LES MÉTIERS DE
L’AVIATION histoire & patrimoine JEAN-MARC OLIVIER MARIE-MADELEINE ROTELLI SOPHIE ROUSSEAU MAURICE ZYTNICKI
loubatières
Introduction
Introduction
C
haque jour, près de 100 000 avions décollent dans le monde, soit un par seconde. L’immense majorité de ces avions transportent des passagers, environ trois milliards par an. Ainsi, à chaque seconde, une centaine de nouveaux passagers montent dans un avion quelque part dans l’un des 14 000 aéroports mondiaux. Ceci révèle l’ampleur du phénomène, sa mondialisation et la multitude des métiers qui sont derrière cette activité en pleine expansion avec une croissance de l’ordre de 5 % par an. Parmi les acteurs de ces métiers, il y a ceux qui conçoivent les appareils, ceux qui les produisent, ceux qui les entretiennent, ceux qui assurent la régularité et la sécurité de tous ces vols, etc. De plus, il existe une véritable microsociété cosmopolite de l’univers aéronautique qui va des amateurs passionnés (maquettistes, photographes…) aux professionnels (pilotes, personnels des compagnies, des aéroports, des bureaux d’études et des usines…) en passant par la multitude des passagers dont quelques-uns ne vivent que pour l’instant où ils montent dans un appareil. Or, ces passagers seront probablement plus de six milliards en 2030. L’aéronautique peut donc s’enorgueillir de cette réussite commerciale, mais aussi de ses exploits techniques à l’origine d’incroyables progrès de la sécurité, ceci dans un contexte d’accroissement considérable de la production d’avions. Les livraisons d’appareils civils de ligne, en dehors des jets d’affaire, passent ainsi de quelques dizaines par an dans les années 1950, à près de 300 en 1974, puis plus de 1 500 en 2015. Ce changement d’échelle se double d’une amélioration considérable
En bas. Amelia Earhart (1897-1937) sur son avion Lockheed avec un groupe d’étudiantes de Purdue University vers 1920. Ci-dessous. Baptême du Zeppelin LZ-127 le 8 juillet 1928. Page de gauche. Louis Blériot en juillet 1909 devant son monoplan XI.
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Ci-dessus. Une hôtesse de l’air de la compagnie « SAS Scandinavian Airlines System » se tient debout à l’intérieur du rotor du ventilateur d’un moteur d’un Boeing 747-B pour une photographie publicitaire en 1968. Page de droite. Assemblage des lignes de pignons dans le carter d’un moteur AGB CFM56-7 dans une usine du groupe Safran en 2015.
de la sécurité, aujourd’hui l’avion est devenu le moyen de transport le plus sûr. Un voyageur a 44 fois plus de risques de perdre la vie en montant dans une voiture que dans un avion de ligne pour le même nombre de kilomètres parcourus. Plus surprenant encore, le risque de décès est plus élevé lors du trajet domicile-aéroport que lors du vol luimême. Derrière ces progrès il y a une multitude de métiers nouveaux : essayeurs, personnels de maintenance, contrôleurs aériens, informaticiens, créateurs de moteurs, de matériaux, etc. Aux appareils artisanaux ont succédé des jets très élaborés, bénéficiant souvent des technologies expérimentées dans le domaine de l’aviation militaire. Ces appareils civils sont ensuite longuement testés avant d’être fabriqués en série par un nombre très réduit de très grandes entreprises mondialisées.
Il existe plusieurs pôles géographiques de l’industrie aéronautique. Mais les deux grandes capitales mondiales de la production sont désormais Toulouse et Seattle, sièges respectifs des principales usines d’Airbus et de Boeing, les deux géants du secteur civil. À ces deux grands pôles des pays leaders, les États-Unis et la France, s’ajoutent de nombreuses autres places en Angleterre, en Allemagne, en Russie, en Suède et en Italie, mais aussi en Chine, au Brésil, au Canada, au Japon, etc. Les exemples pris dans cet ouvrage tiennent compte de cette diversité géographique en la replaçant dans l’évolution historique de la création, de la production et de l’exploitation des avions. Cette présentation des métiers s’articule donc en trois grands temps chronologiques, celui des pionniers et des exploits individuels (18901945), celui de l’industrialisation et de la massification (1945-1980), enfin, celui de l’informatisation et de la démocratisation mondiale (1980 à nos jours).
Introduction
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de l’artisanat des pionniers à l’industrie
De l’artisanat des pionniers à l’industrie (XVIe siècle – 1945) Les pionniers (XVIe siècle – 1913)
Rêveurs, théoriciens et premiers bricoleurs
L
éonard de Vinci, qui a passé plus de temps à imaginer de nouvelles machines qu’à peindre, apparaît comme le grand précurseur. À l’image d’autres rêveurs qui l’ont précédé, il s’inspire du vol des oiseaux, mais sa réflexion va plus loin. Formé dans les ateliers de la riche Florence il a pu admirer les machines les plus complexes de son temps et s’inspirer de leurs mécanismes. De plus, Léonard de Vinci est aussi « un homme de guerre » selon l’historien Pascal Brioist, il se met d’ailleurs à plusieurs reprises au service de condottieres qui rêvent de disposer d’une nouvelle arme révolutionnaire. La machine volante fait donc partie intégrante de ce dessein. La Renaissance correspond aussi à un changement de paradigme, l’homme pense désormais qu’il peut inventer pour améliorer sa vie quotidienne et dominer l’espace qu’il habite. Le xviie siècle, souvent qualifié de siècle de la « révolution scientifique », vient accélérer cette évolution. Mais il faut attendre les Lumières pour que l’ultime palier soit franchi quand les frères Montgolfier, encouragés par Louis XVI, réussissent le premier vol humain en 1783. Ces papetiers d’Annonay instaurent un lien fort entre technique, industrie, soutien de l’État et conquête de l’air, lien qui ne se démentira plus pendant les siècles suivants.
Avec la révolution industrielle qui s’épanouit d’abord en Angleterre, de puissants moyens techniques apparaissent. Ce n’est donc pas un hasard si de nouveaux pionniers s’épanouissent sur son sol. Ainsi, George Cayley (1773-1857) est parfois présenté comme le père de l’ingénierie aéronautique car dès le début du xixe siècle il identifie les quatre forces qui agissent sur un plus lourd que l’air : le poids, la portance, la traînée et la poussée. Il s’intéresse également à la forme des ailes, leur courbure et leur profil. Il imagine et probablement teste, ou fait tester, le premier planeur opérationnel tout en affirmant qu’il faut attendre la mise au point d’un moteur léger et puissant pour envisager le premier vol d’un plus lourd que l’air. L’industriel John Stringfellow (1799-1833) s’inspire justement des idées de George Cayley pour mettre au point des moteurs à vapeur légers qu’il place dans des modèles réduits qui volent avec succès dès 1847, mais il échoue dans la réalisation d’un véritable aéroplane. Il s’associe au début de ses recherches avec un remarquable mécanicien de Nottingham qui a mis au point des machines à tisser les dentelles : William Samuel Henson (1812-1888). Ils créent ensemble l’Aerial
Ci-dessus. Croquis d’une machine volante dessinée par Léonard de Vinci dans le Codex Atlanticus. Page de gauche. D’une envergure d’environ 7 m et d’un poids de 18 kg, le planeur de Derwitz réalisé par Otto Lilienthal (1848-1896) est le premier planeur à équipage humain dans le monde. En 1891, son inventeur parcourt une distance de vol d’environ 80 m près de Derwitz-Krielow dans le Brandenburg (Allemagne). Au fil des séries d’expériences de vol, Lilienthal réduit l’envergure des ailes des planeurs. Il trouve la mort en 1896 lors de l’un de ces essais.
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Les premiers industriels (1914-1918)
Produire en grande série
Les meetings n’étant plus aussi rentables et l’aviation civile n’ayant pas de véritables débouchés avant 1914, le modèle économique assurant une rentabilité à l’industrie aéronautique se limite au marché militaire. Il faut donc attendre la Première Guerre mondiale pour que les profits tant espérés soient enfin réalisés par les différents petits constructeurs. Pendant le conflit de nouveaux producteurs apparaissent, souvent issus des industries de la mécanique ou du bois, comme Latécoère à Toulouse. Ce dernier est le fils d’un industriel des Pyrénées, Gabriel Latécoère, qui produisait à l’origine des poutres et des planches. Avant 1914, Pierre-Georges a commencé la diversification de l’entreprise en réalisant des wagons complets, activité plus profitable. Pendant la Grande Guerre, il obtient la fabrication d’obus, puis accepte le défi de livrer 1 000 avions de reconnaissance Salmson. À droite. Construction de Salmson 250 ch à Montaudran par Latécoère en 1918. Ci-dessous. Aérodrome de Montaudran entre 1917 et 1918. Vue de face d’un avion Salmson 2A2 construit par les usines Latécoère, à l’arrêt sur le terrain d’aviation.
L’affaire semble intéressante financièrement car il s’agit d’un « marché garanti » : même si la guerre prend fin, l’État rembourse les dépenses engagées par l’industriel si elles dépassent les avances consenties. Fort de ces avances, Pierre-Georges se lance dans la construction de sa nouvelle usine de Montaudran, dont il établit lui-même les plans, et réussit à tenir les délais de fabrication. Les profits réalisés sont considérables et permettent à Pierre-Georges de disposer d’une usine neuve et ultramoderne en 1919. Page de droite, en haut. Construction de Breguet U.2 dans l’usine de la Société des Ateliers d’Aviation Louis Breguet à Douai vers 1913. Page de droite, en bas. Le « Red Barn », la première usine d’avions Boeing en 1917. William Boeing a acheté cette propriété située sur la rivière Duwamish à Seattle, en 1910, six ans avant la naissance de l’entreprise qui porte son nom.
Il s’inscrit donc parfaitement dans le formidable processus de production en grande série des avions pendant le conflit. Le bilan chiffré final donne une idée de l’ampleur du phénomène : entre 1914 et 1918 la France a produit plus de 50 000 cellules d’avions et près de 100 000 moteurs, le Royaume-Uni à peu près le même nombre de cellules et plus de 40 000 moteurs, l’Allemagne un peu moins de 50 000 cellules et plus de 40 000 moteurs, l’Italie a livré 12 000 appareils complets, les États-Unis environ 10 000, la Russie comme l’Autriche-Hongrie 5 000.
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Ci-dessus. Photographie promotionnelle montrant des hommes d’affaires à l’intérieur d’un DC-3, vers 1930. À droite. Hôtesse de l’air à bord d’un DC-3 de la compagnie « United Air Lines », 1941.
portés aux États-Unis. Dans sa version civile, l’appareil transporte une vingtaine de personnes et le métier d’hôtesse devient courant, mais le DC-3 connaît aussi une carrière militaire comme transport de troupe en pouvant emmener plus de 60 soldats à chaque rotation. Au total, en raison de sa très grande robustesse, le DC-3 est fabriqué à plus de 13 000 exemplaires dont quelques-uns volent encore actuellement. À l’opposé, en 1938, le quadrimoteur DC-4E, trois fois plus grand que le DC-3 et premier avion pressurisé se révèle très coûteux à développer et à exploiter. De plus, la Seconde Guerre mondiale interrompt sa carrière. Le transport de passagers franchit cependant un nouveau palier pendant les années 1930, progressant de 300 000 à deux millions de passagers, ces derniers l’emportent désormais sur le fret et le courrier pour le chiffre d’affaires. Cette évolution engendre la mise en place de nouvelles infrastructures aéroportuaires avec une multitude de métiers de service - regroupés au cœur de véritables tours de contrôle construites en dur - comme les opérateurs radio, les météorologues ou encore les servants des radars.
Les structures aéroportuaires, d’abord sommaires et essentiellement militaires avant 1919, évoluent ensuite vers une vocation civile. Le Bourget entre en service en 1919 et pendant longtemps il demeure le seul aéroport civil parisien. La piste en dur, la première, est complétée par une aérogare inaugurée en 1937. Mais c’est aux États-Unis que se développent le plus rapidement les aérogares pendant les années 1930 afin de satisfaire une clientèle de plus en plus nombreuse et très aisée. La construction d’un aéroport géant (220 hectares) à New York débute en 1937, d’abord nommé New York City Municipal Airport, il est rebaptisé LaGuardia en 1947, du nom du maire de la ville qui compte déjà plus de sept millions d’habitants. Le succès financier est au rendez-vous, pour les compagnies, les boutiques et les clubs privés. De là partent les premiers vols transatlantiques à la fin de l’année 1945. En effet, la Seconde Guerre mondiale se traduit par de nouveaux progrès majeurs dans l’aéronautique.
Ci-contre. Affiche promotionnelle pour la compagnie « Imperial Airways », 1938. Ci-dessous. Conférence internationale sur les voies aériennes, 31 octobre 1935. À gauche, R. Walton Moore, secrétaire d’État adjoint, et Juan T. Trippe (à droite), président de « Pan American Airways », étudient les itinéraires internationaux pour les avions. Cette réunion avait pour objectif de promouvoir et préserver les intérêts américains lors des créations des futures voies aériennes internationales. En bas. Terminal de la « Pan American Airways » à Miami, 1940.
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De la conception à l’envol commercial de l’avion (1945-1980)
L
’industrie aéronautique est aujourd’hui une industrie de pointe reconnue internationalement. Ce succès est autant lié au prestige des avions sortis des chaînes de montage, tels que Caravelle, Concorde, la gamme Airbus ou la gamme Boeing, qu’à la qualité du travail de ceux qui les fabriquent. Ce développement n’aurait pu être possible sans ces milliers de travailleurs qui ont œuvré quotidiennement au sein des ateliers, usines, bureaux et aéroports. Dès ses débuts, la construction aéronautique a fait appel à de multiples professions : menuiserie fine et ébénisterie pour la fabrication des longerons et des hélices, chimie pour l’utilisation de certaines colles ou certains vernis, etc. À partir des années 1960, les structures de l’emploi au sein de l’industrie aérospatiale ont subi une évolution très rapide, qui s’explique en partie par les changements intervenus en matière de techniques de travail et de production. Ainsi, la composition de la main-d’œuvre a évolué et des métiers sont apparus, alors que d’autres ont disparu. La période 1945-1980 est une période charnière pour l’industrie aéronautique. En quarante ans, elle se restructure en profondeur, le travail connaissant des évolutions considérables tant dans son organisation que dans le domaine technique, technologique et social. Malgré tout, elle maintient son statut d’industrie de pointe et conserve une main-d’œuvre hautement qualifiée, capable de s’adapter aux mutations techniques et technologiques qui se produisent. Ces mutations, favorisées par le développement de l’informatique et les nouvelles exigences de productivité et de compétitivité au cours des années 1960 et 1970, transforment les métiers et la nature du travail de manière importante.
Affiche publicitaire d’Air France réalisée par Lucien Boucher en 1949. La Corse est encadrée par deux avions Constellation.
De la reconstruction d’après-guerre aux Trente Glorieuses, de la construction européenne à l’internationalisation des échanges, des procédés tayloristes et fordistes à l’importante crise du travail de la fin des années 1960, c’est dans ce contexte politique et économique que s’inscrit et se façonne l’industrie aéronautique française. Chaque industrie est symbolisée par des professions emblématiques qui représentent à un instant T le progrès technique. Ainsi, le menuisier dans la construction des avions fut longtemps un emblème, tout comme le carrossier dans la construction automobile. Il s’agira ici de ne parler que de quelques-uns de ces métiers qui ont marqué l’histoire de l’aéronautique.
Page de gauche. Blagnac, 23 février 1968. Concorde, nez abaissé, passe des tests de bruit dans un dispositif appelé « silencieux ».
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En haut. Présentation du premier 747 Huge Viking pour la compagnie SAS hors de l’usine Boeing à Everett (État de Washington), le 30 septembre 1968. Ci-dessus. Fabrication du Boeing 747 Combi Magnus Viking LN-ARN pour la compagnie suédoise Scandinavian Airlines System à l’usine de fabrication d’Everett en 1977. Ci-contre. Joe Sutter (1921-2016), considéré comme le « père » du Boeing 747 pose devant le premier exemplaire du quadriréacteur en 1969.
de la conception à l’envol…
Les chaînes d’assemblage
Dans les usines d’assemblage, telles que l’usine de Saint-Martin-duTouch près de Toulouse ou celle de Wichita aux États-Unis où étaient assemblés les Boeing jusqu’en 1962, les tronçons et les sous-ensembles arrivent en provenance des usines de fabrication. Ces éléments sont assemblés progressivement dans les halls de montage. Tout d’abord, on commence par relier les différentes parties du fuselage. Puis, on ajoute la voilure et la partie arrière, c’est-à-dire l’empennage et la dérive. Ensuite, on plante les mâts réacteurs et on installe les trains d’atterrissage et les roues. Jusqu’à cette étape, l’avion repose sur des « bâtis ». Ce sont des structures métalliques qui soutiennent l’avion et sur lesquelles les ouvriers se déplacent. Enfin, on termine avec les moteurs. Ces derniers sont installés à la fin, car leur coût important impose
Chaîne d’assemblage du Tupolev Tu-144. Il s’agit, avec le Concorde, du seul avion supersonique civil à être entré en production. Les seize exemplaires produits furent en service entre 1975 et 1999.
de ne pas les endommager pendant le montage. Pour être assemblé, l’avion progresse dans la chaîne d’assemblage et passe par plusieurs postes de travail. Cependant, il peut arriver qu’à un même poste plusieurs métiers œuvrent en même temps : certains travaillent à l’extérieur de l’avion, alors que d’autres sont à l’intérieur et installent les câblages électriques ou les différents systèmes. Jusqu’au début des années 1990, les chaînes de montage sont organisées de façon linéaire, c’est-à-dire que les avions sont les uns derrière les autres. Or, si un problème apparaît à un poste, c’est l’ensemble de la chaîne qui est paralysée. À partir de l’A340, l’augmentation des cadences a rendu nécessaire la réorganisation des chaînes de montage. Par conséquent, les chaînes modulaires ont été instaurées. Dans ce type de configuration, certains postes sont doublés. Ainsi, dès qu’un poste se libère, l’avion suivant y est installé, même si celui du poste à côté n’est pas terminé. Certains postes doublés peuvent, à leur tour, être multipliés par deux. Au moment du montage, une grande variété de métiers se côtoie : des riveurs, des ajusteurs, des garnisseurs, des hydrauliciens, des électriciens-câbleurs, etc. Il y a aussi des ingénieurs qui réalisent les essais au sol des différents systèmes.
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Ci-dessous. Terminal TWA Flight Center (aujourd’hui le Terminal 5) de l’aéroport international de New YorkJohn F. Kennedy réalisé par l’architecte Eero Saarinen en 1962 photographié quelques mois après son inauguration.
Page de droite, en haut à gauche. Aéroport international de Dulles (Virginie), vue du « louge » mobile, de la tour de contrôle et du terminal en 1963. Page de droite, en haut à droite et en bas. Intérieur du Terminal TWA Flight Center de l’aéroport international de New York-John F. Kennedy, 1964.
perpétuelle du nombre de passagers. Toutefois, le premier choc pétrolier de 1973 a remis en cause ces hypothèses et l’aéroport a été réfléchi différemment : il devient « modulaire » afin de pouvoir ajouter des terminaux en fonction de l’évolution du trafic aérien. Aux États-Unis, l’aéroport New York International Airport est inauguré en 1948 ; il fut rebaptisé New York-John F. Kennedy en décembre 1963 un mois après l’assassinat de JFK à Dallas. En Russie, l’aéroport de Moscou-Domodedovo est inauguré en 1964 avec le vol du Tupolev 104. De manière générale, les aéroports sont inaugurés avec faste par des hommes politiques.
Les aéroports n’ont pas pour seule vocation de voir transiter des passagers. En effet, à l’heure de la mondialisation et de l’augmentation du volume des avions, ils voient également circuler les marchandises. En Martinique, l’aéroport de Fort-de-France est mis en service en 1950. Toutefois, en raison de l’architecture du bâtiment qui n’est pas adaptée pour l’accueil d’un grand flux de passagers, le trafic aérien est, durant une dizaine d’années, peu exploité, au profit du transport maritime. Les passagers doivent partager l’espace avec l’importation et l’exportation des marchandises. À partir des années 1960, l’aéroport est réaménagé afin de pouvoir répondre à l’appel du tourisme de masse. En 1965, un premier Boeing 707 se pose sur le sol martiniquais avec à son bord Jacques Brel annonçant le début de l’ère des gros-porteurs permettant au tourisme de se développer. Transport de marchandises et de passagers cohabitent et la plupart des aéroports ont la double fonction. L’entreprise FedEx a choisi l’aéroport de Memphis en 1973, le transformant en plus grand centre mondial de fret aérien.
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les métiers de l’aviation
La démocratisation du pilotage féminin
Ci-dessous. Jacqueline Auriol (1917-2000) sortant d’un Mirage III. En bas. Sheila Scott (1922-1988) avec son Piper Aztec « Mythre », avec lequel elle réalise un tour du monde en solitaire en 1971. À droite. Jacqueline Cochran (1906-1980) en 1962. Elle fut la première femme à réussir un atterrissage sans visibilité et à franchir le mur du son sur un appareil de série.
Si aujourd’hui la présence de femmes pilotes dans les cockpits n’étonne plus personne, cela n’était pas le cas entre 1945 et 1980. En effet, dans ces années-là, le métier de pilote était une profession presque exclusivement masculine. Cependant, quelques femmes ont su prouver leurs compétences afin d’exercer librement leur passion. Dès l’invention des montgolfières, les femmes ont rêvé de voler. Elles ont dû lutter pour se faire entendre par les autorités. En 1784, Élisabeth Thible, une Lyonnaise, devient la première femme à avoir effectué un vol en montgolfière. Dans la période qui nous intéresse, nous pouvons citer les noms de Sabiha Gökçen qui fut la première femme turque pilote. En 1936, elle entre à l’Académie de l’air turque pour y suivre une formation au combat. De cette façon, elle devient la première femme pilote de chasse au monde. En France, nous pouvons évoquer
Jacqueline Auriol. Née en 1917, elle effectue son baptême de l’air à 16 ans, en tant que passagère. En 1948, elle a appris à piloter par défi et goût du sport, obtenant ainsi ses brevets de pilote. Progressivement, le vol est devenu sa passion. L’année suivante, elle souffre d’un grave accident mais, après de nombreuses opérations, elle reprend le pilotage et obtient ses brevets militaires. Jacqueline Auriol rêve alors d’intégrer le prestigieux Centre d’essais en vol de Brétigny. Grâce à son travail acharné, elle parvient à se faire admettre devenant ainsi la première femme pilote d’essais au monde ! En 1953, elle est la première européenne à franchir le mur du son avec son Mystère II. Pendant plusieurs années, Jacqueline Auriol, la Française, et Jacqueline Cochran, l’Américaine, se sont disputé le record du monde de vitesse féminin. En 1963, la première réussit à pousser son avion à 2 038,70 km/h ! Autres pays, autres parcours hors des normes. En 1966, la Soviétique Galina Kortschuganova obtient le titre de championne du monde de voltige dans la catégorie féminine. La même année, la Britannique Sheila Scott effectue un vol en solitaire de 46 670 km en 33 jours. C’est dans les années 1960 que les femmes parviennent progressivement à
intégrer les rangs des pilotes de ligne. Cependant, leur présence est mal perçue par le public et les compagnies aériennes freinent leur ascension. Pour se faire entendre, les femmes pilotes s’unissent au sein de l’Association française des femmes pilotes. Des associations similaires voient le jour dans le monde entier. Elles doivent attendre 1973 pour pouvoir intégrer l’ENAC (École Nationale d’Aviation Civile). Dès 1974, Patricia Haffner passe le concours et l’obtient. Après avoir piloté le Concorde, elle est aujourd’hui l’une des rares femmes commandant de bord de l’A380. Grâce à ces figures de proue qui initient le mouvement, le nombre de femmes parmi les pilotes est en constante augmentation.
Si les femmes sont peu nombreuses parmi les pilotes, elles sont en revanche rapidement majoritaires parmi le personnel navigant. Si à l’origine le personnel navigant était presque exclusivement masculin, à partir des années 1930 les premières femmes apparaissent à bord des avions, à l’initiative des compagnies aériennes qui pensaient que la présence des femmes pourrait rassurer les passagers. Ainsi, le métier d’hôtesse de l’air, esquissé par Jeanne Fontaine en France, se développe aux États-Unis en 1930 avec Ellen Church, la première hôtesse de l’air américaine, puis se diffuse en Europe à partir de 1934 avec des
de la conception à l’envol…
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Fauteuils S3 conçus en 1958 par le designer Alfred Hendrickx, dans le hall de l’aéroport de BruxellesNational à Zaventem, construit de 1956 à 1958 par les architectes Maxime Brunfaut, Georges Bontinck & Joseph Moutschen. Double page suivante. Vue sur le parking et l’extérieur du restaurant rotatif de l’aéroport international de Los Angeles dans les années 1960.
L’envol d’une industrie
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L’envol d’une industrie (des années 1980 à nos jours)
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e transport aérien commercial du début des années 1980 devenait populaire, il était surtout occidental, et sa contrainte environnementale essentielle était le bruit. Il est à présent mondial, l’empreinte carbone, la consommation d’énergie, le retraitement des composants ont imposé leurs exigences. L’Extrême-Orient est devenu un acteur majeur à la fois en termes de passagers, d’achats d’avion et, peut-être bientôt, de fabrication avec une Chine affichant ses ambitions. Les compagnies des Émirats du Golfe ont acquis des positions de tout premier plan et Dubaï est un hub majeur entre l’Europe et l’Asie. En ouvrant les frontières de l’est de l’Europe, la chute du Mur de Berlin a permis à des millions de personnes de voyager. En France, le nombre de passagers a été multiplié par trois.
Seuls des événements graves interrompent la progression régulière, 3,8 % en moyenne : la guerre du Golfe, en 1991, celle de 2003, le réveil en 2010 d’Eyjafjallajökull, le volcan d’Islande qui bloqua le ciel européen et dont la prononciation défia les meilleurs chroniqueurs. Il y a les jours de grands départs, les rentrées de fin de semaine. La capacité maximale d’Orly, sur ses trois pistes, est en 2014 de 76 mouvements à l’heure, soit un atterrissage ou un décollage toutes les 47 secondes. En 2013, selon une étude de l’Observatoire de l’aviation civile, l’industrie aéronautique et spatiale emploie en France 177 000 personnes ; les compagnies aériennes, 71 000 personnes ; les aéroports, 12 000
Ci-dessus. La carte des 54 317 routes du trafic aérien régulier mondial en juin 2009 souligne à sa façon les grands territoires de l’économie mondiale : Amérique du Nord, Europe et l’Asie de l’Est. Page de gauche. Un A380 proche de l’atterrissage tandis qu’un A350 vient de décoller.
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les métiers de l’aviation
deux Rolls Royce, des chambres de très grand luxe, les salles de bains, un ascenseur, un sauna, pour ne citer que cela ; mais quel qu’ait été le périmètre réel des modifications, on comprend aisément le besoin impératif de pré-études techniques. La multitude de pièces rend indispensable le croisement de toutes les demandes pour séquencer leur prise en compte sans perturber inutilement la fabrication. C’est le rôle de la gestion de configuration de maîtriser la cohérence des rassemblements de modifications. Ceci est particulièrement vrai en phase de conception initiale quand de nombreuses hypothèses sont testées, qui plus est, dans un contexte de travaux menés en parallèle par plusieurs entreprises. La mondialisation oblige l’architecte intégrateur à garder la main sur les demandes de changement, de modification, d’en suivre les répercussions pour la totalité des entreprises concernées, tout en laissant une marge de flexibilité. L’intelligence de l’avionneur est en partie dans ce compromis.
Ci-dessus. Réalisation de « sharklets » (ailette relevée) d’A320 par la Korean Air Aerospace Division. À droite. Airbus A350-900 mis aux couleurs de Vietnam Airlines. Page de droite. Réalisation de cheminement de câbles dans l’usine Safran de Villemur-sur-Tarn.
La gestion de la configuration est un processus qui mobilise de nombreux spécialistes qui s’attachent à garder les changements sous contrôle, à les minimiser, en participant à une ingénierie initiale à la fois prévoyante et instruisant les demandes de modification en analysant les impacts qu’elles peuvent avoir autour d’elles géographiquement et fonctionnellement. Les paramètres caractéristiques de la modification sont étudiés ainsi que tous ceux qui en sont affectés. Le travail peut être très modeste ou très complexe, tout dépend de la situation. Certaines modifications réclament un passage en certification, d’autres non. Il va de soi que si une compagnie souhaite, pour ses pilotes, des sièges recouverts d’une peau de mouton, ou si les écrans vidéo des passagers de longs courriers doivent être remplacés par de plus récents (à caractéristiques équivalentes), la navigabilité de l’avion n’est pas touchée. En revanche, un changement d’instrument de vol, un accroissement des réservoirs de carburant, des modifications significatives de structure, supposent des contrôles suivis par les autorités de certification.
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les métiers de l’aviation
Construire l’avion : des processus partagés Le « buy-to-fly » est le rapport entre la masse de matière utilisée pour réaliser une pièce et la masse réellement utilisée dans l’avion. Il est devenu un paramètre particulièrement suivi, car il caractérise une efficacité de la fabrication, son sens de l’optimisation dans la consommation des matériaux. Le maximum accessible dans le domaine est la fabrication additive, connue du grand public comme « Impression 3D ». Celle-ci, par construction, ne consomme que ce qu’elle produit au contraire des usinages par retrait de matière qui créent des masses de copeaux.
Si l’assemblage final est du ressort de l’avionneur, architecte et intégrateur, les constructions des parties sont partagées par une multitude d’entreprises. Cette distribution mondialisée met en jeu tous les métiers possibles et envisageables. Une liste serait sans objet ici. Des exemples pris dans les métiers de la mécanique visent à donner une idée des changements qui sont survenus. Ces changements sont liés aux progrès dans le domaine des matériaux, en particulier les alliages, lesquels réduisent la matière nécessaire du fait de leurs bonnes performances mécaniques. D’après l’ingénieur Jacques Cinquin, « sur les avions commerciaux, les premiers appareils produits industriellement en grande série utilisaient essentiellement des alliages d’aluminium, de l’acier et du titane. Aujourd’hui, les avions commerciaux les plus récents utilisent en masse encore 54 % d’alliages d’aluminium, mais 20 % de matériaux composites ont été introduits dans la structure, 13 % d’acier, 6 % de titane et 7 % de matériaux divers. »
Ci-contre. Usinage et peinture du revêtement d’une structure chez Novae Aerospace sur le site de Prunay-en-Champagne (51). Page de droite, en haut. Réalistation du couvercle d’aile inférieure d’un A350 XWB en matériaux composites sur le site de Broughton. Page de gauche, en bas. Atelier de fraisage de la société ADB (Atelier de Décolletage de Bigorre).
Les composites, quant à eux, sont obtenus par des sortes de « tissage » de matériaux différents durcis thermiquement, au premier rang desquels la fibre de carbone. Ils sont conçus au plus près de la forme finale. Usinage
Les usinages sont des activités générales des industries mécaniques qui demandent des compétences traditionnelles en fraisage, en tournage, en chaudronnerie, mais qui ont fortement évolué depuis les années 1980. D’une part les possibilités des matériaux s’élargissent, avec par exemple des outils coupants plus précis et capables de travailler des alliages très variés. L’introduction des découpes des tôles d’acier par des procédés plasma, laser ou jet d’eau, optimise les travaux en fonction des exigences en épaisseur, précision, qualité des bords et… de coût.
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les métiers de l’aviation
CI-dessus. Situation de l’espace aérien suite à l’éruption du volcan Eyjafjallajökull en avril 2010. Ci-contre. Contrôleur de la circulation aérienne de la FAA à l’aéroport international Midway de Chicago.
L’envol d’une industrie
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La certification Après-guerre, se met en place une certification rigoureuse liant trois acteurs : l’avionneur, en tant qu’architecte de l’avion, c’est-à-dire assumant la responsabilité pour la totalité de l’aéronef (y compris pour les parties fabriquées par des sous-traitants), la compagnie aérienne, et un organisme public (la DGAC pour la France suivie par l’EASA en Europe, la FAA aux États-Unis), qui impose un droit de regard par une autorité indépendante pour les vols en dessous de 264 000 pieds (80 000 mètres). La certification s’attache tout d’abord à vérifier le domaine de vol, c’est-à-dire, pour simplifier, les altitudes, les vitesses et les températures compatibles avec un vol sûr de l’avion. De multiples raisons font que l’avion ne peut voler à n’importe quelle altitude, à commencer par la pressurisation de la cabine qui produit sur la peau de l’avion une pression extrêmement forte.
Un autre volet de la certification est la sécurité qui anticipe les pannes ou dysfonctionnements possibles et présente les procédures et mécanismes à même de les gérer. Ainsi, si un moteur s’arrête, comment voler avec celui qui reste ; si une commande ne fonctionne plus, quel circuit actionner pour tel volet ou telle gouverne. L’historique des problèmes survenus dans l’aéronautique est un puissant référentiel et l’avionneur doit démontrer qu’ils sont pris en compte. Les analyses faites après les accidents se traduisent souvent par de nouvelles exigences de certification. On trouve également les comportements en température ou ce qui peut faire varier significativement la répartition des masses. Ainsi, la peinture avion doit être certifiée car, selon la couleur utilisée, le noir en particulier, la réaction à la chaleur varie significativement.
Le domaine de vol correspond aux limites de paramètres comme l’altitude, la vitesse, la distance parcourue, dans lesquelles l’avion doit être utilisé. Pour Laurent Bovet : « Différents phénomènes physiques empêchent un avion d’évoluer dans toute la plage d’altitude ou de vitesse. Parmi ceux-ci, citons : – le décrochage ; – les vibrations induites par les ondes de choc… à grande vitesse (« buffeting ») ; – la décroissance de la poussée maximale avec l’altitude et la vitesse ; – les déformations de la voilure en vol peuvent entrer en résonance et créer un battement (« flutter »). La vitesse à laquelle le phénomène arrive ne doit pas être atteinte ; – les efforts de pressurisation sur le fuselage ; – la température sur la paroi de l’avion aux très grandes vitesses. »
À gauche. Cinq A350 ont volé en formation le 29 septembre 2014 pour célébrer la certification par l’agence européenne de sécurité aérienne (EASA). Ci-dessus. A330-200 effectuant des tests de froid au Canada pour la certification.
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les métiers de l’aviation
Vers de nouveaux horizons ? En quarante ans, les transports aériens se sont massifiés. Les compagnies ont connu un mouvement de concentration qu’illustre la disparition de la Pan Am et de Western Airlines aux États-Unis, de Sabena et Swissair en Europe, mais aussi la fusion entre Air France et KLM. Les transformations dans l’industrie aéronautique et l’activité aéroportuaire ont été tout à fait spectaculaires, même si elles restent parfois difficilement décelables pour le néophyte. Depuis la conception recourant aujourd’hui à l’ordinateur, à la construction utilisant des matériaux de plus en plus légers et résistants, pour terminer par les services nouveaux offerts aux passagers, tout a changé dans ces années d’intense concurrence entre constructeurs. La recherche d’équipements toujours plus performants s’inscrit dans un vaste mouvement de mondialisation qui touche tout le processus depuis la conception jusqu’au fonctionnement des compagnies aériennes et des aéroports, en passant par la fabrication confiée à des équipementiers qui ont acquis une taille internationale.
Projet de l’avion Subsonic Ultra Green Aircraft, ou SUGAR, mené par la compagnie Boeing.
La part ouvrière, très largement majoritaire il y a une trentaine d’années, est passée à environ un quart de l’effectif, le reste étant constitué de techniciens et d’ingénieurs. Une partie plus que notable des emplois ouvriers d’autrefois est aujourd’hui identifiée comme technicienne. Même si les rôles dans le processus de fabrication peuvent être similaires, les machines ont changé, elles font plus appel à la programmation qu’au savoir de la main. On est devenu technicien. Bac Pro, BTS, IUT, ces filières donnent des résultats très probants et, en tout cas, elles mènent à l’emploi dans l’aéronautique. Les pièces d’avion proviennent de divers endroits du monde et l’anglais s’est imposé comme langue de communication. La progression du nombre d’ingénieurs qui forment une majorité relative indique que l’encadrement n’est pas leur seul rôle. On est dans le faire : faire de conception qui réclame des moyens scientifiques pointus (études mécaniques, thermiques…) ; faire de fabrication qui fait appel à des procédés, des automatismes, des contrôles de processus, des mesures complexes ; faire de suivi des fournisseurs. Les nouvelles techniques n’ont pas tué les savoir-faire anciens, elles les ont rendus rares. Le numérique est partout et s’étend sans cesse, de sorte que l’expérience de la matière, son toucher, prennent sens plus tard dans la fabrication, quand les ébauches virtuelles ont débroussaillé le terrain. Mais ils sont présents, porteurs de leur intelligence propre et aussi précieuse que les retours d’effort restitués au pilote.
Le travail s’est féminisé jusque dans l’atelier. L’évolution est lente malgré des efforts soutenus pour impliquer les filles dans les filières de formation technique. Il n’est pas un salon professionnel, pas une plaquette de présentation des métiers ou des entreprises, qui ne montre combien les femmes ont leur place dans les activités de la filière aérienne, toutes activités confondues.
Que sera l’avion de demain ? Quelle sera sa forme ? Quelles seront ses matières et sa propulsion ? Pour quels trajets ? Le transport d’aujourd’hui aura-t-il changé de nature ? On ne l’imagine guère tant l’offre paraît déjà pléthorique. Elle pourra peut-être gagner en confort pour les classes économiques d’un côté et les classes affaires de l’autre, en prix, en nombre de points terminaux avec des connexions facilitées. Les dizaines de milliers d’avions prévus pour les vingt ans à venir seront-ils construits sans qu’une guerre des coûts vienne en perturber la profitabilité et empêcher d’investir sur des programmes d’une innovation plus radicale ? Et dans l’affirmative, quels seront les nouveaux profils des hommes et des femmes qui travailleront à les concevoir, à les fabriquer, à les faire voler et à accueillir les passagers ? Verra-t-on apparaître de nouvelles formations (à la fois générales et en entreprise), répondant aux processus industriels émergents ? Ces quelques questions, dont la réponse n’existe pas hors la voyance, aspirent à suggérer que cette industrie a atteint une plénitude qui donne à ses débuts une sorte de couleur sépia, de celle qu’ont les choses quand elles ont pris leurs aises dans les temps révolus.
vers de nouveaux horizons ?
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Projet de conception d’avion pour le vol supersonique à très haute altitude mené par Lockheed Martin Corporation. Double page suivante. Idée poursuivie par la NASA d’un avion du futur, le « hybrid wing body ».
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les métiers de l’aviation
TABLE DES matières Introduction (J.-M. Olivier)............................................................ 5 De l’artisanat des pionniers à l’industrie (xvie siècle – 1945) (J.-M. Olivier) .............................. 9 Les pionniers (xvie siècle – 1913) .................................................. 9 Rêveurs, théoriciens et premiers bricoleurs ....................................... 9 Wilbur et Orville Wright : concepteurs, mécaniciens, démonstrateurs et vendeurs (1899-1908) .................. 14 Les pilotes : entrepreneurs, dandys, sportifs et militaires .................. 16 Motoristes et fabricants ............................................................... 18 Les premiers industriels (1914-1918) .......................................... Produire en grande série .............................................................. Des métiers de plus en plus spécialisés ........................................... Créateurs de nouvelles armes : chasseurs et bombardiers ..................
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Les débuts laborieux du transport de passagers (années 1920) ..... Les dirigeables ouvrent la voie ...................................................... Des lignes Latécoère à l’Aéropostale............................................... D’autres compagnies émergent à travers le monde ..........................
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Nouvel essor et retour à la guerre (1930-1945) ............................ Du règne des hydravions au modèle civil américain ....................... Course aux records et quête du chasseur idéal par quelques passionnés................................................................ Du bombardier lourd au bombardier stratégique en passant par les avions à réaction : le temps des équipes d’ingénieurs et de savants................................
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De la conception à l’envol commercial de l’avion (1945-1980) (M.-M. Rotelli et S. Rousseau) ................. 53 Penser l’avion : du papier à l’ordinateur ........................................54 Entre dessin et gravure, le métier méticuleux du traceur ................. 58 Le dessinateur d’outillage ............................................................ 60 Fabriquer l’avion : de la force des bras aux MOCN ...................... Le préparateur ............................................................................ L’oreille fine du chaudronnier ...................................................... Le tourneur et le fraiseur : conducteurs hors pair ...........................
63 66 68 70
Assembler l’avion : de l’atelier aux halls de montage ..................... 74 La coopération internationale ...................................................... 74
table des matières
Les chaînes d’assemblage .............................................................. Les riveurs : les fourmis de l’assemblage ......................................... La souplesse de l’électricien-câbleur .............................................. Les chronométreurs .....................................................................
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Vendre et exploiter l’avion ........................................................... 83 Vendre les avions : entre mobilité et négociations ............................ 83 Les aéroports : lieux rêvés et lieux d’exploitation des avions commerciaux .............................. 87 Le cinéma et l’aviation ................................................................ 90 Entre fantasme et réalité : l’équipage de l’avion ............................. 92 La démocratisation du pilotage féminin ....................................... 94 Deux pilotes d’exception ............................................................ 102 L’émergence des femmes dans les services administratifs ................ 104
L’envol d’une industrie (des années 1980 à nos jours) (M. Zytnicki) ............................... 109 Des acteurs aux responsabilités fortes .......................................... 114 L’avionneur : un architecte et un intégrateur .............................. Faire converger les conceptions ................................................... Bien acheter ............................................................................. Maîtriser les configurations ........................................................ Assemblage final .......................................................................
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Construire l’avion : des processus partagés ................................. Usinage .................................................................................... Chaudronnerie ......................................................................... Fabrication additive .................................................................
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La certification .......................................................................... 141 Les essais en vol ......................................................................... 143 Métiers de la maintenance ......................................................... 149 À bord de l’avion ....................................................................... 153 Pilotes et tour de contrôle ........................................................... 153 Personnel navigant commercial .................................................. 158 L’aéroport .................................................................................. 162
Vers de nouveaux horizons ? (M. Zytnicki)................................... 166 Bibliographie .............................................................................. 170
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LES MÉTIERS DE
L’AVIATION histoire & patrimoine
Chaque jour, près de 100 000 avions décollent depuis l’un des 14 000 aéroports dans le monde, soit un chaque seconde. L’immense majorité de ces avions transportent des passagers, environ trois milliards par an. Sur le plan industriel, les livraisons d’appareils civils de ligne sont passées, hors jets d’affaires, de quelques dizaines d’exemplaires par an dans les années 1950, à près de 300 en 1974, puis plus de 1 500 en 2015. À eux seuls, ces chiffres révèlent l’importance du secteur et laissent deviner la multitude de métiers qui sont derrière cette activité toujours en expansion. Parmi les acteurs de ces métiers, il y a ceux qui conçoivent les appareils, ceux qui les produisent, ceux qui les entretiennent, ceux qui assurent la régularité et la sécurité des vols, les équipages, le personnel au sol. À ce vaste ensemble de professionnels passionnés, il convient d’ajouter une véritable microsociété d’amateurs – non moins passionnés – composée de maquettistes, photographes ou voyageurs, toujours émerveillés par ce prodige : faire voler un « plus lourd que l’air ».
En haut. Sur une plage d’Oran (Algérie), une camionnette attend le courrier venant de France à bord d’un Breguet XIV des Lignes aériennes Latécoère (1923). Au centre. Hall de l’aéroport de BruxellesNational en 1958. En bas. La soufflerie de l’ONERA reproduit des conditions proches de la réalité d’écoulement de l’air afin d’ajuster la géométrie du projet d’avion. En couverture. Un A380 proche de l’atterrissage tandis qu’un A350 vient de décoller.
ISBN 978-2-86266-740-9
29,90 € 9 782862 667409
www.loubatieres.fr
Cet univers professionnel, jeune encore et générateur de progrès technologiques remarquables, est ici présenté en trois grands temps chronologiques, le temps des pionniers et des exploits individuels (1890-1945), le temps de l’industrialisation et de la massification (1945-1980), enfin, le temps de l’informatisation et de la démocratisation mondiale (1980 à nos jours). À travers ces métiers, avec les hommes et les femmes qui les ont créés et fait évoluer, ce livre est une façon inédite de découvrir l’histoire de l’aviation.