Châteaux et cités fortifiés. Les apports des nouvelles connaissances à la notion d'authenticité

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À travers des exemples issus du monde entier, depuis le Liban, jusqu’à l’Algérie en passant par la Grèce, le Japon ou la Corée, le présent colloque interroge cette notion complexe d’authenticité, appliquée ici au champ du patrimoine architectural, de la fortification et de la castellologie. Organisé dans le cadre de la candidature au patrimoine mondial de l’Unesco de « la Cité de Carcassonne et ses châteaux sentinelles de montagne », l’événement présente les modèles de préservation mis en œuvre sur d’autres biens culturels. Il propose une lecture comparative des choix et des pratiques effectués sur des sites patrimoniaux d’exception, notamment à travers le prisme des règles internationales de l’authenticité. Sous la présidence de Nicolas Faucherre, professeur d’histoire de l’art et d’archéologie médiévales, université d’Aix-Marseille (France), représentant du comité scientifique du colloque

ISBN 978-2-86266-790-4

Photographie de couverture © Vincent Antech

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29 €

www.loubatieres.fr

Contributions scientifiques : Philippe Bragard, professeur d’histoire de l’architecture et de l’urbanisme, université catholique de Louvain (Belgique), expert Icomos pour le patrimoine mondial, secrétaire général d’Icofort ; Isik Aydemir, doyen honoraire de la faculté d’architecture de l’université technique de Yildiz à Istanbul (Turquie) ; Jean Yasmine, architecte, docteur en archéologie, enseignant à l’université libanaise à Beyrouth (Liban) ; Katerina Manousou-Ntella, architecte des monuments historiques au ministère de la Culture (Grèce) ; Demetrios Athanasoulis, directeur de l’éphorie des antiquités des Cyclades, ministère de la Culture hellénique (Grèce) ; Romuald Casier, doctorant en histoire de l’art et archéologie, université catholique de Louvain (Belgique) ; Lucien Bayrou, docteur en histoire de l’art, architecte honoraire (France) ; Marie-Élise Gardel, docteure en histoire, archéologue médiéviste (France) ; Laure Barthet, conservatrice du musée Saint-Raymond à Toulouse (France) ; Michel Sabatier, vice-président du Grame (Groupe de recherches archéologiques de Montségur et environs) (France) ; Judicaël de la Soudière-Niault, architecte du patrimoine (France) ; Lucas Monsaingeon, architecte, atelier d’architecture Philippe Prost/aapp (France) ; Cipriano Marin, secrétaire général du centre Unesco des Canaries (Espagne) ; Juan Antonio Belmonte, professeur de recherche, vice-président de la IAU cc4 ‘patrimoine mondial et astronomie’, conseiller scientifique de la candidature, Instituto de astrofísica de Canarias (Espagne) ; José de León Hernández, directeur de la candidature, inspecteur du patrimoine historique, Cabildo de Gran Canaria (Espagne) ; José Guillén Medina, inspecteur du patrimoine historique, Cabildo de Gran Canaria (Espagne) ; Semina An, doctorant à l’institut de recherche en histoire des techniques et archéologie industrielle de l’École des mines de Freiberg (Allemagne) ; Hiroko Yamane, professeur de droit économique international, graduate Institute for policy studies (Grips) à Tokyo, conseiller special d’Hikone (Japon) ; Samia Chergui, maître de conférences en histoire de l’art, université de Blida (Algérie) ; Safia Benselama-Messikh, maître de conférences en archéologie, université de Blida (Algérie) ; Maryline Martin, présidente-directrice générale de Guédelon (France) ; Florian Renucci, maître d’œuvre à Guédelon (France) ; Stéphane Gautier, chef du service conservation du patrimoine à la ville de Vitré (France) ; Vincent Ory, doctorant, université d’Aix-Marseille (France) ; Michel Cotte, professeur émérite, université de Nantes (France) et Icomos international

Châteaux et cités fortifiés

Que recouvre la notion d’authenticité selon les pays ? Quelle fonction attribuer aux anciennes forteresses militaires ? Faut-il restaurer les monuments ? Selon quelle(s) technique(s) et avec quels matériaux ? Entre interprétation, réinvention, cristallisation, reconstruction à l’identique… les points de vue et les partis pris divergent selon les cultures nationales, les sensibilités et les époques.

Colloque international

Châteaux et cités fortifiés Les apports des nouvelles connaissances à la notion d’authenticité

Association Mission Patrimoine Mondial

I

éditions LOUBATIÈRES

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séance inaugurale

table des matières partie iii

Exemples de systèmes fortifiés en Extrême-Orient

séance inaugurale Introduction du président André Viola

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Introduction de Nicolas Faucherre

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Que faire des châteaux et des forteresses en ruine ? Réflexions autour de l’authenticité par Philippe Bragard 12 partie i

Katerina Manousou-Ntella – L’ensemble monumental des fortifications médiévales de la ville de Rhodes Demetrios Athanasoulis – Projets de recherche et de restauration des châteaux du Péloponnèse (2000-2015) : évaluation Romuald Casier – Les tours littorales de Corse (1530-2018) : Transformation, restauration, reconversion « entre authenticité et métamorphose »

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Vincent Ory – Patrimoine architectural et problème d’authenticité en Turquie : l’exemple de l’enceinte urbaine de Diyarbarkır

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Isik Aydemir – Les problèmes d’authenticité des murailles de Théodose II d’Istanbul

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Samia Chergui et Safia Benselama-Messikh – À la découverte de l’authentique première muraille de la citadelle d’Alger

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Safia Benselama-Messikh – Reconnaissance de Burj Hamza, fortin ottoman de l’arrière-pays algérois – Authenticité 202 entre archives graphiques et traces archéologiques partie v

Fortifier et contrôler un territoire

Autres exemples de gestion de sites et systèmes fortifiés en France : l’authenticité des monuments actuels 92

Marie-Élise Gardel – Les châteaux de Lastours (Aude, France) : une authenticité de fonction sans ambiguïté

104

Laure Barthet et Michel Sabatier – Montségur et la notion d’authenticité

118

Cipriano Marin et al. – Risco Caído et les montagnes sacrées de Gran Canaria : valeur, authenticité et politique de préservation d’un refuge de montagne amazigh

Hiroko Yamane – Authenticité du patrimoine culturel : les châteaux fortifiés de l’époque Edo au Japon et le Hikone-jo

Les fortifications du monde méditerranéen (2)

partie ii

Nicolas Faucherre – Une notion évolutive : l’authenticité de la Cité de Carcassonne et de ses « cinq fils », châteaux sentinelles de montagne

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partie iv

Les fortifications du monde méditerranéen (1) Jean Yasmine – Le château du Beaufort – Qalaat Ach-Chaqif Conservation, restauration, reconstruction

Semina An – État actuel de la conservation et de la gestion de l’authenticité de Namhansanseong

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Judicaël de la Soudière-Niault – Le château du Haut-Kœnigsbourg (Alsace) : Retour après un siècle d’une critique surmédiatisée – témoin de l’évolution de la notion d’authenticité

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Lucas Monsaingeon – Les cas d’étude des citadelles de Lille et d’Ajaccio : pour une approche diachronique des sites fortifiés

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Maryline Martin et Florian Renucci – Guédelon : une aventure médiévale contemporaine

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Stéphane Gautier – Le Château de Vitré, entre ruine et reconstruction

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Conclusion de Michel Cotte

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partie I

Les fortifications du monde méditerranéen (1)

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Jean Yasmine – Le château du Beaufort – Qalaat Ach-Chaqif Conservation, restauration, reconstruction

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Katerina Manousou-Della – L’ensemble monumental des fortifications médiévales de la ville de Rhodes

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Demetrios Athanasoulis – Projets de recherche et de restauration des châteaux du Péloponnèse (2000-215) : évaluation

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Romuald Casier – Les tours littorales de Corse (1530-2018) : Transformation, restauration, reconversion « entre authenticité et métamorphose »

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les fortifications du monde méditerranéen (1)

les tours littorales de Corse (1530-2018) : transformation, restauration, reconversion « entre authenticité et métamorphose » Romuald CASIER 1

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les tours littorales de corse

Romuald Casier 2 les tours littorales de Corse regroupent quatre-vingt-dix édifices de défense, érigés entre 1530 et 1620 dans le but de contrer les incessantes attaques barbaresques. Dès l’origine, ce patrimoine sériel développe une forte diversité architecturale, renforcée aux cours des siècles par l’expression de convoitises utilitaires, mémorielles ou pittoresques. Aujourd’hui au cœur de vastes programmes de valorisation, les tours littorales continuent leur progressive métamorphose, cherchant à répondre aux enjeux de notre temps, tout en conservant leur authenticité. Ce corpus architectural offre ainsi un vaste champ d’observation, capable de décliner les critères d’authenticité autour d’un même modèle, tout en favorisant le développement d’une analyse critique par de nouvelles expériences de terrain.

La déclinaison des « critères » d’authenticité autour d’un même modèle De manière générale ces ouvrages, connus sous le nom de tours génoises, semblent respecter la superposition archétypale d’une base en glacis, d’une porte sur cordon, d’un fût généralement circulaire et d’un couronnement à mâchicoulis. Néanmoins, malgré cette ressemblance apparente, chacune des tours présente des singularités recensées sur des éléments inhérents à l’ouvrage, et par conséquent conçues dès la construction. Il est dès lors intéressant d’établir un parallélisme entre les facteurs responsables de cette diversité et les critères d’authenticité tels que définis par la charte Nara en 1994. En effet, les uns et les autres ont en commun la déclinaison des quatre fondamentaux que sont la matière, la forme, la fonction et l’environnent.

1. Doctorant en Histoire, Histoire de l’art et Archéologie à l’UCL de Louvain (Belgique) en cotutelle avec l’Université d’Aix-Marseille. 75

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les fortifications du monde méditerranéen (1)

Fig. 1. Synthèse schématique des implantations géographiques et topographiques des tours littorales. Dressée en 2016 par Romuald Casier. (Étude architecturale, urbaine, paysagère et archéologique des tours génoises de Corse, DRAC, Ajaccio).

L’environnement des tours génoises s’appréhende différemment, selon que l’on observe l’inscription de l’ouvrage dans le paysage naturel ou sa position stratégique dans le territoire. La Corse offre un panorama très contrasté, issu du découpage de la ligne côtière et de la variation des profils du terrain. Il en découle plusieurs combinaisons d’implantation, d’une part en avancée, en front ou en retrait sur la mer, et d’autre part en pied, en flanc ou en sommet de relief (fig. 1). L’éventualité d’un réseau de défense interconnecté permet de distinguer diverses relations avec le grand territoire. Si certaines tours semblent développer une répartition strictement linéaire sur le littoral, d’autres développeraient une organisation concentrique autour d’une citadelle, ou encore une co-visibilité rayonnante vers les villages d’intérieur des terres. La fonction, confiée aux tours littorales, offre également une déclinaison de cas directement traduite par l’agencement architectural et défensif des ouvrages (fig. 2). Certaines tours semblent développer une défense dite « active », c’est-à-dire qui témoigne de comportements,

méthodes et équipements visant à supprimer ou réduire l’efficacité d’une attaque ennemie et incluant l’utilisation d’armes. Pour cette position militaire, il s’agit de participer à une stratégie défensive à longue portée, voire à de réelles attaques contre les invasions barbares. D’autres tours regroupent les caractéristiques d’une défense dite « passive », c’est-à-dire vouée exclusivement à l’information, à la détection et à l’aménagement de lieux permettant d’empêcher ou de retarder toute intrusion. Il pourrait alors s’agir de postes de surveillance, voire dans certains cas de refuges pour la population des marines. Des cas plus isolés traduisent par ailleurs une défense préventive par « vigie ». En effet, la faible démographie de la Corse au xvie siècle, sous-entend l’existence de vastes étendues désertifiées, au sein desquelles l’implantation de tours relais pourrait garantir une communication à l’échelle insulaire, et ainsi élargir le champ d’observation de ce corpus architectural. La forme des tours, bien que respectueuse d’un seul archétype, offre une infinité de variations obtenues par les jeux de proportions architecturales et l’apport de certains détails architectoniques (fig. 3). La perception générale de l’ouvrage est directement induite par le diamètre du fût (15 mètres à Campomoro contre 7,40 mètres à Diane), la hauteur de l’élévation (14,77 mètres à Santa-Maria et 11,27 mètres à Olmeta), mais aussi l’organisation des ouvertures sur un ou deux niveaux habitables. La largeur du cordon, le profil des consoles et la présence de mâchicoulis ou de bretèches renforcent cette diversité physionomique. Le plan général lui-même s’adapte à une configuration circulaire ou carrée (sur environ 10 % du corpus), sans qu’il puisse être mis en évidence une quelconque logique géographique ou chronologique dans la répartition et la diversité de ces ouvrages.

Fig. 2. Comparaison des dispositions militaires des tours de Miomo, Albo et Fautea. Plans dressés en 201418 par Romuald Casier. (Études de diagnostics dans le cadre de maîtrises d’œuvre, Collectivité de Corse, Ajaccio).

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les tours littorales de corse

Fig. 3. Mise en évidence de la diversité des proportions architecturales sur 8 tours littorales de Corse. Dessins issus de relevés photogrammétriques effectués en 2018 par Romuald Casier et Quentin Burton. (Étude doctorale, co-tutelle entre l’UCL et AixMarseille).

La matière, rendue particulièrement visible par le processus naturel de ruinification des vestiges, témoigne non seulement d’une grande diversité dans le choix des matériaux, mais aussi dans celui des techniques de mise en œuvre. L’utilisation de schistes, de grès, ou encore de calcaires se décline à son tour par la recherche d’un appareillage plus ou moins régulier, d’une maçonnerie homogène ou mixte, d’une pose au mortier ou à pierresèche. La diversité visuelle, confiée par la matière, décline ainsi une riche palette chromatique, issue du contexte géologique local (fig. 4). À titre d’exemple la tour de Caldano, située sur la commune de Lumio, est construite directement dans la zone d’exploitation d’une carrière de pierre, attestée par de nombreuses veines d’extraction

aux abords immédiats de l’édifice. La matérialité perceptible aujourd’hui sur l’ensemble des tours se distingue de l’état originel par la disparition quasi totale des enduits couvrants. L’état actuel des connaissances ne nous permet pas de certifier la couleur de finition de ces enduits, obtenus par l’application en trois couches d’un mélange de chaux, de sable et de galets concassés. Néanmoins une approche pragmatique pourrait plaider en faveur d’une variété des teintes d’enduits, comparable à celle des pierres du gros œuvre, non seulement par l’utilisation des matériaux disponibles à portée de main, mais aussi par la volonté stratégique de confondre l’édifice à son environnement.

Fig. 4. Palette d’échantillons des matériaux mis en œuvre sur 8 tours littorales. Photographies prises en 2018 par Romuald Casier.

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partie Ii

Fortifier et contrôler un territoire Nicolas Faucherre – Une notion évolutive : l’authenticité de la Cité de Carcassonne et de ses « cinq fils », châteaux sentinelles de montagne

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Marie-Élise Gardel – Les châteaux de Lastours (Aude, France) : une authenticité de fonction sans ambiguïté

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Laure Barthet et Michel Sabatier – Montségur et la notion d’authenticité

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Cipriano Marin et al. – Risco Caído et les montagnes sacrées de Gran Canaria : valeur, authenticité et politique de préservation d’un refuge de montagne amazigh

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fortifier et contrôler un territoire

une notion évolutive : l’authenticité de la Cité de Carcassonne et de ses « cinq fils », châteaux sentinelles de montagne Nicolas FAUCHERRE 1

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une notion évolutive : l’authenticité de la cité de carcassonne et de ses « cinq fils »

Nicolas Faucherre 4 l’authenticité des huit forteresses du Languedoc oriental que nous avons à considérer repose d’abord sur leur unité conceptuelle. En effet, le choix des sites de la candidature de « la Cité de Carcassonne et ses châteaux sentinelles de montagne » (titre de la candidature pour le patrimoine mondial comme bien culturel en série) s’est porté sur un ensemble de forteresses royales construites après la croisade albigeoise en régie directe capétienne. Toutes appliquent à des sites escarpés les principes de défense active et de plan régulier à tours de flanquement circulaires initiés par le roi Philippe Auguste en Île-de-France et en Normandie dans les années 120052. Les huit forteresses composant le bien en série présentent donc une grande homogénéité dans leurs dispositifs défensifs et leurs détails d’exécution, preuves de chantiers concomitants réalisés en trois générations – circa 12401310 sous les règnes de Saint Louis, de Philippe le Hardi et de Philippe le Bel – par les mêmes équipes dirigées par des architectes directement issus du milieu royal d’Île-de-France63. C’est donc cette authenticité commune à l’ensemble des sites qui fait d’abord la force de la série. À partir du traité de Corbeil (1258) – qui fixe pour quatre siècles, jusqu’au traité des Pyrénées (1659), la frontière entre France et Aragon, puis Espagne –, la conception, la construction et l’entretien des bâtiments appartenant au roi sont assurés par deux officiers royaux, maîtres des œuvres du roi en la sénéchaussée de Carcassonne, le « maître maçon » et le « maître charpentier », ce dernier s’occupant en outre de l’arsenal de la Cité, assistés par un « clerc des œuvres » pour les tâches administratives. L’unité conceptuelle des forteresses tient

1. Professeur d’histoire de l’art et d’archéologie médiévales, Université d’Aix-Marseille/ LA3M (France). 2. Cf. introduction générale. Ma gratitude va à Lucien Bayrou et Marie-Élise Gardel pour les échanges fructueux autour de ces monuments qu’ils incarnent depuis de nombreuses années. 3. Comme le montre Marie-Élise Gardel, dans ces sites souvent vertigineux et donc complexes à occuper, l’unité conceptuelle repose sur « les murs boucliers ou en éperon, les tours maîtresses autonomes protégeant les entrées ou les points faibles, les flanquements qui se multiplient au cours du siècle et les archères qui se perfectionnent – passant de la simple fente à l’étrier, à la bêche puis à la rame –, la circulation qui se fluidifie sur les chemins de ronde… » ; cf. M.-É. Gardel, La Cité de Carcassonne et ses châteaux sentinelles de montagne : éléments de comparaison (vers 1240-vers 1300), PCR « Carcassonne : étude, relevé et datation des fortifications de la Cité de Carcassonne », 163 p., à paraître, Conseil départemental de l’Aude. 93

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fortifier et contrôler un territoire

Fig. 10. Le château de Peyrepertuse vu du nord-ouest, au loin, Quéribus. Photo : Philippe Benoist.

(l’ascenseur jusqu’au château a été refusé compte tenu de son impact paysager), contraintes de sécurité par gardecorps et escaliers d’accès et de circulation sécurisés ; la création de belvédères s’est faite en lien avec le développement d’un tourisme vert associant nature et culture. Dans la conception des garde-corps, chaque génération a apporté sa culture et son expérience : menuiserie métallique jusqu’à la fin du xxe siècle, puis assemblages bois en raison des risques importants d’impacts de foudre, mais sans créer d’équivoque avec les palis et hourdages originels, enfin création de parapets en moellon.

Fig. 11. Peyrepertuse, vieux logis, fenêtre non documentée sur la porte à droite ; photo Lucien Bayrou, circa 1970. Fig. 12. Peyrepertuse, chemin de ronde rétabli sur une courtine ; photo Lucien Bayrou.

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une notion évolutive : l’authenticité de la cité de carcassonne et de ses « cinq fils »

Le site présente donc une succession visible d’interventions reflétant l’évolution des théories de restauration mises en œuvre au cours des temps, mais qui perturbe parfois la lecture des phases du bâti. Ainsi, la fouille fructueuse de la chapelle Notre-Dame a justifié la stabilisation des maçonneries et le rejointoiement des parements, qui ont partiellement édulcoré la lecture des phases constructives et des surélévations, comme au roc Sant-Jordi. Mais surtout, dans les années 1970, l’architecte en chef des monuments historiques Hermitte a inventé une fenêtre au droit de l’assommoir de la poterne ouest du DonjonVieux, tandis que dans les années 2000, l’architecte des bâtiments de France Chauve a comblé à mi-hauteur les archères à niche de la courtine nord (fig. 11). Depuis lors, la réfection des dalles de chemin de ronde et des consoles assurant son débord sur cour a créé une linéarité horizontale des couronnements qui édulcore la magie de la ruine dentelée, alors même qu’elle n’est pas faite pour faire circuler du public (fig. 12). En somme, si l’on n’y prend pas garde, l’authenticité du site risque de s’étioler petit à petit du fait de ces interventions hétérogènes et peu discrètes.

Puilaurens Deux sources citées par Lucien Bayrou aident à cerner la chronologie du chantier royal, qui n’a rien laissé subsister d’une probable occupation antérieure. En août 1255, Louis IX ordonne de l’évacuer et de le fortifier. Dans l’inventaire de 1263, la mention d’outils d’extraction : « quatre coins en fer pour fendre la pierre, une masse en fer pour casser la pierre, cinq pinces en fer, un pic, […] une pioche », ce qui suggère des travaux en cours. Des travaux d’entretien sont signalés dans la basse-cour aux xvie-xviie siècles, tant pour les armes à feu que pour la garnison dans le logis. À 697 mètres d’altitude, le château constitue un repère visuel impressionnant aux portes du Fenouillèdes, se dressant au milieu d’une forêt de sapins récente (fig. 13) sur un éperon rocheux dominant la vallée de la Boulzane et les villages de Lapradelle et Puilaurens. Utilisant au mieux la topographie contrainte à deux pitons escarpés dans lesquels sont sertis basse-cour et réduit, le concepteur a stabilisé la faille d’éboulis entre eux pour en

Fig. 13. Le château de Puilaurens vu du nord. Photo : Philippe Benoist.

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partie Iii

Exemples de systèmes fortifiés en Extrême-Orient

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Semina An – État actuel de la conservation et de la gestion de l’authenticité de Namhansanseong

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Hiroko Yamane – Authenticité du patrimoine culturel : les châteaux fortifiés de l’époque Edo au Japon et le Hikone-jo

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exemples de systèmes fortifiés en extrême-orient

authenticité du patrimoine culturel : les châteaux fortifiés de l’époque Edo au Japon et le Hikone-jo Hiroko YAMANE 1

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authenticité du patrimoine culturel : les châteaux fortifiés de l’époque edo au japon et le hikone-jo

Hiroko Yamane 3 le réseau de châteaux de l’époque Edo est né de la politique menée par le gouvernement de Tokugawa (bakufu) qui visait à créer et renforcer un ordre social favorable à son autorité politique, gouvernement qui vécut en paix pendant toute l’époque Edo, de 1603 à 1868. Environ 180 châteaux forts furent construits ou rénovés sous l’initiative Tokugawa, et la plupart d’entre eux furent bâtis rapidement au cours de la première moitié du xviie siècle. Un grand nombre de samouraïs42 et de citoyens ordinaires s’installèrent au sein d’un sōgamae : l’enceinte défensive extérieure. Un « château » typique de l’époque Edo comprend, au sein de son sōgamae, un espace central entouré par la première douve, et le jōka, composé de temples, une zone résidentielle pour les marchands et les artisans située à l’extérieur de la deuxième douve. Sur 180 villes fortifiées, environ 100 disposaient en leur centre d’un donjon en bois (tenshu) ceint de tourelles, de palais seigneuriaux et de jardins. Les habitations de la classe supérieure des samouraïs se trouvaient juste en périphérie du centre. L’établissement de ces châteaux forts avec jōka a permis de mettre fin au conflit médiéval qui perdurait depuis plus de cent ans. Des départs de feux ou de violentes tempêtes détruisirent de nombreux donjons au cours de l’époque Edo, notamment ceux d’Edo et d’Osaka. Pendant l’ère Meiji (1868-1912) qui a suivi et au cours de la Seconde Guerre mondiale, de nombreux autres donjons furent détruits et remplacés par des constructions modernes. Au fil du temps, de nombreuses villes fortifiées établies au cours de l’époque Edo furent rénovées et modernisées pour servir principalement de chef-lieu ou de base militaire.

1. Conseiller spécial, ville de Hikone. Je remercie MM. S. Fukaya et J. Mio du département des biens culturels et du conseil de l’éducation de Hikone pour leurs contributions à une version antérieure du présent document. Les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement la position ou politique officielle des organisations susmentionnées. 2. Les samouraïs, classes de guerriers au Japon, étaient à l’origine sous la protection de l’Empereur et des nobles de Kyoto. Ils étendirent progressivement leur influence en réprimant des soulèvements armés au sein d’une société politiquement divisée, et devinrent des chefs provinciaux. En conséquence, les conflits entre les temples, les nobles et les samouraïs liés à la répartition des ressources terrestres, paysannes et agricoles se multiplièrent. 157

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exemples de systèmes fortifiés en extrême-orient

Sur pas moins de 100 donjons en bois construits pendant la période Edo, seuls 12 n’ont pas été détruits au cours des différentes périodes de l’histoire et conservent, de nos jours, différents degrés d’authenticité. Sur ces 12 donjons, 5 sont considérés comme des trésors nationaux, et notamment celui de Hikone 3. De nos jours, à Hikone, le schéma urbain et les constructions caractéristiques des châteaux de l’époque Edo restent perceptibles et peuvent être révélés par plusieurs indices. Hikone renferme tous les éléments caractéristiques d’un château Edo construit au début du xviie siècle. Le présent document montre à quel point les caractéristiques particulières des châteaux de l’époque Edo ont été bien préservées à Hikone, en particulier les structures et fonctions urbaines attestées par les monuments archéologiques et les travaux architecturaux. L’authenticité du château de Hikone est toutefois difficile à attester. Les récents développements de la ville n’ont pas permis de conserver l’enceinte de la ville fortifiée dans son intégralité. Son authenticité a par conséquent été altérée à de nombreux endroits par des constructions récentes, et ce, en particulier, pour certains sites architecturaux. Toutefois, il est possible de retracer le découpage du territoire formant le jōka grâce aux douves, aux murs en pierre, aux monticules et au machiwari, ou à la disposition des routes ; des éléments qui ont été préservés et restent identifiables encore aujourd’hui. Les habitations des marchands et artisans et les temples reflètent le caractère particulier du jōka d’origine, et ce même si les maisons des marchands et artisans n’ont généralement pas été construites au début de la période Edo. Nous allons donc examiner l’authenticité du Hikonejō en tant que château typique de la période Edo, et ce, non seulement conformément aux normes juridiques japonaises reposant sur la loi sur la protection des biens culturels promulguée en 1950, mais aussi à la lumière du Document de Nara sur l’authenticité élaboré lors de la conférence de Nara de novembre 1994.

3. Le Hikone-jō (château) a été inscrit sur la liste indicative de l’Unesco en 1992 : https://whc.unesco.org/en/tentativelists/374/

Château de Hikone Configuration du château de Hikone Les caractéristiques structurelles des villes fortifiées de l’époque Edo sont les suivantes : présence d’un sōgamae, enceinte extérieure d’une forteresse qui renferme la population principale ; configuration réfléchie et innovante de la route politique principale et perpendiculaire ainsi que des routes parallèles pour la distribution logistique ; découpage du territoire ; utilisation efficace et économique des terres, notamment de l’eau ; et posture plutôt de laisser-faire concernant les mouvements de marchandises. Le tenshu (donjon) de Hikone-jō (château) 4 est situé sur une colline qui surplombe le lac Biwa. Le logis seigneurial se trouve au cœur de l’espace intérieur et « utilise au mieux la formation géographique naturelle de la colline ». Le centre du château est protégé par des tourelles et des portes et est entouré de douves et d’espaces extérieurs. La superficie des châteaux de l’époque Edo s’étendait sur tout le jōka ou un peu au-delà des espaces extérieurs. La structure du château, son enceinte, ses ouvrages publics et terrestres tels que les fossés ou douves et les routes étaient construits tout d’abord à des fins défensives.

L’espace central C’est dans l’espace central protégé par la première douve que se trouvaient le tenshu, les tourelles, les palais et les logis seigneuriaux. Le palais principal servait surtout de bâtiment dédié à la prise de décisions politiques. Attenants aux logis seigneuriaux, se trouvaient les équipements culturels tels que les jardins intérieurs, les théâtres noh et les maisons pour la cérémonie du thé. Côté lac, juste à l’extérieur de la douve intérieure et à l’est des logis seigneuriaux, se trouvaient les jardins Genkyu-en et Rakuraku-en. Au sein de la deuxième ceinture, à l’intérieur de la deuxième douve et principalement côté sud de l’espace central, les habitations des samouraïs de haut rang formaient aussi une ceinture concentrique. Comprises entre la deuxième et la troisième douve, se trouvaient les habitations des samouraïs de classe inférieure, des marchands et des artisans, ainsi que des temples. Des sanctuaires et temples importants relatifs à la famille Ii ou au château de Hikone ont également été retrouvés à 4. Le concept du Hikone-jō (château) sert de titre à la liste ci-dessous et comprend un vaste espace qui entoure le centre du château dans un cadre naturel.

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authenticité du patrimoine culturel : les châteaux fortifiés de l’époque edo au japon et le hikone-jo

Fig. 1. Hikone Tenshu, Fig. 2. Nishinomaru tourelle triple, Fig. 3. Tenbin (échelle) tourelle, Département de gestion des biens culturels, conseil de l’éducation de Hikone

la périphérie est de la zone urbaine, au pied des collines du Sawayama-jō.

Le bakufu de Tokugawa contrôlait étroitement la circulation et l’établissement des personnes, mais prônait une approche relativement libérale concernant la circulation des marchandises. L’économie de Tokugawa était fortement physiocratique. Pour contribuer au bon fonctionnement de l’économie unifiée de Tokugawa, transporter les matériaux lourds, récoltes et marchandises en empruntant les voies navigables naturelles (fleuves, lacs et océan) constituait l’approche la plus efficace et la moins chère.

bakufu de Tokugawa, presque au même moment que les châteaux de Zeze, Tamba Sasayama, Himeji et Iga Ueno, dans le but d’assurer la défense de la famille Tokugawa. La construction du tenshu de Hikone (donjon et probablement symbole d’autorité de la famille Tokugawa) débuta en 1604, peu de temps après la bataille de Sekigahara. Tokugawa Ieyasu concéda à Ii Naomasa le Hikone-han (domaine) et le Sawayama-jō (château), lieux situés dans un emplacement stratégique à la frontière des régions orientales et occidentales du Japon, notamment d’Osaka où la famille Toyotomi régnait jusqu’à sa défaite définitive en 1615. Il s’agissait également d’un lieu stratégique pour protéger la ville de Kyoto, lieu de résidence de l’Empereur. Le château fut directement construit par le bakufu, appelé tenkahushin, tout comme une vingtaine d’autres châteaux. La construction du tenshu de Hikone s’acheva en 1606. Compte tenu des tensions militaires qui perdurèrent jusqu’en 1615, le château conserva certains éléments stratégiques caractéristiques des anciens yamajiro (châteaux de montagne) (fig. 1, 2, 3).

Au début des années 1600, le château de Hikone fut l’un des premiers à être construit sous l’autorité du

Le lit de l’une des nombreuses rivières qui traversent Hikone, la rivière Serigawa, qui alimentait les marécages

Ces caractéristiques témoignent de l’évolution du sōgamae des châteaux de l’époque Edo, période au cours de laquelle trois chefs de guerre ont tenté d’unifier les territoires féodaux en guerre : Oda Nobunaga (15341582), Toyotomi Hideyoshi (1537-1598) et Tokugawa Ieyasu (1542-1616), qui finit par l’emporter.

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partie Iv

Les fortifications du monde méditerranéen (2)

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Vincent Ory – Patrimoine architectural et problème d’authenticité en Turquie : l’exemple de l’enceinte urbaine de Diyarbarkır

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Isik Aydemir – Les problèmes d’authenticité des murailles de Théodose II d’Istanbul

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Samia Chergui et Safia Benselama-Messikh – À la découverte de l’authentique première muraille de la citadelle d’Alger

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Safia Benselama-Messikh – Reconnaissance de Burj Hamza, fortin ottoman de l’arrière-pays algérois – Authenticité entre archives graphiques et traces archéologiques

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les fortifications du monde méditerranéen (2)

les problèmes d’authenticité des murailles de Théodose ii d’Istanbul Isik AYDEMIR 1

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les problèmes d’authenticité des murailles de théodose ii d’istanbul

Isik Aydemir 2

L’Histoire et la description des murailles La construction des murailles terrestres de Constantinople a commencé en 413 de notre ère, sur les ordres de l’empereur Théodose II. En quelques années, un ensemble massif de plus de 6 kilomètres de long fut édifié. La fortification de Constantinople, la plus grande actuellement conservée, a défendu avec succès la capitale pendant plus de mille ans. Ces murs qui, dans leur forme actuelle, datent du milieu du ve siècle, ont deux parties principales : les murailles terrestres, objet de la présente communication, et les murailles maritimes (fig. 1). Les murailles épousent le profil topographique dissymétrique de la péninsule historique et présentent donc deux versants opposés d’importance inégale : le versant le plus long, du côté de la mer de Marmara, allant de la mer du même nom à la porte d’Edirne, point culminant de la muraille (plus de 70 mètres d’altitude) d’une part, et le versant sur la Corne d’Or, plus « raide », compris entre la porte précédente et Ayvansaray d’autre part (fig. 2). Au fil des années, elles ont été remodelées et réaménagées, avec notamment la construction de palais, comme celui des Blachernes (du xiie siècle). Le dispositif défensif de ces murailles est composé d’une muraille principale de 4,80 mètres de large et de 11 à 14 mètres de hauteur, flanquée de 96 tours distantes de 50 à 75 mètres, et percée de dix portes principales et de quatre « poternes » et d’un avant-mur de 3,85 mètres de large, lui aussi flanqué de tours et précédé d’un fossé. Les maçonneries caractéristiques de l’époque byzantine présentent une alternance de bandes de briques rouges et de moellons de travertin et de pierres appareillées à sec (fig. 3).

Fig. 1. Plan extrait du « Routier de l’Archipel » de Buandelmonti vers 1420, Robert Mantran, Histoire d’Istanbul, Ligugé, Poitiers, 1996.

1. Doyen honoraire de la Faculté d’architecture de l’Université technique de Yildiz à Istanbul. 179

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les fortifications du monde méditerranéen (2)

Paysage et usage du monument et de ses environs jusqu’à nos jours Durant la période ottomane et malgré les opérations de dégagement de la muraille poursuivies depuis les années 1980, celle-ci abritait encore des habitants, clandestins pour la plupart, logés dans des conditions très variables, surtout sur le versant faisant face à la Corne d’Or et d’autres entre Edirnekapı et Topkapı, mais en nombre très limité. Aujourd’hui, cela n’est quasiment plus le cas. À l’extérieur et entre le mur principal et l’avant-mur donnant sur le versant maritime, on trouve encore des potagers très soignés (fig. 5). Cultivés avec un soin magnifique, notamment par le recours aux micro-compartiments pour stocker l’eau, ces activités agricoles qui datent du temps des Romains, sont énumérées dans un édit du code de Théodose datant de 422 (Livre VII.8.13).

Fig. 4. Akilas Milas, G. Stamatopulos, Kostantinopoli Anazitondas tin Vasilevusa, photos Lisa Evert, Dora Mihaçi, Marıa Fakali, Lusi Bracioti imprimeur, Athènes, 1990, p. 36.

les Avarsaux au viie siècles, puis par des Latins en 1204 et lors de la conquête ottomane en mai 1453. Après la conquête ottomane, les fortifications furent quand même maintenues en état de fonctionnement jusqu’aux premières années du xviiie siècle. Des réparations substantielles furent ainsi faites en 1509 et en 1635. Les dernières réparations majeures, qui ont impliqué la restauration de l’ensemble du tracé, ont été réalisées par Ahmet Ier entre 1722 et 1724. Mais avec le temps et les pillages des pierres, la muraille s’est affaissée et s’est par endroits effondrée. Finalement lors des percées faites pour ouvrir les voies de chemin de fer en 1870 et les axes routiers des années 1950 et 1960, les murailles furent petit à petit dégradées et délaissées (fig. 4). Depuis lors, grâce à la solidité de la structure originale et de ses diverses réparations (même si certaines sont contestables), la muraille a résisté dans son ensemble et la grande majorité des remparts est encore debout.

« Quelques années après l’achèvement du monument, cet édit nous renseigne sur la relation entre les murailles et son paysage environnant. En effet, le décret permet un usage privé des étages inférieurs de la paroi intérieure. Plus précisément, ces étages ont été conçus pour être utilisés par des propriétaires terriens qui pouvaient stocker à proximité leurs outils et produits agricoles. Les militaires, par conséquent, n’avaient pas accès à ces étages inférieurs. Les terrains à travers le système de défense devaient fonctionner comme des territoires agricoles pour alimenter la ville en produits agricoles. La nature du paysage autour des murailles est encore attestée par un texte byzantin appelé Geoponika (12.1) avec des sections composées déjà dans le vie siècle CE. Le texte fournit systématiquement des informations sur les végétaux plantés à différents moments de l’année ou cycles saisonniers. Pour la ville de Constantinople, le Geoponika, énumère une grande variété de salades vertes, endives, carottes, oignons et choux, entre autres. En plus de ces légumes apparaissent d’autres plantes d’un usage apparemment moins fréquent comme la moutarde ou le rave. Absents de ce texte sont les légumineuses, les olives, le millet et les aubergines pour ne citer que quelquesuns. Ce genre d’horticulture existe bel et bien à l’époque byzantine le long des murailles terrestres. Selon une étude réalisée par Koder et effectuée sur le texte des Geoponika, ces vergers développés à l’intérieur des murailles

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les problèmes d’authenticité des murailles de théodose ii d’istanbul

pour environ 2 ou 3 kilomètres carrés et dans un rayon de 2 kilomètres à l’extérieur de la ville, totalisaient une moyenne de 13 kilomètres carrés 3. » Ces potagers offrent un bel exemple d’ingéniosité, et assurent aussi un profit substantiel à leur exploitant et à la municipalité du Grand Istanbul qui loue les terrains. Extra-muros, en franchissant le fossé, un réseau routier aménagé dans les années 1950 suit les murailles de Théodose entre la mer de Marmara jusqu’à la Corne d’Or. Aux axes routiers s’ajoutent de vastes zones d’inhumations (plus de 60 hectares au total). À côté des tombes d’époque ottomane, des carrés confessionnels ont été établis (organisés, compartimentés de manière confessionnelle). Elles associent Musulmans, Ottomans, Arméniens, Grecs orthodoxes… Enfin dans la partie intra-muros, des micro-quartiers se sont formés en s’accolant contre l’enceinte principale. La présence de ces murailles se fait sentir en de nombreux lieux, de la topographie de la ville à la vie quoti-

dienne. En tant qu’architecture monumentale, elles sont visibles de la mer de Marmara, de la Corne d’Or et de la campagne de Thrace ; les murailles occupent une place très importante dans le paysage urbain et dans l’héritage architectural et historique de la ville (fig. 6).

Fig. 6. Akilas Milas, G. Stamatopulos, Kostantinopoli Anazitondas tin Vasilevusa, photos Lisa Evert, Dora Mihaçi, Marıa Fakali, Lusi Bracioti imprimeur, Athènes, 1990, p. 36.d’Istanbul.

Fig. 5. Photo aérienne des vergers. Municipalité de la grande ville.

3. Dr. A. Ricci, Intangible Cultural Heritage in Istanbul :

The Case of the Land Wall’s Byzantine Orchards, Anadolu Medeniyetleri Araştırma Merkezi, Koç Universitesi, 2008.

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partie v

Autres exemples de gestion de sites et systèmes fortifiés en France : l’authenticité des monuments actuels Judicaël de la Soudière-Niault – Le château du Haut-Kœnigsbourg (Alsace) : Retour après un siècle d’une critique surmédiatisée – témoin de l’évolution de la notion d’authenticité

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Lucas Monsaingeon – Les cas d’étude des citadelles de Lille et d’Ajaccio : pour une approche diachronique des sites fortifiés 230

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Maryline Martin et Florian Renucci – Guédelon : une aventure médiévale contemporaine

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Stéphane Gautier – Le Château de Vitré, entre ruine et reconstruction

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autres exemples de gestion de sites et systèmes fortifiés en france : l’authenticité des monuments actuels

Guédelon : une aventure médiévale contemporaine Maryline MARTIN 1 et Forian RENUCCI 2

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guédelon : une aventure médiévale contemporaine

Maryline Martin 1 et Florian Renucci 2 à l’heure où se multiplient des exemples de reconstruction de monuments disparus, l’église Sainte-Croix de Dresde, le Berliner Stadtschloss, château des rois de Prusse à Berlin, l’opéra de la Fenice de Venise, détruit par un incendie en 1996, qui a fait l’objet d’une reconstruction « com’era e dov’era » (comme il était et où il était) et jusqu’au fac-similé numérique reproduisant la grotte Chauvet, pourquoi construire aujourd’hui un château fort du xiiie  siècle ? Est-ce que le projet de Guédelon peut être comparé à un monument historique existant ou à un projet de reconstruction comme celui de la flèche de la basilique de Saint-Denis ? Le chantier de construction du château de Guédelon, après vingt ans de fonctionnement, est un exemple unique de chantier d’archéologie expérimentale dimensionné à l’échelle d’une architecture monumentale. Le projet de Guédelon, parce qu’il génère des fantasmes associés à l’image culturelle du « château fort » a souvent été perçu comme la création d’un « pastiche », occultant sa vraie nature de laboratoire des savoir-faire traditionnels de la construction, à ciel ouvert. Les documents de référence du Comité du patrimoine mondial ont défini une grille de lecture permettant d’évaluer les attitudes architecturales possibles en termes d’intervention ou de création liées au patrimoine. Un rappel épistémologique de l’archéologie expérimentale permettra de situer Guédelon dans cette typologie des possibilités architecturales. Toutes interrogent directement la notion d’authenticité. Nous présenterons ensuite les fondamentaux du projet de Guédelon avec des exemples de données inédites mises à jour, pour arriver à définir enfin Guédelon pour ce qu’il est, en le différentiant de ce qu’il n’est pas (fig. 1).

1. Présidente-directrice générale de Guédelon. 2. Maître d’œuvre à Guédelon. 245

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autres exemples de gestion de sites et systèmes fortifiés en france : l’authenticité des monuments actuels

Modes opératoires mis en évidence par le chantier L’économie de la pierre repose sur les choix d’aspect de taille.

Fig. 6. Rangs de réalignement de grès aspect broché éclaté

solive de 15 cm x 15 cm de 4 mètres de long est équarrie en 4 heures (temps compté en travail effectif) (fig. 5).

Calcaire et chaux Un partenariat avec l’INRAP a permis de réaliser chaque année depuis 2015 une expérimentation de fabrication de la chaux aérienne, à partir des données de fouilles de fours à chaux. Pour reconstituer toutes les étapes, un four à chaux est construit en pierres sèches à flanc de talus. En partie basse un alandier communique avec une chambre de cuisson circulaire. La coupole est formée par les pierres calcaires destinées à être calcinées, d’une contenance de 4 mètres cubes. Le retour d’expérience révèle l’enjeu de trouver d’abord une bonne pierre à chaux, le calcaire marbrier par exemple n’a pas donné des résultats satisfaisants, alors que les éclats de taille de calcaires mi-dur donnent un résultat optimal. Le positionnement des évents dans la coupole participe également à la réussite de la cuisson. La durée de cuisson est fondamentale. Pour 4 mètres cubes de pierre il faut quatre jours et trois nuits en continu, soit 1 mètre cube par 24 heures. Il faut souligner également le bénéfice de cuire avec un bois faisant de la flamme, fagots ou résineux, de façon à entretenir une colonne de flamme vive sans être obligé de débraiser. L’extinction de la chaux, une fois le four refroidi est spectaculaire : les blocs de calcaire jaunis immergés dans l’eau ont une réaction de fusion progressive qui atteint l’ébullition en une demi-heure. La chaux obtenue a une qualité exceptionnelle. Elle ne farine pas quand elle est utilisée en badigeons sur des enduits.

Au début du chantier, en 1999, la réalisation du talus de l’escarpe de la tour de la chapelle avait demandé toute la production des six tailleurs de la loge, sur toute la saison de sept mois. Nous avions adopté un aspect de finition broché pour les pierres de taille pour obtenir une surface parfaitement plane. La moyenne de production était de deux jours par pierre. Ce temps de travail, extrapolé sur l’ensemble des ouvrages en pierre de taille du château, faisait envisager une réalisation non en vingt-cinq ans mais en cinquante ans et plus ! La visite et l’analyse des parements taillés des escarpes des châteaux de Dourdan ou de Ratilly ont révélé un aspect beaucoup moins « fini » des pierres en utilisant le même outil : la broche. Dès lors a été adopté sur le grès taillé un aspect de taille « broché éclaté », qui a eu pour conséquence dès l’année suivante, la construction des quatre talus des tours de la façade sud du château sur une saison avec la même équipe. Le temps de taille avec les mêmes outils et les mêmes tailleurs avait été multiplié par quatre simplement par la décision du maître d’œuvre de modifier l’aspect de taille pour des raisons économiques. Cet aspect se caractérise par des sillons bosselés obliques ou verticaux ou par une surface régulièrement couverte d’éclats en cuillère. C’est un travail d’ébauche qui peut tenir lieu de finition pour des pierres rustiques. On le trouve sur les rangs de réalignement en grès et sur les chaînages d’angle. Dès lors les traces d’emboîtures présentes sur certains parements n’étaient plus gommées par la taille et nous avons eu la surprise de retrouver les mêmes traces d’emboîtures sur les parements des pierres de Dourdan et de Nesle-en-Dole ! L’expérimentation avait ainsi généré des traces matérielles comparables aux traces archéologiques, permettant d’une part de les repérer et d’autre part de proposer une justification économique déterminant ces choix (fig. 6).

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guédelon : une aventure médiévale contemporaine

L’apport du calcaire marbrier dans l’économie du chantier La réalisation du rez-de-chaussée du logis de 2002 à 2006 a multiplié la commande de pierres de taille avec des finitions lisses pour les feuillures de portes, fenêtres et cheminées. Confrontés à l’évolution des bancs de la carrière, devenant de plus en plus durs, et conscients que le choix du grès avait un impact sur le rendement des tailleurs de pierre, nous avons choisi d’opter pour le calcaire marbrier pour le programme des fenêtres géminées de l’étage. La réalisation de la première voûte à croisée d’ogives en 2002 au rez-de-chaussée de la tour de la chapelle avait montré la bonne tenue physico-chimique d’un calcaire marbrier, panaché au grès ferrugineux. Les bancs calcaires affleurent géologiquement au sud, sur la même commune de Treigny, à une heure de cheval de Guédelon. La conséquence de la substitution du grès par le calcaire a été un gain de productivité allant jusqu’à diviser par deux le temps de taille pour des jambages de baies. L’aspect de taille layé permet de « gommer » les coups de broches résultant de l’étape du dégrossi avec une rapidité bien supérieure que la finition brochée du grès. Ici encore, suivant les fonctions architecturales des ouvrages, il a été établi un éventail d’aspects de taille sur le calcaire : le broché éclaté, économique, donnant un aspect rustique, le broché layé, fonctionnel, et jusqu’au tout layé ostentatoire, gommant les impacts de brochage pour les croisées d’ogives et les cheminées.

Il faut remarquer que le choix de spécialiser l’usage de la pierre calcaire pour les ouvrages de pierre de taille en réservant le moellon de grès pour la tapisserie du mur est une des caractéristiques des cultures constructives des villages de Puisaye. Les églises de Saint-Sauveur-enPuisaye, Moutiers-en-Puisaye ou le prieuré fortifié de Diges sont les exemples éloquents du panachage des grès et des calcaires.

Fig. 7. Le programme des fenêtres géminées du logis

L’évolution des choix de mise en œuvre, motivés par la prise en considération du facteur humain : travailler mieux en se fatiguant moins a fait se raccorder l’esthétique du château à la substance des architectures locales (fig. 7).

La mise en œuvre des voûtes d’ogives Fig. 8. colonne de gauche : La clef de voûte est placée sur le cintre Fig. 9. ci-contre : Voûte en croisée d’ogives de la chapelle

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À travers des exemples issus du monde entier, depuis le Liban, jusqu’à l’Algérie en passant par la Grèce, le Japon ou la Corée, le présent colloque interroge cette notion complexe d’authenticité, appliquée ici au champ du patrimoine architectural, de la fortification et de la castellologie. Organisé dans le cadre de la candidature au patrimoine mondial de l’Unesco de « la Cité de Carcassonne et ses châteaux sentinelles de montagne », l’événement présente les modèles de préservation mis en œuvre sur d’autres biens culturels. Il propose une lecture comparative des choix et des pratiques effectués sur des sites patrimoniaux d’exception, notamment à travers le prisme des règles internationales de l’authenticité. Sous la présidence de Nicolas Faucherre, professeur d’histoire de l’art et d’archéologie médiévales, université d’Aix-Marseille (France), représentant du comité scientifique du colloque

ISBN 978-2-86266-790-4

Photographie de couverture © Vincent Antech

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29 €

www.loubatieres.fr

Contributions scientifiques : Philippe Bragard, professeur d’histoire de l’architecture et de l’urbanisme, université catholique de Louvain (Belgique), expert Icomos pour le patrimoine mondial, secrétaire général d’Icofort ; Isik Aydemir, doyen honoraire de la faculté d’architecture de l’université technique de Yildiz à Istanbul (Turquie) ; Jean Yasmine, architecte, docteur en archéologie, enseignant à l’université libanaise à Beyrouth (Liban) ; Katerina Manousou-Ntella, architecte des monuments historiques au ministère de la Culture (Grèce) ; Demetrios Athanasoulis, directeur de l’éphorie des antiquités des Cyclades, ministère de la Culture hellénique (Grèce) ; Romuald Casier, doctorant en histoire de l’art et archéologie, université catholique de Louvain (Belgique) ; Lucien Bayrou, docteur en histoire de l’art, architecte honoraire (France) ; Marie-Élise Gardel, docteure en histoire, archéologue médiéviste (France) ; Laure Barthet, conservatrice du musée Saint-Raymond à Toulouse (France) ; Michel Sabatier, vice-président du Grame (Groupe de recherches archéologiques de Montségur et environs) (France) ; Judicaël de la Soudière-Niault, architecte du patrimoine (France) ; Lucas Monsaingeon, architecte, atelier d’architecture Philippe Prost/aapp (France) ; Cipriano Marin, secrétaire général du centre Unesco des Canaries (Espagne) ; Juan Antonio Belmonte, professeur de recherche, vice-président de la IAU cc4 ‘patrimoine mondial et astronomie’, conseiller scientifique de la candidature, Instituto de astrofísica de Canarias (Espagne) ; José de León Hernández, directeur de la candidature, inspecteur du patrimoine historique, Cabildo de Gran Canaria (Espagne) ; José Guillén Medina, inspecteur du patrimoine historique, Cabildo de Gran Canaria (Espagne) ; Semina An, doctorant à l’institut de recherche en histoire des techniques et archéologie industrielle de l’École des mines de Freiberg (Allemagne) ; Hiroko Yamane, professeur de droit économique international, graduate Institute for policy studies (Grips) à Tokyo, conseiller special d’Hikone (Japon) ; Samia Chergui, maître de conférences en histoire de l’art, université de Blida (Algérie) ; Safia Benselama-Messikh, maître de conférences en archéologie, université de Blida (Algérie) ; Maryline Martin, présidente-directrice générale de Guédelon (France) ; Florian Renucci, maître d’œuvre à Guédelon (France) ; Stéphane Gautier, chef du service conservation du patrimoine à la ville de Vitré (France) ; Vincent Ory, doctorant, université d’Aix-Marseille (France) ; Michel Cotte, professeur émérite, université de Nantes (France) et Icomos international

Châteaux et cités fortifiés

Que recouvre la notion d’authenticité selon les pays ? Quelle fonction attribuer aux anciennes forteresses militaires ? Faut-il restaurer les monuments ? Selon quelle(s) technique(s) et avec quels matériaux ? Entre interprétation, réinvention, cristallisation, reconstruction à l’identique… les points de vue et les partis pris divergent selon les cultures nationales, les sensibilités et les époques.

Colloque international

Châteaux et cités fortifiés Les apports des nouvelles connaissances à la notion d’authenticité

Association Mission Patrimoine Mondial

I

éditions LOUBATIÈRES

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