La Bigorre, regards sur un patrimoine

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LA BIGORRE Regards sur un patrimoine

photographies d’Alain Baschenis préface de Jean-Francois Soulet textes d’Alain Cazenave-Piarrot Gilbert Peyrot Jean-Christophe Sanchez Patrice Teisseire-Dufour

L OU BAT IÈ R E S



MAJESTUEUSE BIGORRE PAYSAGES ET TERRITOIRES

L

a Bigorre fut naguère un comté, longtemps désigné au masculin. Elle constitue aujourd’hui, pour l’essentiel, le département des HautesPyrénées qui couvre 4 464 km² et comptait, en 2006, 227 736 habitants. Elle retrouve, ainsi, depuis le début du siècle une croissance démographique, quoique faible (+0,34 % par an) et uniquement due aux nouveaux arrivants. Les paysages bigourdans opposent, dans une répartition à 55 %-45 %, la chaîne des Pyrénées au midi et plaines, collines et plateaux, en contrebas, qui constituent l’avant-pays au nord. Élévation, enlèvement, effet de barrière : les mêmes expressions s’imposent pour décrire les Pyrénées vues de leurs piémonts. À vol d’oiseau, on gagne 2 500 mètres de dénivelé entre la plaine de l’Adour et le Pic du Midi de Bigorre (2 872 m). La chaîne apparaît, blanche ou sombre au gré des saisons, avec une ligne de crêtes dentelée comme une lame de scie. Quand les yeux se posent, en sens inverse, de la montagne vers l’avant-pays bigourdan, les espaces qui courent aux limites de l’horizon en camaïeux de vert et d’ocre, alternent le moutonnement des collines sous-pyrénéennes, la large entaille des vallées alluviales, la ligne des plateaux. Au binôme plaine-montagne du versant nord, il convient d’ajouter le tras los montes d’Aragon, troisième élément et rouage important de l’ensemble.

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Le village de Castera Lou.

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De ces oppositions majeures naissent des paysages contrastés et se configurent des territoires très individualisés. Pourtant de nombreux liens, tant humains que naturels, rattachent la montagne aux basses-terres du Bassin Aquitain, tandis que l’actuelle modernité introduit des logiques d’acteurs de plus en plus souvent forts éloignés de la Bigorre historique.

Une haute montagne et ses piémonts La montagne bigourdane constitue la partie la plus élevée des Pyrénées dont elle représente le septième de la longueur totale. C’est la montagne des 35 « trois mille », avec toute une série de sommets qui se détachent des autres quand ils dominent la plaine, une vallée ou un bassin intramontagnard pour constituer autant de géo-symboles. Au premier rang de ceux-ci la haute pyramide calcaire du Pic du Midi de Bigorre commande de ses 2 872 mètres, non seulement Bagnères, mais aussi toute la Bigorre. Sa massive silhouette, coiffée des installations de l’Observatoire et de l’antenne d’un relais de télécommunications sont devenues le logo du département. La Pique Longue du Vignemale (3298 m), point culminant des Pyrénées en France, se situe en Bigorre sur la frontière avec l’Espagne. Les autres marqueurs montagnards se caractérisent par leur altitude, une silhouette caractéristique qui les distingue dans les paysages ou dans la sky line des sommets, une situation surplombant un bourg ou une vallée. Le Balaïtous (3 144 m) et le Palas (2 974 m), sommets le plus l’ouest de l’ensemble bigourdan, en limite avec le Béarn, dominent les hautes vallées d’Arrens et d’Estaing. Le Marboré (3248 m), le Grand Astazou (3 071 m)

Vue depuis le col des Palomières.

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Le sommet du Taillon (3 144 m)

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et La Munia (3133 m) sont les ornements les plus élevés des murailles rocheuses qui ferment les cirques de Gavarnie, d’Estaubé et de Troumouse, aux sources des torrents qui formeront, plus en aval, le gave du Lavedan ou gave de Pau. Plus à l’est, Pic Long (3192 m) et Néouvielle (3011 m) barrent la haute vallée d’Aure et le Pic Schrader (3 177 m), alias Grand Bachimala, celle du Louron. Plus au nord dans la chaîne, et moins élevés, l’Arbizon domine de ses 2831 mètres la vallée de Gripp et le col d’Aspin, le Signal de Bassia (1921 m) les Baronnies et Lannemezan. Tandis que la pointe du Vicsos (2 141 m), les massifs du Cabaliros (2 334 m) et du Pibeste (1 349 m) bornent le bassin d’Argelès et, pour ce dernier, surplombe de ses blancs escarpements de calcaire les espaces du piémont. Chacun des ensembles montagnards est associé à une ou plusieurs vallées, ouvertes par le large coup de rabot des glaciers qui, au début du quaternaire, ont poussé leurs moraines frontales jusqu’à l’extérieur de la chaîne vers Sarrancolin, Montgaillard et Lourdes. Dans les roches tendres, les vallées se dilatent en vastes bassins à Argelès, Luz, Campan, plaines abritées à l’intérieur de la montagne. Ailleurs, les roches trop dures pour être rabotées par le poids des glaces furent sciées par l’action des torrents, y compris sous-glaciaires, qui taillèrent ainsi les vertigineuses gorges au-dessus de Pierrefitte, vers Luz ou vers Cauterets. Les vallées, ainsi compartimentées, donnent des ensembles proches, mais très individualisés, dont l’histoire a fait des pays : Lavedan, Val d’Azun, Estrem de Salles, Batsurguère, Castelloubon, Pays Toy, Vallée de Campan, Vallée de Lesponne, Vallée d’Aure, Vallée du Louron. Les relations entre les vallées passent par des cols, le plus souvent élevés et enneigés pendant l’hiver. Parmi eux, Aubisque-

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Estives à proximité des lacs des Aires (2 089 m), dans le cirque de Troumouse au coucher du soleil. On aperçoit La Munia et le pic de Troumouse.


Le lac d’Aumar, dans la réserve du Néouvielle.



Depuis le col d’Aspin, vers la vallée d’Aure.


Soulor, Tourmalet, Aspin et Peyresourde sont devenus des objets culturels par la mise en spectacle des étapes pyrénéennes du Tour de France. Vers l’Aragon, les passages sont encore plus élevés. Ils ne s’opéraient que par des chemins piétonniers ou muletiers jusqu’à l’ouverture, en 1976, du tunnel routier Aragnouet-Bielsa en haute vallée d’Aure. Celui-ci s’ouvre, sur le versant nord, à 1 821 mètres d’altitude audessus d’une série de lacets et de paravalanches spectaculaires.

La vallée de l’Adour, constitue l’axe principal de l’avant-pays L’Adour en Bigorre commence son parcours de plaine dès Bagnères à 550 mètres d’altitude, arrose Tarbes, et se termine, vers le nord, au Pays de Rivière (54 m à Labatut-Rivière), transition avec les espaces de la Gascogne gersoise et landaise. La plaine de l’Adour se présente comme un couloir de 8 à 12 kilomètres de large, encadrée de coteaux molassiques qui la dominent d’une centaine de mètres. Elle a été modelée au cours des différentes glaciations et inter-glaciations

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Vue panoramique de Bagnères-de-Bigorre.

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par les eaux de fonte des glaciers pyrénéens venus du haut Adour, mais aussi du Lavedan par une ample vallée, devenue sèche après que les ancêtres de l’actuel gave de Pau l’aient abandonnée, dès avant la dernière glaciation, il y a plus de 60 000 ans. Dans cette large vallée roulèrent et s’accumulèrent des galets et des matériaux plus fins : graviers, argiles et sables dans lesquels les appareils hydrographiques successifs ont creusé différents niveaux de terrasses alluviales et des micro-reliefs de quelques mètres de dénivelé. Les changements de régime hydrographique se lisent dans les paysages actuels. L’Adour y coule à fleur de plaine, en parallèle avec d’autres rivières alimentées par les eaux des coteaux : Echez, Estoues, Arros, Boues, Louet plus au nord. Comme les talwegs (ligne joignant les points les plus bas d’une vallée) restent faiblement encaissés, d’innombrables canaux relient les différents cours d’eau, écrêteur de crues mais aussi vecteurs d’activités, dorénavant révolues, pour les populations riveraines : arrosage, irrigation, moulins, industries, tout particulièrement à Tarbes qui fut, jusqu’au début des années 1960, une ville de canaux.

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Les autres espaces du piémont se répartissent en coteaux, collines et plateaux Les coteaux qui bordent la plaine de l’Adour sont taillés dans des molasses tertiaires, à l’est sous forme de longues vallées parallèles aux versants dissymétriques, drainées par l’Arros et le Bouès, à l’ouest par toute une série de petits appareils qui descendent du plateau de Ger, relevant lui-même, en grande partie, du Béarn voisin. Les plateaux de Lannemezan (603 m à la Demi-Lune), de Cieutat-Orignac (548 m au bourg), de Ger (540 m au Pouey-Mayou) se situent au débouché dans la plaine des appareils hydrographiques qui, au pliocène, sortaient du massif montagneux récemment mis en place. Il s’agit d’énormes cônes de déjection torrentiels, vastes glacis triangulaires construits, par accumulation, sous un climat chaud et humide, de gros cailloux roulés, mélangés à des argiles, le tout particulièrement infertile. Jusqu’à la révolution des engrais chimiques, ces hautes terres froides ne portaient que des landes et de pauvres cultures. Le plus

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Vue panoramique depuis le plateau de Cieutat.

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Entre les villages d’Osmets et Vidou, avec le Pic du Midi de Bigorre en toile de fond.

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étendu est le plateau de Lannemezan d’où diverge, en éventail, un ensemble de rivières – Save, Gesse, Gers, Gimone – affluents rive gauche de la Garonne. Les collines sous-pyrénéennes, constituent, au sens strict, le piémont des Pyrénées. Dans les Baronnies, le Marquisat, le pays des Angles, elles se découpent dans des schistes et des flyschs du Crétacé. Dans le pays de Lourdes, elles sont constituées par les reliques des vallums morainiques du glacier du Lavedan, quand celui-ci sortit de la montagne au moment de son maximum.

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LES COMBINAISONS VARIÉES DU RELIEF ET DU CLIMAT EXPLIQUENT LES DISPOSITIFS NATURELS

Une montagne jeune avec de vieux matériaux La mise en place des Pyrénées et de leur avant-pays dépasse l’espace et le temps de la seule Bigorre. Elle s’inscrit dans le lent mouvement de la tectonique des plaques qui voit s’affronter dans une vaste portion du globe terrestre, la plaque ibérique, sous-partie de la plaque africaine, et la plaque eurasiatique. Dans la longue durée géologique, l’orogénèse pyrénéenne se déroule en deux phases. Tout commence à l’ère Primaire, voici 500 millions d’années quand Galice, Bretagne et Ibérie ne formaient qu’un seul bloc de la lithosphère. Une première montagne naît entre 345 et 225 millions d’années lors de la phase hercynienne, reprenant, d’une part, des sédiments déposés au fond d’une mer peu profonde et, d’autre part, des granites venus des profondeurs de l’écorce terrestre. Cette première montagne achève de s’éroder à la fin du Primaire, au point d’être recouverte par les mers à partir de l’ère Secondaire. Celles-ci déposent sur les vieux matériaux hercyniens d’épaisses couches de calcaire, particulièrement entre les époques du crétacé supérieur et de l’éocène au début de l’ère Tertiaire, il y a 100 millions d’années. La seconde phase orogénique a lieu au début de l’ère Tertiaire avec le serrage des plaques ibérique et européenne, provoqué par l’ouverture du golfe de Gascogne, elle-même consécutive à la séparation de la Bretagne d’avec l’ensemble Galice-Ibérie.

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Photochrome de Cauterets pris depuis la Raillère, vers 1890.

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LA BIGORRE Regards sur un patrimoine

Vallée de Gaube et Vignemale

Vallée de Barèges

Préface de Jean-François Soulet Majestueuse Bigorre, paysages et territoires par Alain Cazenave-Piarrot Bigorre sacrée et religieuse par Patrice Teisseire-Dufour De bois, de roches et d’eau, ressources naturelles de la Bigorre par Gilbert Peyrot

ISBN 978-2-86266-632-7

29 €

www.loubatieres.fr

Il était une fois le Pic du Midi de Bigorre par Jean-Cristophe Sanchez


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