Les Comtes de Foix des Pyrénées au trône de France

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ISBN : 978-2-86266-762-1

© Éditions Loubatières, 2022 Sarl Navidals 1, rue Désiré-Barbe F-31340www.loubatieres.frVillemur-sur-Tarn

les comtes de foix

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Ouvrage publié avec le soutien de la Région Occitanie Pyrénées Méditerranée du Département de l’Ariège et de la Ville de Foix

Des Pyrénées au trône De France xie-xvie siècle éditions loubatières

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claudine Pailhès lesdecomtesfoix

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Les citations en romain sont issues d’ouvrages contemporains.

Notes

Avertissement

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Les citations en italique sont issues de documents ou d’ouvrages anciens.

La liste des abréviations ainsi que les références complètes de l’intégralité des ouvrages et documents sources sont données en fin d’ouvrage. Dans les notes, les références documentaires et bibliographiques sont indiquées soit par leur abréviation, soit par leur titre ou leur titre abrégé.

Citations

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Introduction

Si certains comtes de Foix ont attiré sur eux l’intérêt, voire la passion, des historiens, l’histoire de la dynastie tout entière n’a jamais été faite. On est pourtant en présence d’une lignée hors du commun, qu’une trajectoire sans faille a mené des montagnes de haute Ariège au trône de France.L’histoire des comtes de Foix, ce sont six siècles d’une histoire intense. Une histoire tracée par une vingtaine de personnages que nous avons voulu suivre dans leur continuité dynastique, chacun prolongeant l’œuvre de son prédécesseur dans une montée en force de la puissance de leur maison et dans une expansion territoriale permanente.

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Ce qui n’exclut pas de se pencher sur chacun. Bernard, le fondateur, dans le lointain de l’histoire, dont on ne sait rien sinon qu’il fut assez puissant pour que ses filles épousent le roi d’Aragon et le roi de Navarre. Roger Ier, le premier à porter le titre comtal. Roger II, l’homme des violences envers l’Église mais aussi celui de la croisade d’Orient et des grandioses cérémonies de transfert de reliques dans les sanctuaires de son comté. Roger III qui épousa Chimène, petite-fille du grand Cid Campeador. Roger Bernard Ier qui octroya les premières coutumes. Raimond Roger, violent guerrier pilleur de la cathédrale d’Urgell mais familier du monde courtois des troubadours, tolérant envers l’hérésie cathare, meneur des troupes du comte de Toulouse contre les croisés de Montfort, acteur de débats théologiques et flamboyant défenseur de la cause languedocienne devant le pape lui-même. Roger Bernard II, le familier des champs de bataille mais aussi celui qui usa de l’arme poétique dans la lutte des princes méridionaux contre l’invasion de la croisade. Les grandes dames hérétiques de la maison de Foix, Esclarmonde qui débattait de théologie avec les prélats de l’Église de Rome, la comtesse Félipa, la comtesse Ermessinde, Esclarmonde d’Alion chantée par les troubadours. Roger IV, l’homme des bastides et des paréages, le protecteur solide des vaincus et des dépossédés. Roger Bernard III qui échangeait en vers avec le roi d’Aragon, qui mena une vie de défis permanents mais en sortit plus puissant que jamais, et la comtesse

Le propos de cet ouvrage est de nous attacher aux comtes de Foix en tant que comtes de Foix, c’est-à-dire, autant qu’à leur vie, à l’action qu’ils menèrent dans leur comté au temps où ils l’administraient du haut du roc de Foix comme au temps où ils le faisaient depuis leurs châteaux béarnais puis depuis le palais du Louvre. Mais on ne peut aborder ces personnages sans prendre en compte toute leur dimension et cela nous amène loin, très loin du petit pays pyrénéen. Si l’histoire des premiers comtes se confond avec celle de leur comté, très vite l’horizon de la famille s’élargit, débordant largement les montagnes des origines. Toujours présents au cœur des grands évènements de leur temps, mêlant les provocations téméraires, les risques calculés et le génie diplomatique condition de la survie, les comtes de Foix ont pris une place de premier plan dans l’histoire du Midi de la France et dans celle des

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Marguerite qui séduisit les rois et qui tint le Béarn, son pays, d’une main de fer. Gaston Ier et Gaston II, deux jeunes comtes brillants capitaines des armées royales, et leurs épouses, la scandaleuse Jeanne d’Artois et la sage Aliénor. Gaston Fébus, le prince que Jean Froissart tenait pour le plus beau et le plus brillant des princes d’Occident, administrateur et diplomate exceptionnel, mécène fastueux, écrivain lui-même mais entouré de drame et de mystère. Le comte Mathieu, prince catalan tourné vers la Méditerranée, la comtesse Isabelle et le grand Archambaud, balançant entre France et Angleterre. Le puissant comte Jean qui, en plein cœur de la guerre de Cent Ans, tint dans sa main avec ses quatre frères tout le Midi de la France, de l’océan au Rhône. Gaston IV, le prince munificent assis à la droite du roi de France lors de la séance d’ouverture des États généraux du royaume. La comtesse Éléonore qui ceignit la couronne de Navarre. La princesse Madeleine, fille et sœur de rois de France, qui sut défendre l’héritage de son fils François, prématurément disparu, puis de sa fille la reine Catherine. Catherine et Jean d’Albret somptueusement couronnés en la cathédrale de Pampelune avant de prendre les chemins de l’exil. Henri d’Albret, prince de la cour de France, compagnon d’armes de François Ier, revenu en gentilhomme campagnard au pied des Pyrénées. Marguerite de Navarre, « Marguerite des Marguerites », théologienne, poète et spirituel auteur de l’Heptaméron, familière des plus grands esprits de son temps. Jeanne d’Albret, princesse amoureuse avant de devenir l’austère et digne reine huguenote, et Antoine de Bourbon l’hésitant. Henri IV enfin, le roi béarnais, l’homme de guerre soucieux de la paix, celui qui sut imposer le principe de la tolérance d’État, celui qui reste à travers les siècles le plus connu et le plus aimé des rois de France.

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Pyrénées du nord comme dans celle des Pyrénées du sud, de la Catalogne à la Navarre. Bien plus, survivant à la croisade contre les Albigeois, à la guerre de Cent Ans puis aux guerres de Religion qu’ils ont abordées en meneurs et dont ils ne furent jamais les victimes, faisant de ce qui aurait pu causer leur perte l’instrument de leur puissance, ils devinrent des acteurs majeurs de l’histoire de leur temps en une avancée constante et sans faille qui les amena à la tête du plus grand domaine seigneurial du royaume, à la couronne de Navarre puis à la couronne de France.Encela, l’histoire des comtes de Foix, même centrée sur la terre originelle dont ils portèrent toujours le nom, et longtemps en premier, qu’ils administrèrent toujours directement et où ils vinrent puiser la part de sacré et de mythe qui grandissait leur dynastie, cette histoire appartient de façon évidente non seulement à l’histoire de France mais à celle aussi de l’Occident

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Le pays de Foix, c’est la vallée de l’Ariège, de sa source, aux confins de l’Andorre, à la plaine toulousaine.

LES ORIGINES

L E PA y S DE F OI x

Le pays de Foix est un petit pays pyrénéen, en grande partie montagnard, loin des grands centres de pouvoir, sans pôle urbain d’importance. Ni cadre d’une cité romaine, ni siège d’un diocèse chrétien, dans les premiers temps de l’histoire il ne fut qu’une petite partie d’un ensemble politique bien plus vaste. Une petite partie qui ne semble pas avoir eu d’existence identifiée au sein de cet ensemble avant d’en être démembrée pour être donnée à un cadet de famille comtale. Et encore, à ce moment-là, le « comté de Foix » n’est-il pas encore vraiment constitué : il s’agit de plusieurs petits territoires mis bout à bout pour faire un domaine convenable pour un fils de comte. Ce domaine va perdre à l’ouest, gagner puis reperdre à l’est avant de se stabiliser au xiiie siècle seulement dans ce qui sera ses limites définitives.

Pas d’ancienneté historique donc, pas d’unité géographique (le bas pays a longtemps eu des limites incertaines), pas d’encadrement religieux propre (il relève du grand diocèse de Toulouse avant d’être partagé entre plusieurs nouveaux diocèses au xive siècle)…

Et pourtant, le pays de Foix s’est forgé une identité, il a survécu à travers les siècles, il a même survécu beaucoup plus longtemps que ses puissants voisins. Cela, il le doit à une dynastie, cette dynastie qui le tient et qui connaît une trajectoire exceptionnelle à travers les tumultes de l’histoire.

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Plus bas, les Pré-Pyrénées sont une succession de crêtes et de sillons parallèles et étroits qui n’atteignent pas les 1 000 m d’altitude. Le chaînon le plus septentrional, le Plantaurel, « ferme » au nord la haute vallée de l’Ariège, ne laissant que le passage de la grande rivière par la cluse de Saint-Jean-de-Verges, tout près de Foix.

La haute vallée connaît un climat rude, le froid et l’humidité s’y conjuguent pour donner un enneigement tardif mais durable, qui peut se traduire en temps de redoux par de tragiques avalanches et, à la 1. M. Chevalier, La vie humaine dans les Pyrénées ariégeoises, p. 63-212 ; M. Sébastien, « Milieu naturel », dans Ariège, p. 185-231 ; F. Taillefer, L’Ariège et l’Andorre, pays pyrénéens.

Au pied des montagnes, le piémont est un vallonnement de collines traversées par les rivières de l’Arize, de la Lèze, de l’Hers. Au milieu, la large vallée de l’Ariège, rejointe par celle de l’Hers, constitue la plaine de Pamiers et annonce la plaine toulousaine.

La géographie 1

Plus au nord, s’étendent des chaînons parallèles, moins élevés, séparés entre eux et d’avec la haute chaîne par les vallées étroites : ce sont les massifs nord-pyrénéens de Tabe ou Saint-Barthélémy (2 368 m), des Trois-Seigneurs (2 199 m), de l’Arize (1 715 m).

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Les paysages se développent ici en zones successives de la montagne à la plaine. Au sud, la chaîne axiale des Pyrénées, la chaîne frontalière, offre les plus hauts sommets : le pic d’Estats, dans le massif du Montcalm, culmine à 3 143 m. Cette haute chaîne est à peine échancrée par des ports, toujours élevés. Le plus bas est le port du Puymorens (1 920 m) qui unit la vallée de l’Ariège à la Cerdagne : c’est la grande voie transfrontalière. Mais d’autres furent longtemps fréquentés : le port de Fontargente (2 262 m) entre la vallée de l’Aston et l’Andorre, le port de Siguer (2 396 m) entre la vallée de Siguer et l’Andorre, le port de Rat (2 540 m) entre le Vicdessos et l’Andorre, le port de Bouet (2 309 m) entre le Vicdessos et le Valferrer.

Comme dans toutes les Pyrénées, la percée principale est celle d’une vallée nord-sud, celle de l’Ariège. Mais il existe entre les trois zones de relief montagnard des passages qui ont toujours rendu possible les communications directes avec les autres bassins : le col de Port (1 250 m) entre Saurat et Massat, le port de l’Hers (1 567 m) entre Vicdessos et Aulus, le col de Marmare (1 360 m) entre le Tarasconnais et Prades, le col del Bouich (600 m) entre Foix et le Séronais, le « col » de Nalzen entre Foix et le pays d’Olmes. La haute Ariège est donc une zone de montagne assez bien pénétrable.

Les montagnes du pays de Foix, enfin, ont d’immenses ressources minières. « D’or, d’argent et de fer leurs intestins sont pleins » (Salluste du Bartas, 1585). La grande mine du Rancié, dans la vallée de Vicdessos, a alimenté en fer pendant des siècles toutes les Pyrénées. Mais dès le

Dans les Pré-Pyrénées, les fonds de vallée sont humides et verdoyants, les versants nord sont couverts de taillis de chênes et de châtaigniers tandis que sur les soulanes l’influence méditerranéenne amène garrigue et chênes verts. Depuis la fin du Moyen Âge, cultures et élevage coexistent là comme sur les coteaux septentrionaux, tandis que la plaine est entièrement cultivée. Mais ce n’est pas le cas au temps où naît le comté de Foix : forêts, ou plutôt taillis et landes, couvrent le pays, la mise en culture sera l’œuvre des défricheurs médiévaux.

La montagne est un château d’eau et elle alimente un abondant réseau hydrographique qui constitue le bassin de l’Ariège. Il y a de l’eau partout, c’est essentiel à l’agriculture, mais c’est aussi l’énergie, la seule connue, qui alimente les moulins et par eux toute l’activité industrielle.

13 fonte, par une forte torrentialité. C’est surtout sous l’effet du vent, sous forme de congères, que la neige peut faire obstacle à la circulation et les cols restent longtemps fermés. Au-delà du front pyrénéen par contre, l’influence méditerranéenne se fait vite sentir, donnant un temps relativement doux et, après les pluies de printemps, souvent très clair. Hivers doux mais générateurs de brouillards, printemps mouillés et étés secs caractérisent le bas pays.

Les immenses prairies d’altitude sont depuis toujours les « estives », le lieu du pâturage d’été, élément essentiel d’une civilisation pastorale. La forêt, elle, fournit le bois, pour la construction, le chauffage, la confection des outils ; elle fournit aussi des plantes, des fruits, des champignons, l’écorce… Elle est encore lieu de pacage aux intersaisons, entre stabulation dans les villages et montée aux estives.

2. Idem. les origines

Au cœur de la montagne, les vallées offrent le terroir cultivable, limité toutefois par la pente, l’exposition et l’altitude. Au-dessus des villages, s’étend la forêt de hêtres, parfois mêlés de sapins, entrecoupée de prairies humides. Au-dessus encore, une forêt supérieure de pins à crochet, plus claire, alterne avec de larges terrains de pacage. En haut, il n’y a plus que les pâturages de haute altitude et leur couverture de plantes naines.

Les ressources 2

Les zones de colonisation ancienne sont les bassins glaciaires de la montagne, les grandes vallées aux immenses domaines pastoraux. L’habitat y est groupé : c’est le pays des villages. C’est là que les pratiques communautaires sont les plus développées, là qu’elles constituent le système d’exploitation le plus original avec une organisation des estives,

Le peuplement 3

Moyen Âge, on exploita du fer aussi à Saurat, à Château-Verdun, à Saint-Paul-de-Jarrat… Au xvie siècle, le roi de Navarre Henri II s’attacha à l’exploitation des mines d’or, argent, plomb et cuivre du haut pays et des Pré-Pyrénées. À quoi il faut ajouter les carrières de pierre et d’ardoise, de stéatite (talc), l’orpaillage et même les eaux thermales d’Ax.

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Une occupation humaine très ancienne est attestée sur tout le territoire du futur comté de Foix. Le Magdalénien nous a légué les splendides œuvres d’art peintes, gravées et sculptées des grottes de Niaux, Bédeilhac, Alliat, du Portel, du Mas-d’Azil. L’épipaléolithique est connu par l’outillage « azilien » et, après un « vide » constaté sur les sites ariégeois pour le mésolithique et le néolithique ancien et moyen, le néolithique final amène la culture mégalithique et les très nombreux dolmens de la montagne et du Plantaurel. L’âge du Bronze et l’âge du Fer sont bien représentés ici par les sites miniers et métallurgiques de la vallée de l’Arize et du Plantaurel. Les civilisations celte puis gallo-romaine ont laissé des traces notables dans le bas pays (Saint-Jean-deVerges, Pamiers, Mirepoix, Bélesta…), qui semblent cependant être témoignages d’une hégémonie plus que d’une véritable occupation, d’une présence qui n’a fait qu’effleurer les populations autochtones, des populations qu’on a pris l’habitude de désigner sous le terme générique d’« aquitaniques » ; ces cultures exogènes n’ont pas pénétré la partie montagneuse.Toutcelatémoigne d’une occupation humaine continue depuis des millénaires, mais ne signifie pas véritable peuplement, mise en valeur réelle du terroir. Cette mise en valeur s’est faite progressivement dans des temps plus récents et c’est dans le bas pays qu’elle fut la plus tardive.

3. Sur la chronologie du peuplement : M. Chevalier, La vie humaine…, p. 97-212 ; L. Goron, « La Répartition de l’habitat en Ariège » Sur la préhistoire et l’Antiquité : R. Simonnet, « De la chasse à l’économie de produc tion » ; J. Clottes, « La préhistoire autour de Foix » ; J. Maluquer de Motes, « Les Pyrénées avant l’histoire » ; Cl. Pailhès, Du Carlit au Crabère, p. 31-46.

Les villes – Pamiers, Foix, Tarascon, Ax – sont nées au carrefour de la grande voie Toulouse-Barcelone et des vallées transversales caractéristiques du bassin de l’Ariège. Des vestiges anciens ont été trouvés sur chacun de leurs sites, ils témoignent d’une présence humaine parfois millénaire, mais qu’on ne peut jamais qualifier d’« urbaine » avant le xiie siècle.

Les ressources du sol ont très tôt donné naissance à ce qui sera la vie économique pendant des siècles. Les forêts et les vacants de la montagne sont le lieu d’une activité pastorale de grande ampleur. Dans la montagne toujours, mais aussi dans les vallons des Pré-Pyrénées, la conjonction de l’eau, du bois et du fer alimente la métallurgie et les moulins en tout genre, faisant du bassin de l’Ariège la zone la plus industrielle des Pyrénées.

les origines

15 avec l’assolement réglé des cultures et de la vaine pâture, avec des droits de passage bien définis.

Les vallées latérales (Saurat), les Pré-Pyrénées et le piémont, d’un relief plus difficile, furent lentement conquis par petits groupes, îlot par îlot, aux temps médiévaux et même modernes. L’habitat y est très dispersé, il y existe aujourd’hui encore des communes de hameaux ou même de fermes, sans chef-lieu.

Le milieu naturel et l’histoire

Mais la géographie a aussi conditionné l’histoire politique et cela doit être pris en compte pour comprendre l’histoire des comtes de Foix.

La géographie a conditionné le peuplement, l’économie, les communications… c’est une évidence en tous temps et en tous lieux.

La montagne a été occupée très tôt, on l’a dit, et l’exploitation des vacants, des forêts et même des mines s’y est développée dans un cadre communautaire d’une exceptionnelle force et d’une exceptionnelle cohésion qui rendit possible, à partir d’un habitat groupé, l’usage de ces immenses domaines en même temps qu’il offrait les meilleures

La longue vallée principale relie la plaine à la haute chaîne que franchissent des ports praticables même si élevés. Elle est la grande voie transfrontalière qui va de Toulouse à Barcelone tandis que les vallées transversales facilitent les échanges entre pays nord-pyrénéens. Le pays de Foix n’est pas un petit pays fermé dans ses montagnes mais un lieu de passage et donc de commerce.

La chronologie de l’installation des hommes, la nature de leur habitat et les pratiques qu’ils ont mises en œuvre pour exploiter leur territoire sont le reflet de leur adaptation au milieu naturel.

défenses face à la rudesse du milieu. Ce ne fut pas le cas des terroirs au nord du Plantaurel, mis en valeur plus tardivement dans un environnement moins rude par une population relativement dispersée qui, en conséquence, ne pouvait bénéficier de cette même cohésion. La différence entre territoires se renforça lors de la mise en place d’un pouvoir seigneurial. Partout dans les Pyrénées, les comtes et seigneurs reconnurent l’organisation communautaire là où elle existait, d’où le statut privilégié des communautés de la montagne et surtout l’ampleur de leurs droits d’usage.

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Le haut pays, constitué de la terre de Foix et du Sabarthès, est une région naturelle, délimitée par les montagnes qui encadrent la vallée de l’Ariège et celles de ses affluents et, au nord, par les chaînons du Plantaurel ; la grande voie de Toulouse au Puymorens y pénètre seulement par l’étroit Pas de Labarre que défend aisément le château de Foix. Le bas pays s’étend au nord du Plantaurel à travers la plaine de l’Ariège jusqu’au Toulousain, il entame à peine à l’est les vallonnements qui rejoignent Lauragais et Razès et occupe à l’ouest les collines environnant les vallées de la Lèze et de l’Arize ; il n’y a pas ici de limites naturelles.Lehaut pays fut toujours le cœur du comté. Là, les comtes ne reconnurent longtemps aucun suzerain, là ils bénéficièrent toujours de l’appui sans faille des seigneurs et des villes. La reconnaissance par eux de cette fidélité s’ajouta à la force des très anciennes structures communautaires, dont les grands consulats caractéristiques de cette zone pyrénéenne étaient les héritiers, pour doter la population de larges privilèges municipaux et d’un exercice généralisé des droits d’usage. Ce haut pays présente une unité, une homogénéité multiséculaire, une identité politique que ne connurent ni la plaine ni les collines orientales aux frontières incertaines, tout en échappant au piège d’un particularisme de pays fermé par sa maîtrise d’une des très grandes et très anciennes voies de franchissement des Pyrénées.

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Le comté de Foix créé en 1002 réunissait deux entités bien différentes, représentatives de ces deux héritages naturels, qu’on peut définir – même si ce ne fut jamais mis par écrit – comme haut pays et bas pays.

Au nord, le comté fut toujours relativement fragile, ses limites étaient contestées, les seigneuries livrées à de fortes luttes d’influence ; des puissances concurrentes (le comte de Toulouse, le roi de France) s’y implantèrent à plusieurs reprises par le biais d’hommages dissidents ou de paréages obtenus de vassaux facilement rebelles et les comtes durent mener là une politique permanente de consolidation de leurs positions.

À la veille de la conquête romaine, les régions pyrénéennes étaient occupées par une mosaïque de peuples qui se différenciaient surtout par une plus ou moins grande influence des apports extérieurs. Ces peuples nous sont connus par l’archéologie, bien sûr, par la numismatique, par les textes des auteurs grecs et romains qui nous ont livré leurs noms, par la toponymie et même par l’hématologie puisque leurs lointains descendants se distinguent encore par leur groupe sanguin. Tout cela permet de distinguer deux grands ensembles : les Ibères et les Aquitains.

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Autre conséquence de la géographie, ce petit pays était une terre de frontière ; de cela, les comtes de Foix surent jouer avec talent, menant une habile diplomatie entre Toulouse et Barcelone, puis entre France et Aragon pour leur plus grand profit. Sans compter les revenus qu’ils tiraient du commerce transpyrénéen, taxes mises au passage de la frontière ou levées sur les foires que ce commerce animait.

D ANS LE LOINTAIN DE L’HISTOIRE

Aquitains, Celtes et Ibères 4 « Ibère » est le terme générique qui recouvre les peuples indigènes de la péninsule « ibérique », en fait très différents entre eux du fait du degré, justement, des pénétrations extérieures : à l’ouest, une forte imprégnation celte a donné naissance aux « celtibères », tandis que les peuples du nord-est, lieu traditionnel de passage le long de la côte méditerranéenne, subirent très fortement les influences indo-européenne

Les ressources naturelles exceptionnelles du pays contribuèrent aussi à leur puissance, par l’exploitation directe des estives, des forêts, des mines et des forges qu’elles alimentaient ou par la levée des droits, telle la « marque des fers » du comté, sur celles que d’autres exploitaient.

Dernier élément enfin à relever : la situation particulière du haut pays en fit un lieu refuge par excellence et c’est bien cette situation, alliée bien sûr à la volonté des comtes, qui fit que les cathares persécutés survécurent ici trois quarts de siècle après l’extinction de l’hérésie sur les autres terres où elle s’était répandue.

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4. Cl. Pailhès, Du Carlit au Crabère, p. 41-45 ; P. Bonnassie, « Des refuges montagnards aux états G.Leclercq,pyrénéens ».« LesIbères en Languedoc » ; A. Soutou, « Monnaies à légende ibérique de l’Ariège ».

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Les grandes migrations celtes, venues de l’est de l’Europe, avaient traversé les Pyrénées à l’époque de Hallstatt (v.-800-v.-500) ; une nouvelle vague arriva au iie siècle, celle des Volques dont une tribu, les Tectosages, s’établit autour de Toulouse.

À la veille de l’arrivée des Romains, le futur territoire du comté de Foix était à la jonction de ces différentes cultures. Les très anciens Aquitains semblent confinés aux hautes vallées, et surtout à l’ouest de la rivière d’Ariège comme en témoigne la désinence « os » de nombreux toponymes (Vicdessos, Aulos, Onost, Miglos…). La vallée de l’Ariège et la vallée de l’Hers étaient de mouvance ibère ; la présence de monnaies ibériques jusque dans les vallées d’Auzat et de Siguer atteste la réalité de voies de communication traversant les Pyrénées. La présence celte des Volques Tectosages est très sensible dans la basse Ariège où en témoignent le puits funéraire de Pamiers, les sites de Saint-Jean-deVerges et de Vals, les noms de Saverdun ou de Brie ; elle est sensible encore dans la zone sous influence ibère (sites du Mayne à Bélesta, de Mirepoix, noms de Vernajoul, Dun, Camon, Chalabre, Verdun…), mais l’influence économique de la puissante Toulouse volque n’atteignait pas la montagne et ses caractéristiques « monnaies à la croix » n’ont jusqu’ici pas été trouvées au-delà de Saint-Jean-de-Verges ou Bélesta.

En 218 av. J.-C., le Carthaginois Hannibal franchit les Pyrénées pour attaquer Rome par la voie terrestre. Ce qui amena la conquête romaine du littoral méditerranéen pour qu’une telle opération ne se reproduise pas. En un siècle, Rome assit sa domination de Tarragone à l’Italie ; les terres languedociennes et roussillonnaises s’administraient désormais à partir de Narbonne, fondée en -118. « Alliés » forcés de Rome, les Volques Tectosages se révoltèrent ; en 106, Toulouse fut prise et pillée. Rome exerça désormais sur les peuples pyrénéens de l’orbite toulousaine l’autorité qu’avaient exercée les Volques, c’est-à-dire réelle dans le bas pays et tout à fait théorique dans les vallées « aquitaniques » qui constituèrent une zone très peu sûre, lieu de guérilla,

5. Cl. Pailhès, Du Carlit au Crabère, p. 44-49 ; Ph. Wolff, « Le Midi franc et seigneu rial » ; G. de Llobet, « Origines et naissance du haut pays de Foix et de ses villes » ; M. Labrousse, « Introduction à l’inventaire des monnaies antiques du musée de Foix ».

puis grecque. Le reste des Pyrénées était le domaine des « peuples aquitains », « petits et obscurs » (Strabon). Ces peuples furent peu à peu refoulés sous la pression des courants migratoires mais ils ne se laissèrent jamais vraiment pénétrer.

Romains, Wisigoths et Mérovingiens 5

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d’embuscades et de harcèlement. Des corps d’armée envoyés contre Sertorius, qui tint dix ans (83-72) l’Espagne romaine en révolte contre Rome, furent en particulier attaqués au passage des Pyrénées par le mystérieux peuple des Sotiates : on ne connaît toujours pas la localisation de ce peuple mais il fit couler beaucoup d’encre chez les érudits ariégeois du xixe siècle qui, rapprochant leur nom de celui de Vic-deSos, ont voulu y voir les habitants du haut pays de Foix.

L’organisation administrative suivit immédiatement la conquête et divisa les territoires désormais romains en provinces et en cités. Primitivement agrégés à la province de Narbonnaise, les territoires d’entre Pyrénées et Loire formèrent sous Auguste la province d’Aquitaine ; l’identité des anciens Aquitains fut reconnue par Dioclétien (284-305 ap. J.-C.) qui créa la Novempopulanie, réunion des cités des neuf peuples survivants, dont celles des Convenae (Comminges) et des Consorani (Couserans) limitrophes du futur pays de Foix. Les vallées de l’Ariège et de l’Hers demeurèrent dans la province de Narbonnaise et dans la cité de Toulouse ; le Donesan, lui, petit plateau haut perché au sud-est du Sabarthès qui serait un jour associé au comté de Foix, dépendit peut-être de la cité de Carcassonne avant d’être agrégé à celle de Narbonne.La« Paixromaine » dura jusqu’au milieu du iiie siècle, puis ce furent les Grandes Invasions. Les envahisseurs germaniques se jetèrent sur la Gaule romaine à deux reprises dans ce siècle. Bien éloignées de la frontière rhénane, les Pyrénées ne semblent pas avoir été touchées, mais le sentiment d’insécurité qui se répandit partout les atteignit : en témoigne l’enfouissement de « trésors », tels ceux que l’on a trouvés dans la région de Lézat ou à Verniolle, composés de monnaies du troisième quart du iiie siècle. Les invasions des années 406-409, elles, traversèrent les Pyrénées et amenèrent le pillage des cités romaines de Comminges et de Couserans. On ne sait pas si la vallée de l’Ariège fut elle aussi touchée mais d’autres « trésors », tel celui de Saint-Jean-de-Verges, attestent de la propagation de la terreur. En 412, les Wisigoths franchirent les Alpes, s’emparèrent de Narbonne et de Toulouse. Un temps chassés en Espagne, ils revinrent en 418 après le traité conclu entre leur chef Wallia et l’empereur Honorius : ils avaient alors le statut de fédérés de l’Empire romain, le pays compris entre Garonne, Pyrénées et Océan leur était abandonné et Toulouse devint leur capitale. C’est le premier des royaumes barbares établis sur le territoire de l’Empire et il connut une expansion considérable et rapide. Sous le règne d’Alaric II (485507), il s’étendait de la Loire à la province hispanique de Tarragone et

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20 les comtes de foix de l’océan au Rhône. Cet élan fut interrompu par l’action conquérante des Francs de Clovis. Entre 507 et 532, ils s’emparèrent de l’Aquitaine, de Toulouse (508) puis du Rouergue et de la Novempopulanie. Les Wisigoths ne conservaient que le Languedoc méditerranéen, qu’on allait appeler Gothie ou Septimanie, et leurs possessions d’outre-Pyrénées.Les pays du bassin de l’Ariège appartinrent donc au royaume wisigoth de Toulouse puis au royaume franc. Témoignent de cette présence germanique des toponymes (Mérens, Loubens, Coutens, Unzent, Gaudiès…), des patronymes spécifiques du haut Moyen Âge (Seniofred, Ermengard, Ermessent, Amalric…) ou les très beaux bijoux, plaques boucles et fibules, trouvés dans des sites funéraires de basse Ariège, et notamment à Tabariane (ce Teilhet). Comme l’avaient été celles des Volques puis des Romains, la domination des Wisigoths et des Francs ne fut que superficielle car le nombre des envahisseurs demeura toujours faible par rapport à la population. L’influence fut importante par contre dans les classes dirigeantes, au temps des Wisigoths tout au moins ; les nouveaux « puissants » et les propriétaires gallo-romains se rapprochèrent très vite, aidés en cela par leur communauté culturelle. Les Wisigoths étaient les plus romanisés des peuples barbares (les historiens ont pu les qualifier de « conservateurs de la romanité »), ils étaient les plus proches héritiers du droit romain et ils s’entourèrent toujours des lettrés gallo-romains. Les liens noués entre les plus riches familles des deux origines ont donné naissance à une classe « mixte » de possédants qu’on voit apparaître par exemple dans les actes les plus anciens de donations à l’abbaye de Lézat, portant des noms goths ou des noms latins dont on ne sait s’ils sont d’origine ou d’adoption.

Le règne des Wisigoths semble avoir été pour notre région une période de paix, mais, après leur recul, la domination franque vint apporter des troubles quasi-permanents. Le Midi de la Gaule fut dépecé par les princes mérovingiens lors de chacun de leurs partages successoraux et devint le champ clos des luttes fratricides qui s’ensuivaient, favorisées par des révoltes locales. Vers la fin du vie siècle, les Vascons, un des anciens peuples « aquitains », installé dans le bassin de l’Èbre puis refoulé par les Wisigoths, vinrent occuper ce qu’on appellera désormais la Vasconie (la Gascogne). Ils provoquèrent dans ce territoire des troubles tels que, malgré plusieurs expéditions envoyées par les rois mérovingiens, l’autorité franque y disparut presque totalement. Puis ce fut l’Aquitaine tout entière qui échappa à une royauté franque en déclin : le duc Loup puis le duc Eudes fondèrent une principauté

Sans lien avec le pouvoir royal, ignorées des chroniques du temps, elles restent pour nous dans une nuit presque complète.

Tandis qu’au nord, la dynastie mérovingienne qui n’était plus qu’une suite de rois fantoches cédait le pas devant la puissance grandissante du « maire du palais » Pépin de Herstal, au sud, les Sarrasins étaient en train de conquérir la péninsule ibérique. En 714, ils étaient à Saragosse, au pied des Pyrénées, en 719 ils s’emparaient de Narbonne et de la Septimanie, en 721, ils attaquaient Toulouse où le duc Eudes d’Aquitaine leur infligea leur premier échec sanglant en Occident.

À la veille de la reconquête carolingienne, les futures terres de Foix relevaient donc théoriquement du royaume franc, mais de fait d’un duché d’Aquitaine à peu près indépendant et jouxtaient une Septimanie naguère wisigothe qui venait de tomber aux mains des Sarrasins.

Charlemagne et les Sarrasins 7

6. Musée de l’Ariège et BnF. Voir Ph. Wolff, « Notes sur les origines de la vie urbaine… », 7.p. 106.Cl.Pailhès, Du Carlit au Crabère, p. 57-62 ; Ph. Wolff, « Le Midi franc et seigneurial ».

les origines

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indépendante de fait qui atteignit bientôt la Loire, reconstituant quasiment l’ancien royaume wisigoth de Bordeaux à Toulouse. De 670 environ aux années 760, ces terres semblent avoir été détachées de toute obédience à l’égard de la dynastie mérovingienne.

Les décennies suivantes virent la reconquête franque du Midi, et sur les Aquitains plusieurs fois en révolte, et sur les Sarrasins, menée par Charles Martel, fils de Pépin de Herstal, puis par son fils Pépin, devenu en 751 le premier roi « carolingien », puis son petit-fils Charlemagne. À la fin du viiie siècle, tout le Midi, Catalogne comprise, était revenu sous la main du roi franc.

Un seul élément à noter, et il est important même si l’environnement en reste obscur, Foix fut le siège, à l’époque mérovingienne, d’un atelier monétaire. Plusieurs pièces d’or frappées castro Fuxi ont été conservées et six de leurs monétaires sont connus, ce qui laisse supposer une durée assez longue de cet atelier  6. Cette époque vit certes des frappes dans des bourgs très modestes, mais il est intéressant de noter que c’est là le premier exemple local d’une agglomération à l’âge post-romain et qu’elle est certainement due au regroupement en un endroit mieux défendu (par le site et par la main de l’homme, comme le laisse supposer le terme de castrum – lieu fortifié) de populations jusque là trop exposées.

8. Cl. Pailhès, Du Carlit au Crabère…, p. 447-451, 453-458.

Les Maures avaient franchi les Pyrénées à leurs extrémités et leur présence n’a été durable qu’en Septimanie, de 710 à 759. Concernant les Pyrénées du nord, nous n’avons aucune trace d’une éventuelle pénétration. Mais le sentiment d’insécurité avait envahi les populations et il s’y est développé une hantise du Maure qui a traversé les siècles : cette obsession habite les légendes locales tout comme la toponymie populaire qui les associe à bien des tours, des châteaux, des tombes ou l’anthroponymie qui fait des nombreux Maury ou Maurrat (« brun » en occitan) ou Benazet/Benezech (pourtant un beau « béni » chrétien) leurs descendants…

22 les comtes de foix

À l’origine du légendaire médiéval 8

Par son combat contre les Maures, Charlemagne est devenu un mythe dans les Pyrénées. Comme saint Jacques « le Matamore », il a traversé les monts pour vaincre les ennemis de la chrétienté. Juxtaposant la légende du saint à celle de l’empereur symboliquement unis dans le combat pour la reconquête de l’Espagne, l’épopée carolingienne s’est propagée et magnifiée le long des chemins de Compostelle. Partout on raconte comment Charlemagne a obtenu la reddition des places sarrasines, fondé des monastères, libéré les hautes vallées et donné des privilèges aux habitants qui en étaient les défenseurs. La vallée de l’Ariège n’est pas en reste : au soir d’une grande victoire, l’empereur a découvert miraculeusement une Vierge noire devenue l’objet du pèlerinage de Sabart, le plus important de la région, il a fondé l’Andorre et un de ses fidèles est l’ancêtre des comtes de Foix ; partout dans le pays, son preux Roland a déplacé des mégalithes, brisé un pont maléfique, laissé ses empreintes dans les rochers et, à la fin de sa vie, fut enterré dans la grotte de Bédeilhac.

Dès 781, Charlemagne créa un royaume d’Aquitaine à la tête duquel il mit son fils Louis : il renforçait ainsi la défense de la frontière avec l’Espagne musulmane autant que la surveillance des populations gasconnes tout en préservant les autonomies locales. Ce royaume reprenait les limites du royaume wisigoth et celles de la principauté du duc Loup, de l’océan au Rhône et de la Loire aux Pyrénées. Objet de litiges entre les descendants de Charlemagne, le royaume d’Aquitaine dispa-

les origines

Les premiers comtes carolingiens furent chargés de missions de défense et d’organisation des territoires conquis ou reconquis avec des ressorts géographiques assez variables. Les premières circonscriptions étaient très larges et les terres méridionales étaient réparties entre Aquitaine, Gascogne, qui s’en était détachée, Marche de Toulouse, Septimanie et Marche d’Espagne (actuelle Catalogne). À la génération suivante, on trouve des comtés plus petits, probablement issus d’un fractionnement du pouvoir dans ces ensembles trop vastes et de partages à l’intérieur des grandes familles.

La grande œuvre de Charlemagne avait été la mise en place d’une remarquable administration, à la fois civile et religieuse, avec les comtes et les évêques pour piliers. Les comtes furent généralement choisis dans les familles franques mais, pour ménager les penchants locaux à l’autonomie, l’empereur sut confier ces fonctions, dans les provinces méridionales, à des indigènes dont il s’attacha ainsi la fidélité. Toujours révocables, rarement héréditaires, « inspectés » par les missi dominici, les comtes maintenaient des liens très étroits entre l’empereur et ses sujets. Cette organisation ne survécut pas à Charlemagne. La décomposition des structures carolingiennes eut pour conséquence première la captation des pouvoirs par quelques personnages issus de dynasties de comtes impériaux, implantées localement depuis plusieurs générations et exerçant de façon de plus en plus autonome une autorité primitivement déléguée et contrôlée mais devenue héréditaire. Ce sont ces familles des temps carolingiens qui sont à l’origine des grandes dynasties comtales médiévales.

rut à la mort de Charles le Chauve en 877 ; il n’avait guère eu de réalité sur le terrain, le pouvoir véritable appartenait de fait aux comtes locaux et, même s’il relevait en droit du royaume de France, l’autorité royale ne s’y exerçait plus.

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9. HL, I, p. 883-884, 1057-1059 ; « Suite des ducs de Toulouse, d’Aquitaine… », idem, II, p. 214-266 ; « Suite chronologique des comtes de Toulouse… », idem, II, p. 295-300.

Le plus connu des comtes méridionaux est Guillaume d’Orange, probablement cousin de Charlemagne, un Franc donc, qui eut en charge le pays de Toulouse ; ses fils commandèrent en Septimanie et en Roussillon et son petit-fils est connu comme duc de Toulouse ou d’Aquitaine. Frédelon, probablement originaire du Rouergue, fut nommé comte de Toulouse en 849 par Charles le Chauve ; le comté passa ensuite à son frère Raimond, fondateur de la dynastie « raimondine » qui régnera jusqu’au xiiie siècle 9.

24 les comtes de foix

Au sud, la Marche d’Espagne fut confiée à plusieurs personnages goths ou francs, avant d’être attribuée à Guifred, fils de Sunifred d’Urgel et fondateur de la grande maison de Barcelone-Aragon.

La dynastie des Aznar apparut dans les Pyrénées au ixe siècle. En 820, un Aznar était comte d’Urgel, peut-être est-il le père de Sunifred d’Urgel, ancêtre des comtes de Barcelone. Un autre Aznar aurait combattu en Gascogne vers 834 et ses fils auraient été ducs de Gascogne, puis leur neveu Arnaud en 864. Est-ce le même Aznar ? Bien que ces éléments aient longtemps été débattus entre historiens, on peut penser qu’il s’agit au moins du même lignage qui fut présent un temps d’un bout à l’autre des Pyrénées  11. Une tradition, non vérifiée, veut que le comte Arnaud, l’ancêtre, un siècle plus tard, des comtes de Foix et de Comminges ait été fils d’un Aznar (Asnarius), descendant de cette famille 12.Lesactes conservés pour les temps carolingiens sont peu nombreux, évidemment, et les hauts personnages qu’ils concernent ne sont cités que par leur prénom, ce qui rend difficiles à cerner leur identité ainsi que le sort des territoires sur lesquels ils commandaient – dont l’appartenance resta longtemps fluctuante – et donc la genèse des comtés médiévaux. L’étude de ces textes est à l’origine de beaucoup de débats chez les historiens, mais il en ressort au moins la certitude que ces grandes familles méridionales, d’origine wisigothe ou d’origine

10. HL, I, p. 1111, 1113-1114. « Oliba, comte de Carcassonne, histoire de sa famille », HL, II, p. 286-288 ; « Chronologie des comtes de Carcassonne et de Razès », idem, II, 11.p. 311-314.Ch.Higounet, « Les Aznar… » et Le comté de Comminges, p. 19-24. HL, I, 966, 1005. 12. Ch. Higounet, Le comté de Comminges, p. 19-24.

Bellon est, au temps de Charlemagne, le premier connu des comtes de Carcassonne ; son successeur Oliba fut, dès les années 820, le fondateur de la première dynastie comtale, dont seront issus, plus tard, les comtes de Foix. On a pu penser qu’Oliba était de la famille de Guillaume d’Orange. Bera, lui, premier comte connu du Razès, aurait été un des fils de Guillaume ; son descendant vit ses biens confisqués pour trahison par Charles le Chauve vers 870 et donnés au frère d’Oliba, comte de Carcassonne. Les deux comtés furent placés – ou probablement confirmés – en 872 par Charles le Chauve sous l’autorité du comte de Toulouse ; on ne parle pas encore de suzeraineté, mais c’est bien de cela qu’il s’agit. Ils furent réunis au profit de Carcassonne au début du xe siècle 10.

Les définitions ne sont pas toujours aussi précises et les termes varient, on peut néanmoins dresser un tableau significatif sinon complet des circonscriptions carolingiennes. La circonscription première était le pagus (pays), à peu près toujours héritier d’une civitas (cité) romaine, sur lequel s’exerçait l’autorité d’un comte. Les vallées de l’Ariège, de l’Arize, de la Lèze et de l’Hers dépendaient certainement du pagus tolosanus 15 , le Donesan relevait du comté de Razès. Au-dessous, on trouve les vicariae (vigueries) ou suburbia (Sabarthès,

13. Jean-François Lemarignier, La France médiévale. Institutions et société, Paris, A. Colin, 1970, p. 63, 67, 76.

14. Donation d’Escosse par Roger II de Foix à l’abbaye de Saint-Pons de Thomières, HL, V, c.  608.

25 franque, étaient étroitement liées, le plus souvent par le sang, ce qui ne devait pas manquer d’avoir des conséquences dans le futur.

Il existe pourtant un héritage carolingien bien discernable localement dans les siècles suivants, c’est celui des circonscriptions administratives. Charlemagne avait développé une nouvelle conception du pouvoir, dont le caractère essentiel était d’être une théocratie, gouvernement par Dieu et par ceux à qui il avait donné le pouvoir de gouverner, et pour Dieu, pour réaliser sa justice. Cela avait des résonances sur toutes les terres de l’Empire car, tous les hommes « étant membres du Christ », il fallait les atteindre tous ; « or, atteindre tous les hommes, cela implique d’aller les chercher […] en profondeur, jusqu’aux implantations de base d’un monde rural cloisonné  13. » D’où un remarquable « quadrillage » administratif mis en place du comté au village. Ces circonscriptions nous sont connues par les éléments de localisation contenus dans les actes des xe et xie siècles, les premiers conservés pour les terres ariégeoises, ce qui témoigne d’une assez longue survie des cadres carolingiens, malgré l’effritement du pouvoir qui les avait créés. Un bel exemple nous est donné par un texte de 1074 environ  14 qui situe un domaine in pago Tolosano, in suburbio Fossensi (Le Fossat), in ministerio Potamiensi (Podanaguès), in parochia Scotie (Escosse).

les origines

Dans le courant du ixe siècle se mettaient ainsi en place les cadres du Midi féodal ; mais entre Toulouse et Carcassonne, Gascogne et Catalogne, le sort des terres de Foix reste pour nous dans l’ombre.

15. Probabilité en raison d’une continuité évidente avec la civitas tolosana gallo-romaine, de la localisation aux xe et xIe s. in pago tolosano des petits territoires qui les recouvraient, de l’appartenance du pays de Foix au diocèse de Toulouse et de la dépendance, même théorique, du comté de Foix envers le comté de Toulouse au xie siècle.

Le Fossat, pays de Queille). Au plus bas, les ministeria ou terminia, les plus nombreux bien sûr.

La liste de ces « petits pays » n’est sans doute pas exhaustive, mais leur nombre et la petite taille de certains témoignent de l’effort extraordinaire d’organisation, poussé jusqu’aux bases du monde rural, accompli par l’administration de Charlemagne. Jamais la définition juridique d’un lieu n’atteindra plus tard cette précision.

26 les comtes de foix

Dans la zone de plaine ou de coteaux de la basse Ariège, ces petits « pays » sont difficiles à cerner, car, si on en trouve des mentions éparses dans les sources monastiques des xe et xie siècles, ils n’existent plus aujourd’hui en tant que tels sauf sans doute le Volvestre ; au mieux survivent-ils dans le toponyme de ce qui dut être leur chef-lieu. Il s’agit du Volvestre, donc (aux confins de l’Ariège et de la Haute-Garonne), du Lézadès, du Dalmazanès, du Podanaguès ou Potamianès (entre Arize et Latou), de l’Agarnaguès (entre Ariège et Hers), du Liciagès (plus à l’est), de la Piège (au nord du Liciagès), du Tindranès (autour d’Arvigna), du Dunès, de la « terre » de Foix.

Les premières communautés chrétiennes de Gaule sont signalées au iie siècle à Lyon et à Vienne. Mais ce n’est qu’au ive siècle que le christianisme connut un développement assez important pour que chaque cité ait une communauté, un chef et un édifice de culte. L’Église primitive calqua son organisation sur les structures administratives romaines, instituant un évêque par cité et un métropolitain par province. Longtemps

Les premiers temps chrétiens

Dans les régions montagneuses, les « pays » carolingiens furent particulièrement bien marqués et bien définis ; la géographie se prêtait à pareille définition et l’administration carolingienne s’est vraisemblablement superposée là à des structures plus anciennes, héritées des peuples protohistoriques. Ils correspondaient tant à des réalités de vie que leur nom est encore en usage aujourd’hui : on trouve ainsi le Sabarthès (haute vallée de l’Ariège en amont de Tarascon), le Lordadais qui en était une division, le pays d’Olmes (haut bassin de l’Hers), le Donesan, héritage sans doute intact d’une villa de l’Antiquité tardive, le pays de Sault (vallée du Rébenti), le Capcir (très haute vallée de l’Aude)…

Ce qui nous reste aussi des temps carolingiens, ce sont les cadres ecclésiastiques. L’importance donnée par Charlemagne à l’Église fut primordiale, depuis les églises de village qui devinrent les centres de la vie sociale jusqu’aux grands monastères autour desquels s’organisait la vie économique et se concentrait la vie intellectuelle.

Tout cela s’est certainement produit dans nos régions comme ailleurs, mais nous n’en avons aucune trace écrite. Le futur pays de Foix relevait de la métropole de Narbonne et du diocèse de Toulouse, comme il avait appartenu à la civitas tolosana romaine, tandis que le Donesan relevait du diocèse de Narbonne. Les évêques étaient ici bien loin de leurs paroissiens. De ces temps lointains, il reste quelques vestiges archéologiques et beaucoup de légendes. Deux très beaux sarcophages chrétiens du vie siècle ont été trouvés au Mas-Saint-Antonin (Pamiers) et à Cadarcet  16. L’église rupestre de Vals bâtie sur un sanctuaire païen ou la pierre miraculeuse de la chapelle Saint-Paul d’Arnave témoignent de la christianisation de cultes anciens. Des légendes hagiographiques renvoient aux temps des invasions. Saint Volusien, un personnage bien réel, était évêque de Tours ; suspect de sympathie envers Clovis, il fut exilé à Toulouse par le roi wisigoth Alaric II, il aurait été ensuite emmené par les Wisigoths dans leur fuite devant l’armée de Clovis, exécuté entre Foix et Varilhes puis enseveli dans la première église de Foix. Saint Udaud, vandale italien converti, aurait évangélisé la Catalogne et aurait été martyrisé à Ax par une armée ostrogothe. Le culte de saint Antonin à Pamiers, lui, est un exemple du transfert ancien de reliques d’Orient vers l’Occident : les reliques de ce saint de Syrie étaient honorées à Saint-Antonin-Nobleval depuis 817 au moins, avant de l’être à Pamiers en 961 au moins 17.

16. Tous deux propriété du musée du Louvre, déposés au Musée de l’Ariège à Saint-Lizier. 17. J.-L. Boudartchouk, « L’invention de saint Antonin… », p. 17-19,33; Cl. Pailhès, « De Roger le Vieux à Gaston Fébus »,

27 urbaine, elle s’attacha, à partir du ve siècle, à conquérir les campagnes restées fidèles aux anciennes croyances. Elle le fit surtout en christianisant les lieux de culte païens. Le culte des saints, aspect de la religion le plus sécurisant et le mieux approprié à un milieu fruste où la spiritualité d’une religion monothéiste pouvait difficilement trouver place, se substitua aux cultes anciens et demeura longtemps dans les campagnes la manifestation essentielle du sentiment religieux. Les martyrs gaulois étant même trop peu nombreux pour satisfaire l’attente populaire, des évêques s’attachèrent à faire venir dans leur diocèse des reliques de martyrs méditerranéens. C’est dans ce contexte que furent créées les premières paroisses rurales, dotées d’un prêtre et d’une église ; leurs limites coïncidaient avec celles des vici (bourgs) ou villae (domaines ruraux) gallo-romains. Leur multiplication fut l’aspect essentiel de l’histoire religieuse de l’époque mérovingienne avec la naissance des communautés monastiques.

lesp. 25-27.origines

19. Cl. Pailhès, idem, p. 22-24.

20. Marca hispanica, c. 781 (d’après le chartrier d’Elne) ; HL, II, c. 260. Cl. Pailhès, « Le Donnezan médiéval », p. 354, 356-368.

28 les comtes de foix

18. Esquerrier, p. 3, 16-17. Cl. Pailhes, « De Roger le Vieux à Gaston Fébus… », p. 23-24, 42-44.

L’expansion monastique carolingienne se fit dans le Midi sous l’impulsion de saint Benoît d’Aniane, un proche de l’empereur. La Notitia de servitio monasteriorum cite, en 817, dix-neuf monastères alors édifiés en Septimanie et en Toulousain et dotés de privilèges considérables ;

Les églises fondées dans une villa antique furent les premières églises rurales, dès l’époque mérovingienne, justement parce que le propriétaire avait les moyens de cette fondation. Est-ce que cette église Saint-Félix située en un lieu si élevé, si loin de toute agglomération, si difficile d’accès, représente une de ces très anciennes paroisses ou estelle le témoignage de l’achèvement de la christianisation jusque dans les régions montagneuses ?

En tout cas, ici comme ailleurs, c’est sous le règne de Charlemagne que l’essentiel du réseau paroissial rural a dû se mettre en place en même temps que se diffusait le monachisme bénédictin.

La première mention écrite d’une église sur le territoire du futur comté de Foix concerne une église de la montagne : en 844, le fils du comte Bera (de Barcelone ou de Razès ?) vendit la villa de Donesan in pago Redense (Razès), in locum Saltum (pays de Sault), avec l’église Saint-Félix (de Quérigut) 20. Cette vente d’église comme bien privé est révélatrice d’une situation dont les effets juridiques se feront sentir pendant des siècles : si les églises des bourgs sont nées le plus souvent des efforts d’un évêque, les églises rurales furent généralement la fondation pieuse d’un riche personnage laïque, le « patron », ici certainement le propriétaire du domaine de Donesan, qui en disposa ensuite comme de son patrimoine et ses successeurs après lui.

Une église existait certainement à Foix à l’époque mérovingienne, on ne peut imaginer le contraire dans une agglomération suffisamment importante pour abriter une frappe monétaire. En 1933, on a découvert des sarcophages au pied du rocher du château, en contrebas du palais de justice. Peut-être était-ce l’emplacement de l’église Saint-Nazaire que le chroniqueur Esquerrier, au xve siècle, dit avoir précédé l’abbatiale Saint-Volusien, la même « église de Foix » probablement qu’il dit avoir abrité le corps de saint Volusien au lendemain de son martyre 18. Sans doute en était-il de même à Pamiers où une église Saint-Martin a précédé l’abbaye Saint-Antonin 19. Et sans doute ailleurs encore…

Un siècle plus tard, voici deux nouvelles abbayes, celles de Lézat et de Pamiers. Par son testament  24, le comte Raimond (de Rouergue ou de Toulouse ?) en 961 disposa de très nombreux « alleux » (biens possédés en toute propriété, sans service seigneurial) en faveur d’établissements ecclésiastiques ; il est difficile de savoir s’il s’agit de dons ou de restitutions, parfois même retardés par des legs viagers à des parents et fidèles. Il confirma ainsi les alleux de Muret et de Salles à Saint-Pierre de Lézat, l’alleu de Sadebrane (Surba ?) à Saint-Volusien (de Foix) et l’alleu de Carlagio (le Carlaret ?) à Roger, fils d’Arnaud ; à la mort de celui-ci, cet alleu devait revenir à Saint-Antonin de Fredelas (Pamiers).

À la fin du xe siècle, le pays de Foix abritait donc quatre abbayes, toutes forcément bénédictines, la règle de Saint-Benoît étant alors la seule en usage. Nous ne connaissons pas les conditions de leur fondation, mais elles apparaissent très vite dans une orbite comtale. C’est d’ailleurs à partir des actes – certes peu nombreux – qui les concernent que les familles de pouvoir sortent quelque peu de l’ombre.

23.HL, I, p. 1060 et II, c. 355-357.

24. Ou plutôt un codicille car il ne s’agit dans ce texte que de donations pieuses, l’essentiel de l’héritage n’étant pas évoqué. HL, V, c. 240-250.

les origines

l’abbaye du Mas-d’Azil est du nombre  21. Le plus ancien acte de son cartulaire, la donation d’une terre par le noble Ebolatus, date du règne de Louis le Pieux (814-840) 22.

Puis apparaît l’abbaye de Foix, «  située dans le territoire de Toulouse, dans le suburbium de Sabarthès, sur le fleuve Ariège, avec une église construite en l’honneur de saint Volusien martyr ». Elle fut donnée en 849 avec d’autres églises, des vignes, des terres « et dépendances », donc un véritable domaine monastique, spirituel (des églises) et temporel, par Charles le Chauve à l’abbé de Saint-Thibéry pour une raison qui nous reste inconnue : mauvais comportement du « patron » primitif, mauvaise administration du monastère amenant une volonté royale de réforme ou volonté royale de constituer une confédération monastique autour de l’abbaye de Saint-Thibéry ? Après être tombée aux mains d’un certain Aton, elle fut confirmée à Saint-Thibéry par un jugement de 870  23. On peut situer très vraisemblablement sa fondation entre 817, date de la Notitia où elle ne figure pas, et 849.

29

22.CMA, n° 23.

21.HL, I, p. 946-947.

25. « Suite des comtes de Toulouse pendant les neuvième et dixième siècles », HL, IV, 26.p. 27-47.P.Ourliac, A.-M. Magnou, Cartulaire de l’abbaye de Lézat, p. xLIV-xLV.

On retrouve au xe siècle les grandes familles descendant des comtes carolingiens, plus que jamais liées entre elles et pour nous tout aussi peu faciles à cerner. Les hauts personnages cités dans les rares actes conservés ne le sont que par leur prénom et, le cas échéant, leur titre de comte, sans localisation géographique. Ce titre de comte d’ailleurs était une dignité, il ne correspondait que d’une manière assez large à un territoire, les comtés n’étant pas encore une circonscription administrative très délimitée, et pouvait être porté par plusieurs membres d’une même famille, en signe de rang social plus que par attribution territoriale précise. D’autre part, il y avait des partages à chaque génération, compliqués de dispositions d’indivisions et d’attributions à plusieurs membres de droits sur un même pays. Le fait que les prénoms étaient très majoritairement héréditaires au sein des grandes familles et que le second prénom, souvent donné, était celui du père (par exemple, Pierre Raimond était fils d’un Raimond) permet de suivre des lignées, mais, un prénom n’étant tout de même pas la propriété d’une seule et même famille, on doit toujours rester très prudent. Tout cela rend notre connaissance évidemment très incertaine.

Des familles mal connues

30 les comtes de foix

Les comtes toulousains avaient mis la main sur l’Albigeois, le Quercy et le Rouergue puis sur le marquisat de Gothie (bas Languedoc). À la mort du comte Eudes vers 919, Raimond II reçut Toulouse et Ermengaud le Rouergue, les autres domaines restant indivis. En 961, date du testament du « comte Raimond » que nous avons évoqué, il y avait deux comtes Raimond, l’un à Toulouse, l’autre en Rouergue, fils des deux précédents ; les biens cités étant majoritairement en Rouergue et en Quercy, on pense que le testateur est le comte de Rouergue  25. Dans les années 980, un autre comte Raimond domina en Comminges ; il est souvent cité dans le cartulaire de Lézat ; on a pu voir en lui un fils du comte Arnaud dont nous allons parler, ou un autre membre de la famille toulousaine, issu de la branche de Rouergue qui continuait d’exercer des droits sur les comtés voisins de Toulouse 26.

L’ÉMERGENCE D’UNE D y NASTIE

30.CL, n° 223 et 121 (ce dernier n’est pas daté ; les éditeurs du cartulaire le situent vers 31.HL,940-950).V,c.227-233, 237, 285 (actes relevés par P. Ourliac et A.-M. Magnou, Car tulaire de Lézat, p. xLIII).

les origines

32. Mentions dans des actes faux, v. Ch. Higounet, Le comté de Comminges…, p. 23-24.

33.P. Ourliac, A.-M. Magnou, Cartulaire de l’abbaye de Lézat, p. xLIII.

Le comté de Razès avait été donné vers 870, après la trahison de son détenteur, à Acfred, frère du comte Oliba de Carcassonne. Il échut par héritage à un autre Acfred, dit Acfred II, son cousin, comte de Carcassonne au début du xe siècle. Arsinde, la femme du comte Arnaud, était peut-être sa fille et héritière, à moins qu’elle n’ait été la fille d’un comte de Rouergue ; dans ce cas, c’est Arnaud qui aurait été héritier de Carcassonne en tant que parent ou en tant que récipiendaire d’un comté saisi 27.

Une tradition ancienne, mais sans fondement avéré, en fait le fils d’un Aznar 32. Des ventes et legs opérés en sa faveur par des membres de la famille de Toulouse peuvent laisser penser qu’il était de leur parentèle 33 ; en 949, il était vassus missus (ce qu’on peut traduire par « vassal » –bien que sans doute anachronique… – envoyé ou délégué) du comte Raimond, que l’on peut considérer comme étant le comte Raimond III

27.La première hypothèse, celle des auteurs de l’Histoire générale de Languedoc, a long temps prévalu : « Chronologie des comtes de Carcassonne et de Razès », HL, II, p. 311314.La seconde a été émise par Thierry Stasser, « Autour de Roger le Vieux », Annales du Midi, 1996, p. 165-187.

28.«  Suite et origine des comtes héréditaires de Carcassonne, de Comminges et de Foix », HL, IV, p. 109-126.

29.CL, n° 907 ; HL, V, c. 207-209.

Ce comte Arnaud était un nouveau venu dans le paysage méridional 28. En 945, Arnaud et Arsinde donnèrent l’église de Saint-ybars au monastère de Lézat ; en 949, les deux époux et leurs fils Roger et Eudes firent une donation à l’abbaye de Montolieu 29. Aucun titre n’est alors mentionné, mais la même année 949, l’église de Saint-Christaud en Volvestre fut donnée à l’abbaye de Lézat en présence d’Arnaud, alors qualifié de vicarius, vir illuster, vassus missus Raimundo comite ; vers 950, lors d’une donation faite près de Carbonne au même monastère, il était qualifié de comte 30. Il dut mourir dans les années 950 car on retrouve sa femme Arsinde, seule ou avec son fils Roger, dans divers actes entre 957 et 978 ; elle était alors qualifiée de comtesse et son fils de comte 31.

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35. Dans l’hypothèse surtout où sa femme serait l’héritière de Carcassonne. 36.HL, III, p. 126 ; « Sur l’époque et les circonstances de la fondation des abbayes de Lézat et de Saint-Pierre de Mas-Grenier », HL, IV, p. 126-128. P. Ourliac, A.-M. Magnou, Cartulaire de l’abbaye de Lézat, p. xxII-xxIII, xLVI-xLVIII ; P. Ourliac, « Les grandes familles de Lézadès » ; P. de Latour « La dynastie Amelius… ».

34. Les auteurs précédents pensent qu’il pourrait s’agir du comte Raimond [de Com minges] présent dans plusieurs actes de l’abbaye de Lézat (idem, p. 174) mais cela semble peu probable, ce dernier ayant exercé son autorité dans les années 980, soit une génération plus tard.

Au milieu du xe siècle, Arnaud tenait le Comminges, le Volvestre, le Couserans, le pays de Foix, les comtés de Carcassonne et de Razès. Il est considéré comme le premier comte de Comminges et il fut le premier personnage connu à exercer une autorité comtale sur le pays de Foix même si celui-ci n’était pas encore individualisé au sein d’un vaste ensemble du sud toulousain. On peut noter que cette « recomposition » territoriale ne s’inscrivait plus dans les anciens cadres, antiques puis carolingiens, et qu’étaient réunis entre les mêmes mains des parts de l’ancien pagus tolosanus et de la Septimanie.

32 les comtes de foix de Toulouse  34. Cette fonction ainsi que la qualification d’« homme illustre » le placent au premier rang de l’entourage du comte et, à une date malheureusement incertaine (peut-être de peu postérieure ?), il était comte lui-même. Cette remarquable trajectoire est-elle due à une parenté avec le comte toulousain ? Ou est-elle la brillante ascension sociale d’un agent comtal (vicarius, viguier) auquel on a confié une partie du domaine comtal avec un titre de comte à son tour, de niveau inférieur bien sûr au grand comte toulousain, comme cela a pu se produire ailleurs ? Le mariage avec une femme de très haute noblesse a-t-il découlé de son rang d’origine ou a-t-il au contraire favorisé son ascension ? Ou le titre de comte ne lui vient-il que de ce mariage  35 ? Tout cela reste bien sûr pour nous bien obscur.

On citera encore un vicomte Aton Benoît et sa femme Amelia, fondateurs, d’après la tradition, de l’abbaye de Lézat, vers 940. Aton pourrait être le fils du vicomte Benoît, lui-même neveu de saint Géraud d’Aurillac. Sa femme Amelia pourrait être la sœur d’Amelius, cité comme vicomte de Carcassonne dans le testament du comte de Raimond (de Rouergue) en 961. Le couple, sans enfants, serait oncle et tante d’Amelius Aton et de Simplicius Aton, père et oncle à leur tour d’Amelius Simplicius, tous personnages très mal connus mais très puissants qui apparaissent dans le cartulaire de Lézat tout au long du xe siècle  36. Cette famille était très proche des comtes de Carcassonne, au point qu’on a pu faire d’Amelius Simplicius un fils d’Arnaud et d’Ar-

33 sinde, frère de Roger, comte de Carcassonne, et de Raimond, comte de Comminges ; il est plus probable que la parenté vient du mariage de son fils, Guilhem Amelius, avec Ermengarde, fille de Roger le Vieux de Carcassonne, lui-même fils du comte Arnaud 37. D’autres le rattachent à la famille de Toulouse-Rouergue et soulignent qu’Amelius Simplicius avait sur le monastère de Lézat un « droit de supériorité ou de garde qui doit venir d’une parenté avec les fondateurs Aton et Amelia  38 ». Avec les réserves exprimées plus haut sur les déductions faites à partir des prénoms, on ne peut que faire le lien entre cet Aton fondateur de l’abbaye de Lézat dans la première moitié du xe siècle et celui du même nom qui, en l’an 870, avait mis la main sur l’abbaye de Foix. C’est cette famille encore qui fonda le monastère de Camon, en pays de Queille ; trop petit sans doute, l’établissement fut donné en 943 à l’abbaye de Lagrasse par l’abbé Simplicius qui, en 959, donna le domaine temporel en commende à Amelius Simplicius, son parent sûrement, qui devrait en assurer la protection 39.

37. HL, IV, p. 113. P. de Latour, « La dynastie Amelius… » ; Th. Stasser, « Autour de Roger le Vieux », p. 170-171.

Pour compléter le tableau, on ajoutera que, au sud, les comtés issus de la Marche d’Espagne carolingienne passèrent rapidement dans une étroite dépendance des comtes de Barcelone avant, pour certains, d’être absorbés par la prestigieuse maison. Au xe siècle, les comtés d’Ausone et de Gérone étaient unis à celui de Barcelone. Le comté de Cerdagne avait englobé Conflent, Bergueda et Ripollès. Le comte cerdan mit

Au milieu du xe siècle, trois familles « puissantes » cohabitaient donc sur les terres qui, un demi-siècle plus tard, allaient former le comté de Foix : la famille toulousaine y compris sa branche rouergate, la dynastie émergente d’Arnaud et de son fils Roger le Vieux d’où allaient sortir les comtes de Foix et celle issue d’un vicomte toulousain Aton, proche de la famille de Toulouse-Rouergue mais aussi de la famille de Carcassonne. Toutes les trois étaient certainement très liées, même si nous ne percevons pas clairement comment : elles étaient liées par des liens vassaliques, la dynastie toulousaine, héritière des comtes carolingiens étant la dynastie « supérieure » ; elles étaient liées assurément par des liens familiaux ; elles étaient liées par des liens d’indivision et de partage de pouvoir sur de mêmes territoires.

38. P. Ourliac, A.-M. Magnou, Cartulaire de l’abbaye de Lézat, p. xLVII.

39. E. Magnou-Nortier, A.-M. Magnou, Les actes de l’abbaye de Lagrasse, I, n° 54 et 76. Les auteurs montrent que même si le nom est parfois orthographié Sulpitius, il s’agit bien de la famille d’Amelius Simplicius (p. 89, 125).

les origines

La lignée d’Eudes, comte de Razès s’éteignit avant 1067 et le comté fut réuni à celui de Carcassonne.

les comtes de foix

Celui qui nous intéresse, c’est Roger le Vieux qui, avec le comté de Carcassonne, tenait le pays de Foix, le Couserans et une partie du Comminges. En 957, probablement mineur, il vendit avec sa mère l’alleu de Caira en pays de Queille au viguier Gilabert 43. En 970, cette fois avec sa femme Adalaïs, il céda à un couple et à leur fils clerc un alleu à Vèbre, in pago tolosano, in ministerio lordadense, avec l’église Saint-Pierre qu’il

41. HL, V, c. 292.

Le comte Raimond est cité dans plusieurs actes de donations à des abbayes, dont un acte de 980 en faveur du prieuré de Saint-Béat dans lequel le « comté de Comminges » est mentionné pour la première fois 41. Il avait un fils, Bernard, qui ne semble pas lui avoir succédé. Le nouveau comte, Roger Ier, qui apparaît en 1003, semble être son cousin, petit-fils de son oncle Roger, frère du comte Arnaud. C’est de lui que descendent les comtes de Comminges qui, à partir de ce moment, sont bien connus 42.

Les partages de 1002 et 1034 Arnaud et Arsinde eurent trois fils au profit desquels ils divisèrent leurs vastes domaines : Roger, qu’on appellera plus tard « le Vieux », reçut le comté de Carcassonne, le pays de Foix, le Couserans et « une partie » du Comminges, Eudes le comté de Razès et Raimond la plus grande part du Comminges.

40. Les auteurs de l’Histoire de Languedoc pensent que le Razès avait été possédé en commun par les maisons parentes de Barcelone et de Carcassonne, puis qu’il fut partagé entre 873 et le début du xe siècle, le Razès lui-même allant à Carcassonne, les autres terres à Barcelone ; et que cette part barcelonaise fut attribuée en 965 par le comte Sunifred à son frère, Oliba Cabreta, comte de Cerdagne (HL, I, p. 1114, II, c. 372-373, III, p. 144-146, 192-196). Voir aussi J.-F. Bladé, HL, VII, p. 280 ; Pierre de Marca, Marca Hispanica, p. 86 ; Catalunya romanica, Vallespir… Fenolleda, p. 213, 284 ; Cl. Pailhès, « Le Donnezan médiéval », p. 359-360.

la main sur plusieurs pays qui relevaient primitivement du comté de Razès dont on sait qu’il était échu au début du xe siècle à la famille de Carcassonne : le Donesan, le pays de Sault, le Vallespir, le Capcir, le Fenouillèdes et le Perapertusès. On ne sait pas vraiment dans quelles conditions cela se fit, mais à la fin du xe siècle, tous ces territoires, dont plusieurs étaient limitrophes de la haute Ariège, étaient entre les mains du comte Oliba Cabreta qui les partagea entre ses fils 40.

42. Ch. Higounet, Le comté de Comminges…, p. 25-29.

43. HL, V, c. 227.

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C’est probablement à la veille de ce départ qu’il rédigea le testament que l’on peut considérer comme l’acte de naissance du comté de Foix 47. Il partagea ses biens entre ses fils Raimond et Bernard, réservant les abbayes pour le troisième, Pierre, qui était clerc. Sa fille Ermessinde, mariée à Raimond Borrel, comte de Barcelone, n’est pas mentionnée, pas plus que de probables autres filles  48, sans doute parce qu’elles étaient déjà dotées.

44. HL, V, c. 266.

46. HL, III, p. 192-193, 226 ; V, c. 293-296, 342-344.

48. Dont Ermengarde, probable femme d’un Amelius. Voir Th. Stasser, « Autour de Roger le Vieux ».

les origines

Roger eut à soutenir une attaque d’Oliba Cabreta, comte de Cerdagne, probablement au sujet du Razès qui avait été possédé en commun par leurs aïeux puis partagé ; il dut la victoire, dit-il, à l’intercession de saint Hilaire, ce qui motiva, en 981, la donation de plusieurs domaines à l’abbaye du même nom ; à cet acte étaient présents la comtesse Adalaïs, leur fils Raimond et le petit Bernard, le futur premier comte de Foix, qui n’était pas encore baptisé. L’année suivante, le couple comtal, leur fils Raimond et l’abbé de Saint-Hilaire se rendirent à Rome et obtinrent du pape Benoît VII la confirmation des biens de l’abbaye. Roger intervint encore en 1002, avec sa femme et son jeune fils Raimond, en faveur de la même abbaye pour trancher un litige avec Arnaud, vicomte de Carcassonne, alors qu’il était sur le départ pour un second voyage à Rome 46.

possédait par son père, un alleu à Albiès avec la moitié de l’église, des terres et des vignes à Banat et la moitié de l’église Saint-André de Dalou en échange de l’alleu de Saurat avec l’église Saint-Sernin  44. Roger et Adalaïs firent des donations autour du Fossat à l’abbaye de Lézat aux alentours de 987 et 1001 45 ; ils en firent aussi, en Carcassès, en faveur des abbayes de Montolieu et de Saint-Hilaire. Le chroniqueur Esquerrier cite de nombreuses donations en faveur de l’abbaye de Foix, mais ses indications chronologiques ne sont pas forcément exactes.

47. HL, V, c. 344-346.

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45. CL, n° 673, 732.

Mis à part certains alleux qu’il donnait à l’Église pour le repos de son âme et les abbayes qui allaient à Pierre, Roger Ier partagea ses domaines en deux lots.

Adalaïs devait avoir la baylie de tous ces biens tant qu’elle le voudrait ; si un fils décédait, les fils survivants exerceraient la baylie pour ses enfants ; les héritiers ne pouvaient vendre ou aliéner une part sauf à l’un d’eux et si l’un décédait sans enfant légitime, sa part irait à ses frères.

36 les comtes de foix

Vers 1002, le testament de Roger le Vieux

À sa femme Adalaïs (en plus des indivisions susdites), les alleux d’Escosse et de Bézac.

À Bernard : la viguerie de Sabarthès après la mort de sa mère et à condition qu’il l’en ait laissée jouir en paix, la convenentia qu’il avait avec Eudes et Arnaud de Razès sur le Sabarthès et Castelpenent, le comté de Couserans avec son évêché, la moitié du Volvestre, le château et la terre de Foix en indivis avec Adalaïs, le Dalmazanès, le Podanaguès, l’Agarnaguès, la moitié de la forêt de Boulbonne qui est entre l’Hers et l’Ariège.

Cette répartition ne constituait pas un partage géographique du domaine : la plupart des petits pays qui le composaient étaient maintenus en indivision ou du moins n’appartenaient pas entièrement à une même personne : pays de Foix, Couserans et moitié du Volvestre étaient indivis entre Bernard et sa mère, l’autre moitié du Volvestre appartenait au comte de Carcassonne, lequel avait un tiers du Commi-

À l’aîné Raimond : le comté de Carcassonne, ses parts sur le Razès ; les convenentias 49 sur le Razès, le Kercorb, le château et le pays de Queille qu’il avait passées avec son frère Eudes, comte de Razès, et le fils de celui-ci Arnaud ; le château de Saissac et les vigueries en dépendant tels qu’il les tenait de son père Arnaud, des alleux en Toulousain que tenait un vicomte Raimond, le château de Cintegabelle et ses dépendances, la moitié du Volvestre, le tiers du Comminges, le château de Minerve, des alleux en Narbonnais, les abbayes de Caunes et de Bernassone.

49. Accord prévoyant probablement la dévolution successorale à la mort d’Eudes et d’Arnaud.

52. HL, V, c. 385-387. Les auteurs disent même qu’il possédait alors la moitié du comté de Carcassonne (HL, III, p. 265).

les origines

Dès 1007, Pierre, qualifié de prêtre, donna à Raimond, son frère aîné, la moitié des églises et abbayes lui appartenant dans le comté de Carcassonne et dans le pays de Foix, dont les abbayes de Fredelas (Pamiers) et du Mas-d’Azil et vingt-sept églises du pays de Foix, d’Escosse au Lordadais et de Daumazan à Ségura  51. Ce qui compliquait les choses puisque les établissements religieux sis dans le pays de Foix appartenant à Bernard se trouvaient désormais possédés par moitié par le frère clerc mais aussi par le comte de Carcassonne… En 1030, le même Pierre, alors évêque (de Gérone), donna à l’abbaye de Montolieu l’alleu de Ventenac, dans le comté de Carcassonne, en se réservant l’usufruit ; ceci, pour se conformer à la demande de son père (mort depuis plus de 15 ans…) et de sa mère 52. C’est donc qu’il possédait des biens laïques dans ce comté alors que le testament de 1002 ne lui avait attribué que des églises. Si l’évêque n’avait agi que comme tuteur de ses neveux, enfants de feu Raimond, il l’aurait certainement mentionné… y avait-il eu en 1007 un accord entre Raimond et Pierre, chacun donnant à l’autre la moitié de ses biens, en une sorte de paréage avant la lettre ? Ou Roger le Vieux avait-il modifié son testament avant sa mort, peut-être après la mort de Raimond ? Ou les frères survivants avaient-ils usurpé les biens de Raimond après sa mort ? On dit « les frères » parce que Bernard, le détenteur de Foix, était aussi concerné. Dans le partage qui intervint en 1034, sans doute peu après sa mort, entre son frère

37 nges, les deux autres tiers appartenant à une autre branche de la famille. Eudes de Razès et son fils avaient des droits sur une grande partie de l’héritage et la comtesse avait le Sabarthès en viager. La plupart des biens d’Église allaient à Pierre. Cet enchevêtrement des droits et l’interdiction faite à chacun des héritiers d’aliéner une partie de l’héritage sauf à l’un d’entre eux révèlent le souci de ne pas diviser le domaine tout en assurant des revenus à chacun des enfants.

Roger le Vieux vivait encore en avril 1011 ; il fit alors une donation à l’abbaye de Saint-Hilaire à laquelle souscrivirent ses fils Bernard et Pierre mais pas Raimond, qui devait être déjà mort 50. Les dispositions de son testament étaient déjà complexes, les suites données sont pour nous encore plus obscures.

50. HL, III, p. 244 ; V, c. 358-359.

51. ADA, E 8, f° 140. Il s’agit d’une analyse dans un inventaire des archives du château de Foix. Peut-être que ne figurait là que l’acte concernant le pays de Foix et qu’il existait, ailleurs, l’acte d’une éventuelle donation réciproque du comte de Carcassonne.

53. Original, ADA, E 1. Éd., HL, V, c. 405-407 ; commentaires, HL, III, p. 274-280 ; IV, p. 114-121.

Pierre et son fils et héritier Roger, il est précisé à plusieurs reprises sicut Bernardus pater ejus divisit illum, c’est-à-dire qu’on reprenait les termes d’un partage déjà effectué par Bernard entre ses enfants des droits qu’il avait sur les domaines de Carcassonne et de Foix.

En 1034 en effet, l’évêque Pierre et son neveu Roger (de Foix) partagèrent leurs domaines réciproques ou plutôt c’est Pierre qui opéra le partage 53.

En 1034, le partage entre Pierre, évêque de Gérone, et Roger de Foix

– Second lot : les châteaux de Foix, de Castelpenent (près d’Amplaing), de Roquemaure (près de Génat), de Lordat avec les droits que Roger avait sur eux ; les droits comtaux que Pierre et Roger avaient depuis les cols de Puymorens et Marmare jusqu’à Arrestad et la Genesta, de Saurat à Tramesaygues, de Boulbonne à l’Ariège, de Saverdun à Justaret et de Justaret au Volvestre ; l’autre moitié du bois de Boulbonne, sauf le droit de passage de l’abbaye Saint-Antonin, des biens près de l’Ariège. Pierre se réservait dans ce lot les abbayes de Foix, de Fredelas (Pamiers), du Mas-d’Azil et leurs domaines, ce qu’il possédait en Barguillère et des biens ayant

38 les comtes de foix

L’évêque partagea l’ensemble des deux patrimoines en deux lots.

– Premier lot : la cité de Carcassonne et son comté, les alleux de Saint-Gaudéric et Bared, le château et la terre de Queille, les alleux de Pradas, Canvecas, Viviès, les droits de Pierre sur le Dunès sauf le château de Dun, les alleux de Vals (?), Verniolle, Galach (près de Pamiers), Villeneuve, Escosse et leurs églises, la moitié du bois de Boulbonne sauf le droit de pacage de l’abbaye Saint-Antonin, l’Agarnaguès de Boulbonne à l’Hers, le château de Saissac ainsi que les vigueries de Tindranès et d’Olmes. Pierre se réservait dans ce lot l’évêché de Carcassonne, sa maison dans la cité de Carcassonne, avec ses chambres, ses cuisines, ses écuries, et dépendances et la chapelle Saint-Marcel, la personne de ses officiers, des alleux et des abbayes avec leurs domaines en Carcassès, l’abbaye de Camon, le château de Dun et des biens de l’évêché de Toulouse.

Cet acte s’accompagna de deux serments de fidélité prêtés par Roger à son oncle Pierre 54. Par le premier il prêtait fidélité pour la cité de Carcassonne, les châteaux de Foix, Castelpenent, Queille, Saissac, Arzens et promettait de ne pas lui porter atteinte sur l’évêché de Carcassonne et son domaine, sur les abbayes de Montolieu, Bernassone, SaintEtienne de Cabardès, Caunes, Lagrasse, Saint-Hilaire, Fredelas, Foix et leurs domaines. Par le second, il prêtait fidélité pour les châteaux de Foix, Castelpenent, Dun, Kercorb, Barela, la cité de Carcassonne, le château de Saissac.

Bernard, le détenteur de Foix, avait épousé Garsinde, héritière de la Bigorre, dont il eut trois fils. Il partagea ses biens avant sa mort, survenue vers 1034. Son fils Bernard, sans doute l’aîné, a hérité du comté de Bigorre. Roger a eu les droits sur Foix et Carcassonne. Pierre Bernard a certainement hérité du Couserans et de la moitié du Volvestre.

les origines

56.HL, III, p. 308 ; IV, p. 114-115

Le moins que l’on puisse dire, c’est que la situation ne s’éclaire pas pour nous… et que la dévolution de l’héritage de Roger le Vieux puis de ses trois fils nous apparaît toujours aussi confuse, certainement en raison de la disparition de textes essentiels. Ce qui rend bien obscure la genèse du comté de Foix.

55. Par exemple, donation de Pierre Raimond, comes, à l’Église de Béziers en 1043 (HL, V, c. 446-447) ; le même était dit comte de Béziers vers 1059 (HL, V, c. 499). En 1103, donc après sa mort, sa fille Adalaïs et sa veuve Rangard le qualifiaient de comte de Carcassonne (HL, V, c. 777-778).

appartenu à Senfred Raimond de Celles, des biens appartenant à l’évêché de Toulouse et aux abbayes.

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54.HL, V, c. 408-411.

Raimond, comte de Carcassonne, mourut avant son père. Il avait épousé Garsinde, héritière de la vicomté de Béziers et d’Agde. Il avait des enfants, Pierre Raimond et Guilhem au moins, mais une bonne part de son héritage est allée à ses deux frères. Quelle est l’importance de cette part ? Que restait-il aux enfants ? C’est eux qui portaient le titre de comte 55 et c’est d’eux que descendirent les futurs comtes de Carcassonne, mais les actes conservés les concernant portent essentiellement sur la vicomté de Béziers 56.

–Tous ces biens devaient revenir au survivant des deux ; si Roger mourait le premier et s’il avait des enfants légitimes, Pierre exercerait la baylie.

L’évêque Pierre, qui n’avait à l’origine que des abbayes et des églises, s’est trouvé très vite en possession d’autres domaines.

60. HL, V, c. 524-527.

40 les comtes de foix

57. Les auteurs de l’Histoire générale de Languedoc les citent comme « comtes en partie » de Carcassonne ; ils désignent même Roger Ier de Foix comme Roger II de Carcassonne, nommant en conséquence Roger III le fils et héritier du comte Pierre Raimond (HL, IV, p. 113 et suiv.).

58. HL, III, p. 311-312.

Ce qui frappe, c’est la profonde indivision ou du moins imbrication de droits qui régnait entre Carcassonne et Foix. Bernard, puis son fils Roger, et l’évêque Pierre avaient des droits très importants chacun sur le patrimoine de l’autre. Ni Bernard ni Pierre ne semble avoir porté un titre de comte et en 1034, Roger ne le portait pas non plus. Mais tous exerçaient des « droits comtaux » comme il était dit dans l’accord de 1034. Et les droits qu’ils exerçaient sur Carcassonne étaient tels qu’on a pu les placer au rang des comtes de Carcassonne  57. Pierre, de toute évidence, avait une prééminence. Était-ce en tant que seul fils survivant de Roger le Vieux, donc aîné de la famille ? Ou en tant qu’évêque ?

59. Comes de Foys dans une donation à Cluny (HL, V, c. 510-511).

Ce qui révèle tout de même une situation étonnante : l’évêque Pierre et Bernard de Foix s’étaient partagé l’héritage de Carcassonne, s’étaient prêté des serments de fidélité, comme si les fils de leur frère Raimond n’existaient pas. Raimond avait pourtant été le seul des trois

La disparition de l’évêque amena sans doute une clarification dans l’héritage de Roger le Vieux et le début d’une individualisation des comtés qui en étaient issus.

Ou en tant que détenteur principal de Carcassonne ? L’évêque Pierre mourut vers 1050 58 et, en conséquence de leurs accords, celui que nous appellerons Roger Ier de Foix hérita de ses droits.

Roger, fils de Bernard, fut le premier à porter le titre de comte de Foix ; la première mention connue se situe aux alentours de 1060 59 mais il l’a peut-être porté avant… Il était apparemment le seul à exercer des droits sur son comté naissant. Mais lui par contre, héritier de son oncle l’évêque Pierre, exerçait encore des droits sur le comté de Carcassonne. Vers 1063, Roger III de Carcassonne prêta fidélité à son cousin de Foix pour la cité de Carcassonne, pour onze châteaux du Carcassès, pour l’évêché de Carcassonne et les abbayes de son comté, lui reconnut la moitié des justices de ce même comté et s’engagea à le secourir contre quiconque sauf le comte de Toulouse et son frère et sauf ses parents proches et ses « hommes » 60.

Les abbayes étaient les établissements les plus importants et, pas forcément à l’origine mais rapidement après, on trouve leur patronat au niveau comtal. Nous avons évoqué plus haut le testament en 961 du comte Raimond, appartenant à la grande famille de Toulouse-Rouergue, qui mentionnait les abbayes de Foix, Pamiers et Lézat. Dans cet acte, il ne s’agissait pas de legs mais de confirmation à des établissements monastiques de possessions qui, semble-t-il, avaient été contestées. À la veille de sa mort et « pour le salut de son âme », le comte a voulu rétablir les droits de l’Église et un temporel malmené sur ses immenses domaines, malmené peut-être d’ailleurs par des personnages auxquels, pro bono pacis, il laissa une possession viagère. Parmi ces personnages, Roger, fils d’Arnaud, se vit maintenu jusqu’à sa mort en la possession d’un alleu qui devait revenir à l’abbaye de Fredelas (qui deviendra Pamiers) : il s’agit de Roger le Vieux qui apparaît ainsi en relation, dès 961, avec une abbaye du pays de Foix.

les origines

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frères à porter le titre de comte et il l’avait transmis à son fils aîné, Pierre Raimond. Son petit-fils Roger III était bien comte de Carcassonne mais il devait prêter serment à son cousin de Foix sans que la réciproque fût vraie.

Les comtes de Foix et de Carcassonne moururent tous les deux peu avant 1067, tous les deux sans enfants. Si la succession du côté de Foix ne semble pas avoir posé problème, celle de Carcassonne fut l’occasion de l’arrivée de la maison comtale de Barcelone dans le Midi languedocien. Jusque là objets de partages familiaux, les comtés de Carcassonne et de Foix devenaient en cette fin du xie siècle des éléments d’importance sur l’échiquier politique méridional.

Le patronat comtal des églises 61

61. Cl. Pailhès, « De Roger le Vieux à Gaston Fébus… », p. 10-15.

Nous sommes au xe siècle dans le contexte d’un patronat laïque généralisé. Les abbayes, et même les églises paroissiales, avaient été fondées par de riches laïcs, pour le salut de leur âme. Ces laïcs leur avaient donné des bâtiments et des moyens de subsister, ils leur avaient accordé leur protection. En échange, ils se sont octroyé le droit de désigner curés et abbés, celui de prendre tout ou partie des revenus paroissiaux et d’intervenir disciplinairement s’ils le jugeaient nécessaire : c’est le droit de patronat dont ils ont fait un droit héréditaire – et aliénable. Nous avons vu le cas de l’église de Saint-Félix de Donesan, vendue en 844.

42 les comtes de foix

On peut en effet se poser la question de ce patronat comtal. Normalement, le patronat était exercé par le descendant du lignage fondateur. Mais on a l’impression que, dans le cas au moins des abbayes, il a fini par être lié à la fonction comtale. Si on s’en tient aux abbayes du futur comté de Foix, une (Fredelas) a peut-être été fondée par le comte Arnaud ou par son fils Roger, mais deux autres (Foix et le Masd’Azil) ont été fondées plus d’un siècle avant l’implantation de leur dynastie, donc par d’autres personnages, d’autres lignages que le leur. Pourtant, dès 1002, ces trois abbayes sont devenues biens patrimoniaux de la famille comtale de Carcassonne-Foix, légués ou partagés entre membres de cette famille. Elles apparaissent dans tous les actes familiaux que nous avons cités (1002, 1007, 1034, 1063…). Il en va de même de toutes les abbayes du Carcassès, d’autres églises et même de l’évêché de Carcassonne ; ces abbayes n’étaient pas toutes des fondations comtales, mais elles se trouvent toutes au début du xie siècle sous la main des comtes. Il ne s’agit pas du titre ecclésiastique d’abbé ou évêque, bien sûr (même Pierre ne fut jamais évêque de Carcassonne), mais du droit de patronat et d’un droit comtal sur les domaines.

L’histoire de l’abbaye de Lézat vient confirmer cet état de choses. On ne sait pas à quel ensemble féodal appartenait le Lézadès aux xe et xie siècles. Le comte Arnaud, sa femme et leur fils Roger le Vieux avaient fait des donations 62, mais pendant longtemps, ni les comtes de Foix, ni les comtes de Comminges, tous deux leurs héritiers, n’intervinrent dans la vie de l’abbaye. La famille qui semble exercer alors une autorité sur l’abbaye, c’est la famille d’Amelius Simplicius, dont nous avons parlé, proche des comtes toulousains, descendant du fondateur Aton Benoît ; Guilhem et Raimond Guilhem, fils et petit-fils d’Amelius, portaient le titre de « marquis très puissant ». Il est logique de voir

62. CL, p. xLIII-xLIV ; actes n° 673 (églises de Puntens et de Valgenou, au Fossat), 732 (église de Villaret, à Lézat), 907 (église de Saint-ybars).

Le comte Raimond de Rouergue/Toulouse était-il le patron de ces églises, héritier des fondateurs ? Était-il le fondateur de certaines ? Ou agissait-il en tant que seigneur supérieur de personnages eux-mêmes patrons, comme peut-être le comte Roger ?

Arnaud ou son fils Roger, au moment où se constituait à leur profit un nouvel ensemble comtal, ont-ils fondé une abbaye sur ce nouveau territoire pour mieux s’y implanter ? Sont-ils les fondateurs et les patrons premiers de l’abbaye de Fredelas ? Ou ce patronat leur a-t-il été dévolu avec l’ensemble du territoire fuxéen ?

en eux les patrons de l’abbaye  63. C’est vers Raimond Guilhem par exemple que l’abbé se tourna vers 1010-1025 pour faire rendre justice de spoliations dont l’abbaye était victime ; en retour, il lui donna la possession viagère de la moitié des terres rendues et des donations  64. Mais quelques décennies plus tard, en 1073, le comte de Foix était au rang des patrons. On peut imaginer que ce patronat lui était advenu en même temps qu’il intégrait le Lézadès à son comté.

43

Que le patronat des abbayes, héréditaire au sein des familles fondatrices, soit devenu une prérogative comtale semble chose avérée au xie siècle, avec tout ce que cela pouvait comporter de protection mais aussi de mainmise.Dèslesdébuts de ce qui était en train de devenir le comté de Foix, les comtes ont distingué une abbaye, celle qui était située au pied de leur château : Saint-Volusien de Foix. C’est la seule qui semble objet de leur générosité. On peut suivre la formation de son temporel au fil des largesses comtales qu’a énumérées le chroniqueur Arnaud Esquerrier. Le comte Arnaud, fondateur de la dynastie, et la comtesse Arsinde ont donné Amplaing et son église en 974 ; Roger le Vieux et Adalaïs ont donné Savignac, Perles, Saint-Cirac, Verdun, Prayols, Planissoles et Ferrières en 987, Vernajoul et son église, Verdun et Ferrières en 1012 ; leur fils Bernard a donné Garanou, Cos, Campredou (Bompas), Cadirac, Ferrières, les églises de Serres et de Saint-Jean-de-Verges. Les répétitions dans cette liste signalent certainement des biens réoccupés par les comtes puis restitués 65. Esquerrier a rédigé sa chronique au milieu du xve siècle et il a travaillé sur les archives de Foix. On peut constater des incohérences de dates, des confusions dans la chronologie des comtes, des erreurs sur le contexte historique… Mais les domaines dont il cite les donations apparaîtront bien plus tard, lors de la confirmation pontificale du temporel en 1224, comme appartenant à Saint-Volusien, ce qui le crédibilise, même si on doit prendre les dates indiquées avec précaution.

Saint-Volusien fut l’église de la dynastie de Foix dès les origines de cette dynastie et leurs destins restèrent indissociablement liés, mais toutes les abbayes du pays ont eu leur part dans l’histoire des comtes, qu’elles soient restées sous leur main ou qu’elles se soient dressées contre eux. Centres de vie économique mais représentant aussi la puissance spirituelle de l’Église, elles furent des appuis ou des adversaires toujours présents.

63.P. Ourliac, « Les grandes familles du Lézadois vers l’an mille », et CL, p. xLVII. 64.CL, n° 65.Esquerrier577.,p. 10-19.

les origines

870 les comtes de foix

Les partages de 1002 et 1034 34

Introduction 7

Les frontières du comté de Foix 52

À l’ouest, le Couserans et la vallée de l’Arize 56

Romains, Wisigoths et Mérovingiens 18

Les châteaux 65

Les puissants du comté de Foix 71

La puissance publique et la seigneurie 62

Sommaire

L’environnement féodal 45

Les comtes, les évêques et les réformes de l’Église 79

Les premiers temps chrétiens 26

....................................................................................................................................

Le pays de Foix 11

L’émergence d’une dynastie 30

À l’est, le pays de Mirepoix et le pays d’Olmes 59

Charlemagne et les Sarrasins 21

La suzeraineté toulousaine 46

Le jeu diplomatique entre Toulouse et Barcelone 99

Le peuplement 14

I.LES ORIGINES

Le milieu naturel et l’histoire 15

Des familles mal connues 30

Des relations houleuses à Foix et à Pamiers 87

Comté et domaine comtal 75

...........................................................................

Les comtes et l’Église 79

Au sud, le Sabarthès 52

Les comtes et les abbayes 84

Les comtes et leurs villes 94

........................................................................................................................

La géographie 12

Dans le lointain de l’histoire 17

Les familles seigneuriales 67

Les ressources 13

871

..........................................................................................................................

Le patronat comtal des églises 41

Au nord, le Volvestre et le Lézadès 58

Aquitains, Celtes et Ibères 17

Foix, Carcassonne et Barcelone 48

...............................................................................................................

..........................................................................................................................

...................................................................................................

II.AFFERMISSEMENT(v. 1067-1302)PYRÉNÉENSETEXPANSION(1067-1209)

Les comtes et les seigneurs 62

DES COMTES

Le lignage de Foix 110

Entre péché et repentance 115

Le roi suzerain 180

L’expansion territoriale 188

L’entrée des comtes de Foix en Catalogne 104

La résidence 114

Les comtes des xIe et xIIe siècles 108

La guerre rallumée 139

Des enjeux politiques 151

Des incertitudes féodales 172

Le roi souverain 181

La guerre d’usure 131

les comtes de foix

Les débuts de l’Inquisition 148

III.LA CROISADE CONTRE LES ALBIGEOIS ET SES LENDEMAINS (1209-1249)

La croisade du prince Louis et le concile du Latran 137

L’entourage du comte 113

Le catharisme en pays de Foix 125

Par le fer et par le feu 129

La conquête capétienne 141

La survie du comté ...................................................................................................................................... 159

Le Donesan et les châtellenies cerdanes d’Evol et Estavar ..................................................... 188

La « Terre du Maréchal » 151

Raimond Roger, démon ou chevalier de paratge 120

La flamme de Montségur 145

Le « fait de Pamiers » 152

Le roi d’Aragon au secours du Languedoc 135

Les dernières révoltes 144

....................................................................................................................

.............................................................

Des conséquences matérielles et sociales 163

L’invasion 130

La coexistence quotidienne 165

L’Inquisition, toujours 183

La terre refuge 164

Les comtes de Foix et les Lévis 179

Des incertitudes 108

Des conflits de frontière et une ligne de bastides 176

872

La guerre ouverte 133

Le poids de la guerre 163

Les prétentions aragonaises 154

IV.ENTRE FRANCE ET ARAGON (1250-1302)

........................................................................................................................................

Un conflit Toulouse-Foix et des hommages dissidents 156

Le roi de France suzerain et souverain 171

La croisade royale 142

La succession de Béarn 204

Encadrer et accompagner l’activité économique 251

La famille et l’entourage 255

Le roi d’Aragon et le haut pays de Foix 199

........................................................................................

Les dernières manœuvres 213

Les comtes et leurs vassaux 215

Loup de Foix 258

Le Valferrer 194

..........................................................................................

L’administration seigneuriale 243

Le roi de France au pied des tours de Foix 198

Face aux rois de France et d’Aragon, les défis de Roger Bernard III 197

Le Castelbon, l’Andorre et les évêques d’Urgel 191

Compagnons de combat, rebelles et faidits 216

Les successions de Pallars et de Moncade 209

Premières passes d’armes avec l’Aragon 197

873

Un seigneur catalan 200

..........................................................................................................................

La concentration des domaines seigneuriaux 220

Des abbayes en détresse 223

Des abbayes et un évêque 222

Les bastides et les paréages 234

L’héritage 256

Les stratégies familiales 260

Roger Bernard III et Marguerite de Béarn 262

L’intervention comtale 225

Les chartes de coutumes 238

L’affaire Bernard Saisset 210

Notre-Dame de Boulbonne 226 Saint-Volusien de Foix 227 Saint-Antonin de Pamiers 230

V.À L’INTÉRIEUR DU COMTÉ AU XIIIe SIÈCLE

Vingt-cinq ans d’effervescence, et un peu plus 242 La mise en place d’une administration 243

Des couvents mendiants et un nouveau diocèse 232 Paréages, bastides et chartes de coutumes 234

.......................................................................................................................

L’administration comtale 244

Au nord des Pyrénées 195

VI.LES COMTES DU XIIIe SIÈCLE

Résidences et itinérances 264

Des Vêpres siciliennes à la Croisade d’Aragon 202

...........................................................................................................................

index

L’accroissement du domaine comtal 219

L’administration municipale 248

Le paréage d’Andorre 193

Entre France et Angleterre 206

Tutelles, identités locales et remous familiaux 287 Gaston Ier et Marguerite de Béarn 287

Débats théologiques, épopée et troubadours 267

Les années Navarre 334

Entre princes et rois 341

L’épopée occitane 272

Le Donesan, les châtellenies cerdanes et le royaume de Majorque ................................... 312 En pays de Foix 314

La régence d’Aliénor 330

Le voyage de Prusse et les dames de Meaux 339

...............................................................................................................................................

Le Béarn entre deux rois 305

.......................................................................................................................

La coseigneurie d’Andorre 311

874

L’engagement hérétique 273

Foix et Armagnac 299

Le sens politique 280

VIII. GASTON FÉBUS, FLAMBOYANT ET SOUVERAIN (1343-1391)

La sépulture dynastique 279

Le goût du débat 267

Une éducation de prince 329

VII. DE GRANDS VASSAUX DU ROI DE FRANCE (1302-1343)

France ou Angleterre 304

(1302-1610)MÉRIDIONAUX

»

Des débuts retentissants 328

DES PRINCES

les comtes de foix

Les derniers cathares 321

Les domaines de Foix-Castelbon 310

L’entourage 266

Protéger les hommes de leur terre 282

Les débuts de la guerre de Cent Ans 306 Par-delà les Pyrénées 309

Le Prince Noir 346

Hérétiques et catholiques 273

Face à la justice et à la fiscalité royales 314 Face à l’Église 317

Du côté de l’Église 278

L’ennemi Armagnac 341

Le monde des troubadours 269

Des héritages aragonais 309

Marguerite de Béarn et Jeanne d’Artois 292 Gaston II et Jeanne d’Artois 296

« De Dieu et de nul homme au monde 333

La liturgie du pouvoir 377

Gaston Fébus et le pays de Foix 365

Les musiciens et les poètes 378

La langue du comte 389

Le nom d’un dieu 374

Mystères et tragédie 400

Dans les remous de l’Occident 418

La guerre pour une couronne 438

Le domaine de Foix 366

L’ancrage dynastique 369

La paix au cœur de la guerre 363

Les chroniqueurs 380

Un fils mal aimé 403

.........................................................................................................................................

875

Agnès de Navarre 400

......................................................................................................................................................

Le comte soleil 374

L’an 1391 trépassa de la vie le comte de Foix Fébus sans héritier légitime 425

................................................................................................................

Armoiries et devise 375

Le mariage du duc de Berry 420

Fastes princiers et perspectives successorales 422

La force de la dissuasion 359

Le Livre de chasse 394

Les stratégies politiques 362

«

Un homme d’ombres 407

»

Les moyens de la puissance 355

L’argent à tout prix 358

Rigueur et justice 355

Une Voix de Dieu 379

Les Cansos 393

L’ancrage sacré 371

Le faste et la munificence 375

..........................................................................................................................................

La mainmise sur les Pyrénées 351

Le comte de Foix en ses châteaux 383

Le drame d’Orthez 404

La légende dorée et la légende noire 412

La bibliothèque 390

Tous les espoirs du Languedoc 415

La succession de Gaston Fébus 433

Les dernières années 414

Un prince des livres 389

Les séjours en pays de Foix 365

IX.ENTRE GUERRES ET SUCCESSIONS, L’EXPANSION DES FOIX-BÉARN (1391-1472)

Le duc d’Anjou 349

Mathieu de Castelbon (1391-1398) 431

..............................................................................................................................................

Le Livre des oraisons 398

index

Un mariage d’amour 584 Exister entre le roi de France et le roi d’Espagne 586

Aragon et Navarre, toujours 467

Armagnac ou Bourguignon ? 449

Les Foix-Béarn maîtres des Pyrénées 470 Gaston IV (1436-1472)

Le comte, le roi, les Anglais et les routiers 474

X.ROIS DE NAVARRE ET ROI DE FRANCE (1472-1610)

La guerre de succession de Navarre 534

«

La régence de Madeleine de France, princesse de Viane 524

Un prince magnifique 498

La couronne de Navarre, enfin 528 Mort à 16 ans 530

Une administration contestable 440

Jean Ier de Foix-Grailly (1412-1436) 448

Une succession difficile 442

................................................................................................................................. 473

L’obsession navarraise 565

...................................................................

La famille de Foix et le Grand Schisme d’Occident 464

Double jeu en Aquitaine 447

La perte de la Navarre et des domaines catalans 558 Le jouet de la fortune 561

Marguerite de Navarre et les débuts de la Réforme 574 De la cour de France aux montagnes des Pyrénées 580 Jeanne d’Albret (1555-1572) et Antoine de Bourbon (1555-1562) 584

Français ou Anglais ? 455

À la cour de Charles VII 479

Le mariage et l’héritage 531

Henri II d’Albret (1517-1555) 564

......................................................................................

François Fébus (1472-1483) 523

Les rois de Navarre, Gaston de Foix et le roi de France 543

.......................................................................

Gaston IV et Louis XI, entre Navarre et Catalogne 503 Gaston IV et Louis XI, une fidélité bien récompensée 512 De bien sombres dernières années 514

L’ambassadeur du roi de France 495

Le schisme épiscopal, encore 540

les comtes de foix

Les affaires de Navarre 489

La fin de la guerre de Cent Ans 487

Entre les grands royaumes d’Occident 552

Entre France et Espagne 567

876

.................................................................................................................................................

Le maître du Languedoc 459

Catherine de Navarre et Jean d’Albret (1483-1517) 531

Le schisme épiscopal appaméen 526

Navarre et Aragon 446

L’ambition ecclésiastique au service d’une famille : Amanieu d’Albret 548

Isabelle de Castelbon et Archambaud de Grailly (1398-1412) 441

»

Le pays de Foix à feu et à sang 608

Le gouvernement personnel du comte 660

Le juge mage, le juge d’appeaux et les cours de justice 666

Les agents comtaux 675

Le sénéchal, les lieutenants généraux et les gouverneurs 663

Une nouvelle noblesse 710

Les vassaux de Foix 708

En marche vers son destin 622

Les rouages de l’administration fuxéenne 662

Des obligations pesantes 718

index

.............................................................................................................................

Tenir tête aux officiers du roi de France 698

Le devenir des châteaux comtaux 691

Des archives pour bien gouverner 694

...................................................................................................................

..........................................................................................

Des territoires en marge 700

Entre mythe pyrénéen et vie de cour, l’enfance d’un prince 619

L’action comtale 680

Les vallées d’Andorre 705

Confirmer et respecter les privilèges 716

877

..........................................................................................................

Les guerres du pays de Foix 631

Jeanne d’Albret, Antoine de Bourbon et les réformés du pays de Foix 603

Le trésorier, le domaine et les finances 669

La reine huguenote 597

Le « pays souverain » de Donesan 703

La grandeur consulaire 721

Henri de Navarre et le pays de Foix 635

..........................................................................................................................

La cité de Pamiers 701

Henri IV, roi de France 641

XI.LES FOIX-BÉARN-NAVARRE ET LE COMTÉ DE FOIX

Les grandes familles fuxéennes, relais comtal en pays de Foix 712

L’impulsion économique 683

Le comté de Foix au sein des états de Foix-Béarn-Navarre 656

Les grandes enquêtes et les réformations 681

Les États de Foix 677

L’année du deuil et des noces sanglantes 613

Les communautés d’habitants et leur comte 715

Des situations conflictuelles 720

Un héritage complexe 708

L’austère Béarn et la cour de Nérac, la Reine Margot et la Belle Corisande 628

Dans ses limites 657

Le roi de France et le Béarn 644

Le roi de France, comte de Foix 645

De la passion aux ruptures, des chemins divergents 589

Le maintien de la particularité fuxéenne 658

Les châtellenies 673

Henri III de Navarre (1572-1610) 619

Les comtes de Foix et les évêques de Pamiers 723

Cartes 792

Ententes et mésententes 738

Les livres et l’écriture 758

La célébration dynastique 774

Sources d’archives 801

Les carrières ecclésiastiques 740

Du comte au roi, la titulature 755

La piété personnelle 765

les comtes de foix

........................................................................................................

Bibliographie 806

La fondation de l’abbaye des Salenques 729

La résidence 741

Les abbayes du comté 726

.............................................................

Annexes 791

Les comtes et l’Église 723

La passion des beaux objets 753

L’« inventaire des trésors secrets du comte Gaston » 774

Les mariages et les enfants 735

Abréviations 801

Armoiries, devises et chevalerie 745

878

.............................................................................................................................

La primauté symbolique de Foix 778

Des princesses poètes 760

XII.COMTES ET COMTESSES DE FOIX DES XIVe- XVIe SIÈCLES

L’éclat des comtes de Foix 745

Index 823

Les stratégies familiales 732

L’ancrage mythique dans le pays de Foix des origines 781

Sources imprimées 802

La vie religieuse 764

Les œuvres du cardinal de Foix 767

Le faste princier 750

Généalogie 794

.............................................................................................................................................................

La longue lignée des chroniqueurs de Foix 774

La bibliothèque 758

Les funérailles 769

Conclusion 785

Les successions 732

Les poètes des princes 762

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