GWENDOLINE HANCKE
Le Miroir d’Aimengart
Roman Loubatières
Ouvrage publié avec le concours du Centre régional des lettres de Midi-Pyrénées
ISBN 978-2-86266-618-1 © Nouvelles Éditions Loubatières, 2010 10 bis, boulevard de l’Europe, BP 27 31122 Portet-sur-Garonne Cedex contact@loubatieres. fr www.loubatieres.fr
GWENDOLINE HANCKE
LE MIROIR D’AIMENGART roman
LOUBATIÈRES
Für Marita
Escota Te dirai lo vent que bofa pèr carrièra Te dirai l’Espèr Te dirai… Au mitan de ma tèsta i a coma un rèi malaut Que menariá son monde dau mitan d’un solèu crebant O t’emportar au mai prigond de ieu t’embarrar dins ma foliá Mai coma siás leunh Pichona E lo camin tant sol E pasmens nòstrei còrs que se tòcan que se nòsan Se fasent se desfasent E d’aquela enveja que me pren aqui dins l’esquina E ton còr que pica que pica au dintre de ton pitre nus E mon còr que pica que pica Sabe pus onte siás et nimai quau siáu E viram E viram sempre mai lèu sempre mai luenh sempre mai lindament Dins aqueu vielh monde fou que s’escranca Escota Te dirai lo vent que bofa pèr carrièra Te dirai l’Espèr Te dirai. t’ame
FREDERIC
prologue
novembre 1245 Le soleil commence déjà à se coucher, cédant la place aux brumes hivernales quand, à la fin de cette après-midi froide, on amène le prochain témoin dans la salle. La jeune femme, d’une trentaine d’années, se tient droite et avance d’un pas lent et fier. Seules les mèches blondes qui se sont détachées de son chignon tombent, rebelles, sur son visage, les ombres sous ses yeux et la rougeur des joues dans ce visage si pâle, laissent deviner la fatigue, le désespoir et la route parcourue du Lauragais jusqu’au cloître Saint-Sernin à Toulouse… Bernard de Caux, l’inquisiteur, qui l’attend debout dans la pénombre, le regard vide de toute expression, ne la lâche pas des yeux. À côté de lui, assis sur un banc devant une table, son notaire et les quatre chanoines qui composent le tribunal dévisagent l’accusée avec un mélange de curiosité et de lassitude. La jeune femme ralentit encore son pas. Instinctivement, elle resserre son manteau boueux autour d’elle et croise les bras devant son ventre pour protéger ce qu’elle a de plus précieux et dont elle espère à peine l’existence. Le regard froid de l’inquisiteur la glace bien plus que la température hivernale et, sous la douceur de la fourrure, elle sent sa chemise à même la peau se tremper de sueurs froides. Lorsqu’elle n’est plus qu’à quelques pas du dominicain, qui, immobile, lui paraît très grand dans sa chape noire, il 5
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l’arrête d’un geste du bras droit, sans prononcer un seul mot. Personne ne parle ou ne bouge. Les secondes s’écoulent lentement, très lentement, telles toute une vie. La jeune femme observe les visages des sculptures des chapiteaux qui semblent prendre vie sous la lumière dansante des chandelles, la menaçant ou s’amusant d’elle à tour de rôle, tandis que les images se figent dans sa tête et que le sang s’arrête de couler dans ses veines. Enfin l’inquisiteur prend la parole, d’une voix lente et concentrée, presque monotone. L’accusée, bien que femme cultivée, ne peut le comprendre, car il lui parle en latin. Seuls son nom et ceux de ses proches lui sont intelligibles. Mais elle sait ce qu’il dit et elle sait ce qui se passera. L’Inquisition les persécute depuis plus de dix ans et elle en a fait connaissance une première fois avec un autre tribunal. Elle sait aussi que, dans les yeux de Bernard de Caux, elle est une relapse, une hérétique reconvertie retombée dans l’hérésie, et qu’elle n’a aucune grâce à attendre de ces hommes. Le notaire traduit ensuite les mots de l’inquisiteur en langue d’oc, mots qui n’ont plus aucun sens pour lui, tant il les répète tous les jours, depuis des semaines, des mois, des années… : – Aimengart, femme de Pèire de Mazerolles, seigneur de Gaja-la-Selve, fille de feu Isarn de Fanjeaux, jures-tu sur les quatre saints Évangiles de Dieu de dire la vérité pure et entière en matière d’hérésie, tant sur toi que sur d’autres, vivants et morts ? – Je jure ! Bernard de Caux, toujours quasi immobile, sans montrer la moindre émotion, entame alors son interrogatoire, traduit à chaque phrase par le notaire : – À quelle époque as-tu vu des hérétiques pour la première fois ? Aimengart cherche à se concentrer – il faut parler, elle n’a pas le choix. L’Inquisition sait beaucoup trop d’elle, ce 6
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qu’elle a avoué et ce que ses proches, sous la pression, ont dit sur elle. Ermessent, notamment, a été interrogée par Bernard de Caux dans cette même salle à peine deux semaines auparavant ; sa belle-sœur Ermessent, sa chère bellesœur, si jeune encore, trop jeune, presque enfant, et si vulnérable, brisée par la peur. Aimengart doit parler, mais elle doit à tout prix réussir à ne trahir personne et à dissimuler qu’elle sait où se cache son mari, le faidit en fuite, condamné pour hérésie par contumace… – Il y a environ 25 ans, j’étais enfant à Queille, sur les bords du Touyre, à mi-chemin entre Mirepoix et Laroqued’Olmes, j’allais souvent au moulin de mon père… Et là, les images reprennent vie dans la tête d’Aimengart : son père sur son lit de mort quelques mois auparavant, son père homme calme, bon et juste, l’insouciance de ses jeux d’enfant sur les rives du Touyre, les cimes enneigées des Pyrénées sous le ciel bleu au loin, les collines vertes du Lauragais et Pèire… Pèire, son mari, cet homme fier, sauvage, insoumis, Pèire, son destin, sa frayeur et son amour… et Gailharda, pâle, vieillie avant l’âge, comme une fleur rare qui se fane, mais éternellement fidèle… Les images se bousculent dans sa tête, le sang recommence à circuler dans ses veines et les larmes, douloureusement retenues, brûlent derrière ses yeux. Ses mains se cramponnent sur son ventre, ses jambes cèdent, elle s’écroule, tombe à genoux telle une madone enveloppée dans son épais manteau blanc, et rend le contenu de son estomac sur les dalles froides sous les yeux ébahis des chanoines et un soupir de dégoût de l’inquisiteur – première manifestation de sa nature humaine si bien refrénée. Mais l’instant de faiblesse ne dure que quelques secondes. Avant même que l’inquisiteur puisse réagir, Aimengart retrouve la maîtrise de son corps, et, d’une voix calme, reprend le fil de son parcours de croyante de l’Église des Bons Chrétiens et Bonnes Chrétiennes. Ses mots sont soigneusement 7
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traduits et consignés par le notaire afin de pouvoir confondre certains des nombreux autres fauteurs d’hérésie. Ainsi, Bernard de Caux, éradiquant sa croyance et tous ceux qui la partagent, livrera l’histoire d’Aimengart aux générations futures…
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Juin 1220 – Aimengart, Aimengart ! Où te caches-tu ? La petite fille, pieds nus, les boucles blondes flottant librement autour de son visage, habillée juste de sa chemise, se cache derrière les grands arbres qui bordent les rives du Touyre. Elle observe son reflet dans la rivière, changeant d’expression avec les mouvements rapides du cours l’eau, et, en fredonnant, dessine dans la terre humide avec un petit bout de bois, perdue dans ses pensées. Les cris de Fauressa la réveillent brusquement de ses rêves. De sa cachette, bercée par le soleil de ce début d’été, elle observe sa nourrice, le visage rond et les formes plus que généreuses – image même du réconfort maternel lors des nuits de cauchemar. Fauressa descend d’un pas pressé le chemin qui mène de l’habitation du seigneur de Queille au petit pont de bois, traverse le méandre du Touyre, longe ensuite la petite rivière jusqu’au moulin pour remonter au pont de pierre la colline boisée dans une direction inconnue d’Aimengart. C’est par ce chemin qu’arrivent les visiteurs de plus en plus nombreux qui transitent dans le moulin et la maison de son père, les visages sérieux et marqués par l’abnégation. La fillette ne sait ce qu’ils font ici, mais elle observe souvent leur arrivée et leur départ, cachée comme en ce moment sous les arbres du bord de la rivière non loin du moulin. Certains visages lui sont déjà connus, d’autres voyageurs ne passent qu’une seule fois. Et ils ne sont jamais seuls. Ils ar9
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rivent au moins par deux, deux hommes ou deux femmes. Pas une seule fois, parmi ces inconnus qui semblent partager maints secrets avec ses parents et d’autres habitants de Queille, elle n’a vu le pont de pierre franchi par un couple. Elle ne s’étonne pas de ces visites. Le village, étalé autour des rochers ocres façonnés par l’eau, est beau et paisible, protégé des quatre vents par les collines qui l’entourent. Et bien qu’Aimengart n’ait que cinq ans, elle a entendu parler de cette guerre qui ravage les terres du Languedoc, des hommes venus du Nord qui s’appellent des croisés et qui volent les terres aux seigneurs locaux. Nombreux sont ceux qui ont pris la fuite et se sont installés pour quelques années à Montségur, village fortifié à moins d’une journée de marche au sud, sur un pic aux allures imprenables et qui appartient à la famille de son père, les Mirepoix. Mais Queille n’a jamais vu arriver un de ces hommes, un de ces croisés, et le père d’Aimengart, Isarn de Fanjeaux, seigneur de Queille et coseigneur de Mirepoix, a pu garder sa seigneurie, enclave dans le pays occupé. Fauressa, qui, comme si souvent, sort sans doute tout juste de la petite chapelle avoisinant le logis seigneurial dédiée à saint Sylvain, arrive au pont de bois, le traverse, étudiant avec une légère inquiétude les eaux mouvementées des méandres du Touyre. Lorsqu’elle n’est plus qu’à quelques pas, Aimengart constate pour la première fois que l’épaisse chevelure brune de sa nourrice est parsemée de quelques fils blancs, bien qu’elle n’ait guère plus de 25 ans. Hors d’haleine, Fauressa l’appelle encore et Aimengart se met à chanter, menant la mélodie de sa chanson avec assurance, seul le manque de justesse trahissant son jeune âge : Puisque nous voyons que l’hiver s’irrite et qu’il s’éloigne du temps amoureux que je n’entends point les roulades ni les chants 10
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des oiseaux par les vergers feuillus par le froid de ce temps sombre je ne laisserai pas de faire un vers et je dirai quelque peu mon intention.
– Aimengart, ma douce, d’où connais-tu cette chanson ? Tu ferais mieux d’aller prier avec moi à l’église ! – C’est ma mère qui la chante quand nous sommes seules. Dernièrement, un soir que je n’arrivais pas à m’endormir, elle me racontait comment elle avait entendu chanter l’amour par les troubadours à Laurac et à Fanjeaux quand elle venait de se marier avec mon père, avant la guerre. Et d’un air espiègle elle poursuit : Je sais joindre et lacer si finement mots et mélodies qu’en fait de trobar précieux et raffiné personne ne m’arrive au talon.
– Chut, prétentieuse ! Comporte-toi comme la fille d’un seigneur. Et ne sors plus les cheveux emmêlés et sans vêtement décent. Si seulement tes parents se comportaient plus prudemment avec toi et te protégeaient au lieu de t’apprendre à lire et à écrire – de surcroît des textes frivoles… Elle serre Aimengart dans ses bras et la petite fille se blottit volontiers dans la plantureuse chair maternelle, respire l’odeur rassurante de sa nourrice, ce mélange de laine, de fumée de bois et d’une légère note d’agrumes qui se dégage du bliaud, fabriqué d’un tissu légèrement râpeux sur sa peau d’enfant. Fauressa lui caresse les joues roses, les bras ronds qui commencent à peine à s’affiner un peu, les cheveux blonds et soyeux qui se bouclent délicatement à hauteur des épaules. – Ma douce, ma douce… 11
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Aimengart n’est pas sa fille, elle n’est pas la chair de sa chair, certes. C’est dame Ransana, l’épouse d’Isarn de Fanjeaux, le seigneur de Queille, qui l’a mise au monde, son troisième enfant, après deux fils. Pourtant, Ransana, grande et élancée, d’un caractère réservé, voire sévère, lui avait confié la nouveau-née pour qu’elle la nourrisse à sa place, comme le font presque toutes les dames de la noblesse. Deux jours avant la naissance de la fille de son maître, Fauressa avait donné naissance à un petit garçon. Elle ne parvient pas à se rappeler s’il était déjà mort au moment où il vint au monde. Il ne criait pas – elle ne pourra jamais oublier ce silence effroyable, après les cris et l’agitation de son long et douloureux accouchement. Rapidement, son petit garçon devint tout bleu et elle dut l’enterrer sans avoir pu le serrer contre elle une seule fois. Le prêtre lui avait assuré à maintes reprises que, lors du baptême, administré de toute urgence, le bébé respirait encore et n’était donc pas condamné au purgatoire… Toutefois, elle ne peut s’empêcher d’aller prier Dieu pour le salut de son âme tous les jours. Quand Ransana, dont elle était une des servantes, l’appela deux jours plus tard pour qu’elle s’occupe de sa fille, elle la prit dans ses bras et la trouva douce, si douce. Douce était sa peau rose, douce le duvet de cheveux à peine visible sur sa tête d’un rond parfait, douce la pression de ses minuscules doigts qui effleuraient la poitrine de Fauressa, et doux les draps fins en laine et la couverture doublée de fourrure de lièvre qui l’enveloppaient. Pendant deux ans, elle lui donna le sein, elle la berça, elle la dorlota, elle l’aima. Et Aimengart, nourrie abondamment par le lait destiné à son malheureux fils, se développa bien, devint grande et belle et intelligente, bien que peut-être un peu trop curieuse et un peu trop fière… Néanmoins, Fauressa n’est pas optimiste. Elle a peur, toujours peur. Depuis que Dieu lui a pris son fils, elle a 12
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peur pour Aimengart, cette enfant qu’elle aime comme sa propre chair. Elle a peur à cause des fréquentations hérétiques des parents de la fillette, protecteurs des Bons Chrétiens et Bonnes Chrétiennes comme tant d’autres de leur famille et du vaste réseau social de la noblesse rurale, liés par le sang, par alliance ou par la même foi. Elle a peur et souvent la nuit elle rêve de malheurs futurs, pires encore que ceux du passé. Il est vrai qu’elle avait parfois, elle aussi, assisté aux rites des hérétiques dans la maison de son maître, durant les années de paix qui ne laissaient pas présager cette tempête sanglante qui allait s’abattre sur son pays. Il est vrai aussi, que, bien qu’elle ne comprît pas tous les mots et les gestes des Bons Chrétiens, elle trouvait du réconfort dans l’idée que, malgré sa naissance illégitime et les nombreux péchés qu’elle avait commis ou qu’elle commettrait inévitablement, son âme pourrait être sauvée si elle recevait le consolament, le baptême de l’esprit, sur son lit de mort. Elle n’avait pas pour autant cessé d’aller à la messe le dimanche et les jours fériés, de se confesser et de communier une fois par an dans son église paroissiale, à Saint-Quentin – comme chaque bon catholique doit le faire pour ne pas être suspecté d’hérésie. Elle ne s’était jamais sentie obligée de faire un choix entre la messe et le prêtre à l’église et les prêches des Bons Hommes dans la maison de son maître. Par la suite, les croisés survinrent, traitant les Bons Chrétiens comme un très grave danger pour la chrétienté. Puis, un nouveau prêtre arriva peu après dans sa paroisse, juste à l’époque où Fauressa commit le péché de chair, concevant un enfant hors du mariage… Après la mort de son fils bâtard, le prêtre, l’entendant en confession, lui expliqua que la perte de son enfant était certainement le châtiment pour ses péchés. Depuis ce jour-là, elle évitait tout contact avec les Bons Chrétiens et Bonnes Chrétiennes. Elle priait Dieu aussi souvent qu’elle le pouvait, prête à faire tout, absolu13
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ment tout ce qui était dans son pouvoir pour obtenir son pardon. La fillette ne soupçonne pas les idées noires de sa nourrice. Elle se sent aimée et protégée et elle ne manque jamais de rien. Son père, qu’elle admire, lui paraît un seigneur sans faille, courageux et fier, un roc, capable de gérer toute difficulté sans montrer la moindre faiblesse. Elle ne le voit pas beaucoup, il s’occupe davantage de ses deux frères, gère ses domaines et se trouve souvent sur les routes. L’éducation est le domaine des femmes, mais Isarn nourrit la curiosité d’Aimengart et son envie de connaître le monde loin de Queille, répondant patiemment à ses nombreuses questions. Sa mère, Ransana, l’éduque avec soin et commence même à lui apprendre à lire et à écrire, ce qui n’est pas le cas de toutes les jeunes filles de la noblesse. Cependant, Ransana paraît parfois éloignée dans ses pensées, comme rongée par un deuil inconscient, et sa réserve et sa sévérité, voire son manque de tendresse envers sa fille, semblent en être l’expression. Mais Aimengart aime être seule, suivre ses propres chemins, laisser partir son imagination loin, loin dans des contrées inconnues, telles les vagues du Touyre qui s’en vont dans le Nord, ou les nuages qui se baladent avec le vent jusqu’aux cimes des Pyrénées et au-delà… Main dans la main, Fauressa et Aimengart reprennent le chemin vers le logis seigneurial, la petite fille enfonçant avec un plaisir non dissimulé ses doigts de pieds dans la terre humide et effleurant les feuilles sur le bord du chemin. La maison du seigneur ne se distingue des autres que par sa taille plus importante. Bâtie en pierre et adossée à la pente, elle se compose de deux niveaux. Au rez-de-chaussée – le sotoul – aveugle hormis la porte, se trouve une grande cuisine. Les repas s’y préparent dans un four et deux foyers 14
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à même le sol en roche. L’autre moitié du rez-de-chaussée est réservée à la salle commune où l’on mange. Les domestiques y effectuent leurs petits travaux d’intérieur et un autre foyer chauffe la maison. Le premier étage – le solier – est accessible par un escalier en bois. Plus spacieux que le rez-de-chaussée du fait de l’aménagement en terrasses, il est divisé en trois chambres par des cloisons en palissades de bois. Dans une des chambres dorment Isarn et Ransana, une autre – celle des fils du seigneur avant qu’ils ne commencent à apprendre le métier d’armes – sert souvent à héberger les Bons Chrétiens et Bonnes Chrétiennes. La troisième, la plus petite, est celle qu’Aimengart partage avec Fauressa. C’est là que la nourrice amène maintenant la petite fille afin de l’habiller. Par-dessus sa chemise en lin, tombant presque jusqu’aux pieds, Fauressa lui glisse un bliaud en laine rouge, maintenu par une fine ceinture en cuir. Puisque l’air est doux dehors, elle ne lui accroche pas les manches amovibles, laissant les bras seulement couverts par la chemise. En dessous de la chemise, Fauressa couvre les jambes de la fille par des chausses en laine rouge, montant un peu plus haut que les genoux où elles sont retenues par des lacets. Enfin, Aimengart enfile des chaussures en cuir, ouvertes sur le coup de pied et fermées à l’aide d’une bride passant dans une boucle, pendant que sa nourrice lui démêle avec soin les longs cheveux blonds qu’elle ne peut s’empêcher de caresser en même temps. – Que tes cheveux sont beaux, qu’ils sont doux. Tu sais que de nombreuses dames s’appliquent je ne sais quelles pommades ou remèdes en espérant obtenir des cheveux blonds comme les tiens et une peau blanche comme la tienne ? Quel dommage qu’une fois mariée, tu doives les tresser, les attacher, presque les cacher. Aimengart ne l’écoute qu’à moitié. Elle entend son père rentrer dans la maison, murmurer avec sa mère qui était en 15
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train de donner des ordres aux domestiques. Ensemble, ils quittent la maison et leurs voix s’éloignent sur le chemin. Elle attend, impatiente, que Fauressa ait fini de lui passer le peigne dans les cheveux et de lui nouer une simple coiffe en lin autour de la tête. – Va trouver ta mère dans la cuisine, elle t’attend pour t’apprendre à filer la laine ce matin ! Apparemment, Fauressa n’a rien remarqué. Ravie et curieuse de ce qu’elle pourra découvrir, son petit sourire espiègle sur les lèvres, Aimengart embrasse tendrement sa nourrice, descend l’escalier, ouvre la porte tout en douceur, se glisse dehors et suit ses parents en sautillant. Les premiers rayons du jour encore timides ont laissé la place à une belle journée ensoleillée, qui orne les rochers ocres et les prés verts des alentours de sa chaude lumière et paraît contredire les voix sérieuses d’Isarn et Ransana. Aimengart se doute de ce qui a pu faire presser le pas et elle sait vers où se diriger. Régulièrement, elle demande à sa mère de pouvoir l’accompagner, mais Ransana, bien qu’elle parle de la foi des Bons Chrétiens à sa fille, lui répond qu’elle est encore trop jeune. Toutefois, aujourd’hui elle ira voir de ses propres yeux ; elle l’a décidé dès son réveil. Elle laisse la motte rocailleuse derrière elle, longe de nouveau le Touyre, puis dépasse le pont de pierre à sa droite pour arriver au moulin appartenant à son père, où les villageois viennent moudre leur blé. Les gros murs en pierre sont en partie couverts par le lierre qui, tel une pieuvre venue des profondeurs antédiluviennes, déploie ses tentacules par terre, tout autour. Le bâtiment, sous l’ombre des chênes séculiers avec leur dense feuillage, se trouve entièrement à l’ombre, les pierres sont froides au toucher. Même en frôlant le mur, Aimengart ne parvient pas à entendre ce qui se dit à l’intérieur. Heureusement, la porte n’est pas entièrement fermée. Elle réussit à l’ouvrir juste la largeur de sa main, assez pour 16
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regarder dedans, discerner les personnes dans la pénombre et écouter leurs paroles. Deux femmes, jeunes encore, âgées d’une vingtaine d’années, habillées de manteaux noirs, se tiennent au milieu. Une d’elles tient un livre et lit en langue d’oc, celle que parle Aimengart. Elles sont entourées d’Isarn et Ransana, de trois autres femmes et d’un homme, tous habitants de Queille. Après avoir lu quelques phrases, la femme en noir, d’une voix solennelle mais très retenue, se met à commenter le texte qu’elle a lu. Quand le discours est fini, quelques minutes de silence s’installent dans le vieux bâtiment. Puis, les cinq personnes présentes, Isarn et Ransana inclus, s’avancent vers les deux femmes. À tour de rôle, ils se prosternent trois fois en disant : – Bonnes Chrétiennes, la bénédiction de Dieu et la vôtre. À chaque fois, les femmes ainsi nommées répondent : – Soyez béni. À la troisième fois, les croyants ajoutent : – Et priez Dieu pour moi, qu’il fasse de moi un Bon Chrétien et me conduise à une bonne fin. Puis aux deux femmes de répondre : – Nous prions Dieu pour vous, qu’il fasse de vous un Bon Chrétien et vous conduise à une bonne fin. Les génuflexions terminées, tout le monde s’embrasse, posant la tête une fois à droite et une fois à gauche. Hommes et femmes, cependant, ne se touchent pas, ils échangent le baiser à travers le livre dans lequel avait lu la femme auparavant. Ce baiser signifie manifestement la fin de la cérémonie, car Aimengart entend son père Isarn s’adresser sur un ton moins solennel, bien que respectueux, à la femme ayant lu dans le livre : – Dis-moi, Raimonda, quelles nouvelles nous apportestu ? Où en sont les affaires des comtes de Toulouse et de Foix ? 17
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– Les frères Amaury et Guy de Montfort assiègent toujours, depuis maintenant sept mois, la ville de Castelnaudary, reconquise par ses seigneurs légitimes – tu le sais déjà. À ce jour, tout semble indiquer qu’ils n’ont aucune chance de vaincre la résistance. Au contraire, il s’avère beaucoup plus probable que les autres seigneuries du Lauragais seront reconquises à leur tour sous peu. Ainsi, nous pourrons y rouvrir les portes de nos maisons et pas seulement nous réunir clandestinement. Enfin, Raimon Rogier, comte de Foix, ne tardera sans doute pas à reprendre Mirepoix aux Lévis… Notre diacre, Raimon Mercier, pourra peut-être s’y réinstaller. Le soulagement se fait jour sur les visages des présents, le moment propice pour Aimengart de se manifester. Elle entre, court vers sa mère, se cache à moitié derrière la jupe large de son bliaud, en attente des reproches à pleuvoir sur elle. Mais sa mère, un sourire à peine perceptible sur les lèvres, lui met la main autour des épaules et l’amène vers les femmes en noir : – Te voilà, ma fille, je crois qu’il est temps que tu fasses connaissance avec nos amis, les Bons Chrétiens et les Bonnes Chrétiennes. Je te présente Raimonda de Cuq, originaire de Lavelanet, à quelques heures de marche de chez nous, non loin de Montségur. La femme avec le livre se tourne vers elle, lui caresse la tête un instant, avant de prendre ses deux mains si petites encore dans les siennes et la regarder attentivement. Aimengart est troublée, intimidée devant cette femme si sérieuse pour son jeune âge et qui force le respect. Mais son regard chaleureux lui inspire également confiance. Se tournant vers l’autre femme en noir, Raimonda lui explique qu’il s’agit de sa compagne rituelle, du nom de Flors. – Venez donc manger dans notre maison et bénissez le pain pour nous ! La voix d’Isarn met fin à la première rencontre de sa fille avec Raimonda de Cuq – rencontre qui la bouleverse, 18
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bien qu’elle soit trop jeune encore pour seulement en deviner la portée… Isarn accompagne les deux femmes vers le logis seigneurial. Aimengart, à distance, suit avec sa mère. Les questions se bousculent dans sa tête. – Pourquoi m’as-tu permis d’entrer dans le moulin, alors que tu m’as dit et répété auparavant que j’étais encore trop petite ? – Aujourd’hui et pour les deux Bonnes Chrétiennes que tu as vues, les choses sont différentes. De toute manière, j’avais l’intention de te présenter Raimonda de Cuq. Je la connais depuis longtemps, elle a grandi à peu de distance de moi. Elle est encore jeune et il n’y a pas très longtemps qu’elle a fini son noviciat et que, à travers le consolament, elle est devenue une religieuse de l’Église des Bons Chrétiens. Maintenant que la situation s’améliore pour nous et que nous pourrons certainement sous peu vivre de nouveau notre foi en toute liberté, comme avant l’arrivée des croisés, elle reviendra régulièrement à Queille et, un jour, qui sait, aussi à Mirepoix, libérée dans un futur proche à ce que j’espère. De ce fait, je souhaiterais non seulement que tu rencontres d’autres Bons Chrétiens et Bonnes Chrétiennes, mais surtout que tu sois éduquée dans notre foi et nos rites. Lorsque Raimonda repassera chez nous, sous peu, elle se chargera de t’instruire au fur et à mesure et elle pourra même t’aider à apprendre à lire et à écrire, mieux que moi-même, car elle est très cultivée. Tu l’as vu, elle sait lire dans les Évangiles… Et si jamais elle décide de reprendre une vie sédentaire dans une communauté de Bonnes Chrétiennes, j’envisagerai de t’y envoyer pour que tu passes quelques mois auprès d’elles. – Mais, dis-moi, mère, Raimonda n’a pas lu dans les Évangiles… ? J’ai déjà entendu lire dans les Évangiles par le prêtre à la messe où m’avait amenée Fauressa, et les Évangiles sont écrites dans une langue que je ne comprends pas. 19
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– Tu te trompes ma chère fille. Les prêtres lisent les Évangiles, les paroles du Christ, en latin. Ainsi, seuls eux et les moines peuvent les comprendre et dire aux croyants comment il faut suivre les préceptes de Notre Seigneur. Mais ils ont tort d’en interdire la traduction dans notre langue – tout un chacun, même le plus humble, devrait pouvoir les comprendre. C’est pour cette raison que ceux que nous appelons les Bons Chrétiens ou les Bons Hommes ont traduit les Évangiles et, comme tu as pu le constater toi-même, permettent également aux femmes de les commenter et de les expliquer aux croyants. D’ailleurs, je n’apprécie pas que ta nourrice t’amène à la messe. Il ne faut pas que tu croies ce que ce prêtre peut te dire. Il est vrai que certains curés vivent paisiblement avec les Bons Chrétiens, certains les ont même protégés. Or, le pape qui se revendique le représentant de Dieu sur terre, le successeur de l’apôtre Pierre – oh ! quelle déplorable prétention – a déclaré que nos amis étaient des hérétiques et mettaient en danger la chrétienté. Pire encore, les catholiques, la vraie Église du Mal, persécutent et brûlent les Bons Chrétiens qui vivent chez nous depuis des décennies sans jamais avoir causé du tort à qui que ce soit. Leur seule faute consiste à prêcher la vraie Parole du Christ, à être proches de leurs croyants, à vivre dans la pauvreté et dans la chasteté alors que le clergé catholique se vautre dans les richesses et la luxure et condamne ses croyants pour la moindre faiblesse humaine. Aimengart a du mal à suivre le discours enflammé de sa mère, d’habitude si silencieuse. Elle ne sait guère qui sont ceux que Ransana appelle les catholiques. Elle n’a vu qu’un seul curé, le prêtre paroissial que voit souvent Fauressa. Et chaque fois que sa nourrice l’a vu ou entendu, on décèle tristesse et culpabilité dans ses yeux… Les Bons Chrétiens, par contre, aussi loin que portent ses souvenirs de petite fille, ont toujours fait partie de la vie de ses parents, de Queille et de la grande majorité de ses habitants. Ils sont 20
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les proches, les amis, les parents des villageois, ils appartiennent à cet endroit comme les eaux froides du Touyre, comme les rochers ocres qui réchauffent l’âme en automne, comme les vents doux qui susurrent l’arrivée du printemps dans les feuilles, à travers les collines et forêts jusqu’aux cimes enneigées des Pyrénées… Mère et fille, reparties toutes les deux dans leurs pensées, arrivent devant la porte de leur maison. Isarn et les deux Bonnes Chrétiennes y sont déjà entrés et, à en juger des odeurs qui s’en dégagent, le repas est sur le point d’être servi. Aimengart retient sa mère par ses jupes : – S’il te plaît, explique-moi encore pourquoi vous vous êtes prosternés devant Raimonda et Flors au moulin tout à l’heure ? – Ce geste, le melhorament, nous l’accomplissons à chaque fois que nous rencontrons un Bon Chrétien ou une Bonne Chrétienne. C’est une salutation rituelle qu’on leur adresse pour exprimer notre respect pour le Saint-Esprit, présent dans les Bons Chrétiens et Bonnes Chrétiennes. En même temps, nous demandons leur bénédiction et leur intercession afin de recevoir le sacrement du consolament avant notre mort et sauver notre âme – ce que nous appelons une bonne fin. Ce rite est le plus important pour nous, les croyants. Il représente notre lien avec l’Église de Dieu, car, contrairement aux Bons Chrétiens, nous n’avons fait aucun vœu. – Et le baiser que vous avez échangé à la fin ? – La caretas, le baiser de paix, se pratique à la fin de toute cérémonie, avec les Bons Chrétiens et entre croyants. Entre hommes et femmes, on l’échange à travers le livre des Évangiles afin de ne pas se toucher. La porte s’ouvre et Isarn, l’air légèrement impatient, ressort pour voir si sa femme et sa fille sont arrivées. Raimonda et Flors sont déjà assises. Une des servantes pose tout juste un pain chaud, encore fumant, sur la table. 21
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– Venez, le repas est prêt et les Bonnes Femmes béniront le pain. Il passe son bras droit autour de l’épaule d’Aimengart, pose sa main gauche doucement sur la hanche de Ransana et les accompagne à la table. Quelques minutes plus tard, Fauressa, qui évite la compagnie des Bonnes Chrétiennes, mais qui ne peut s’empêcher de surveiller de loin sa protégée, entend de l’extérieur la voix calme de Raimonda réciter le Pater – la sainte Oraison comme l’appellent les hérétiques. La nourrice en a assez entendu…
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Décembre 1225 Aimengart sort brusquement d’un sommeil profond, réveillée par le bruit de la porte. Quelques instants passent avant qu’elle ne réalise qu’elle se trouve dans sa chambre du logis seigneurial de Queille. Elle se redresse dans son lit et se frotte les yeux pour voir qui rentre chez elle en pleine nuit. Avant qu’elle ne puisse s’inquiéter, des bras doux et ronds la serrent contre des seins opulents et, avec un grand soupir d’aise, elle se recouche contre le corps chaud de sa nourrice. Elle savoure la sensation de confiance et de sécurité qu’on ne peut éprouver nulle part ailleurs que dans des bras maternels, acceptant volontiers qu’elle lui couvre le visage, les mains, la longue chevelure de baisers, qu’elle la berce comme la fillette qu’elle n’est presque plus… – Enfin tu m’es revenue, ma toute petite, mon amour, ma douce… Tu ne peux pas imaginer comment tu m’as manquée, les jours sont si vides sans toi, les semaines si longues. Tu es bien trop jeune pour avoir été éloignée autant de temps, j’ai eu si peur pour toi… Plus jamais je n’accepterai d’être séparée de toi pendant plusieurs mois ; même quand tu te marieras, je te suivrai pour m’occuper de toi et te protéger. – De quoi parles-tu ? Il n’y avait absolument aucune raison d’avoir peur, j’ignore ce que tu peux redouter. D’ailleurs, pourquoi parles-tu d’épousailles, je suis encore beaucoup 23
le miroir d’aimengart
trop jeune pour me marier, et peut-être je ne le ferai jamais… Sur ces mots, Aimengart cède à sa fatigue et se laisse de nouveau glisser dans le sommeil, blottie contre Fauressa. La nourrice, qui sent le corps de la fille s’appesantir sur le sien, arrête de chuchoter et, hissant le son de sa voix, la secoue légèrement : – Ne te rendors pas, nous avons des affaires urgentes à régler, ma fille, j’ai des questions très importantes à te poser. – Pas maintenant, Fauressa, je ne discerne pas encore la moindre lueur du jour. Il n’y a rien qui ne puisse attendre le matin. Je ne suis rentrée qu’hier soir et je suis fatiguée, je te prie de me laisser dormir. Mais la nourrice, plus déterminée qu’elle a coutume de l’être, ne cède pas. – Raconte-moi ce que tu as fait pendant ton absence. Ta mère a seulement voulu me dire que tu séjournais chez des amis dans la ville de Mirepoix dont ton père est coseigneur, mais je suppose qu’elle t’a amenée chez les hérétiques… ? Aimengart, qui sent que toute résistance à la curiosité si pressante de Fauressa est inutile, se relève, s’assoit sur le petit banc en face de son lit, et, les mains dans celles de sa chère nourrice, lui raconte avec tous les détails ce qu’elle a vécu depuis le printemps dernier. Elle se rappelle bien, en effet, du jour de son départ. L’hiver était à peine terminé, les nuits étaient encore fraîches et le matin couvert de brumes épaisses. Ce n’était pas la première fois qu’elle quittait Queille. Sa mère, et même parfois son père, l’avaient amenée à plusieurs reprises voir des Bons Hommes et des Bonnes Femmes à Lavelanet ou à Mirepoix et une fois même à Montségur. Ransana allait régulièrement avec elle à la rencontre de Raimonda de Cuq qui leur rendait fréquemment visite à Queille. Aimengart s’était liée d’amitié avec la Bonne Femme et admirait sa culture, son intelligence, sa foi à toute épreuve, son 24
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calme dans toute situation difficile et son jugement toujours très juste. Cette admiration pour Raimonda ainsi que sa propre foi de plus en plus affirmée au fur et à mesure qu’elle commençait à la comprendre, avaient créé une complicité toute nouvelle entre elle et sa mère. Cette complicité, certes, ne pouvait pas remplacer des liens de tendresse que sa mère était presque incapable d’entretenir, mais elle offrait les bases pour une relation plus profonde – à l’image de celle qui existait entre ses parents, plus spirituelle qu’émotionnelle ou charnelle… Au début de l’année, la dame de Queille et Raimonda de Cuq avaient ainsi convenu – avec l’entière approbation, mais toutefois une petite inquiétude d’Aimengart – que celle-ci devait passer quelques mois dans une communauté de Bonnes Femmes à Mirepoix. Deux ans séparaient Aimengart de sa majorité – et de la possibilité d’un mariage, bien que la majorité des jeunes femmes se marient plutôt entre quatorze et dix-sept ans. Le moment était donc favorable pour un séjour chez les Bonnes Chrétiennes, d’autant que la situation politique avait évolué à l’avantage des seigneurs méridionaux. Amaury de Montfort s’était montré incapable de maintenir sa domination sur les régions conquises par son père et finit même par faire don du Languedoc au roi de France, Philippe Auguste, dans l’espoir que celui-ci intervienne. Les seigneurs méridionaux de leur côté avaient continué la reconquête de ce qui leur appartenait de droit. Tout le Lauragais fut ainsi libéré, et le comte de Foix, Raimon Rogier, assiégea et reprit Mirepoix, dont le père d’Aimengart était coseigneur en tant que vassal du comte. Cette reconquête permit aux communautés hérétiques de rouvrir leurs portes, aux diacres et aux évêques de se réinstaller dans leur évêché ou leur ville, de recommencer à prêcher et administrer le sacrement du consolament. Les bûchers allumés par les croisés n’avaient pas pu éradiquer l’Église des Bons Chrétiens. 25
GWENDOLINE HANCKE
Le Miroir d’Aimengart Fille unique du seigneur cathare de Mirepoix-Péreille, Aimengart passe son enfance non loin de Montségur. Mariée par son père à un chevalier faidit, Peire de Mazerolles, coseigneur de Gaja-la-Selve en Lauragais, elle trouve en lui le reflet de sa propre personnalité et de ses propres convictions. Pendant que son mari sillonne les routes pour escorter les Bons Hommes, Aimengart tente de rester maîtresse de sa propre existence, entre les aléas d’une vie conjugale bousculée, la survie difficile de l’Église cathare clandestine et l’avènement des premiers inquisiteurs. Roman historique s’appuyant sur une documentation rigoureuse, Le Miroir d’Aimengart retrace la vie d’une femme libre dans le Languedoc du XIIIe siècle, aux temps du catharisme et de l’Inquisition.
ISBN 978-2-86266-618-1
Illustration de couverture : Codex Manesse, universität Heidelberg
21 €
www.loubatieres.fr
Gwendoline Hancke, historienne, spécialiste du catharisme, met sa connaissance du rôle des femmes dans la société cathare au service de son premier roman.