Clermont-Ferrand, regards sur u patrimoine

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CLERMONT-FERRAND LA CHAÎNE DES PUYS ET LA GRANDE LIMAGNE

Regards sur un patrimoine

Michel Astier Alain Falvard Didier Miallier

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CLERMONT-FERRAND LA CHAÎNE DES PUYS ET LA GRANDE LIMAGNE

Regards sur un patrimoine

Les ouvertures de chapitre

UNE EMPREINTE

GÉOLOGIQUE FORTE

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a région où se situe Clermont-Ferrand a connu une histoire géologique relativement paisible après que l’érosion de la vaste chaîne hercynienne, surgie il y a environ 350 millions d’années (Ma), n’avait laissé en place qu’une vaste pénéplaine granitique. Le calme fut rompu par le retour de la plaque ibérique qui, entrant en collision avec la plaque Europe, provoqua l’émergence des Pyrénées il y a environ 55 Ma et fissura quelque peu le vieux socle hercynien. Peu de temps après, il y a environ 35 Ma, les premiers plissements alpins perturbèrent à leur tour le socle granitique constituant l’actuel Massif Central et accentuèrent sa fissuration. Le jeu des failles résultant de ces événements géologiques dans les roches anciennes généra notamment des bassins d’effondrement en divers endroits et à diverses périodes, dont la Limagne est le plus vaste dans le Massif Central. Le mouvement inverse, conduisant à une élévation du relief, exista également, parfaitement illustré au plan local par les monts du Forez qui limitent la Limagne à l’est.

Brève histoire des paysages aux alentours de Clermont-Ferrand Le vaste bassin de la Limagne s’est enfoncé très lentement durant la période de l’Oligocène, commencée il y a 34 Ma. Il fut d’abord le réceptacle d’importantes quantités de sable résultant de la dissociation sur place

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Page de gauche. Depuis le bord ouest de la table basaltique du plateau de Gergovie (env. 700 m) âgé de 16 Ma, on découvre l’agglomération clermontoise et son environnement issu des principaux mouvements géologiques qui ont bouleversé la région depuis environ 30 Ma. La ligne d’horizon est formée par la chaîne des Puys tirant son nom d’un alignement de volcans remarquablement variés issu du volcanisme régionalement le plus récent. Juste en dessous, formant une pente escarpée et boisée, la ligne de faille court vers le nord parallèlement à la chaîne des Puys. Il s’y trouve le puy de Gravenoire, seul volcan récent en bord de faille dont la tache rouge sur l’image illustre sa fonction de carrière de pouzzolane. Plus en avant de l’image et sur sa gauche, émergeant des habitations qui le cernent de toutes parts, le puy très aplani de Montrognon (699 m) : en son centre se trouve un dyke volcanique et l’ensemble de la vaste colline résulte de l’érosion du volcan. En son sommet, visibles de tout Clermont, les dernières ruines d’un château féodal autrefois très imposant construit par le dauphin d’Auvergne, peut-être pour narguer son oncle usurpateur du comté d’Auvergne et seigneur de Clermont. Plus loin à droite, la verte colline du Montaudoux (589 m), également cernée par les habitations et de même nature que le Montrognon. Dans ce paysage, il ne manque que les signes visibles du premier volcanisme sous-lacustre caractérisé par une roche particulière nommée pépérite et que l’on retrouve en sous-bassement de nombreux édifices volcaniques émergeant de la Limagne, dont le plateau de Gergovie lui-même.

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CLERMONT, VILLE CAPITALE

Photographiée depuis le parc Bargoin à Royat, la ville de Clermont apparaît dominée par les deux flèches de son église cathédrale, Notre-Dame de l’Assomption. Au loin sur la droite, à près de 25 km à l’est, le cliché révèle de château féodal de Ravel construit avec l’arkose provenant de l’escarpement qui le porte. Plus loin encore, formant l’horizon, se trouvent les monts du Forez.

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trabon, géographe grec du Ier siècle, nomme le site Nεμωσσος (Némôssos). À la fin du Ier siècle, les bornes milliaires indiquent le nom de AVGVSTONEMETVM (Augustonemetum) puis, au milieu du IIIe siècle, les bornes désignent la capitale arverne par le nom de son peuple : Civitas Arvern. C’est au VIIIe siècle, pour définir la ville haute, que le terme de Clarus Mons apparaît (« mont clair », butte très visible, car bâtie en arkose) et ce nom s’impose lentement à toute la ville. Le rapprochement de Clermont et de Montferrand, à partir de 1630, officialise le nom de Clermont-Ferrand en 1731. Le maintien prolongé d’une zone peu urbanisée entre les deux villes a perpétué une singularité montferrandaise, prise en compte par la municipalité clermontoise qui possède un adjoint spécifique pour Montferrand et une mairie annexe. Construite au bord d’une faille d’effondrement vieille d’environ 30 millions d’années, sur les restes d’une couronne de tuf résultant de violentes explosions phréatomagmatiques datant de plus de 100000 ans, au pied de volcans dont les plus jeunes n’en ont guère plus de 8000, au débouché d’une gorge abritant Royat et Chamalières où coule un torrent, la Tiretaine, qui dévale de la faille puis encercle le cœur de la cité, Clermont ne peut pas être une ville tout à fait banale. Rappelons encore que l’on se trouve ici au cœur du pays arverne et que les dissensions légendaires des peuples gaulois se retrouvent dans l’histoire de la contrée, ajoutant aux fracas de la nature ceux des sociétés humaines. Aussi, dès le XIIIe siècle, l’Auvergne possédera trois capitales

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Sur la place de Jaude, la statue du chef gaulois Vercingétorix et son socle sont classés aux Monuments historiques depuis 1994. Créée par Bartholdi, elle fut installée en 1903 après un court passage par la cour de l’université, l’actuel rectorat d’académie.

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Page de gauche. Ce cliché d’un des rares moulins restant sur la Tiretaine au pied de l’ancienne ville de Royat laisse bien prévoir comme a dû être destructrice la crue du siècle survenue le 17 juillet 1835 à la suite d’une trombe d’eau qui s’était abattue en amont sur la commune de Manson. La seule ville de Royat déplora ce jour-là le décès de onze personnes et la disparition de quatre autres. Plus bas, les premières installations thermales furent dévastées et, à Clermont, les quartiers Fontgiève et avoisinants furent pris sous trois mètres d’eau.

DE ROYAT À MONTFERRAND AU FIL DE L’EAU

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i Clermont et Montferrand portent des traces de l’exploitation viticole, Royat et Chamalières au fil de la Tiretaine, rivière qui lie toutes ces villes entre elles, furent et restent marquées par l’eau. L’eau du torrent d’abord qui dévale d’Orcines et creuse profondément le granite de la faille, offrant il y a bien longtemps un lit au flot de lave qui s’épancha du Petit Puy de Dôme et déferla jusqu’à Chamalières, à la limite du maar de Clermont. L’eau ensuite qui sourd dessous l’épais manteau de lave sur lequel l’ancienne ville de Royat est bâtie. Captée en 1558 par le Florentin Gabriello Simeoni dans la petite grotte qu’elle avait patiemment formée, cette eau de source d’une très grande pureté alimenta la ville de Clermont dès l’épiscopat de Guillaume du Prat, de 1529 à 1560 ; toujours utilisée, elle fournit gaillardement ses sept litres d’eau par seconde. C’est l’évêque Jacques d’Amboise, qui avait acquis en 1511 le droit d’utiliser l’eau de la Petite Grotte qu’il avait obtenu par bail emphytéotique de l’abbé de Mozac, qui possédait les droits seigneuriaux sur Royat. Près de là, presqu’à l’aplomb de l’église romane fortifiée, la Grande Grotte fut longtemps le point de ralliement des laveuses qui lui ont donné son nom, « la grotte des Laveuses ». L’eau souterraine enfin ressurgit plus bas à la limite de Royat et Chamalières, au lieu-dit Saint-Mart où la vallée du torrent s’élargit. Elle alimenta dès l’époque gallo-romaine les thermes que le XIXe siècle redécouvrit.

UN PATRIMOINE ARCHÉOLOGIQUE RICHE ET DIVERSIFIÉ RE GA RDS

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Les tout premiers peuplements es plus anciens peuples humains d’Europe occidentale n’ont probablement pas boudé la petite région qui nous intéresse, mais les conditions favorables à la conservation de leurs traces y sont très limitées. Il faudrait en effet qu’il reste ici ou là, bien conservés, des dépôts géologiques s’étant mis en place durant les périodes concernées. Il y en a fort peu ; cependant, à la côte de Ladoux entre Riom et Clermont, une éruption qui s’est produite il y a 350 000 ans environ a scellé de ses projections une couche de sables et graviers dans laquelle ont pu être recueillis de rares mais indiscutables outils préhistoriques en pierre. Il ne faut pas davantage compter sur l’homme moderne, popularisé sous le nom d’homme de Cro-Magnon, qui arrive très tardivement sur le territoire français actuel, il y a environ 40 000 ans, pour nous avoir laissé de nombreux témoignages de ses premières excursions. Seules, quelques pierres taillées pouvant être attribuées à notre ancêtre, ou à son prédécesseur immédiat, de la famille néandertalienne, subsistent dans des sites privilégiés de la Comté ou des Combrailles. Finalement, c’est dans le courant du Paléolithique supérieur, période durant laquelle l’outillage s’affine et se diversifie et durant laquelle l’art s’épanouit, qu’une présence humaine s’affirme en Basse-Auvergne. Les principaux témoignages archéologiques en sont surtout des vestiges de campements provisoires de chasseurs nomades, dont les déplacements

Lithographie du prieuré de Royat avec l’église paroissiale saint Léger avant la reconstruction du clocher. On voit les bâtiments conventuels à droite, toujours existants, et l’enceinte du cimetière maintenant disparu. Le clocher n’est pas encore reconstruit.

Page de gauche. Sur le plateau de Gergovie, réputé comme étant U Nle site P A de T Rla IM O I N Equi C E R Mcélèbre O NT-F E RRA ND, bataille a Lrendu

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Vercingétorix, le regard porte vers le sud-ouest jusqu’aux Monts Dore, vestiges d’un énorme stratovolcan formé il y a environ 3 Ma. Au premier plan, on voit les restes des murailles gauloises défendant la bordure du plateau et en second plan le puy Giroux, qui est un édifice pépéritique culminant à 838 m. Le plateau de Gergovie a lui-même un soubassement de pépérites.

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Ce gros galet est un outil préhistorique très primitif, désigné par les spécialistes sous le nom anglais de chopper (hachoir, en français). Il a été trouvé sous les retombées volcaniques de la côte de Ladoux, entre Clermont et Riom, et a donc plus de 350 000 ans environ. Les pointillés figurent les limites des éclats qui ont été enlevés pour confectionner l’outil.

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n 1304 sont créés les États provinciaux d’Auvergne où le tiers état est représenté en Basse-Auvergne par treize bonnes villes depuis Langeac au sud jusqu’à Saint-Pourçain au nord. Aux premiers rangs de ces cités, rang que leur confère leur importance, se trouvent dans l’ordre Clermont, Riom, Montferrand et Billom que l’on peut joindre par un cercle de treize kilomètres de rayon centré un peu au nord de Pont-du-Château, en bordure de l’Allier. Ce cercle laisse légèrement à l’écart la cinquième bonne ville, Aigueperse qui vit naître Michel de l’Hospital. Le cercle enferme un territoire dont l’aire constitue un millième du territoire national. Sous-tendant principalement un pays de plaine au cœur de la vaste Limagne de Clermont, il comporte néanmoins une étonnante variété de paysages et de patrimoines liée principalement à sa formation géologique et à son évolution sur plus de trente millions d’années d’événements tectoniques et de variations climatiques. Coteaux, Buttes, Marais, Varennes et Chambonnages Varennes et Chambonnages Un autre élément essentiel de la Limagne est la présence des nombreuses rivières qui la parcourent suivant un axe d’écoulement général sud-nord. Au premier rang se trouve l’Allier, rivière imposante dont la dangerosité contribue à ce que son lit n’accueille pas les plus grandes villes de la Limagne. On connaît en Limagne des alluvions de l’Allier entraînées à des hauteurs

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Page de gauche. « Tout de loin semble disparaître sous un immense rideau de saules, de peupliers et d’arbres fruitiers. De près, c’est une marqueterie de petits champs de formes irrégulières, voués à des cultures diverses qui se succèdent sans interruption, reliés entre eux par de petits sentiers… Tout se fait ici à force de bras. L’homme a cultivé ce marais, encore incomplètement desséché, non à la façon des grandes plaines agricoles, mais comme un jardin. ». Ainsi parlait de la Limagne le grand géographe Paul Vidal de la Blache en 1903. Un siècle plus tard tout a changé. Vous êtes dans la « Cereal Valley ». Les centres de recherche locaux, dont ceux de l’INRA et de l’entreprise Limagrain, quatrième semencier à l’échelle mondial, placent la Limagne parmi les leaders mondiaux du secteur.

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LE TRACHYTE EN LIMAGNE

Ci-dessus. Le temple de Mercure au sommet du puy de Dôme, carte postale colorisée, vers 1905. Ci-dessous. Trachyte, scories et coupe du puy de Clierzou. Extrait du Carnet n° 5 de Philippe Glangeaud (1866-1930).

Le trachyte a été exploité dans cinq volcans de type péléen, notamment dans des carrières souterraines dont trois ensembles sont bien connus des promeneurs, au Clierzou, à l’Aumône et au Grand Sarcoui. Les trachytes de la chaîne des Puys ont été exploités par les Gallo-Romains pour la construction et pour la fabrication de stèles, statues et objets divers. Plus de 2 000 tonnes de trachyte ont été transportées au sommet du puy de Dôme pour bâtir le temple de Mercure, ce qui représente un effort financier et organisationnel considérable, à la mesure de la puissance de ses commanditaires non identifiés. La diffusion du trachyte à l’époque gallo-romaine est restreinte à un rayon d’une quinzaine de kilomètres autour du centre de la chaîne. Mais, à l’époque mérovingienne, ce même matériau sera exporté sous la forme de sarcophages jusqu’à plus de 100 km des carrières. Les entrées des cavages du Clierzou sont tournées vers le sud, en direction du puy de Dôme qui se dresse à 1 500 mètres de là. On sait cependant aujourd’hui que, contrairement à ce que l’on a longtemps pensé, ce n’est pas de ce lieu que provient la pierre utilisée pour construire le temple de Mercure. Elle a été extraite du Kilian, discret volcan caché en forêt à proximité immédiate du col de Ceyssat.


En 1872, à la recherche de pierres pour construire un observatoire météorologique au sommet du puy de Dôme, des ouvriers y mettent au jour des ruines. Très vite, il apparaît qu’il s’agit d’un sanctuaire antique majeur. Ce dernier est aussitôt l’objet de fouilles archéologiques, et, trois ans plus tard, protégé au titre des Monuments historiques. Avec 130 ans de recul, trois campagnes de fouilles et diverses découvertes fortuites, nous savons aujourd’hui qu’un premier temple a été installé sur le point culminant du volcan durant la seconde moitié du premier siècle de notre ère. Un demi-siècle plus tard, un édifice beaucoup plus vaste est construit un peu en contrebas, sur un plan complexe qui se développe en terrasses vers le sud et l’est. Le gros œuvre est en trachyte, la décoration fait appel à des roches à grain fin de couleurs et d’origines variées, notamment des marbres provenant du bassin méditerranéen. Les dimensions exceptionnelles de l’édifice et la richesse de son ornementation sont celles d’un temple dont le prestige s’étendait bien au-delà des limites de la cité arverne. Mercure était la principale – mais pas la seule – divinité honorée, suivant des pratiques cultuelles qui nous sont inconnues. À son nom était parfois associé le qualificatif Dumias qui a par la suite donné Domme, Dome et, enfin Dôme. Par le plus grand des hasards, le Domme est volcan de type dôme. Une importante voie romaine, la via Agrippa, passait au col de Ceyssat, au pied du puy de Dôme. Elle était empruntée par toutes sortes de voyageurs, commerçants, pèlerins qui trouvaient là, dans une petite agglomération, de quoi se nourrir et se reposer.

Première carte géologique de la chaîne des Puys, réalisée par Philippe Glangeaud en 1913.


La place Delille, du nom d’un abbé poète, occupe un espace, autrefois en bordure des remparts, réputé comme ayant servi de lieu pour le prêche de la première croisade par le pape Urbain II alors que ce lieu se nommait champ d’Herm. La fontaine qui en occupe le centre est inscrite aux Monuments historiques depuis mai 2007. C’est sans doute à l’importance commerciale de cette place, sur laquelle le rempart s’ouvrait par la porte du champ d’Herm (plus tard porte Champet), que le quartier doit son nom de quartier du Port, avec la rue du Port et l’église Notre-Dame-du-Port comme lieux emblématiques. En arrière-plan, une élégante façade de lave a remplacé les sévères murs d’enceinte de la ville.

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cela reste un témoin d’une époque d’industriels paternalistes qui rythmèrent la vie de la cité durant près d’un siècle. Un peu plus haut dans l’avenue Charras, après avoir laissé sur la droite la première chapelle gothique de Clermont érigée en 1219, restes de l’ancien couvent des Jacobins, remplacé ensuite le couvent des Visitandines aujourd’hui disparu, on rejoint l’ancienne place Bansac puis la place Delille en limite de la vieille ville. La place Delille et ses environs comportent divers éléments de patrimoine intéressants dont, à son angle nord-ouest, la façade de la pharmacie Gros décorée en mosaïque très colorée selon un dessin nous plongeant dans l’Égypte ancienne réalisé par l’incontournable Louis Jarrier. Partant au sud de la place Delille, le boulevard Trudaine, du nom d’un des intendants d’Auvergne les plus populaires dans la région, a été ouvert en 1750 par Ballainvilliers, autre intendant d’Auvergne, sur le tracé de l’ancien fossé d’enceinte de la ville. C’est maintenant le quartier très animé de l’École supérieure de commerce qui a été installée en 1919 dans l’ancienne caserne d’Estaing du 121e régiment d’infanterie transformé par le même Louis Jarrier; c’était auparavant le petit Séminaire. Henri Bergson habita au n° 7 lorsqu’il fut jeune professeur de philosophie à l’ancien lycée Blaise-Pascal. S’engageant ensuite dans la rue du Port, on pénètre dans ce qui fut jusqu’au XIIIe siècle un faubourg développé en contrebas de l’enceinte épiscopale du Bas-Empire qui subsiste sur le plateau central. L’enceinte du XIVe siècle, que montre l’Armorial de Revel, engloba ce faubourg avec d’autres comme le quartier Saint-Pierre vers le nord-ouest et le quartier autour de l’église Saint-Genès aujourd’hui disparue. L’église Saint-Genèsles-Carmes est le nom actuellement donné à l’ancienne église des Carmes visible sur le dessin de Guillaume Revel ; le vocable d’église des Carmes est attribué à l’église des Carmes-Déchaux, construite en 1720, qui se trouve à l’entrée du grand cimetière de Clermont développé à partir de l’ancienne abbaye de Chantoin, près de la Tiretaine en contrebas de la place Delille. L’enceinte médiévale, englobant la minuscule enceinte épiscopale à laquelle s’était réduite la ville après la chute de l’Empire romain, suivait approximativement le tracé suivant : avenue des États-Unis, place Gaillard, rue Saint-Hérem, place de la Poterne, place d’Espagne,

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Manuscrit extrait de l’Armorial de Guillaume Revel représentant Clermont au milieu du XVe siècle. Au premier plan, de gauche à droite, on voit d’abord le couvent des Jacobins reconnaissable au clocher de sa chapelle gothique. Ensuite, le cours de la Tiretaine étant franchi, se trouve le château de BienAssis, célèbre pour avoir été la propriété du beau-frère de Pascal. Sur la droite au premier plan, toujours en dehors des remparts, se trouve l’impressionnante abbaye de Saint-Alyre aujourd’hui disparue. Sur la gauche de la gravure, la haute tour rectangulaire est la tour Champet qui ouvre sur le quartier du Port. En allant vers la droite, le premier clocher surmonté d’une croix est celui de l’église des Carmes de style gothique flamboyant dont la construction a commencé en 1329 pour ne s’achever qu’en 1470, son maître-autel ayant été consacré en 1400. Le clocher le plus important en avant des autres montre la présence de l’église Notre-Dame-du-Port, église romane dont on voit clairement, outre le clocher, la nef et les tours occidentales.

Plus à droite, la cathédrale gothique domine déjà la ville. Entre la cathédrale et Notre-Dame-du-Port, l’ensemble crénelé avec deux tours est l’ancien château comtal appelé Palais de Boulogne, maintenant disparu, qui occupait partiellement la place de l’actuel hôtel de ville. À droite de la cathédrale près des remparts, la tour de la Monnaie effondrée depuis. Cet atelier monétaire servit aussi de prison pour la justice épiscopale, et occupait le haut de l’actuelle rue Tour-la-Monnaie où se trouvait une des cinq portes perçant le mur d’enceinte de la ville au Bas-Empire. Sur sa droite un clocher signale l’église Saint-Pierre, détruite à la Révolution qui occupait la place Saint-Pierre actuelle. À sa droite la tour massive couverte est la Porte des Gras. À l’extérieur de la ville, à droite du manuscrit se trouve l’église Saint-Adjutor, également détruite depuis. Cette église à la haute flèche octogonale desservait la paroisse du faubourg des Gras.


LA CATHÉDRALE DE CLERMONT-FERRAND

Photographie de la cathédrale réalisée par Jean Gouttefangeas, plus connu comme G d’O (Gouttefangeas d’Olliergues), un des grands photographes régionaux du début du XXe siècle. Au XIXe siècle, les travées de la cathédrale gothique, jamais achevée au Moyen Âge, s’appuient sur une façade romane. Celle-ci était divisée en trois parties et deux hauteurs, possédait deux tours, des contreforts et des baies en plein cintre. Au centre, un escalier précédait un portail avec une voussure en plein cintre. Les tours romanes tombant en ruine, la façade est démolie en 1851. Eugène-Emmanuel Viollet-le-Duc (1814-1879) dessine, en 1855, une première version de la nouvelle façade, mais les travaux ne débutent qu’en 1866, selon une seconde version de l'architecte qui dirige le chantier jusqu’en 1874. Anatole de Baudot (1834-1915) terminera les travaux en 1884. Le caractère sévère du rez-de-chaussée tranche avec l’envolée des flèches.

Le portail néo-gothique de la cathédrale fut dessiné par Eugène Viollet-Leduc au XIXe siècle. Il a également dessiné les grilles, le maître-autel, le trône épiscopal, les statues extérieures et a restauré la toiture, en remplaçant la charpente par des arcs de briques. Page de droite. La rosace sud du transept.



AU CARREFOUR DES TAULES, MONTFERRAND VILLE COMMERÇANTE Le croisement des Taules est, comme à Riom, le centre de la ville, là où se regroupent les commerces les plus riches, situé le long d'un axe nord-sud qui traversait toute l’Auvergne en direction du Languedoc. Ce lieu tire son nom des tables (tabulae en latin, taulas en patois) des marchands. À son angle nord-ouest se croisent la rue des Cordeliers qui descend vers la Tiretaine et l’ancien couvent des Cordeliers et la rue de la Rodade qui va vers l’est rejoindre la place du même nom. Ici s’élève une des plus belles et des plus connues maisons médiévales de Montferrand, la maison de l’Apothicaire, classée aux Monuments historiques en 1889. Datant du XVe siècle, elle est classique des habitations à pans-de-bois. Sous la toiture, deux personnages en bois sculpté représentent l’enseigne du propriétaire : un apothicaire. D’un côté, le praticien tient un énorme clystère (page de droite, à gauche) et de l’autre, le patient, hauts-de-chausses rabattus, attend son lavement.


Ci-dessus L’étalon de l’aune, fixé sur la face occidentale de l’église à peu de distance des Taules, était une unité de mesure des drapiers. On en trouve également à Riom, non loin de l’ancienne place des Taules. L’alignement de façades à l’angle sud-ouest des Taules, ancienne rue de la Fontaine, montre bien les remaniements successifs apportés aux maisons du XIIIIe au XVIe siècles. On voit encore les grandes arcades de type roman au premier étage, le rez-de-chaussée étant réservé aux boutiques.


Gravure ancienne (XIXe siècle) montrant le relief inversé du plateau de Gergovie résultant de l’érosion induite par les cours d’eau avoisinants. Gergovie comme Corent ont ce relief caractéristique des oppida mais le peuplement à l’époque gauloise n’était pas exclusivement situé en altitude comme le montrent le site de Gondole ou celui d’Aulnat-Gandaillat. Les plateaux basaltiques ne pouvaient de toute façon pas vivre en autarcie et la présence de terres riches fut sans doute un puissant moteur du peuplement. La gravure montre également le lac de Sarliève dont la présence a été intermittente selon le drainage de la région. Si le plateau de Gergovie a bien été le site de la bataille du même nom, le lac était vraisemblablement à sec au moment de l’arrivée de César qui n’en fait aucune mention dans La Guerre des Gaules alors qu’il est en général très précis sur les conditions de ses batailles.

Ci-dessous. Paire de fibules en or reliées par une chaînette. Cet objet exceptionnel, trouvé à Corent dans un contexte gaulois, est originaire du nord de l’Italie actuelle. Il contribue à montrer que les Arvernes avaient, bien avant la conquête romaine, des rapports étroits, politiques et économiques, avec la péninsule.

Ci-contre. Le théâtre fait partie des édifices publics familiers du paysage gallo-romain. Or, les fouilles de Corent ont mis en évidence l’existence d’un hémicycle gaulois (à gauche sur la photo) ayant précédé au même endroit, le théâtre gallo-romain (à droite).


Augustonemetum la romaine Les spécialistes ne comprennent pas très bien pourquoi et dans quelles conditions, la capitale des Arvernes s’est déplacée plus au nord, après la conquête romaine, vers la petite butte qui allait, beaucoup plus tard, devenir Clairmont, puis Clermont. En effet, cet emplacement était alors quasiment vierge de toute occupation humaine. Il ne bénéficiait pas, comme Corent et Gondole, des avantages que procure le voisinage d’un fleuve. Un fleuve est généralement, pour une ville, tout à la fois protection, voie de communication et source de richesses, que ces dernières soient naturelles avec le poisson, le gibier d’eau, l’eau elle-même pour l’irrigation, ou qu’elles soient engendrées par la batellerie. Sur le site de Clermont, même si la Tiretaine a le caprice de se diviser en deux, même si elle est capable de colères épouvantables – la crue dévastatrice de 1835 – ce n’est pourtant qu’un gros ruisseau. Peut-être faut-il précisément y voir la crainte que nourrissent les riverains de la dangereuse Allier qui ne comporte le long de son cours aucune agglomération de première importance en raison du caractère sauvage de ce presque fleuve.

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À gauche. Restitution 3D, vue générale de la domus. Clermont-Ferrand, îlot Neyron, fouille AFAN 1995, Sophie Hettiger. À droite. Près de La Sauvetat, une double structure carrée indique à coup sûr la présence d’un petit temple rural gallo-romain, un fanum, dont les soubassements des murs ont empêché la croissance du blé. Le fanum est lui-même situé dans une cour carrée plus vaste et il jouxte un enclos circulaire qui est probablement, lui aussi, la trace d’une enceinte cultuelle. Ces témoignages de l’occupation antique ressortent en palimpseste à travers les lignes régulières marquées par le passage d’un moderne engin agricole.

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LA RENAISSANCE À RIOM Ci-dessous. Détail de la maison des Consuls, dont la façade nord sur la rue de l’Hôtel-de-Ville, est unique en Basse-Auvergne.

Ci-dessus. Fenêtre de l’Hôtel Soubrany au croisement nord-est de la rue de l’Horloge et de la rue de l’Hôtel-de-Ville (coin des Taules).


Ci-dessous. Détail du portail du 20, rue du Commerce, joyau de la Renaissance gothicisante, c’est-à-dire du premier style de la Renaissance encore emplie de motifs figuratifs très variés du Moyen Âge.

Ci-dessus. L’escalier de l’hôtel Guimoneau. Sur la gauche, décorant le corps de garde de la galerie, trois des quatre vertus cardinales représentées : de gauche à droite la Justice, la Prudence, la Tempérance. La Force est sur la gauche, non visible.


TABLE DES MATIÈRES Une empreinte géologique forte................................................................. 7 Clermont, ville capitale .............................................................................. 35 De Royat à Montferrand au fil de l’eau ................................................ 63 Un patrimoine archéologique riche et diversifié ................................ 85 La riche Limagne ....................................................................................... 105 Auteurs Architecte-urbaniste, passionné de photographie, Michel Astier travaille au quotidien pour des villes et des territoires riches d’histoire et de culture. Il a créé et animé des associations curieuses de patrimoine matériel ou immatériel, où l’homme révèle avec intelligence son adaptation au terroir ou à la modernité. Il est l’auteur d’articles autour de l’histoire de la ville et de l’architecture. Il enseigne ces disciplines dans des établissements universitaires. Alain Falvard est spécialiste des particules élémentaires. Il est directeur de recherche au CNRS de Clermont-Ferrand. Il est coauteur du Velay et auteur de Chemins historiques en Languedoc et Roussillon, regards sur un patrimoine. Didier Miallier est professeur des universités à Clermont-Ferrand. Spécialiste de la datation en archéologie et en volcanologie, ses travaux actuels portent sur l’exploitation antique des laves de la chaîne des Puys pour la construction et la sculpture.

Les Nouvelles Éditions Loubatières remercient Philippe Chatelus, Kristell Chuniaud, Hélène Dartevelle, Bertrand Dousteyssier et Pierre Falvard pour leur contribution à la réalisation de cet ouvrage.


Crédit photographique Toutes les photographies sont de Alain Falvard, à l’exception de : 14 : Patrick Monchicourt ; 15 : guide Volcanologie de la Chaîne des Puys, 5e édition, 2009, Parc Naturel Régional des Volcans d’Auvergne ; 16-17 : Fabien1309 ; 18b, 36, 37, 38g, 38d, 39, 48g, 60, 64, 65h, 65bg, 65bd, 70, 71, 73, 81g, 81d, 109h, 109b, 113hd, 113b, 116d, 121 : coll. Alain Falvard ; 19hg, 19hd, 20g, 21, 62 : coll. Philippe Chatelus ; 20d, 47, 50, 55g, 69, 72, 93, 94h, 112b, 112b : coll. Didier Miallier ; 22h, 23bg : Mickael Boullot ; 23 hg, 23 hd : Simon Falvard ; 25 : Frédéric Tourneur ; 26h : LOC ; 26b, 27, 42h, 42b, 52 : Bibliothèque Clermont Université ; 29, 30, 31, 33, 87, 112hg : Didier Miallier ; 34, 49 : Pierre Falvard ; 41 : BNF (ms français 22297) ; 43g : Michel Astier ; 44g : Tony Bowden ; 45hg : Kristobalite ; 48d : Mamjodh ; 51g : Bernard Bost ; 53g : Dierk Schaefer ; 54g, 54d, 55d : Didier Miallier/ACAVIC ; 55g : Jean-Sébastien Caron/ACAVIC ; 63 : L'Ancienne Auvergne et le Velay, P.A. Desrosiers (1843-1847) ; 66 : ANF ; 82g, 83 : Michelin ; 82d : Romary ; 85 : Gérad Vernet ; 88, 91, 92h, 92m, 92b, 95d, 100b, 102, 106b : Bertrand Dousteyssier ; 89h : C. Vermeulen/Fouille AFAN 2001 ; 89b : Court-Jus Production / M. Ciavarella, D. Geoffroy, M. Poux/http://www.augustonemetum.fr ; 90 : Ulysse Cabezuelo/INRAP ; 94bg : Adcanaunos ; 94bd : B. N. Chagny/Kap-archeo.com ; 95 g : Cours-jus Production / http://www.augustonemetum.fr ; 96h, 96bg, 96bd, 97hg, 97hd, 97bg, 97bd : Kristell Chuniaud/INRAP ; 100h : Philippe Bet/INRAP ; 101h : Frédérique Blaizot ; 103 : Alain Urgal cartographie : Pierre Falvard

Achevé d’imprimer GN Impressions en avril 2013 sur les presses de Papergraf Spa (Italie)

dépôt légal deuxième trimestre 2013 imprimé en Union européenne


CLERMONT-FERRAND

LA CHAÎNE DES PUYS ET LA GRANDE LIMAGNE Regards sur un patrimoine

Planche (détail) tirée de l’Atlas des routes de France de Daniel-Charles Trudaine.

Autochrome montrant le village médiéval de Saint-Saturnin (vers 1914).

une empreinte géologique forte clermont, ville capitale de royat à montferrand au fil de l’eau un patrimoine archéologique riche et diversifié la riche limagne Architecte-urbaniste, passionné de photographie, Michel Astier travaille au quotidien pour des villes et des territoires riches d’histoire et de culture. Il a créé et animé des associations curieuses de patrimoine matériel ou immatériel, où l’homme révèle avec intelligence son adaptation au terroir ou à la modernité. Il est l’auteur d’articles autour de l’histoire de la ville et de l’architecture. Il enseigne ces disciplines dans des établissements universitaires. Alain Falvard est spécialiste des particules élémentaires. Il est directeur de recherche au CNRS de Clermont-Ferrand. Il est coauteur du Velay et auteur de Chemins historiques en Languedoc et Roussillon, regards sur un patrimoine (Loubatières). Didier Miallier est professeur des universités à Clermont-Ferrand. Spécialiste de la datation en archéologie et en volcanologie, ses travaux actuels portent sur l’exploitation antique des laves de la chaîne des Puys pour la construction et la sculpture. Dépôt légal : avril 2013

ISBN 978-2-86266-674-7

Première de couverture : chevet de Notre-Dame-du-Port. © Nicole Belskis

www.loubatieres.fr

29 € 9 782862 666747


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