denim, naturellement effilochés au lavage par absence d’ourlets. Une œuvre de virtuoses ! Seven Aïshti, 71 Rue El Moutrane, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 911 111 ext.140 Aïshti by the Sea, Antelias, B1, +961 4 717 716 ext.263
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MARQU E S ET ALM E I DA PR ETE NT LE U R S CI S EAUX À SEVEN
109 ALLENBY STREET, BEIRUT CENTRAL DISTRICT, LEBANON TEL. 01 99 11 11 EXT. 579 - AÏSHTI BY THE SEA, ANTELIAS TEL. 04 71 77 16 EXT. 241
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TENDANCES
SYNTH ÉTI QU E AUTH E NTI QU E Le faux fur fait fourrure, euh, fureur. De plus en plus sophistiqué, le poil de bébé acrylique ressemble à s’y méprendre à celui du phoque, du vison, du léopard ou de l’ours. On ignore le cri de la bête, mais on sait qu’elle ronronne aux caresses. PAR MARION GARNIER
Gucci
Chloé
Dolce & Gabbana Burberry
Miu Miu
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Prada
Saint Laurent Off-White
Stella McCartney
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Prada
Gucci 66
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Fendi
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TENDANCES
C H A T O YA N T E E S T L A N U I T Briller dans l’obscurité : tout un art que, depuis des lunes, on maîtrise à coup de paillettes, de sequins et de moire. Cet hiver, le clair, l’obscur et le clair-obscur ne seront pas en reste, et l’attrape-lumière se fait subtil, savant, suprêmement sophistiqué.
Fendi
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Dolce & Gabbana
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Prada
MSGM
Saint Laurent
Prada
Gucci
Gucci
Miu Miu
Gucci 67
Saint Laurent
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TENDANCES
LE FOULARD SE DÉFOULE Le foulard, cet objet fétiche, transitionnel, que tout le monde offre mais que rares portent encore autour du cou, continue à étancher notre soif de soie et irrigue le génie du « upcycling ». Le jeu consiste à faire encore plus beau avec ce qui existe, en associant l’inassociable.
Dolce & Gabbana
Hermès
Burberry
Gucci
Hermès
Dolce & Gabbana
Gucci
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Chloé
Jimmy Choo 68
Dolce & Gabbana
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Burberry
the modernist collection
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Un nouveau format Francophone par son nom, “Mon trésor” fait référence aux effets personnels et précieux qu’il renferme. Présenté pour la première fois en version mini sur la collection croisière 2018, il vient d’être revisité en plus grand modèle pour la collection automne-hiver 2018/19.
“Mon trésor” de Fendi Ce sac seau ultra-fonctionnel et plein d’allure est le compagnon idéal pour transporter ses indispensables du quotidien.
Sporty chic Désormais plus spacieux et plus pratique grâce à sa double sangle réglable et détachable, “Mon trésor” a été imaginé par Silvia Venturini Fendi pour s’adapter aux besoins de toutes les femmes. Avec ses deux poignées, courtes ou longues, il permet différents portés. À la main, il donne un esprit très seventies à la silhouette qu’il accessoirise, à l’épaule, une allure à la fois élégante et désinvolte, et en bandoulière, une attitude plus décontractée et sportive. Le sac comporte par ailleurs une poche intérieure. Accessoirisation Décliné en cuir souple, rigide ou en daim, il peut être uni ou bicolore. Coup de cœur pour le modèle en cuir vitrifié imprimé du logo maison. Ses particularités ? Sa fermeture par cordon de serrage, ses anneaux en métal doré et ses mini-logos ronds “F Is Fendi” qui permettent d’y attacher des bijoux de sacs. Et pour encore plus de singularité, il est même possible d’ajouter les bandoulières “Strap You” et “Strap Through”. Sac seau “Mon trésor” en tissu vitrifié avec motif jacquard “FF” orné d’un écusson et de détails en cuir, Fendi.
PAR LÉA TRICHTER-PARIENTE PHOTOGRAPHIE JULIA ANDRÉONE 70
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LA MINAUDIÈRE Une minaudière, à l’évidence et comme son nom l’indique, sert à minauder. Mais encore ? Qu’est-ce qui nous vaut le retour en force de ce ni sac ni boîte, objet minuscule et précieux, indispensable compagnon de nos folles soirées ? PAR F.A.D.
Fol objet des Années folles Dans les années 1920 à 1930, à Paris, le souvenir et les stigmates de la Première guerre mondiale s’estompent. L’extravagance occulte la souffrance. L’époque est à tous les excès, voici venues les Années folles. La mode a déjà subi un ouragan qui a dégrafé les corsets et fait voler les jupons. Les robes sont droites, fluides, frangées pour mieux rythmer le Charleston. La taille tombe bien au-dessous de sa ligne naturelle. On porte cheveux courts et bobs, on insère sa cigarette dans de longs et précieux fume-cigarettes. La femme est une « garçonne » que rien ne désarçonne. Mais elle ne renonce pas, loin de là, à sa féminité. Le soir, pour naviguer entre bals et bars, elle porte un réticule (de rets : filet), tout petit sac précieux, souvent en résille métallique, où elle déverse en vrac son nécessaire. Or, un soir de ces annéeslà, lasse de fouiller dans l’obscurité pour trouver son bâton de rouge ou son briquet, Florence Gould, épouse du magnat américain des chemins de fer Frank Jay Gould, arrive à une fête munie d’une cartouche de cigarettes Lucky Strike en fer blanc où elle a soigneusement aligné son maquillage, son fume-cigarettes, son briquet, se clés, en gros sa trousse de secours pour la soirée. La légende veut que l’un des joaillers Arpels, Salomon (dit Charles), Louis ou Alfred, ait observé son manège et décidé de créer un contenant précieux, dans la grande tradition du nécessaire de voyage, spécialité des artisans tabletiers français. Minauder, tout un art L’objet est une boîte rectangulaire, de la dimension d’un livre, savamment compartimentée, équipée de petits miroirs articulés recouvrant chacun un espace étudié pour chaque objet. L’extérieur est en métal précieux laqué d’un exquis motif floral. Ce sac innovant prend le nom de Minaudière 72
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La folie du sac n’est même plus une pathologie tant est devenu normal, depuis le début du millénaire, ce besoin obsédant de posséder cet accessoire-statut que déclinent les grandes maisons de luxe avec force imagination et savoir-faire. Pourtant, on sait au moins depuis « Le diable s’habille en Prada », qu’Anna Wintour elle-même ne porte jamais de sac. « Ça tire la silhouette vers le bas », aurait dit la redoutable rédactrice en chef de Vogue US dans une interview au Wall Street Journal. Dans le film, refusant d’avoir « l’allure d’une postière » elle fait même porter son sac à son assistante, notamment lors des défilés. Souvenons-nous donc qu’Anna Wintour ne porte pas son sac, elle le fait porter à ses subalternes. Le sac est de fait un objet de mode bien plus complexe qu’on ne l’imagine. Sans sac on se sent nue. Avec un sac, même élégant, même rare, même précieux, on a l’air encombrée, mais c’est ainsi qu’on est dans la vraie vie : encombrée avec plus ou moins de style. On attribue au sac un caractère sexuel, on le compare au vagin, d’où la suprême indélicatesse pour un homme de toucher au sac d’une femme, ou pire, de l’ouvrir. Mais qu’est-ce qui occupe donc tant de place dans ce sac mystérieux ? En vrac, des documents, des reçus, des factures, des trucs qu’on happe dans la boîte aux lettres en quittant la maison, des mouchoirs, un bâton de rouge à lèvres, un blush, un mascara pour se refaire une beauté en cours de journée, un tampon de secours, des cigarettes et un briquet pour celles qui fument, un portefeuille, des clés, un objet fétiche, des bonbons parfois, une mignonnette de parfum, une boîte à pilules, un foulard, un livre peutêtre, un stylo, un calepin, une liseuse…voilà en gros pour l’essentiel. Le reste, on peut l’imaginer à l’infini, jeté en vrac, accumulé, entremêlé ou soigneusement glissé dans des compartiments idoines.
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Oscar De La Renta
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Calvin Klein
Valentino
aussitôt enregistré par Van Cleef & Arpels. Minaudière, au même titre que Frigidaire est donc une antonomase, un nom propre utilisé comme un nom commun. Plus intéressante est l’origine de ce nom, liée aux gestes que le sac boîtier dicte à la femme qui le porte. Précieux comme un bijou supplémentaire complétant une parure, elle le glisse dans une housse de satin et l’en sort au besoin avec ostentation. Elle l’exhibe au théâtre en le posant sur la rampe de la loge. Quand elle l’ouvre pour en sortir une cigarette ou de quoi se poudrer le nez, elle prend des expressions étudiées, minaude tout simplement. Ce sac, selon les situations, donne une
contenance. Équipé d’une dragonne, il s’attache au poignet et se laisse plus ou moins oublier. Sinon, on le porte à une main, de préférence la gauche pour donner la droite à baiser, ou alors à deux mains quand on est debout et qu’on attend quelque chose ou quelqu’un. On s’en sert pour cacher son visage, on se plonge dans les miroirs intérieurs qui peuvent servir de rétroviseurs quand on veut voir sans être vue. Cette saison, les occasions de se prêter à ce charmant exercice sont nombreuses, toutes offertes par votre créateur de mode préféré. La minaudière a le vent en poupe. Réapprenons à minauder ! 73
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JE LE VEUX ! Fleuron de l’ère Maria Grazia Chiuri, le cabas “Book Tote” de Dior peut désormais être personnalisé. Belle aubaine à l’approche de Noël. PA R M ATH I LD E B E RTH I E R PHOTOGRAPHIE JULIA ANDRÉONE
Un it-bag ayant les défauts de ses qualités, dont celui d’être adopté par beaucoup, pour son “Book Tote”, Dior déjoue l’uniformité en lançant ABCDior, service permettant de faire graver dans le tissu son précieux patronyme. Aussi exclusif que nomade, cet atelier de broderie s’est baladé de Dubaï à New York en passant par Séoul et Tokyo, avant de prendre ses quartiers dans le 8e arrondissement de Paris dès le 5 décembre, pour quinze jours de personnalisation intensive. Non content de compter plus d’1,5 million points de broderie, le “Book Tote” cultive un peu plus, avec l’ABCDior, son profil de cabas couture. 76
LE RAYON ROUGE PHOTOGRAPHIE TONY ELIEH D I R E C TI O N D E C R É ATI O N M É L A N I E D A G H E R DIRECTION ARTISTIQUE SOPHIE SAFI
Indispensable complice de la fête, le rouge nous obsède au point d’être la première couleur qui vient à l’esprit quand on pense « couleur ». Rouge donc, et rire éperdument.
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Robe, ALEXANDRE VAUTHIER. Sandales rouges, ATTICO. Sandales noires, HERMÈS. Minaudière, BALMAIN. Chemise, FREE PEOPLE. Jupe, ALAÏA. Bottes, AMINA MUADDI. 79
Robe, STELLA MCCARTNEY. Sac, FENDI. Robe, PHILOSOPHY DI LORENZO SERAFINI. Sac, CHLOÉ. Page de droite: Jupe, DION LEE. Sac, OFF-WHITE. Bottines, VALENTINO. Sac, BALENCIAGA. Top, IN THE MOOD FOR LOVE. Pantalon, MAX MARA. Bottines, GIANVITO ROSSI. 80
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Top, SAINT LAURENT. Pantalon, BRUNELLO CUCINELLI. Sandales, ATTICO. Sac, PRADA. Bottes, VALENTINO. Pantalon, MAX MARA. Top, SAINT LAURENT. Page de droite: Bottes, OFF-WHITE. Robe, RED VALENTINO. Boucles d'oreilles, OSCAR DE LA RENTA. Sac, BALENCIAGA. 82
Robe, JONATHAN SIMKHAI. Pochette, SAINT LAURENT. Escarpins, AMINA MUADDI. Robe, DION LEE. Sac, SAINT LAURENT. Escarpins, CELINE. Page de droite: Sac, MIU MIU. Bottes, VALENTINO. Escarpins noirs, TOD'S. Escarpins dorés, SAINT LAURENT. Escarpins léopard, GIANVITO ROSSI. 84
REMERCIMENTS ALESSANDRA ZIADE ET MARION GARNIER 85
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STYLE
UNE FORÊT EN AUTOMNE PAR F.A.D
Une blouse, en crêpe marocain de soie tourbe, à bavolet surpiqué. Un pull à col V, en interlock de laine tourbe. Une jupe évasée à taille haute en veau grainé laqué noir. Une ceinture haute en veau Tadelakt noir, à pièces métalliques palladiées Piano. Des gants, en agneau glacé noir. Une minaudière Clou Médor, en alligator Mississippiensis lissé noir, à chaîne, en métal palladié. Des bottes, en chèvre velours stretch et semelle gomme orange. 86
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Cette saison, Hermès inspire la force tranquille à une nouvelle génération d’amazones urbaines qui portent sur leur peau le parfum des forêts dépouillées par les premières pluies. Forêts qu’elles traversent sans crainte, armées de cuirs souples et légers comme de la soie, laqués et glacés comme des armures. La palette décline de somptueux coloris d’étés indiens qui se fondent avec grâce dans la nature automnale. Pinacle de la collection, des cuissardes en chèvre velours de couleurs vives, à semelle en gomme ton sur ton ou contrastée, rehaussent l’allure et redéfinissent l’élégance.
Un manteau ceinturé à bavolet surpiqué, en cerf rouge braise. Une robe, en maille de cachemire bleu noir. Des bottes, en chèvre velours stretch et semelle gomme bleu marine. 87
My december symphony Les it-bags de l’hiver se déclinent en une gamme de matières des plus étourdissantes. PHOTOGRAPHIE LOLA ROUSSEAU R É A LI S ATI O N D E B O R A H R EYN E R S E B A G
Bottines lacées en cuir métallisé, CALVIN KLEIN 205W39NYC. Sac en cuir, couverture amovible en cuir vitrifié, FENDI.
Jean en coton, LOUIS VUITTON. Sac “Saddle” en patchwork brodé de fils et de perles, DIOR. Bottines en suède, SAINT LAURENT PAR ANTHONY VACCARELLO. Au poignet, de haut en bas : joncs en métal, LOUIS VUITTON. Joncs en or jaune, diamants bruts et polis, blancs et bruns, DE BEERS.
Ci-dessus : Corsaire en viscose, AZZEDINE ALAÏA. Pochette en paon tressé, BOTTEGA VENETA. Sandales en daim et plumes, VALENTINO GARAVANI. Au poignet, de haut en bas : jonc “Micropavé” en or jaune et diamants, DE BEERS. Page de gauche : Leggings en viscose, sac en alligator, AZZEDINE ALAÏA. Bracelet deux ors gravés et diamants, montre manchette en or jaune gravé et diamants, BUCCELLATI. Cuissardes en velours et cuir verni, EMPORIO ARMANI. Modèle : Lucie Roblot. Set design : accoudoir (Clément Pelisson) et Samuel Bardaji. Assistant photo : Bertrand Jeannot. Assistante stylisme : Laura Céci.
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L’amore dell’arte Pour son défilé croisière 2019, Max Mara a investi la Collection Maramotti, musée créé par le fondateur de la griffe à Reggio d’Émilie. L’occasion d’un dialogue entre les œuvres d’art et les vêtements, entre l’histoire et le présent.
Une collection de mode peut-elle exprimer le genius loci, l’esprit d’un lieu – le lieu où elle naît mais aussi celui où elle défile, et qui conserve l’imaginaire dont elle est inspirée ? Et peut-elle, une fois mise au monde, transmettre cet “esprit” à ceux qui la portent ou la voient portée ? Oui, mais seulement en présence d’une série de circonstances singulières. Ce qu’il s’est passé pour la croisière 2019 de Max Mara ne pouvait donc se produire que là, car l’histoire de Max Mara est un récit constitué de nombreux éléments combinés. Commençons par la fin. Le défilé a lieu à la Collection Maramotti, ouverte au public en 2007 en Reggio d’Émilie, parmi les œuvres d’art de cette institution créée par le fondateur de Max Mara, Achille Maramotti, dans la première usine de la marque. L’âme de la manufacture, que l’on devine à l’architecture et à la disposition des lieux, épouse l’esthétique des œuvres d’Alberto Burri, Lucio Fontana, Piero Manzoni, Cy Twombly, Jannis Kounellis et bien d’autres, exposées ici depuis si longtemps que les lieux semblent leur appartenir. Nous retrouvons cette fusion dans les vêtements du défilé croisière 2019, dont les références aux œuvres de la collection sont précises et directes
(les couleurs crayeuses à la façon du Dizzy de Gastone Novelli, les torsades sinueuses inspirées par Giovanni Anselmo, les plissés houleux comme l’Achrome de Manzoni) mais laissent aux jupes, manteaux et vestes une totale liberté de mouvement et, oserons-nous dire, de pensée… Les renvois aux œuvres d’art conduisent à d’élégants horizons d’été. Les silhouettes sont féminines, les formes dessinées par les plissés doux aux couleurs neutres, les longueurs vont jusqu’au pied, ou bien au-dessous du genou. Et puis il y a l’outerwear, les pièces phares de Max Mara réinventées à l’infini. Sous l’impulsion de l’art et de la modernité, les manteaux se font réversibles (cachemire d’un côté et nylon de l’autre) et, dans la version la plus innovante, un manteau masculin en organza de soie doublé de chameau (les couches et les transparences évoquent la toile Sacco e Rosso de Burri) représente la parfaite fusion entre légèreté et structure. La même fusion symbolisée par le pont Calatrava, l’emblème de Reggio d’Émilie que les invités ont pu contempler en arrivant, avant de s’immerger, pour une soirée, dans un monde qui représente l’aboutissement d’une vie personnelle et professionnelle riche et créative.Traduction Alessandra Daniel 96
Silhouette du défilé croisière 2019 de Max Mara, présenté à la Collection Maramotti.
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P A R S I LV I A P A O L I
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DÉCRYPTAGE
GUCCI - READY TO WEAR FALL 2018
QUAND LA MODE S’ENGAGE
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Burberry, Gucci, Dior, Versace, Balenciaga : cette année, ces marques se sont engagées sur l’éco-responsabilité, des engagements sociétaux, la diversité sur les podiums… Éveil des consciences ou stratégie marketing ? Face à la montée des conservatismes, la mode peut-elle être catalyseur de changements ?
La mode éco-responsable n’est plus la cinquième roue du carrosse, portée par un discours jugé ennuyeux ou moralisateur, jusqu’ici présenté comme incompatible avec les valeurs de la mode. Aujourd’hui, le virage est net : la sustainable fashion est incontournable. Deuxième industrie la plus polluante au monde, la mode a été sommée de renouveler son discours et ses pratiques, poussée par un consommateur exigeant qui s’interroge de plus en plus, comme le souligne Cécile Lochard, consultante experte luxe et développement durable : “‘Qu’y a-t-il derrière le x fois plus cher ?’ Depuis qu’on s’est intéressé au ‘made in’ dans la mode, les choses ont commencé à bouger. ‘Comment ce produit a-t-il été fabriqué, et où ?’ Ce sont des questions désormais récurrentes. Pendant très longtemps, la mode et le luxe créaient l’offre mais ne s’intéressaient pas à la demande ; or on assiste dans ce domaine à un changement de paradigme.” Exigence de transparence, modes de production éthiques, biotechnologies : la mode se transforme afin de répondre aux attentes d’une société en pleine mutation. “Pendant de nombreuses années, la communication des marques sur ces sujets-là a été assourdissante de silence, mais les choses évoluent. Ce qui se passe aujourd’hui avec le développement durable est comparable à ce qui s’est passé au moment de l’arrivée du digital : il y a dix ans, les marques de luxe disaient ‘on ne vendra jamais sur internet !’ Regardez aujourd’hui”, poursuit la spécialiste. En effet, les annonces se multiplient : Chopard a annoncé que ses créations seraient désormais réalisées à partir d’or à 100 % éco-responsable ; Kering s’est associé avec le London College of Fashion pour préparer des cours sur la mode durable ; LVMH s’est fixé pour objectif de réduire de 25 % les émissions de CO2 du groupe entre 2013 et 2020. En janvier 2019, le site de vente en ligne Asos ne commercialisera plus de produits contenant de la soie, du mohair ou du cachemire. Gap, Zara, H&M et Topshop ont aussi annoncé avoir renoncé à se fournir en mohair, après la diffusion d’une vidéo montrant le calvaire subi par des chèvres lors de la tonte. La question du bien-être animal, qui cristallise les émotions, est au cœur des stratégies des marques : cette année, Gucci, Versace, Michael Kors et Armani ont ainsi pris la décision de ne plus utiliser de fourrure. Dans un entretien accordé au magazine britannique 1843, supplément de The Economist, Donatella Versace a annoncé : “Je ne veux pas tuer des animaux pour faire de la mode.” Une volte-face pour la maison italienne. Pour Alessandro Michele, utiliser de la fourrure n’est tout simplement pas “moderne”. “Great generation” Le changement est aussi et surtout conduit par une nouvelle génération de designers, plus que jamais désireuse de défendre une mode sociale et éthique. Ainsi, Marine Serre, créatrice française de 26 ans, gagnante du prix LVMH 2017, a créé une série de pièces à partir de foulards recyclés. Matthew Williams, créateur d’Alyx, jeune label en vogue soutenu entre autres par Kanye West et Virgil Abloh, a lancé sa ligne éco-responsable à partir de coton et de plastique recyclés. Le designer irlandais Richard Malone, 26 ans, étoile montante de la fashion week 99
BALENCIAGA - READY TO WEAR FALL 2018
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londonienne, est aussi pleinement engagé. “Je ne serais pas serein de voir mon entreprise se développer si, à un maillon de la chaîne, quelqu’un était exploité”, indique ce dernier, qui développe ses tissus à partir de fils naturels et recyclés et vérifie les bonnes conditions de travail de ses fournisseurs. “Il existe encore des designers qui adhèrent à la vieille mentalité de produire toujours plus en utilisant des tissus nocifs pour la planète, mais je crois vraiment que notre génération veut changer la donne, enfin certains d’entre nous.” Plus dubitative, Li Edelkoort, chasseuse de tendances reconnue, mise sur la très jeune génération – celle qui n’a pas encore intégré le marché du travail : “J’ai surtout espoir en la très jeune génération, celle des lycéens qui luttent contre les armes aux États-Unis, par exemple. La petite-fille de Martin Luther King a dit : ‘We are going to be a great generation.’ Ils ont beaucoup de courage, ils sont nés sur une planète si malmenée : quand on regarde les problèmes de sécheresse, de tempêtes, d’océans pollués, être né aujourd’hui ce n’est vraiment pas un cadeau ! Je crois beaucoup en eux pour faire naître le changement. Les générations d’avant pensent que beaucoup leur est dû.”Si la communication s’accélère sur la mode durable, c’est aussi parce que, du jour au lendemain, une marque peut être boycottée pour une pratique pointée comme non vertueuse par les consommateurs (et les réseaux sociaux). Les marques sont donc vigilantes face au risque de mauvaise réputation qu’elles encourent. Dans un registre plus positif, le développement de la fashion tech et des biotechnologies entraîne la naissance de nouvelles matières : soie de bambou, fibres d’ananas, cuir de pomme, fibres d’eucalyptus, etc. C’est une page blanche exaltante qui s’offre aux designers.
“Chaque marque essaye de trouver la cause qui lui est la plus proche. Je ne vois pas cela comme de grandes manifestations de marketing, je pense vraiment que ça vient des créateurs et des studios. Pour l’instant, c’est authentique. Si ça devient une mode, une copie de ces initiatives, ce sera différent.”
Diversité sur les podiums Autre transformation notable du secteur : la hausse de la diversité parmi les mannequins sur les podiums, illustrant d’autres canons de beauté. En mars, en pleine fashion week parisienne, pour la première fois depuis 1994, Rei Kawakubo, la créatrice de la marque japonaise Comme des Garçons, a fait défiler des mannequins à la peau noire. Critiqué pour son manque de diversité sur les podiums, le label a choisi le top Subah Koj, originaire du Soudan, pour ouvrir son show. Une décision saluée notamment par le directeur de casting James Scully, figure respectée de l’industrie de la mode, qui milite pour améliorer les conditions de travail des mannequins. Lors de son défilé Haute Couture de juillet dernier, Chanel a fait défiler un mannequin noir pour porter sa robe de mariée. Un symbole d’ouverture. Selon la dernière étude publiée par le site spécialisé The Fashion Spot, la représentativité des mannequins de couleur (mannequins noirs, métisses, asiatiques, indiens et arabes) des fashion weeks (Paris, NYC, Londres, Milan) est en hausse (32,5 %, soit 2,3 % de plus que lors de la fashion week de septembre 2017 et 15,5 % de plus que celle de septembre 2014). Avec des icônes de la pop culture telles que Rihanna et Beyoncé, des mannequins
a ctivistes comme Slick Woods et la récente nomination d’Edward E nninful à la tête du Vogue UK, c’est tout un écosystème qui s’ouvre. “Il y a une demande de la société et des consommateurs pour l’inclusion. La mode doit suivre l’évolution des mœurs, sous peine de perdre sa pertinence”, souligne Jennifer Davidson, r édactrice en chef de The Fashion Spot. La mode étant avant tout un business, la suprématie des marchés asiatiques bouscule, depuis quelques années déjà, les stéréotypes. On regrette cependant la faible présence des mannequins arabes sur les podiums : l’essor du marché moyen-oriental changera-t-il la donne ? “Nous n’avons pas encore atteint un niveau d’inclusion naturel, les standards ‘Lolita’ – filles grandes, minces et blanches – sont encore la norme. Le risque est que cette question de la diversité ne soit qu’une mode passagère”, s’inquiète la journaliste. On signale déjà une régression quant au nombre de mannequins plus size : seulement trente d’entre elles ont défilé dans les quatre capitales, Ashley Graham en tête ; mais le nombre de mannequins transgenres est en hausse. D’une manière générale, le recours de plus en plus fréquent aux castings sauvages (anonymes choisis dans la rue) par les marques a permis de faire évoluer les choses. 100
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BURBERRY - READY TO WEAR FALL 2018
- Li Edelkoort
MARINE SERRE - READY TO WEAR FALL 2018
RICHARD MALONE - READY TO WEAR FALL 2018
Philanthropie nouvelle Autre signal d’ouverture : la mode se fait le porte-drapeau de causes sociales. Christopher Bailey a conçu son dernier défilé pour Burberry comme un manifeste de soutien aux personnes LGBT, Gucci a fait un don pour la manifestation contre le port d’armes aux États-Unis, Dior soutient la cause des femmes, Kate Spade New York a annoncé une donation pour renforcer la prévention du suicide (à la suite de celui de sa fondatrice), Balenciaga s’engage contre la faim dans le monde avec un partenariat World Food Program : la mode prend désormais part aux débats de société. Opportunisme ou réel engagement ? “Je comprends tout à fait car je pense qu’on ne peut vraiment pas se taire en ce moment. Chaque marque essaye de trouver la cause qui lui est le plus proche. Je ne vois pas cela comme de grandes manifestations de marketing, je pense vraiment que ça vient des créateurs et des studios. Pour l’instant, c’est authentique. Si ça devient une mode, une copie de ces initiatives, ce sera différent”, déclare Li Edelkoort, qui avait tiré la sonnette d’alarme en 2015 en publiant un manifeste, Anti-fashion, expliquant pourquoi l’industrie de la mode était à bout de souffle. Fait nouveau ou ancienne 101
tradition ? “Les designers, en tant qu’individus, ont toujours fait des dons pour soutenir des causes. Ainsi, les engagements en faveur de la lutte contre le sida dans les années 1980/90 ont été très nombreux. Ce qui a changé, c’est sûrement le fait que les marques communiquent davantage sur ces actions. Aussi, les consommateurs veulent de plus en plus avoir l’impression de faire quelque chose d’éthique quand ils achètent un produit”, décrypte Maude Bass-Krueger, historienne de la mode et chercheure associée IHTP-CNRS. Par exemple, Tommy Hilfiger a toujours été un grand donateur en faveur de la lutte contre l’autisme, et Giorgio Armani, un fervent défenseur de la lutte contre le sida en Afrique. Si les marques sont toujours plus nombreuses à s’investir dans des activités de philanthropie, c’est aussi parce que le public estime qu’à l’heure actuelle cela fait partie des devoirs d’une entreprise. À l’image de la société, en plein bouleversement, la mode cherche de nouvelles façons de faire et de penser. Une transformation portée par une nouvelle génération de designers et de managers qui doivent aussi continuer de défendre la liberté de s’habiller comme on veut. Une liberté jamais totalement gagnée.
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LE MONDE DE
CÉLINE SEMAAN Elle est styliste de mode durable et entrepreneure sous le label « The slow factory » ; auteure et conférencière», enseignante auxiliaire au Media lab du MIT et par-dessus tout, à travers son ONG « The Library », activiste et défenseuse acharnée des causes fondamentales de notre époque. Sacré bout de femme, la Libano-canadienne Céline Semaan incarne à elle seule tous les idéaux de notre millénaire et met tout en œuvre pour les réaliser. Elle nous raconte son parcours.
Activiste et créatrice de vêtements, comment peut-on enfiler ces deux qualités dans un même blouson ? Ma conscience est hyperactive, je pense à tout, et ce depuis un très jeune âge. J’ai toujours été très curieuse et en même temps très préoccupée par l’injustice humaine et la pollution destructrice de notre environnement. Mon parcours en tant que créatrice a commencé comme par accident. Je voulais inventer quelque chose qui puisse changer l’état du monde, changer notre perception et nous conférer ce pouvoir magique qui nous donne le sentiment d’être capables d’agir. Quel est l’événement qui vous a incitée à vous servir de la mode comme véhicule d’idées ? Tout a commencé lorsque j’ai eu l’idée d’imprimer des images de la NASA sur des carrés de soie pour en faire des foulards avec lesquels on s’enveloppe pour se sentir connecté à la Terre et à l’Univers. J’ai lancé l’idée sur Twitter, voilà comment l’aventure a commencé !
PAR F.A.D PHOTOGRAPHIE LORD ASHBURY
Quel est votre souvenir d’enfance le plus marquant ? Il y en a plusieurs, certains du genre dont on se dit « ce n’est pas vrai, je ne peux pas me rappeler de cela ! ». Mais les plus marquants pour moi ont été d’abord mon départ du Liban et ensuite mon retour. J’y étais revenue une première fois lors de courtes vacances en plein milieu de la guerre, et puis en 1995 pour y vivre. Ce qui me marquait le plus étant enfant, lors de ces voyages, c’était de voir la terre d’en haut, depuis le hublot de l’avion. C’était fascinant et à la fois très rassurant que de pouvoir observer le monde d’aussi haut. Cela m’a toujours 102
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apporté un sentiment d’appartenance au milieu des moments de chaos. Quel auteur, réalisateur, musicien, créateur de mode, artiste, féminin ou masculin, mettriez-vous dans votre Panthéon personnel ? Mon inspiration première est la designer Vivienne Westwood, car elle est la mère du mouvement “Fashion Activism”. Elle a toujours eu beaucoup à dire sur la mode, sur la pollution que celle-ci génère, ainsi que sur le pouvoir que nous avons de changer les choses. Par ailleurs, dans le domaine de l’art, Jean Cocteau, la période Dada et le courant Fluxus m’ont toujours inspirée et, comme une famille invisible, m’ont aussi permis de me sentir sur la bonne voie dans ma carrière à des moments où je subissais beaucoup de critiques. J’ai d’ailleurs sur moi un petit tatouage d’un dessin de Jean Cocteau. En musique, lorsque je travaille, j’écoute beaucoup les sons de J Cole, Lauryn Hill, Shabazz Palaces, Solange, et Drake aussi parfois. Mais je mets aussi les albums des Soap Kills, des Rahbani (toute leur production) et aussi Jerusalem in my Heart et Oum Khloultum et Fairuz pour bien pleurer parfois. Quelles sont vos villes préférées, et dans ces villes, les quartiers et lieux où vous aimez vivre et vous promener ? Une de mes villes préférées est New York. J’y habite une partie de l'année. J’adore la vie de quartier, connaître un peu tous les commerces, les gens du coin, me balader à pied pour aller à l’épicerie, quoiqu’en ce moment j’ai plutôt tendance à passer 104
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mes commandes à travers une application sur mon téléphone. J’adore aller prendre un bon cortado au lait d’avoine dans le café du coin, retrouver une copine pour une manucure et flâner un peu avec elle après.
au Texas où je faisais partie d’un panel autour du Printemps arabe, juste avant la guerre en Syrie.
Quel souvenir avez-vous de la première fois où vous vous êtes exprimée en public ? Quel était le sujet ? J’ai fait du théâtre très jeune, et me suis souvent retrouvée face à un public. Cependant la première fois où je me suis exprimée en public à propos de ce que je fais avec ma compagnie, c’était dans le cadre de South by South-West (sxsw) une conférence
Un rêve d’avenir ? Pouvoir avoir un rôle au niveau politique qui affecte et oriente les lois et l'application de ces lois de façon efficace, de manière à privilégier les innovations technologiques en énergie renouvelable et préserver nos ressources naturelles.
Que vous apporte l’enseignement ? Que cherchez-vous à transmettre à vos étudiants ? J’ai aussi adoré Rio de Janeiro, et comme New York je pourrais Je ne suis pas professeur, j’utilise l’enseignement de façon plus y habiter. Ces deux villes me font beaucoup penser à Beyrouth, démocratique, à l’extérieur des institutions. Ce que je cherche à créer avec The Library c’est plutôt un pont entre l’industrie de ou à une certaine idée de Beyrouth avant la guerre, un la mode et le public (étudiants, designers ou consommateurs) Beyrouth que je n’ai jamais eu la chance de vivre, mais que je connais à travers les histoires de mes parents et grands-parents, afin de rétablir la confiance en soi ainsi que le sentiment de responsabilité de chacun envers l’environnement et l’humanité. tantes et oncles. Une ville qui vit dans mon cœur, comme un rêve ou un idéal qui n’existe plus. Où et comment aimez-vous vous habiller ? Je ne comprends pas votre question (sourire). The Slow Factory en quelques mots. Une compagnie qui s’applique à créer des objets de mode Quels sont vos plats et boissons préférés ? qui encapsulent des moments politiques, des missions Les plats libanais ! J’adore le taboulé, j’adore la moghrabiyeh!! environnementales et qui contribuent à des causes Mais quand je suis au Liban, les cafés de New York me humanitaires. manquent, ainsi que la vraie cuisine asiatique, indienne, thaï ou chinoise, surtout le Dim Sum. The Library en quelques mots. Une ONG qui a pour mission l’éducation et l’action autour du développement durable, et qui œuvre à changer les lois afin que Un paysage ? celles-ci respectent les droits de la Planète et ceux des humains La mer, vue de l’avion, avec les vagues blanches qui se dessinent sur le fond bleu marine de l’eau. qui y vivent.
www.celinecelines.com/ 106
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ANALYSE
LA CROISIÈRE S’AMUSE En quelques saisons, les collections resort, présentées en mai et disponibles ce mois‑ci, sont devenues de vrais terrains de jeu créatifs pour les designers. Des lignes hors norme, à l’excentricité assumée, qui représentent aujourd’hui une part majeure du chiffre d’affaires des maisons, faisant ainsi rimer créativité avec rentabilité. PA R S O P H I E A B R I AT
pour conjurer la pluie. Ce dernier aurait déjà repoussé les nuages lors du défilé croisière Louis Vuitton 2017 à Rio, ainsi que pour le mariage du prince Harry et de Meghan Markle. Atmosphère surnaturelle pour ce défilé hypnotique. Soixante looks et autant de combinaisons excentriques, de mix and matches d’imprimés, de prouesses de savoir-faire, un formidable télescopage d’idées. Une inventivité à son paroxysme Humeur mystique et créativité extrême chez Gucci aussi, deux jours plus tard à Arles et, plus exactement, au cœur des Alyscamps, l’antique nécropole romaine. Les mannequins, mixtes, se présentent sur un podium enflammé sur fond de voix sépulcrale, la bande-son, avec la musique du Dracula de Francis Ford Coppola et Requiem for my Friend de Zbigniew Preisner, semblant venir de l’au-delà. Il ne pleut pas mais le chamane – vaudou cette fois-ci – d’Alessandro Michele ferait aussi des miracles nous dit-on… Le directeur artistique de Gucci s’est surpassé pour ce défilé : bouquets de pivoines ou ours en peluche à la main, ses silhouettes accessoirisées à 110
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n cette fin de printemps, des pluies diluviennes s’abattent sur la France. Le 28 mai, sur les hauteurs de Saint-Paul-deVence, dans les jardins de la Fondation Maeght, lieu choisi par Louis Vuitton pour présenter sa collection croisière, la pluie tombe, drue et froide. Quelques jours plus tôt, les cavalières de Dior, déjà, ont défilé sous des trombes d’eau sur une piste des Grandes Écuries du Domaine de Chantilly. Dans les Alpes-Maritimes, l’heure du défilé approche pour Nicolas Ghesquière, directeur artistique de Louis Vuitton, mais pas l’ombre d’une éclaircie. Les 600 invités du show prennent place sous les pins, parmi les sculptures du jardin, des œuvres signées Joan Miró, Alexander Calder, Anthony Caro ou encore Barbara Hepworth. Et, miracle ! L’averse s’arrête, les mannequins apparaissent dans des silhouettes rétro-futuristes, sneakers-cuissardes aux pieds, fleurs enflammées dessinées sur le front par la maquilleuse Pat McGrath. La rumeur court : la maison aurait fait appel à un chamane amérindien
Le défilé croisière 2019 de Chanel au Grand Palais à Paris.
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l’extrême sont encore plus fantasques qu’à l’accoutumée. Coiffe christique, chapelets d’inspiration byzantine, robes à froufrous de plumes, manteaux-capes aux imprimés chatoyants, déferlements de broderies, sequins, motifs hétéroclites, silhouettes antique, victorienne, punko-estudiantine, de comtesse romantique, de déesse gothique, de Lolita pop : les mannequins sont comme des apparitions venues d’un autre monde. La créativité d’Alessandro Michele est à son paroxysme. Les collections croisière sont devenues, en quelques saisons, un formidable terrain de jeu créatif pour les designers, l’occasion de montrer l’étendue de leur imagination sans cesse renouvelée. Et pour cela, les marques usent de leurs super-pouvoirs. Un business globalisé Seuls les plus gros joueurs de l’industrie – Chanel, Louis Vuitton, Dior, Gucci, Prada – peuvent se permettre de dépenser des sommes folles, hors calendrier traditionnel des fashion weeks, pour inviter la presse et les acheteurs internationaux et impressionner une clientèle de plus en plus volatile. Un moment de marque exacerbé, un spectacle unique où ce qui compte, avant tout, c’est l’absence de contraintes imposées aux créateurs. Les collections croisière 2019 rivalisent de créativité, assument leur extravagance pour mieux s’affranchir de leur héritage commercial. En effet, cette collection de “demi-saison” ou “d’entre-saison” a pendant longtemps été une simple déclinaison commerciale de la collection principale, sans grand intérêt esthétique. Les choses changent au tournant des années 2000 quand la mode devient un business globalisé. “La croisière est devenue un spectacle qui se doit d’être fantastique”, indique Maria Grazia Chiuri, directrice artistique de Dior. Pour Nicolas Ghesquière, sa dernière collection est “une exploration de la notion d’excentricité”. Depuis 2002, en précurseure, la maison Chanel convie ses invités à un show itinérant à travers le monde, de Singapour à Rio, en passant par Cuba où les mannequins défilent en 2016 sur le Paseo del Prado, la grande avenue de La Havane. En mai 2005, à New York, c’est dans la tour LVMH de Manhattan que Dior convie 200 acheteurs et journalistes de la presse locale. En 2014, la maison française organise à nouveau son défilé croisière à New York mais, cette fois-ci, avec 950 journalistes et acheteurs invités, soulignant ainsi l’essor de l’exercice. C’est aussi New York que Prada a choisi cette année pour son deuxième défilé resort, la maison italienne ayant rejoint le club des croisiéristes en 2017 seulement. Elle a organisé son défilé dans son siège américain, au septième étage d’un immeuble avec vue panoramique sur l’Hudson, une ancienne fabrique de pianos redessinée par les architectes suisses Herzog & de Meuron. Une immersion dans l’univers de Miuccia avec des imprimés psychédéliques, des chapkas grandioses, des couleurs tapeà-l’œil – créativité débridée mais aussi hyper-portabilité. “Jusqu’à présent, on avait toujours opposé créativité et commercialité. Cette vision binaire qui a prévalu pendant longtemps est obsolète. On peut désormais imaginer des collections destinées à être vendues et portées avec de vrais partis pris esthétiques”, précise Thomas Zylberman, styliste pour le bureau de tendances Carlin Creative. 112
Un moment de marque exacerbé, un spectacle unique où ce qui compte, avant tout, c’est l’absence de contraintes imposées aux créateurs. Les collections croisière 2019 rivalisent de créativité, assument leur extravagance pour mieux s’affranchir de leur héritage commercial.
Page de droite de haut en bas: le défilé croisière Prada au siège newyorkais de la marque. Aux Grandes Écuries du Domaine de Chantilly, les Amazones mexicaines du défilé croisière Dior.
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“Jusqu’à présent, on avait toujours opposé créativité et commercialité. Cette vision binaire qui a prévalu pendant longtemps est obsolète. On peut désormais imaginer des collections destinées à être vendues et portées avec de vrais partis pris esthétiques.” Thomas Zylberman
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La poule aux œufs d’or Livrées en novembre, ces collections restent environ huit mois en boutique, soit beaucoup plus que les collections “classiques”. Elles peuvent représenter 40 % à 50 % du chiffre d’affaires annuel de certaines maisons. Sur les huit collections par an de Chanel, “la collection croisière est numéro 1 ou 2 des ventes”, confiait Bruno Pavlovsky, président des activités mode de la marque, au Guardian en mai dernier. Ces collections resort sont aussi un enjeu commercial pour les sites de vente en ligne. “Ce sont les collections qui restent le plus longtemps en ligne sans être soldées. Nous distribuons environ 800 nouveaux produits par semaine, les produits des collections croisière sont essentiels pour alimenter notre flux de nouveautés”, indique Elizabeth von der Goltz, directrice mondiale des achats de Net-a-porter. Ces collections affranchies des considérations de saison, distribuées en automne, sont parfaites pour les marchés des pays chauds comme le Moyen-Orient ou le Brésil, où les collections automne-hiver sont peu pertinentes. “Si les défilés des collections dites ‘classiques’ sont de vraies machines de guerre, une démonstration de force avec des messages courts, parfois simplistes, martelés de la première à la dernière silhouette, les collections croisière s’adressent davantage aux clientes des marques qu’aux relais de l’opinion. On remarque une créativité certes exacerbée mais aussi plus ‘humaniste’ car davantage tournée vers les usages des garde-robes d’aujourd’hui. Il y a de la part des directeurs artistiques une vraie réflexion sur le profil sociologique des clientes, leurs attentes, leurs besoins”, analyse Thomas Zylberman. L’émotion en ligne de mire Pour ces collections, les plus importantes économiquement et stratégiquement, les marques ne s’interdisent rien et dépensent plusieurs millions d’euros par défilé. Cette année, Chanel a convié 960 personnes à venir admirer sous la verrière du Grand Palais la reconstitution grandeur nature d’un paquebot qui a mobilisé environ 200 artisans. Quand Karl Lagerfeld apparaît à la passerelle du bateau pour saluer, sur le tube Go West des Pet Shop Boys, au milieu des mannequins, bérets brodés sur la tête, vêtus de robes légères imprimées de roses des vents et sac-bouée de sauvetage au bras – comme autant de mises en abyme de la collection – la séquence est mémorable, chargée d’émotions. Pour la maison Dior, rien n’est trop beau non plus. Pour marquer les esprits, elle a choisi pour défiler les Grandes Écuries à Chantilly, lieu de savoir-vivre à la française. Le show est marqué par l’arrivée spectaculaire de huit escaramuzas, ces amazones qui pratiquent la charrería, compétition équestre mexicaine proche du rodéo autrefois réservée aux hommes. Une épopée équestre pour ce show tout en jupons en toile de Jouy revisitée, dentelle (de Chantilly) ou tulle et vestes “Bar” ultra-légères. “La collection croisière jaillit d’un rêve et d’une idée de lieu, comme un film”, confie Maria Grazia Chiuri. Les mannequins bravent la pluie, chaussées de bottes en caoutchouc à lacet – parfaites pour l’occasion – et coiffés de chapeaux de paille noire signés Stephen Jones, rendant l’ambiance encore plus théâtrale. Qui a dit que la pluie ne faisait pas partie du spectacle ? 114
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Douceur extrême Pour fêter les 10 ans de sa précieuse fibre Baby Cashmere, Loro Piana propose une collection capsule à la blancheur immaculée.
La maison italienne Loro Piana règne sur le cachemire depuis six générations. Il y a dix ans, elle innove en proposant une gamme de modèles tissés à partir d’une fibre exceptionnelle, plus douce que douce. Baptisé Baby Cashmere et recueilli sur de très jeunes chèvres dans les montagnes d’Alashan en Mongolie Intérieure, ce duvet n’est collecté qu’une seule fois sur chaque animal, avant son premier anniversaire, au mois de juin, au moment où cette couche protectrice tombe naturellement. Totalement respectueuse des animaux, cette méthode qui se contente de prélever 30 grammes par bête met dans les mains des designers un rêve de douceur et de légèreté, qui se révèle super-résistant et qui s’embellit au fil du temps. Pour fêter comme ils le méritent les 10 ans de cette excellence, Loro Piana propose cette saison une collection capsule monochrome, blanche évidemment. Trois pièces pour femme qui mettent en valeur cette petite chèvre Capra hircus et son pelage si délicat. Et si précieux. Collection “Baby Cashmere Jubilee”, Loro Piana. 116
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PAR ADRIENNE RIBES
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La collaboration entre Pierpaolo Piccioli et Moncler, automnehiver 2018/19.
LES DOUZE TRAVAUX DE REMO RUFFINI En proposant une collection éphémère par mois à ses clients, le directeur artistique et PDG de Moncler a pris la planète fashion de court. Dans un univers où la saisonnalité devient caduque, la maison italienne pourrait avoir trouvé les clés d’un nouveau modèle. P A R J E S S I C A M I C H A U LT
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De haut en bas, des silhouettes de la collection Moncler Grenoble automne-hiver 2018/19. La collection Moncler x Poldo Dog Couture automne-hiver 2018/19. Page de droite, Remo Ruffini à Hong Kong en novembre 2017. 120
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emo Ruffini, le directeur artistique et PDG de Moncler, est un franctireur. Pendant toute sa carrière, il a défié les attentes et déjoué le système et, lorsqu’il s’est agi de repenser la marque, c’est tout naturellement qu’il a tracé un chemin unique. L’exemple le plus récent de son refus de se laisser enfermer dans les diktats de la pensée dominante est sa décision, en février de cette année, de lancer Moncler Genius. Cette opération représente une nouvelle stratégie créative : la marque collabore avec huit stylistes différents, venus du monde entier, afin de créer des collections plus réduites, tout à fait singulières, lesquelles vont sortir une par une, tous les mois, plutôt que de se plier au train-train des défilés de mode et sorties de collection bisannuels. “J’en suis arrivé à la conclusion que l’univers de la mode a changé : nous sommes dans un monde en pleine évolution et, franchement, les concepts du marketing traditionnels devenaient assommants pour nous. Nous avons donc décidé de nous éloigner des modèles commerciaux classiques pour lancer des sorties mensuelles, avec un nouveau projet par mois”, explique Remo Ruffini. Concrètement, cela signifie que la sortie des huit collections que Moncler a présentées au monde en février, dessinées par des créateurs aussi hétéroclites que Pierpaolo Piccioli, Simone Rocha, Craig Green, Kei Ninomiya, Francesco Ragazzi (de Palm Angels) et Hiroshi Fujiwara (de Fragment), va être échelonnée dans les boutiques Moncler du monde entier. À ce jour, les collections dessinées par Fujiwara, Ninomiya, Green, Moncler 1952 et, plus récemment, Rocha et Piccioli sont toutes arrivées en boutique, et les premiers résultats n’ont fait que renforcer la conviction de Ruffini : il a fait le bon choix pour Moncler. Initier le dialogue chaque jour “Franchement, les six premiers mois se sont extrêmement bien passés, et nous entrons maintenant dans notre saison phare, l’hiver, ce qui signifie que nous allons forcément faire du chiffre”, confie le PDG, qui a annoncé que son entreprise cotée en Bourse a connu une hausse de 47 % de ses bénéfices, atteignant les 61,6 millions d’euros, et une hausse des ventes de 21 %, avec un chiffre d’affaires de 493,5 millions d’euros dans les seuls six premiers mois de 2018. La nouvelle stratégie de diffusion répond parfaitement à l’état d’esprit du client contemporain, lequel ne recherche pas seulement la gratification instantanée, mais aussi l’exclusivité. Les habitués de l’univers du luxe, comme les clients 121
“Notre marque s’adresse à différentes générations, à différents types de clients : c’est un positionnement tout à fait unique, mais ce n’est pas facile non plus. Mais plus nous dialoguerons directement avec les clients, plus nous écouterons ce qu’ils ont à nous dire, plus forts nous serons.” Remo Ruffini
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qui cherchent à s’acheter un statut, sont eux aussi en permanence bombardés de nouvelles propositions. Et avec la baisse constante de la capacité d’attention, entretenir l’intérêt de tous pour une collection qui reste des mois en boutique semble désormais une gageure. Mais en se donnant les moyens de “lancer” une nouvelle collection Genius tous les trente jours environ, Moncler gagne une fraîcheur sans cesse renouvelée dans l’esprit des clients et des journalistes. “La communication, de nos jours, n’a plus rien à voir avec ce qu’elle était à nos débuts. Avant, on s’adressait au client une fois par saison. Désormais, il faut initier ce dialogue chaque jour, il faut attirer le consommateur dans la boutique un jour précis, une semaine donnée – c’est un sacré défi”, estime Ruffini. Les stylistes ont été choisis, eux aussi, dans une perspective tactique. Ils viennent de différentes régions du monde et incarnent chacun une esthétique propre, et par conséquent un type de clients très différent. Ruffini poursuit : “Nous choisissons en premier lieu les créateurs qui nous plaisent, en gardant en tête que nous devons créer douze projets, douze mois par an. Nous voulions être certains qu’ils possèdent chacun une énergie différente, de façon à ce que nos clients puissent s’identifier à au moins l’un d’entre eux. Par exemple, il va y avoir des créateurs qui excellent plutôt dans la mode féminine, comme Pierpaolo, d’autres qui sont plutôt spécialisés dans le streetwear, comme Hiroshi. L’idée, c’était vraiment de créer quelque chose à partir de générations et d’attitudes plurielles.” High-tech et haute couture Depuis ses débuts, Ruffini a toujours été à la pointe des nouvelles tendances. Après le lycée, il s’est rendu aux ÉtatsUnis pour étudier le marketing de la mode à l’Université de Boston, mais ne s’est inscrit en fin de compte qu’à un seul cours, décidant qu’il préférait apprendre sur le tas, en travaillant au côté de son père dans l’affaire familiale, la marque de vêtements Gianfranco Ruffini. Dès 1984, il monte sa propre affaire – une griffe baptisée New England. Elle combine le style preppy américain extrêmement populaire à cette époque avec une base solide d’artisanat italien. Après avoir revendu cette entreprise en 2000, Ruffini fait un coup d’éclat en achetant Moncler (fondée en 1952 dans l’Isère et connue pour ses équipements d’hiver) en 2003. Moncler est alors au bord de la faillite, mais il y voit un potentiel énorme. “Je dirais avec le recul que c’était quasiment une start-up : on a commencé avec quoi, deux employés, et maintenant plus de 3 500 personnes travaillent pour la maison. Je me souviens qu’à l’époque, Moncler se vendait principalement en Italie, alors je me suis dit que si nous élargissions notre base en nous servant de l’ADN de la marque et en dialoguant avec les clients, en sachant les écouter pour élaborer nos créations, nous pourrions accomplir beaucoup.” Et le tour de force réalisé par Ruffini consiste à transformer le plus banal des vêtements d’hiver, la doudoune, en un habit à la fois high-tech et haute couture. Pour ce faire, il a fait appel aux stylistes Thom Browne pour la ligne masculine Gamme Bleu
et Giambattista Valli pour la ligne féminine Gamme Rouge. Pendant plus de dix ans, les deux hommes ont imaginé pour leurs créations des présentations originales, des spectacles où les top-models descendaient de pistes de ski artificielles, montaient à cheval et nageaient dans des piscines, des défilés où venaient se greffer les interventions les plus insolites, de troupes de danseurs hip-hop jusqu’à la police montée canadienne. Et aux premiers jours de la révolution numérique, avec l’essor des réseaux sociaux et d’Instagram, ces images ont fait tomber les fashionistas comme des mouches. De surcroît, Ruffini a toujours eu une longueur d’avance dans le jeu des collaborations, qui règne désormais sur l’industrie. Au fil des années, Moncler a monté des partenariats avec une pléiade d’invités : Pharrell Williams pour une collection de lunettes, Chitose Abe de Sacai, Erdem Moralioglu, Virgil Abloh et Junya Watanabe. Parmi toutes les gammes Moncler, le produit préféré du PDG est d’ailleurs une doudoune créée en collaboration avec ce dernier : “Elle a une doublure orange vif, et même si elle a facilement dix ans, je la porte encore tout le temps”, avoue Ruffini. Encapsuler les humeurs des clients Mais ce mode initial de collaboration est sans doute arrivé à sa fin naturelle quand est venu le moment de transformer du tout au tout la chaîne logistique de la griffe, de façon à assurer le lancement de Moncler Genius. Maintenant que Moncler a cessé de travailler avec Browne et Valli, toute l’énergie de Remo Ruffini se concentre sur ce changement radical de stratégie et de direction : “Il est certain que la chaîne logistique a été l’une des choses les plus difficiles à mettre en place. Nous avons dû changer notre culture, car avant, on avait trois mois pour livrer une collection, alors que maintenant, c’est trente jours.” Et qui dit chaîne logistique plus malléable, dit réaction plus rapide aux humeurs et caprices changeants des clients. “De nos jours, une flexibilité extrême est de rigueur. Il faut rester bien en prise avec le marché, confirme Ruffini. Je suis convaincu que cette nouvelle façon de travailler est l’avenir de l’industrie. De plus, notre marque s’adresse à différentes générations, à différents types de clients : c’est un positionnement tout à fait unique, mais ce n’est pas facile non plus. Mais plus nous dialoguerons directement avec les clients, plus nous écouterons ce qu’ils ont à nous dire, plus forts nous serons.” Dans l’univers de la mode, il semble bien que Moncler ait su trouver l’accord idéal du confort, de l’élégance et de l’originalité. À présent, avec sa nouvelle stratégie de collections mensuelles Moncler Genius, la maison est aussi en mesure de refléter fidèlement les désirs de sa clientèle en matière de modes de consommation. Ruffini donne à ses clients ce qu’ils veulent, oui, mais il s’arrange aussi pour qu’ils en redemandent. Et c’est à ça qu’on reconnaît un homme d’affaires avisé. Traduction Héloïse Esquié 122
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De haut en bas, Moncler x Craig Green automnehiver 2018/19. Moncler x Palm Angels automne-hiver 2018/19. Moncler x Simone-Rocha automne-hiver 2018/19.
Franchisee Weekend Max Mara: ANTELIAS - SEASIDE ROAD, AÏSHTI BY THE SEA, LEVEL 3 WEEKENDMAXMARA.COM
AU CŒUR DE LA FLEUR P H O T O G R A P H I E A LY S A A B D I R E C TI O N D E C R É ATI O N M É L A N I E D A G H E R DIRECTION ARTISTIQUE SOPHIE SAFI ET MARIA KHAIRALLAH FLEURS FLOR:ISH STUDIO
Matières précieuses et beautés vénéneuses échangent leurs vertus ; la pierre se fait chair et la chair cache un cœur minéral. Tout est feu et fascination.
Bague et manchette en or jaune et diamants, GEORGE HAKIM. Page de droite: Bague et manchette en or blanc et pierres prĂŠcieuses, RALPH MASRI.
Bagues et manchette en or jaune et diamants, NADA G. Page de droite: Bague et bracelet en or jaune, diamants et pierres prĂŠcieuses, BVLGARI.
Manchette en or jaune, REPOSSI en vente chez SYLVIE SALIBA.
Bague et bracelet en or blanc et diamants, CARTIER. Page de gauche: Pendentif en or jaune et diamants, MOUAWAD.
Manchettes en or jaune et diamants, BUCCELLATI. Page de droite: Bague et manchette en or jaune et diamants, TABBAH.
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Le diamant serait-il trop somptuaire ? Pas pour Cartier, qui a décidé de bousculer cette pierre trop souvent associée aux bijoux solennels. Entretien avec Pierre Rainero, directeur du style, de l’image et du patrimoine de la maison, qui nous présente la nouvelle collection du joaillier, “L’Allure en blanc”. PAR HERVÉ DEWINTRE
Il paraît que les millennials sont intimidés par le diamant. Cela peut se comprendre. Pierre par excellence des rois et des reines, pierre de prédilection des bagues de fiançailles, le diamant porte, parfois contre son gré, le poids de sa légende qui est immense, la force de son histoire qui est immémoriale et la charge de ses symboles qui sont considérables. Pourtant, un rapide coup d’œil dans les archives de Cartier, rue de la Paix, suffit à prouver la merveilleuse créativité qu’ont inspiré – depuis le fameux style guirlande – l’aura et la lumière de cette gemme décidément pas comme les autres. Bague oversize composée de boules facettées à porter au petit doigt, bague de phalange, jonc plat, panthère campée à l’arrière de l’oreille, créoles inversées, bandeau géométrique alternant taille baguette et taille brillant, parure de cheveux qui se transforme en bracelet manchette : la nouvelle collection de Cartier, baptisée “L’Allure en blanc”, entièrement consacrée au diamant, atteste avec éclat que cette pierre se prête à tous les partis pris de style et autorise toutes les libertés. Et ce n’est pas Pierre Rainero qui dira le contraire
“L’Allure en blanc”, c’est un clin d’œil à la joaillerie blanche, très en vogue durant la première moitié du xxe siècle et qui était une spécificité française ? Pierre Rainero : Attention aux généralisations excessives et aux images erronées. On a une vision a posteriori sur le style guirlande qui est partiellement fausse. Les pièces qui avaient des pierres importantes – les diadèmes, les grands colliers ou les devants de corsages – ont pour la plupart été démontées. Ces pièces avaient des pierres de couleur. Quand la grande-duchesse Maria Pavlovna Romanova a divisé sa collection pour ses enfants, elle a divisé le rouge, le vert, le blanc, le bleu. Sans parler du fait que les photos de l’époque étaient en noir et blanc, ce qui ne restitue pas forcément l’effervescence chromatique de l’époque. La mémoire collective a retenu le diamant car l’essor du platine, à cette époque, lui a donné un éclat comme il n’en avait jamais eu auparavant. On parle également de joaillerie blanche chez Cartier pour les années 1930. Une période qui succède à l’explosion de couleur qui a caractérisé les années 1910 et 1920. Mais encore une fois, c’est une vision un peu radicale. L’accumulation des bracelets et grands sautoirs en diamants n’a jamais cessé d’être en vogue. Pourquoi avoir choisi de “bousculer” le diamant ? C’est-à-dire d’affranchir cette pierre classique des conventions habituelles en termes de volume, de design et de présence. Quelles que soient les périodes, Cartier a toujours innové. Les bijoux transformables font partie des grandes traditions de la maison. Cette collection a pour grand mérite de rappeler que le diamant est indispensable à notre conception de la joaillerie, où le jeu avec la lumière est essentiel. Quelles que soient les qualités des pierres de couleur, le diamant apporte un éclat irremplaçable. Ce qui rend cette collection stylistiquement propre à Cartier, c’est le mélange des tailles de pierres et les volumes. Les tailles princesse, brillant, baguette, quand elles sont placées sur des niveaux différents, démultiplient le feu des pierres. Cette 138
collection joue particulièrement sur cette dimension, à la fois dans les pièces figuratives et les pièces géométriques. Historiquement, le diamant était une pierre de pouvoir, puis son domaine d’expression s’est déplacé sur la carte du tendre pour devenir la pierre de l’amour éternel. J’ai l’impression, avec cette collection, que Cartier souhaite lui donner une nouvelle incarnation : le diamant est désormais la pierre de l’allure, c’est-à-dire la pierre de la liberté ? Les fameux diamants des solitaires et des bagues de fiançailles sont surtout une invention anglo-saxonne. Je dirais qu’on bénéficie d’une désacralisation bienvenue du diamant. Tout ce qui peut faciliter l’accès à la joaillerie et à sa connaissance est une bonne chose. Cela ajoute une relation plus légère, plus intime à la joaillerie. La symbolique du diamant peut s’exercer dans la confiance et la célébration, par exemple, célébration d’une naissance ou d’un évènement marquant. Vous seul connaissez alors la signification du bijou, ce qui renforce son caractère précieux parce qu’au fond, il parle de vous. Sans parler de la décontraction que peut parfois apporter une pièce à une tenue, disons, un peu stricte. Les hommes par exemple achètent nos broches anciennes parce qu’elles mêlent humour, décalage et une relative préciosité. C’est la raison pour laquelle la collection propose de nombreuses pièces sans distinction de genre. Vous êtes le directeur du patrimoine du plus grand et plus célèbre joaillier du monde. Un observateur privilégié. Quel regard portez-vous sur la scène joaillière actuelle ? Je suis dans cette maison depuis plus de trente ans et je suis assez enthousiaste. Par rapport aux années 1980, la sensibilité et la connaissance de la dimension artistique de la joaillerie n’ont jamais été aussi répandues. Cela nous donne une chance de nous exprimer pleinement. Et je pense que c’est le cas pour de nombreuses autres maisons, qui se sentent libres elles aussi. Pour les clients, jamais l’offre n’a été aussi riche. Je pense qu’on vit une époque formidable.
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Éternelle jouvence
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Bague “Coup d’éclat” en or gris 18 carats et 330 diamants taille brillant, collection “L’Allure en blanc”, Cartier.
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TA B B A H RÉÉCRIT SES CLASSIQUES
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PAR F.A.D
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« Le bijou, aussi précieux soitil, doit vivre, sortir des coffres forts, briller à la lumière du jour autant qu’aux éclairages nocturnes », plaide Nagib Tabbah, directeur artistique de la maison joaillère Tabbah. Observant la manière dont se parent les femmes d’aujourd’hui, il propose un nouveau porté à travers une collection haute-joaillerie à la fois simple et sophistiquée, minimaliste et somptueuse.
Maison joaillère enracinée au Moyen-Orient depuis le début du 19e siècle, Tabbah connaît dans les années 1940 un tournant fondateur initié par Nagib Tabbah, le grand-père de l’actuel directeur artistique de la Maison. En ce temps-là, anticipant les attentes d’une clientèle d’après-guerre avide de luxe et de fêtes et déjà fortement influencée par les tendances européennes, celui-ci occidentalise le bijou traditionnel ottoman et introduit un nouveau style à la croisée de deux cultures. Son fils, Nabil Tabbah, spécialiste reconnu en pierres précieuses, signe dans les années 1980 une esthétique opulente conforme à l’esprit de l’époque qui privilégie, au Liban comme dans la région, le bijou statut construit autour d’une pierre centrale. Aujourd’hui Nagib Tabbah, 2e du nom, incarne la continuité en s’inspirant des pièces d’archive de la maison et, en cohérence avec l’ADN Tabbah, réinvente pour mieux les libérer, en tandem avec son père, ces précieux classiques que naguère on enfermait dans les coffres. Une nouvelle esthétique pour un nouveau mode de vie La nouvelle haute joaillerie Tabbah continue à exalter brillants et pierres précieuses, mais les créations se font plus légères, plus discrètes, plus sexy et se portent d’une manière nettement plus décontractée. A l’heure où la maison développe son activité à 141
l’international, cette collection spirituelle et décalée répond aux envies d’une nouvelle génération qui reprendrait volontiers à son compte la célèbre maxime de Jean Cocteau : « vous respectez ; moi j’aime ». L’éventail, l’épi, ces formes très féminines qui ont inspiré de grands classiques de la joaillerie, adoptent sous la direction artistique de Nagib Tabbah des lignes contemporaines, à la fois design et intemporelles. Le diamant vedette, au lieu de s’insérer dans la construction trop prévisible d’une rivière classique, est ici induit par la forme d’un choker d’inspiration art déco en saphirs roses et brillants dont il occupe le nœud central. Un pendentif éventail décline un arc-en-ciel de pierres précieuses qui ont nécessité plusieurs semaines d’appariage et recherches de teintes. Des boucles d’oreilles épis sont ornées de diamants marquises sertis en arêtes articulées. D’autres forment une explosion solaire autour du pavillon de l’oreille. Par la mise en avant de la couleur et de formes dépouillées de toute ostentation, sans négliger une esthétique aussi espiègle que spectaculaire, la nouvelle haute joaillerie Tabbah accompagne une femme nouvelle tant dans ses longues journées de travail que dans ses folles soirées, fussent-elles de gala. « Le bijou accompagne un nouveau mode de vie, on le garde sur soi, on ne le quitte plus » affirme Nagib Tabbah.
Rue Allenby, Centre-Ville, Beyrouth, +961 1 975 777
DE PIERRE ET DE PEAU PHOTOGRAPHIE TONY ELI D I R E C TI O N D E C R É ATI O N DIRECTION ARTISTIQUE S COLLAGE MARION GARNIE
EH MÉLANIE DAGHER OPHIE SAFI R
Il arrive qu’un bijou nous obsède au point de faire partie de notre histoire, de notre personnalité et même de notre anatomie. L’or autour de notre poignet, les rubis à notre cou, le diamant à notre doigt font alors de nous de sublimes mutantes.
Boucles d'oreilles en or jaune et perles, ATTICO.
Boucles d'oreilles, SAINT LAURENT.
Boucles d'oreilles, SAINT LAURENT.
Boucles d'oreilles en or blanc, perles et diamants, OSCAR DE LA RENTA.
Boucles d'oreilles, ETRO. Page de gauche: Boucles d'oreilles, OSCAR DE LA RENTA. REMERCIMENTS ALESSANDRA ZIADE
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Jeux de mains
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Ce que le sublime artisanat de la haute joaillerie fait de plus exclusif surgit dans d’éclatants pendants d’or, de diamants et de pierres d’exception. R É A L I S AT I O N E M I LY M I N C H E L L A ET MARION GARNIER
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1. LOUIS VUITTON Bague “Idylle Blossom” en ors rose, gris, jaune et diamants. 2. DIOR JOAILLERIE Bague “Dentelle guipure” en or blanc, diamants et saphir rose, collection “Dior Dior Dior”. 3. GEORGE HAKIM Un papillon en or rose pointillé de diamants blancs, entourant gracieusement le doigt et laissant une « trace » en or rose, pour une longue bague exceptionnelle. 4. NADA G Bague en or jaune 18 carats et diamants. 5. TABBAH Bague "Double New Looks B-Glam" en or gris 18 carats, avec 2 diamants de 1.44 carats. 6. CARTIER Bague haute joaillerie en or jaune, diamants jaunes et orange, émeraudes, onyx, collection “Coloratura”. 7. HERMÈS Bague double “Adage” en or rose et diamants. 8. STONE PARIS CHEZ SYLVIE SALIBA Bague « Favorite » en or rose et diamants blanc.
Aïshti, Downtown Beirut 01.991111 Aïshti by the Sea, Antelias 04.717716
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Une moisson de médailles
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Suspendues à votre cou, ces amulettes vous promettent chance, protection et, qui sait, le retour de l’être aimé ? 2
R É A L I S AT I O N E M I LY M I N C H E L L A ET MARION GARNIER
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1. SHAMBALLA JEWELS EN VENTE CHEZ SYLVIE SALIBA Pendentif en or rose et diamants. 2. CHANEL JOAILLERIE Collier “Lion médaille” en or blanc, quartz fumé et diamants, collection “Sous le signe du Lion”. 3. TABBAH Collier “Cluster Talisman” en or rose serti de diamants. 4. GEORGE HAKIM Pendentif en or rose serti de diamants noirs. 5. BUCCELLATI Pendentif en or rose gravé et diamant, collection “Classica”. 6. BVLGARI Collier en or rose. 7. NADA G Collier en or 18 carats et diamants. 8. DIOR JOAILLERIE Médaillon “Rose céleste” en or jaune, diamants, nacre et onyx.
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AÏSHTI, DOWNTOWN BEIRUT, T.01.991 111 AÏSHTI BY THE SEA, ANTELIAS, T. 04 717 716 EXT. 243
ALBERTAFERRETTI.COM
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Cora Sheibani de l’art à l’or PAR JOSÉPHINE VOYEUX
Cora Sheibani compte aujourd’hui parmi les plus grands noms du design international. Avec sa marque de bijoux éponyme, lancée à Londres en 2002 à la fin de ses études à l’Institut américain de Gemmologie, la créatrice de bijoux a su imposer sa griffe au fil des années auprès d’une clientèle prestigieuse. Retour sur un parcours audacieux et atypique.
Une fibre artistique innée Il n’est donc pas surprenant qu’à 38 ans Cora Sheibani soit réputée pour la finesse et l’élégance de ses créations. Son art est un savant-mélange de savoir-faire artisanal et d’une indéniable fibre artistique. Innée. Sans surprise, la célèbre écrivaine et spécialiste des joyaux Vivienne Becker, écrit au sujet de la créatrice : « S’il y a quelqu’un qui pourrait légitimement faire fusionner la joaillerie et l’art, ce ne peut être que Cora Sheibani». Les bijoux de l’artiste, installée à Londres depuis dix-sept ans, sont de véritables œuvres d’art. Chaque pièce se suffit à elle-même. Uniques, audacieuses, elles sont pleines de caractère, de mouvement, de ferveur, d’émotions. Toutes, sans exception, semblent raconter une histoire. Cora Sheibani ne reçoit ses clients que sur rendez-vous. La designer a forgé sa réputation en proposant du sur-mesure. Seule,
avec beaucoup de courage, et de son propre aveu, « avec une certaine dose de naïveté», elle ne s’était lancée sur le marché du bijou d’artiste que six mois seulement après l’obtention de son diplôme de gemmologie. Résultat: la designer n’a ni boutique ni site de e-commerce à son nom, mais elle est une figure éminente de la scène design haut-de-gamme depuis de nombreuses années. La couleur chaude de l’or Son processus de création est artisanal : « D’habitude, je dessine sur papier et ensuite discute de mon concept avec le chef d’atelier. Celui-ci fait confectionner généralement un modèle en laiton ou en cire. La plupart de mes travaux sont développés par un orfèvre de la Suisse rurale, je les fabrique ensuite sur place, à Paris, en Allemagne et également un petit peu en Grande-Bretagne », explique-t-elle. Sa marque de fabrique est indéniablement son incommensurable amour pour l’or, qu’elle reconnaît old school. « La plupart des gens qui étudient les bijoux aujourd'hui sont considérés comme étranges ou démodés s'ils travaillent avec de l'or et des pierres précieuses. Mais moi, j'aime la couleur chaude de l'or. Et les pierres précieuses sont les objets les plus colorés qui soient. J'adore la couleur », poursuitelle. Sa dernière collection, « Eyes », résume parfaitement la richesse de son art. Ses différentes pièces ressemblent tantôt à de grands yeux, tantôt à des masques primitifs. Elles ont une âme et portent un message qui va droit au cœur. Les propos du designer Ettore Sottsass à l’égard de la jeune créatrice sont éloquents et résument parfaitement la finesse de son savoir-faire. « Quand Cora Sheibani a décidé de concevoir des bijoux, elle n’a pas opté pour des tonnes d’or, des volumes, des complications, du baroque doré avec l’ajout de pierres pauvres et de diamants pour poursuivre la mythologie inaccessible du luxe». Élégants, sans fioritures, les bijoux de Cora Sheibani sont simplement efficaces. 152
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Fille du marchand et collectionneur d’art moderne et contemporain Bruno Bischofberger – un des plus importants galeristes internationaux de sa génération immortalisé en 1996 par le cinéaste Julian Schnabel, et de Christina, plus connue sous le nom de Yoyo, Cora Sheibani a grandi à Zurich. La créatrice de bijoux a ainsi été élevée dans un univers regorgeant d’œuvres d’art du XXe s. entre nouveau réalisme, art minimal, conceptuel, ou encore pop art. Résultat : dès son plus jeune âge, Cora Sheibani a développé un sens de l’esthétisme aiguisé ainsi qu’un goût prononcé de ce qu’on appelle le beau. A quatre ans, elle peint ses premières toiles dans le garage de sa maison avec l’artiste américain JeanMichel Basquiat, pionnier de l’underground ; à huit ans, son père l’autorise à sélectionner pour sa chambre un meuble créé par le groupe Memphis. Elle choisira une chaise aux couleurs exubérantes… Dans le salon de ses parents, elle apprivoise l’art à travers le regard d’artistes comme Andy Warhol, Francesco Clemente, Miguel Barceló, Folk Art ou Donald Judd.
Lebanon: Aïshti Downtown Beirut, Aïshti By the Sea Antelias, Aïshti Verdun
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Casa preziosa À l’occasion du vingtième anniversaire de la collection “Calla”, nous avons visité les ateliers de la maison Vhernier sur les rives du Pô. Une plongée enthousiasmante au cœur du savoir-faire piémontais. PAR HERVÉ DEWINTRE PHOTOGRAPHIE JULIEN ROUX
La légende raconte que des paysans italiens trouvèrent un jour des pépites d’or le long des rives du Pô. Ces orpailleurs donnèrent naissance à des générations d’orfèvres qui continuent aujourd’hui encore à exercer leur artisanat. Nous sommes à Valenza, petite commune du Piémont, située à égale distance de Milan, Gênes et Turin. La ville n’a rien de pittoresque ni de touristique. Tout juste apprend-on par hasard que le florentin Benvenuto Cellini y travailla. Il faut fouiller, ou plutôt se faire guider par un connaisseur, pour découvrir avec émerveillement des ateliers familiaux que rien ne distingue au premier coup d’œil d’un classique immeuble d’habitation. Car Valenza est la ville de l’or. Des mains d’or plus précisément. Ici, le métal précieux est martelé, tissé, effiloché, poli, fondu, ciselé, gravé, découpé avec amour par des alchimistes aussi discrets que passionnés. N’allez pas croire que la puissance envoûtante de ce savoir-faire empêche les artisans locaux d’embrasser le futur avec gourmandise : ce centre de production fait au contraire preuve d’une formidable capacité d’innovation stylistique ou technique, notamment en ce qui concerne l’exploration de nouveaux matériaux. C’est dans cette cité que sont façonnés les bijoux Vhernier. Comment pouvait-il en être autrement ? La maison a été fondée ici même en 1984 par Angela Camurati. C’est elle qui nous accueille dans l’immeuble abritant les studios de design et les salles de réunion de la marque. Regard pétillant, sourire avenant, Angela
– on le sent immédiatement – aime le parler vrai. Son enthousiasme sans afféterie est communicatif. Son sens de la mesure, attesté par la simplicité de ses manières accueillantes, confirme une élégance véritable : “Je ne peux pas dire que j’aimais les bijoux autrefois. J’ai précisément créé Vhernier comme un atelier d’orfèvrerie parce que je souhaitais offrir des créations différentes, moins somptuaires et compassées, plus en phase avec la modernité de notre époque.” Il est vrai que les bijoux Vhernier ne ressemblent à aucun autre. Lumière et mouvement président à la création des bijoux, sur lesquels se fait sentir ici l’influence de Brancusi, de son sens du minimalisme et de l’abstraction, là le travail de Lucio Fontana, de son geste puissant et souverain. Et tandis que la collection “Volta Celeste” capture de manière saisissante, grâce à la suavité d’un bombé et la finesse d’un sertissage étudié, l’essence des astres et la magie de leur contemplation, les colliers “Venezia”, les bagues “Aladino”, la collection “Freccia” et la stupéfiante série limitée de broches animalières offrent une exploration inédite de la couleur et de la transparence. Car Valenza n’est pas qu’une cité d’orfèvres, c’est aussi un laboratoire où se peaufinent des trouvailles joaillières exceptionnelles, comme nous le prouvera ensuite la visite de l’atelier dédiée aux transparences : caverne d’Ali Baba où le maestro volubile et mélomane (il joue du piano pour nous dire au revoir), entouré de ses polisseuses (ici, les hommes sertissent, les femmes polissent), imagine des miroitements inédits, provoque des 154
couleurs hypnotiques, véritablement surnaturelles, des teintes changeantes obtenues par la superposition de pierres opaques et de cristal de roche. C’est ainsi qu’une broche coquillage, en diamants et cristal de roche apposé sur une couche de turquoise, ressuscite les toiles de David Hockney. “On peut tout faire à Valenza, s’enthousiasme Angela. Nulle part ailleurs je ne trouverai un artisan capable de ciseler à la perfection mon bracelet surprise”, un bracelet en or qui, lorsqu’il se déploie, laisse transparaître dans les rainures de ses plaques des étincelles de diamants. La maison a été rachetée en 2001 par Carlo Traglio qui, en collectionneur d’art avisé et en esthète réputé, a souhaité donner à cette griffe dont il admirait vivement les créations la vigueur nécessaire à son expansion. Carlo et Angela travaillent main dans la main, font quotidiennement l’allerretour entre Valenzia et Milan. Chaque bijou porte la marque de leur entente. La collection “Calla”, qui fête son vingtième anniversaire cette année, en est un exemple frappant. Pour revisiter ce fameux collier dont les motifs effilés semblent constituer une succession de balles de fusil, la directrice de production a exalté l’union de l’ébène et du diamant, mais aussi convoqué l’aluminium et la nanocéramique qui autorisent des explosions chromatiques réjouissantes. Et toujours, le triomphe et la finesse du fait main qui donnent à chaque bijou cette ergonomie, ce velouté développant une sensation inimitable de caresse au contact de la peau. La griffe, distribuée par les meilleurs bijoutiers, compte aujourd’hui dix boutiques dans le monde. Les Parisiennes peuvent découvrir les créations Vhernier rue du Faubourg-Saint-Honoré, à deux pas du palais de l’Élysée. Précisément parce qu’il aimait les créations Vhernier, Carlo Traglio n’a pas souhaité altérer l’esprit de la maison, ni dénaturer son essence. “S’il y a bien une chose dont je suis sûr, c’est que les bijoux Vhernier seront toujours made in Italy, quel qu’en soit le coût”, nous confirmait-il récemment. Après avoir visité les ateliers de Valenza, on comprend enfin l’intérêt, le but et la valeur de cette décision. En vente chez Sylvie Saliba, +961 1 330 500
Collier “Calla” en or blanc, diamants bruns et œil-de-bœuf, Vhernier.
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PRÉCIEUX ORNEMENTS PA R M A R I A L ATI
Les anneaux s’entremêlent, les pierres précieuses s’insèrent dans une bague ou dessinent en pavé les contours d’un bracelet. Dalila Barkache défie les codes de la joaillerie, en toute finesse.
Dans ce chaos qu’est Beyrouth, où les énergies créatives ne sont pas minées par un surplus de règles, Dalila trouve une liberté essentielle à son travail qui s’affranchit des codes de la joaillerie classique. C’est dans les ruelles étriquées du quartier de Bourj Hammoud que la jeune femme recherche la main d’œuvre
qualifiée pour réaliser ses créations. Fascinée par l’histoire du quartier et sa communauté arménienne qui a su redonner ses lettres de noblesses à l’artisanat, notamment dans le domaine de la joaillerie, elle puise aussi son inspiration dans cette volonté de reconstruire, de se dédier à un art pour en faire son cheval de bataille.Tout comme elle le fait pour la conception de ses bijoux, Dalila défie les règles de fabrication. Elle adopte une approche expérimentale, et en collaboration avec les artisans, explore les différentes technologie et possibilité du savoir-faire joailler. Elle manie les techniques de la joaillerie pour explorer une esthétique venue du répertoire de l’architecture ou de la sculpture. Après quelques années passées à Beyrouth, la jeune bijoutière s’est installée à Paris et maintient un mode de vie nomade, toujours entre deux avions, qui enrichit son répertoire créatif. D’un photo shoot dans la ville lumière pour son site internet elle se rend à un business meeting à New York ou Tokyo où ses collections sont mise en vente au Dover Street Market, concept store créé par la designer avant-gardiste Rei Kawakubo fondatrice de la marque Comme de Garçons, pour laquelle Dalila avait ouvert un pop-up à Beyrouth il y a quelques années. Encore un saut à Londres pour rencontrer les curateurs de Sancy & Regent, plateforme en ligne pour designers de bijoux émergents, avant de revenir au Liban peaufiner sa nouvelle collection qui sera lancée en janvier à l’occasion de la semaine de la couture parisienne. www.dalilabarkache.com/ 156
PHOTOS ZELINDA ZANICHELLI
Petite fille, Dalila observe les femmes de sa famille lorsqu’elles se préparent pour les cérémonies traditionnelles. Originaire du village berbère de Tassila Massa dans le sud du Maroc, son quotidien est rythmé par les bijoux fantaisies et riches ornements qui complètent des tenues hautes en couleur et les yeux soulignés au khôl. Dalila grandit entre la France, le Maroc, la Tunisie et le Liban. Ce va-et-vient entre Orient et Occident inspire les mélanges et associations dans son travail qui brouille les frontières entre l’ethnique et l’épuré. Elle signe ses créations d’un jeu de matériaux. L’aspect brut d’un argent oxydé met en valeur la brillance de diamants blancs incrustés autour d’une bague. Une fine mosaïque de diamants noir ou rubis enrobe un bracelet en or. Outre les matériaux, les formes ne sont pas en reste. Dalila se joue des conventions et redessine les bijoux sens dessus dessous. Dans une paire de boucle d’oreilles, le pendant prend la place de la boucle et vice-versa. Les solitaires sont accrochées librement aux bagues, toujours incrustées de pierres précieuses, ou prennent un aspect aplati. Un pendentif peut se déplacer sur une bague, imitant un solitaire, tandis que le solitaire devient à son tour un pendentif. Déconstruire pour mieux reconstruire, entre dadaïsme et surréalisme, des références au monde de l’art se dissimulent dans ses créations.
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« PAR LA FUMÉE » PHOTOGRAPHIE TONY ELIEH DIRECTION ARTISTIQUE SOPHIE SAFI
La parfumerie est décidément l’art de l’insaisissable, issu des antiques fumigations sacrées. Le flacon annonce déjà la forme de l’ivresse, mais le jus peut provoquer une violente dépendance.Comme l’ombre de l’aimé, on pourrait le suivre jusqu’à la folie.
Eau de parfum, fragrance orientale gourmande "Angel", THIERRY MUGLER. Page de gauche: Eau de parfum "Flora", GUCCI.
Eau de cologne "Eau de Citron Noir", HERMÈS. Page de droite: Eau de parfum "Sublime Vanille", CREED.
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BE WELL
LES SUPER-POUVOIRS DU SILICIUM Multi-usages, cet oligo-élement reminéralisant aux multiples propriétés s’impose comme le compagnon idéal de l’hiver. PAR MÉLANIE MENDELEWITSCH
C’est quoi ? Un oligo-élément précieux pour le système immunitaire et la solidité de notre structure osseuse qui permet de fixer le calcium et soulage les tensions articulaires en assurant le bon fonctionnement du cartilage, des ligaments et des tendons. Consommé en complément d’une alimentation saine, le silicium agit aussi sur la régénération des phanères (épiderme, ongles, cheveux) et donne un sérieux coup de boost à la production de kératine. On le trouve où ? Présent dans l’organisme, il se puise dans le blé complet, l’avoine, l’épeautre mais aussi les amandes et les dattes. Pour
booster nos défenses naturelles et renforcer la minéralisation des os, on le consomme par voie orale sous forme de gélules de silicium organique. Coté beauté Pour intensifier ses nombreux bienfaits, on intègre la dernière ligne anti-âge de la maison Thalgo à nos routines beauté : deux crèmes et un sérum blindés de silicium marin encapsulé dans des micro-éponges à la façon de diatomées, microalgues unicellulaires à la carapace de silice. Et pour renforcer nos ongles fragilisés, on mise aussi sur la Super Base 1 % silicium de la marque green Kure Bazaar. 162
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La Super Base de Kure Bazaar.
WATCH THE FILM AT JIMMYCHOO.COM LEBANON BEIRUT SOUKS +961 1 991 111 EXT 595
L’UNIVERS M’ENVOIE DES SIGNES PHOTO GRAPHIE FIONA TORRE ST YLI S M E L AU R E N K E N N E DY M A LPA S D I R E C T I O N D E C R É AT I O N M É L A N I E D A G H E R DIRECTION ARTISTIQUE SOPHIE SAFI SET DESIGNER MANON B ERIOT
Je suis une étoile, une planète, un objet lumineux de l’espace sidéral. Je suis un vertige; où me poser ? L’univers m’inonde de force et d’amour. Ma place est partout.
Gants en cuir, MAX MARA. Ensemble chemise et jupe en soie, EMILIO PUCCI.
Veste et pantalon en jeans, DSQUARED2. T-shirt, ASHLEY WILLIAMS. Ceinture, vintage ESCADA. Page de gauche: Robe, GUCCI.
Cape, VALENTINO. Body, WOLFORD. Chaussures, JIMMY CHOO.
Mocassins, PRADA. Page de droite: Chemise, DSQUARED2.
Combinaison, VALENTINO. Gants, Vintage MOSCHINO. Bonnet, EMILIO PUCCI.
Total look, PRADA.
Veste, DSQUARED2. Chaussures, SONIA RYKIEL.
Manteau, VALENTINO. Page de gauche: Total look, PRADA.
Jupe imprimé léopard, MAX MARA. Chapeau, GUCCI.
MODÈLE INA @ SCOOPMODELS COIFFURE SACHI & MAQUILLAGE CYRIL LAINE @ AGENCE SAINT GERMAIN.
…ET JE DANSE PHOTOGRAPHIE BACHAR SROUR D I R E C TI O N D E C R É ATI O N M É L A N I E D A G H E R DIRECTION ARTISTIQUE SOPHIE SAFI COLLECTION AUTOMNE HIVER 2018 SEE BY CHLOÉ
Il fait frisquet, il va pleuvoir, mais nos hivers sont entrecoupés de printemps. Ces entre-deux magiques sont une invitation à danser sur le vert qui refuse de partir, ivres et légères, folles de liberté.
MODÈLE REEM KHOURY C O I F F U R E ET M A Q U I LL A G E U R B A N R ETR E AT A I S HTI BY TH E S E A
LOGO MANIA La collection capsule FENDI MANIA se réapproprie le logo FENDI/FILA créé par l’artiste @hey_reilly, pour le prêt-à-porter et les accessoires. PHOTOGRAPHIE DANNY LOWE STYLISME MANUEL NORIEGA
Veste bombers en fourrure de vison et coton, bottes “Cutwalk” en cuir, FENDI MANIA. Page de gauche, Max : pull en laine avec franges en cuir, lunettes de soleil en métal argenté et verres teintés, chaussettes en coton, baskets en cuir, FENDI MANIA. Angèle : veste avec franges en cuir, bas de maillot taille haute en nylon, sac “Mon Trésor” en cuir, bottes “Cutwalk” en cuir, FENDI MANIA. Modèles : Angèle et Max Metzger Set-design : Maureen Coleman Coiffure : Michael Bui Maquillage : Caroline Fenouil Assistant photo : Bertrand Jeannot Assistante stylisme : Florine Da Silva
Veste avec franges en cuir, bas de maillot taille haute en nylon, FENDI MANIA. Page de droite : manteau en shearling, pull en laine tricotée, jean en coton, lunettes de soleil en métal argenté et verres teintés, chaussettes en coton, baskets en cuir, FENDI MANIA.
Robe en soie, sac “Mon Trésor” en cuir, sandales en cuir, FENDI MANIA. Page de gauche : col en fourrure de renard, jean large en coton, escarpins en cuir de veau, sac “Peekaboo” en cuir avec ouverture amovible “De-Fender” en cuir vitrifié à motifs FF, FENDI MANIA.
Manteau en fourrure de vison à motifs FF, haut de maillot balconnet en nylon, bas de maillot taille haute en nylon, sandales en cuir, sac messenger en cuir vitrifié à motifs FF, FENDI MANIA. Page de gauche, Angèle : veste en denim, jupe en cuir, bottes “Cutwalk” en cuir, FENDI MANIA. Max : veste en denim, veste coupe-vent en nylon, jean en coton, sandales en caoutchouc et cuir, FENDI MANIA.
Blouson et pantalon de jogging en Néoprène, lunettes de soleil en métal argenté et verres teintés, sac à dos en cuir vitrifié à motifs FF, FENDI MANIA. Page de droite, Angèle : combinaison en nylon, lunettes de soleil en métal argenté et verres teintés, escarpins en cuir, FENDI MANIA. Max : veste avec franges en cuir, jean en coton, lunettes de soleil en métal argenté et verres teintés, sandales en cuir, FENDI MANIA.
PHOTO HOLGER NIEHAUS
ALBERT OEHLEN NOUS MET EN « TRANCE »
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EXPO
Pour sa quatrième exposition majeure depuis son inauguration en octobre 2015, la Fondation Aïshti présente sous l’intitulé « Trance » un accrochage en trois volets, orchestré par le peintre allemand Albert Oehlen qui en est à la fois l’artiste, le commissaire et le collectionneur. Trois perspectives différentes, un même point de vue sur la création artistique et les enjeux de notre époque. PAR F.A.D.
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L’OFFICIEL
EXPO
L’OFFICIEL
EXPO
Artiste énigmatique, inclassable, iconoclaste et sans doute l’un des plus brillants de notre époque, Albert Oehlen est surtout jugé inaccessible à plus d’un titre dans le monde de l’art contemporain. Depuis le mois d’avril, son œuvre fait l’objet d’une importante et imposante monographie au Palazzo Grassi, l’un des deux lieux vénitiens, avec la Punta della Dogana, de la collection François Pinault. Il n’avait donc pas de raison valable d’exposer ailleurs, et peut-être même pas d’œuvres à montrer en plus des 85 toiles déjà accrochées sous les lambris XVIIIe siècle, au bord du Grand Canal. C’est ce qui rend encore plus impressionnante l’exposition que lui dédie la Fondation Aïshti sous sa résille rouge, repère incontournable créé par l’architecte David Adjaye en bord de mer, au nord de Beyrouth.
PHOTOS HOLGER NIEHAUS
Le premier étage de l’espace muséal est centré sur le travail personnel d’Albert Oehlen dont sont exposées plus de 25 œuvres, certaines monumentales et d'autres de dimensions plus modestes. Les différentes étapes de sa production sont mises en dialogue les unes avec les autres, évitant ainsi une chronologie stricte et offrant au spectateur une vision du processus complexe auquel se soumet l’artiste pour la conception d’œuvres différentes qui s’inscrivent dans la lignée de sa production passée et préfigurent sa production future. Cette exposition personnelle est une réflexion ouverte sur les méthodes de l’artiste ainsi que sur la peinture et sa transformation par essais et corrections. Les trois autrets étages de l’espace d’exposition sont consacrés à un face à face unique entre deux visions: d’une part celle de l’artiste collectionneur et de l’autre celle des mécènes Elham et Tony Salamé. La vision de l’artiste et celle du collectionneur sont ici combinées pour créer une expérience très particulière à travers deux approches distinctes de l’art, l’une subjective et l’autre plus objective. Cela crée une troisième expérience à
travers laquelle le spectateur est invité à composer sa propre interprétation et sa propre appréhension émotionnelle des œuvres proposées. Parmi les artistes de la collection privée d’Oehlen figurent Martin Kippenberger, Gerhard Richter et Gary Hume, qui sont à leur tour mis en dialogue artistique avec des artistes dont les œuvres font partie de la collection Elham et Tony Salamé, notamment Richard Prince, Wade Guyton, Christopher Laine, Etel Adnan, Fouad Elkoury, Brigitte Megerle, Michael Williams, Thomas Arnolds, Franz West, Jana Schröder, David Ostrowski, Heimo Zobernig et Markus Oehlen, le propre frère d’Albert. Le clou de l’exposition est l’interprétation personnelle que donne Oehlen de la chapelle Rothko, avec ses collages rectangulaires, pamphlets monumentaux contre les sociétés de consommation, ainsi que de célèbres toiles appartenant à ses séries Elevator et Tree Paintings. La collection Tony and Elham Salamé, qui s’est développée rapidement au cours des 10 dernières années, regroupe plus de 2 000 œuvres d’artistes variés. La Fondation Aïshti est désormais reconnue comme l'une des institutions les plus considérables du Moyen-Orient et au-delà, avec son nouveau bâtiment muséal offrant 4 000 mètres carrés d'espace d'exposition. Avec sa structure tubulaire en aluminium rouge, la façade caractéristique de l'architecture conçue par David Adjaye enveloppe l'édifice à la manière d’une toile à plusieurs couches. A travers ses motifs géométriques s'ouvrent des perspectives sur le paysage côtier et la vie urbaine trépidante de Beyrouth. Aïshti by the Sea, Antelias, du mercredi au samedi 11:00 - 19:00, dimanche 12:00 - 19:00, +961 4 717 716 ext. 300
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PHOTOSHOLGER PHOTO CARL HALAL NIEHAUS
L’OFFICIEL EXPO
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EXPO
L’OFFICIEL
DESIGN
LE SOUFFLE CRÉATEUR D’ALYA TANNOUS PA R N A S R I S AYE G H
De son Londres natal, elle garde jalousement ses amours de Tamise au verbe shakespearien ; de son Paris d’adoption, un goût prononcé pour le savoir-faire-élégance ; de son Orient originel, sa fascination syro-libanaise du bien-recevoir. Tout prédisposait Alya Tannous à tisser sa carrière dans les ourlets de la mode. Pourtant, c’est dans le verre soufflé qu’elle façonnera son parcours. Fille de la célèbre créatrice d’intérieurs Lynn Tannous - l’héréditaire esthétique ! -, elle grandit fascinée par l’art de la table. Et c’est en 2009, en suivant sa mère lors d’un périple en Égypte, à la rencontre de souffleurs de verres traditionnels, que la jeune créatrice est saisie par la cristalline attraction. Celsius ou Fahrenheit, son obsession sera désormais de sublimer un artisanat assoupi et de réinventer l’art de la table. Invoquant ses racines levantines – ses Phéniciens d’aïeux n’étaient-ils pas, eux-mêmes, réputés pour leur légendaire maitrise de la vaisselle?-, Alya Tannous fera souffler un verre nouveau où la convivialité est promue en art. Véritables mises en scène, ses festins repoussent sans arrêt les limites de la grâce. Carafes, bouteilles, bols, vases, chandeliers, Alya fait verre de tout feu! Depuis 2009, « Interiors by Alya Tannous » sublime les plus belles tables de Beyrouth, de Londres et de Paris. En 2017, l’un de ses modèles est choisi par la prestigieuse Maison Christian Dior pour compléter son offre en arts de la table. Une consécration à hauteur de talent! alyatannous@hotmail.com 206
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Née en quelque sorte dans le sérail de la décoration d’intérieur, à l’ombre d’une mère qui a porté cet art à son apogée, Alya Tannous se sert du verre soufflé pour définir sa propre empreinte.
PRESENTS
A FILM WRITTEN & DIRECTED BY HUMBERTO LEON STARRING SASHA FROLOVA, KODI SMIT-McPHEE, ALEXANDRA SHIPP & MILLA JOVOVICH Available on kenzo.com/theeverything FAKHRY BEY STREET, BEIRUT SOUKS, DOWTOWN BEIRUT AÏSHTI BY THE SEA, ANTELIAS
L’OFFICIEL
DESIGN
O N VO IT C E QU’ELLE DIT Tala Safié est une jeune graphiste qui croit non seulement au pouvoir des mots mais aussi à leur force visuelle. Directrice artistique des articles de fond au New York Times, lauréate du prix Boghossian du design 2018, elle est aussi discrète que ses messages sont clairs et puissants. PAR F.A.D.
AIGA ON DESIGN
De la responsabilité du designer graphique « J’ai fait mes études à l’AUB où j’ai obtenu mon BFA en Graphic Design en 2013 avec distinction (Bachelors of Fine Arts in Graphic Design with honors) ». Ce diplôme obtenu sous les lauriers couronne un projet final portant sur la création d’un magazine culturel décliné en plusieurs supports visuels, à la fois papier et web. C’est précisément pour ce projet de thèse que Tala Safié remporte le prix « Areen Project Award of Exellence in Graphic design ». C’est un programme de quatre ans, explique-t-elle, « durant lesquels j’ai acquis de solides connaissances théoriques et pratiques et une grande conscience de l’importance du métier du designer, de la responsabilité qui en résulte et des questions qui se posent : le designer apprend à communiquer quoi? Comment? Pourquoi? Et, surtout, à qui? » Après la présentation de sa thèse à l’AUB, Hatem Imam, ex-prof à l’AUB devenu son mentor et un de ses meilleurs amis, lui propose un poste à Studio Safar, « un charmant atelier de graphic design qui, à l'époque, venait juste d’ouvrir ». Elle 208
Photos DR
« Ma passion est le design éditorial qui joint le visuel aux mots. J’adore créer des systèmes, et travailler de près avec les éditeurs et auteurs pour trouver des solutions visuelles qui renforcent leur message et concrétisent leurs idées, à travers la mise en pages, la typo, les couleurs, ou même le choix du papier. » On ne peut pas rêver meilleur résumé de mission. Parler de soi est un exercice périlleux que Tala Safié enlève en quelques mots ciblés. La concision, la clarté, l’impact, tout y est. Il n’y a plus qu’à laisser l’artiste raconter son parcours, des bancs de l’université au rêve qui se profile : créer enfin ce magazine qui raconte sa génération et véhicule les aspirations des « millenials » du Moyen-Orient.
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AIGA ON DESIGN
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HOW TO BUILD A FOLIO
accepte sans hésiter et finit par y travailler pendant trois années qu’elle qualifie de « belles ». « C'était une expérience enrichissante et fructueuse durant laquelle j’ai beaucoup appris : le time-management, gérer les échanges avec les clients…bref, ce qu’on appelle le multitasking. » L’anglais s’impose, même en français, s’excuse-telle. Quand il s’agit de graphic design, la « ligua franca » est mieux à même de porter des idées universelles, songe-t-on. Lors de ses premières expériences professionnelles, la jeune artiste prend conscience de l’importance de l’écoute : « J’ai réalisé que le métier du graphic designer ressemble à celui d’un généraliste. Un généraliste qui aide le client à comprendre et à reformuler ses besoins afin d’y répondre d’une manière créative, inventive, et pertinente, prenant en considération non seulement son envie et ses besoins, mais aussi le bien de l’environnement dans lequel on vit, d’où la responsabilité humaine et culturelle de quiconque fait ce métier. » L’expérience newyorkaise Après Studio Safar, en 2016, Tala Safié est admise à la School of Visual Arts (SVA) de New York pour poursuivre un master en design dans le cadre d’un programme intitulé “Designer as Author” : « Durant deux années, j’ai eu la chance de rencontrer et de travailler avec des designers que j’ai longuement admirés, d’avoir accès et de puiser à de formidables sources, archives, et références liées à mon domaine, tout cela immergée dans une
Une vie en décalage horaire « Tout récemment, poursuit-elle, j’ai été embauchée au New York Times en tant que Directrice Artistique des Features Sections (ndlr : articles de fond), et je freelance toujours entre les États-Unis et Beyrouth (sachant que ce n’est pas facile avec le décalage horaire !) Ainsi, j’ai eu la chance de mettre en page Le théâtre dans l’histoire, l’encyclopédie de Roger Assaf ; Tonight, le livre de Abboudi Abou Jaoude à propos du cinéma libanais, et plus récemment de bosser sur des projets éditoriaux à Beyrouth, notamment avec L’Orient des Livres (avec ma guide et championne Hind Darwich) où j’ai conçu des publications et couvertures de livres, comme la réédition de La Guerre du Liban de Samir Kassir, et avec Mohamad Abdouni qui m’a permis d'expérimenter le premier numéro de son magazine Cold Cuts. A présent je travaille (et skype) avec le groupe Samandal sur leur nouveau volume édité par Alex Baladi ». Lauréate du prix Boghossian du design 2018, Tala Safié va pouvoir créer son propre magazine, « un rêve qui me travaille depuis un certain temps, inspiré par mon projet de thèse », confie-t-elle, promettant de nous en parler en temps voulu. www.talasafie.com
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DECONSTRUCTING MANHATTAN
des plus belles villes du monde, New York qui ne ressemble à aucune autre. L’énergie fantastique qui se dégage de cette ville aiguise sans cesse ma curiosité et mes ambitions et me pousse à être de plus en plus productive», confie la graphiste qui a fait de la Grande Pomme sa nouvelle gourmandise. « A présent je vis à Brooklyn et je travaille avec Eye on design, la plateforme éditoriale de AIGA (l’Association Américaine des Arts Graphiques) où j’ai une grande liberté, non seulement de produire des visuels, mais surtout de participer aux décisions éditoriales du magazine, entourée d’une équipe de brillantes éditrices, notamment la fondatrice, Perrin Drumm, une femme exceptionnelle dont la confiance en moi m’a ouvert beaucoup de portes à New York. »
KIDS
THE INHERITOR
DECONSTRUCTING MANHATTAN
ORIENT LITTERAIRE
Step inside your comfort zone.
Whether it’s in the busy mind of an office or in the soothing calmness of home, air is the first element of your comfort, naturally linked to your breathing, to your senses. Ultimately, your inner feeling of comfort is the measure.
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DESIGN
LAISSER PARLER LES P’TITS PAPIERS
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Elle a fait du paper-art sa marque de fabrique. Raya Sader Bujana, alias Little Ray of Sunflower, est une artiste libano-vénézuélienne spécialisée dans la sculpture en papier. La jeune femme, basée à Barcelone, confectionne accessoires, bijoux, figurines ou décorations en origami avec minutie, finesse et une bonne dose de talent. Portrait d’une créatrice originale. PAR JOSÉPHINE VOYEUX
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DESIGN
Le nom de Raya Sader Bujana est moins connu que celui de sa marque, Little Ray of Sunflower, lancée en 2013 et dont la presse internationale parle régulièrement, tantôt pour mettre en lumière un nouveau phénomène artistique qui a de plus en plus le vent en poupe – le paper art, tantôt pour vanter le talent de sa fondatrice, et dévoiler ses impressionnantes créations. La liste ne saurait être exhaustive mais les miniatures de plats cuisinés, de plantes, cactus et succulentes, ainsi que la série d’athlètes sur le thème des Jeux Olympiques, sont saisissantes de précision, réalisme et qualité. Chaque sculpture est composée de multiples petits morceaux de papier assemblés les uns aux autres à l’aide de minuscules séparateurs, qui ne dépassent souvent pas 3 millimètres. Certaines pièces de Raya Sader Bujana en comptent parfois plus de 500 ! Le travail de l’artiste est si méticuleux qu’il vous projette instantanément dans son univers – un monde à échelle réduite où la précellence et la concision semblent être les maîtres mots.
aujourd’hui par des constructions aussi précises et géométriques. Raya Sader Bujana sait jouer avec la perspective et les lignes ; elle maîtrise les codes, les proportions et le respect des dimensions. « L’architecture m’influence au quotidien, admetelle ; j’adore rechercher différentes techniques et les interpréter, me les approprier ». La créatrice se dit fortement inspirée par le Bauhaus, ce courant artistique à la base d’une réflexion sur l’architecture moderne. Elle ambitionne d’en retranscrire la rigueur dans son travail. « Je commence généralement par faire des croquis, je dessine mes idées, explique l’artiste. Après, je fais des maquettes en papier en trois dimensions pour voir à quoi cela ressemble, et c’est seulement au bout de ce processus que je commence à travailler sur la pièce finale. Il m’arrive cependant, quand mes idées sont très claires, de directement travailler sur l’objet-même ». Le résultat final est bluffant. Tantôt colorées, tantôt sobres, mais toujours élégantes, les pièces de Raya Sader Bujana sont réalisées avec beaucoup de finesse.
Une démarche d’architecte Raya Sader Bujana, c’est avant tout une artiste qui sait s’écouter. Après avoir étudié l’architecture à l’université centrale du Venezuela puis à l’université polytechnique de Catalogne à Barcelone, la jeune femme n’a pas hésité à abandonner son cursus en cours d’année pour se consacrer à sa passion et, de son propre aveu, ce qu’elle sait le mieux faire : la sculpture en papier, le Paper Art. L’artiste libano-vénézuélienne a apprivoisé la discipline à travers ses cours d’architecture. « C’est au cours de mes études que j’ai commencé à expérimenter avec le papier, confie-t-elle. J’ai réalisé nombre de mes projets en superposant des couches de papier et j’ai vraiment adoré faire des modèles réduits ». Il n’est donc pas étonnant que ses œuvres se traduisent
Cinq ans à peine après avoir lancé son studio, la jeune artiste est couronnée de succès. Ses œuvres rencontrent une ferveur générale : dans la presse, sur les réseaux sociaux ou encore de nombreux blogs à travers le web louent les prouesses de la créatrice. Raya Sader Bujana ne demande que « l’amour et pouvoir vivre en faisant ce que (j’)aime, le paper art. » Elle ajoute, se disant comblée : « c’est déjà un énorme accomplissement personnel. Je suis très reconnaissante car tout le monde, je le sais, n’a pas la chance de pouvoir en dire autant ». La jeune femme travaille actuellement sur une collection de bijoux, en fil métallique et plaqué or. Les pièces sont exquises et se dévoreraient ne serait-ce que pour leur simplicité et réalisme ! http://raya.studio/
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EXPOS
PLEIN LES YEUX
PA R N A S R I S AYE G H
Sous les Soleil d’Etel Maculés d’encres ou engouachées de pigments, les doigts d’Etel se font tantôt plumes sur feuillets d’écriture, tantôt pinceaux sur toiles de couleurs. Depuis sa naissance à Beyrouth en 1925, la poétesse n’a de cesse, jusqu’à ce jour, de sonder, d’interroger, de surprendre le mot, la forme et la lumière. Ecrivant ce qu’elle ne peut peindre, peignant ce qu’elle ne peut écrire, -la belle incapacité!- la voici, à l’aube de son 94ème anniversaire, de retour en Californie pour dévoiler ses dernières créations. “New Work: Etel Adnan”, l’exposition que lui consacre le prestigieux SFMOMA, revient sur les abstractions d’une artiste jamais guérie de son amour pour le Mont Tamalpaïs, cette montagne qui culmine au nord de la baie de San Francisco et que, jeune étudiante, elle découvrit lors de sa ruée vers l’art dans les années 1950. Jamais l’artiste ne se défera de ce motif-talisman. Une œuvre (d’)illuminée à découvrir jusqu’au 6 Janvier 2019. www.sfmoma.org
Leila, Yves et le(s) Maroc(s) Le Musée Yves Saint Laurent de Marrakech se souvient de Leila Alaoui (1982-2016), photographe franco-marocaine victime des attentats de Ouagadougou le 15 Janvier 2016. Presque trois ans après la tragédie, l’institution rend hommage à une artiste qui a su capturer, captiver, sublimer l’émotion. Parisienne de naissance, marrackchie d’enfance et beyrouthine de cœur, Leila arpentera la mappemonde en quête, infatigable, insatiable, d’altérité. Artiste-anthropologue, au sujet de la série “Les Marocains”, l’un de ses derniers projets, Leila Alaoui expliquait: « puisant dans mon propre héritage, j’ai séjourné au sein de diverses communautés et utilisé le filtre de ma position intime de Marocaine de naissance pour révéler, dans ces portraits, la subjectivité des personnes que j’ai photographiées ». Une expo-évènement qui sera l’occasion de redécouvrir une trentaine de portraits de “Marocains” dont certains restent à ce jour inédits. Jusqu’au au 5 février 2019. www.museeyslmarrakech.com 218
PHOTOS 3_ETEL ADNAN, UNTITLED, 2018; OIL ON CANVAS; COURTESY THE ARTIST AND SFEIR-SEMLER GALLERY HAMBURG_BEIRUT; LEILA ALAOUI
Une exposition est toujours une promesse de bonheur. Flâner entre les œuvres, caresser du regard, plonger, s’immerger, rêver, laisser l’esprit se nourrir de rares gourmandises dont il fera plus tard sa pensée vive… Voici quatre moments, quatre lieux, de New York à Marrakech en passant par Paris, où il fera bon respirer cette saison.
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EXPOS
Cités (virtuelles) millénaires A défaut, tragiquement, de pouvoir nous rendre sur leurs sites, embarquons pour le voyage virtuel que l’IMA propose au cœur des villes millénaires du monde arabe. De Palmyre à Mossoul en passant par Alep et Leptis Magna – les noms de ces villes en péril s’égrènent sur le chapelet du patrimoine mondial –, cette odyssée en 3D explore les richesses inestimables de ces “Cites Millénaires”. La 2D désormais criblée par la folie des hommes, ne reste pour l’heure que la technologie pour rendre compte du faste de ces villes légendaires. Véritable machine à remonter le temps, l’exposition repense l’histoire et nous fait voyager dans les rues et les monuments originels qui jadis ont fait la fierté du monde arabe. Grâce à la projection à grande échelle d’images captées par des drones, plongez au cœur du fabuleux Palais de Ninive (vieux de 2600 ans!) à Mossoul; effleurez les colonnes du théâtre de Leptis Magna et battez le pavé fiévreux de Bab Al Faraj d’Alep. Une expo-émotion à découvrir jusqu’au 10 Février 2019. www.imarabe.org
Arigatô Paris! Paris et Tokyo célèbrent leurs noces esthétiques dans le cadre de “Japonismes”, saison culturelle qui marque le 160ème anniversaire des relations diplomatiques entre le Japon et la France, ainsi que le 150ème anniversaire du début de l’ère Meiji, lorsque le pays s’ouvrit à l’Occident. Au Musée des Arts Décoratifs, c’est l’occasion longtemps rêvée d’exhiber quelques 1500 œuvres, objets d’art, de design et de mode, arts graphiques et photographies qui mettent en lumière toute la richesse des collections d’art japonais ancien du MAD, mises en regard avec des créations occidentales japonistes. Hokusaï, Émile Gallé, René Lalique, Issey Miyake, Junya Watanabe, Shiro Kuramata, Charlotte Perriand ou Ikkō Tanaka; les cimaises de “Japon, Japonismes / Objets Inspirés” soulignent les interconnections, influences et enrichissements mutuels entre l’Archipel et l’Hexagone. Extrême-orientez vous
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jusqu’au 3 Mars 2019. www.madparis.fr
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DESIGN
AU BOULEAU ! PAR MYRIAM RAMADAN
Dans un marché au ralenti, deux jeunes créatifs refusent de choisir entre ne rien faire et poursuivre leur vie ailleurs. En revanche, ils voient leurs amis partir et observent de loin leurs multiples déplacements et déménagements. Ils savent que leur génération est une génération de nomades et c’est en pensant à leurs pairs que Sami Daccache et Carel Marsouwanian décident de créer des meubles à monter et démonter soi-même, assemblables sans outils. À la fois solides et simples à réaliser, les chaises et tables qu’ils conçoivent obéissent à un design épuré et à un impératif d’encombrement minimal au transport et au rangement. Amoureux de la nature, Sami Daccache n’emploie que des matériaux écologiques et privilégie le contreplaqué de bouleau originaire de forêts durables ou renouvelables, dans
lesquelles pour chaque arbre arraché, un autre est aussitôt replanté. Le bois de bouleau a par ailleurs la particularité de minimaliser le gaspillage du fait qu’il peut être entièrement taillé. Zénitude et ergonomie Du travail préparatoire et des recherches effectuées par les deux partenaires résulte une première petite ligne de 15 éléments, entre tables, chaises et objets décoratifs. Baptisés « Korsi » (chaise) ou « Tawla » (table) pour marquer leur identité libanaise et surtout l’adéquation étroite entre leur forme et leur fonction, ces meubles pratiques et légers, à prix abordable, viennent combler un manque dans le marché local qui n’offre pas de troisième alternative entre le meuble de luxe et le meuble d’usine. Ils sont de plus ludiques et créatifs, dotés 220
de formes douces et ergonomiques. Certaines tables présentent un creux pour accueillir une plante en pot ou un réceptacle à crayons ou pinceaux, posant ainsi les prémices d’une cohabitation artistique ou zen avec le meuble adopté. Le lancement d’Udoshop ne s’est pas fait sans une solide étude de marché. Doublé d’un homme d’affaires, Sami Daccache a observé avec optimisme le progrès de la vente en ligne au Liban. Voyant de nombreux commerces établis décliner ou carrément mettre la clé sous la porte, il a jugé trop risqué d’investir, du moins à ce stade, dans un local commercial. Aussi a-t-il positionné Udoshop dans le e-commerce, ce qui permettra de plus de favoriser l’expansion de la jeune marque hors du marché libanais, notamment à Dubaï. www.udoshop.co
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Udoshop, prononcer « you do », est une adresse en ligne où l’on trouve des kits de petits meubles simples à monter soi-même. Cette jeune entreprise qui répond aux besoins des nouveaux nomades a été créée par un architecte, Sami Daccache, et une architecte d’intérieur, Carel Marsouwanian.
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DESIGN
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IRINA SHAYK & STELLA MAXWELL CO-DESIGNERS BAG SERIES
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ART
SOUS L'IMAGE, LE VISAGE
Dans « Shogh-Ian », il y a le suffixe arménien «Ian », seul indicateur de la véritable identité de cette énigmatique jeune artiste qui signe sous ce nom des œuvres qu’elle crée avec le logiciel Photoshop de la même manière dont les maîtres de la Renaissance préparaient leurs couleurs. 226
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PAR MYRIAM RAMADAN
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ART
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ART
Shogh-Ian est un de ces talents précoces pour qui l’art est inséparable de la vie. Si elle étudie l’architecture d’intérieur et les arts plastiques, ce n’est que pour laisser tomber la première, et puis aussi le reste au passage. Elle se consacre exclusivement à la peinture, médium qui lui permet de chercher sa voie. La jeune artiste est passionnée par l’identité humaine et sa fluidité. Dès lors, elle n’a de cesse d’explorer cette thématique en ajoutant à ses outils de recherche la photographie ainsi que divers matériaux. Arrive le moment où, prenant peu à peu conscience de son identité artistique, elle se dirige vers l’art digital qui est aujourd’hui sa technique de prédilection. Les programmes informatiques permettent à Shogh-Ian de s’exprimer au plus près de ses préoccupations existentielles. Les œuvres qu’elle produit traduisent autant sa spiritualité que sa vision de l’être humain au cœur de l’univers. Cette hypersensible perçoit très tôt des visions dont elle est persuadée qu’elles lui parviennent d’un monde parallèle. Convaincue de l’existence d’autres vies en dehors de notre planète, elle se sent connectée à une indéfinissable énergie universelle, « sait » que tous les êtres du vaste univers sont connectés les uns aux autres et se donne pour tâche de tracer les formes de ses visions pour mieux les comprendre. Le travail de Shogh-Ian sur la photographie et le portrait la laisse sur sa faim, avec l’impression que toutes les images fixées par les caméras ne sont que superficielles. Ce qu’elle veut, c’est montrer l’intérieur, photographier l’âme, le monde caché que chaque individu porte en lui. Faire tomber les masques et les
scories derrière lesquels chacun cache son vrai visage. Seule une prise de conscience de leur véritable identité permettrait aux individus, selon l’artiste, d’accéder à la transparence et de découvrir ses véritables traits. Dès lors, elle se sert des couleurs vives et lumineuses, souvent ambigües, dictées par ses considérations sur le monde hors le monde connu. Dans sa nouvelle série, son intérêt pour la Renaissance la guide vers une réinterprétation des chef-d ’œuvres de cette époque selon sa singulière vision. Des portraits du patrimoine collectif sont malmenés avec génie. Certain visage semble se décomposer en une coulée rose qui envahit la toile. Un autre est percé d’un trou noir auréolé de rouge. Un troisième personnage est envahi d’insectes. Ces traitements n’ont pas d’autre but que montrer tantôt la désintégration du masque, tantôt la présence des forces négatives de la vie terrestre ou encore telle représentation du cosmos. A ces toiles connues, l’artiste ajoute des symboles qui lui sont chers, tels que les nuages et l’eau, éléments naturels du monde cosmique. Le troisième œil, œil invisible de la conscience dont Shogh-Ian croit au pouvoir, court dans son œuvre sous diverses formes. Cet œil caché évoque, selon l’artiste, la poursuite de la vérité et de la présence divine en l’humain et tout ce qui l’entoure. « Il ne suffit pas de regarder, dit-elle, il s’agit de voir, et voir profondément ». Shogh-Ian a participé à plusieurs expositions collectives, notamment à la galerie Rmeil, sa préférée. Son œuvre surréaliste connaît un franc succès.
www.instagram.com/shogh_ian/ 228
PHOTOS SHOGH_IAN
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CINEMA
Nadine Labaki, le pouvoir des images Avec “Capharnaüm”, la cinéaste libanaise s’arme d’une caméravérité bouleversante pour dénoncer le sort des enfants de réfugiés. Prix du jury à Cannes, ce film est surtout un cri d’alarme et une invitation urgente à ouvrir le débat. PAR JULIETTE MICHAUD PHOTO GRAPHIE JULES FAURE
Au 71e Festival de Cannes, la magnifique Nadine Labaki a reçu une standing ovation historique. Ce n’est pas juste son talent de réalisatrice qui a été applaudi à tout rompre, c’est aussi le formidable potentiel de tous les enfants de réfugiés qui attendent d’être vus, reconnus, et dont elle se fait la porteparole. Soudain, ces enfants ne sont plus invisibles. Capharnaüm, comme son titre l’indique, c’est le chaos d’une société qui permet trop d’horreurs, à tel point qu’un gavroche des faubourgs de Beyrouth intente un procès à ses parents pour l’avoir mis au monde ! Une histoire proche de la fable, mais brûlante d’actualité et filmée au plus près de la vérité par une pionnière et son équipe de choc : plus de deux ans de recherches, un casting sauvage sur le terrain, six mois de tournage caméra à l’épaule, cinq-cents heures de rushes et une première version de douze heures ! Retour sur une épopée qui va bien au-delà du cinéma, par celle qui vient d’être inclus parmi les votants aux oscars. Comment est né ce film ? Nadine Labaki : D’abord d’une frustration et d’une colère énormes envers ce qui se passe dans le monde, envers le capharnaüm dans lequel on vit, et la vision quotidienne à Beyrouth des enfants pauvres vivant dans des conditions de négligence extrême, jetés partout,
mendiants, des fillettes vendues sous couvert de mariage, des enfants séparés de leurs parents, des choses qui ne devraient pas exister. Après Et maintenant on va où ? (2011), et Caramel (2007), vous faites ici une plongée âpre et vertigineuse dans les quartiers dévastés de Beyrouth. On en sort chamboulés, abasourdis. J’ai encore du mal à parler de cette expérience, tant elle s’est improvisée de manière familiale et passionnée, tant nous étions emportés par notre cause. Au départ, j’ai voulu comprendre. Pendant plus de deux ans, je suis allée partout, dans les prisons, dans les centres de détention pour mineurs, dans les régions les plus pauvres. Je passais mes journées dans les tribunaux pour enfants, j’entrais incognito, j’observais. À force de côtoyer ces enfants, ils m’ont fait confiance, et le plus bouleversant est qu’à la question que je leur posais : “Es-tu heureux de vivre ?” ils répondaient toujours non. C’est à force d’écouter leurs témoignages qu’est née l’histoire d’un garçon qui intente un procès à ses parents pour lui avoir donné la vie sans lui assurer amour et protection. Je voulais à tout prix épouser la voix de ces enfants. Quelle est votre relation au Liban et à Beyrouth, où vous vivez ? C’est une relation d’amour et de haine. Je puise dans les contradictions du pays. 230
Parfois je me dis que notre région est maudite. On ne peut pas vivre au Liban sans se sentir engagé. Pour moi l’art, l’engagement et la politique vont de pair. Les acteurs du film sont tous non professionnels et époustouflants de naturel. Même le juge est un vrai juge. Cette aventure était d’autant plus bouleversante que le scénario, écrit avec deux autres scénaristes, est basé sur des situations que les acteurs du film ont vécues, ou même, parfois, vivaient encore, comme Yordanos Shiferaw, la jeune Éthiopienne sans papiers qui incarne la mère du bébé, qui a vraiment été arrêtée pendant qu’on tournait. Parlez-nous du petit Zain, qui porte magnifiquement et vaillamment le film sur ses épaules, et de ce bébé incroyablement expressif qu’il prend sous son aile dans l’histoire. Zain est un réfugié syrien repéré dans la rue, il s’est tout de suite imposé. Il a des parents aimants, mais il a connu une vie dure, savait à peine lire et écrire, et je voulais savoir d’où venait la tristesse de ses grands yeux si sages. En voyant son improvisation si crue, et les scènes de ce bébé, une petite fille prénommée Treasure, je n’en croyais pas mes yeux. Je ne demande jamais à mes acteurs de “jouer”, et nous avons sans cesse “rusé” pour faire évoluer leur vérité vers le scénario, notamment
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CINEMA
en laissant tourner la caméra entre les prises. Capharnaüm est une danse constante entre fiction et réalité, mais des choses se sont produites sur ce film, des obstacles se sont levés, qu’on ne s’explique pas. Ce tournage a été béni. En quoi le film peut-il déjà changer l’avenir de ses jeunes protagonistes ? La famille de Zain a pu être replacée en Norvège, avec un travail, et il pourra aller à l’école. Nous travaillons avec les Nations unies pour aider aussi la famille de la petite fille qui joue sa sœur Sahar. Il faut que le film serve à venir en aide aux familles et à faire étudier un nouveau projet de loi. Des millions d’enfants de réfugiés attendent d’être reconnus. Vous êtes aussi actrice, vous avez fait une campagne pour une montre Chanel : comment concilier luxe et engagement ? C’est très délicat. Il y a toujours un sentiment de contradiction. Le jeu du glamour, je le prends comme une petite gâterie, mais sans perdre de vue la réalité, et je choisis mes collaborations. Pareil pour le métier d’actrice. Mais, pour le moment, la mise en scène et ce type de cinéma à l’affût de la vérité sont ma priorité. Avec cette notion que le cinéma peut aider à rendre la société meilleure ? Oui, j’y crois profondément. Certains critiques ont qualifié mon film de misérabiliste, mais un journaliste du Parisien a écrit pour le défendre que dépeindre ainsi Capharnaüm, c’était “se défausser de la misère du monde”. Je n’ai rien exagéré. Cette misère, elle existe, le nombre des enfants de réfugiés négligés ne cesse de croître. Il faut tous ensemble réfléchir à des solutions. “Capharnaüm”, de et avec Nadine Labaki, avec Zain Al Rafeea, Boluwatife Treasure Bankole, Yordanos Shiferaw… Sortie le 20 septembre.
Nadine Labaki porte des bijoux Alia Mouzannar et des vêtements Piaff Boutique, à Beyrouth.
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CAMPER Beirut souks, Souk El Tawileh Street, Beirut central district, T. 01 99 11 11 ext. 568 Aïshti by the Sea, B1 Level , Antelias, T.04 71 77 16 ext.271
PHOTO MARIA HASSABI, INTERMISSION, 2013 © ROBERTAS NARKUS
MARIA HASSABI, LA LEÇON DE DANSE
PA R N A S R I S AYE G H
Geste indolent et mouvement engourdi, Maria Hassabi –chorégraphe née à Chypre puis sculptée à New York – est une artiste en quête d’immobilité et de lenteur. Que ce soit sur une scène de théâtre, dans un espace muséal ou en plein air, l’artiste décélère le temps et sculpte le geste humain. Leçon de grâce.
CHORÉGRAPHIE
Dans l’histoire de la danse, qui sont vos maitres et maitresses à danser ? Un grand nombre d’artistes auxquels je voue un énorme respect m’ont inspiré et continuent encore à m’influencer. Je ne peux cependant pas citer un nom qui m’ait particulièrement « poussé-à-danser ». Une œuvre peut me combler et me donner l’envie de danser, de chanter, de rire aux éclats et parfois même de pleurer. Je suis toujours attirée par les arts qui mettent, d’une manière ou d’une autre, leurs formes et leur mediums à l’épreuve.
le temps de regarder, d’observer une action, je lui donne la possibilité de constater comment un geste peut évoluer, se déconstruire, voire même se détériorer tant dans sa signification que dans sa matérialité pure. C’est un effet de zoom qui ne peut survenir que lorsque nous donnons le temps aux choses. L’aspect sculptural apparaît dans mes créations lorsque je déconstruis le mouvement – même le plus anodin – en y aoutant de longues pauses. Puis, après chaque arrêt, le mouvement reprend, avec précision, donnant ainsi toute l’attention au détail.
Quelle est la création dans l’histoire de la danse qui vous a le plus marquée? J’ai été très marquée par certaines créations du début des années 90. Je n’ai jamais assisté à ces spectacles mais les ai uniquement découverts à travers des photographies qui m’ont poussée à les imaginer. Ces pièces sont principalement les œuvres d’artistes visuels et je me souviens de m’être dit « Ça c’est de la danse ! ».
Que ressentez vous lorsque vous êtes sur scène ? Je me concentre sur mon action, mouvement suffisamment complexe pour que je reste engagée/alerte dans le présent. Je négocie mon geste en tenant compte de l’espace et du temps. Les émotions peuvent surgir, mais celles-ci sont imprévisibles et différentes à chaque fois. Elles oscillent entre extrême légèreté et puissance intense.
Que cherchez-vous à expérimenter / exprimer à travers la lenteur, l’immobilité ? Donner plus de temps à l’être, au voir, au penser et au ressentir. Surprendre, tordre notre rythme quotidien pour provoquer notre attention. Tenter de mettre en relief les détails les plus infimes, les plus insignifiants en espérant élever notre sensibilité. Vos créations ressemblent souvent à une recherche de sculpteur. Comment réfléchissez-vous, composez-vous vos œuvres ? Je me préoccupe de la question de la représentation, de ce qui est « supposé être » et de la manière dont notre perception du champs du connu peut changer. En offrant au spectateur
L’immobilisme : une poétique de l’immédiateté ? L’immobilité est un paradoxe car elle n’existe jamais vraiment chez un être vivant et c’est la raison pour laquelle elle m’intéresse. Il y a toujours des micromouvements et bien sûr, il y a toujours – espérons-le ! - le souffle, la respiration. Il en est de même avec le silence : lui non plus n’existe pas. Danse et politique. Comment se porte le corps, quelle est la place du corps dans nos sociétés contemporaines? Le corps nous trans-porte à travers le monde. Il contient les organes, le cœur, le cerveau, etc. Peut-il être politique? Oui, en luttant constamment et sans relâche avec/contre – c’est selon - les représentations, les suppositions, les critiques. La danse peut être politique si elle veut l’être. www.mariahassabi.com 236
PHOTO MARIA HASSABI, PLASTIC, 2015-16 © THOMAS PORAVAS
L’OFFICIEL
PHOTO MARIA HASSABI, STAGING SOLO #2 © THOMAS PORAVAS
L’OFFICIEL CHORÉGRAPHIE
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PHOTO RODDY BOW
AU NOM DE SAMA PAR JOSÉPHINE VOYEUX
Elle a été la toute première à insuffler, en 2010, des beats techno et électro à Ramallah, en Cisjordanie, où elle a grandi. Sama Abdulhadi qui a fait ses armes de djette et de productrice sous le pseudonyme de Skywalker – sans avoir jamais visualisé la saga Starwars, a finalement repris son véritable nom, « ciel » en arabe, en 2017. Pour vivre son rêve et importer sa musique d’adoption dans le pays de son enfance, la Palestine.
MUSIQUE
Sama Abdulhadi est née en Jordanie, mais elle a grandi à Ramallah, en Cisjordanie. Dans la maison familiale, elle se rappelle que ses parents écoutaient en boucle Michael Jackson. Elle, davantage du hip hop, du rock ou encore du rap. Mais jamais de musique arabe. « Petite, je n’aimais pas les chansons diffusées à la radio, confie la jeune femme. En Palestine, il n’y a pas d’auteurs, la culture musicale est très commerciale, ce n’est qu’après mes études, quand je suis partie en Egypte que j’ai appris à en apprécier une autre facette ». La musique a toujours rythmé le quotidien de Sama Abdulhadi. Dès son plus jeune âge, celle qui est devenue la toute première djette et productrice de techno et d’électro de Palestine s’amusait derrière les platines. « J’étais une enfant, j’essayais d’avoir l’air cool », s’amuse-t-elle aujourd’hui. L’objectif de Sama Abdulhadi a toujours été de s’amuser, de se divertir et de faire souffler un vent de légèreté dans son quotidien et celui de ses proches, marqué par le conflit israélo-palestinien. A l’adolescence, la jeune femme s’initie au mixage avec une bande de copains « pour faire taire, dans les fêtes, les mauvaises nouvelles annoncées à la radio ou dans les journaux télévisés ». Au début des années 2000, Sama Abdulhadi commence ainsi à faire danser ses compatriotes, pendant que son pays est marqué par la seconde Intifada. La musique, pour ainsi dire, a toujours eu un certain goût de liberté pour la jeune femme. Quand la machine s’emballe Mais le déclic, Sama Abdulhadi l’a eu à Beyrouth en 2008, où elle suivait alors ses études, à un concert de Satishi Tomiie. Elle y entend pour la première fois des sons de synthés et de l’électro. « Ce fut un choc, je n’en avais jamais entendu en Palestine, reconnaît-elle. Mes études n’étant pas vraiment concluantes au Liban, j’y faisais plus la fête qu’étudier. Mon père m’a donc rappelé ce vieux désir que j’avais de mixer et m’a poussée à me lancer ». A 18 ans, la jeune femme s’en va donc étudier l’ingénierie du son et la production musicale en Jordanie puis à Londres, à la SAE, à partir de 2011. Très rapidement, la machine s’emballe. Entre deux cursus, Sama Abdulhadi rentre à la maison en Cisjordanie et fait découvrir à la jeunesse palestinienne ces sonorités étrangères. Non sans difficultés cependant. « Les premières soirées que j’ai organisées à Ramallah était vraiment nulles, lâche-t-elle. Personne ne comprenait ce que je faisais et tout le monde partait ». Mais à force d’acharnement, la jeune djette séduit les foules et introduit un nouvel univers au pays de son enfance. « On peut aujourd’hui entendre de la techno tous les week-ends à Ramallah et j’en suis très fière », admet-elle. DJ, tout simplement Sur la scène underground internationale, Sama Abdulhadi s’est aujourd’hui fait sa place. A 28 ans, elle continue de gravir les
échelons mais son nom est déjà une référence. Première djette palestinienne, elle est une figure de l’émancipation féminine dans son pays et dans le monde arabe, mais également du militantisme pro-palestinien. En 2014, elle retranscrit la violence du conflit israélo-palestinien dans un morceau coup de poing, Beating Wound, composé à partir de détonations de bombes... Mais la jeune femme n’aime pas les étiquettes. « Je suis DJ, martèle-t-elle dans une interview donnée au magazine Numéro, je ne veux pas que la perception de mon travail dépende de mon origine ou de mon genre ». La jeune Djette et productrice a, quoi qu’il en soit, parcouru un long chemin ces dernières années. Sa passion, sa curiosité et sa force de travail l’ont conduite à mener de nombreux projets. En 2016, elle a ainsi créé Awyai, une boîte d’édition de musique à travers laquelle elle promeut des collaborations entre de nombreux artistes indé du monde arabe – du Liban à la Palestine en passant par l’Egypte et la Jordanie. Aujourd’hui, elle travaille de Paris, où elle est installée depuis plus d’un an, sur son EP et un album. En décembre, elle débutera une tournée de Paris à Athènes en passant par Beyrouth et, peut-être, la Palestine. En novembre, elle a participé à « Sodassi », une collaboration avec cinq autres artistes du monde arabe qui s’est achevée sur une série de concerts à travers la France... Plus rien ne semble pouvoir arrêter Sama Abdulhadi. L’agenda est chargé, les projets fusent… Lancée, voire propulsée, la jolie djette, porte son nom à merveille. Elle a bel et bien trouvé sa place, au milieu des étoiles. www.soundcloud.com/sama_saad, www.
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QUITTER GOOGLE POUR L’AMOUR DE BACH PAR MARIE ABOU KHALED
Son travail sur Tickling Giants a fait partie des 141 présélectionnés pour l’Oscar de la meilleure musique de film en 2018. Né à Paris, Paul Tyan rentre au Liban a l’âge de 12 ans. Il fait ensuite des études d’ingénierie au Canada, une école de commerce en France, décroche un job à Google, puis quitte tout pour devenir compositeur de musique de film. D’abord autodidacte, il complète sa formation musicale à mesure que ses projets grandissent en volume et en ambition. Il nous raconte son parcours et ses passions.
Comment vous êtes-vous tourné vers la musique de film ? Après avoir fait l’ESCP, il a fallu que je trouve un travail, juste parce que c’est ce qu’on fait quand on finit ses études. Je ne m’y suis pas vraiment plu, mais je ne le regrette pas, parce que ça m’a permis de mettre de l’argent de côté et de faire ce que je fais aujourd’hui : j’ai pu anticiper les premières années de galère. Ce qu’il y a de plus gratifiant à mes yeux, plus que toute reconnaissance professionnelle, c’est que tous les matins de ma vie, depuis 5 ans, ma journée commence par quelques heures au piano. À cette époque-là, c’était mon rêve. Je me disais « mais quel métier pourrait-il me permettre de jouer du piano tous les jours ? » alors je l’ai trouvé, et j’ai quitté mon poste chez Google pour le réaliser. Quels ont été vos premiers pas dans le métier ? Ça a commencé avec Beirut, I Love You, une série réalisée en 2010 par Cyril Aris et Mounia Akl. Je connaissais Cyril depuis l’école, et il m’a présenté Mounia. Je jouais alors dans des groupes, notamment avec Carl Gerges et Ibrahim Badr (ndlr. Mashrou’ Leila). Je proposais des morceaux à Cyril et Mounia qui les plaçaient dans la série. Puis ils sont allés étudier à Columbia University à New York, et je me suis retrouvé à faire la musique des films de plein étudiants de leur promotion. Des films espagnols, italiens, géorgiens, russes, brésiliens. Ayant jusque-là joué dans des groupes appartenant à des styles bien définis, j’étais confronté à des films qui se prêtaient à autre
chose. Ça m’a permis de m’épanouir et d’explorer des couleurs et des styles musicaux très différents, et de vraiment découvrir ce que j’adore. Quelle a été la rencontre qui a marqué votre carrière ? J’ai eu la chance de rencontrer Gabriel Yared deux fois, deux rencontres qui ont changé ma vie profondément. Ça s’est fait à travers Zeina Kayali, qui écrit sur les compositeurs libanais. Rencontrer quelqu’un qui a 20 ans d’avance, c’est génial, il te dit ce qui va t’arriver. Nous nous sommes vus dans son atelier, où il y a un mur recouvert de partitions du sol au plafond et un piano Steinway. La première fois, il m’a demandé quels compositeurs je lisais le matin. Je savais à peine lire la musique, j’étais un « jammeur » qui n’avait jamais déchiffré de Bach. Il m’a dit : « Allez vous former et apprenez à lire les travaux des grands maîtres ». Je me suis donc inscrit à l’École Normale de Musique de Paris pour suivre deux ans de cours d’harmonie, d’orchestration, de contrepoint et d’analyse musicale du répertoire classique. Mes professeurs étaient de vrais génies musicaux. Au bout de ces deux ans, c’était comme si quelqu’un avait branché une radio dans ma tête : j’étais capable d’entendre clairement la musique en lisant une partition, et de composer directement sur papier. J’ai revu Gabriel au terme de ces deux ans, il a déchiffré un de mes morceaux avec moi et m’a donné de vrais conseils de compositeur : « Ne pensez pas en harmonie, pensez en mélodie. L’harmonie découle de la 242
voie en les exposant à ce genre de morceaux contemporains.
mélodie. » Il m’a dit d’oublier tout ce que j’avais appris, que c’était en moi. Il m’a aussi dit que j’avais du goût, ce qui m’a beaucoup touché... Comment a commencé votre amour pour le cinéma ? À travers mon grand frère. On a grandi en regardant Woody Allen, Kubrick, Scorsese, Tarantino. En 2000 à Beyrouth il n’y avait pas moyen de voir un film sur internet. On allait chez Movie Max, et c’était mon frère qui me disait quels films prendre. Plus tard à McGill je pouvais aller à la médiathèque et emprunter toute la filmographie de Woody Allen, j’adorais. Même chose pour la musique, entre la CD-thèque et la Maison du Disque, c’est aussi mon frère qui m’a plus ou moins initié, de Hendrix à Pink Floyd. Il jouait déjà de la guitare quand j’ai commencé, donc c’était comme avoir un prof privé à la maison. Vivant à Beyrouth c’était une bouffée d’oxygène d’avoir mon frère et ses amis, un peu les intellos de Jamhour, qui m’ouvraient à la littérature et au cinéma.
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Un livre préféré ? Lettres à un Jeune Poète. C'est un livre qui m'accompagne depuis plusieurs années et que je redécouvre sous un nouvel angle à chaque relecture. Les mots de Rainer Maria Rilke me parlent tant sur le plan artistique que personnel. Il réussit à exprimer des ressentis que j'ai eus longtemps avant de découvrir ces lettres, que ce soit sur l'intégrité artistique, la créativité, ou la solitude... Un compositeur préféré ? Jonny Greenwood. Je recommande les films There Will Be Blood et Phantom Thread, de Paul Thomas Anderson, tant pour les films eux-mêmes que pour la bande son de Greenwood. Son travail dessus est remarquable. Heureusement qu’il y a quelqu’un comme lui aujourd’hui qui éveille les jeunes compositeurs et réalisateurs et leur ouvre la
Musiciens libanais préférés ? Il y a peu de compositeurs de musique de films au Liban à ma connaissance. J’aime surtout des bands. J’aime beaucoup ce que fait Charif Megarbane, le Cosmic Analog Ensemble : le timbre, la texture, les riffs... Aussi Mashrou’ Leila, j’adore ce qu’ils font, le chanteur est génial, les paroles sont belles, la musique est superbe, surtout l’album Ra’asuk. Un réalisateur avec qui vous aimeriez collaborer ? Xavier Dolan, mais il bosse avec Gabriel Yared ! J’aime beaucoup Ruben Östlund, le réalisateur suédois qui a fait The Square et Force Majeure. C’est vraiment un type de film que j’adore, avec un humour hyper décalé, c’est génial ! Il a aussi toujours des bandes son très originales. Sur quoi travaillez-vous ces temps-ci ? J’ai fait deux longs métrages ces deux dernières années. Le premier, The Prophecy, est une co-production française, un documentaire sur le réchauffement climatique qui est passé sur France 5 récemment. Le second, c’est The Swing, le dernier film de Cyril Aris qu’on vient tout juste de finir. C’est aussi un documentaire. Il a commencé sa tournée des festivals, là il rentre de Karlovy Vary. En parallèle, je pitch pour des séries qui vont être réalisées avec la BBC. Je n’en ai même pas les noms ; je propose une bande son en compétition avec d’autres compositeurs. Je viens de terminer une résidence de musique de film qui s’appelle Emergence, fondée par Elizabeth Depardieu. Cette expérience m’a mis en relation avec des réalisateurs et des producteurs du marché français. J’ai un film qui démarre en 2019, je ne peux pas en dire plus, mais c’est une réalisatrice avec qui j’ai déjà travaillé, et c’est son premier long métrage.
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LA PHOTO, LES AUTRES SEXES ET LA BEAUTÉ DU MONDE
LES FEMMES SONT … DANGEREUSES! Artemisia Gentileschi, Niki de SaintPhalle, Yoko Ono, Annette Messager, Sophie Calle, Etel Adnan, Frida Kahlo, Giorgia O'Keeffe… Attention, “Les Femmes artistes sont dangereuses”! Co-crée par Laure Adler – journaliste, écrivaine – et Camille Viéville – docteure en histoire de l’art – cet ouvrage passionnant retrace les parcours respectifs de grandes artistes qui, à travers les siècles, ont lentement œuvré pour leur autonomie artistique et la reconnaissance du travail de création, trop longtemps laissée aux seules mains des hommes. Rencontre avec deux auteures engagées. Laure Adler, Camille Viéville, d’où vient “Les Femmes artistes sont dangereuses”? Laure Adler. Ce titre vient d’une collection qui a démarré à l’initiative de Stefan Bollman, critique d’art allemand, avec qui j’ai co-signé deux ouvrages : « Les femmes qui lisent sont dangereuses » et « Les femmes qui écrivent sont dangereuses ». Camille Viéville. « Les Femmes artistes sont dangereuses » est né du désir de 244
PHOTO ENFANT NU AVEC BOCAL DE POISSONS ROUGES, 1906-1907, MUNICH, NEUE PINAKOTHEK. BPK, BERLIN, DIST. RMN-GRAND PALAISIMAGE BSTGS
Entre photographie et questions de genre, voici quatre ouvrages choisis au coup de cœur mais entre lesquels s’établit une ineffable parenté. De la pratique photographique de la grande Annie Leibovitz à celle des maîtres libanais de l’argentique ; d’un hommage aux femmes artistes à une interrogation du mythe de l’androgyne, se dégage la vision d’un monde tout à coup plus respirable.
PHOTO PETITE FILLE DANS UN FAUTEUIL BLEU, 1878, WASHINGTON, NATIONAL GALLERY OF ART. BRIDGEMAN IMAGES
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sensibiliser les lecteurs aux enjeux de l’accession des femmes à l’activité d’artiste depuis la Renaissance jusqu’à nos jours, aux nombreuses difficultés qu’elles ont rencontrées et qu’elles rencontrent encore, en dépit des efforts déployés ces dernières années pour y remédier. L’idée était donc, à travers l’essai de Laure et mes textes accompagnant la sélection d’environ soixante-dix artistes, de rendre plus visibles les combats des femmes depuis cinq siècles pour exister comme artistes, mais aussi de montrer l’évolution de leur statut ; une évolution qui n’a rien de linéaire. Comment avez-vous opéré votre sélection? CV. La sélection est le fruit d’une étroite et formidable collaboration entre les éditrices, Laure Adler et moi-même. Nous avons voulu refléter le bouleversement qu’a été le siècle dernier dans l’histoire des femmes artistes, devenues au fil des décennies de plus en plus nombreuses et de plus en plus présentes ; c’est pourquoi notre choix s’est porté majoritairement sur des artistes actives après 1900. Si ces artistes sont pour la plupart occidentales, nous avions aussi à cœur d’évoquer également la scène artistique marocaine, indienne ou chinoise. Par ailleurs, nous souhaitions aussi que de jeunes artistes, dont l’œuvre est encore en pleine maturation, soient présentes dans nos pages. Aussi assumonsnous, à travers cette sélection, une certaine subjectivité, qui nous semblait à la fois inévitable et nécessaire. LA. Je voulais beaucoup d’artistes vivantes et des jeunes. Nous avons souhaité suivre un ordre chronologique simple, quasi pédagogique, et sans prétention. Ce fut un grand plaisir que d’ajuster nos choix ! Chronologique, votre ouvrage débute par Sofonisba Anguissola et s’achève sur Lola Gonzàlez. Qu’est-ce qui, selon vous, relie ces deux femmes? 245
CV. Probablement l’impérieux désir de s’exprimer par les images ! Existe-t-il une forme de sororité entre les femmes artistes à travers les siècles? En d’autres termes, peut-on parler d’une forme de filiation sociétale et/ou artistique? LA. Non, il n’y a pas à priori de sororité entre ces femmes artistes car cette histoire est encore très mal connue… Et hélas très peu enseignée. Mais par contre, je dirais qu’il existe une sorte de compagnonnage entre les femmes artistes vivantes qui s’épaulent et souvent s’admirent. CV. En raison de leur extraordinaire rareté et de leur grand isolement, les femmes artistes ont longtemps été empêchées de créer des réseaux de soutien ou d’influence. Force est de constater que nombre de femmes ayant exercé une activité artistique avant le début du XXeme siècle ont surtout bénéficié de l’aide d’un père ou d’un mari artiste, plus rarement d’un maître d’atelier à l’esprit ouvert, conscients de leurs talents et prêts à les former, en dépit des pressions sociales et des obstacles institutionnels. Ces dernières décennies, les choses ont bien sûr évolué – dans certains pays en tout cas : la libéralisation de la formation des artistes et, plus largement, les avancées concernant le statut des femmes dans la société ont contribué à favoriser une forme de solidarité. Aujourd’hui, les jeunes artistes disposent de modèles, de figures tutélaires, susceptibles – ne serait-ce que symboliquement – de leur montrer la voie. Ce n’était évidemment pas le cas pour Artemisia Gentileschi au XVIIème siècle ni même pour Camille Claudel, deux siècles et demi plus tard. Quelle place la femme artiste détient-elle dans notre monde actuel? Sont-elles toujours aussi “dangereuses”? LA. Oui, je pense que les femmes artistes sont encore dangereuses aujourd’hui vu la place qui leur est donnée dans
les musées ; place systématiquement plus basse que celle des hommes même si, depuis deux décennies, des efforts considérables ont été faits par des conservatrices et conservateurs à travers le monde pour rendre visibles certains travaux majeurs de femmes artistes. Je crois que ce mouvement ne va pas s’arrêter car il y a beaucoup encore à découvrir! Les femmes artistes expriment pour nous, femmes comme hommes, un sentiment de puissance, de transgression des codes et l’expression de choses intimes. Bien sûr il y a des peintres qui l’ont fait - je pense bien-sûr à la remarquable exposition de Picasso au Musée d’Orsay - mais la forme d’abandon et de secrets divulgués par la démarche artistique n’est pas aussi forte que chez Louise Bourgeois, Annette Messager ou Kiki Smith pour ne citer que ces trois exemples… CV. Si on entend par ce terme «menaçantes pour l’ordre établi », probablement, oui. Non qu’il y ait un art proprement féminin – je récuse
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cette idée ! –, mais parce que le monde artistique, comme bien d’autres, reste structuré par les hommes, pour les hommes. Le corollaire de cela étant que les femmes restent largement minoritaires sur les cimaises des musées et des galeries, ainsi que dans les manuels d’histoire de l’art. Parmi ces artistes femmes, lesquelles ont façonné, influencé, inspiré votre propre parcours et pourquoi? CV. Beaucoup d’entre elles m’ont marquée et m’accompagnent toujours, mais l’une d’elles m’a probablement plus influencée que les autres : Niki de SaintPhalle. Je garde encore le souvenir ému de sa rétrospective organisée en 1993 au Musée d’art moderne de la Ville de Paris, alors que j’étais toute jeune adolescente. LA. Les deux artistes qui m’ont le plus impressionnée sont Niki de Saint-Phalle que j’ai eu la chance de bien connaître et de voir travailler et Louise Bourgeois qui me fascine et m’effraie jusque dans mes rêves… 246
Nous sommes en 1555, à Madrid. Sofonisma Anguissola se tient debout face à son chevalet. Dans le silence de son atelier, que lui murmurez-vous à l’oreille? LA. Je dirais à cette artiste de la Renaissance tout simplement : «C’est beau! Continuez!». CV. Je lui dirais : «Encore!» Nous sommes en 2018, à San Francisco. Etel Adnan inaugure “Etel Adnan: New Works” au SF MOMA. Dans la foule venue la célébrer, que lui susurrez-vous à l’oreille? CV. « Encore ! » (Rires). LA. Avec Ethel - que j’adore !- je rirais de la voir autant entourée, louée, sollicitée, célébrée; elle qui a vécu pendant des décennies ignorée et n’exposant que dans la galerie d’une de ses copines. Et j’irais boire un coup avec elle tout en lui récitant un de ses poèmes; car elle est aussi une merveilleuse poète! "Les Femmes artistes sont dangereuses", de Laure Adler et Camille Vieville chez Flammarion.
PHOTO DR; MME VIGÉE LE BRUN ET SA FILLE JULIE, 1789, PARIS, MUSÉE DU LOUVRE, DIST. RMN-GRAND PALAISANGÈLE DEQUIER ; ARTEMISIA GENTILESCHI, AUTOPORTRAIT EN ALLÉGORIE DE LA PEINTURE, VERS 1638-1639, LONDRES, THE ROYAL COLLECTION TRUST, HER MAJESTY QUEEN ELIZABETH II, 2018BRIDGEMAN IMAGES
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PHOTOS DR; MIKHAIL BARYSHNIKOV AND ROB BESSERER, CUMBERLAND ISLAND, GEORGIA, 1990; NICOLE KIDMAN, CHARLESTON, EAST SUSSEX, ENGLAND, 1997
L’AUTRE SEXE “Jadis, il y avait trois espèces d'hommes, et non deux: le mâle, la femelle, et une troisième composée des deux autres. Le nom seul en reste aujourd'hui ; l'espèce a disparu. C’était l'espèce androgyne”. A ces quelques mots – originels -, prononcés par Aristophane lors du tout aussi mythique “Banquet” platonicien, répondent aujourd’hui les "This ad is gender neutral" (Cette pub est sans genre) de la marque Diesel, et le "I resist definitions" (Je résiste aux définitions) de Calvin Klein entre autres slogans publicitaires. Ongles vernis, yeux ombrés, la mode célèbre la résurrection d’un mythe bimillénaire. De Saint Laurent, à Gucci, en passant par Louis Vuitton, Burberry, Givenchy, Dolce & Gabbana, ce sont autant de variations sur un thème qui renoue aujourd’hui avec la gloire qui défilent dans les pages d’“Androgyne, une image de mode et sa mémoire”. De la première représentation de l'androgynie dans l'Antiquité jusqu'à sa renaissance actuelle, le critique d’art français Patrick Mauriès dresse le portrait de l’Autre-Sexe, à travers les temps, afin de mieux comprendre ce désir aussi brûlant que singulier d'échapper à toutes les définitions. Séduisant ! www.thamesandhudson.com
SIGNÉ LEIBOVITZ Annie Leibovitz est l’une des figures incontournable de la photographie contemporaine. Ses clichés, nimbés de poésie, empreints de sophistication, ont forgé à travers ses quelques 50 ans de carrière sa renommée de plus grande portraitiste du monde. Dans "Annie Leibovitz at Work" – ouvrage de référence publié en anglais en 2008 chez Phaidon, aujourd’hui disponible en français dans une version revue et mise à jour – la grand-prêtresse s’adresse aux photographes et autres passionnés ès chambres obscures. Travail en studio, photojournalisme, portraits de danseurs et de sportifs, transition entre l’argentique et le numérique, Leibovitz dévoile des pans entiers de sa vision et, surtout, de sa pratique. Une occasion rare de se faufiler dans les coulisses de ses clichés les plus emblématiques – une galerie panthéon qui recèle les portraits de John Lennon, Yoko Ono, Meryl Streep, Keith Haring, Joan Didion, Mikhaïl Barychnikov, Patti Smith, William S. Burroughs, Elizabeth II et Barack Obama. Un must-collect ! www.phaidon.com 247
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LA GRANDE IMAGE LIBANAISE Le doigt sur le déclencheur, Clémence Cottard Hachem (codirectrice de la Fondation Arabe pour l’Image) et Nour Salamé (fondatrice des éditions Kaph Books) braquent leur viseur « Sur la Photographie au Liban » avec pour objectif de capter la lumière telle que vue, revue, perçue, rêvée, fantasmée, sublimée, irradiée par les artistes libanais. Sans filtres, ce sont au total plus de 40 chercheurs et praticiens qui se penchent sur le faire-image libanais. Dans cette chambre claire obscure, les essayistes partagent leurs regards sur la photographie au Liban « comme autant de manières d’être de celle-ci », dixit la quatrième de couverture de cet ouvrage qui, avant même sa publication, était attendu comme une référence du genre. Point focal frontispice, cette conversation, précieuse, avec Etel Adnan dans laquelle la doyenne des arts libanais évoque ses premiers souvenirs, ses premiers émois artistiques. « Vers mes 12 ans déjà, quand on me demandait ce que je voulais faire plus tard, je disais que je voulais être chasseur d’images ». Et c’est peut-être à travers le regard embué d’émotions d’Etel que l’on peut le mieux se mettre, à notre tour, à chasser des images.
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De Paul Deschamps à Fouad Elkoury en passant par Manoug Alemian, Walid Raad, Ali Cherri, Paola Yacoub, Nadim Asfar, Gabriele Basilico, Engram, Lara Tabet, Raymond Depardon, Randa Mirza, Tanya Traboulsi, Gilbert Hage, Rania Matar – et puis tant de clichés anonymes – l’imagier libanais se déploie devant un regardeur-lecteur fasciné face à cet incessant déferlement argentique et/ou numérique. À l’écrit, ce sont les mots-révélateurs de Ghassan Salhab, Walid Sadek, Ghada Sayegh, Gregory Buchakjian qui parmi tant d’autres auteur(e)s tentent de faire lumière sur la camera oscura libanaise, de développer notre Grand’Image. Eblouissant ! 248
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The Ballroom Blitz invite la scène alternative PA R P H I LI P P I N E D E C LE R M O NT- TO N N E R R E
Fraîchement installée dans le quartier de la Quarantaine, cette salle de concert polyvalente réunit, chaque semaine, artistes confirmés et musiciens émergents.
Bienvenue dans la nouvelle antre de la scène électro. The Ballroom Blitz a ouvert ses portes le 5 octobre à la Quarantaine, ce quartier au nord de Beyrouth où la boite de nuit The Grand Factory est déjà installée depuis 2014. Le concept est plutôt inédit puisque cet espace de 800 m2 est conçu pour accueillir simultanément trois spectacles dans trois salles différentes. « L’idée est de pouvoir apporter une polyvalence au niveau d’une même soirée, avec plusieurs genres musicaux, que ce soit de l’électro, du trip hop, de la house, ou de l’électro jazz », explique le propriétaire Joe Mourani. En deux mois d’ouverture, l’endroit compte déjà un beau panel d’invités. Parmi les artistes conviés ces dernières semaines figurent notamment les Français Chinese Man, le Néerlandais San Proper, les Allemands Spencer Parker, Martin Buttrich et Michael Mayer, ou encore l’Irlandais Max Cooper. Après plusieurs années dans le monde de la restauration et de la nightlife, Joe et Nayla Mourani (Miu, Stereo Kitchen) opèrent avec The Ballroom Blitz un virage plus sélectif. « On était dans la musique plutôt commerciale, celle qu’on entend à la radio. On a réalisé qu’il y avait quelque-chose à faire
pour promouvoir la musique alternative et les artistes libanais », confie-t-il. Avec son ami et collaborateur l’architecte Paul Kaloustian, il a imaginé un lieu propice à l’échange et l’émulation artistique. La première salle, le lobby, comprend un bar et une terrasse où l’on peut boire un verre et « socialiser » en attendant le début des concerts. Un panneau d’affichage annonce l’heure d’arrivée des différents artistes. On accède par un corridor aux deux autres salles : la principale, The Ballroom, dédiée aux concerts les plus importants, et The Gold Room, pensée comme un studio d’enregistrement avec une pièce dans la pièce, entièrement insonorisée. C’est là que se tiendront notamment les workshops d’enregistrements. En marge des concerts, The Ballroom Blitz se veut un espace destiné à accueillir tout un tas d’activités para-musicales : ateliers, expositions, etc. « L‘idée est de créer un pont entre les grands artistes et les jeunes, un lieu d’initiation pour ceux qui veulent se lancer dans la musique ou l’enregistrement. Nous voulons ouvrir pour les jeunes musiciens une porte aux débats et échanges d’idées. Il n’y a pas assez de réflexion autour de ce genre de métier », conclut Joe Mourani.
Imm. Harley Davidson, Route côtière, +961 76 999 334, www. instagram.com/ballroomblitzbeirut/ 250
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LES BOUQUETS DE MAITRE DE SYBIL LAYOUS Elle n’est ni fleuriste, ni décoratrice, ni arrangeuse de bouquets pour la seule beauté du geste. Artiste florale sous le label «FLOR:ISH», Sybil Layous s’inscrit dans la lignée de ces créateurs pour qui le bouquet est une palette, une toile vierge, une inspiration qui apporte une nouvelle dimension à un shoot de mode ou à une exposition artistique.
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PAR F.A.D
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Malgré son jeune âge, 28 ans à peine, Sybil Layous affiche un parcours truffé de tâtonnements qui ne donne que plus de poids à ce métier d’artiste florale auquel elle se voue désormais avec une passion dévorante. Diplômée en graphic design de la LAU, elle complète sa formation par un master en promotion et communication de mode à Marangoni Paris. Elle est aussitôt engagée par Maison Margiela dans son équipe de communication digitale. C’est le début d’une immersion de quatre années dans cet univers de la mode qui l’attire depuis l’enfance, et quel univers, sous la houlette de John Galliano! « J’y ai grandi, j’y ai tellement appris, j’y ai rencontré des gens exceptionnels et vécu des expériences extraordinaires. C’est littéralement le lieu où j’ai ouvert les yeux sur le monde. Rien ne peut être comparé à cela », affirme Sybil
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Layous. Elle rêve cependant de rejoindre au Qatar son futur mari [après une relation à distance de 5 ans]. Mais, gravissant rapidement les échelons, elle se retrouve responsable de son secteur. D’ajournement en ajournement et après profonde réflexion, elle se résout à quitter Paris pour Doha, épouse son amoureux et s’intègre, dans l’émirat, à la communauté des « expats ». Tâtonnements créatifs Sybil est heureuse. Elle a enfin rejoint l’homme de sa vie et sur le plan personnel, tous ses compteurs sont au beau fixe. Il lui faut à présent se réaliser sur le plan professionnel. L’occasion de le faire se présente grâce à la créatrice qatarie Wadha Al Hajri. Pour le label « Wadha », elle s’occupe de l’installation d’un showroom à Paris durant la fashion week et gère la communication 253
et les relations avec la presse. Sa mission dure six mois au bout desquels elle a toujours le sentiment de ne pas être à sa place, de ne pas faire le métier de ses rêves. Métier pourtant qu’elle n’arrive ni à cerner ni à définir. S’ensuit une traversée du désert au cours de laquelle, pour s’occuper, elle navigue à travers les réseaux sociaux. Elle s’en veut de « perdre son temps », mais son mari l’encourage et lui conseille de mettre ce vide à profit pour se chercher. Elle se retrouve inconsciemment en train de suivre les comptes d’artistes floraux et de céramistes. Ces images l’absorbent, lui offrent un support de méditation. A son retour à Beyrouth, elle s’inscrit à l’atelier de poterie de Nathalie Khayat. Elle intègre ensuite un atelier à Copenhague avec le maître céramiste Eric Landon. Elle est heureuse de ce travail manuel dans lequel elle
ART FLORAL
s’implique corps et âme. Le résultat tangible que lui offre l’œuvre finie est pour elle infiniment gratifiant. Les fleurs, comme une révélation Elle s’essaie ensuite à l’art floral et c’est en explorant cette voie que lui vient une sorte d’illumination. La voilà, sa place ! C’est cela qu’elle voudrait faire, fascinée par l’œuvre de Georgia O’Keffe, Robert Mapplethorpe ou Nobuyoshi Araki autant que par les vanités des maîtres flamands. Les comptes Instagram et Pinterest qu’elle écume lui donnent des pistes. Elle découvre une véritable tendance, une nouvelle vague d’artistes floraux à travers le monde, notamment à New York où la discipline fait fureur. Est-ce pour autant un « vrai » travail, au sens où elle pourrait en vivre ? Elle en doute, jusqu’à sa rencontre avec une ancienne amie devenue photographe, à laquelle elle se confie. Celle-ci l’encourage à foncer et lui offre un shooting. A la date convenue, 10 bouquets sublimement créatifs sont prêts. Le résultat des photos confirme à Sybil qu’elle se trouve dans un processus sérieux. Il y a quelques jours, Sybil Layous a envahi les locaux de L’Officiel Levant à la manière d’un printemps précoce, semant ici et là ses fleurs coupées, étranges anthuriums aux couleurs insolites, fougères traitées comme des plumes aquarellées, feuilles séchées, décapées et repeintes. Avant d’en arriver là, elle a étudié toutes les fleurs et appris leurs noms pour mieux les tutoyer. C’est parmi elles qu’elle a enfin trouvé sa vraie place. www.florishstudio.com 254
PHOTO MICHÈLE AOUN
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AĂŻshti by the Sea, Antelias T. 04 71 77 16 ext. 274 and all AĂŻzone stores T. 01 99 11 11 Follow us on instagram: @melissashoeslebanon
www.melissa.com.br
ROSSINI, UN A I R D ’ I TA L I E A U PHOE N ICIA PAR F.A.D.
Rossini comme le compositeur du Barbier de Séville, Rossini comme le tournedos, Rossini désormais comme « Osteria e caffè », le nouveau restaurant italien de l’hôtel Phoenicia où souffle la joie de vivre et pétillent les saveurs de la Grande botte à une encablure de la mer.
C’est précisément dans cette tradition que s’inscrit le Rossini, servant le matin café et viennoiseries et, à déjeuner ou dîner, toute la farandole du rituel italien, soupes, antipasti, charcuterie, pizzas, pâtes et rizottos, plats cuisinés et desserts.
Le menu est établi en fonction des produits de la saison, toujours frais et livrés du jour. L’après-midi, on peut savourer un authentique gelato. Le sommelier vous aide à choisir votre vin parmi les nombreuses bouteilles sélectionnées pour l’accord harmonieux qu’elles forment avec les plats proposés. Accueillant 100 convives à l’intérieur et 44 en terrasse, le Rossini, situé en plein cœur de Beyrouth, à la croisée de tous les secteurs de la ville et bénéficiant de la proximité de la Méditerranée est le parfait lieu de rencontre et de rendez-vous, le soir pour un verre au bar ou un dîner gratifiant après le travail, ou pour une agréable rupture de la journée autour du repas de midi. Mais on n’a pas besoin de prétexte pour se laisser couler dans son atmosphère chaleureuse. Et si l’on n’y est pas forcément bercé par les airs du grand compositeur du 19e siècle dont il porte le nom, on n’en est pas moins plongé dans une atmosphère simple et raffinée, pour un moment de vrai plaisir sans chichis, au prix moyen de 35$ par personne.
Phoenicia Hotel, Minet El Hosn, Beyrouth, +961 1 369 100 256
PHOTO DR
Le plus authentique des restaurants italiens vient de s’installer au rez-de-chaussée de l’hôtel Phoenicia dans un décor convivial et chaleureux donnant sur la mer, l’animation de la rue et la scénographie paysagère de l’iconique palace beyrouthin. Ouvert du lundi au dimanche, de 10h à minuit, le Rossini est conçu comme une Osteria, cette auberge italienne qui, traditionnellement, sert essentiellement du vin et une cuisine maison, simple et savoureuse, pâtes, viande, poisson à partager sur une table d’hôte. Généreuse, la tradition gastronomique italienne obéit à un long rituel de dégustations où se succèdent soupes, entrées, premiers et seconds plats, pizzas, pains en tous genres, charcuterie et dessert, le tout arrosé de vins solaires et couronné par une liqueur, limoncello, amaretto, et un café, breuvage pour lequel la réputation du pays n’est plus à faire.
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VIN
LE TERROIR EN BOUTEILLE PA R M A R I A L ATI
Réveil à 5h du matin, le brouillard se promène entre les arbres, les perles de rosée brillent sur le raisin, c’est l’heure de la récolte. Après un été gorgé de soleil, ponctué de nuits fraiches, les fruits sont à point pour les vendanges. Dans ce climat propice, dix-huit cépages différents s’épanouissent sur un domaine de soixante-cinq hectares niché entre les montagnes. La sécheresse donne de la vigueur aux racines qui puisent l’eau de pluie retenue dans la terre caillouteuse au fil des années, et le vent élimine naturellement les insectes ravageurs. Sous l’œil avisé de l’œnologue venu de Grèce, qui accompagne le projet depuis ses débuts, et qui a fait ses armes sous le soleil des parcelles immenses d’Australie, les grappes de Chardonnay, Albariño, Fiano ou Viognier sont d’abord trillées toutes fraiches sur le terrain. Elles produiront ensuite l’un des vins signatures de Latourba dont le goût reflète ce climat si particulier de le Bekaa. Dans la collection Latourba, on trouve ces vins jeunes, le blanc Cival, qui emprunte son nom aux cigognes qui survolent sur leur chemin migratoire la vallée et son lac, le rosé Solac pour accompagner un coucher de soleil, et le rouge Simil, clin d’œil aux civilisations millénaires qui ont foulé ces terres. Les vins mono-cépages Petit Verdot, Merlot, Cabernet Sauvignon et Syrah sont vieillis dans des futs de chêne, et un premier assemblage, le Litaj, au gout corsé de Cabernet Sauvignon, Syrah et Merlot porte sur sa bouteille la silhouette d’un pêcheur qui chaque jour, dans sa barque, glisse sur l’eau à travers les champs qui couronnent le Litani. Sur les terres de Saghbine, Christine et Elie Chehwane, les propriétaires de Latourba, souhaitent rendre hommage aux civilisations qui se sont installées depuis des siècles, conscientes de la douceur du climat et de la localisation stratégique de cette vallée entre deux collines. Autrefois
baptisé la région du pressoir, ce carrefour de production et distribution du vin en partance pour le port de Haïfa et Baalbeck, recèle toujours des vestiges d’amphores en argiles. Les propriétaires ont même retrouvé des grottes qui, sembleil, servaient de cimetière à l’époque où les Romains cuvaient leur vin dans la région. Il y a quatorze ans, le couple plantait ses premières vignes avec pour objectif de faire prospérer les village alentours et d’y faire revenir les habitants. Dix années plus tard la première cuvée est au rendez-vous et le domaine s’est enrichi d’une ferme où les chevaux gambadent à l’affut de cavaliers assidus et où les vaches -dont le lait est apporté aux laiteries alentours ou sera transformé en fromage affiné- broutent paisiblement dans les champs aux couleurs du soleil. Sous l’aile des oiseaux migrateurs, les épicuriens peuvent s’installer à la tablée du domaine pour déguster des produits du terroir, cuisinés sur place et arrosés de bon vin. Sur ce champ fertile, ou la patience et l’amour de la terre rythment les projets, la famille envisage de créer des activités d’écotourisme. Outre la table d’hôte et la ferme, des sentiers de randonnées se dessinent. Mais déjà depuis octobre, sur les comptoirs de la boutique restaurant ouverte par Christine et Elie à Sin el Fil, les passionnés peuvent déguster le premier cru de vin effervescent libanais, Unique. Avant d’introduire les bulles sur la scène du vin libanais, le jeune couple s’est rendu en Champagne-Ardenne pour en rapporter la méthode de fabrication traditionnelle. Cette procédure minutieuse requiert une seconde fermentation effectuée directement en bouteille et chaque jour les bouteilles sont retournées sur leur pupitre dans le sens des aiguilles d’une montre. Patience et longueur de temps sont le credo de ces deux amoureux des choses bien faites qui parviennent à capturer la richesse de notre histoire dans leurs bouteilles.
https://latourba.com/ 258
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Dans la plaine de la Bekaa, là où le fleuve Litani vient se déverser sur les bords du Lac Qaraoun, les vignes de Latourba s’imprègnent des saveurs du terroir libanais fait d’histoire, de traditions et de résilience.
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SAVEURS
PRÊTS, CUISINEZ ! PA R M A R I A L ATI
Hady Salhab est assis au salon chez son amie et attend que celle-ci raccroche le téléphone, mais la conversation se prolonge. Cette dernière discute avec sa mère. Elle lui demande en détail la recette du Loubieh bi zeit, haricots à l’huile, plat traditionnel de notre cuisine méditerranéenne. Elle se renseigne sur les quantités, la cuisson, mais veut aussi savoir où trouver les bons ingrédients et note le tout pour s’assurer de ne rien oublier. Pour Hady c’est le déclic. En pensant à son amie cuisinière en herbe et à nous autres qui voulons nous y mettre, il crée Inabox. Un clic sur le site internet et une boite vous est livrée à la maison. À l’intérieur se trouvent les ingrédients prêts pour cuisiner le plat du jour. Au menu, des options de mets libanais : riz au poulet, Daoud Basha, petits pains au zaatar ou plus exotiques ; risotto aux crevettes et citron, salade de nouilles assaisonnée de beurre de cacahuète ou tagine d’agneau. Féculents, protéines et légumes, les plats sont équilibrés et les ingrédients sont sélectionnés avec soin. Pour faciliter la tâche, chaque ingrédient livré est déjà partagé en portions, coupé et lavé selon les indications de la recette. Avec chaque déjeuner ou diner une fiche technique précise les quantités exactes, le temps de préparation et cuisson, les étapes à réaliser une à une, le niveau de difficulté de la recette, les calories et nutriments mais aussi une suggestion d’accord met et vin. Le vin est lui aussi disponible à la commande sur le site. Une fois le repas terminé, Inabox peut passer reprendre les boites. Plastiques et cartons seront recyclés et chaque jour les restes de nourriture inutilisés et conservables sont stockés et distribués à la Lebanese Food Bank. Les recettes sont souvent conçues par Hady, lui-même passionné de cuisine, et son chef cuisinier. L’entrepreneur débute sa carrière dans la restauration, quand, encore étudiant,
il travaille dans un bar pour financer ses études de droit. Il ouvre ensuite le café Malilou avec sa mère puis enchaine les expériences dans le domaine hôtelier, au Gefinor à Beyrouth, au W au Qatar, à l’Intercontinental à Bahreïn et au Sheraton à Bilbao avant de poursuivre un MBA en Espagne. Son bar, Dictateur, à Mar Mikhaïl, devient un must de la vie nocturne beyrouthine. Mais au bout de quelques années, Hady décide de passer à un nouveau projet ou il pourra travailler de jour. Féru de bon petits plats, et surtout de desserts, il compose une bonne partie des recettes pour Inabox et s’associe à Peter Afeiche, créateur de nombreux concepts culinaires dont Peter’s Gourmet Delights: des petits pots et bocaux de beurre, tapenade d’olive, sauces et chutney produits de manière artisanale. Ensemble ils envisagent de diffuser le concept Inabox et préparent des animations comme un évènement au bar 429 à Gemmayzé au cours duquel des spécialités pourront être goutées et les boites de préparation proposées sur place. Hady a pour objectif de bâtir une communauté d’échanges autour de l’art culinaire. Les amateurs de cuisine peuvent collectionner les recettes qu’ils reçoivent dans la box pour composer leur propre carnet. Sur le site d'Inabox les chefs peuvent à leur tour partager leurs recettes. Celles-ci sont décomposées en étapes, dix tout au plus, avec un temps de préparation limité à quarante minutes et un nombre d’ingrédients limité à quinze. Le tout est photographié par Hady avant d’être organisé dans une boîte Inabox. Déjà une vingtaine de chef ont proposé leurs spécialités, qui sont venus s’ajouter au menu sur le site. La sélection de plats, avec option végétarienne, peut être commandé au jour le jour ou à l’avance, via un abonnement hebdomadaire ou mensuel. Désormais, plus d’excuses pour ne pas s’y mettre.
www.inaboxlb.com 260
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Un petit coup de pouce pour se mettre aux fourneaux n’est jamais de trop. Les boites Inabox viennent à la rescousse des cuisiniers amateurs : ingrédients, dosage, recettes tout y est, il n’y a plus qu’à se lancer.
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UN GOÛT DE MÉDITERRANÉE PA R M A R I A L ATI
Les soirées fraiches d’hiver, on se rassemble autour du feu, et les histoires fusent. Chez Zimi, c’est autour du four à pain que l’on se retrouve pour partager des récits culinaires.
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RESTAURANT
Le chef enfourne une pizza, sort de délicieux petits pains arabes gonflés et se retourne pour parler avec les clients au comptoir. Il leur montre les pide, ces pains en forme de barque qui se dégustent dans les bazars d’Istanbul. Ici, on sert du street food inspiré des quatre coins de la Méditerranée pour ceux qui veulent retrouver l’ambiance d’une taverne grecque ou d’une cantine enfouie dans les ruelles de Dubrovnik. Les dips affichent des couleurs vitaminées : corail pour le ajvar venu des Balkans, aux poivrons rouges et aubergines, mauve pour le tatziki grec à la betterave ou orange pour le yaourt aux carottes, recette venue d’Anatolie. Ils sont destinés à être partagés, au côté de salades originales, comme la crunchy malfouf, un gâteau de choux rouges parsemé de noix et pistaches, assaisonné à la mélasse de grenade. Zimi en grec signifie pâte. Celle-ci est le produit phare du restaurant et bénéficie d’une fermentation lente pour une dégustation en toute légèreté. Elle deviendra Man’oushe au kishk et noix, pizza végétarienne aux champignons ou à l’ail et coriandre, ou pide farci de poulet au miel, de feta et épinard ou de sujuk fait maison. Dans des mini poêles, des classiques conviviaux sont préparés ; moussaka, macaroni, ratatouille ou shakshouka, mais aussi de moelleux desserts comme la pâte de cookie avec glace vanille ou le coussin de Nutella accompagné de fraises.
un espace en extérieur sous les parapluies multicolores de The Alleyway, Zimi arbore les couleurs de la Méditerranée. Façade bleue, lampes d’où jaillissent des sortes d’épis de blés, mur de briques blanches, et azulejos autour du bar, la décoration a été conçue par l’architecte d’intérieur Antoine Tabet. Rami Demirdjian a quitté son travail dans la finance pour rentrer au Liban, après des années passées à l’étranger, et y ouvrir son restaurant. Il s’est associé à d’autres globe-trotters, Ali Daoud, vétéran de la restauration et Barbara Abdeni Massaad, chef chevronnée, auteur d’ouvrages culinaires primés à l’international et ambassadrice du mouvement Slow Food pour le Liban, qui s’est amusée à redécouvrir les classiques du comfort food méditerranéen.
Ouvert début octobre sur la rue animée de Gemmayzé avec
Gemmayzeh,+961 1 449 920, www.instagram.com/zimieatery/ 263
Dans cette ambiance familiale, Dyma, la sœur de Rami, journaliste, s’occupe des relations publiques et Albert, le fils de Barbara, diplômé de l’Institut Paul Bocuse, est aux commandes derrière les fourneaux. Assis autour du bar qui entoure le grand four aux trois entrées d’où sort le pain chaud, on peut, au choix, siroter une boisson méditerranéenne ; ouzo, Bellini ou Limoncello macéré sur place, gouter l’une des spécialités de la semaine comme la pizza aux escargots, ou prendre une petite pause entre deux bouchées pour observer le chef qui prépare une panna cotta aux zestes de citron. Rue Gouraud,
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RESTAURANT
POUR L’AMOUR DE L’AVOCAT PA R P H I LI P P I N E D E C LE R M O NT- TO N N E R R E
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Propriétaires de L’AVO, Ali Faraji et Mohamed Khalifé se saisissent du nouvel ingrédient star de nos assiettes pour en faire un concept restauration.
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Derrière le comptoir, les restaurateurs viennent de terminer le service de midi. Ali Faraji et Mohamed Khalifé sourient. Respectivement 27 et 28 ans, ils savourent la satisfaction de voir leur projet, au départ un peu fou, enfin abouti. Les deux amis ont ouvert il y a deux mois L’Avo, petit restaurant situé en lisière de Geitawi, à la fin de l’avenue Charles Malek. Sa particularité: l’enseigne est 100% dédiée à l’avocat, un ingrédient pour lequel ils se passionnent depuis longtemps. « On avait l’habitude de préparer du guacamole pour nos amis. Tout le monde le trouvait très bon. Un jour, comme il restait des avocats et que nous n’avions pas de dessert, nous avons eu l’idée d’y ajouter du miel et c’était délicieux. Nous avons alors réalisé le nombre de possibilités qu’offre ce fruit. Ca a été une sorte de déclic », raconte Ali. Lui a déjà huit ans d’expérience dans la restauration à Paris et Dubaï. Autant pour Mohamed, dans un secteur tout autre, celui de l’équipement médical. «
RESTAURANT
On a décidé de quitter nos jobs, de prendre le risque », enchaîne Mohammed. « En faisant des recherches, on a appris que le premier restaurant dédié à l’avocat avait ouvert en 2017 à New York. La même année, d’autres ont dupliqué le concept à Paris, à Londres ou encore Amsterdam. On a eu l’idée de le faire au Liban où les gens sont en général assez réceptifs à toutes les idées lancées à l’étranger », explique le Libanais. Au bout de neuf mois de réflexion, ils tiennent leur concept. Un restaurant destinés aux mordus d’avocats comme eux. L’ingrédient du moment « C’est vraiment le fruit favori de la nouvelle génération. L’idée cartonne partout dans le monde, surtout avec la tendance du moment qui est au healthy food et au vegan. On attire beaucoup de végétariens et de sportifs », poursuit Mohamed. Il faut croire que la formule a pris. Les restaurateurs affirment tourner au rythme d’une centaine de couverts 265
par jour, une quarantaine en livraison à domicile. Le restaurant emploie quatre personnes, en plus de Ali et Mohamed qui se partagent entre la salle et la cuisine. « On est tour à tour chef et serveur ! » lance Ali. A la carte, le restaurant propose une vingtaine de plats. Tous ont l’avocat en commun. Les comparses ont fait preuve de créativité. « Il existe une infinité de mets qu’on peut réaliser avec l’avocat. L’idée était d’introduire de nouvelles saveurs avec une touche libanaise », souligne Ali. Au menu figure par exemple l’Avo Beetroot, un hummus de betterave surmonté d’une touffe de mesclun, de radis, de pignons de pin, de grenades et bien sûr d’avocat. Côté dessert, l’Avo Lime Cheesecake, la spécialité de la maison, aussi surprenante que savoureuse, est un pur délice. Et les entrepreneurs ne comptent pas s’arrêter là. Les as du guacamole songent déjà à leur prochain projet, un service traiteur, évidemment dédié à l’avocat.
Rue Saint Louis Street, Badaro, +961 1 44 55 65
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CONCEPT
M I N T BA S I L M A R K E T, L A NAT U R E E N LIGNE PAR MYRIAM RAMADAN
Bien se nourrir est de nos jours une obsession, une priorité, et même un art de vivre qu’on n’en finit plus de peaufiner. Mint Basil Market, un nom tout en parfums, est une nouvelle épicerie en ligne spécialisée dans les produits sains. Après une incubation réussie à Flat6B, cette start-up est déjà accessible en ligne. Il y neuf ans, victime d’un problème de santé, Vanessa Zuabi doit changer d’alimentation et de mode de vie. Récemment installée à Beyrouth, elle avait dû galérer pour trouver des produits alimentaires mais aussi cosmétiques et ménagers, qui soient naturels, biologiques et sans additifs chimiques. Sautant d’une boutique à l’autre, aucune n’ayant une offre complète des articles qu’elle recherche, elle devient obsédée d’adresses et de tuyaux et en parle avec toutes les personnes qu’elle rencontre, dans l’espoir de trouver quelque nouvelle pépite dans son parcours du combattant. Il lui arrive de rêver de pouvoir trouver, à portée de clic, la liste entière des articles qu’elle recherche, qui plus est livrée à son domicile. La nécessité étant mère des inventions, le projet de créer ellemême ce site magique commence à lui trotter dans la tête. Et c’est finalement une rencontre qui la décide à se lancer : Lara Noujeim, une amie d’amis, est prête à faire tandem avec elle pour créer ce marché virtuel où l’on ne trouve que du bon et du sain.
Un même intérêt pour le bien-être et le bien-vivre Les deux futures entrepreneures se réunissent, réfléchissent ensemble, partagent leurs visions respectives, et finissent par tâter l’eau à travers un compte Instagram initié en décembre 2017. Les réactions ne se font pas attendre et l’enthousiasme que suscite le projet appelle une réponse rapide. C’est ainsi que Vanessa et Lara fondent Mint Basil Market. Ce nom où se mêlent les senteurs fraiches du basilic et de la menthe n’est pourtant pas, en l’occurrence, celui d’un magasin de primeurs. La liste de six cents articles naturels et sans additifs bientôt disponible en ligne sur le site Mint Basil ne comporte pas, pour l’instant, de produits frais et périssables. Fabriqués localement ou importés, tous les articles, alimentaires et autres, sont destinés à être livrés à l’adresse du client. Mais le site ne se contente pas de regrouper et de redistribuer lesdits produits. Il se prête à la création d’une communauté de personnes partageant un même intérêt pour le bien-être et le bien vivre, 267
et satisfait la curiosité de ses adeptes en leur fournissant des explications honnêtes sur la composition des produits. Ainsi, un produit peut être naturel sans être nécessairement bio ou organique. Ces catégories sont bien signalées pour éviter la confusion. Le site propose par ailleurs des conseils et des recettes. Parallèlement au site internet, une application a été développée pour permettre une utilisation plus intuitive du service. À terme, Mint Basil Market envisage de multiplier son offre produits par trois et de cibler Dubaï en plus de Beyrouth. Une vaste clientèle de mères soucieuses de développer au sein de leur foyer de bonnes habitudes alimentaires, ainsi que de sportifs et adeptes du fitness, trouve dans ce concept une réponse à ses attentes. André Malraux avait bien envisagé une perspective « religieuse » pour le XXIe siècle, mais l’obsession de notre époque pour la qualité des nourritures terrestres et de l’environnement lui a visiblement échappé. www.mintbasilmarket.com
C’est le propre des grands chefs que de se réinventer, en humant l’air du temps sans jamais s’enrhumer. À SaintGermain, Cyril Lignac a repensé des murs à la carte son dernier restaurant, le très couru bistrot Aux Prés. PA R B A PTI STE P I É G AY 268
PHOTO CHARLOTTE LINDET
LE BONHEUR EST DANS LES PRÉS
Le 27, rue du Dragon a eu plusieurs vies : le Claude Sainlouis y attira un Saint-Germain ripailleur avant que Cyril Lignac, en 2011, eût l’excellente idée de le (re)mettre en harmonie avec un quartier rajeuni qui n’attendait que ça, le rebaptisant Chardenoux des Prés (frère jumeau du Chardenoux de l’Est parisien). En y injectant une cuisine bistrotière moderne, voluptueuse, il mit dans ses veines mieux qu’un nouveau souffle : une vie neuve, respectueuse du patrimoine, mais soucieuse de ne pas s’endormir dans son sarcophage d’institution. L’époque aspirant à laisser ses appétits s’épanouir sans se ronger les ongles de culpabilité, la carte s’allégea, regarda vers d’autres imaginaires culinaires, et le lieu prit l’identité d’Aux Prés. L’une des équipes de salle les plus sympathiques de la capitale achevait d’en faire l’étape préférée des passants curieux, des mondains rieurs, des dîneurs sérieux. On croit, à tort, qu’un chef, une fois en place, étoilé (comme Lignac l’est au Quinzième), connu et reconnu, s’en satisfait. Pas lui : après avoir conçu le Bar des Prés voisin, où assiettes crues haute couture et cocktails cascadeurs ont remporté des suffrages enthousiastes, il a bouleversé la cuisine du 27 dans un geste respectueux de ses valeurs et généreux – car quoi de plus altruiste que d’aspirer à toujours étonner et séduire ses clients ? Le studio de design KO a repensé avec tact et sensualité l’espace, lui offrant un bar sublime, jouant avec les ombres et lumières, concevant le genre de lieu que les Parisiens envient à Londres quand ils débarquent de l’Eurostar. Si une vibration de salle ne fait pas tout, c’est elle, aussi, qui affûte l’appétit ou l’éteint. Ici, tout concourt à valoriser une carte aiguillant au gré des saisons la curiosité du côté de l’Amérique latine (exceptionnel tiradito de yellow tail, onctueux ceviche de saumon, lèche de tigre), invitant à une embardée marine (black cod caramélisé au miso, champignons Portobello), suggérant des folies gourmandes (penne au homard et crème de basilic). Seul repère familier : ce pain perdu modulé au fil des saisons – dont le génie gourmand ne nous quittera jamais.
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ÉVASION
En pénétrant dans ce hameau du xviie siècle, en plein parc naturel du Perche, on aurait presque l’impression d’interrompre un déjeuner privé. Les herbes aromatiques du potager embaument sous la chaleur écrasante de la fin juillet, un chat tigré nous observe depuis un banc ombragé, et on entend le cliquetis des c ouverts sur les quelques tables en bois installées dans la cour. On est ici chez D’une île, havre hors du monde, bulle de respiration de l’élite parisienne. Depuis l’ouverture en 2011 par un couple de créatifs d’Amster dam lassés de la ville, les chefs, stylistes, musiciens s’y reposent, soulagés par la rusticité du lieu, accueillis comme chez eux dans un décor où s’accordent tomettes anciennes, poutres apparentes, vases fleuris et mobilier signé ou chiné dans les brocantes de la région. Passé aux mains de Bertrand Grébaut, chef de l’étoilé Septime, de sa Cave et de la bicoque voisine Clamato, flanqué de son associé de toujours Théophile Pourriat, l’endroit repris début mai promet de conserver son statut d’auberge de bon goût. Réparties dans les anciennes granges retapées avec l’attention toute particulière des citadins retirés à la campagne, les huit chambres vont du nid immaculé de 25 m2 à la vraie maison de campagne pour six personnes, avec sa cheminée et son lit cabine, en passant par la petite suite sous les toits, invitation au farniente avec son ottomane et son tourne-disques. Le personnel se fait discret, malgré l’obligatoire proximité, et la brigade réduite de Bertrand Grébaut s’active, fluide et imperturbable, du petit dej au dîner. Car le chef du Septime a fait de la table de l’hôtel un événement à elle seule. Vingt couverts seulement et un menu toujours sur le fil des saisons et de la durabilité, où la signature du chef préféré du Tout-Paris se conjugue à des produits percherons, issus du parc naturel et des fermes alentour : rillettes du Perche, radis-beurre, poularde en cocotte ou aubergine rôtie à la faisselle et bourgeons d’épicéa, la cuisine de D’une île affiche une brutalité joyeuse, où la sophistication réside quelque part entre produits et cuissons. L’avenir du terroir est assuré.
L’intimité chaleureuse d’une maison d’hôtes à la française. Bienvenue chez D’une île, qui réinvente l’hôtel de charme, et où officie désormais l’étoilé Bertrand Grébaut, nouvel et heureux propriétaire des lieux. PAR EUGÉNIE ADDA
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PHOTO DR
L’hospitalité retrouvée
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Fast Building, 344 Pasteur Street, Gemmayze, Lebanon T. +961 1 562 777 F. +961 1 449 000
L’ÎLE FLOTTANTE Emblématique de l’art culinaire français, ce dessert au parfum dominical et d’ennui poli, mais délivrant nos premières leçons des plaisirs de la table, revient en force. PA R B A PTI STE P I É G AY PHOTOGRAPHIE MARINE BILLET
Mais encore
Le come-back On l’a connue en majesté chez le grand Paul Bocuse, plus modeste dans un routier posé sur le chemin de Bordeaux, et recroisée, customisée comme une paire de sneakers portée par les nouvelles vagues de post-néo-rétro-bistrots, l’île flottante est de retour sur toutes les cartes, repérables sur tous les GPS de la scène gourmande. Quel nom délicat, un peu antinomique aussi : a-t-on jamais entendu parler d’une île volante ? Il dit cependant tout de son équilibre si fragile entre l’onctueux, la sucrosité, ce goût roudoudou entre coton bonbon et marshmallow liquéfié. Elle flotte entre deux états, liquide et solide. Ratée, cette île prend des allures de naufrage écœurant ; réussie, elle donne des envies d’y planter sa tente. Généalogie Imaginée en 1903 sous cette dénomination par Auguste Escoffier, elle a connu une évolution assez salutaire : initialement composée de tranches de génoise, de biscuits de Savoie ou de brioche, imbibées de liqueur, entre lesquelles de la marmelade faisait office de liant, elles étaient enfin nappées de crème anglaise et décorées d’amandes et de raisins secs. Oui, cette inclination à l’empilage baroque laisse
Géographie Il existe bien des îles flottantes, amas de tourbe ou de roseaux, formant un genre de radeau. On ne jurerait pas qu’elles sont des lieux de villégiature confortables. Ni que l’on y trouve des œufs frais.
Le refrain à ne pas oublier “Dans mon île, ah, comme on est bien…” (“Dans mon île”, Henri Salvador, 1958)
assez songeur (et la description épique du gâteau de mariage d’Emma Bovary qu’en donne Flaubert paraît soudain assez plausible). Point d’œuf, donc, mais de quoi embouteiller les artères. Cette recette nous parle d’un temps d’avant l’injonction au manger-bouger. On la connaît aujourd’hui sous la forme veloutée de blancs d’œufs montés fermement en neige (au fouet manuel, s’il vous plaît), puis moulés dans un dôme chemisé de sucre (pour caraméliser l’ensemble) et cuits au bain-marie au four. Nappée de crème anglaise et de caramel, l’île dérivera ainsi paisiblement loin des rivages des bonnes résolutions. Sur mesure Gourmandise modulable selon les caprices et les saisons, Michel Guérard l’électrise de zestes de citron vert, mangue et gingembre (comme la recette de son livre majeur de 2012, Minceur essentielle), Christophe Michalak lui offre une brillante coque de pralins, le Café Ineko joue les contrastes jouissifs en lui offrant des fruits secs, tandis que la Coupole fraîchement sortie des eaux poussiéreuses où elle s’endormait la propose caressée d’un suave caramel. Jean-François Piège, lui, l’escorte de pralines roses… 272
L’ÎLE FLOTTANTE DE LA POULE AU POT, SELON JEAN-FRANÇOIS PIÈGE, À PARIS.
À suivre Si le grand feuilleton du retour des dessertsétalons de la cuisine bourgeoise-familiale reprend cet hiver, profiteroles et crème caramel devraient être de l’aventure.
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LA BELLE ÂME DU CUIXMALA Refuge confidentiel des stars hollywoodiennes, ce palais doré, niché au cœur d’une réserve naturelle sur la côte Pacifique du Mexique, est un des plus beaux palaces au monde et bien plus que cela… Il est le rêve intime devenu réalité d’un visionnaire, le milliardaire Jimmy Goldsmith. PA R D E LP H I N E VA LLO I R E
a aussi conçu la rénovation de la sublime Hacienda de San Antonio, propriété sœur du Cuixmala située près de Comala, à une centaine de kilomètres dans les montagnes, au pied d’un volcan encore en activité. Cette ancienne plantation de café, fondée au xixe siècle, a été achetée par Sir James Goldsmith à la fin des années 1980. Il a réinventé le lieu avec l’aide de sa fille, Alix Marcaccini, qui a supervisé la décoration dans un style flamboyant inspiré des haciendas traditionnelles. Elle se souvient : “J’ai visité beaucoup d’anciennes demeures mexicaines pour m’en inspirer ; les propriétaires, souvent de grands voyageurs, ramenaient leurs meubles et œuvres d’art de Chine ou d’Orient. Pour l’Hacienda, j’ai trouvé sur des marchés en Inde des soieries brodées d’animaux, des tissus et des céramiques – ma passion – au Guatemala et au Mexique, bien sûr, et des grands miroirs au Maroc pour le Cuixmala. Mon père a été très impliqué dans tout cela, très motivé. Je me souviens de lui dessinant à la craie la piscine de l’Hacienda sur le sol. La couleur orange des murs à Cuixmala et le rose foncé de l’Hacienda sont ses choix à lui.” Une utopie personnelle À l’origine, les deux propriétés servent de refuge et de point de ralliement pour James Goldsmith, un homme d’affaires nomade, sans bureau fixe pour ne pas perdre de temps et mieux penser. Comme Alix le rappelle : “Il voulait un lieu pour rassembler toute sa famille, dans des maisons séparées pour plus de confort ; c’est vrai qu’il s’était remarié pas mal de fois ! La grande maison était son domaine et la dépendance La Playa était pour ma mère.” Leur réalisation était sans doute une mission qui lui tenait à cœur et on perçoit son influence dans toutes sortes de détails aussi luxueux que rationnels, qui reflètent sa vision d’un éden apaisant, surprenant et grandiose. Comme sa vie. 274
PHOTO MICHAEL GILBREATH
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inueuse et mystérieuse, la route qui mène au Cuixmala depuis Puerto Vallarta traverse une jungle dense, impénétrable, et très vite on est hypnotisé par ces méandres avec le sentiment d’entrer dans une autre dimension, labyrinthique. L’obscurité envahit le paysage et déjà tout indique qu’il faut lâcher prise et se laisser porter par la chaleur tropicale. Quand apparaît la barrière du domaine, c’est un autre chemin qui se dévoile. La lune découpe les ombres des palmiers dans la nuit, des jaguars furtifs se faufilent pour chasser et, dans le lointain, apparaît l’immense dôme jaune d’or zébré de bleu. Cet éblouissement dès l’arrivée ne disparaît pas avec le temps. Invités, hôtes ou familiers du lieu, tous témoignent de cet émerveillement d’enfant qui saisit jour après jour devant ces paysages. Joyau de la Costalegre, le Cuixmala – dont le nom signifie “là où l’âme se repose” – allie la puissance de l’océan Pacifique, l’exotisme de sa réserve naturelle, avec des zèbres, jaguars, crocodiles ou antilopes, à la luxuriance de ses jardins suspendus, de son architecture et de sa décoration. Impossible de ne pas penser à Xanadu, la propriété mythique du magnat de la presse dans Citizen Kane. Mais ici pas de style gothique. Ce palais ocre aux formes courbes, surnommé la Loma, ainsi que ces multiples bungalows et villas satellites plus ou moins éloignés de la plage, ont été conçus en 1987 par l’architecte engagé par Sir Goldsmith, le Français Robert Couturier. Pendant deux ans, des milliers d’ouvriers ont construit sur cette terre vierge un ensemble gigantesque qui emprunte ses lignes autant à l’architecture mexicaine qu’aux cultures indienne, méditerranéenne, turque ou marocaine, des pays visités (et aimés) par le milliardaire franco-anglais. Couturier
La Loma, le dôme emblématique du Cuixmala, au bord du Pacifique.
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Depuis le xvie siècle, la banque marchande de la famille Goldsmith, basée en Allemagne, concurrence celle des Rothschild. Mais malgré leur immense fortune, le grandpère puis le père de James, qui a épousé une Française, ont dilapidé la plus grande partie des avoirs familiaux en menant un train de vie princier. James Goldsmith démarre donc de presque rien mais avec panache quand, à 16 ans, en 1949, il gagne une grosse somme aux courses et quitte Eton College pour commencer à bâtir un empire, d’abord dans l’industrie pharmaceutique, puis dans l’agroalimentaire, pour ensuite devenir un génie de la finance avec peu de banqueroutes et beaucoup de réussites à son actif. Sa vie privée connaît tout autant de rebondissements. Il se marie très jeune avec une héritière bolivienne de 18 ans, Doña María Isabel Patiño y Borbón, lors d’une cérémonie improvisée en Écosse où les deux amoureux se sont enfuis. Elle meurt tragiquement peu après en donnant naissance à leur fille Isabel, aujourd’hui collectionneuse d’art et propriétaire d’un autre sublime hôtel mexicain, Las Alamandas. De son second mariage avec la Française Ginette Léry naîtront deux enfants : un fils, Manes, qui possède des équipes de football au Mexique, puis Alix, aujourd’hui propriétaire du Cuixmala et de l’Hacienda de San Antonio. En troisièmes noces, il épouse en 1978 sa maîtresse, l’Anglaise ultra-mondaine Annabelle Birley (laquelle a déjà donné son nom au fameux club Annabel’s à Londres), avec qui il a déjà deux enfants Jemima (Khan) et Zachary, et dont il aura un autre fils, Ben. Il aura aussi deux autres enfants, Charlotte et Jethro, avec sa dernière compagne, Laure Boulay de La Meurthe, la nièce du comte de Paris. Marié trois fois, avec huit enfants de quatre femmes différentes dotées de forts tempéraments, Sir Jimmy Goldsmith, séducteur plein d’humour, affiche d’emblée son mépris des conventions et persiste à réunir tout ce monde, toutes ces femmes qu’il aime, autour de lui, le plus souvent possible. Avec son plan éparpillé en forme de galaxie dont la Loma est l’astre central, le Cuixmala préserve merveilleusement l’intimité de chacun et témoigne aussi de cet aspect de Goldsmith : un hôte hors pair, toujours en contrôle, un roi soleil autour de qui rayonne sa famille, ses proches, ses amis. Aujourd’hui, ce sont les plus grandes stars qui profitent de ce refuge paradisiaque à moins de trois heures en avion de Los Angeles pour se cacher des curieux. Parmi les clients, on compte Mick Jagger, Tom Cruise, George Lucas, Madonna, Cara Delevingne, Gwyneth Paltrow, Ralph Lauren, Mark Ronson ou encore le top Emily Ratajkowski, séduite il y a quelques mois par ce “paradis”. Son Instagram montre par exemple la plage Caleta Blanca, un petit lagon bleu irréel, où l’on est accueilli par des nuées de papillons blancs sous les palmiers et de petits poissons tropicaux dans l’eau cristalline. Pour Alix, le moment le plus miraculeux se situerait à l’Hacienda pendant la saison des pluies : “J’aime, au mois d’août, quand les nuages descendent bas, très bas sur les montagnes le matin. Tout d’un coup, la pluie éclate, les éclairs zèbrent le paysage au-dessus de la prairie, avant que le soleil revienne, c’est d’une beauté ! À Cuixmala, il y a aussi tant de lieux que j’adore, mais mon favori reste le potager…”
Ci-dessous, Alix Goldsmith, son mari Goffredo Marcaccini et Sienna, l’une de leurs quatre enfants, dans la plantation du Cuixmala.
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PHOTOS DELPHINE VALLOIRE, DR
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“Mon père a été très impliqué dans tout cela. je me souviens de lui dessinant à la craie la piscine de la Hacienda sur le sol. La couleur orange des murs à Cuixmala et le rose foncé de la Hacienda sont ses choix à lui.” Alix Marcaccini
Bungalow de la Casa Cuixmala au lever du soleil.
PHOTOS MICHAEL GILBREATH, DAVIS GERBER, DELPHINE VALLOIRE
De haut en bas, Une des suites de l’Hacienda de San Antonio. Pique-nique après une balade à cheval au pied du volcan. Une peinture de l’artiste de Guadalajara José Parra et une céramique mexicaine sur le thème du “día de muertos”. Ex-plantation de café datant du xixe siècle, l’Hacienda a été entièrement rénovée en 1988.
Tous ces détails ne sont pas seulement un engagement, mais aussi un signe de bien-vivre intelligent qui exprime aussi, selon Alix, “une philosophie de vie, une utopie, une énergie collective mise en œuvre chaque jour”.
De haut en bas, la lagune de la Playa Blanca. Le couple de zèbres offert dans les années 1990 à Jimmy Goldsmith a prospéré et aujourd’hui, tout un troupeau s’ébat dans la réserve du Cuixmala. Le salon sous le dôme du Cuixmala imaginé par Robert Couturier.
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Le vert du futur La nature est une idée qui revient toujours au centre du projet. Dès le départ, en 1987, Sir Goldsmith a verrouillé la protection de la Cuixmala Ecological Foundation qui protège les 10 000 hectares (100 km2) de cette réserve naturelle, partie intégrante de la biosphère de Chamela-Cuixmala, pour sauvegarder l’écosystème, le patrimoine de la flore et de la faune (oiseaux, crocodiles, cerfs, daims, sangliers, jaguars, iguanes, etc.) d’une région de plus en plus abîmée par l’homme et la pollution. En plus de cette réserve, Goldsmith voulait créer une exploitation agricole entièrement biologique, comme l’explique Alix : “Il avait un rêve précis : trouver un endroit où l’eau et la terre étaient propres, où il pouvait imaginer une nouvelle agriculture. Parce qu’il avait vu les dérives de l’industrie agroalimentaire, il était obsédé par le fait qu’on ait de la nourriture très saine, organique.” En cela, il était proche des idées radicales de son frère aîné Edward, pionnier de l’écologie et fondateur de la revue The Ecologist. Alix le confirme : “Mon oncle a eu une énorme influence sur mon père, et les deux nous influencent encore aujourd’hui. Edward avait trente ou quarante ans d’avance quand il a publié en 1972, avec cinq autres scientifiques, A Blueprint for Survival, sur l’urgence du problème environnemental. Cela avait l’air dingue ; aujourd’hui c’est devenu une réalité.” La ferme organique de Cuixmala produit les fruits tropicaux, l’Hacienda les légumes, les herbes, le café et le miel, l’océan le poisson. La nourriture délicieuse et organique est donc produite quasi entièrement sur place, et l’échange de denrées se fait entre les deux plantations grâce à de petits avions de couleurs vives. Le perfectionnisme va jusqu’à un petit laboratoire qui produit des essences naturelles à partir d’un jardin d’herbes aromatiques, une fromagerie dont les artisans ont été dûment formés par des spécialistes français, ou encore un café produit et torréfié sur place. Alix et Lalo, le directeur d’exploitation de Cuixmala, ont mis en place une autre forme d’agriculture biologique il y a six ans : “Ma plus grande fierté, explique Alix, c’est l’agriculture biodynamique (méthode qui suit le calendrier des rythmes lunaires et planétaires pour un bon fonctionnement biologique des sols, ndlr). Avec Lalo, on a commencé à suivre des cours à l’université de Colima sur cette méthode imaginée par le philosophe Rudolf Steiner. Puis deux professeurs sont venus entraîner tout le monde à Cuixmala et le perfectionnement continue régulièrement.” Depuis, Lalo, un homme extraordinaire qui entend les murmures des fruits et des plantes, explique que la production et la taille des fruits ont doublé. Cet engagement écologique frappe dès les premiers moments au Cuixmala : dans les chambres, pas un seul plastique en vue, aucun produit chimique mais des produits de beauté dans des petites jarres de verre, concoctés sur place avec des essences naturelles, des tisanes d’herbes fraîches, un savon artisanal. La piscine, spectaculaire sur la plage en bas de l’escalier pyramidal de la Loma, est remplie tous les jours d’eau de mer. Tous ces détails ne sont pas seulement un engagement mais aussi un luxe, un signe de bien-vivre intelligent qui exprime aussi, selon Alix, “une philosophie de vie, une utopie, une énergie collective mise en œuvre chaque jour”. Le défi est parfois de taille : le 23 octobre 2015, en pleine nuit, Patricia, un cyclone
tropical de catégorie 5, la tempête de tous les records, dirige son œil en plein sur Cuixmala avec des vents à 340 km/h. La tempête a radicalement transformé le terrain en détruisant certains arbres et en en préservant d’autres. Paradoxalement, des espaces nouveaux, tout aussi beaux, se sont révélés. À Cuixmala, le paradoxe est entier : ces villas ultra-luxueuses où tout est immaculé, au service impeccable, sont bâties au sein d’une nature surpuissante, presque sauvage. Des félins insaisissables – jaguars, pumas, ocelots – en ont fait leur domaine. Les tortues luth, une espèce menacée, viennent pondre de septembre à décembre en laissant de grandes traces sur la plage. Leurs œufs sont collectés par des rangers spécialement formés et rassemblés dans une nurserie sur la plage à l’abri des prédateurs. Quand vient le moment, les bébés tortues sont relâchés au crépuscule, pour éviter d’être dévorés par les prédateurs. Elles rejoignent seules l’océan en mémorisant cet endroit où elles reviendront, des années plus tard pour pondre à leur tour. Aider ces centaines de petites tortues à sortir du sable reste étrangement gravé dans l’esprit, comme un acte aussi émouvant que mystique. Cosmogonie Au bord du Pacifique, en lisière de la jungle tropicale ou au pied du volcan, les éléments répondent par la démesure : l’océan gronde, le tonnerre fait vibrer le sol, le volcan fume, la pluie ruisselle, puis le soleil dispense sa douceur. De là, il n’y a qu’un pas pour se propulser dans l’imaginaire mexicain, entre mystique et fantastique. Gaia et Lea Marcaccini (voir notre série page 116), les deux filles aînées d’Alix, sont ellesmêmes sous influence de cette culture : la première avec des films d’animations d’inspirations mythologique et cosmique, la seconde avec des peintures et des collages psychédéliques. Elles ont toutes les deux grandi dans cet environnement idéal et sauvage, entre balades à cheval sur les plages sauvages de Cuixmala et les fermes traditionnelles au pied du volcan. Là-bas, l’aqueduc ancien fait ruisseler l’eau vivante à travers l’Hacienda, le figuier centenaire dans la cour ressemble à l’arbre de vie, saint Antoine protège depuis deux siècles les lieux des éruptions du Volcán de Fuego. Les squelettes du día de muertos apparaissent çà et là sur des céramiques, des peintures de perroquets immenses de l’artiste José Parra égayent les murs. De gros quartz apportent leur beauté et leur énergie à l’ensemble. Enfin, de fins miroirs posés par Alix près des portes maintiennent une protection symbolique des lieux. Malgré son fort rationalisme, son père lui-même avait quelques superstitions : toucher le bois, éviter certains lieux et garder un ou deux porte-bonheur sur lui. Comala, la petite ville voisine à l’architecture traditionnelle toute blanche, est elle-même le théâtre d’un des plus beaux romans de la littérature latino-américaine, précurseur du réalisme magique : Pedro Páramo. Ce roman écrit par Juan Rulfo en 1955 a influencé Jorge Luis Borges, Gabriel García Márquez et Tahar Ben Jelloun, qui le considère comme un livre “amulette”, magique. Il raconte la visite d’un jeune homme au fantôme de son père, aux ombres du passé. Le fantôme présent partout à Cuixmala et à l’Hacienda est celui de James Goldsmith et son rêve d’un paradis protégé est lui plus que vivace. Éblouissant. 280
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Piscine d’eau de mer en bord de plage, surplombée d’un gigantesque escalier en zigzag menant au Cuixmala.
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CORRESPONDANCE
À LA RECHERCHE DE NOËL PAR LAURA HOMSI I LLU STR ATI O N M A R I O N G A R N I E R
Les sapins sont de sortie de plus en plus tôt et leur apparition signale que la saison des montagnes russes a commencé ! Noël est un concentré. Tout y est exacerbé, les émotions, les tensions, les retrouvailles… Une poignée de jours où tout se joue à 1000 à l’heure. Un enchaînement de repas gargantuesques et de soirées interminables, entrecoupés d’heures coincés dans un trafic à rendre fou. C’est drôle, l’esprit de Noël n’a plus le même goût à l’âge adulte.
familles ou pour Friends x Mas, les soirées d’amis qui célèbrent Noël. L’occasion de célébrer l’année écoulée, mais surtout prendre le temps d’apprécier ce(ux) qu’on a la chance d’avoir autour de soi. Et retrouver pour l’occasion ceux qui nous manquent, quand on fait partie des « expats », ces oiseau migrateurs vers le Liban. J’en fais partie.
Au fil des ans, les familles évoluent, se démultiplient, se recomposent. Il faut composer avec les attentes des uns et des autres, faire un patchwork des traditions pour ne froisser personne. C’est l’heure des compromis. Choisir de passer le 24 chez untel, mais le 25 chez un autre. Les cadeaux sont embarqués dans le coffre d’une voiture et chacun essaie de faire au mieux. C’est le moment où l’on sent un peu plus fort l’absence de ceux qui ne sont plus. Alors on meuble avec de nouveaux rituels. On démultiplie les repas pour pouvoir fêter Noël avec tous ceux qui comptent. Quitte à clôturer l’année en format XXXXL à cause de toute la nourriture ingurgitée. On pourra s’en soucier l’année suivante !
Expats animés par un même appel, on se retrouve souvent à l’aéroport un 24 décembre aux aurores. On longe les terminaux, on dépasse des files de personnes assez disciplinées. Dès que c’est un peu le bordel à l’une des portes d’embarquement, c’est le signe qu’on est arrivés à bon port. Beyrouth est déjà là, derrière le tourniquet. On est assailli par une cacophonie de coups de fils dans tous les sens et en trois langues. La file d’attente serpente, les queues de poisson sont fréquentes avec potentiellement un mini pugilat à la clé avant de monter en avion. Un avant-goût de la maison. On ne se connait pas forcément mais on se lance des regards complices. A ceux qu’on connaît, on lâchera d’un air débonnaire ‘’tu rentres ?’’. Alors qu’il est évident qu’une personne avec une valise dans la salle d’embarquement du vol de Beyrouth n’est pas là juste pour se promener.
En parlant de nouveaux rituels, que pensez-vous des Secret Santa ? C’est un jeu qui permet de tirer au sort le nom du destinataire d’un cadeau à garder secret. Toutes les personnes présentes auront ainsi un cadeau-surprise selon un montant fixé au préalable. C’est de plus en plus commun au sein de certaines
Finalement, l’esprit de Noël, je l’ai retrouvé à l’atterrissage de l’avion. Malgré le retard, le convoyeur de bagages en panne et une queue monstrueuse… tout allait bien. Un Père Noël en costume de pacotille distribuait des cacahuètes à tous les arrivants en agitant une cloche. Et cela vaut tous les aéroports les plus high-tech du monde. 284
What floor?