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La Féline
Photo : Bernard Marie
FTR
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future sound of Paris
Troisième album pour FTR et nouvelle plongée dans les eaux troubles de leur rock, noyé dans les effets et le froid inhospitalier d'un bain synthétique. Une musique biberonnée à la pop noisy de The Jesus and Mary Chain et qui en reprend dignement le flambeau.
Depuis 2013, le trio parisien FTR distille ses albums comme autant d’expériences sonores distinctes. Après les ambiances agressives et tranchantes de Manners, celles de Vicky vivid experience, toujours marquées par un hermétisme vaporeux, apportent un calme relatif. Pauline, en charge des claviers et des machines, revient sur la création de l’album : « Nous avons réussi à le
JESSICA BOUCHER-RÉTIF
composer tout en étant éloignés les uns des autres comme jamais, au-delà du contexte épidémique. C’est un peu comme des hallucinations solitaires désynchronisées qui trouvent leur harmonie par une volonté collective d’assembler le tout et d’y trouver un sens. Il s’agit d’un album assez introspectif au final. Le processus de composition n’a pas été le même, les rôles de chacun non plus, ce qui doit se ressentir à l’échelle globale de l’album. Manners était définitivement plus tendu et sombre. Vicky vivid experience est comme la sortie progressive d’un tissu d’illusions. »
Atmosphériques et souvent hypnotiques, les morceaux de FTR sont propices à la transposition visuelle, comme le résume Brice, guitariste : « Si je devais attribuer des couleurs aux trois albums, je dirais qu’Horizons est gris, Manners, noir et Vicky vivid experience, mauve. » Soulignant le dialogue entre son et image, quasiment toutes les pochettes des albums et EPs du groupe forment une série régulière de photographies abstraites de matières qui semblent renvoyer au travail sur les textures sonores sur lequel repose leur création musicale. « Ces images sont dans la continuité du processus musical, qui reste assez organique. Nous travaillons visuellement à partir de matériaux concrets en essayant de ne pas figer le tout dans des imaginaires trop connotés. », explique Pauline, tandis que Brice voit dans ce choix d’autres avantages : « Je trouve que des photographies abstraites de matières, c’est ce qui vieillit le mieux. Cela permet aussi à tout le monde de se les approprier, car chacun imagine ce que cela peut représenter en lien avec la musique. »
Plus que dans le post-punk et la cold wave auxquels la musique de FTR est souvent rattachée, c’est dans le rock anglais des années 90, le shoegaze et la pop noisy de The Jesus and Mary Chain, un certain psychédélisme à la Primal Scream ou encore le son baggy de Manchester (courant qui évoluera en partie vers la britpop) qu’il faut chercher ses sources, comme le confirme Yann, bassiste et chanteur : « Pour ma part, je ne connais pas trop la cold wave ni le post-punk. La chanson “Spores”, que l’on a sortie en février, est vraiment dans l’esprit baggy. Elle n’est pas sur l’album mais aurait bien pu l’être. » Pauline reconnaît également ces filiations : « Nous venons probablement un peu de tous ces courants, avec finalement un accent plus britannique que nous n’oserions le dire. »
Photo : Patrice Hercay
son titre à l’ensemble. « “Vicky vivid experience” est l’exemple même du titre qui a eu besoin d’être vécu pleinement et joué en live à de nombreuses reprises avant de s’intégrer à un album. Cela fait longtemps qu’il nous accompagne et que nous y tenons, mais il ne trouvait pas sa place. Finalement, il lui a fallu un album éponyme pour qu’il puisse sortir. », détaille Pauline. Si le morceau a déjà failli, comme le souligne Yann, être publié « trois ou quatre fois », le texte remonte, lui, à 2016. Pauline revient sur son écriture : « Yann avait “pondu” cette instru absolument géniale et j’ai écrit dans la foulée ces paroles, c’était assez évident. Maintenant que je relis ce texte, il dit surtout qu’il suffit de glisser sur les vagues. » Quant au titre de la chanson, il représente pour la claviériste « la force d’un souffle qui traverse les errances ». « Ce titre a une espèce d’élan vital qui fraye malgré tout. Il m’a toujours fait l’effet d’un appel d’air, appuyé par la franchise de sa rythmique qui trace avec assurance. », précise-t-elle.
La nature même de la musique du groupe, avec son recours important aux effets, rend la phase d’enregistrement décisive, comme le reconnaît Yann : « L’enregistrement va très vite. Avec les instruments, les effets sous la main. Il peut d’ailleurs orienter la texture d’un album. Beaucoup de chorus, de delay et d’overdrive. » Depuis ses débuts, le trio demeure fidèle à la même équipe pour l’enregistrement de ses albums : Bernard Marie à la production et, depuis Manners, Bob de Wit à la masterisation. Des techniciens qui font partie de l’alchimie sonore de FTR. « Ils nous connaissent bien : Bernard fait aussi notre son en live et nous avions rencontré Bob lorsque nous avions assuré la première partie de A Place To Bury Strangers. Il faisait le son du groupe et le courant était bien passé. L’un et l’autre comprennent nos choix. Si nous créons un titre qui dure sept minutes sur le même accord, ils n’y verront pas de problème. Avec nos différentes expériences, il est très compliqué de trouver l’équilibre et quelqu’un qui sache comment prendre notre musique. », explique le bassiste. « Nous avons travaillé avec différentes personnes et je me souviendrai toujours de la fois où nous avons reçu le premier master de Bob. C’était puissant ! », se remémore Brice, qui confirme l’importance de travailler avec des personnes qui connaissent leur historique créatif : « J’aime bien ce principe d’équipe. Avec une bonne organisation, tout se fait assez facilement. » i dfacebook.com/Futurebandclub