Limoges et le pays de la Vienne, regards sur un patrimoine

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LIMOGES

ET LE PAYS DE LA VIENNE Regards sur un patrimoine

David Glomot Philippe Grandcoing Hélène Lafaye

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LIMOGES

VILLE D’ARTS ET D’HISTOIRES De la cité antique à la ville moderne a ville de Limoges n’existe pas à l’époque celtique, cela ne veut pas dire que le site est désert, il n’est simplement pas urbanisé au sens où nous l’entendons. Les Lémovices préféraient, comme la plupart des peuples des Gaules, installer leurs agglomérations sur des plateaux aisés à défendre. En Limousin, il semble que le principal « oppidum » ait été Villejoubert, commune de Saint-Denis-des-Murs. Il aurait couvert plus d’une centaine d’hectares, se plaçant ainsi parmi les plus vastes sites connus. La conquête césarienne achevée en -52 avant J.-C., la romanisation peut commencer, essentiellement par la création de villes obéissant aux canons esthétiques et techniques romains. Là, les élites gauloises s’acculturent aux usages nouveaux, oubliant leur langue pour le latin, payant en sesterces, priant dans les temples du forum. Villejoubert est abandonné, et c’est sous le règne d’Octave Auguste (63 av. J.-C. à 14 ap. J.-C.), le premier empereur, qu’Augustoritum, le « Gué d’Auguste », est fondé. Cette cité au plan en damier occupe l’actuel quartier de la mairie et de la faculté de droit, les arènes étant reportées en lisière nord du tissu urbain.

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Atlas de Trudaine pour la généralité de Limoges. « Grande route de Paris à Toulouze. Passant par Limoges, Pierre-Buffiere, Userche et Brive. Depuis La-Ville-au-Brun jusques près Cresensac, contenant 33 lieues dont 19 de levées ».

Page de gauche. La gare des Bénédictins à l’aube.

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Ci-dessus. La vie de saint Martial, remise du bâton de saint Pierre (détail). Voûtain est. Chapelle de saint Martial au palais des Papes à Avignon.

Ci-contre. Vue de Limoges au XIVe siècle, musée de l’Évêché, Limoges.

Page de droite. Registre de la confrérie du saint Sacrement de Saint Pierre du Queyrois. Détail d’objets religieux réalisés par les émailleurs au XVIe siècle.

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Au IVe siècle, époque troublée par les migrations germaniques et l’essoufflement du modèle romain, l’agglomération et ses environs sont évangélisés par le dénommé Martial, bien vite considéré comme le fondateur et patron du diocèse. Saint Martial prêcha dans un espace en cours de remodelage. Qui était ce « Martialis » qui prêcha à Augustoritum vers l’an 300 ? Les vitæ qui nous racontent sa biographie se contredisent et furent toutes écrites très longtemps après lui, par des religieux de l’an mil, encore en extase devant ses prétendus miracles. L’histoire des premiers temps chrétiens à Limoges, de mieux en mieux documentée mais austère, doit donc laisser la place à la légende, révélatrice des attentes et des croyances des populations médiévales. Que racontait-on aux fidèles venus en masse se recueillir sur le tombeau du saint, quelque part entre la rue de la Courtine, la place de la République et l’église Saint-Pierre-

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Vue de Limoges au XVIIe siècle.

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du-Queyroix ? D’abord que le premier évêque du diocèse était un authentique apôtre, certes mineur, mais qu’il arrivait spécialement d’Orient pour évangéliser ce coin de Gaule. L’apostolicité de Martial fera longtemps partie des lubies du clergé local. En revanche, ce qui est vrai, c’est qu’il ne fut pas martyrisé et qu’il propagea sa foi en créant des églises ou en baptisant les populations sans subir de contraintes

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manifestes. La légende hagiographique de Martial lui associe également un personnage féminin, Valérie, son martyr suivi d’un miracle, d’authentiques lieux communs hagiographiques… Valérie, issue de l’aristocratie romaine, aurait embrassé la religion chrétienne tout en rejetant le mariage païen concocté pour elle par les siens. Condamnée à mort et décapitée, elle aurait ramassé sa tête et marché jusqu’à l’anachronique

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La place de la Motte et l’église Saint-Michel.

Place de la Barreyrrette, maisons traditionnelles du « village de la boucherie ».

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quartier de la cathédrale Saint-Étienne, où officiait Martial. Là, « l’apôtre » l’aurait délivrée de ses tourments. Thème populaire, le martyr de Valérie ajoute au prestige de Martial et se diffuse dans le diocèse. Par la suite, on constate l’abandon progressif d’une agglomération gallo-romaine trop vaste et dénuée de fortifications. Les arènes, comme le quartier du forum, deviennent des faubourgs, loin des nouveaux noyaux urbains, blottis sur les points élevés, dans des enceintes exiguës. La seconde tendance est la dichotomie entre deux villes neuves. Vers l’an mil, le pluriel devient de rigueur, le vocable Limoges ne servant qu’à qualifier un ensemble bicéphale, composé d’une cité épiscopale et d’une seconde agglomération développée autour d’une forteresse et d’une abbaye, le Château. La Cité naît autour de la cathédrale. C’est une agglomération modeste et accaparée par les religieux. En contrebas de cet étroit quartier où s’enchevêtrent lieux de cultes et bâtiments conventuels, le port du Naveix s’étend principalement sur la rive droite, près du pont SaintÉtienne. Là, des moulins tournent sous les arches, on pêche, on lave le linge, mais surtout on reçoit et stocke le bois flotté venu de la montagne limousine. Les troncs entiers sont entassés sur la rive sous forme de bûchers rectangulaires. L’évêque et quelques communautés religieuses se partagent cette manne, et puisque le pont est situé en amont, le bois nécessaire aux deux villes paraît intégralement capté par les gens de la Cité, au grand dam de ceux du Château. Des deux agglomérations, la cité épiscopale est la plus modeste, mais elle marque le paysage, surtout pour le voyageur qui voit s’élever le clocher de Saint-Étienne. Curieux édifice que cette tour massive, légèrement désolidarisée du reste du bâtiment, de style gothique. Comment expliquer ce décalage ? À une première cathédrale, dont on ne conserve que la base de ce clocher étêté par la foudre, succède

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Le pont Saint-Étienne (vers 1870-1875), photographie de Jean-Baptiste Audiguet.


Auteurs David Glomot est agrégé et docteur en histoire médiévale, spécialiste des paysages et agrosystèmes médiévaux et modernes du Limousin. Philippe Grandcoing est agrégé d’histoire, spécialiste de l’histoire de la société limousine au xixe siècle. Hélène Lafaye est agrégée de géographie, professeur en classes préparatoires au lycée Gay-Lussac de Limoges.

Crédit photographique Philippe Pécher : 1ère de couverture. Archives municipales de Limoges : 66, 94, 96, 100, 101, 103, 104 ; Association Pierre de Lune : 28, 29 ; Bibliothèque francophone multimédia de Limoges : 11-1, 43, 47, 55, 63, 68, 69, 78-2, 99, 102-2, 102-3, 112, 133-1, 113-2 ; Bibliothèque municipale de Toulouse : 39 (TRUC1593), 107 (TRUC1579), 108 (TRUC1722), 114 (TRUC2617) ; Laurent Blaszczyk / AREVA : 7 ; Daniel Borie : 26 ; Michel Boyé : 10, 13, 15-2, 21, 32 ; Régine Buisson / Haras du Parc à Nexon : 31-1 ; Renaud Camus : 4, 24 ; Jean-Louis Capdeville : 125 ; Jonathan Chapon : 50 ; Communauté de Communes du Pays de Saint-Yrieix : 30 ; Croquant : 83-1, 98-1, 98-2, 119-2, 123-1 ; Yannick Bernard Darlington : 65 ; Lucas Destrem : 6-1, 6-2, 12, 14, 16, 20, 33, 36-2, 42, 74-2, 116, 118-1, 124 ; Bart Dooms : 19 ; François Dumont : 121 ; Frédéric Duplessy / France Limousin Sélection : 62 ; Thomas Favre-Bulle : 92 ; Romain Ferrier / France Limousin Sélection : 61 ; Christian Fischer : 27-2 ; Fondation La Borie-en-Limousin / www.fondationlaborie.com : 54 ; Fotolia / Michel Graille : 119-1 ; Fotolia / Jimjag : 110-1 ; France Limousin Sélection : 60-1, 60-2, 60-3 ; David Glomot : 22, 76 ; Michel Guiguet : 17, 18, 23, 36-1 ; Havang : 59 ; Cyril Hebuterne : 15-1, 58 ; Philippe Hirou : 91 ; Jochen Jahnke : 88 ; Kunstmuseum (Bern) : 74-1 ; Kimbell Art Museum de Fort Worth : 86-2 ; Lumière du matin : 34, 37, 38, 40, 46-1, 51-1, 51-2, 53, 54, 56, 73, 78-1, 89, 117, 122-2 ; Manufacture Bernardaud – Photo Boureau : 114-1 ; Mossot : 75 ; Musée de Cluny / Marie-Lan Nguyen : 84 ; Musée national Adrien Dubouché. Cité de la Céramique – Sèvres et Limoges. Don Paul Lajudie : 110-2 ; Tristan Nitot : 49 ; Office de tourisme du pays des feuillardiers : 46-2 ; François Pécheux : 44, 77 ; Père Igor : 41 ; Patrick Pinaud : 5 ; RMN-Grand Palais (Limoges, Cité de la céramique) / Hervé Lewandowski : 111 ; Michel Roland-Guill (http://www.flickr.com/photos/cercamon/) : 83-2, 94-2, 118-2, 120, 122-1 ; Jean-Marc Rosier : 94-1 ; Didier Roy : 27-1 ; Sirque – pôle national des arts du cirque de Nexon en Limousin © Nathalie Novi : 31-2 ; Françoise Thurion : 70 ; Traumrune : 72 ; Anne V : 11-2 ; Marjan Verkaik : 25, 35, 79 ; Victoria and Albert Museum / Marie-Lan Nguyen : 87-1, 872 ; Frédéric de Villamil : 123-2 ; Frédérique Voisin-Demery : 83-3.


TABLE DES MATIÈRES Le val de Vienne, pays d’arbres et d’eau

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Les campagnes de la vallée de la Vienne, entre tradition et modernité ................................................................................ 41 En suivant la route limousine de Compostelle Limoges, ville d’arts et d’histoires

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LIMOGES ET LE PAYS DE LA VIENNE Regards sur un patrimoine

Automne en Limousin, entre Saint-Hilaire-Bonneval et Saint-Paul.

Bords de Vienne, Limoges, fin XIXe siècle.

val de vienne, pays d’arbres et d’eau les campagnes de la vallée de la vienne en suivant la route limousine de compostelle limoges, ville d’arts et d’histoires David Glomot est agrégé et docteur en histoire médiévale, spécialiste des paysages et agrosystèmes médiévaux et modernes du Limousin. Philippe Grandcoing est agrégé d’histoire, spécialiste de l’histoire de la société limousine au xixe siècle. Hélène Lafaye est agrégée de géographie, professeur en classes préparatoires au lycée Gay-Lussac de Limoges.

Dépôt légal : novembre 2012

ISBN 978-2-86266-639-6

Première de couverture : maisons à colombages, Limoges.

www.loubatieres.fr

29 € 9 782862 666396


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