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ARCHITECTURE DE CONTRÔLE AUX CONFINS DE L’EMPIRE ANGEVIN : LES CHÂTEAUX IRLANDAIS DU ROI JEAN

iDaniel Tietzsch-Tyler1

L’entrée des Anglo-Normands en Irlande : une aventure de chevaliers

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En 1200, l’Irlande n’était la limite occidentale de l’empire angevin que depuis seulement trente ans. La colonisation anglo-normande de l’île remonte à la fuite de Diarmait Mac Murchada de son royaume de Leinster en 1166. Mac Murchada sollicita l’aide du roi anglais Henri II. Henri ordonna à la ville de Bristol de lui venir en aide. Peu après, Richard fitz Gilbert, connu sous le nom de « Strongbow », accepta d’aller en Irlande pour lui prêter main forte. La première intervention anglo-normande eut lieu en mai 1169, lorsque Robert fitz Stephen débarqua avec une petite armée sur l’île de Bannow, au large de la côte sud de Leinster (fig. 1a), suivi en mai 1170 par Raymond le Gros avec une armée plus conséquente. Strongbow lui-même débarqua en août avec une force encore plus imposante et s’empara de Waterford, où il épousa la fille de Mac Murchada et devint son héritier avant de marcher sur Dublin et de prendre la ville (fig. 1b). Mac Murchada mourut en mai 1171, ce qui signifiait que Strongbow était à présent théoriquement le souverain du Leinster. Henri II réagit à la menace d’un État anglo-normand indépendant sur son flanc ouest en imposant un embargo immédiat sur les voyages en Irlande. Strongbow, en réponse, céda le Leinster au roi.

L’invasion : L’expédition d’Henri II en 1171-1172

Alors que les premiers Anglo-Normands n’avaient répondu qu’à l’appel d’un roi provincial, l’Irlande fut effectivement envahie en octobre 1171 lorsqu’Henri II débarqua avec une véritable armée. De Waterford, il se rendit à Dublin (fig. 1b), où la plupart des rois provinciaux irlandais se soumirent, sauf le haut roi, Ruaidri O’Connor de Connacht. Hivernant à Dublin, Henri concéda à nouveau le Leinster à Strongbow en tant que vassal, mais conserva Waterford et Wexford. Il accorda Dublin aux citoyens de Bristol. Dans un premier temps, Henri créa la seigneurie de Meath à partir du royaume fortification et pouvoirs souverains (1180-1340) ouest de la tour, séparée par un fossé dont la courtine extérieure fut rehaussée plus tard au cours du siècle lorsqu’une tour flanquante et un châtelet d’entrée garni de deux tours furent ajoutés (fig. 5c). Ce château défendait l’extrémité occidentale du territoire royal dans le sud du Munster.

Les châteaux du roi Jean en Irlande (II) : en 1210

Après l’expédition de Jean en 1210 et sa prise de la frontière occidentale, il reprit la construction de châteaux en ordonnant de bâtir trois autres châteaux sur le Shannon à Athlone, Limerick et Clonmacnoise. Deux d’entre eux furent construits pour contrôler des points de passage stratégiquement importants de la colonie anglaise vers Thomond et Connacht. Le troisième, également situé à une tête de pont du Shannon, était plutôt une base pour la contre-insurrection dans les Midlands d’Irlande sous contrôle anglais. Dans ce contexte, un château de terre et de bois fut également bâti à Roscrea.

Fig. 5. Le château de Dungarvan : a. le shell-keep avec son entrée moderne. L’entrée d’origine obstruée du premier étage contient deux paires de mousquets modernes ; b. dessin de reconstitution du château après les ajouts ultérieurs du xiiie siècle (avec l’aimable autorisation de Dave Pollock) ; c. plan du château.

Fig. 6. Château d’Athlone : a. partie de la courtine restante. La flèche indique l’archère à plongée obstruée ; b. la tour polygonale du xixe siècle construite sur les fondations de la grande tour polygonale démolie vers 1 210 ; c. plans comparés d’Athlone et d’Orford du roi Henri II ; d. dessin de reconstitution du château après l’effondrement d’une tour en 1211, tuant Richard de Tuite et huit autres personnes.

Athlone

Le château d’Athlone se dresse sur la rive de Connacht du Shannon, remplaçant une forteresse de terre et de bois datant de 1129 11. Cette dernière coiffait l’extrémité d’une crête d’esker traversée par le Shannon, un fossé l’isolant du reste de l’esker pour créer une enceinte circulaire. Après le départ de Jean d’Irlande en 1210, le Justicier John de Gray remplaça le château de bois par un château de pierre 12. Une grande enceinte polygonale sub-circulaire à dix ou onze côtés a été construite, dont seule la moitié a survécu aux changements post-médiévaux (fig. 6a). Le côté faisant face à la rivière était plus long que les autres pour accueillir une grande salle en bois, remplacée plus tard par de la pierre. Les murs s’élevaient à huit mètres au-dessus de l’enceinte à l’intérieur et à quinze mètres au-dessus du sol à l’extérieur. Une longue archère à plongée subsiste à l’angle sud-sud-ouest. Un plan de 1685 indique que la courtine polygonale possédait au moins trois tours flanquantes rectangulaires, l’une étant une tour-porte dans la face nord et les autres probablement ouvertes à la gorge (fig. 6c). Ces deux dernières se trouvaient sur l’arc sud-est de la courtine, surplombant la route de Connacht depuis le pont de Shannon. L’effondrement d’une tour en 1211 qui, selon les annales, tua neuf personnes, fait probablement référence à l’une des tours des remparts perchées sur le bord instable de l’esker 13 (fig. 6d)

Une tour-maîtresse polygonale fut érigée au centre de cette enceinte. La tour avait environ dix côtés à l’extérieur mais était circulaire à l’intérieur. Elle fut démolie vers 1800 et une nouvelle tour polygonale légèrement plus étroite fut construite sur la base de l’ancienne mais aucun élément médiéval ne subsiste (fig. 6b).

Limerick

Le château de Limerick fut également construit vers 1210, à la suite de l’expédition de Jean en Irlande. D’un point de vue architectural, c’est certainement le plus beau des châteaux de Jean, bien qu’il fût loin d’être achevé avant son décès. Le pipe roll de 1211-1212 fait état de dépenses de 733 £ 16 s 11 d pour le château, une somme exceptionnellement élevée 14. La somme est trop importante pour la partie du château qu’il a construite. Il s’agissait d’un châtelet d’entrée à deux niveaux flanqué de tours rondes, d’une plus grande tour ronde isolée, et de courts arcs polygonaux de courtine entre et de chaque côté de ces tours (fig. 7a, c). Par rapport aux travaux de Jean en Angleterre, la réalisation de cette façade ne peut avoir

: a. plan en plusieurs phases ; b. carte de l’enceinte médiévale de Limerick sur King’s Island ; coûté plus de 500 £. Le reste de l’argent a probablement été consacré à la réparation de l’enceinte circulaire, que la maçonnerie ne remplaçait que partiellement, et à la construction de treize piliers de pierre qui devaient soutenir un pont en bois construit sur le Shannon à côté du château 15 (fig. 7e). Les travaux ont ensuite été interrompus pendant plus de vingt ans, après quoi le château adopta un plan quadrangulaire (fig. 7a) a-b. 1. première enceinte viking, 2. murs scandinaves en 1200, 3. enceintes religieuses, 4. enceinte anglonormande, 5. murs du château en 1211-1212, 6. murs du château et de la ville en 1235-1250, 7. murs du château en 1272-1300, 8. murs du port au xve siècle, 9. bastion d’artillerie du château postmédiéval ; c. extérieur du château du roi Jean ; d. intérieur du château du roi Jean. La flèche indique l’entrée au premier étage de la troisième tour carrée ; e. dessin de reconstitution du château après l’achèvement des travaux du roi Jean en 1211-1212.

11. O’Donovan 1851, p. 1033.

12. Hennessey 1871, p. 245.

13. O’Donovan 1848, p. 169 ; Hennessey 1871, p. 245-6. Les Annales des Quatre Maîtres datent de manière incorrecte cet événement en 1210.

Le châtelet d’entrée est probablement l’un des premiers de ce type construit en Grande-Bretagne et en Irlande. En Grande-Bretagne, le châtelet d’entrée nord de Douvres, détruit lors du siège de 1216, pourrait dater de 12071208, date à laquelle 170 £ ont été dépensées pour le château, bien que des sommes plus vraisemblables de 200 £

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