L’atmosphère du passage
Essence Composition Genèse
Couverture d’après: Nuance IKB. Yves Klein, dans sa quête d’immatérialité et d’infini.
L’atmosphère du passage
Mémoire master 2 Par Loïc Moine Sous la direction de Stéphane Bosc Devant le jury: Stéphane Bosc Annabelle Iszatt François Rosell Maguelone Vidal
Architecte, Docteur, Enseignant ENSAM Architecte, Docteur, Enseignante ENSAM Architecte et Maître de conférences à l’ENSAM Architecte et Vice-Présidente du CROA
2021 École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier
Remerciements À Stéphane Bosc pour son écoute et ses conseils avisés À tous les enseignants qui m’ont tant apporté, envers lesquels je ne saurai jamais assez reconnaissant À ma mère pour sa continuelle présence À mon père pour ses valeurs Et aussi à mes amis pour le partage inépuisable d’émotions, d’expéditions et de savoirs
« Qu’est-ce qui peut bien me toucher dans ces bâtiments? Et comment puis-je le concevoir? Comment puis-je concevoir quelque chose comme l’espace qui est représenté sur cette photographie ? C’est pour moi une icône, je n’ai jamais vu l’édifice, je crois qu’il n’existe plus et je le regarde avec un immense plaisir. Comment est-il possible de concevoir des choses qui ont une présence si belle, si évidente, et qui me touche toujours ? » Peter Zumthor
Avant-propos
Rechercher Le mémoire est un travail de recherche engagé sur trois semestres. C’est l’occasion de poser un thème, plus précisément un sujet, et d’explorer, rechercher, analyser, emmagasiner et comprendre. Il s’en dégage une volonté face à cet emmagasinement d’orienter les propos. Le processus de recherche convoque l’inventaire tendant vers l’exhaustivité, mais rend compte d’un essentiel orienté. Le parcours réflexif s’articule entre théorisation et édification. Comment la théorie s’ancre-t-elle dans le monde réel ? De la conviction d’écriture d’un mémoire autour de la thématique de l’habiter, les va-vient, de la théorie à l’édifice, font émerger des questionnements et intérêts. La thématique se précise en sujet.
S’approprier L’investigation posant un regard sur l’édifice, se saisit des éléments de représentation architecturale comme outil d’analyse. Le plan par sa projection horizontale, selon un plan de section verticale questionne la déambulation de l’Homme dans l’espace, les relations de proximité et éloignement avec les éléments de matière. La coupe par son plan de section verticale, identifie la figure humaine et la grandeur de ce qui l’entoure. Quant à la photographie, elle évoque l’atmosphère, reproduisant un instant du réel. Elle retranscrit la lumière qui transcende l’espace et révèle la matière ainsi que la profondeur. Chacun de ses éléments a été annoté, redessiné. Le processus d’analyse se saisit du dessin, redessiner pour comprendre. Le trait génère de nouveaux tracés orientant la vision du projet. L’accumulation de matière questionne et engage la réflexion. `
Rendre compte L’évocation d’une réflexion abstraite et subjective se verra mise en tension par la réel. Entre écriture et photographie, la pensée se matérialise. De la sensibilité subjective, à la vision objective, se dessinera un subjectif illustré.
L’atmosphère du passage
Introduire I. La genèse de l’atmosphère
10
13
1. Le vide
/ Vide continu / Vide à construire / Silence du vide
15 16 18
2. La matière
/ Matière habitée par l’être conscient / Masse de la matière / Matière et composition
21 25 27
3. La lumière
/ Lumière et temps / Lumière, du vide à la matière, de la matière au vide / Ombre et lumière
II. La dialectique du passage
31 35 37
41
1.Du ciel à la matière, de la matière au ciel
/ La matière protectrice / L’infinie limite du ciel / La tension de l’entre-deux / Le franchissement, entre matière et ciel
43 44 46 47
2. Matière située / 26 Calle Maria Doña Coronel / 64 Rue de Meaux / Cité Radieuse
52 72 92
Conclure
112
Bibliographie & Table des figures
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Introduire
L’acte de bâtir prend sens de sa signification première: l’habiter. Par son existence matérielle, il ordonne l’immatérielle, offrant repli à l’Homme. La composition recherche originellement la protection et l’épanouissement de l’être conscient. Elle est la genèse d’un lieu qui ne peut être retrouvé ailleurs, exprimant plus que tout autre l’espace interne, perceptible par la séparation avec le monde extérieur. Genèse de la prise de conscience du dedans et du dehors, une limite significative se révèle: le seuil. Il est le fondement, le commencement. En questionnant la matérialisation du seuil, l’architecte se positionne au regard de la relation engagée entre les deux milieux, de la séparation à la continuité, de l’interne à l’externe, de la limite à l’ouverture. En entrecroisant les dialectiques énoncées et l’édification, nous évoquons l’épaisseur du seuil qui façonne la limite. L’action du passage d’un milieu à un autre, se matérialise par l’espace du passage. De son origine latine, passus, passage signifie déplacement. Le lieu du passage puise son origine dans le mouvement de l’être conscient. Du rapport intrinsèque actionlieu émerge l’espace-temps, décomposé en trois phases: l’avantpassage, le pendant, et l’après-passage.
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La matière ancre l’acte de bâtir dans le monde réel. L’ancrage s’articule autour d’une composition ente matière et vide. De l’imaginaire de l’architecte à la réalité du monde se manifeste une atmosphère. Le vide s’éclaire, la matière se réveille. Ce qui était l’espace du vide, devient un lieu, significatif de l’accueil de l’être. Le lieu, par l’atmosphère qui lui est propre, est unique. « Un bon bâtiment doit à mon avis, commencer par le non-mesurable, passer par des moyens mesurables au moment du projet et à la fin, être non-mesurable »1. C’est à cela que nous allons nous rattacher: l’atmosphère. Elle est une finalité. Le questionnement de son essence paraît être l’une des clés de sa compréhension. La recherche questionne alors la genèse de l’atmosphère, prenant source dans les éléments qui en sont l’essence et la composition qui les réunit. De l’essence à la composition, entre matière et vide, quelle est la genèse de l’atmosphère ?
L’atmosphère est propre au lieu. En entrecroisant essence et composition avec la raison d’être du passage, quelle atmosphère s’en dégage-t-il ? Depuis le monde extérieur, comment est signifié le repli de l’Homme au travers du passage ? Cet espace de repli, unifiant l’acte de bâtir à l’acte d’habiter sera restreint à l’habitat collectif, par les entre-espaces que celui-ci génère. Lieux du quotidien, ils sont associés à une monofonctionnalité: circuler. Mais ils sont en réalité, bien plus que cela, par les nombreuses dialectiques qui les animent. Le passage, par sa décomposition spatio-temporelle évoque la «séparation, l’instant transitionnel, et l’agrégation»2. Ces phases conditionnent son existence. Au-delà de cela, elles conditionnent la vertu de l’acte de bâtir à rattacher ou séparer l’être conscient de ce qui l’entoure. À la quête d’un savoir, la recherche convoquera l’essence, théorisera la composition et portera un regard sur la genèse.
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KAHN, Louis. Silence et lumière- Choix de conférences et d’entretiens 1955-1974. Édition du linteau. 1996
1
DE LA SOUDIERE, Martin. Le paradigme du passage. In: Communications 70. 2000. Seuils, passages.
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I. La genèse de l’atmosphère
L’architecture qui s’élève puise sa composition du processus de conception qui la précède. La réflexion de l’architecte, projette la matière dans l’espace au travers de la pensée. De l’idée fondatrice à l’ancrage dans le monde réel, s’agrémente la mesure exprimant la quantité de matière, sa mise en œuvre et son positionnement. L’imaginaire prend racine, la matière s’élève. De cette immersion, des interactions se dégagent. La matière emmagasine et restitue. Son existence matérielle est le support de l’immatérielle. Par sa présence, elle révèle son absence: le vide. La matière structure l’ampleur du vide. Immergé dans le monde réel, il s’en retrouve baigné de cette lumière qui nous est si cher. L’atmosphère du lieu est présente. Le contact de la matière, du vide et de la lumière éveille ce qui auparavant été de l’ordre de la mesure. L’atmosphère révèle l’harmonie conditionnée par un équilibre des composantes. Consciente de leur dimension fondamentale, la réflexion portera un regard sur chacune des composantes, sur leur existence propre ainsi que leur interaction avec la totalité. Admirable est l’harmonie, par celui ou celle qui l’admire. L’atmosphère, vécue par l’être conscient qui habite l’espace, se voit en aucun cas capable d’être étudié en négligeant celui qui la perçoit.
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I.1 Le vide
/ Vide continu En abordant la genèse de l’atmosphère par la notion du vide, la réflexion engage une affirmation de son existence. Par sa présence ou son absence, le vide questionne. Depuis l’Antiquité, certains philosophes affirment une conception d’un monde composé de matière et de vide. De cette approche matérialiste, Démocrite, fondateur de l’atomisme, retranscrit la dialectique de la matière et du vide sous les termes d’ « être » et « non-être » au sens d’une présence physique ou d’une absence. Le philosophe évoque de cette dialectique un rapport d’équivalence « l’être n’est pas plus que le non-être »3, considérant autant la matière que le vide. En cherchant à comprendre l’existence d’une absence, nous sommes amenés au degré de liberté que génère le mouvement. C’est parce qu’il y a absence de matière qu’est possible le mouvement. « Quelques-uns des anciens philosophes étaient d’avis que l’être est nécessairement un et immobile. En effet (selon eux) le vide n’existe pas, or, il ne peut y avoir de mouvement s’il n’y a pas de vide possédant une existence séparée »4. Le rapprochement du vide et de séparation exprime cette vision où la séparation du plein génère un vide. C’est par cette séparation qu’est rendue possible la vision du plein. Le vide est immatériel, générant la perception de ce qui est matériel. La réflexion engagée invoque une approche relativiste, par la relation que le vide entretient avec la matière. La relation est continue dans le sens où le vide est toujours perçu par rapport à un plein. En revanche, elle n’est pas constante, c’est-à-dire que le positionnement de la matière dans le vide influe son existence. Il s’en dégage un vide structuré, hiérarchisé, orienté. Nous venons
Le vide
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3
DÉMOCRITE D’ABDÈRE
4
ARISTOTE, De la Génération et de la corruption. Les belles lettres. 2005. Collection des universités de France Série grecque - Collection Budé
ZUMTHOR, Peter. Penser l’architecture, Birkhauser Libri. 2010
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KAHN, Louis. Silence et lumière- Choix de conférences et d’entretiens 1955-1974. Édition du linteau. 1996
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d’évoquer l’existence du vide par l’absence de matière. À cette vision concentrée du vide perçu, comme « contenu » par la matière (qui en serait le « contenant »), s’oppose celle d’un vide continu infini dans lequel s’ancre la matière. « En architecture, il y a deux possibilités à la base de la composition spatiale: le corps architectural fermé qui isole l’espace sur lui-même, et le corps ouvert qui embrasse une portion de l’espace qui est connecté avec le continuum infini»5. Le « contenu » devient contenant, non pas au sens physique, par le fait de tenir par des limites, mais au contraire par l’absence de limites le rendant infini. La vision du vide comme continuum spatial révèle un vide continu. La corrélation du mouvement rendu capable par l’absence de matière et le positionnement de la matière dans le continuum, implique des variations spatiales le rendant dynamique. Entre prolongements, interpénétrations et variations, le continuum spatial s’exprime. Par le degré de continuité, et de variations, les sensations d’espaces en sont tout autre. La déambulation de l’Homme dans ce continuum, est ainsi de l’ordre de l’orchestration, qui nécessite l’équilibre de la composition. L’humain est sensible à ces variations. « Ce sont des lieux où l’on ressent quelque chose de différent. On ne dit pas la même chose dans un petit espace et dans un grand espace. »6. Le vide est perceptible, de l’ordre des sensations, il est ressenti par l’Homme qui l’habite. Vide et habiter s’entremêlent par la liberté qu’offre le vide à l’habiter devenant le lieu des possibles.
/ Vide à construire La composition du vide doit constamment être consciente de l’être qu’elle accueille. Selon la quantité de matière qui le définit, le vide contient une certaine quantité d’air. Cette affirmation n’évoque en aucun cas les sciences, mais seulement le rapport de l’être conscient à ce qui l’entoure. Des variations spatiales engagées par le continuum, une dilatation ou contraction de
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La genèse de l’atmosphère
l’espace trop importante est en capacité de gêner un mal-être de la part de celui qui la parcoure. La dilatation tend vers un agrandissement du vide. La contraction, quant à elle tend vers un étrécissement. « L’environnement ne m’intimide pas, mais, d’une certaine façon, me grandit, ou me permet de respirer plus librement. Ce qui est étonnant, c’est qu’il y a les deux. On ne peut donc pas simplement dire que ce qui est grand est mauvais, que l’échelle humaine manque.»7. Peter Zumthor nous explique que face à ce rapport du vide à l’être conscient, la réponse n’est pas unique. L’espace vaste a autant la capacité de provoquer un sentiment de liberté, où il est agréable d’y respirer l’air pur, que de générer un sentiment d’inconfort, de mal-être. « A l’école, j’ai tendance à dire: ça, c’est scientifique, c’est-àdire que je peux amener quelqu’un par la main et lui dire: tu vois bien qu’ici l’air n’est pas aussi chargé que vingt mètres plus loin. Tenir un espace, c’est donc augmenter l’intensité de la pression de l’architecture sur son vide ou sur son espace de recul. »8. Henri Ciriani évoque le terme « pression »9, faisant l’objet d’un double sens. Le premier nous renvoie à la force exercée par l’architecture sur son vide. Le deuxième sens, est celui de la pression en tant que pression atmosphérique en tant que masse d’air. De ce deuxième sens, nous pouvons finalement parler de la masse du vide. Selon la pression, le vide est genèse d’un suspens de légèreté, pour l’être conscient qui le ressent, le parcoure, l’habite. La mesure de la masse du vide est celle qui tient à ce que l’air ne soit trop « raréfié ou densifié »10. Il s’en dégage la double lecture évoquée précédemment. D’une part, le vide est contenu par la matière. D’autre part, la matière ancrée dans une pression (au sens atmosphérique) qui est celle étalée sur l’entièreté de notre monde et qui augmente ou diminue. Ainsi, la matière par sa présence influe sur la perception du vide. En s’intéressant à la composition de la matière, non pas de la composition architecturale, mais de la composition de la matièremême, elle n’’invoque pas seulement une capacité à « tenir »11le vide, mais à le faire vibrer. « Les constructions qui ont un fort impact renferment souvent un sentiment intense de leur qualité spatiale. Ils embrassent d’une manière spéciale le vide mystérieux appelé espace et le fait vibrer. »12 . La matière tient le vide.
Le vide
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ZUMTHOR, Peter. Atmosphères. Birkhauser Libri. 2008
7
CIRIANI, Henri « Entretiens ». Electa Moniteur. Paris Milan, 1984
8
Ibidem
8
Ibidem
8
Ibidem
8
9
10
11
ZUMTHOR, Peter. Penser l’architecture, Birkhauser Libri. 2010
12
ZUMTHOR, Peter. Penser l’architecture, Birkhauser Libri. 2010
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Le vide caresse la matière. Au contact de la granulométrie, les vibrations s’en dégagent. Les ondes se propagent de la matière à l’être, transporté par le vide. Nous en relevons la recherche d’une harmonie afin que les fréquences de vibration soit murmurer à l’être conscient. En évoquant le vide, P. Zumthor, le qualifie de «mystérieux»13. Au regard de la volonté en tant qu’architecte, de projeter le vide, le tenir et le faire vibrer, il y a cette complexité de la transition de la pensée à la matière ancrée dans le réel. Le mystère du vide qui été pensé se trouve révélé. Reste-t-il à savoir s’il nous murmure son harmonie?
/ Silence du vide
RASSIAL, Jean-Jacques. Le vide, le blanc, le silence et le réel : Cézanne, Mallarmé, Debussy avec Lacan. Insistance. 2011. n°5.
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Le silence est une absence sonore. Dans l’univers musical, le silence marque une interruption. On peut y lire une analogie entre silence et son, vide et matière. Ainsi, le silence par son absence sonore est le vide par son absence de matière. Mais cela va plus loin. Le silence n’est pas simplement une interruption, en le considérant comme partie entière. Si l’on se réfère à Claude Debussy, «il est sans doute le premier à utiliser le silence autrement que comme une ponctuation, mais à l’inclure comme élément constitutif de la musique. »14 .Le silence est élément de composition. Cette analogie met en lumière l’articulation de la composition architecturale entre matière et vide. Par leur caractère absent, l’imaginaire commun associe vide et silence. Le vide absolu est silencieux. Les ondes sonores ne sont en capacité de vibrer, sans support, le silence règne. Le silence quant à lui fait ressentir un vide, parce qu’il est rare de l’entendre. La nature et la ville sont bruyantes. Le souffle du vent, faisant vibrer le feuillage ou bien encore le bruit des oiseaux immerge l’être dans le milieu. La ville, quant à elle est bruyante, de plus en plus, la population augmente et le mouvement s’accélère. La conséquence du bruit est encore plus de bruit, parce que pour
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La genèse de l’atmosphère
s’entendre par exemple, il faut parler encore plus fort. Face au bruit du mouvement, le silence de l’immobile. La sculpture n’émet aucun bruit. La matière est figée et silencieuse. Ainsi, à l’instar du vide, le silence pose la question de son existence. La constante existence du bruit est la genèse d’une architecture qui s’élève afin d’éloigner le bruit d’une part, et contenir le silence de l’autre. La vision évoque une architecture, qui par la séparation, bâtit le silence. « On dit « garder le silence » mais pour le garder, il faut le faire. Le faire vraiment : le bâtir, le construire, le faire tenir, donc construire un abri contre le bruit : une demeure. On fait le silence comme on fait le vide : en créant un espace habitable. »15. Le vide est perçu comme le contenu où la matière maintient le règne du silence. À l’inverse dans une vision du vide continu, du continuum spatial, noyé de bruits, la genèse du silence est rendu perceptible non pas par l’espace en luimême, mais par une variation révélatrice de l’absence de bruit. La présence est ici révélée par l’absence. En ayant conscience de la complexité d’immerger l’être dans un silence absolu, celui-ci sera ressenti par la variation. La quête du silence relie l’être conscient, le vide et la matière. « L’expérience d’une architecture forte fait taire tout bruit extérieur; elle concentre notre attention sur notre existence même »16. Le silence est évocateur de paix, de tranquillité plongeant l’être dans ses songes personnels. Le silence est la genèse de l’écoute de nos propres pensées. L’espace vécu seul ou en groupe, en sera tout autre. La solitude relie l’être conscient à lui-même, développant ses songes, sensations et aspirations. Du calme, reliant l’être à l’esprit, le temps se retrouve ralentit. Face au bruit et à la vitesse du mouvement, le vide se retrouve chargé d’une tout autre dimension.
Le vide
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MELMOT, Claire et LÈBRE, Jérôme. Architecture du silence. Conférence prononcée à deux voix le 25 mars 2017 à l’Hôtel de Sully, dans le cadre du programme « Silence (s) » coordonné par le Théâtre national de Chaillot.
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PALLASMAA, Juhani. Le regard des sens. Paris: Éditions du Linteau, 2010
Novazzano housing complex Mario Botta
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La genèse de l’atmosphère
I.2 La matière
/ Matière habitée par l’être conscient La matière est présente en réponse aux besoins et aspirations de l’être. Au centre de la conception, il est présent au monde, par son existence physique ainsi que sa conscience. La première se traduit par une masse, la masse corporelle, ainsi qu’une figure, la figure humaine. La seconde quant à elle, relie l’être à son environnement, ainsi qu’à ses propres sensations, animées par ce même environnement. La thèse de la psychologie de Gestalt s’intéresse à la perception de l’individu, située dans le temps et l’espace. Cette approche revendique l’immersion de l’être dans un milieu comme un continuel échange. De ce regard phénoménologique est abordée la notion de composition que nous verrons par la suite où chacun des éléments influe sur la totalité. Cette notion de composition, la Gestalt, le nomme « système de cohérence »17. Il est énoncé que chaque objet perçu par l’individu, est situé dans un environnement. « Nous entendons par ce terme la mise en relation des mesures d’un espace avec les mesures d’un autre espace »18 . La perception est ainsi relative et non absolue. L’objet perçu à une certaine distance sera assimilé à une certaine grandeur grâce à d’autres éléments par analogie, consciente ou inconsciente. La relativité énoncée, induit une perception propre à chacun. De cette remarque, Jean Cousin nous affirme que «un même espace peut être vu et pensé de manière différente. Car nous ne voyons pas avec nos yeux mais avec notre cerveau. Ce qui on se doute est infiniment plus complexe »19.
La matière
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NORBERG-SCHULZ, Christian. Système logique de l’architecture. Editions Mardaga, 1998
17
Ibidem 17
18
COUSIN, Jean. Espace vivant : introduction à l’espace architectural premier. Montréal : Presses de l’Université de Montréal ; Paris : Editions du Moniteur, 1980
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84 logements sociaux Naud & Poux
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La genèse de l’atmosphère
Le sens de la vue, implique que l’Homme soit positionné à un point A, son regard se pose sur un élément positionné à un point B. L’interaction engagée par le sens de la vue, a une capacité de projection de l’être à la matière. « Inconsciemment, mon regard projette mon corps sur la façade de la cathédrale, pour y parcourir moulures et contours »20. La projection visuelle engage une projection corporelle par le prolongement de l’être. La cathédrale, évoquée par Juhani Pallasma, a été imaginé par chacun de nous au cours de la lecture. En invoquant l’imaginaire, nous puisons inconsciemment, ou consciemment dans les souvenirs. La représentation de cette cathédrale est propre à chacun, mais sa grandeur est la même pour tous. Cet édifice est un monument, sa grandeur proclame son rayonnement, atteignant les cieux. Face à cela, nous sommes, en tant qu’humain, d’une grandeur bien inférieure à cette cathédrale. En revanche, en ce qui concerne les éléments d’ornementations, les moulures et contours, l’architecte finlandais nous explique le lien entre matière et être par la composition de détail, d’une grandeur plus faible que celui qui la regarde et la considère. De cette tension entre des ordres de grandeur opposés se positionne la figure humaine qui par son regard se projette. Au cours de la déambulation, le mouvement de la marche et la mouvance du regard, l’humain découvre, ressent et comprend l’espace. Les sensations se génèrent par le rapport de proximité et d’éloignement entre l’être et la matière. « On entre: le spectacle architecturale s’offre de suite au regard: on suit un itinéraire et les perspectives se développent avec une grande variété »21. Le mouvement du déplacement amplifie celui de l’immersion. Nous dégageons de la déambulation une inter-relation entre la matière et l’être: le mouvement de l’être génère une prise de conscience de la matière positionnée dans l’espace, mais c’est également au travers de la matière que la conscience d’être en mouvement est perçu.
La matière
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20
PALLASMAA, Juhani. Le regard des sens. Paris: Éditions du Linteau, 2010
21
BOESIGER, W. et STORONOV Oscar. Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Oeuvre complète 1910-1929, op. cité p.60. Zurich: Dr. H. Girsberger, 1943
Edizia resilienza a Giudecca Gino Valle
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La genèse de l’atmosphère
/ Masse de la matière La matière est un ensemble physique, substance qui se caractérise par son étendue, sa densité et son aspect. Il s’en dégage à partir de cela un corps, avec une masse. En évoquant cette quantité de matière, il s’avère nécessaire de comprendre ce qu’elle représente par rapport à la masse corporelle de l’Homme. À quel degré exprime-t-elle la massivité ? Par l’affirmation de sa présence, elle s’impose face à l’Homme. Cette concentration de matière est en capacité de provoquer un sentiment de protection ou à l’inverse de mal-être. Face à cela, nous n’évoquerons pas la notion de légèreté, mais du détail. Par sa composition à une échelle plus réduite, la perception du détail invoque un tout autre rapport à la matière. « Les détails, lorsqu’ils savent nous combler, ne sont pas simples décorations. Ils ne nous distraient pas, ils ne nous divertissent pas, mais ils conduisent à la compréhension du tout, à l’essence duquel ils appartiennent incontestablement.»22. Le détail rapproche de la matière,il dialogue avec celui qui le contemple. Il est un fragment mais convoque la totalité, liant l’être à l’édifice qui s’élève face à lui. En questionnant le dialogue qu’engage la masse de la matière, elle est aussi l’expression des forces. « Il est nécessaire de revenir à l’idée que l’architecture est d’abord l’art de la construction, art qui consiste à exprimer et à sublimer, les forces gravitaires »23. Chacun des éléments a une masse qui lui est propre. La composition articule chacun des éléments avec la totalité. Sous les actions de la pesanteur, les charges sont transmises. La matière par son dimensionnement et sa densité révèle la stabilité. « Le projet implique certaines quantités de briques, une méthode de construction, puis l’ingénierie terminée, l’esprit de son existence prend le dessus. »24. La masse des éléments nous exprime la stabilité, mais c’est aussi par cette quantité de matière que le projet est en mesure de s’élever et accueillir l’Homme.
La matière
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22
ZUMTHOR, Peter. Penser l’architecture, Birkhauser Libri. 2010
23
QUIROT, Bernard. Simplifions, Éditions Cosa Mentale, 2019, Collection Essais
24
RIVALTA, Luca. Louis Kahn, la construction poétique de l’espace. Le Moniteur. 2003
Altonaer Straße 4–14 Oscar Niemeyer
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La genèse de l’atmosphère
La photo ci-contre illustre de façon pertinente la perception de la masse de la matière. Oscar Niemeyer à Hansaviertel élève un édifice abritant 78 logements. Dans une période moderniste, Niemeyer surélève le volume. L’architecte se saisit des performances structurelles du béton afin de créer des piliers monumentaux. Les piliers en V, s’élèvent et s’affinent en direction du ciel, génèrant au sein même de la structure des vides . La lecture d’une hiérarchie est perceptible. Les pilotis élevant l’édifice prennent leur appui en pleine terre. Une rampe surélève l’entrée. Une surface, s’étale et supporte des noyaux, point d’appui permettant de s’élever à travers les étages. La masse des piliers évoquant la stabilité se distingue des noyaux recouverts de faïences composées de carreaux. Ainsi chacun de ces éléments de matière a une masse physique qui lui est propre. La masse du carreau est bien plus faible que celle du pilier. De la distinction nous pouvons en dégager une double lecture: celle des piliers supportant la collectivité et celle des noyaux accueillant l’habitant.
/ Matière et composition La matière s’élève, la matière s’étend. Les éléments se dessinent, genèse d’une composition architecturale alternant matière et vide. La notion de composition évoque le rapport que chacun des éléments entretient avec la totalité. Il s’en dégage une interdépendance de chacun à la recherche de cohérence, d’équilibre, d’harmonie. Au regard de la masse de la matière, et de la prise en compte d’une architecture vécue par l’Homme, nous questionnons le rapport qu’entretient la composition de la matière avec la composition architecturale. « Composer, c’est grouper des éléments pour en faire un tout homogène et complet de telle sorte qu’aucune partie ne puisse se suffire, mais que tout se subordonne à un élément commun d’intérêt, centre et raison d’être de la composition. »25 .La raison d’être de la composition est l’accueil de l’être conscient. De par son existence la matière abrite l’être qui l’habite. L’être mouvant ressent les sensations d’espace que nous avons évoqué précédemment. De ces
La matière
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GROMORT, Georges. architecte français, connu par ses ouvrages de théorie, il a enseigné à l’École des Beaux-Arts ,
57 logements Herzog et De Meuron
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La genèse de l’atmosphère
variations s’en dégagent d’une part, une succession de sensations générées par la composition architecturale, mais aussi, des mises à distance et rapprochement de l’être à la matière. Dans une volonté d’explorer le désir d’expression de celle-ci, nous évoquons la vision de l’« Image dans le tapis »26, d’Henry James. Le regard immergé du tapis, se rapproche, dessine un motif, puis un autre, ne cessant de se rapprocher jusqu’à l’échelle du tissage, sa vérité. La composition de la matière nous rapproche de la composition architecturale, elle nous en révèle son essence. La grandeur de la matière en tant qu’élément et le détail de sa composition, unissent l’Homme qui déambule à l’architecture qui s’exprime. Il est rare que la matière soit une surface parfaitement lisse, homogène, et monotone. Le mouvement de la marche, la perception consciente et la matière sont genèse du rappel de la présence de l’être au monde dans lequel il vit. Les détails renforcent l’immersion dans une réalité tangible, animant et conscientisant le déplacement de l’Homme. La notion de composition relate de ce que nous avons identifié précédemment comme « système de cohérence »27. En affirmant que la perception est constamment relative par son immersion dans un environnement. Le bâti peut-être pensé comme une entité à part entière, inscrit dans un tissu plus ou moins existant, ou se décomposer en différentes entités interdépendantes. La pluralité des entités révèle au cours du cheminement de l’individu une diversité des situations spatiales engendrant une multitude de variations spatiales. « Mais la ville a besoin de propositions et de typologies différentes (…) C’est ce phénomène-là qui nous amène à repenser le bâti et le non-bâti d’une manière novatrice et à développer de nouvelles stratégies par rapport aux typologies par exemple en superposant ou en combinant différentes typologies sur un même site »28. En requestionnant la morphologie de l’îlot urbain, le projet de le Rue des Suisses à Paris exprime une diversité typologique. D’une part, un bâti à l’élan vertical affirme l’alignement à la rue. La cours, quant à elle est habitée par une entité à l’élan horizontal. Le vide de la cour est l’interstice entre ces deux entités, genèse de l’expression d’une domesticité. La matérialité affirme la dualité des entités, et la genèse de leur interstice. Le front bâti est recouvert d’une résille métallique se lisant comme une masse. Face à cela, la courbure de volets roulants en bois, exprime une légèreté domestique.
La matière
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JAMES, Henri. L’Image dans le tapis. Traduit par HUGO, Fabrice. Éditions du Rocher, 2009
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NORBERG-SCHULZ, Christian. Système logique de l’architecture. Editions Mardaga, 1998
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HERZOG et DE MEURON. De Bâle. Birkhauser Libri. 2016
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Logements de La Poste Philippe Gazeau
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La genèse de l’atmosphère
I.3 Lumière
/ Lumière et temps La lumière est l’énergie qui transcende l’espace et se pose sur la matière. Nous parlons bien évidemment de lumière naturelle et en aucun cas de cet éclairage artificiel qui fige l’espace et le temps. « La lumière artificielle est un petit moment statique singulier de la lumière, c’est la lumière de la nuit, et elle ne peut égaler les nuances d’atmosphère que créent l’heure du jour et les merveilles des saisons. »29. De cette opposition entre lumière artificielle et lumière naturelle, Louis Kahn en dégage l’énergie statique face aux nuances. La première, au singulier nous parle de son état figé. La seconde au pluriel nous parle de la mouvance, nous faisant prendre conscience de l’espace qui nous entoure. La première répond seulement à un besoin en l’absence de la seconde, c’est-à-dire dans l’obscurité de la nuit, lorsque la Terre ne reçoit plus le rayonnement des cieux. L’éclairage artificiel n’est en aucun cas capable de substituer la lumière naturelle. La notion de nuance, au pluriel évoque la mouvance, mais au singulier la nuance évoque la couleur, une intensité, degré plus ou moins fort que peut prendre une même couleur. Au cours de la journée, cette intensité de lumière évolue, ce qui en change la perception. La constance est pauvre face à la mouvance, elle est ennuyante. Associée à des espaces du quotidien, elle ancre un refus de prise en compte du temps, figés dans une boucle incessante. Face à cela, « Les permissions que l’architecte a donné à l’ouverture choisie sont imprévisibles et sources de plaisir, des éclats
La lumière
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KAHN, Louis. Silence et lumière- Choix de conférences et d’entretiens 1955-1974. Édition du linteau. 1996
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Viviendas en la Calle Doña Maria Coronel Cruz y Ortiz
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La genèse de l’atmosphère
de soleil jouent sur le montant et l’appui, entrent, bougent et disparaissent »30. Cet «éclat»31, ce sont des rayons de lumière qui transcendent l’espace. Le caractère transcendant s’oppose à celui de l’étalement. La lumière par ses nuances ne baigne pas l’espace dans la même atmosphère. Les rayonnements provenant des cieux, rencontrent des filtres aux différents degrés d’opacité. Il s’en dégage la perception d’une lumière directe ou diffuse. La première évoque la transcendance. La seconde évoque l’étalement. La première est une lumière qui s’avance et se recule. La seconde est une lumière qui s’accentue et s’estompe. La première sera d’autant plus directe sous un ciel azuré. La seconde sera d’autant plus diffuse sous un ciel pâle. Au grand jour, le passage du temps s’intensifie. La lumière révèle le temps qui passe. Le temps qui passe sublime la lumière. Face à l’architecture stable et ancrée, se révèle la mouvance du rayonnement. La lumière est vivante et habite l’espace. La lumière donne vie à l’architecture. La lumière naturelle nous fait prendre conscience de l’instant, le temps présent. Elle situe le projet dans l’espace-temps et situe l’être sur Terre. « L’essentiel de l’architecture, c’est d’ouvrir le cœur des personnes et les toucher au point qu’ils soient heureux d’être sur terre. La question centrale est : comment l’architecture peut-elle enthousiasmer ?»32. En tant qu’être sur Terre, notre vécu se trace au fil des journées et des saisons. L’architecture ne doit dissocier l’être conscient de sa présence sur Terre. Tadao Ando, engagé dans une négation du contexte urbain japonais des années 70, désire offrir une architecture qui reconnecte l’être à un essentiel. Par la mise en matière d’une forme d’intériorité, la rupture est la genèse d’un retour à l’essentiel. « Avec le passage du temps et la succession des saisons, l’intensité de la lumière varie, et dans son sillage les caractéristiques des objets. »33. Ces paroles traduisent l’entrelacement entre architecture, lumière et temps.
La lumière
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KAHN, Louis. Silence et lumière- Choix de conférences et d’entretiens 1955-1974. Édition du linteau. 1996 31 Ibidem 30 30
ANDO, Tadao et, FRICK, Mathias : film documentaire : Tadao Ando – du vide à l’infini, DVD 2013
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ANDO, Tadao
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20 logements sociaux Gilles Perraudin
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La genèse de l’atmosphère
/ Lumière, du vide à la matière, de la matière au vide
La lumière rend visible, elle révèle. Entre matière et vide, la lumière pénètre et s’étale. À la rencontre de la matière, la surface réagit à la lumière. L’énergie est accumulée et réfléchie. Le rayonnement qui atteint la rétine rend visible la matière. L’être prend conscience de ce qui s’offre face à lui. De ce pouvoir de révélation, la lumière fait comprendre les limites de l’espace, donnant une masse au vide. Elle situe ainsi l’Homme dans l’espace. L’être par la lumière prend conscience du vide et de la matière. De ce rapport de la lumière, du vide, et de la matière, nous y lisons une forme d’aller-retour, dans le sens où la lumière parcourt le vide afin de se poser à l’encontre de la matière. C’est par le contact avec la matière, que s’éclaire le vide, qui a été parcouru précédemment. Lors du déplacement de l’Homme, elle y éclaire son cheminement. Les variations spatiales impliquent des rapports à la lumière différents, rythmant la marche. Son intensité est dans un intervalle perceptible par la rétine. Face à une intensité trop importante, on se perd dans la lumière. À l’inverse, sans lumière, on se perd également. Selon la matière sur laquelle elle se pose, sa capacité à réfléchir le rayonnement et les nuances de la lumière, il s’en dégage une atmosphère qui lui est propre. La teinte du vide confère à la lumière un caractère mystérieux et mystique. Nous avons évoqué précédemment la difficulté de l’architecte dans le processus de conception à projeter les vibrations du vide. Au regard de la capacité de la lumière à transcender le vide et sa mouvance incertaine elle questionne et fascine l’architecte. La surface (terme rendant la matière abstraite, afin de nous concentrer sur la lumière) révèle la lumière, elle la saisit. La surface réfléchit cette lumière qui n’a aucune épaisseur, aucune masse. Son immatérialité ne s’oppose en aucun cas à son existence. La masse de la lumière se génère par la profondeur qu’engage le rapport entre ombre et lumière. La surface est une étendue. Saisir la lumière, c’est saisir ses nuances les plus profondes. Par
La lumière
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Trait d’union Charles-Henri Tachon
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La genèse de l’atmosphère
l’obscurité, les nuances s’expriment et prennent possession de la surface. La dualité ombre et lumière questionne le processus de conception? Est-ce la lumière qui révèle l’ombre, ou l’ombre qui révèle la lumière ? L’interaction entre la lumière et la matière se définit ainsi: la matière comme révélatrice de la lumière, la lumière comme révélatrice de la matière. De cette interaction s’en dégage une capacité d’expression de la matière infinie. Son aspect, définit par sa teinte, ses imperfections, ses creux, ses joints, sa porosité, ses stries, ses veines, se révèle. Le regard mouvant de l’Homme rencontre l’expression d’une matière rendu vivante par la lumière. En effet, comme vu précédemment, l’orientation et l’intensité de la lumière varient. La lumière est rendue visible lorsqu’elle se pose sur une surface. La surface physique, quant à elle, est composée de matière. Au cours de ces variations, la lumière éveille la matière, sa perception est mouvante. L’interaction entre la lumière et la matière, permet à chacune de s’exprimer, leur relation est indissociable. « Je perçois la Lumière comme la source de toute présence, et le matériau comme de la lumière dépensée »34. C’est parce qu’il y a de la matière que nous percevons la lumière. La matière exprime son désir d’exister grâce à la lumière.
KAHN, Louis. Silence et lumière- Choix de conférences et d’entretiens 1955-1974. Édition du linteau. 1996
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/ Ombre et lumière La perception de lueur, sa clarté, est ressentie par le dialogue qu’elle engage avec l’obscurité. Éléments indissociables, la lumière existe par l’obscurité et inversement, « l’on voit dans la lumière absolue, ni plus ni moins que dans l’obscurité absolue »35. C’est par un jeu de nuances de clarté que s’écrit le dialogue que l’on peut appeler « obscurité éclairée »36, ou « lumière assombrie »37. L’accroissement de la multiplicité des nuances révèle
La lumière
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STOICHITA, Victor. I. Brève histoire de l’ombre, Droz, 2000
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Muralla Roja Ricardo Bofill
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l’entremêlement de l’ombre et de la lumière. Quant à sa réduction, le contraste s’intensifie par le rapprochement de ces deux opposés. Le dialogue est d’une part une nécessité d’existence de chacun, mais c’est aussi ce dialogue qui rend capable la perception du monde. L’absence d’ombre ou l’absence de lumière « sont visions du néant ». Leur dialogue conditionne la perception de la matière. « De même qu’une pierre phosphorescente qui, placée dans l’obscurité émet un rayonnement, perd, exposée au plein jour, toute sa fascination de joyau précieux, de même le beau perd son existence si l’on supprime les effets d’ombre.»38. De ce dialogue clair-osbcur, où l’un conditionne l’existence de l’autre, émerge une autre nécessité: celle de la matière comme surface d’expression du dialogue. Ainsi, c’est par la matière que s’écrit le dialogue, mais, c’est aussi par ce dialogue que la matière est perceptible. Le dialogue nous fait comprendre les volumes et la profondeur. La profondeur peut être physique au sens de la valeur générative de la troisième dimension. En ayant conscience que la clarté révèle, l’obscurité quant à elle, dissimule. Ce mystère est lui aussi genèse d’une profondeur, évocatrice de l’imaginaire de l’être. « Une lumière faible et la pénombre stimulent l’imagination et le rêve éveillé. Pour penser clairement, il faut supprimer l’acuité de la vision, car les pensées voyagent avec le regard, absent et vague. »39. Quand nous fermons les yeux, nous rêvons. L’esprit se saisit de cet instant, l’imaginaire se déploie. L’ombre anime la perception de l’objet, le rendant vivant, et anime tout autant l’esprit. Elle convoque l’imaginaire là où la profondeur ne permet pas de discerner nettement. Le mystère intrigue et attire. Le flou qui s’en dégage génère une aura, à l’instar d’un brouillard matinal. La simple platitude d’une surface rendu profonde par cette alternance d’obscurité et de lumière. « l’ombre aspire et la lumière exhale »40. La notion d’aspiration évoque un état de l’individu, généré par le sujet perçu qu’est l’objet sous l’ombre et la lumière. La perception des éléments de matière selon leur position dans l’espace génère une certaine distance entre les éléments et l’individu. La pénombre ne permet pas d’évaluer distinctement, genèse d’un suspens, la profondeur est d’autant plus profonde.
La lumière
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TANIZAKI, Junichiro. Éloge de l’ombre, Éditions Verdier, 2011
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PALLASMAA, Juhani. Le regard des sens. Paris: Éditions du Linteau, 2010
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II. La dialectique du passage
La notion de dialectique évoque le dialogue engagé à partir d’oppositions. Depuis l’Antiquité, elle est un art du raisonnement, à la quête d’une vérité. La dialectique puise sa force dans la confrontation. En ayant conscience de la séparation continue caractérisant le passage, il est l’expression du dialogue de la séparation de deux milieux. Le rapprochement de la dialectique et du passage en devient une évidence. Il émane de la combinaison de ces deux termes: le désir de déceler une vérité. Le passage de son rapport intrinsèque à l’habiter en devient le commencement. Cela invoque le questionnement de la signification de ce qui succède, l’habiter. La quête de la signification implique en amont de comprendre la valeur à signifier. La valeur de l’habiter puise sa raison d’être de son origine: l’abri premier. En ayant affirmé précédemment le passage comme lieu du commencement de l’habiter, il s’en dégage le questionnement de ce qui le précède: le monde extérieur. La recherche du caractère opposant l’habiter au monde extérieur se trouve dans la négligence de son origine. Il en émane, l’évocation du non-abri, ouverture au ciel. Ces éléments au caractère fondamental, sont évocateurs des composantes genèses de l’atmosphère évoquée précédemment: vide, matière, lumière. L’abri premier façonne la matière, le ciel révèle l’expansion du vide infini, source de lumière. La définition de la dialectique matière/ciel aspire à la théorisation de la composition du franchissement, ancrée par la suite dans le monde réel en tant que matière située dans le temps et l’espace.
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Dolmen Mane Kerioned
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La dialectique du passage
II.1 Du ciel à la matière, de la matière au ciel
/La matière protectrice Évoquer l’origine de l’habitat, c’est en revenir à l’acte originel de l’architecture. Face à la Nature et ses dangers, l’Homme erre, dans une mouvance continue. Non sédentarisé, il se déplace et réalise certaines haltes, se réfugiant sous un arbre, cherchant l’ombre ou la protection contre la pluie et le vent. L’arbre prend racine, s’élève et s’étend. Son feuillage surplombe l’Homme et filtre le rapport au ciel. C’est cette épaisseur protectrice, qui répond à un besoin primitif de survie. Les haltes prenaient parfois place dans des cavités souterraines, d’origine naturelle désignées comme cavernes. Dans la roche solide, au cours du temps s’était creusé ce vide approprié par l’Homme, comme enveloppe protectrice. Puis, l’outillage façonnant la matière s’est développé, cherchant à maîtriser la Nature41. L’acte de l’Homme recherche la modification du milieu dans lequel il vit. La protection, est un besoin fondamental de l’être conscient. La matière assemblée et positionnée recouvre, enveloppe le corps parfois exposé aux dangers. La matière définit une limite, frontière entre l’espace protégé et le reste. L’action de l’homme, qui émerge de sa propre volonté recherche à modifier un environnement. Cela passe par une recherche d’opposition aux forces de la tempête, aux déluges pluviales, aux fortes chaleurs. Au cours de l’évolution de l’intelligence humaine et de sa conquête de la nature, l’habitat pris la forme de la hutte, puis de la cabane, et enfin de la maison. L’évolution de l’habitat s’est traduite dans le temps, en évoluant de l’abri au logement. La dernière notion évoque un bien, une réalité physique avec
Du ciel à la matière, de la matière au ciel
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Propos soutenus par VIOLLET-LE-DUC. Histoire de l’habitation humaine (Ed.1875). Hachette Livre. 2013
AMPHOUX, Pascal et MONDADA, Lorenza. Le chez-soi dans tous les sens. Architecture et Comportement/Architecture and Behaviour, Colloquia/ Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, 1989, vol. 5
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des limites et une appartenance. On parle du « chez-soi », qui « représente en effet à la fois une propriété, une personnalité et un mode de vie spécifique; niveau adaptatif, fonctionnel et formaliste, nous sommes dans l’ordre de la séparation et de la mesure »42. L’évocation des termes séparation et mesure révèle l’approche qualitative et quantitative de l’espace du chez soi par la mise en matière de limites physiques. Le chez-soi est situé, sa frontière avec le monde extérieur le stabilise dans une intériorité. « Le chez-soi, en ce cas, recouvrirait la notion de territoire, au sens animal d’un espace strictement délimité et défendu (…), il renvoie directement aux connotations architecturales de l’abri, du refuge, du retrait et de la privacité »43. L’habiter, de l’acte originel à aujourd’hui, révèle le désir de protection de l’être conscient, au travers du rapport qu’il entretient avec la matière, comme enveloppe protectrice.
/ L’infinie limite du ciel BERQUE Augustin, Philosophie, ville et architecture: De la terre, du ciel, et de l’insoutenable en architecture. La découverte. 2002. Armillaire
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KLEIN, Yves. Artiste français connu dans sa quête d’immatérialité et d’infini 48 KAHN, Louis. Silence et lumière- Choix de conférences et d’entretiens 1955-1974. Édition du linteau. 1996 47
Ibidem 48
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En évoquant précédemment le chez-soi comme espace de repli, nous en venons à nous questionner sur son opposé, le monde extérieur, l’inconnu. De ce grand vide, aux limites infinies, nous questionnons ce qui est inatteignable « Or le ciel est impalpable, il est même vide en comparaison de la substance terrestre»44. La « substance terrestre »45 est physique, avec des frontières et limites. En revanche, le ciel, est « impalpable »46 c’est l’espace infini. L’artiste Yves Klein a été frappé par cet étendue. «le bleu n’a pas de dimension, il est hors dimension, (…) le bleu rappelle tout au plus la mer et le ciel, ce qu’il y a après tout de plus abstrait dans la nature tangible et visible »47. L’artiste relève une immensité en tension dans une réalité tangible. En référence à ce que nous avons évoqué précédemment, au sujet de la notion du vide et de la substance, du contenant et du contenu; nous interprétons ici le rapport entre « non-mesurable »48 et « mesurable »49 par le degré d’ouverture au ciel. Le contenu s’échappe du contenant, dans un univers infini.
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La dialectique du passage
Le ciel, c’est l’espace du temps. L’étymologie du mot temps provient du latin tempus qui signifie division du temps, de racine similaire que templum qui signifie division du ciel. La mouvance du ciel implore une narrativité, « une des manières dont nous reconfigurons, pour la rendre signifiante, l’expérience de la temporalité »50. Le récit du ciel, exprime et nous fait éprouver la notion d’instant. La narrativité, c’est un « récit figuratif »51, dans le sens où le ciel rend visible le temps qui passe. C’est par cette capacité à rendre compte, que l’individu saisit l’instant. L’expression de la temporalité prend son appui dans la dimension météorologique, science étudiant les phénomènes atmosphériques des différents astres. De ces phénomènes, la lumière zénithale offre une tout autre perception des objets que celle-ci éclaire, « de cette mise en scène phénoménologique; la lumière agit sur des figures, et l’atmosphère agit sur la manière dont la lumière agit sur les figures »52. Cette relation de cause à effet nous révèle le lien entre terre, ciel et lumière. Le rapport au ciel engage un dialogue avec les éléments naturels qui ont cette capacité selon Tadao Ando de « sublimer »52. « Son but n’était pas de créer une architecture abstraite, mais plutôt sublimer des espaces du quotidien, les faire parler en favorisant un dialogue avec les éléments naturels: la lumière, le vent »53. Dans cet extrait, l’architecte nous parle de la nécessité de « sublimer les espaces du quotidien »54, en rapport avec le domaine de l’habitat. Il évoque la capacité de la genèse du sublime par la relation entre l’architecture, l’homme et les éléments naturels. Ces éléments sont intrinsèquement liés à l’ouverture sur l’extérieur, à ciel ouvert, en relation directe avec l’air, ses mouvements, la lumière, ses nuances. Dans la continuité de sa réflexion, l’architecte nous explique au travers de l’acte construit répondant à des besoins ventilation et d’éclairage, un rapport de l’être à l’air et la lumière, potentielle genèse d’un « caractère « extra-ordinaire » »55.
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FONTANILLE, Jacques. Paysages: le ciel, la terre et l’eau. Actes Sémiotique. 2008
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NUSSAUME ,Yann. Tadao Ando et la question du milieu: réflexions sur l’architecture et le paysage. Le Moniteur. 1999
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/ La tension de l’entre-deux
BACHELARD, Gaston. La poétique de l’espace. Presses Universitaires de France. 2020
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COUSIN, Jean. Espace vivant : introduction à l’espace architectural premier. Montréal : Presses de l’Université de Montréal ; Paris : Editions du Moniteur, 1980
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L’existence du passage prend sens dans le lien tissé entre ce qui lui succède et ce qui lui précède. Une tension règne au sein de l’espace du passage. « Tout ce qui est au dedans serait à la mesure de l’être intime; par contre, au dehors, tout serait sans mesure. Il y aurait donc opposition entre l’espace intime et l’espace indéterminé »56. Bachelard, en interrogeant la dialectique du dedans et du dehors affirme la présence au dedans comme mesure de l’habitant. La matière se rapproche de l’être, transitant une forme d’enveloppement. L’être ressent la protection, le lieu en devient intime, genèse de l’appartenance et de l’épanouissement. Face à cela, le dehors est indéterminé dans une perte de mesure. Le passage est cet espace de friction, non pas entre dedans est dehors, mais déterminé et «indéterminé» 57. À quel degrés je pénètre dans un dedans (intériorité)qui est encore un dehors (extérieur)? La vision de Jean Couzin, évoque des forces émanant de la matière. « Cette notion « intérieur-extérieur » se rattache à quelque chose de plus profond: l’homme est partagé entre des tendances centripètes et centrifuges »58. La composition centrifuge tend vers une exclusion de l’être conscient, ne se sentant appartenir à l’espace, mais en dehors de cet espace. Face à cela, la composition centripète tend vers une inclusion, aspirant du dehors au dedans. La traduction de ces forces en espace, Jean Couzin les évoque sous le nom d’«espace positif»59 et d’«espace négatif»60. «L’espace positif (...) est un espace contenu, au champ visuel limité, avec un foyer, un centre »61. La matière contient, l’espace, limitant son champ visuel et concentrant l’être sur sa propre existence. Les limites par leur présence physique, abritent et enveloppent l’être révélant le caractère positif de l’espace et séparant de son opposé, l’espace négatif. On parle de « l’espace qui nous reste (…) c’est l’espace au champ visuel illimité, sans foyer interne »62. L’évocation de l’étendue « illimitée»63, induit un manque de repère. Cela traduit une absence de matière interne à un espace. Elle évoque l’espace externe, retiré du «foyer interne»64. Les notions d’interne et externe sont distinctes de
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La dialectique du passage
celle d’intérieur et extérieur. Leur distinction est révélatrice de la richesse du passage. C’est en entremêlant ces deux dialectiques que le passage est cet entre-lieu. Le commencement est la transition de l’externe à l’interne tout en conservant son caractère extérieur. La composition questionne leur matérialisation. Quelle présence physique renvoie à l’interne sans pour autant entrer dans une pièce intérieure ? L’entremêlement évoque la « séparation continue » caractérisant la richesse et la complexité du passage. Nous venons de rendre compte de la nécessité de séparation intrinsèque à l’habiter. La séparation est matérielle, physique, mais aussi subjective par le ressenti de l’homme et sa considération de ce qui l’entoure en tant qu’espace positif65. La ville est constituée d’une immensité d’espaces positifs66 et d’espaces négatifs67, mais ces espaces sont perçus seulement lorsque l’individu y porte une certaine attention. En concentrant le regard sur le commencement, l’espace est en lien avec l’habiter et l’être conscient qui le procure est majoritairement le résident associant le lieu comme «espace positif»68. La composition renforce ce sentiment.
Ibidem 58 Ibidem 58 67 Ibidem 58 65 66
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/ Le franchissement, entre matière et ciel Le passage est la mise en matière de la transition d’un milieu à un autre. La matière génère la séparation. Le vide génère la continuité. L’habitant qui franchit le passage ressent le franchissement par des éléments de matière et se déplace par le vide qui l’accueille. Cette interpénétration est rendue possible par la non-définition d’une paroi pleine et frontale, comme limite et frontière entre un milieu et autre, mais parce que ces parois sont orientées dans le sens du cheminement de l’habitant générant cette continuité. La composition du passage est le refus d’une limite franche et la volonté d’une interpénétration. Ainsi, la matière ne s’oppose pas, mais borde et recouvre. Les éléments en élévation définissent une séparation, une orientation. La verticalité des plans dans l’espace se confronte au cheminement. Quant aux recouvrements, ceux-ci invoquent l’abri et toute la symbolique qui lui est associée.
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Luigi Ghirri_The blue of the Sky
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La dialectique du passage
C’est ainsi par la matière, que s’engage la variation spatiale significative du commencement. Le corps est en rapport avec la matière. La variation implique une variation d’échelle, de proportion. En ayant évoqué précédemment l’«espace négatif»69, comme le fait d’être en dehors, le passage se dirige vers l’«espace positif»70 qui inclut. Ainsi au cours du cheminement de l’habitant, du franchissement du passage, la matière se rapproche. La variation engagée est celle de l’enveloppement définissant la transition de l’avant-passage au pendant. Cette action de la matière sur le vide se caractérise par un rapprochement affaiblissant le degré d’ouverture de l’espace. Ainsi la perception de l’enveloppement est rendue possible qu’en prenant en considération ce qui précède. Nous avons évoqué précédemment la notion de référentiel, qui induit une perception subjective par la considération de l’environnement, ce qui juxtapose, ce qui précède. Nous sommes conscients que « la vraie nature de l’espace ne réside pas dans le caractère plus ou moins étendu des sensations en tant que telles, mais dans l’intelligence qui interconnecte ces sensations. »71. Nous dégageons ainsi une corrélation entre passage et dynamique spatiale. Le passage existe par la dynamique spatiale lui conférant son rôle de « continuité séparatrice ». La dynamique spatiale est opérée par l’existence du passage, elle signifie son commencement et sa fin. Nous affirmons la nécessité de l’enveloppement au commencement, mais questionnons la dynamique significative de sa fin. La matière se rapproche-t-elle une nouvelle fois ? Ou à l’inverse prend-elle de la distance? Au regard du principe d’enveloppement, nous évoquons à l’inverse le désenveloppement. La matière s’éloigne du corps, le degré d’ouverture accroît. Le regard du franchissement a été jusqu’à présent concentré sur les limites, au sens physique, de l’espace. La tension du franchissement est celle entre limite et infini, entre tangible et inatteignable, entre matière et ciel. De cette dialectique, s’interroge le rapport entre l’ouverture et l’enveloppement. L’enveloppement conservant une ouverture au ciel, sublimera l’espace de son immensité. En revanche, l’enveloppement matérialisant un recouvrement évoquera l’acte originel de l’abri. Le rapport s’exprime entre une dynamique, celle de l’enveloppement ou du désenveloppement et un état celui de l’ouverture ou non
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au ciel. En identifiant des phénomènes et des états, il s’en dégage une lecture et une compréhension de la genèse du passage. La composition articule ces phénomènes et états. En ayant auparavant affirmé l’avant-passage comme situation à ciel ouvert (depuis la rue) et le commencement comme mise en matière de l’enveloppement, nous énonçons trois relations significatives du passage: gradation [01] , discontinuité [02] et continuité [03]. Chacune de ces relations va être étudiée par la suite au travers de l’analyse de matière située. L’étude s’intéressera à la genèse de l’atmosphère à partir de l’identification de chacune de ses compositions
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La dialectique du passage
PASSAGE
CIEL
MATIÈRE
ENVELOPPER
DÉSENVELOPPER
PHÉNOMÈNES
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26 Calle Doña Maria Coronel
Seville, Espagne 1976 Cruz y Ortiz 12 logements
Matière située
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Échelle urbaine 0
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Évidement La résidence se situe dans le centre ancien de Séville, le quartier Santa Catalina. La densité bâtie est élevée. Le projet s’inscrit dans un tissu existant. Le parcellaire hérite de la complexité des centres anciens, multipliant les angles. La morphologie du centre historique de Séville, se caractérise principalement par des îlots à cour fermés. Les fronts bâti bordent les rues et des espaces extérieurs intériorisés se dessinent. La parcelle représente une surface de 480 m2. Les architectes Cruz y Ortiz, prennent le parti d’épouser le tissu existant, en se confrontant à tous les murs mitoyens et tous les angles que cela génère. À la recherche d’apport d’air et de lumière, et suite au Plan de Reforma Interior del Casco Antiguo, (note: loi de 1968 annonçant une occupation maximale de 75 % de la parcelle) la totalité de la parcelle n’est pas bâtie. Il en ressort un évidement au centre de la parcelle. Les architectes expliquent le choix de cette centralité comme moyen d’une dissipation de la fragmentation générée par le parcellaire. Ainsi en épousant la parcelle et évidant son centre, cela génère une liberté dans la composition de cette cour. L’intérêt pour cet espace prend de l’ampleur quand celui-ci s’agrémente à la séquence d’entrée des résidents. La lecture du bâti nous révèle une forme pleine, évidée en son centre. Entre la rue, et la cour à ciel ouvert, se dessine une épaisseur bâtie. Entre ces deux milieux, le lieu du passage est couvert. Les relations spatiales découlant de ces successions d’espaces révèlent un rapport au ciel discontinu.
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La dialectique du passage
La rue La Calle Doña Maria Coronel accueille une circulation à sens unique. La voiture la parcourt et y stationne également. La file se juxtapose au trottoir, sous les arbres. L’alignement planté, orne et ombrage une partie de la rue. L’essence des plantations choisies s’élève peu, conservant un feuillage proche de l’Homme. Les plantations se positionnent de part et d’autre de la voirie en bordure des trottoirs ombrageant le cheminement des passants. La symétrie de la rue, et l’alignement des arbres affirment son caractère. En ce qui concerne les limites spatiales de la rue, son tracé non-rectiligne génère une perception floue. Les cheminements piétons et véhiculés sont recouverts de pavés. Le calepinage des éléments en granit décompose la perception visuelle du sol, réduisant l’échelle de la composition. À l’origine brut et poreux, les pavés donnent également une échelle au temps, au cours de leur usage, les pavés brillent sous un aspect plus lisse. Les hauteurs bâties qui bordent la rue s’élèvent jusqu’en R+3, ouvrant la rue sur le ciel.
Matière située
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Matière située
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Échelle du bâti 0
Matière située
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5m
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La dialectique du passage
Échelle du passage «Atmosphère propre à lui-même, ne dépendant pas de ce qu’il se passe autour (...) Inséré dans un environnement , parcellaire complexe, cela ne se sent pas lorsque l’on est dans la cour» Cruz y Ortiz
Matière située
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0
3m
Hétérogénéité La volumétrie de l’édifice abrite 12 logements sous le même toit. Les architectes dissimulent depuis la rue l’élévation d’un édifice abritant une collectivité de 12 logements. Au moyen d’une composition en façade hétérogène, il en ressort une lecture divisée du bâti. Le RDC et le R+1 sont recouverts de briques de parement se distinguant du R+2 et R+3, effacés au moyen d’un enduit blanc. Les architectes Cruz y Ortiz, au travers du choix de la brique, font appel à la matérialité traditionnelle du centre ancien de Séville, insérant le projet dans son contexte. La brique se révèle, l’enduit s’efface. La matérialité de la terre cuite, à la teinte chaleureuse et le calepinage des parois renforcent visuellement la présence de l’élément physique. Face à cela, l’enduit, blanc et lisse s’exprime peu. L’hétérogénéité est soulignée par une « moulure » en saillie ainsi qu’une variation de la trame des ouvertures. En concentrant le regard sur ce qui est ancré au sol, le socle composé de briques présente un unique percement, sobre et modeste. L’absence de matière, est la genèse d’un vide qui accueille. La lecture de son ampleur est double: à l’échelle du socle et à l’échelle de l’entité. La façade s’étale sur une longueur de 15m, élevée de trois niveaux, quant au passage, celui-ci est large de 3m, s’élevant d’un seul niveau. Au regard de ces mesures, nous constatons un rapport de proportion entre le vide du passage et l’ensemble de la façade, égale à 1/5.
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La dialectique du passage
Profondeur La frontalité bâtie s’élève et s’affirme. La masse s’évide un instant et se creuse en profondeur jusqu’à atteindre la cour intérieure. Le rapport de la matière au vide, est évocateur du creux, perçant la massivité. La massivité sublime le vide. Par son unicité, il est évident qu’il est le commencement. L’évidement est d’une part la genèse de la traversée en direction de la cour, et d’autre part la matérialisation de l’abri. Ainsi, la variation spatiale engage l’affaiblissement du degré d’ouverture. Le caractère enveloppant du percement souligne le caractère interne du passage. Face à une composition spatiale qui marque la rupture, la matérialité quant à elle, souligne le continuum de la rue à la cour. La brique de parement qui recouvre la façade se plisse en direction du passage et se déploie dans la cour. L’homogénéité matérielle souligne la qualité extérieure du passage. De ce regard croisé entre continuité et rupture, le passage est assimilé comme espace extérieur interne à l’édifice. Au regard de cette qualité interne, il s’avère nécessaire de questionner ce que cela renvoie à l’habitant qui le parcoure. La massivité affirme la séparation avec la rue qui précède. Quant à la continuité spatiale, la lumière est révélatrice du continuum. Le vide s’étale de la rue à la cour. Sous l’abri, l’espace s’assombrit, dans des limites floues et profondes. La discontinuité du rapport au ciel révèle la transcendance de la lumière de la cour, qui se confronte à l’obscurité abritée. La transcendance révèle le continuum. L’intensité de la discontinuité significative du passage inscrit celui-ci dans une constante mouvance, par la puissance du dialogue de l’ombre et de la lumière. Au regard de la dynamique spatiale engagée, les parois orientent l’espace, dans une seule direction. L’espèce se révèle dynamique, d’avant en arrière, de la rue à la cour. Le sol est une composante de l’espace à part entière, la surface marque son autonomie en s’élevant d’une marche depuis la rue et en s’étendant au sein de la cour. Les teintes des sols sont similaires, en revanche, les pavés se transforment en dallage pierre. Quant à la sous-face de la dalle supérieure, celle-ci abrite dès la pose de la pierre de seuil, en alignement de la façade. Elle s’avance en direction de la cour, et disparaît.
Matière située
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Matière située
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Complexité La matière par son positionnement et sa mise en œuvre évoque une complexité spatiale. Face à l’unité engagée par l’évidement de l’entité comme lieu du passage, les éléments expriment une forme d’autonomie. Les parois latérales, suite à un renfoncement, s’effacent pour se retrouver par la suite sous forme de courbe. L’abri quant à lui continue de s’avancer et s’estompe sous un tracé curviligne. L’avancée de l’abri malgré l’effacement des parois verticales est possible par le biais de poteau en béton, d’une teinte semblable au dallage. Les éléments linéaires sont décollés de la paroi ce qui complexifie la lecture de l’espace. Les dualités entre composition linéaire et composition volumique, rectiligne et curviligne, enfoncement et excroissance génèrent une richesse spatiale où l’harmonie de l’ensemble est évocatrice d’une domesticité. Les détails rapprochent la matière de l’être. La matérialité se refuse à la perfection homogène et monotone, mais rend compte d’une friction par la mise en œuvre de la brique, son calepinage relevant une forme de stratification ainsi que son hétérogénéité colorimétrique. La masse perçue depuis l’avantpassage s’allège par le détail de la matière. On y décèle même le pli des coulures de poteaux, ainsi que sa circularité. La friction que nous avons identifié est celle qui fait vibrer ce vide.
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Unité L’abri prend fin, l’espace s’ouvre au ciel. L’évidement qui auparavant été horizontal, s’oriente vers une verticalité, de la Terre au ciel. L’espace dynamique évolue vers un espace statique. Les limites renvoient l’être à lui-même par la tendance centripète, mais elles l’ouvrent également à la concentration de ce qui l’entoure par l’ouverture au ciel. Le milieu s’affirme distinctement de celui de la rue, par la matière qui l’entoure et cadre l’ouverture au ciel. C’est un nouveau monde, puisant son inspiration du patio. L’origine du mot est espagnole, issue du latin patere signifiant « être ouvert ». L’archétype se caractérise par une centralité à ciel ouvert autour de laquelle gravite une habitation. Entre cet extérieur et cet intérieur, se dégage une circulation extérieure couverte à l’instar d’une galerie. Cet archétype génère un rapport au ciel intense, en étant l’unique ouverture sur l’extérieur. Traditionnellement, les patios accueillent des jardins, des bassins, devenant des lieux de représentation de l’hôte. Ici, le vide est sublimé, dans le sens où l’archétype est dépouillé, déformé. La figure du carré subsiste à une figure curviligne modelant ce vide. La courbe efface l’angle. La lecture d’une paroi unique renforce l’unité de l’habitation qui entoure. L’échelle de la composition se veut ici représentative d’une collectivité. Il s’en dégage la perception d’une masse bien plus importante que celle identifiée précédemment. La dilatation spatiale met à distance l’habitant de la matière. Les parois qui s’élèvent aux cieux renforcent l’intériorité du lieu par leur unité et homogénéité en contraste avec la composition complexe que nous avons identifié précédemment. Les ornements en relief s’effacent, à la recherche d’une paroi à l’aspect lisse. Seule une corniche se dessine, soulignant l’ouverture au ciel. Les architectes revendiquent l’unicité du lieu, « nous avions une volonté claire d’introduire le spectateur dans un monde à part (…) Nous aimons qu’en étant dans cette cour, on est seulement et exclusivement dans cette cour ». La composition spatiale met en tension la dualité entre l’ouverture et la fermeture et affirme la séparation avec le monde extérieur.
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Continuité
64 rue de Meaux
Paris, France 1990 Renzo Piano 220 logements
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Échelle urbaine 0
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Ouverture
COUSIN, Jean. Espace vivant : introduction à l’espace architectural premier. Montréal : Presses de l’Université de Montréal ; Paris : Editions du Moniteur, 1980
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Ibidem 72 74 Ibidem 72 73
Ibidem 72
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Ibidem 72
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La rue de Meaux est située dans le quartier Sécrétan Jaurès dans le XIX arrondissement de Paris. La parcelle borde la rue de Meaux et fait front à la rue Lally-Tollendal. La densité bâtie alterne entre tissu haussmannien et modernité. La ville de Paris, consciente de cette cohabitation, demande dans la programmation de l’ensemble de 200 logements et la traversée d’une voie publique. Renzo Piano partage son intérêt pour une insertion urbaine qui refuse la compacité du tissu haussmannien et la déstructuration du tissu moderne. La morphologie bâtie est questionnée. Face à une volonté d’ouverture à une voie publique apparait l’inquiétude de la potentielle intrusion de la rue. Il s’en dégage un îlot rectangulaire scandé de failles. La lecture de l’insertion urbaine révèle la mise en tension du front bâti haussmannien et l’étendue verdoyante moderniste. La morphologie de l’îlot rectangulaire induit un principe d’inclusion, un rapport contenant et contenu. Le contenant est le bâti, le contenu est l’espace planté. L’ensemble contenant-contenu est l’espace positif72. Ainsi, depuis l’espace négatif73 qu’est la rue, se dégagent des ouvertures sur l’espace positif74. Ces vides prennent appui depuis la Terre et s’élèvent jusqu’au ciel. Le passage de l’espace négatif75 à l’espace positif76 conserve une ouverture au ciel continue.
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La rue La rue de Meaux est rythmée par le mouvement des voitures. La circulation est à sens unique et le stationnement s’étale de part et d’autre, les trottoirs sont étroits. Le revêtement bitumeux recouvre une part importante de la rue. Il s’en dégage principalement la présence d’une étendue goudronneuse sur laquelle stationnent des véhicules. Sa situation de carrefour implique une accélération du mouvement dû à la multiplicité des voiries. Il s’en dégage tout de même un espace de respiration. La fin de la rue Lally-Tollendal a été condamnée à la voiture, réservée aux passants et cycles. L’espace public est aménagé, entre espace planté et mobilier urbain. La proximité de cet espace urbain avec l’école maternelle Armand Carrel nous laisse imaginer la vie qui anime cet espace aux heures de fin de classe. L’échelle du vide urbain que créé le carrefour questionne l’ampleur du vide du passage. La faille s’élevant de 6 étages élance un vide à l’échelle du vide urbain. L’îlot s’ancre à son contexte. Le cheminement piéton qui le borde s’élargit à l’encontre des failles jusqu’à la barrière physique du portail. La verticalité de l’ouverture associée au mouvement du passant qui chemine sur le trottoir, borde l’entité, représente un instant très court d’un cadrage sur une intériorité Il s’en dégage une interpénétration de la rue dans la faille, entremêlement de l’espace positif77 et l’espace négatif78.
Matière située
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Ibidem 72
Ibidem 72
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Échelle du bâti 0
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Échelle du passage «La transplantation, d’un authentique morceau de paysage donne de l’ampleur à un espace très serré, étranglé, contraint. Michel Desvigne
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5m
Échelle(s)
COUSIN, Jean. Espace vivant : introduction à l’espace architectural premier. Montréal : Presses de l’Université de Montréal ; Paris : Editions du Moniteur, 1980
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L’ensemble de 220 logements s’élève de six étages. Les deux premiers niveaux bordant la rue sont sujets à une mixité programmatique abritant commerces et services ouvrant le bâti au quartier. Les deux failles qui scandent l’îlot rue de Meaux, divisent l’entité. La porosité engendrée réduit l’échelle de l’ensemble. En revanche, l’homogénéité de la composition des entités, par leur matérialité et l’alignement des planchers préserve l’unité de l’ensemble. La décomposition de l’entité et la conservation de l’unité affirme les passages comme des espaces positifs79, internes à la collectivité. Il s’en dégage l’imaginaire d’une scission suivi d’un écartement, qui nous laisse pénétrer dans l’enceinte de l’édifice. Le rapport entre la simplicité de l’évidement et son ampleur renforce sa signification. La tension entre urbanité et domesticité se contient dans un passage étroit qui s’élance aux cieux. Le vide étalé seulement sur trois mètres, s’élèvent à plus de quinze mètres. L’élan vertical questionne le rapport rapport de grandeur qu’il entretient avec celui qui s’en rapproche. La division de l’unité en entité, se retrouve dans la mise en œuvre de la matière. S’élevant structurellement à partir de voiles porteurs et dalles en béton armé, les façades sont non-porteuse. L’élévation d’une ossature métallique est recouverte de carreaux de terre cuite. L’échelle de la composition et l’échelle de la matière s’avèrent distinctes. Le calepinage des éléments de terre de 20X42cm évoque une hiérarchisation entre l’échelle de l’habitant qui parcoure l’entrée et celle de la collectivité qui y réside.
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La dialectique du passage
Interstice La matérialisation du passage, significative du commencement contracte l’espace. La perception du continuum s’avère intensifiée, par la négation d’une forme d’abri, engendrant une continuité spatiale ouverte au ciel. La transition de l’espace négatif80 à l’espace positif81 se traduit par l’avancée depuis l’espace statique du carrefour à l’espace dynamique du passage. L’espace centripète qui se dégage du premier, s’oriente en parcourant le second. La variation spatiale évoque ainsi la séparation tout en conservant la perception du continuum. La négation de l’abri engage de faibles nuances de lumière soulignant la continuité spatiale entre ce qui précède et ce qui succède le commencement. La profondeur, renforce la séparation avec la rue. L’habitant s’immisce entre les deux parois, la matière se rapproche. La massivité s’accroît par le rapport de proximité qu’elle entretient avec l’habitant. La matérialisation des limites de l’espace génère un cadrage. La verticalité des parois révèle la Terre, le fragment d’un paysage et le ciel. Ce fragment, c’est un sous-bois qui s’élève. La position des plantations, face à l’espace orienté rend difficile la lecture des limites de l’après-passage. L’expérience du passage est la genèse d’une agrégation82 entre l’habitant et ce sous-bois. Le cheminement qui s’avance est hiérarchisé. La largeur du passage n’est pas celle du cheminement. Un lit de gravillons matérialise cette mise à distance. Par le refus de s’étaler sur l’entière largeur, la surface est rendu autonome. De cette distinction s’en dégage la sensation de se frayer un chemin dans un espace plus vaste. La limite définissant la finalité du passage est perceptible distinctement. L’arête de l’angle est un tracé rectiligne vertical. L’épaisseur bâtie laisse place au vide. Le gravillon laisse place aux arbustes. Le cheminement oscille.
Matière située
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Ibidem 79 Ibidem 79
80 81
DE LA SOUDIERE, Martin, Le paradigme du passage, In: Communications, 70, 2000. Seuils, passages.
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Matière située
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Entrelacs La morphologie de l’îlot accueille en son centre un vide. L’échelle du vide questionne l’échelle du plein. Son étendue est contenue dans la verticalité du bâti. L’espace est renfermé sur lui-même. De l’ampleur du vide, l’architecte Renzo Piano questionne la place de l’Homme et son rapport à l’immensité générée. Entre étendue du vide et verticalité bâtie, s’en dégage la plantation d’un bosquet. De la matière de l’édifice à l’habitant, s’élève une matière organique. La masse végétale offre un confort de vie indéniable aux habitants. Le vide se morcelle à travers le feuillage. La verticalité des bouleaux s’élève à la hauteur du bâti. Un dialogue se crée entre le végétal et l’architecture. Le positionnement des plantations refuse la linéarité, mais recherche la reproduction d’un morceau de paysage naturel. Les troncs, branches et feuillages en fonction des saisons filtrent le bâti et la lumière. Le contenu rend difficile la perception du contenant. Il s’en dégage de cet espace contenu une sensation de liberté. La matière et le vide se morcellent à travers le feuillage. Les bouleaux blancs s’élèvent aux cieux, vont chercher la lumière. Leur branchage filtre des rayons qui transcendent l’espace. À la contraction du continuum évoqué précédemment, succède une dilatation. Les limites nettement distinctes se retrouvent entremêlées aux branchages, masse légère et étalée. Cet entrelacs éparse n’est pas tout autant protecteur que l’abri matériel, mais sa présence ne peut non plus être négligée. Les bouleaux, le bâti, tout cela est bien plus grand que l’habitant. Plus proche de la Terre, l’habitant perçoit le sous-bois. Un lit de chèvrefeuilles s’étend formant une étendue, de laquelle s’élève ponctuellement des tiges. Il s’en dégage une dualité entre l’échelle du bouleau et l’échelle du chèvrefeuille, l’échelle du bâti et l’échelle de l’habitant. À hauteur de son regard, l’habitant survole la densité végétale. Le cheminement est signifié par l’interruption du sous-bois. Une hiérarchisation entre le végétal et le cheminement est marquée. Le cheminement est non rectiligne, frayé à travers un paysage planté.
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Matière située
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Gradation
Cité Radieuse
Marseille, France 1952 Le Corbusier 335 logements
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Échelle urbaine 0
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Échelle du bâti 0
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Désorganisation LE CORBUSIER, Charte d’Athènes des Congrès Internationaux d’architecture moderne, 1933
83
Adresse de Le Corbusier à M. Claudius-Petit Ministre de la Reconstruction et de l’Urbanisme, à la remise de l’Unité d’Habitation de Marseille le 14 octobre 1952
84
Ibidem 84
85
PANERAI, Philippe, CASTEX Jean et DEPAULE Jean-Charles. Formes urbaines, de l’îlot à la barre . Éditions Parenthèses.1997
86
Dans le 8e arrondissement de Marseille, se situe la Cité radieuse. L’entité bâtie émerge d’une pensée moderniste qui s’articule autour de quatre fonctions: « Habiter, travailler, cultiver le corps et l’esprit, circuler »83. La rue, appelée « rue corridor »84, consacrée à la fonction circuler est mise à distance. « Nous avons bien entendu supprimé la « rue corridor », la rue de toutes les villes du monde (…)- il n’y a plus jamais de cours, mais des vues très étendues »85. Cette négation se révèle d’autant plus par le non-alignement du bâti à la rue. Une autonomie se dégage de l’entité. La mise à distance questionne l’épaisseur générée. L’affirmation d’un vide source de « soleil, verdure, montagne horizon »86. La parcelle d’une ampleur de 3,5 ha conserve son étendue par l’intervention bâti ponctuelle et linéaire. La compacité du bâti réunit 337 logements sur 17 étages. Cet urbanisme est celui d’une conception au bâti de grande hauteur libérant de vastes plaines. La compacité de l’un engendre l’étalement de l’autre. Le tissu urbain se perd face à une désorganisation spatiale. Il s’en dégage la lecture d’une ré-interprétation du rapport ente nature et bâti qu’entretenait la cité jardin combiné à la proximité des logements et équipements qu’entretenaient la ville dense. Ce nouveau regard questionne le commencement du passage. Il s’en dégage une nécessité absolue de signifier son existence. Le tracé d’une excroissance comme passage genèse d’une gradation de l’enveloppement de l’habitant.
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Perte de repère Cette étendue de verdure est un espace de lumière et d’air pur. À la recherche d’un épanouissement personnel de l’habitant, la Cité radieuse habite le parc. Par la mise à distance de la circulation, l’étendue verdoyante s’articule tout autour de l’entité générant une immersion dans le milieu. L’isolement s’éloigne du mouvement, des bruits de la ville. Le mouvement du parc est celui du vent secouant le feuillage et la promenade des habitants. Ce caractère immersif c’est celui d’une perte de repère. « Les distances sont supprimées et les séparations toujours plus effectives (…) la mise en périphérie de tout (…) transforme les proximités spatiales de voisinages en fragments séparés, délocalisés. »87. L’éloignement de l’individu aux éléments de matières verticaux génère une immersion dans l’espace négatif88.
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SOULIER, Nicolas. Reconquérir les rues, Exemples à travers le monde et piste d’actions. Éditions Ulmer. 2012
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COUSIN, Jean. Espace vivant : introduction à l’espace architectural premier. Montréal : Presses de l’Université de Montréal ; Paris : Editions du Moniteur, 1980
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Échelle du passage « L’architecture met au monde des organismes vivants. Ils se présentent dans l’espace, à la lumière, se ramifient et s’étendent comme un arbre ou une plante. La liberté est recherchée aux entours de chaque partie » Le Corbusier
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Organe libre
Les Cinq points d’une architecture nouvelle, formulés en ces termes exacts en 1927 par Le Corbusier et son cousin Pierre Jeanneret
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BOESIGER, W. et STORONOV Oscar. Le Corbusier et Pierre Jeanneret, Oeuvre complète 1910-1929, op. cité p.60. Zurich: Dr. H. Girsberger, 1943
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Dans cette étendue, l’ancrage au sol se matérialise principalement par des éléments linéaires. Par ces 36 pilotis, l’Unité d’habitation se décolle du sol affirmant l’ampleur et la continuité d’un horizon. Cet ancrage révèle le lien tissé entre la théorie architecturale et urbaine de Le Corbusier. De ces cinq points énonçant les principes d’une architecture moderne89, nous retenons les pilotis libérant un espace au sol couvert et offrant une continuité visuelle. Ces éléments structurels sont des éléments types, composants essentiels de ce que Le Corbusier appelle le plan libre. « Le plan libre, les poteaux, les gaines, les parois (…) sont autant d’organes indépendants les uns des autres.»90. La réflexion engagée ici, concernant la capacité structurelle des éléments types, se dégage une liberté de composition. Par des nécessités fonctionnelles et des qualités plastiques s’articule des organes libres. Leur mise en matière est une forme pure affirmant l’autonomie de chacun. L’unique élément volumique ancré dans le sol est sculpté de retraits et excroissances, parois obliques et courbes. Le porche quant à lui ne s’aligne pas au hall. Le plan exprime cette liberté par l’expression existentielle de chacun. La masse de chacun des organes souligne leurs dépendances. La lecture révèle trois entités: l’Unité d’habitation, le hall et le porche.
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Dolmen Un repère dans l’espace matérialise la signification de l’entrée. On y retrouve l’aspect fonctionnel et sculptural de l’organe libre. L’élément planaire horizontale est surélevé. Le vide entre le sol et l’élément est abrité. Lieu de passage, l’abri rompt le lien physique entre l’habitant et le ciel. Espace d’ombre et de refuge lors d’intempérie, le porche est significatif d’hospitalité. Entre deux plans horizontaux, celui de l’étendue, et celui du porche, l’ouverture au ciel se génère par la projection visuelle, au regard de l’horizon. La structure qui s’élève est composée d’éléments linéaires révélant un important degré d’ouverture. Cette perception est renforcée par le positionnement des éléments en file rectiligne et centrale, leur dimensionnement minime et leur espacement. La section circulaire des éléments linéaires renforce leur abstraction. En ce qui concerne l’abri, sa section est variable articulant masse et légèreté, évoquant l’acte originel, en sculptant une réinterprétation d’un dolmen. Une épaisseur se dégage en son centre, et s’affine en direction de ses extrémités. Cette variation renforce l’inter-relation avec l’espace négatif. Le Corbusier se saisit de la capacité plastique du béton comme « modelage de lignes et de surface tissées dans une trame modulaire à échelle humaine »91. L’habitant abrité, se rapproche de la matière, auparavant lointaine, par d’une part sa position dans l’espace et d’autre part la texture de la surface de la matière. Le coffrage du béton enracine des lignes directrices des banches. Le travail de la forme et celui de la surface interagissent entre eux. Les lignes soulignent l’ouverture évoquée précédemment. La non-perfection de la surface épouse la lumière, par un jeu infime d’ombre et lumière renforce son aspect. En suivant le cheminement du porche, celui-ci s’élève, s’acheminant au-dessus de la toiture du hall. L’articulation des éléments autonomes se dessine.
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MIGAYROU, Frédéric et CINQUALBRE Le Corbusier, Mesures de l’homme. Éditions du Centre Pompidou. 2015
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Intériorité
DENÈFLE,Sylvette, BRESSON, Sabrina, DUSSET, Annie,ROUX Nicole, Habiter Le Corbusier: Pratiques sociales et théorie architecturale. Presses Universitaires de Rennes. 2006
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La gradation de l’enveloppement est exponentielle. Au plan horizontal définissant le porche, succède des plans verticaux et horizontaux définissant le hall. La verticalité des éléments définit ici des frontières avec l’espace négatif. L’opacité des parois renvoie à une intériorité. L’habitant se situe dans l’espace positif. De ce regard d’une entité pensée comme ville verticale, Le Corbusier nous explique que les longs couloirs sont en réalité des rue intérieures et que le «hall est le lieu de la place de la cité»92. Ainsi, par des dimensions et proportions, les longs couloirs sont des espaces dynamiques et le hall est un espace statique. De cette ré-interprétation des espaces de la ville, s’en dégage une atmosphère qui lui est propre. Le positionnement des rues dans l’Unité d’habitation induit une incapacité d’éclairer naturellement. Ainsi le hall, dans la continuité de cette atmosphère d’une ville intériorisée, présente très peu d’ouvertures accueillant la lumière. Les parois opaques renforcent l’intériorité de l’espace contrastant avec la vaste étendue extérieure. La multiplicité des parois évoquée précédemment comme genèse d’une forme pure affirmant, est depuis l’intérieur effacée par l’alignement de piliers. L’éclairage artificiel à la base de chacun souligne leur présence. Le Corbusier accorde une importance à la lumière par le positionnement de l’éclairage, ainsi que l’attention portée à la matérialité notamment celle du sol, en marbre à l’aspect lisse et aux reflets intense. L’espace du hall harmonise béton et marbre, lumière naturelle et artificielle. Son atmosphère énonce le commencement de la «ville radieuse».
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Matière située
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Conclure
Le questionnement premier était en quoi la matière et le vide sont la genèse de l’atmosphère du passage. En ayant évoqué la notion de genèse, celle-ci impliquait le questionnement de la création, au regard d’une finalité. La genèse nous parle du processus de formation. En ayant pris conscience que l’atmosphère était une finalité, la recherche de sa création, nous a amenés à chercher, développer et comprendre les composantes. L’identification et l’isolation de chacun de ses composantes a révélé leur profondeur, à quoi il touche ? L’abstraction de la réflexion, du vide, de la matière et de la lumière rend compte de leur interdépendance. Il s’est avéré inconcevable de développer la recherche de l’existence de l’une sans faire appel aux autres. Les composantes sont indivisibles. En évoquant chacune d’entre-elles comme absolue, la genèse de l’atmosphère en devenait le genèse du néant. Quelle valeur a la matière, si on lui retire l’éveil de la lumière et l’espace du vide ? La réflexion engagée sur chacune des composantes a ainsi révélé leur entrelacement, mais également leur rapport à l’être conscient qui parcourt l’espace. La mise en tension de l’indivisible génère finalement chez l’être une prise de conscience de sa propre existence sur Terre par l’unicité de l’instant, associée à un lieu et une temporalité. Il y a cette double vision, qui d’une part est une extériorisation à la conscience d’une présence au monde qui l’entoure, par le rapport au temps et à l’espace, mais également une intériorisation par un retour à l’esprit et aux songes. La réflexion de l’atmosphère rend compte du pouvoir de l’indivisible, ce mystère fascinant.
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L’indivisible en est ainsi uniquement par sa raison d’être. Toute composition doit son existence à sa raison d’être. En ayant affirmé celle du passage, comme la signification de l’habiter, son commencement, il en a découlé un retour à l’abri premier. L’acte originel rappelle la nécessité fondamentale de l’être: la protection du corps et de l’esprit. Face à la séparation, l’ouverture au ciel,projette l’être au monde. L’évocation de la raison d’être a rendu compte d’un rapport de l’être conscient à la matière et d’une présence ou non à ciel ouvert. La recherche par le retour à l’origine a nécessité par la suite, l’interprétation, le propre de l’architecte. En formulant la dialectique de la matière et du ciel, l’interprétation des états et des phénomènes rendent compte des variations spatiales induites par le passage. Le passage s’avère finalement défini par le croisement de la topologie des variations spatiales qu’il engage avec l’interprétation des phénomènes et des états puisés de sa raison d’être. Ainsi l’atmosphère du passage se retrouve rythmée par le tangible et le non-tangible. Du non-tangible au tangible, le corps et l’esprit de la matière, se rapprochent du corps et de l’esprit de l’être. Du tangible au nontangible, la matière s’éloignant, laissant place au vide et à l’esprit. De la raison d’être à l’indivisible, l’atmosphère du passage se révèle. L’analyse de matières situées a rendu compte de cette corrélation. Dans le questionnement de la genèse de l’atmosphère du passage nous y décelons une vérité : l’atmosphère est l’expression de l’indivisible puisant sa force de la raison d’être même du passage qu’est l’habiter.
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Table des figures
20 22 24 26 28 30 32 34 36 38 42 48 51 52 54 56 58 60 62 64 66 68 70
Novazzano housing complex_Mario Botta ©_Mario Botta Architetti 84 logements sociaux_Naud & Poux © SCHNEPP RENOU Edizia resilienza a Giudecca_Gino Valle@Emiliano Zandri / ZA²,
Lorenzo Zandri Altonaer Straße 4–14_Oscar Niemeyer © Féderico Covre 57 logements_Herzog et De Meuron©Architekturzentrum Wien, Margherita Spiluttini Logements de La Poste_Philippe Gazeau © Jean-Marie Monthier Viviendas en la Calle Doña Maria Coronel_Cruz y Ortiz ©Duccio Malagamba 20 logements sociaux_Gilles Perraudin ©Perraudinarchitecture Trait d’union_Charles-Henri Tachon ©Benjamin Schmuck Muralla Roja_Ricardo Bofill_©Photographs Courtesy Ricardo Bofill Taller de Arquitectura Dolmen Mane Kerioned ©CC BY-SA 3.0 The blue of the Sky ©Luigi Ghirri ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle Viviendas en la Calle Doña Maria Coronel_Cruz y Ortiz ©Duccio Malagamba ©production personnelle Viviendas en la Calle Doña Maria Coronel_Cruz y Ortiz ©Duccio Malagamba ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle Viviendas en la Calle Doña Maria Coronel_Cruz y Ortiz ©Duccio Malagamba ©production personnelle
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72 74 76 78 80 81 82 84 86 88 91 92 94 96 97 98 100 101 102 104 106 107 108 109 110 111
©production personnelle Rue de Meaux_Renzo Piano_©Paolo Rosa ©production personnelle ©production personnelle Rue de Meaux_Renzo Piano_©Michel Denancé Rue de Meaux_Renzo Piano_©Michel Denancé ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle Rue de Meaux_Renzo Piano_©Michel Denancé ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle Cité Radieuse_Le Corbusier©Paul Kozwolski FCL/ADAGP Cité Radieuse_Le Corbusier©Paul Kozwolski FCL/ADAGP ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle ©production personnelle Cité Radieuse_Le Corbusier©Paul Kozwolski FCL/ADAGP Cité Radieuse_Le Corbusier©Steve De Vriendt ©production personnelle Cité Radieuse_Le Corbusier©Paul Kozwolski FCL/ADAG
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Loïc Moine . 2021 . École Nationale Supérieure d’Architecture de Montpellier