Le Béarn, regards sur un patrimoine

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LE BÉARN Regards sur un patrimoine

Textes d’Alain Cazenave-Piarrot Sylvia Robert Jean-Christophe Sanchez Photographies d’Étienne Follet

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« LE BÉARN EST UN PAYS RICHE EN SOUVENIRS »

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e Béarn est un pays riche en souvenirs… » C’est ainsi qu’Émile Garet, en 1911, débute son Histoire du Béarn et l’on pourrait rajouter que le Béarn est aussi riche en personnages illustres : Gaston Fébus, Jeanne d’Albret, Henri IV, Bernadotte, devenu roi de Suède, Francis Jammes… La plupart de ces noms sont plus ou moins connus et nous n’en ferons pas encore l’histoire. D’autres avant nous ont éminemment rempli cette mission. En 1609, Pierre Olhagaray, historiographe d’Henri IV, rédige à la gloire des ancêtres du premier des Bourbons, une Histoire de Foix, Béarn et Navarre, diligemment recueillie tant des précédents historiens, que des archives des dites maisons. Par la suite, en 1640, Pierre de Marca publie une monumentale Histoire du Béarn. Les érudits et voyageurs des XVIIIe et XIXe siècles, puis les universitaires contemporains ont apporté des contributions non négligeables renouvelant et complétant nos connaissances sur l’histoire du Béarn. Au siècle des Lumières, l’abbé d’Expilly dans son Dictionnaire géographique des Gaules et de la France écrit que le Béarn est borné « au Nord par la Chalosse, le Tursan et l’Armagnac, au Sud par les Pyrénées qui [le] séparent de la

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Page de gauche : vue du château de Pau et du Parlement de Navarre. Pages suivantes : carte Cassini de l’aire d’Orthez (XVIIIe siècle).

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Le gave de Pau au petit matin.

Page de droite : la vallée de Laruns, photochrome de 1895.

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Navarre et de l’Aragon, à l’Est par la Bigorre, et à l’Ouest par le pays de Soule et la Basse-Navarre. […] Cette province est arrosée d’un grand nombre de rivières […] le Gave d’Aspe, ceux d’Ossau, d’Oloron, de Pau, l’Ourson, la Gabas, l’Arsie, etc. La plupart de ces rivières sont extrêmement rapides […] elles ne sont point navigables excepté pour des radeaux. Elles sont toutes très poissonneuses […]. Le climat […] est partout fort sain. Les plaines sont beaucoup plus fertiles […] Les coteaux sont garnis de vignes qui produisent d’excellents vins et en très grande quantité […] Les montagnes sont riches non seulement en pâturages excellents, mais encore en belles forêts, d’où l’on tire des mâts de navires […] À Salies, il y a une source d’eau salée qui fournit assez de sel pour le Béarn et la Navarre. » Quant aux Béarnais, ils « sont fort laborieux, très adroits, industrieux, bons soldats, fidèles, sobres, économes et propres, mais on leur reproche d’avoir trop d’attachement à leurs intérêts, et d’être dissimulés. En général ils sont bien faits et robustes. Leur langue est particulière au pays et très difficile à apprendre : mais parmi eux toutes les personnes qui ont reçu de l’éducation, entendent et parlent fort bien la langue française. » Mais revenons à ce territoire, ancien État pyrénéen, vicomté devenue principauté souveraine, intégré en 1790, avec les trois provinces basques iparraldes, au département des Basses-Pyrénées qui depuis 1969 s’appelle Pyrénées-Atlantiques.

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Descript. Benearniæ et Bigorniæ in Aqvit. Carte en couleurs du sud de l’Aquitaine (Béarn, Bigorre, Gascogne, Royaume de Navarre) avec les reliefs, les principales villes et les places fortes. Cette carte est en latin et en vieux français (1606).


« Le Béarn primitif n’a pas de légendes, [et] un voile épais recouvre son passé. » « Du temps de César, écrit l’abbé d’Expilly, le Béarn était habité par les Benearni […]. Ils habitaient le pays qui est connu aujourd’hui sous le nom de Béarn […]. Ils étaient bornés au Nord par les Tausates ; au Sud par les Pyrenæi Montes, les Monts Pyrénées qui les séparaient de la province tarragonaise, en Espagne, à l’Est par les Bigerri ; et à l’Ouest par les Tarbelli et les Vassei. » De ce peuple, qui est devenu éponyme du territoire qu’il habitait, il ne reste que peu de traces et comme l’a écrit É. Garet, le « Béarn primitif n’a pas de légendes, [et] un voile épais recouvre son passé. » Seules demeurent des sources latines, Pline et Strabon notamment, ainsi que les témoignages mis au jour lors de fouilles archéologiques, comme les mosaïques de Jurançon (Pont d’Oly), de Bielle ou encore de Taron dans le Vic-Bilh, le taureau en bronze trouvé à Arbus, et d’autres conservés dans les musées de Lescar et d’Oloron-Sainte-Marie, les deux anciennes civitas.

Beneharnum Dans l’Itinéraire d’Antonin, source antique qui est un guide des voies romaines et des villes qui s’y trouvent, est signalée la ville de Beneharnum, capitale des Benearni et située au carrefour des voies qui allaient de Bordeaux à Saragosse et de Dax à Toulouse. Longtemps l’emplacement de cette ville a été discuté, et seules quelques sources la rappelaient. Pour P. Marca, elle « demeure ensevelie sous ses ruines de telle sorte que la mémoire de son nom se perdit, et fut étouffée dans une

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Lescar, une des mosaïques romaines apparaissant dans le cœur de la cathédrale, au sol, vestige d’une villa romaine.

épaisse forêt… » Selon l’opinion communément admise, elle s’étendait au pied de la ville actuelle de Lescar, et un chemin dit de Beneharnum le rappelle. Si les fouilles n’ont pas permis d’exhumer le site, des vestiges ont été retrouvés dans le quartier du Bailé ainsi que des restes de l’enceinte de l’Antiquité tardive. En 58 avant J.-C. débute la guerre des Gaules et, en 56, Crassus, jeune lieutenant de César, soumet, en même temps que l’Aquitaine, le pays des Benearni. Celui-ci correspond à la vallée du gave de Pau et aux coteaux du Saubeste et du Vic-Bilh. « Vainqueur, l’habile général romain, écrit Jean Eyt dans son Petit précis d’Histoire du Béarn, se montra généreux […] il respecta leurs lois et leurs coutumes […]. Il avait compris combien ces peuples étaient

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naturellement fiers et il chercha à adoucir pour eux les rigueurs de sa domination. » Au IIIe siècle, les Benearni sont intégrés dans la province de Novempopulanie (bassin de l’Adour et rive gauche de la Garonne) et Beneharnum devient une civitas, entité politique qui sous l’empire romain correspond à la ville-capitale et au territoire sous son autorité. Au-delà de Beneharnum, la voie romaine qui menait vers Saragosse, via le Summum Pyrenæum ou Summus Portus (le col du Somport), traversait le territoire des Iluronenses.

Iluro La haute vallée du gave d’Oloron, et ses affluents des Barétous, était peuplée par les Iluronenses. Il semblerait qu’ils avaient fait de la colline de Sainte-Croix, située à la confluence des gaves d’Aspe et d’Ossau, un oppidum devenu avec la romanisation une civitas nommée Iluro, qui est aussi le nom d’une divinité pyrénéenne.. Mais c’est autour de la cathédrale Sainte-Marie (la ville basse ?) que l’on a retrouvé des vestiges antiques (restes de mur et de matériaux, céramiques ou encore monnaies). L’Itinéraire d’Antonin la situe à sept lieues gauloises d’Aspe et à douze de Beneharnum. Il demeure de cette antique cité une borne milliaire, trouvée en 1860 et conservée à la Maison du Patrimoine d’Oloron, où l’on peut encore lire ILURO MP (Iluro millia passuum). En amont, l’Itinéraire identifie Aspa-lucam (Urdos), Forum-ligneaum (Ascous) et enfin Summun-Pyrenæum.

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Oloron Sainte-Marie.

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P. Marca signale aussi l’existence d’une inscription « antique » à Escot : « Au bout de la vallée se rencontre la séparation des Espagnes en l’endroit le plus haut des montagnes […] Somport, en langage vulgaire […]. Or, comme ce passage facilitait la communication des Gaules avec l’Espagne, César prit le soin de faire couper à force de main un rocher haut élevé, qui était sur l’entrée de l’embouchure de la vallée, du côté d’Oloron ; où l’on reconnaît encore les traces du nom de Jules César dans l’inscription qui est gravée en lettres digitales sur la cime du rocher, nommé Pena d’Escot. » Comme pour Beneharnum, cette inscription a fait débat… Pour ce qui est de la vallée d’Ossau, une autre peuplade s’y était installée, les Occidates dont il reste les témoignages archéologiques trouvés à Bielle.

Réemploi de matériaux anciens dans les murs et façades à Bielle.

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« Voici maintenant l’obscurité qui recommence… » Au Ve siècle les barbares envahissent l’empire romain et la Novempopulanie se trouve sur le chemin des Alains, Vandales, Suèves puis des Wisigoths. Les sources mentionnent aussi les Vascons, peuple du Nord de l’Hispanie qui, chassés de la péninsule par les Wisigoths, se seraient installés (réinstallés ?) dans le bassin de l’Adour. Les deux civitas devenues cités épiscopales, qui avaient sans nul doute prospéré sous la pax romana, subissent alors des assauts répétés jusqu’à la constitution du royaume mérovingien ; l’actuel Béarn faisant partie de l’Aquitaine franque. Au VIIe siècle, la vallée d’Ossau et Iluro sont sur la route des Sarrasins qui s’enfoncent dans le royaume franc jusqu’à la bataille de Poitiers (732). J. Eyt écrit qu’ils « reprirent le chemin de l’Espagne ravageant tout sur leur passage […] décimés par les populations vasconnes, ils se réfugièrent dans les

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Oloron Sainte-Marie, le gave d’Ossau.


LE BÉARN Regards sur un patrimoine

Sainte-Marie d’Oloron.

Pau, vers 1895.

« Le Béarn est un pays riche en souvenirs » par Jean-Christophe Sanchez Ressources naturelles du Béarn par Sylvia Robert

ISBN 978-2-86266-637-2

29 €

9 782862 666372

www.loubatieres.fr

Passages et cheminements à travers les Pyrénées béarnaises par Alain Cazenave-Piarrot


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