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Silly Boy Blue

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Ça gave

Ça gave

«Le silence peut être plus violent que les pleurs.»

En sortant une nouvelle édition de son album Breakup songs, Silly Boy Blue rompt avec les codes. Flirtant avec aisance entre le mainstream et l’indie, elle y convoque bile noire et dopamine sous forme de confidence pop.

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Son chemin est long pour se débarrasser de son sentiment de l’imposteur. Du Printemps de Bourges aux Victoires de la Musique, les validations sont pourtant là : « Je suis contente de ne pas me séparer de ce trouble parce qu’il me donne le besoin de toujours en faire plus. » Au commencement il y avait David Bowie. Il lui inspire l’envie de faire de la musique et son nom de scène, l’un des titres de l’homme aux mille visages: «Il a traversé les époques, les a guidées. Il aide les gens à s’assumer depuis les années 60.» La rébellion qu’il chante touche ainsi directement Ana Benabdelkarim (son vrai patronyme): «C’est le meilleur moyen de pouvoir se regarder dans une glace, ça veut dire que tu suis la ligne de ce que tu dois faire. Chanter en anglais quand on te demande du français pour percer est compliqué par exemple.» Un état d’esprit qu’elle cultive depuis l’âge charnière de l’adolescence et de son premier groupe à 13 ans. Ses maux, elle les convoque sur “Teenager”: «J’y parle à la jeune fille

usure azur

JULIA ESCUDERO LOUIS COMAR

que j’étais. J’avais besoin d’être bruyante et en même temps j’avais peur qu’on me remarque. » Durant cette période les modèles féminins, d’Avril Lavigne à Joan Jett, l’aident à grandir: «Je voyais des meufs qui disaient aux gens d’aller se faire foutre et j’en avais besoin. C’était important de les voir gueuler plus fort que des mecs.»

Journal intime avec instruments, son album lui sert de catharsis comme c’était le cas pour Elliott Smith lorsqu’il composait: «Plus tu oses parler et moins tu es dans une retenue qui peut exploser.» Son esthétique sensible puise aussi sa source dans le cinéma. Eternal sunshine of the spotless mind donne son nom à son premier EP But you will: «J’ai été touchée par la manière dont Kate Winslet dit à Jim Carrey “Tu vas être dégoûté de moi, je serai enfermée dans cette histoire” et lui, répond “C’est OK”.» Dans le film, les douleurs de la rupture sont effacées par un procédé médical, dans Breakup songs elles sont canalisées: «C’est plus frontal sur la manière d’écrire. J’y parle de ruptures amoureuses, amicales, de vie...» Comme les cinq étapes d’un deuil, l’album passe du désespoir au renouveau. “Cécilia”, titre emblématique et premier né du projet, s’y offre une deuxième partie: «C’était une plaie à vif. J’avais besoin de conclure. La musique est mon moyen d’assimiler.» Comme dans les films de Sophia Coppola, elle privilégie une retenue émotionnelle: «Le silence peut être plus violent que les pleurs.» Sa sensibilité elle la partagera en live notamment à la Cigale le 16 février 2023. Sur la pointe des pieds, la ballerine promet de ne pas perdre son trac tout en défendant son projet inclusif. On peut être multiple, explorer le mythe de l’individu tout en bannissant les archétypes. C’est ce message, le même que celui de Ziggy Stardust, qu’elle défendra dans toute la France. i

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Breakup songs (extended) Columbia, Sony Music

Avec une version étendue de son album, la chanteuse clôt un chapitre conçu comme un tout. Le spleen pourrait en être le mot d’ordre, pourtant la lumière prend une place dansante en milieu de course. Cet opus aux multiples facettes évoque l’adolescence sur l’hymne “Teenager” autant qu’une mélancolie palpable sur “Creepy girl”. La pop sombre invite à l’introspection portée par une voix à la candeur transperçante. “The fight” résume l’esprit conquérant de ce moment où puissance et douceur cohabitent. Tout comme “Lantern” et ses échos somptueux ou le nouveau “The crush”, une rétro-comptine léchée. Les mille visages de Silly Boy Blue se déclinent et s’appréhendent comme la confidence d’une amie qui vous veut du bien.

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