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Përl
Yann Tiersen
la voie électronique
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PIERRE-ARNAUD JONARD JOHN FISHER
Près de trente ans de carrière pour Yann Tiersen qui continue de nous surprendre avec un tournant électro qui s’avère une belle et grande réussite. Un musicien au sommet de son art qui se réinvente perpétuellement.
Si Yann Tiersen s’est fait connaitre du grand public par ses compositions au piano, le musicien a pourtant débuté, ce que l’on sait moins, sous des auspices électroniques. Sa plongée, depuis maintenant plusieurs albums, vers ce style musical est donc tout sauf un hasard : « Contrairement à ce que l’on pourrait penser je n’ai jamais été très piano. J’ai effectivement commencé par l’électronique avec les machines. Cela a toujours été important pour moi. J’y retourne aujourd’hui car je m’y sens totalement libre, bien plus libre qu’avec les éléments acoustiques. C’est vrai que l’on peut parler d’un tournant artistique par rapport à mon travail mais le rythme a toujours été très présent dans mes albums. Je peux travailler dans des styles électro assez différents les uns des autres, car j’en apprécie plusieurs types. Je fonctionne de manière intuitive. J’aime, par exemple, la perception club d’un morceau. Si j’écoute pas mal d’ambient, je peux aussi aimer la techno dure. » Avec son nouvel album 11 5 18 2 5 18 sorti en juin dernier Yann pousse encore plus loin les expérimentations sonores que celles explorées sur Kerber sorti l’an dernier, disque qui allait pourtant déjà assez loin dans la voie électronique. En utilisant comme source des échantillons de Kerber et des morceaux de Dust lane, album sorti en 2010, le musicien a ré-échantillonné et reprogrammé ses morceaux, créant des pistes entièrement nouvelles et tellement éloignées de leurs versions originales que même les spécialistes de ces deux albums ne pourraient les reconnaitre : « Ce disque est né autour d’une performance que j’avais donnée au festival Superbooth à Berlin. J’avais fait un concert de musique électronique pour lequel j’avais retravaillé d’anciens morceaux. J’avais bossé deux, trois mois là-dessus. On trouvait dans la setlist des titres de Dust lane. Ce disque est un album très important dans ma carrière. Je l’aime beaucoup. Je l’aime d’autant plus que j’avais fait une tournée américaine juste après sa sortie. Et puis, c’est mon tout premier album chez Mute, label chez qui je suis encore aujourd’hui et qui est comme une famille pour moi. Pour toutes ces raisons, c’est un disque qui compte et cela explique en partie pourquoi j’y suis revenu. » Yann Tiersen a toujours été assez libre mais il ne l’a probablement jamais été autant qu’aujourd’hui. On sent un musicien qui offre désormais ce qu’il a envie d’offrir sans penser en termes de carrière ou de marketing (il suffit d’écouter les remixes de Kerber pour s’en rendre compte). Le Breton a toujours été aventureux dans ses choix artistiques et ce depuis ses tout débuts. Il l’est plus que jamais, offrant une musique à l’opposé de ce que pourrait représenter le moindre critère d’ordre commercial. Un parti pris qui surprendra sans doute le grand public qui l’imagine en général comme un compositeur de Bande Originale, mais comme il le souligne, ce genre n’occupe qu’une part infime de son travail : « Je n’en ai composé en tout et pour tout que deux : celle de Tabarly et celle de Goodbye Lenin. Amélie Poulain, ça n’existe pas, ce n’est pas une musique originale. Tabarly cela a un sens, une histoire : c’est un homme que j’admire profondément. C’était important pour moi de la faire. Mais, sinon, je dois bien avouer ne pas trop aimer faire de B.O. » Cette liberté musicale acquise tient sans doute au fait que le musicien possède depuis maintenant plusieurs années son propre studio sur l’Île d’Ouessant, l’Eskal : une ancienne boite de nuit reconvertie en studio d’enregistrement et en salle de concert : « J’ai toujours eu un home-studio mais d’avoir ce lieu est une chance incroyable. Sans être un bourreau de travail, je vais au studio tous les jours pour y travailler. » Lorsqu’on lui demande s’il n’est pas dans la période la plus productive de sa vie (pour rappel il a sorti Kerber en 2021, 11 5 18 2 5 18 en juin dernier puis les remixes de Kerber à peine deux mois plus tard, sans compter la réédition du EP Avant la chute pour fêter les 25 ans du disque), le Breton répond : « C’est possible. Après les choses sont assez simples pour moi : j’ai un studio à la maison et j’ai été confiné ici. Mais en y réfléchissant, il est possible que, dans le passé, j’ai mis plus de temps à faire les choses. »
Si l’électro est devenue si importante pour Yann Tiersen cela ne signifie pas pour autant que le musicien ne s’envolera pas à l’avenir vers d’autres styles musicaux : « Rien n’est jamais définitif, ni défini. En ce moment je fais des morceaux assez longs mais ce ne sera peut-être pas toujours le cas. Le phare reste un album très important pour moi, et juste après ce disque j’en ai fait un autre totalement différent. On ne sait jamais de quoi demain sera fait. » En attendant un possible retour au piano, Yann Tiersen poursuit en tout cas son exploration musicale avec sa tournée européenne qui vient de s’achever et durant laquelle le musicien offrait un show servi par une création vidéo permanente, intégrale et immersive de l’artiste multimédia anglais Sam Wiehl. S’en suivaient des scénographies visuelles uniques en totale immersion. Ou quand l’art et la musique ne font plus qu’un. i