CHEMINS HISTORIQUES EN LANGUEDOC ET ROUSSILLON Regards sur un patrimoine
Alain Falvard
L OU B ATIÈR ES
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DE NÎMES À JAVOLS : LA ROUTE DES GABALES Cette route est entièrement contenue dans l’actuelle région Languedoc-Roussillon. Le peuple gabale occupait en effet un territoire qui se confond à quelques communes près au périmètre du département de la Lozère ou du diocèse du Gévaudan. Sa capitale à l’époque celte et durant l’époque gallo-romaine se trouvait à Javols non loin d’Aumont-Aubrac, mais à quelque distance de Mende qui devint capitale diocésaine sur décision de l’évêque du Gévaudan. L’itinéraire de cette route est assez incertain à partir de Florac. Cela tient au fait que les départements du sud du Massif Central, Haute-Loire, Cantal, Lozère, Aveyron, ont fait l’objet de relativement peu de recherche archéologique, à la différence des départements littoraux de la Méditerranée, que l’on parle des Bouches-du-Rhône, du Gard, de l’Hérault, de l’Aude ou des Pyrénées-Orientales, qui ont donné plusieurs épais volumes des Cartes Archéologiques de la Gaule. Cela ouvre la porte à quelques hypothèses que nous nous permettrons de formuler en se fiant plus à l’instinct et aux faits observés ailleurs qu’à la stricte rigueur scientifique.
Page de gauche : La collectrice de l’Asclié au-dessus de Florac avec les menhirs marquant les passages au col avant la dernière montée sur la D35. À Lézan, le puits près de l’église romane.
DE NÎMES À FLORAC Pour rejoindre Javols, la route sortait de Nîmes par la route d’Alès utilisée par la route des Arvernes avant de bifurquer fortement au nord-ouest au croisement de la N106 et de la D907, au niveau du Mas de Ponge. Sa direction sert ensuite pratiquement de support à la départementale jusqu’à Montagnac. Sur certains tronçons, la route a subi des modifications minimes mais l’ancien chemin subsiste souvent à côté d’elle. La route ne traverse pas Gajac ni Fons mais son ancienneté est indiquée par les lieux-dits d’époque médiévale à Baraquette et Les Baraques. Puis le chemin rejoignait Lédignan en ligne droite sans autre détour. À partir de Lédignan, la route actuelle suit une ligne de crête d’où l’on voit sur la droite les premiers contreforts des Cévennes que l’on rejoint à Anduze. Les spécialistes pensent que le chemin n’empruntait pas la route actuelle dont le tracé en crête paraît pourtant très naturel. Sur sa droite on trouve le lieu-dit Derrière-le-Grand-Chemin qui peut se rapporter toutefois au chemin préféré, plus au nord, par Les Mas-de-Cardet. Pour s’y rendre, on franchit en effet le ruisseau nommé Gasferriet qu’on peut assimiler à Gas-Ferrat, c’est-à-dire gué du chemin ferré. On rejoindrait alors Anduze en suivant le chemin
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D’Anduze à Florac par la Corniche des Cévennes. Alès et la porte des Cévennes vue de la route d’Alès. Le hameau de Pied-de-Côte, sur le chemin de Stevenson. À Saint-Laurent-de-Trèves, derrière un portail. Un joli pont médiéval sur le Taron juste avant d’arriver à Florac.
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de Coste-Longue qui rentre dans Lézan par le nord-est. Lézan est un village qui garde des vestiges intéressants de son passé médiéval dont sa monumentale tourporche, des tours du mur d’enceinte et une partie de son église romane avec ses pierres de calcaire dur caractéristiques des édifices du XIIe siècle dans la région. Après Lézan, où l’on croisait la voie romaine de Castelnau-le-Lez à Alès, le chemin allait directement à Anduze par Attuech. Peu après La Madeleine et juste avant d’entrer dans Anduze, la route des Gabales rejoignait la draille de Jalcestre collectant au Trial les troupeaux de Sommières à Pompignan dans cette région sud du Gard. Tout ce petit monde de voyageurs et de troupeaux franchissait l’imposante gorge du Gardon d’Anduze qui se nomme fort justement la Porte des Cévennes. On cheminait ainsi en bordure du Gardon jusqu’au confluent avec le Gardon-deMialet, où les chemins se séparaient. Le lit du Gardon de Saint-Jean laisse ensuite peu de place aux variantes et on rejoignait Saint-Jean-du-Gard en suivant approximativement le tracé de la D907. Après l’embranchement de la D260, on atteint le hameau de Pied-de-Côte. Piedde-Côte, on ne peut mieux dire en prélude de cette escalade sur un épaulement de la montagne qui monte directement au col de Saint-Pierre, 395 mètres plus haut ! On y rejoint l’ancienne route royale. Le chemin ancien faisant la limite départementale jusqu’à Malataverne, il s’élève sur la crête séparant les vallées cévenoles et surplombe
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de vastes superficies depuis son altitude de 900 mètres que l’on atteint lentement au col de l’Exil. La route ancienne a été recréée sous Louis XIV, sans doute par souci de disposer d’un accès facile à cette zone de montagne turbulente pour ne pas dire insurrectionnelle, au cœur de la révolte des Camisards ; le développement des activités de soierie poussées par Colbert n’est sans doute pas non plus étranger à cet intérêt pour des routes de qualité favorisant les échanges commerciaux efficaces. Le chemin ancien surplombait la route actuelle et passait en crête, une cinquantaine de mètres au-dessus de la départementale. On y trouve les premiers clochers des tempêtes qui servaient de repères sonores pour les voyageurs qui avaient eu l’imprudence de s’aventurer dans ces régions en période de tempête de neige. Une fois passée Pompidou, le chemin s’élevait comme le fait la route actuelle sur le plateau qui culmine à 1 050 mètres en passant par l’Abeuradou (l’abreuvoir, en occitan) puis formait la limite des communes du Pompidou - Saint-Martin-de-Camsalade au nord, et Vébron au sud. La route, quant à elle, monte doucement en lacets, l’itinéraire ancien utilisant de manière optimale la topographie. Il traverse le plateau sur lequel il est monté et rejoint la route peu après l’aven de Montgros, puis continue sur l’Hospitalet. La route actuelle suit à peu près le cheminement ancien. Après l’Hospitalet, on arrive à Saint-Laurent-de-Trèves où ont été découvertes des empreintes de dinosaure qui sont présentées dans ce village. Elles nous montrent qu’il y a environ 200 millions d’années les
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Au col Saint-Pierre, la borne ancienne indiquant le passage de la Route Royale voulue par Louis XIV.
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Détail des fines sculptures ornant l’archivolte du mausolée de Lanuéjols. Cet édifice spectaculaire en grand appareil de calcaire fut construit à la mémoire de deux jeunes hommes par leurs parents, sans doute à la fin du Ier siècle ou au début du IIe sur le modèle en vigueur à cette époque dans l’empire romain. Vu du nord, le site de Anderitum, capitale du peuple celte des Gabales et de la cité gabale à l’époque gallo-romaine. Il est bien difficile d’imaginer la belle ville gallo-romaine bordée sur la gauche par le ruisseau qui fait ensuite un coude vers la droite au fond de l’image, englobant le village actuel. Un musée abritant les vestiges découverts dans les fouilles est ouvert à la période estivale et s’enrichit du fruit des fouilles qui continuent. On en voit une en activité à proximité du cimetière qui apportera sans doute son lot de nouvelles découvertes. Javols était situé sur l’importante voie romaine de Lyon à Cahors et c’est la découverte en ces lieux d’une borne milliaire qui a conduit aux fouilles plus complètes.
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plaques de calcaire érodées qui portent les maisons du village se trouvaient au cœur d’une région tropicale sur le bord d’une lagune où des dinosaures bipèdes cherchaient leur nourriture. Le chemin finissait d’arriver à Florac par les gorges du Tarnon. À partir de Florac, une route romaine est mentionnée rejoignant le col de Montirat, puis Javols vers le nord et se raccordant à une autre voie en direction de Lanuéjols vers l’est. La topographie n’est toutefois guère conforme aux chemins de l’époque celte, qui empruntaient volontiers les chemins d’altitude plus aisément sécurisés, permettant de voir venir le danger de loin. Un tel chemin existe partant du Pont du Tarn. Ce chemin sert de support aux GR 43 et GR 68. Il forme aussi un tronçon de l’importante draille de l’Asclié qui conduisait les troupeaux sur les vastes zones de pacage d’été. À proximité d’Issenges, où il passe en crête, le chemin devient limite de commune avant d’abandonner la crête pour rejoindre La Maison Neuve et Les Combettes où il passe le Bramont à gué avant de remonter jusqu’à la côte 1180 par un chemin. Bordée par les nombreux menhirs de la Cham des Bondons, cette montée depuis Florac est un authentique plaisir dans des paysages à la fois déserts et remplis d’humanité, entre vallées et montagnes. Une fois franchie la D35, on peut, par La Fage, rejoindre Lanuéjols, charmant village d’origine gauloise où cohabitent un exceptionnel mausolée gallo-romain et une belle église romane en pierres de tuffe de la région parfaitement agencées. Arrivait ensuite le difficile franchissement de la gorge du Lot à l’est de Mende, et la remontée vers Rieutord-de-Randon, Saint-Amans et enfin Javols, par des chemins dont le trajet originel a disparu.
ROUTE DE NÎMES À RODEZ : LA ROUTE DES RUTÈNES Sur son plan des enceintes successives de la ville de Nîmes datant de 1873, F. Germer-Durand mentionne déjà, s’échappant au nord-ouest de la ville par la Porta Salviensis, la route qu’il appelle « Chemin allant chez les Rutènes ». S’appelant maintenant Chemin Vieux de Sauve, cette route longe le cimetière protestant qui s’adossait lui-même à l’ancienne muraille gallo-romaine à l’extérieur de celle-ci. Le quartier est d’ailleurs un lieu de sépulture ancien comme ont permis de le confirmer les vestiges alentour. L’itinéraire continuait par ce qui est la route de Sauve et pour
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Le long d’une boucle en 7 étapes, le marcheur parti de l’altitude de 1140 m suit d’abord un chemin à plat qui descend ensuite à travers bois vers un col (1045 m) où l’on rejoint un autre chemin de terre que l’on va suivre à la descente. Le cheminement est comme balisé par des menhirs de taille petite ou moyenne. À proximité du col, au point 2 de l’itinéraire, les menhirs semblent indiquer deux à deux les passages des chemins. Le sol alterne dans cette région entre granite et causse calcaire qui constitue le plateau et où sont entaillées les vallées que l’on parcourt. Du col en arrière-plan, on voit un vaste chaos granitique. Le chemin, toujours bordé de menhirs, descend ensuite dans un paysage de petite vallée herbeuse vers le passage d’un ruisseau à 998 m et remonte vers le hameau des Combettes où l’on rejoint la collectrice de l’Asclié qui fut un des plus importants chemins de transhumance. Au-dessus, descendant vers les Combettes, on longe un valat d’herbe rase où coule un ruisseau intermittent. Puis on remonte, suivant toujours les menhirs, sur un épaulement servant de limite communale. Rien ne pousse sur ce chemin raboté par les séculaires passages de moutons. Au point culminant du parcours, la pierre des Trois-Paroisses domine le paysage. Elle porte les stigmates des outils de carriers qui l’ont sans doute amputée d’une partie de sa hauteur.
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LA CHAM DES BONDONS, UN SITE MÉGALITHIQUE EXCEPTIONNEL Entre Mende et Florac, ancré comme une barque de calcaire jurassique à la pointe ouest du vaste massif granitique du Mont Lozère, bordé au nord par la rivière de Bramont et au sud par le Tarn, la Cham des Bondons est un petit causse à l’est de ses grands frères dont il n’est séparé que par une pointe rocheuse remontant des Cévennes schisteuses. On n’y trouve plus l’activité humaine qu’à l’état de traces et de quelques labours dans des îlots de terre rouge et c’est dans un endroit passionnant qu’on l’aborde au carrefour de la D35 et de la D135. Un chemin fort bien balisé en part, permettant de découvrir le long de deux itinéraires de longueurs différentes l’étonnant site mégalithique des Bondons, le plus riche de France en menhirs après celui de Carnac. On a du mal, dans ce territoire pratiquement désertique, à imaginer l’intense activité humaine qui leur a donné naissance, comme dans d’autres régions des Causses où les sites ont toutefois été plus dévastés. Alors que l’on se pose d’ordinaire la question de savoir quelle motivation avait poussé nos prédécesseurs sur ces terres à ériger de telles manifestations de leur présence, il semble ici que ces pierres levées balisent la route, indiquent les chemins au col, marquent les lignes de crête. Monuments de granite sur un terroir de calcaire, il a fallu les extraire du socle granitique qui affleure alentour et dont on découvre de loin en loin des chaos d’énormes pierres rondes. Il est impossible ici de rendre dans toute son étendue la richesse de ce site mégalithique et on ne peut que renvoyer au passionnant ouvrage de Bruno Marc, grand spécialiste du mégalithisme languedocien, pour une découverte plus complète qui ne saurait en tout cas remplacer un déplacement sur le site qui est un véritable coup de cœur.
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un bon moment l’actuelle D999. L’itinéraire antique s’en écarte en plusieurs occasions. D’abord à la sortie de Nîmes, la route ancienne est encore matérialisée par le chemin du Mas-de-Vacqueroles pour servir ensuite de limite de commune avec Cabeirac et rejoindre la départementale après le Mas-de-Provence. Encore un petit écart vers le nord après le Mas-de-Barben, où l’ancien chemin fait également limite de commune au pied du serre des Catalaïres, et on rejoint une série de lieux-dits d’anciennes baraques indiquant la présence d’installations liées à l’activité du chemin : Saint-Pierrede-Vaquière, Baraque-de-Jonc, Baraque-Neuve, Barraque-de-Montpezat, Perrier. Continuant vers Quissac, peu après avoir laissé le village de Combas sur la gauche, la route moderne s’écarte notablement au nord du chemin ancien une fois franchi le Mas Mathieu. La route ancienne allait directement à Vic-le-Fesq suivant un trajet légèrement incurvé au sud qui existe encore sous forme de chemin entièrement carrossable une fois franchi le ruisseau de Saint-Martin. Un peu plus loin nouvel écart au lieu-dit La Baraque, entre Sardan et Sérignac, jusqu’à Orthoux, puis on remontait sur Quissac en suivant la limite de commune avec Liouc, franchissant le Val du Malfoussat, passant au pied de la Tour de Labroc. On traversait Quissac au niveau du quartier médiéval de Vielle après avoir rejoint le Vidourle en aval de la ville. Le long du Vidourle, longeant le cimetière, on rejoignait Arlus. Au lieu-dit Levesque, le chemin s’incurvait pour rejoindre Sauve en ligne droite et accéder à la ville par le Pont Vieux. Avant la construction de ce pont, on franchissait simplement le lit du Vidourle un peu en amont de Sauve, à l’endroit où le fleuve ressurgit après s’être perdu dans un parcours souterrain, un peu à l’est de Saint-Hippolyte-du-Fort. Ces phénomènes de perte de rivière et de résurgence sont assez communs dans le Gard. Cela se produit par exemple pour le Rieutord, près de Ganges, et vers Vissec où se trouvent les pertes et la résurgence de la Vis, particulièrement spectaculaire. Le chemin partait ensuite en direction de l’entaille créée par l’Hérault dans la bordure cévenole au niveau de Ganges. Il courait à proximité du lit mort du Vidourle suivant un trajet repris par la D999. À la Baraque-de-Conqueyrac, il croisait une autre draille de la collectrice de Jalcestre remontant de Pompignan. À proximité de Saint-Hippolyte, le chemin s’incurvait pour contourner la ville au sud par La Croisette, retrouvant la D999 à Malataverne, avant de franchir le défilé de Cadière, où la position du chemin est encore indiquée par la Baraque-de-la-Cadière au carrefour conduisant au village sur la D999. La Cadière possède une des belles églises romanes toute simple de cette région sur la place du village, occupée comme il se doit par une
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Sauve : le Pont Vieux (XIe s.) Il n’est pas indifférent que la route des Rutènes s’appelle au départ de Nîmes route de Sauve. Située à 40 km à l’ouest de Nîmes par la D999, Sauve était un oppidum celte comme Montmirat et Combas. Plus tard ce fut la résidence d’été des évêques de Maguelone, avant que Montpellier ne devienne évêché sous François Ier. Situé sur le Vidourle que le Pont vieux enjambe, à peu de distance des contreforts des Cévennes, Sauve est un de ces charmants villages du Sud aux ruelles étroites chargées d’histoire et que surplombe une étonnante Mer de Rochers qui ressemble, avec une pointe d’exagération au charme tout méridional, à un paysage de mer démontée figée dans la roche. À peu de distance de là, le château où est né le fabuliste Florian ajoute une discrète note intellectuelle soutenue par la présence à Sauve de nombreux artistes.
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fontaine en plein soleil. Le village est protégé du vent par le contrefort montagneux auquel il s’adosse, et peut-être aussi par saint Michel à qui a été consacrée cette église en calcaire inaltérable. La route continuait en direction de Ganges. Sur la droite, à mi-distance, un site de mégalithes subsiste à proximité du Ginestous et une église romane assez profondément remaniée occupe le sommet d’une petite colline sur la gauche de la route. De là on surplombe l’arrivée vers Ganges. La route ancienne n’allait toutefois pas jusqu’à cette ville et, au niveau du Puech, bifurquait au nord pour prendre le lit du Rieutord qu’on franchissait à pied au lieu-dit La Baraque jusqu’à Sumène, d’où on rejoignait la vallée de l’Hérault par Cap-de-Coste jusqu’à Pont-d’Hérault. On laissait ici l’Hérault remontant à sa source au Mont Aigoual, et on franchissait le fleuve à gué pour remonter l’Arre que l’on passait à gué pour arriver au Vigan via Roudoulouze, l’Elze et encore un passage à gué. Un pont a été édifié sur l’Arre au Moyen Âge.
Quissac : le vieux moulin sur le Vidourle, vu du pont. L’image montre le Vidourle vers l’amont avec la prise d’eau barrant la rivière et conduisant l’eau motrice au barrage sur la gauche. Image traditionnelle que l’on peut trouver partout en France où les moulins à eau et à vent alimentaient la population en farine. La route des Rutènes longeait ici le fleuve sous les platanes que l’on voit à droite de l’image. Quissac était un de ces lieux de passage où plusieurs voies importantes se croisaient. Ici passait suivant un axe sud-nord en direction d’Anduze, puis des pâturages de la Margeride, les troupeaux de moutons transhumant des garrigues situées vers le Pic-Saint-Loup.
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En haut, les abords de Sauve avec en premier plan un bloc de calcaire de la Mer de Rochers qui surplombe la ville, avec sa structure caractéristique en vaguelettes. Un circuit balisé partant du Pont vieux permet de découvrir la colline, avec les ruines de l’ancien château épiscopal, le dédale de blocs de calcaire de la Mer de Rochers, après une montée à travers la vieille ville riche de nombreux édifices intéressants.
Sortant du Vigan, une route de montagne s’écartait de l’Arre qui emprunte quant à lui une vallée profonde sans doute jugée peu sûre. On franchissait le Coudoulous au lieu-dit Pont-d’Andonet, et on rejoignait Bréau par un chemin qui porte encore le nom d’ancienne voie romaine dans ce village tout en longueur le long de la voie. Puis la route continuait vers Mars et montait au col de Mouzoulès qui offre un panorama exceptionnel sur les deux vallées qui en partent, orientées dos à dos vers l’est et l’ouest. Au col, à une altitude de 737 m, se trouvent deux menhirs qui, comme à la Cham des Bondons, semblent marquer une sorte de passage; cela indique-t-il un passage multimillénaire communément utilisé par l’homme? Comme un promontoire entre deux vallées, ce lieu reçut les messes au désert de groupes de protestants en butte à la traque religieuse. Une stèle érigée en 1942 rappelle que le 19 avril 1742 un groupe y fut surpris, les hommes envoyés aux
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Au Vigan, le pont Vieux enjambe l’Arre en venant d’Elze sur la rive opposée. Un des plus célèbres menhirs des Cévennes au col de Mouzoulès. Un autre a été redressé où il a été retrouvé, en contrebas, formant peut-être à eux deux un passage sacré dans les temps reculés. Au lieu-dit les Trois-Ponts, le chemin rejoint la vallée de l’Arre.
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galères, femmes et enfants enfermés dans la tour de Constance à Aigues-Mortes. Venant d’Aumessas vers lequel nous continuons par Le Caladon, on peut monter ici par une route tout à fait extraordinaire, très caractéristique des petites routes cévenoles. La route continuait sur Alzon où l’on rejoint le cours de la Vis, une autre grande rivière de la région. À Alzon se trouve la dernière église romane des Cévennes, au vocable de Saint-Martin. On n’aborde qu’avec pudeur le sujet de la disparition des églises romanes des Cévennes. Il est toutefois difficile d’imaginer que les guerres religieuses y soient complètement étrangères tant l’éradication de ces édifices semble systématique. À Alzon, le chemin prend la direction de la Vis qu’il franchit sur un petit pont de pierre et monte sur le causse de Campestre par la route en lacets, aujourd’hui la D49. De Campestre, il va directement au col de la Barrière où se trouve de manière immuable la limite des territoires volques et rutènes, maintenant limite départementale du Gard et de l’Aveyron. La D999 devient la D7 qu’il faut suivre jusqu’au village de Sauclières. À Sauclières, le chemin partait par Saint-Michel dans la direction de Nant. Peu avant cette ville, la route butait sur le Durzon pratiquement à l’endroit de son confluent avec la Dourbie, au lieu-dit La Mouline, où se trouve comme il se doit… un moulin. Il longeait alors la rivière suivant un tronçon qui porte de nom de Route de l’Estrade indiquant explicitement son origine antique. La route de l’Estrade se termine au moment où le Durzon est franchi, à proximité de la très belle chapelle romane Saint-Martin-du-Vigan dont le vocable suffirait à lui seul, comme à Alzon, à attester l’ancienneté de ce chemin. Celui-ci empruntait ensuite le ravin de Vallongue pour monter sur le Larzac au niveau des Liquisses-Basses puis servait de limite avec La Cavalerie par Les Agassous, continuait par La Blaquière et rejoignait au nord de La Cavalerie la voie romaine pénétrante de Saint-Thibéry à Millau, qu’elle suivait par Saint-Michel-le-Petit et Saint-Michel-du-Larzac. La descente vers le Tarn se faisait au Pas Destret où l’on empruntait Coste-Vieille juste à l’aplomb de la ville. De Millau, on allait pratiquement en ligne droite à Rodez, capitale des Rutènes. Le chemin passe à proximité du prieuré grammontain de Comberoumal, érigé au XIIe siècle, et qui reste un merveilleux lieu de visite et de recueillement, très discret et peu connu, beaucoup moins encore que Saint-Michel-de-Grammont appartenant au même ordre, au-dessus de Lodève.
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ROUTE DE NÎMES À VIEIL TOULOUSE À Nîmes, la Porta Circensis, c’est-à-dire la porte du Cirque, située près de l’endroit où l’avenue Georges-Pompidou devient l’avenue de Verdun, ouvrait sur le chemin de Pissevin. C’est par ce chemin partant plein ouest, que l’on rejoignait Vieil Toulouse, l’autre capitale des Volques dits Tectosages. Étant donné la distance entre les deux villes, nous ne traiterons pas le trajet avec autant de détails que précédemment, même si, à partir de Clermont-l’Hérault jusqu’à Toulouse, le chemin sert de tracé à une succession d’importantes routes départementales et nationales qu’il est très facile de suivre. À l’ouest de Nîmes, à l’endroit où la D40 sort de la zone industrielle, la route de Vieil Toulouse empruntait ce qui est une voie carrossable passant par le lieu-dit Cante-Perdrix puis Les Baraques au sud de Langlade. On arrivait ensuite à Nages, village héritier de l’oppidum celte qui occupait avec celui de Roque la colline séparant Nages de Saint-Dionisy ; Nages est d’origine gallo-romaine et conserve de cette époque une fontaine au fond de la combe de Saint-Dionisy, et des vestiges de citerne. Les vestiges très anciens sur la colline méritent la visite. On rejoignait Calvisson en franchissant le Rhony au niveau de l’actuel pont d’Arnia, qui pérennise un pont romain, puis Congéniès en suivant à peu près le tracé de l’ancienne voie de chemin de fer maintenant transformée en piste cyclable. De fait, un tronçon de ce chemin existe encore, faisant la limite de commune entre Villevieille et Junas. On le retrouve dans les faubourgs de Sommières faisant la limite avec Villevieille. À Sommières, on franchissait le Vidourle. On se rendait ensuite à Gallargues le plus directement possible à proximité de la Départementale 1. Ce numéro 1 indique à lui seul l’importance de cette route qui collectait les
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Le menhir du col de Mouzoulès.
ISBN 978-2-86266-628-0
29 €
www.loubatieres.fr
La Via Domitia.