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THOMAS VERNY CORPS ET DÉCORS

La pratique picturale de Thomas Verny semble mettre au jour une manière de schizophrénie artistique, bien que la manière de peindre, relativement expressionniste, révèle une certaine constance d’exécution. D’un côté, il y aurait le monde extérieur, celui du paysage littoral (et dans paysage, il faut peut-être entendre le mot « sage »). De l’autre, les figures sexuelles, formant une sorte d’enfer, visions intérieures qui relèveraient du fantasme, du secret inavoué. Les premiers aspirent le regard vers une ligne d’horizon qui rejette toujours plus loin le point de fuite, tandis que les secondes apparaissent enchâssées comme des pierres précieuses dans un espace clos entre quatre murs, métaphore d’une boite crânienne qui trouve paradoxalement dans le carcéral une échappatoire. Le paysage s’impose au regard quand les corps, eux, permettent à l’esprit de divaguer et de vagabonder.

Disons pour schématiser que la pratique du paysage vient plutôt du père, Philippe Pradalié, qui exposa ses œuvres au Musée Paul Valéry en 1994, et que l’accrochage des vues de Sète par Verny n’est pas sans procurer un curieux effet de répétition, lequel est néanmoins étudié, voulu et porteur d’une grande finesse. En plus de vingt-cinq ans, la côte semble avoir peu changé, mais l’on mesure toute la différence entre les peintures du père et celles du fils. La Sète de 1994 est paisible et quiètement méditerranéenne. Au-delà du cimetière marin, s’étend une mer calme et brumeuse, avec un port que le môle abrite de ses bras solides. Verny a quant à lui une approche plus chaotique. Les ombres y sont plus marquées car la ville, écrasée de soleil, paraît plus minérale. Dans le même temps, le ciel, qui se fait menaçant, pèse lourd et bas comme un couvercle.

Les figures sexuelles, quant à elles, en appellent au travail textile ancien de la mère, Cécile Pradalié. Si les corps lascifs sont issus d’images d’amateurs ou de séances de modèles, les scènes surgissent de fonds décoratifs, qui résonnent eux-mêmes avec les motifs géométriques des draps, housses de couette, tapis persan, vêtements chamarrés, dentelles et bas nylon ouvragés. Si bien que la « vérité » des corps nus lutte, se débat en quelque sorte dans un océan décoratif, dont elle parvient à s’extirper grâce à une formidable tension érotique.

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