LE ROUSSILLON Salanque, Ribéral, Bas-Conflent, Aspres, Albères, Vallespir, Côte Vermeille
Regards sur un patrimoine
Jean-Pierre Bobo Marie-Élise Gardel Marie-Pierre Jézégou Jean-François Modat
L O U B AT I È R E S
Le Roussillon, une terre entre mer et montagnes Pour le voyageur qui franchit le Pas de Salses et entre dans les Pyrénées-Orientales, le dépaysement est brutal. Soudain la végétation change : ici poussent en pleine terre les orangers et citronniers, les plantes tropicales (agaves, figuiers de barbarie) : on entre dans un milieu nouveau qui évoque l’Espagne plutôt que le Languedoc. En toile de fond, la chaîne des Albères et surtout le Canigou émergeant des nuages, tel un phare sur la mer. À l’est, le liseré argenté de la Méditerranée et, entre ces deux espaces contrastés, une plaine vallonnée et très peuplée qui frappe l’œil du voyageur par l’intensité de ses cultures. Parcourons ces espaces ardemment disputés au cours des siècles. Au nord, les Corbières constituent un ensemble à part qui sépare le Roussillon du Languedoc. Elles frappent par la couleur blanche de leurs roches calcaires et la sécheresse déjà africaine de leur maigre végétation : c’est ici le domaine de la garrigue. Dans ces massifs, l’eau est rare : l’Agly, seule rivière notable, franchit la chaîne calcaire à Galamus, à travers de profondes gorges. Ces terres sont le domaine privilégié de la vigne dont le cru Maury est le fleuron : villages de vignerons traditionnels, hommes durs à la tâche, sol composé de cailloux, vignes balayées l’hiver par la froide tramontane et écrasées l’été par un soleil de plomb… Sur les crêtes, au-dessus des villages, des restes imposants de châteaux médiévaux, « citadelles du vertige », témoins de ce qui fut « la ligne Maginot » du Moyen Âge entre le royaume de France et celui d’Aragon : les châteaux de Quéribus, de Tautavel et de Salses. Dans ces Corbières roussillonnaises, la langue catalane ne règne plus en maître. À la Révolution, ces terres occitanes situées au-dessus d’Estagel ont été rattachées aux Pyrénées-Orientales et séparées du reste du Languedoc. Au soleil levant, de Salses à Argelès : la Méditerranée. Ce ne sont que paysages d’étangs, de roseaux, chers à Charles Trenet, lagunes salées où vivent des colonies de flamants roses et de canards sauvages. Ces terres ont été longtemps le domaine des moustiques et la volonté de l’État de faire de cette côte une Floride française a donné naissance dans les années 1960 à plusieurs complexes touristiques majeurs :
REGARDS
SUR
UN
PAT RI M O I N E
L E
R OU S S IL L ON
L’embouchure de l’Agly au sud du Barcarès.
Page de gauche. Flamants roses sur l’étang de Canet.
13
Journée de plage à Argelès et à Canet, début XXe siècle.
1 4
les stations de Leucate-Barcarès, Saint-Cyprien, Torreilles-plage. Seules existaient, depuis le début du siècle, deux petites stations familiales, Canet et Argelès, qui vont bénéficier du boom touristique. L’intégration des ensembles immobiliers est parfois un peu aléatoire et la surfréquentation estivale n’a pas que des avantages : près de cent mille personnes vivent en juillet-août à Argelès ! En revanche, la volonté humaine a fait naître un cordon littoral boisé, constitué de pinèdes, là où il n’y avait naguère qu’un long désert. Après Argelès, la côte change de nature, les Pyrénées viennent finir brutalement dans la Méditerranée (on est encore à mille mètres au-dessus de Banyuls), c’est la Côte Vermeille qui commence et qui va se prolonger en Espagne par la Costa Brava. Ce ne sont ici que minuscules criques, calanques, caps aux roches rouges, aux eaux turquoise. Le vignoble, planté dit-on par les Grecs, prend ses racines au bord de l’eau, vignes en terrasses où tout est fait de main d’homme : c’est le domaine des grands vins de « Banyuls » et de « Collioure », vins liquoreux grâce à l’ensoleillement et aux températures élevées : c’est avec la Corse la région la plus méridionale de l’hexagone. Les nombreux palmiers dans le paysage annoncent l’Espagne et l’Afrique du nord. De cette Côte vermeille, Collioure est le joyau. C’est une ville de lumière, lumière toujours violente, qui change d’heure en heure et que les peintres fauves comme Derain et Matisse dès 1905 ont essayé de capter sur leurs toiles. Leur séjour à Collioure fut un enchantement : hommes du nord, ils découvraient la nature méditerranéenne, les barques à voiles latines, les ravaleuses de filets toutes de noir vêtues, et enfin la rade et son drôle de clocher les pieds dans l’eau. Hier capitale de l’anchois, où chaque maison sentait la saumure, Collioure ne conserve aujourd’hui que deux ateliers de salaisons. Dominé par son château royal – celui des rois de Majorque – et par son église, Collioure a gardé son âme et le souvenir des grands peintres qui ont arpenté ses ruelles de Signac à Picasso…
T E R R IT OIR E
E T
PAY S A G E S
LE
R OU SSI LLON
La Barcarès. On partait le matin de Perpignan et Rivesaltes en train, le « Matte Burru » (celui qui tue les ânes) ; on installait une tente au bord de l’eau et le soir, on reprenait le train, heureux. Carte postale d'avant 1914, seule la bourgeoisie participait à ces loisirs. Salaison à l’anchois à Collioure avant 1914.
Collioure et le château Royal.
Argelès, promenade Charles-Trenet. À droite. Le cap Rédéris. Vue sur le village de Cerbère et les Caps de Peyrefite et Cerbère.
Aristide Maillol devant sa métairie.
À droite. Vignoble de Banyuls ; il aurait été planté au temps des Grecs et des Phéniciens. Vignes en terrasses qui, depuis la montagne, descendent jusqu’à la mer.
1 8
Plus au sud, Banyuls, autour de sa baie où terre et mer se confondent dans un écrin de verdure, jardins couverts d’orangers et de citronniers. Cette petite cité doit sa réputation à son vin et aussi d’avoir donné naissance à un des sculpteurs les plus connus du XXe siècle, Aristide Maillol. Il vécut au village, trouva son inspiration dans ce paysage qui évoquait la Grèce antique, et y mourut. Voir sa modeste tombe, sous la statue de « la Méditerranée », est un moment d’émotion. Port-Vendres, immortalisé par le peintre Mac Kintoch, a réussi sa mutation : hier encore port pour l’Afrique du Nord, il est aujourd’hui un port fruitier inter-
T E R R IT OIR E
E T
PAY S A G E S
LE
R OU SSI LLON
Auteurs Jean-Pierre Bobo est professeur honoraire du lycée Arago de Perpignan, ancien responsable du service éducatif des Archives départementales des Pyrénées-Orientales. Marie-Élise Gardel est docteur en histoire médiévale et archéologue, spécialiste de la fortification et de l’habitat castral au Moyen Âge. Elle est chercheur-associée à l’université de Perpignan. Marie-Pierre Jézégou est ingénieur d’études en charge du littoral du LanguedocRoussillon, Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines (DRASSM). Jean-François Modat est docteur en anthropologie à l’EHESS. Il intervient dans les domaines de l’archéo-anthropologie à l’université de Perpignan.
Crédit photographique
Archives départementales des Pyrénées-Orientales : 6 (BIB 5304), 18 (2Fi 309), 22-2 (2Fi 508), 38-39 (6Fi 115), 43 (2Fi 303), 45 (2Fi 153), 47-49, 60 (2Fi 545), 69 (2Fi 299), 72 (2Fi 11), 822 (2Fi 479001), 83 (2Fi 464), 95 (2Fi 298), 116 (1C 155001), 118 (2Fi 15), 119 (2Fi 416), 125 (2Fi 128) ; Alain Baschenis : 1re de couverture, 8, 12, 16, 17, 19, 20, 23, 24, 64, 72, 77, 89, 96, 98, 101, 106, 107, 111, 113, 117, 124 ; Joshua D. Bast : 85 ; Bibliothèque municipale de Toulouse : 37 (TRUC 2266), 40 (TRUC 2305), 50 (TRUC 2307), 81 (TRUC 2404) ; Jonas Bille : 57-2 ; Jessica Blanc/Fotolia.com : 34 ; collection Jean-Pierre Bobo : 9, 14, 15, 10-1, 21, 26, 28, 30, 31, 61-1, 82-1, 114-115, 120-121, 123 ; Jean-Pierre Bobo : 10-2 ; Chris Brown : 62-1 ; Yann Caradec : 61-2 ; Henri Colona d’Istria : 105 ; Daniel : 55 ; EmDee : 91 ; Marc F. : 41-1 ; Jordi Joan Fàbrega Agulló : 62-2 ; Marie-Élise Gardel : 71, 75, 79, 86, 87, 92-94 ; Felix van de Gein : 57-1 ; Julien Gieules : 4, 27, 29, 33 ; Goleador/Fotolia.com : 59 ; Pierre Goujet : 22-1, 32 ; Hawobo : 80 ; JJ : 54 ; Andreas Kambanis ; 63 ; Yvann K/Fotolia.com : 53 ; Marianne Lamor : 74-1, 84 ; Leguy : 13 ; Roger Margossian : 74-2 ; Médiathèque du Grand Narbonne : 11, 41-2, 44, 51, 56, 67, 68, 78, 102, 108 ; Musée épiscopal de la Seu d’Urgell : 76 ; Jordi Payà : 42 ; Michel Salva : 103, 104 ; volant/Fotolia.com : 52 ; Yoshi : 70.
TABLE DES MATIÈRES Le Roussillon, territoire et paysages
................................................................. 5
Perpignan, promenade patrimoniale
.............................................................. 35
Abbayes et prieurés romans du Roussillon Le linteau de Saint-Génis-des-Fontaines Le Roussillon et la mer
.................................................. 65
..................................................... 90
........................................................................................ 98
LE ROUSSILLON Regards sur un patrimoine
LE ROUSSILLON, territoire ET PAYSAGES par Jean-Pierre Bobo PERPIGNAN, PROMENADE PATRIMONIALE par Jean-François Modat ABBAYES et prieurés romans DU ROUSSILLON par Marie-Élise Gardel LE ROUSSILLON ET LA MER par Marie-Pierre Jézégou Jean-Pierre Bobo est professeur honoraire du lycée Arago de Perpignan, ancien responsable du service éducatif des Archives départementales des Pyrénées-Orientales. Marie-Élise Gardel est docteur en histoire médiévale et archéologue, spécialiste de la fortification et de l’habitat castral au Moyen Âge. Elle est chercheur-associée à l’université de Perpignan. Marie-Pierre Jézégou est ingénieur d’études en charge du littoral du Languedoc-Roussillon, Département des Recherches Archéologiques Subaquatiques et Sous-Marines (DRASSM).
ISBN 978-2-86266-642-6
29 €
9 782862 666426
www.loubatieres.fr
Jean-François Modat est docteur en anthropologie à l’EHESS. Il intervient dans les domaines de l’archéoanthropologie à l’université de Perpignan.