Raymond Naves, un humaniste en résistance

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raymond naves

Ouvrage publié avec le soutien de la Région Occitanie Pyrénées Méditerranée et du Conseil départemental de la Haute-Garonne

Maquette : Éditions Loubatières Photogravure et impression : GN Impressions ISBN : 978-2-86266-778-2 © Éditions Loubatières, 2020 Sarl Navidals 1, rue Désiré-Barbe F-31340 Villemur-sur-Tarn www.loubatieres.fr

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Pierre Petremann

Raymond Naves un humaniste en résistance

avant-propos de

Rémy Pech

Éditions Loubatières 3

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les républicains espagnols à rivesaltes

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Il semble que le fanatisme, indigné depuis peu des succès de la raison, se débatte sous elle avec plus de rage.

Voltaire, Traité de la tolérance (1763).

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préface

Prendre ses responsabilités et agir. Ce choix fut celui des femmes et des hommes qui se sont levés pour dire non à l’inacceptable, non à l’intolérable, non au fascisme, au franquisme, au nazisme, non à la collaboration et au régime raciste et xénophobe de Vichy.

Durant ces longues années de ténèbres, années de servitude, dangereuses et inhumaines, ces femmes et ces hommes ont refusé le mensonge. Avec lucidité et détermination, ils se sont révoltés et ont combattu pour rétablir la République et refonder une société libre, égalitaire et fraternelle. Ils ont choisi de se révolter car l’homme révolté c’est l’homme qui dit non.

Raymond Naves était l’un de ces citoyens révoltés qui refusent mais ne renoncent pas, et qui s’engagent. Ce professeur de lettres à la faculté de Toulouse fut d’abord pleinement engagé dans son métier d’enseignant. Il considérait que la force émancipatrice des savoirs est essentielle à l’autonomie de chaque individu, une émancipation permise par la raison et soutenue par l’éducation. Syndicaliste et politique très actif, il portait avec conviction les idées chères à Jaurès d’un socialisme humaniste.

S’il fut un irréductible adversaire de la guerre, ultime expression de l’ignorance et de l’intolérance des populismes xénophobes, cet intellectuel n’hésita pas à mettre sa pensée en action dès 1937 au soutien des républicains 7

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espagnols réfugiés à Toulouse, puis au service de la Résistance en dirigeant le mouvement France au combat puis en devenant chef de l’armée secrète pour la zone grand Sud-Ouest. Homme de conviction, son refus de la clandestinité et la poursuite de son enseignement à la faculté lui furent fatal.

Le remarquable travail d’historien et de biographe réalisé par Pierre Petremann éclaire le chemin digne d’exemplarité suivi par Raymond Naves, placé sous le sceau de la liberté de l’esprit, consacré à faire triompher la justice et la paix face au fanatisme et à la barbarie.

Ce travail de mémoire est aussi un devoir de résistance.

En mettant nos pas dans ceux de Raymond Naves, nous affirmons que la mémoire n’est pas tournée vers le passé : elle est faite pour le présent et pour l’avenir ; et pour ne pas laisser le trouble envahir nos esprits. Ne rien oublier, agir en conscience, là demeurent les défis. Là réside notre attachement indestructible à la liberté qui est au cœur de l’édifice républicain.

Georges Méric Président du Conseil départemental de la Haute-Garonne

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avant-propos « Mort pour la France et pour Toulouse 1 » « À l’excellence de l’esprit a répondu la beauté des actes jusqu’à la fin suprême » déclarait le président Georges Mailhos en inaugurant en 1993 à l’intérieur de l’Université du Mirail les stèles, symboliquement transparentes, rappelant le sacrifice des professeurs résistants Albert Lautman et Raymond Naves. Il évoquait ensuite les persécutions qui, à travers les siècles et en particulier en terre occitane, avaient frappé les dissidents, les rebelles, ceux qui s’étaient écartés de la soumission aux ordres reçus, aux hiérarchies imposées, aux pouvoirs absolus.

Raymond Naves n’était pourtant pas forcément prédestiné à son destin tragique. D’une famille enracinée dans la campagne garonnaise, il avait, grâce à l’étude, réussi le prestigieux concours de l’École normale supérieure, puis assumé durant plus de dix ans les fonctions de professeur de lycée à Béziers, Marseille et Paris, tout en préparant sa thèse sur Le Goût de Voltaire, avant d’accéder en 1937 au professorat universitaire dans sa ville de prédilection, Toulouse. Certes, ses recherches érudites et l’héritage paternel d’un engagement résolu pour l’idée socialiste lui avaient inculqué au plus profond la passion de la liberté et de la paix. Mais combien de ses pairs, à l’arrivée des 1. Formule employée à propos de Raymond Naves par M. J. Bécanne dans « La Résistance », Bulletin municipal de Toulouse, octobre 1944.

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années sombres, s’étaient murés dans une passivité commode tandis que déferlaient les mesures autoritaires, les lois raciales et les censures ! Combien avaient accepté les servilités, les trahisons, et même les surenchères dont le régime de Vichy avait nourri sa politique à l’égard d’un nazisme imposé par la force des armes, mais instillé aussi, insidieusement, dans bien des consciences !

Raymond Naves n’était pas seul. Il incarnait l’esprit de résistance d’une intelligentsia toulousaine regroupée autour des Trentin, Bertaux, Dottin, Lautman, Faucher, Soula, Ducuing, universitaires déjà prestigieux, bientôt rejoints par de jeunes émules tels Vernant, Badiou, Debauges, Morin, et renforcés par des réfugiés de la trempe des Cassou, Jankélévitch, Friedmann, Meyerson…

Naves était un socialiste militant dans les tendances les plus à gauche de la SFIO, un syndicaliste enseignant lié au monde ouvrier par sa fréquentation assidue de la Bourse du travail. Il avait professé jusqu’en 1940 un profond pacifisme, mais celui-ci n’avait pas empêché la révolte devant l’inacceptable. Alors, il s’était mué en homme de guerre, organisateur de réseaux résistants dans un esprit de large union pour le combat sans merci qu’il fallait livrer. Mais il n’abandonna ni ses recherches sur le siècle des Lumières, ni ses étudiants en Lettres. Les années sombres furent au contraire pour lui celles de l’épanouissement intellectuel.

Poète, écrivain et dramaturge récemment redécouvert, il sut mener de front le combat résistant et la création littéraire. Gageons que les deux chantiers ainsi ouverts se nourrissaient l’un l’autre.

Et cet homme sans ambition de pouvoir, sans grande forme physique non plus, fut pourtant investi comme coordinateur et chef des résistants toulousains, d’abord avec François Verdier puis prenant le relais après l’assassinat de celui-ci. Désigné par les instances nationales 10

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avant-propos

comme devant occuper le poste de maire de Toulouse à la Libération, il disparut dans la déportation en février 1944 et mourut à Auschwitz quelques mois plus tard, à 42 ans. La ville de Toulouse, consacrait en octobre 1944 un numéro spécial à la Libération ouvert par un portrait de Raymond Naves, une notice biographique et une publication de sa lettre à Zoretti stigmatisant les « socialistes collaborationnistes ».

Pierre Petremann est agrégé d’histoire, historien du syndicalisme enseignant, en poste au lycée Raymond-Naves de Toulouse de 1999 à 2016. Il a travaillé sur le passé du grand résistant pour les élèves du lycée éponyme qu’il a su mobiliser pour réaliser dossiers, expositions, etc. Il a participé à la journée d’études sur Raymond Naves de 2014, à l’Université Jean Jaurès, qui a fait l’objet d’une publication récente. Il est en relation suivie avec Francis Naves, fils de Raymond et résistant lui aussi. Nul plus que lui n’était qualifié pour écrire cette biographie précise et enthousiaste. Éloigné de toute hagiographie, il replace le héros dans un contexte historique très large, en mesurant précisément les éléments qui motivent son engagement, puis en suivant rigoureusement le cours de sa vie. La mise en lumière de ce destin foudroyé, au moment où renaissent de lourdes menaces sur la paix et la démocratie, nous porte à souhaiter que soient « Vivaces », pour reprendre le titre du recueil de poésies publié par Raymond Naves à Toulouse en 1943, les valeurs et les principes d’action qu’il a illustrés.

Rémy Pech Professeur émérite d’histoire contemporaine Président honoraire de l’université Toulouse Jean-Jaurès

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introduction À un moment de l’histoire où il était facile de trouver mille bonnes raisons, sinon de se soumettre, du moins de ne pas choisir, certains en ont décidé autrement, en sachant que la mort, pour eux, n’allait pas frapper au hasard.

Pierre Laborie. L’Opinion française sous Vichy.

Il est parfois des rencontres improbables qui débouchent sur des aventures inattendues, celle que je fis avec Raymond Naves en fait partie.

Elle commença dans un lycée de l’est toulousain où j’avais été nommé professeur d’histoire. Fraîchement arrivé de la région parisienne, j’ignorais tout de celui dont le nom avait été choisi pour identifier mon nouvel établissement.

La première rencontre avec mon personnage intervint quelques années plus tard, lorsque l’établissement fut choisi pour recevoir la distinction de l’Ordre national du Mérite en raison du nom qu’il portait, et que nous eûmes, élèves et collègues, la charge de réaliser une exposition retraçant le parcours de Raymond Naves.

C’est en travaillant à cette réalisation que je découvris l’ampleur du personnage, brillant universitaire, syndicaliste, militant politique et figure de la Résistance toulousaine. Ce fut à cette occasion que je fis la connaissance de 13

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Francis Naves, son fils unique, qui nous fit, chez lui, un accueil chaleureux et enthousiaste et nous permit de toucher de près l’homme derrière la personnalité publique.

C’est profondément marqué par le destin tragique de cet homme et ses grandes qualités intellectuelles et humaines, que je décidai d’en savoir un peu plus et de lui consacrer cette biographie.

Une autre rencontre, quelque temps plus tard, me persuada de ne pas limiter ce portrait à celui du résistant, lorsque, invité à présenter Raymond Naves lors d’une journée d’études 2 consacrée à son œuvre littéraire, je m’aperçus que plusieurs intervenants, qui n’ignoraient rien de l’universitaire et de son travail, n’avaient que très peu d’idées de ce que fut son existence en dehors.

Dans Voltaire, l’homme et l’œuvre, écrit en 1942, il souhaitait amener ses étudiants à comprendre les textes de Voltaire à l’aune de la vie de leur auteur ; de la même manière, on ne pouvait réduire Raymond Naves à son rôle, certes majeur, dans la Résistance, un rôle que l’on ne pouvait comprendre qu’en résonance avec ses autres engagements, y compris littéraires.

Cette biographie se présente comme l’histoire d’une vie, d’un parcours qui, je le souhaite, permettra de comprendre le choix qui fut celui de la Résistance, qui ne fut pas un aboutissement mais une suite logique, presque prévisible, tant ses choix antérieurs, les valeurs qu’il défendait, les batailles qu’il mena, les textes qu’il écrivit et les auteurs qu’il chérissait ne pouvaient que le conduire à ce combat. Écrire une biographie est un exercice difficile pour son auteur qui entretient forcément une relation particulière à son sujet. Il ne peut avoir un regard totalement froid sur le personnage dont il a choisi de raconter l’histoire, mais 2. Raymond Naves : les débuts de l’esthétique au xviiie siècle, Presses Universitaires du Midi, octobre 2018.

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introduction

il ne doit pas pour autant tomber dans le récit hagiographique. La recherche de l’objectivité s’impose et oblige à un regard critique et à un recours permanent aux sources les plus diverses et à leur confrontation. L’exercice devient périlleux lorsque la matière fait défaut et se réduit à une période limitée dans le temps. Comment entrer en contact avec un homme dont on ne connaît le visage qu’au travers d’un portrait, tiré d’une photo d’identité, et qui fait figure d’image « officielle » accrochée dans le hall d’entrée d’un lycée ? Commence alors ce que Violaine Gelly appelle 3 « le travail de détective obsessionnel » du biographe, dont la première étape est de donner vie à son personnage, celui que l’on n’a jamais rencontré et dont les images sont rares.

Des témoignages, des photographies et des archives nous ont permis de faire connaissance. La description que fit de Raymond Naves Henri Docquiert nous renseigna un peu sur son physique 4 : « Silhouette mince et bien découplée, la taille assez petite est dominée par un visage bien construit, aux méplats saillants s’ouvrant sur un éclatant sourire tandis que les yeux cachent leur flamme derrière de grosses lunettes d’écaille. » Docquiert nous parle aussi d’un homme simple, toujours ponctuel qui se déplaçait à bicyclette et gardait toujours l’air sérieux et pénétré du professeur avec son regard perçant. Un homme gai qui aimait à dire que le premier ennemi à combattre était la tristesse et qui détestait par-dessus tout le soliloque.

Francis Naves nous fit de son père un portrait moral très émouvant parce que transparaissait encore chez cet homme de 80 ans l’image qu’il avait conservée de son père disparu alors qu’il n’avait que 18 ans.

3. Violaine Gelly, Paul Gradvohl, Charlotte Delbo, Fayard pluriel, 2017, p. 15-16.

4. Henri Docquiert, Églantine et vert de gris, 1970, p. 56.

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« Mon père était un pacifiste. Homme aux idées très arrêtées mais d’une grande honnêteté intellectuelle. Il ne transigeait jamais mais était très agréable à vivre, nous plaisantions souvent ensemble. Énorme travailleur, toujours occupé par ses activités nombreuses et recevant beaucoup de monde.

Ce n’était pas un professeur permanent mais il était profondément professeur, aimant à transmettre le savoir. Il n’était pas croyant, s’intéressait à la religion, c’était un esprit très ouvert.

Très lié avec ses étudiants, ne mélangeait jamais la politique et le travail universitaire. Il était certain qu’il ne pouvait rien lui arriver à l’Université, c’est pourquoi, par respect pour sa profession, il refusa de partir en janvier 1944, il voulait finir son cours d’agrégation sur Proust. » Ce portrait est très précieux car il présente le professeur Naves, comme l’appelaient certains de ses camarades de combat, un homme attaché à son métier avec une grande rigueur intellectuelle mêlée de tolérance, tout ce qui fit qu’il fut reconnu et respecté par tous ceux qui le rencontrèrent.

Plus prosaïques mais tout aussi importants pour nous furent les documents administratifs, les remarques sur ses dossiers personnels de l’Éducation nationale qui soulignaient son sérieux, son amour d’enseigner, mais aussi sa détermination dans la défense de ses idées qui lui valut quelques remarques acerbes de sa hiérarchie et certaines déconvenues dans son parcours. Les autorités militaires nous ont fourni des éléments très précis sur son physique, selon ses chefs qui reconnurent tous ses grandes capacités intellectuelles et sa détermination à servir son pays. Raymond Naves était « un sujet à ménager », de constitution fragile, un mètre soixante-sept pour cinquante-trois kilos en 1939 et sujet à des pathologies respiratoires confirmées par les notifications de congés pour maladie qui se trouvent dans son dossier professionnel.

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Ces sources, aux Archives nationales et à celles de la Défense, nous permirent de nous familiariser avec un homme dont l’image devenait petit à petit moins floue.

Cependant ce fut grâce aux souvenirs familiaux que nous transmit Francis Naves que nous pûmes enfin voir, à différents moments de sa vie, un enfant, un adolescent, un homme enfin dans son existence ordinaire, sur des photos de classe, avec sa famille, au travail à son bureau et lors de promenades dans la nature qu’il affectionnait particulièrement, dans l’Hérault, à Marseille ou en région parisienne.

Des documents d’histoire vivante, éclairés par les commentaires aussi précieux qu’émouvants de son fils, parlant de son père comme d’un homme ordinaire, passionné par son métier mais toujours présent pour sa famille. D’autres sources plus éparses nous permirent de peaufiner le portrait physique et moral de Raymond Naves, comme le souvenir de certains de ses étudiants, celui qu’il laissa à ses compagnons de captivité tels que Rémy Roure ou Sylvain Dauriac ou à ses collègues et amis politiques comme Paul Debauges, tous unanimes pour saluer le grand intellectuel, l’homme de conviction non sectaire et l’ami fidèle.

Raymond Naves lui-même nous aida beaucoup par l’importance de ses écrits auxquels nous consacrons une part importante de cette biographie. Écrits littéraires bien sûr, dont la production abondante nous a permis de suivre à la fois le parcours d’un spécialiste du xviiie siècle et d’un novateur dans l’étude de l’œuvre de Voltaire, mais aussi celui d’un enseignant passionné de transmission qui fut à l’origine d’une forme d’ouvrages universitaires dont l’objectif fut d’abord de conduire ses étudiants à la lecture intégrale d’ouvrages dont il leur fournissait les clefs.

La lecture des ouvrages publiés durant les années de guerre, ils furent nombreux, nous a fourni des éléments 17

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quant à la personnalité de leur auteur. On ne travaillait pas totalement par hasard sur Voltaire et Machiavel en 1942 et si Raymond Naves ne céda jamais à une utilisation politique et encore moins à une instrumentalisation de ces auteurs et de leurs textes, il choisit d’imprégner ses étudiants de leurs analyses politiques, du rôle qu’ils accordaient à l’histoire et des valeurs qu’ils mettaient en avant.

Les écrits politiques de Raymond Naves furent également une source précieuse pour connaître ses engagements à la SFIO et dans le syndicalisme enseignant, mais aussi pour comprendre sa réflexion sur les problèmes de son époque. Nous avons pu disposer de l’intégralité du journal qu’il créa et anima dans le département de l’Hérault, Le Cri socialiste du Midi. Éditorialiste, il y traitait des grandes questions qui agitaient sa fédération, au sein de laquelle il fut d’abord minoritaire et où il croisa le fer avec les notables du parti. On y découvrait un ardent défenseur des ouvriers et un combattant déterminé de la transformation de leur condition sociale. Raymond Naves n’avait rien d’un théoricien, il utilisait les situations concrètes pour en tirer des conclusions à portée générale dans son style élégant et, plutôt que de donner des leçons de socialisme, il préférait donner les éléments qui permettaient à ses lecteurs de se forger leur opinion, ne craignant pas de se trouver à contre-courant des avis convenus. À Toulouse, avant-guerre, il écrivit souvent dans Le Midi socialiste. Lui qui n’était pas élu gardait une totale liberté d’expression et la grande rigueur de ses analyses, son refus de toute polémique, donnaient à ses articles un ton particulier, ce fut notamment le cas de ses articles de 1938 et 1939 sur la situation internationale et le risque de guerre.

Ses responsabilités syndicales et politiques l’amenèrent à participer à plusieurs congrès nationaux dans lesquels il 18

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prit la parole sur des sujets d’ampleur nationale comme la réforme de l’enseignement, la question de la participation des socialistes à des gouvernements qualifiés à l’époque de « bourgeois » ou encore le mode de scrutin, débat dans lequel il se montra particulièrement novateur en défendant l’élection à la proportionnelle intégrale, seule garantie pour lui d’une élection réellement démocratique.

Lorsque l’on fait la somme de ses écrits, on est impressionné par la quantité produite dans un temps assez court, treize années au total, mais surtout par la diversité des sujets abordés, des auteurs étudiés, seul le théâtre fut absent de son œuvre, la seule tentative qu’il fit dans ce domaine ne lui sembla pas concluante et ne fut jamais publiée.

Ces sources, auxquelles il faut ajouter les ouvrages d’histoire dans lesquels il apparaît et qui ne concernent que la période de la guerre, nous ont permis de retracer l’ensemble d’une vie que nous avons choisi de suivre chronologiquement. Nous le suivrons donc de son enfance parisienne jusqu’à sa disparition dans la nuit et le brouillard d’Auschwitz, avec la volonté de montrer comment chacune des étapes permet de comprendre ses choix, ses engagements, mais aussi ses passions pour la littérature, l’enseignement, la nature, pour la vie en général, lui dont son fils me dit un jour qu’il n’était jamais triste.

L’enfance de Raymond Naves fut incontestablement marquée par l’image d’un père militant qui s’engagea lors de la Première Guerre mondiale et en revint physiquement diminué, ce qui contribua à l’engagement pacifiste du jeune homme. La famille, installée à Paris, partit en 1911 pour Bordeaux où le père avait été nommé. Le jeune garçon y fit l’essentiel de sa scolarité secondaire, seul avec sa mère entre 1914 et 1917. Il retrouva les attaches haut-garonnaises de sa famille en 1917 et ce fut à Toulouse qu’il obtint son baccalauréat et prépara son entrée 19

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à l’École Normale Supérieure. Un parcours scolaire brillant dont nous avons des traces au travers des photos de classe et de son livret scolaire. En 1923, âgé seulement de 21 ans, il fut reçu à l’agrégation de lettres et commença sa carrière d’enseignant. Un an plus tard, il se mariait à une enseignante et en 1926 naissait leur fils unique, image heureuse d’un couple de fonctionnaires de province dans ce Sud-Ouest auquel ils étaient tous les deux très attachés.

Cependant, les aléas des mutations et de l’évolution de la carrière du jeune professeur vont bousculer cette quiétude méridionale. Reconnu par ses pairs comme un excellent enseignant, engagé dans son travail de recherche sur Voltaire, il obtint assez vite et très jeune un poste en classe préparatoire à Marseille puis fut nommé à Paris, un périple professionnel qui rendit parfois difficile la vie de famille mais jamais son équilibre ne fut menacé.

Passionné par son métier, Raymond Naves ne s’y enferma pas pour autant, il s’engagea d’abord en syndicalisme, à la CGT, ce qui était très rare à l’époque pour les enseignants, afin d’œuvrer à la démocratisation d’un système éducatif élitiste et cloisonné mais aussi pour faire progresser les conditions matérielles des enseignants. Par ailleurs, il épousa la cause du socialisme en adhérant à la SFIO, où militait son père, avec lequel il créa un journal et occupa des responsabilités importantes à la fédération de l’Hérault.

Cette période est très importante pour comprendre ses décisions et ses engagements futurs. En effet, nous sommes déjà en présence d’un homme aux responsabilités multiples mais qui sont totalement complémentaires. Certes Raymond Naves est un intellectuel, mais il est d’abord un enseignant pour qui l’instruction est le facteur essentiel de l’émancipation humaine, il est syndicaliste, au risque d’en payer parfois le prix pour sa carrière, et il est aussi socialiste, mais il critique la routine de la SFIO et en appelle toujours 20

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à son modèle Jean Jaurès. Il était comme lui un républicain atypique, social, critique et indépendant. Attaché à un socialisme humaniste, il avait fait sienne cette phrase de Jaurès : « Nous pouvons dans le combat révolutionnaire garder des entrailles humaines ; nous ne sommes pas tenus, pour rester dans le socialisme, de nous enfuir hors de l’humanité 5. » On retrouve la filiation jauressienne de Raymond Naves dans la nature de son pacifisme, lucide face au réel danger de guerre et la nécessité de protéger le pays, il refusait aussi le discours antiallemand qui fut, avant 1939, aussi violent qu’il l’avait été avant 1914 et qu’il condamna publiquement comme Jaurès l’avait fait avant lui.

On ne peut enfin cerner complètement la personnalité de Raymond Naves sans intégrer à son portrait la figure tutélaire de Voltaire, bien plus pour lui qu’un sujet d’étude, une référence quant aux valeurs humaines, un modèle de pensée mais aussi un militant et, comme lui, Raymond Naves ne se contenta pas d’écrire, il mit sa pensée en action.

C’est avec ce bagage qu’il revint à Toulouse à la rentrée de 1937, à un moment où la fin du Front populaire remettait en question l’espoir qu’il avait suscité et où les tensions internationales augmentaient. La guerre civile espagnole fut pour lui un révélateur, il s’engagea dans la défense de la démocratie en Espagne et se lia avec les milieux antifascistes toulousains tout en continuant son militantisme à la SFIO et son engagement syndical au sein des collèges du travail de la CGT. Ce fut pour lui une période d’activité politique intense mais aussi de réflexion sur la crise qui frappait la société française, une crise économique et sociale mais aussi une crise morale. Si certains de ses engagements furent très clairs comme son hostilité à la 5. Jean Jaurès, Les preuves. Affaire Dreyfus (1898), La Découverte, 1998, p. 47.

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politique de non-intervention en Espagne et son refus des accords de Munich, il ne cessa de chercher des réponses dans son parti, refusant les positions extrêmes, cherchant à préserver l’unité des socialistes, mais aussi en dehors, en participant à toutes les initiatives qui pouvaient conduire à une réaction collective.

Il ne renonça pas à son idéal pacifiste mais fut lucide sur les dangers de guerre dans un esprit internationaliste et européen, pensant que les démocraties avaient encore les moyens de résister aux totalitarismes, mais sans illusion sur l’objectif final de ces derniers.

C’est en officier de réserve lucide et déterminé qu’il reçut son ordre de mobilisation en septembre 1939. Il vécut le conflit en officier mais aussi en citoyen, il n’avait pas souhaité cette guerre, avait œuvré pour qu’elle n’ait pas lieu, mais il y prit toute sa place comme en attestent ses états de service. Il sut également en comprendre les données militaires, depuis le manque d’organisation jusque dans l’incohérence de certains commandements, mais aussi politiques, ce qui le conduisit à rédiger un article dans lequel il dénonça l’attitude de ces officiers plus enclins à condamner la République qu’à mener la bataille.

L’occupation du territoire national, la débâcle militaire, furent pour lui un autre déclencheur de résistance, il réagit alors bien plus en soldat de la Nation qu’en militant socialiste pacifiste.

Démobilisé, il ressentit, comme une immense majorité de Français, une sorte de sidération face à une situation que Pierre Laborie résumait ainsi : « L’immensité de la défaite, la tenaille d’un double régime d’occupation et d’oppression en font un phénomène historique sans précédent dans l’histoire du pays 6. » 6. Pierre Laborie, « Qu’est-ce que la Résistance ? », in Dictionnaire historique de la Résistance, Robert Laffont, coll. « Bouquins », 2006, p. 30.

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introduction

Cette période fut pour Raymond Naves celle d’une intense réflexion, il ne put accepter le renoncement et l’acceptation du régime de Vichy de nombre de ses camarades. Son attitude immédiate se rapproche du concept de non-consentement mis en lumière par l’important travail de Pierre Laborie dans son étude des transformations de l’imaginaire social. Pour un homme comme lui, antifasciste convaincu et pétri d’idéal démocratique et républicain, il fut difficile de concevoir la fracture que représentaient Vichy et l’État Français et il pensa alors qu’une réaction était encore possible, il réagit en citoyen cherchant à comprendre et espérant un sursaut. Les textes qu’il rédigea alors et qu’il signa, par exemple dans une brochure résistante étudiante, montraient que, si son choix idéologique et moral était sans ambiguïté, il gardait encore l’espoir de convaincre, en particulier, ceux avec qui il avait milité avant-guerre, comme le montrait sa réponse à Ludovic Zoretti, et de les réunir à nouveau autour des valeurs qu’ils avaient défendues ensemble.

On mesure très bien son état d’esprit d’alors dans le choix qu’il fit dans L’Aventure de Prométhée de présenter l’œuvre de Du Vair, magistrat stoïcien qui évoquait dans son Traité de la Constance l’état de sa réflexion lors du siège de Paris par les troupes d’Henri IV. Homme cultivé et méditatif, Du Vair eut la tentation du renoncement et il disait sa tristesse de voir « le parti le plus juste étouffé par le plus fort » mais il décida d’agir au nom de l’espoir parce que, écrivait-il, « la situation d’un pays n’est jamais telle qu’on en désespère 7 ».

Pour Raymond Naves, il n’était pas possible de ne pas garder l’espoir, il fallait se raccrocher, comme le dira Lucien Febvre dans sa leçon inaugurale au Collège de 7. Raymond Naves, L’Aventure de Prométhée, Privat-Didier, 1943, p. 55 et 57.

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France le 1er décembre 1943, à quelque chose de stable dont on ne pouvait admettre le naufrage, ce ne pouvait être que la République qu’il fallait désormais restaurer.

Le glissement logique de la non-acceptation d’une situation à la volonté de la changer s’opéra naturellement, un ensemble de causes l’expliquait, son histoire de militant, sa capacité à analyser des circonstances historiques, son objet d’étude littéraire, ses contacts avec des hommes de milieux divers et enfin son expérience de la guerre et le choc de l’été 1940.

Il eut sans doute alors le sentiment de participer à un combat qui avait débuté bien avant la guerre et qui devait déboucher sur une société plus humaine et plus juste.

Si l’engagement en résistance fut alors inéluctable, il n’en fut pas moins atypique dans sa nature. Alors que ses camarades, considérant que la SFIO était morte comme Pierre Brossolette le dit en termes on ne peut plus clairs à Jean Cassou : « Tout est fini, ce pays n’existe plus, voyez où en sont les partis… le Parti Socialiste dont je suis est en décomposition 8 », rejoignaient les mouvements naissants, il choisit de répondre à l’appel de Daniel Mayer et d’Eugène Thomas. Il s’engagea dans le Comité d’action socialiste afin de reconstruire un parti détruit et se battit pour lui faire jouer un rôle dans le combat pour la libération nationale. En même temps, le parcours de Raymond Naves correspondait à la notion de Résistance comme mouvement social avancée par François Marcot 9. En effet, comme la très grande majorité des résistants, il continua à vivre dans le monde social, sous son propre nom, en exerçant son métier et en menant une vie de famille. Comprendre cette situation permet de faire une histoire vivante de la 8. Jean Cassou, La Mémoire courte, Sillage, 2017, p. 49.

9. François Marcot, « Comment écrire l’histoire de la Résistance ? », Le Débat, n° 177, 2013, p. 173 à 185.

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Résistance, d’être en phase avec la réalité des acteurs sans idéaliser leur combat mais sans le déshumaniser. Pour le faire, nous avons croisé les sources, celles des acteurs, peu nombreuses par nature, sauf lorsque, le combat terminé, ils devinrent témoins comme le furent Henri Docquiert pour Raymond Naves ou Pierre Dumas pour François Verdier 10, et celles des historiens qui cherchent à tendre vers la vérité des faits et, comme le disait Pierre Nora, à sortir la mémoire du sacré.

Dans l’histoire de Raymond Naves, nous avons été confronté à cette question, nous avons cherché à démêler, parfois avec difficulté, le vrai du faux et à remettre en cause des affirmations maintes fois reprises.

Il n’était pas question, dans ce livre, de faire de lui un héros, il aurait sans doute détesté ce qualificatif. Il n’y a pas de dimension épique dans son action et il fut conscient très tôt des risques qu’il prenait ; en refusant la clandestinité il décida de demeurer un homme ordinaire, animé d’un idéal qu’il choisit jusqu’au bout de défendre et de faire partager.

Le plus difficile fut de le quitter sans que lui-même, comme d’autres purent le faire, ne nous donne aucun témoignage de ses souffrances et de son dernier combat ; nous dûmes nous en remettre à ses camarades qui firent le récit à la fois de son courage et de son calvaire.

Le choix du titre s’est peu à peu imposé au fil de nos recherches alors que se dessinait le portrait d’un honnête homme au sens où on employait ce terme du temps de Voltaire. Un homme attaché à des valeurs comme la tolérance et la lutte contre les injustices, un homme attentif aux autres, analysant le passé afin d’en tirer des leçons pour le présent et donc totalement ancré dans son époque.

Cette observation nous a conduit à retenir le qualificatif 10. Pierre Dumas, Saint-Jean terroriste, Éditions Delmas, 1945.

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d’humaniste pour le définir, en référence certes à ses passions littéraires, dans la filiation qu’il y fit entre Renaissance et Lumières, mais également parce que Raymond Naves plaçait toujours l’homme au centre de ses préoccupations avec ses élèves et ses étudiants, soucieux d’élever leur niveau de connaissances tout en développant leur esprit critique, avec ses collègues dans le combat syndical et, sans distinction, avec les ouvriers, les paysans, les intellectuels autour du projet socialiste pour lequel son engagement fut total.

Un humanisme qu’il vécut de façon concrète, dans la défense de la République espagnole et dans l’aide aux réfugiés et, bien sûr, dans son engagement résistant pour la défense de la liberté face à la barbarie. Un humaniste en résistance avant l’apparition de la Résistance, résistant aux injustices de la société et aux inégalités sociales en s’investissant dans l’éducation ouvrière, mettant ainsi en pratique ces mots de Jaurès : « Tout progrès vient de la pensée et il faut donner d’abord aux travailleurs le temps et la force de penser 11. » Il fut un humaniste résistant jusqu’à la fin, lorsqu’il n’eut plus la force de se lever à Auschwitz, allant jusqu’au bout de ce qu’il considérait comme son devoir envers les hommes, illustrant les propos d’un autre résistant, Philippe Viannay qui définissait ainsi son engagement : « Et si notre combat avait d’abord été une volonté de rester des hommes 12. » Ce portrait comporte sans doute des oublis du fait de la faiblesse et même de l’absence de sources à certaines périodes, des imprécisions aussi tant il est difficile d’appro11. Jean Jaurès, Le Parti Socialiste, La Dépêche de Toulouse, 27 octobre 1889.

12. Philippe Viannay, Nous sommes des rebelles, Collection Défense de l’Homme, 1945.

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cher la vérité historique, en particulier sur la période de la Résistance où ne pas écrire, ne pas parler, ne pas se confier, étaient des garanties de survie. Laurent Douzou dit à juste titre que l’histoire de cette période est périlleuse tant des images nombreuses y sont attachées, tantôt brillantes et tantôt sombres, souvent embellies, parfois dénaturées et qui se sont modifiées avec le temps au fil des avancées historiographiques mais aussi des tentatives d’instrumentalisation des hommes et de leurs actions.

Pour autant j’ai essayé, avec l’honnêteté qui doit guider l’historien, de présenter tous les éléments pouvant permettre de faire le portrait d’un homme qui fut, à l’image du combat qu’il mena, en permanence dans l’action et dans la réflexion, dans la décision implacable comme dans la précaution salutaire.

Au-delà du résistant j’ai souhaité présenter l’homme dans son entièreté, ce qui me sembla être le moyen de montrer comment un individu, quelles que soient les circonstances, s’il est attaché à des valeurs, fidélité, droiture, refus de la compromission et lucidité face aux événements, se sentit incapable de les renier et choisit de les défendre jusqu’au péril de sa vie, lui dont la modestie lui fit dire qu’il ne fallait jamais penser faire plus que son devoir.

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table des abréviations AGE : Association générale des étudiants de Toulouse AS : Armée secrète BBC : British Broadcasting Corporation BCRA : Bureau central de renseignements et d’action CAS : Comité d’action socialiste CASPE : Comité d’action socialiste pour l’Espagne CCEO : Centre confédéral d’éducation ouvrière (CGT) CCN : Comité confédéral national (CGT) CDR : Conseil Départemental de la Résistance CGT : Confédération générale du travail CGTU : Confédération générale du travail unitaire CNR : Conseil national de la Résistance ENS : École normale supérieure EPS : École primaire supérieure FAC : France au Combat FFI : Forces françaises de l’intérieur FGE : Fédération générale de l’enseignement FMEL : Fédération des membres de l’enseignement laïc FTPF : Francs-tireurs et partisans français FTP-MOI : Francs-tireurs et partisans de la main-d’œuvre Immigrée GIF : Groupe insurrectionnel français ISO : Institut supérieur ouvrier (CGT) MLN : Mouvement de libération nationale MOF : Mouvement ouvrier français MUR : Mouvements unis de résistance NAP : Noyautage des administrations publiques 29

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ORA : Organisation de résistance de l’armée PCF : Parti communiste français PSOP : Parti socialiste ouvrier et paysan R3 : Dans le découpage régional de la Résistance, zone dont le centre était Montpellier et qui comprenait l’Aude, l’Aveyron, le Gard, l’Hérault, la Lozère et les Pyrénées-Orientales R4 : Dans le découpage régional de la Résistance, zone dont le centre était Toulouse et qui comprenait l’Ariège, le Gers, la Haute-Garonne, le Lot, le Lot-et-Garonne, les Basses-Pyrénées, les HautesPyrénées, le Tarn, le Tarn-et-Garonne et une partie des Landes R6 : Dans le découpage régional de la Résistance, zone dont le centre était Clermont-Ferrand et qui comprenait l’Allier, le Cantal, la Haute-Loire, le Puy-de-Dôme et une partie du Cher RNP : Rassemblement national populaire SDN : Société des Nations SET : Syndicat des Étudiants de Toulouse SFIO : Section française de l’internationale ouvrière Sipo-SD : Sicherheitspolizei und Sicherheitsdienst (Police de sécurité et service de sécurité) SNESUP : Syndicat national de l’enseignement supérieur SNET : Syndicat national de l’enseignement technique SNI : Syndicat national des instituteurs SPES : Syndicat des personnels de l’enseignement secondaire STO : Service du travail obligatoire UD-CGT : Union départementale CGT

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chapitre 1

de paris à toulouse Le Parisien de Poucharramet Si Raymond, Paul, Eugène Naves naquit à Paris, rue du Bac, le 18 mars 1902 ce fut du fait du hasard des mutations de l’administration du ministère des Finances où son père, François, était à cette époque rédacteur aux finances et en poste à Paris.

Le berceau de la famille Naves se situait dans le village de Poucharramet, petit bourg rural haut-garonnais dans la région de Muret au sud-ouest de Toulouse. Les Naves y sont enregistrés comme propriétaires ou cultivateurs depuis le début du xviiie siècle. Cette famille appartenait à l’aristocratie rurale, l’arrière-grand-père de Raymond Naves, Bernard Martin Naves figure sur les registres municipaux d’état civil en tant que laboureur, il exploitait une propriété dans le quartier dit de « La Rivière » où l’on peut encore voir aujourd’hui, le long de La Bure quelques belles demeures datant de la première moitié du xixe siècle installées au cœur de belles parcelles. Son grand-père, JeanBaptiste Naves, né en 1830, cadet de la famille, reprit l’exploitation ; il est qualifié de rentier sur l’acte de mariage de son fils François. Cet homme joua un rôle important dans le parcours politique de son fils, il était désigné comme républicain et fut un opposant déterminé au régime 31

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du Second Empire. Il eut quatre enfants dont le père de Raymond Naves, François, né en 1866 à Poucharramet.

Aucun des enfants ne reprit l’exploitation vraisemblablement vendue par Jean-Baptiste Naves entre 1896 et 1901, date à laquelle il n’y a plus de Naves à Poucharramet.

François fit des études secondaires brillantes, obtint son baccalauréat et après des études de droit à Toulouse entreprit, autre marqueur de l’attachement républicain de la famille, une carrière dans l’administration des finances à Orléans puis à Nîmes et enfin à Paris. Pour autant les liens avec le monde rural restèrent forts et, dans son engagement politique dont nous reparlerons, dans l’Hérault et à la fin de sa vie à Toulouse, la plupart de ses articles et de ses interventions publiques concernèrent les questions agricoles. François Naves épousa Jeanne Quetineau en 1898 qui était installée en région parisienne et qualifiée de rentière sur l’acte de mariage.

Les parents de Raymond Naves étaient donc tous deux issus du monde agricole et l’avaient quitté ce qui n’empêcha nullement leur fils de garder de ses origines un amour de la nature même s’il s’était éloigné du berceau familial.

Un brillant parcours scolaire et universitaire Le jeune Raymond Naves effectua sa scolarité primaire à Paris, ses parents habitaient alors boulevard Saint-Germain.

Nous ne possédons pas de documents précis sur cette période mais la suite de son parcours ne laisse planer aucun doute sur la réussite de ses premières années d’élève.

En 1911, il avait alors 9 ans, son père fut muté à Bordeaux ville dans laquelle il effectua l’essentiel de sa scolarité secondaire. Cette période nous est mieux connue, elle fut sans doute aussi moins facile pour le jeune garçon du fait de l’éloignement du père. En effet en 1914, bien qu’âgé de 48 ans et dégagé par sa situation administrative et son 32

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âge de toute obligation militaire, ce dernier décida de s’engager volontairement. Raymond Naves vécut donc la plus grande partie du conflit seul avec sa mère à Bordeaux.

Il entra au lycée en classe de 7e et y resta jusqu’en classe de seconde en 1917, date à laquelle François Naves, très marqué par les conditions de la guerre, fut renvoyé dans ses foyers. Son état était tel qu’il ne put accepter le poste de directeur départemental des Contributions indirectes des Hautes-Pyrénées qui lui fut alors proposé et dut demander sa mise à la retraite 13.

Un détail de cette époque bordelaise nous semble significatif de l’état d’esprit du jeune Raymond Naves. Élève en classe de troisième, nous sommes en juillet 1916 et il est alors âgé de 14 ans, il obtint le certificat de deuxième degré du cours supérieur de sténographie. Au-delà de l’anecdote et de l’originalité de la démarche pour un enfant de son âge, il est difficile de ne pas penser qu’il chercha alors à se doter d’une compétence qu’il utilisa dans la suite de ses études et au-delà dans les innombrables lectures qu’il effectua au cours de sa carrière universitaire.

La famille quitta Bordeaux à l’été 1917 pour rejoindre Toulouse où le jeune homme intégra le lycée de garçons, aujourd’hui lycée Pierre-de-Fermat, en classe de première littéraire. Son livret scolaire 14 mentionne les résultats d’un excellent élève, il se classait en effet premier dans toutes les disciplines avec une moyenne par matière se situant entre 14 et 18,5 et une moyenne générale de 15,5 sur l’année, ce qui lui valut le prix d’excellence. Il obtint avec succès la première partie du baccalauréat à 16 ans avec la mention très bien, puis la seconde en classe de philosophie lors de l’année scolaire 1918-1919 ; il y obtenait en outre le premier prix de dissertation française avec la note de 16.

13. Bulletin municipal de Toulouse, avril 1939, p. 669/670, AM P01/1939.11.

14. Document prêté par Francis Naves.

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Ces brillants résultats lui permirent d’intégrer la classe de première supérieure qui préparait au concours d’entrée de l’École normale supérieure de Paris (rue d’Ulm). Il fut admis dans la prestigieuse école à la rentrée 1920, il y réussit la licence ès lettres l’année suivante. Le jeune homme élégant portant moustache et un peu dandy que l’on peut voir sur la photo de classe quitta la rue d’Ulm en 1923 pourvu du titre d’agrégé de lettres, reçu seulement cinquième, une fois n’est pas coutume, mais il n’était âgé que de 21 ans.

Il choisit la carrière d’enseignant, poursuivant la tradition paternelle du service de l’État, un attachement à l’école républicaine au sein de laquelle il avait excellé et qu’il servit jusqu’à la fin.

Sa seconde année à l’ENS avait largement été amputée par son appel au service militaire, le déficit des effectifs de l’armée dû à la guerre avait conduit à une réduction de la durée du sursis pour études qui était jusqu’alors prévu par la loi de 1913 jusqu’à 25 ans. Raymond Naves n’avait qu’un peu plus de 20 ans lorsqu’il fut incorporé le 1er août 1922 au 106e régiment d’infanterie de Châlons-sur-Marne, il bénéficia toutefois d’un sursis d’un mois, du 31 juillet au 1er septembre 1923, pour se présenter aux épreuves de l’agrégation. Entre temps, la loi de 1923 ayant instauré une obligation d’incorporation dans la réserve de deux années, cela le conduisit au 83e régiment d’infanterie de Toulouse ; toutefois le retour à l’équilibre des effectifs militaires fit qu’il n’effectua pas la totalité de la période et fut rendu à ses foyers en octobre 1924. Ce fut à cette époque – l’acte de mariage précise en effet qu’il y avait été autorisé par le général commandant le 17e corps d’armée – qu’il épousa, le 22 octobre 1924, à Carcassonne, Marie, Jacobine Valette, originaire de Marseillan dans l’Hérault, enseignante elle aussi dans une école primaire supérieure. Les deux jeunes gens, elle a 24 ans et lui 22, s’étaient rencon34

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trés à Toulouse (Raymond Naves habitait alors 11, place Esquirol) dans le train qui les menait à Paris, lui à l’ENS et elle, venant d’Agde, à l’École normale de jeunes filles où elle préparait son Certificat d’aptitude pédagogique en lettres et histoire 15.

Professeur : du lycée à l’université En octobre 1924, Raymond Naves commença sa carrière d’enseignant du secondaire en classe de seconde au lycée de Carcassonne où il fut nommé à titre provisoire.

Attaché au sud de la France et à ce Languedoc qui, outre la terre natale de son épouse, était le lieu de vacances de la famille, il rédigea sa demande de poste définitif pour l’année scolaire suivante en ces termes : « Marié à un professeur d’école normale actuellement en congé d’un an [Mme Naves attendait la nomination de son époux pour solliciter un poste en école normale primaire ou en école primaire supérieure dans le sud de la France] je demande pour l’année 1925-1926 un poste double, autant que possible dans le Midi, je souhaiterais rester à Carcassonne 16. » Mais, malgré l’avis favorable de son chef d’établissement et de l’inspecteur d’académie, il fut nommé au lycée de Douai et son épouse ne se vit offrir aucun poste. Ainsi comme beaucoup de jeunes professeurs, il partit dans le Nord ; toutefois la séparation du couple ne dura qu’une année et à la rentrée 1926 il fut nommé sur un poste fixe au lycée de Montpellier. Quittant son domicile toulousain, le couple s’installa dans la capitale languedocienne, au 3, rue Campan, et c’est là que naquit leur fils Francis le 19 décembre 1926.

15. Information donnée par leur fils Francis.

16. Archives départementales de l’Hérault, Dossier personnel rectorat de Montpellier, 1T2358/222.

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L’année suivante, nouvelle mutation qui était une promotion : il obtint en effet un poste en classe de première (c’était à cette époque l’année de la première partie du baccalauréat) au lycée Henri-IV de Béziers. Nouveau déménagement au numéro 4 de la rue d’Alsace, et un poste pour Marie Naves à l’EPS de Nîmes.

Les quatre années biterroises furent très importantes dans l’engagement syndical et politique du jeune enseignant et ce fut aussi la période des premières publications et du lancement de son travail sur Voltaire.

Ce fut également une période de grand équilibre familial, les parents de Raymond Naves s’installèrent à Béziers et les séjours dans la petite maison de vacances de Marseillan, ville où résidait la famille de Marie, offrirent au jeune chercheur un lieu idéal de travail, sur la petite table du jardin, selon les souvenirs d’enfance de son fils Francis.

Par contre, et ce sera le seul exemple dans sa carrière, les relations du jeune professeur avec son administration n’y furent pas des meilleures. Dans sa notice individuelle de notation de l’année 1927-1928 17 son chef d’établissement en dressait un portrait peu flatteur : « N’est pas un entraîneur. Sa classe manque de vie car il est un peu grave malgré sa jeunesse. » Quant à l’inspecteur d’académie, il posait la question de ses capacités à enseigner dans une classe d’examen et terminait par ces mots : « S’occupe, dit-on, un peu trop de politique. » Ce reproche revenait chaque année dans les appréciations de l’inspecteur d’académie, qui précisait qu’il avait des idées très arrêtées et lorsqu’il sollicita une autorisation d’absence pour se rendre au congrès national de la

17. AD34, op. cit.

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de paris à toulouse

SFIO à Nancy en 1929, elle lui fut refusée par le recteur de Montpellier.

Il semble cependant que ces reproches administratifs furent davantage liés aux débats politiques qui avaient lieu dans le département et sur lesquels nous reviendrons qu’aux compétences intellectuelles et pédagogiques de Raymond Naves, la preuve en est que toutes ses inspections pédagogiques (deux en 1928 et une en 1929) sont positives, voire élogieuses. Les inspecteurs soulignaient la qualité des préparations, sa capacité à capter l’attention des élèves et son enseignement très vivant. Un inspecteur général lui donna un avis favorable pour sa demande de mutation en classe de première dans une ville universitaire (en l’occurrence Toulouse) et un autre proposa même qu’il fût nommé directement à Paris, ce qui, à cette époque, était exceptionnel pour un enseignant âgé seulement de 26 ans.

Si les autorités ministérielles le trouvèrent sans doute un peu jeune encore pour un poste parisien, la nomination qu’il reçut à la rentrée de 1931 n’en était pas moins prestigieuse puisqu’il se vit confier une classe de première supérieure au lycée Thiers de Marseille, son épouse étant affectée à l’EPS Edgar-Quinet de la ville. Les deux années qu’il passa dans la cité phocéenne furent très épanouissantes du point de vue professionnel puisqu’il put donner toute la mesure de ses connaissances littéraires à des classes de quarante étudiants, filles et garçons, préparant le concours d’entrée dans les écoles normales supérieures, mais aussi parce qu’il put consacrer du temps à l’écriture et à la recherche. Il se plut beaucoup dans la région qu’il parcourait en famille lors des longues promenades dominicales et dont il aima photographier les paysages.

Sa vie de professeur de province s’acheva à la rentrée 1933 avec une nomination à Paris, suite logique de carrière 37

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pour les normaliens une fois achevé leur « purgatoire » provincial, même si ce ne fut sans doute pas ainsi que Raymond Naves considéra la dizaine d’années passée entre Carcassonne et Marseille.

Mais à Paris, il fallait faire ses preuves et son premier poste fut le lycée de jeunes filles Victor-Hugo, rue de Sévigné dans le 3e arrondissement, avec un service en classes de quatrième et de troisième, ce qui le changea certainement de sa classe préparatoire marseillaise. L’appréciation de fin d’année de l’inspecteur d’académie, que l’on jugerait aujourd’hui quelque peu sexiste, « Il me semble qu’il ne pourra donner sa mesure qu’une fois affecté à une classe de lettres dans un grand lycée de garçons 18 » reconnaissait cependant les grandes qualités du professeur.

Le vœu de l’inspecteur fut exaucé à la rentrée 1934, lorsque Raymond Naves fut nommé au lycée Charlemagne en qualité de professeur de première littéraire.

Toutefois, sans doute moins hostile à l’enseignement féminin que son inspecteur, il poursuivit en heures supplémentaires un enseignement de latin au lycée Victor-Hugo. Mme Naves ayant obtenu un poste à l’EPS de Melun la famille s’installa en Seine-et-Marne, mais cela ne dura qu’un an, sans doute à cause de la fatigue des trajets et de la santé fragile de Raymond Naves. En effet, ses dossiers personnels font état de nombreux congés de maladie, outre des pathologies classiques (sinusite et angine) on y découvre un homme atteint de dyspepsie et d’asthénie, doté d’une constitution peu robuste aggravée par l’énergie qu’il déployait et la charge de travail qu’il s’imposait.

Son épouse ayant obtenu sa mutation à l’EPS Berthelot de Pantin, Raymond Naves rejoignit Paris pour habiter rue Bréa dans le 6e arrondissement.

18. Archives nationales. Archives du rectorat de Paris. Dossier personnel AJ/16/6110.

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de paris à toulouse

Dans son nouveau poste, les appréciations furent élogieuses ; en 1936 le proviseur du lycée Charlemagne commentait ainsi son travail : « Très consciencieux, Monsieur Naves donne avec distinction dans sa classe de Première un enseignement très bien préparé, clair, intéressant et qui donne de bons résultats. » Quant à l’avis de l’inspecteur général de Bevotte 19, il faisait, en ces termes, un portrait très séduisant du professeur : « Monsieur Naves parle avec aisance et agrément, non sans éloquence même. C’est un maître distingué de ton et d’esprit qui joint au savoir beaucoup de finesse. » À la rentrée 1936, Raymond Naves obtint un congé d’un an pour études afin de terminer sa thèse de doctorat Le Goût de Voltaire qu’il soutint en 1937 et à laquelle il fut reçu avec les félicitations du jury, nous y reviendrons.

Nommé en 1937 au lycée Louis-le-Grand, il avait, en douze années, franchi toutes les étapes pour accéder à l’un des plus prestigieux établissements parisiens et, clin d’œil de l’histoire, celui où le jeune Voltaire avait été élève.

Il n’y passa cependant qu’un mois, sa nomination comme professeur à la faculté des lettres de Toulouse lui ayant été notifiée le 29 octobre 1937.

Le 1er novembre 1937, il était de retour à Toulouse, au 3 de la rue Maletache, dans le quartier des Carmes.

C’était un tout jeune enseignant qui entrait à l’université à 35 ans mais qui avait déjà publié des ouvrages pédagogiques pour des étudiants en lettres ainsi qu’une thèse très vite éditée qui changeait radicalement le regard porté sur Voltaire. Ses cours dans l’amphithéâtre Marsan attiraient de nombreux étudiants, il paraît même que certains 19. Georges de Bevotte (1867-1938), professeur au lycée Louis-le-Grand puis inspecteur général de lettres, auteur de plusieurs ouvrages d’analyse littéraire.

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devaient rester debout faute de place. L’un d’eux témoigna ainsi après l’annonce de sa disparition disant : « Chacun de ses cours était un petit chef-d’œuvre littéraire 20. » Plus encore que sa jeunesse, ce fut la proximité qu’il entretenait avec ses étudiants, comportement très rare pour l’époque, qui en fit un professeur très apprécié. Cette passion de l’enseignement, cette volonté de partager des savoirs le guidèrent jusqu’au bout puisque ce fut sur le chemin de la faculté, qu’il rejoignait pour faire un cours d’agrégation, qu’il fut arrêté.

20. L’Élan (hebdomadaire de la jeunesse socialiste du Sud-Ouest), 6 mai 1945.

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table des matières Préface de Georges Méric

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Avant propos de Rémy Pech

9

Introduction 13 Table des abréviations

29

Ch. 1 : De Paris à Toulouse

31

Ch. 2 : L’engagement syndical

41

Ch. 3 : Socialiste

55

Ch. 4 : La passion des Lumières

71

Ch. 5 : Pacifisme et lucidité

83

Ch. 6 : À l’épreuve de la guerre

91

Ch. 7 : « À la recherche des républicains généreux et des philosophes éclairés »

101

Ch. 8 : Le credo européiste

119

Ch. 9 : Ne jamais renoncer à écrire

129

Ch. 10 : De Grange à Leverrier

147

Ch. 11 : La fin tragique

199

Conclusion 221 Liste des œuvres de Raymond Naves

239

Sources et bibliographie

241

Remerciements 249 Un cahier de photographies se trouve entre les pages 128 et 129.

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