Le Couserans, regards sur un pays d'Ariège

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LE COUSERANS Regards sur un pays d’Ariège photographies d’Alain Baschenis textes de Jean-Louis Causse, Bertrand Cauvin Pauline Chaboussou, Matthieu Cruège Hélène Florenti, Alain Mangin Jean-François Rummens, Michel Sébastien

LOUBATIÈRES



L’EAU DANS LE COUSERANS

L

’eau est une composante essentielle du paysage couserannais, comme en témoigne son aspect très verdoyant où abondent lacs et cours d’eau. La forêt (hêtraies ou sapinières) couvre de très grands espaces, fondement de toute l’industrialisation qui a fait la fortune de cette région : papeteries et forges à la catalane, permettant le traitement du minerai de fer très riche et très présent dans la montagne environnante. Les alpages y sont également fortement représentés et sont à l’origine du pastoralisme, le deuxième pilier de l’économie locale. Les eaux superficielles drainées par quatre rivières importantes, le Salat, le Lez, le Volp et l’Arize, avec leurs nombreux affluents, développent un chevelu très dense le long duquel ont fleuri de nombreux moulins, vestiges d’une certaine prospérité, hélas aujourd’hui abandonnés dans leur majorité. Dès 1904, mais surtout à partir des années 1950, techniciens et ingénieurs se sont penchés sur les possibilités d’équiper le bassin du Salat pour utiliser la force de l’eau. N’oublions pas que le père de la « houille blanche », procédé permettant de transformer la puissance générée par l’écoulement de l’eau en énergie électrique, est né à Lorp. L’aménagement hydroélectrique du haut bassin du Lez, prodige d’ingéniosité, ne peut que laisser admiratif. Pêche et canoëkayak sont des activités qui actuellement utilisent avec bonheur torrents et rivières. En altitude, les lacs et les étangs sont nombreux, attrait des pêcheurs et des randonneurs. Mais il ne faudrait pas oublier les eaux souterraines, celles que l’on ne voit pas, ressources considérables et milieu de vie étonnant et très riche, et qui sont à l’origine, avec les grottes qui en résultent, de l’implantation en 1948 du laboratoire du CNRS à Moulis, structure unique au monde. Même

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L’étang d’Eychelle dans la vallée de Bethmale.

Page de gauche : La cascade d’Ars. Pages suivantes : Le couloir ouest du Maubermé.

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les eaux profondes sont présentes en Couserans avec les sources thermales comme à Aulus et Audinac. Suivons le cycle de l’eau. Tout commence par la pluie, élément important du climat. Dans cette région, il pleut, et il pleut pas mal : 1 030 mm par an en moyenne sur plusieurs années à la station synoptique de la Météorologie nationale à Antichan. Mais très vite avec l’altitude, la quantité de précipitation augmente sans que pour autant on soit capable d’établir un gradient altitudinal qui ne se présente pas de façon linéaire. Par ailleurs, le réseau d’observation n’est pas assez dense pour traduire la réalité. Par exemple, les mesures effectuées par le laboratoire de Moulis à Arbas à la limite du Couserans et du Comminges ont fourni des valeurs de l’ordre de 2 à 3 mètres par an. Quoi qu’il en soit, le pays est bien arrosé ; on le doit essentiellement à la position d’un fort relief qui arrête les perturbations atlantiques. Avec la montagne les précipitations de fin d’automne, d’hiver et de printemps sont souvent neigeuses, mais l’absence de mesures suffisantes ne permet pas d’avoir une idée sérieuse des quantités et des répartitions. Le maximum des précipitations a lieu en hiver et au printemps; le minimum en été et en automne, mais il n’y a pas de forte amplitude entre les différentes saisons. Une partie de ces précipitations est renvoyée dans l’atmosphère directement ou par l’intermédiaire de la végétation : c’est l’évapotranspiration. Ce paramètre ne saurait être mesuré, il est évalué à partir de modèles, et a été estimé pour ce secteur à des valeurs de l’ordre de 530 mm/an.

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Page de gauche : Le lac de Bethmale. Ci-dessous : Une des cascades du vallon du Fouillet, près d’Aulus-les-Bains.

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Page de droite : Le Palais des Vicomtes, le Salat et l’église Saint-Valier à Saint-Girons.

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En définitive, la meilleure approche dont nous disposons pour rendre compte de l’eau arrivant sur les sols est le module spécifique des cours d’eau, car il est possible de le mesurer ; il correspond à la quantité d’eau en moyenne annuelle produite par unité de surface. Ce module, égal à 23 l/s/km2 au niveau du Plantaurel, atteint 90 l/s/km2 dans le haut bassin du Garbet. Ce résultat montre le fort gradient qui existe avec le relief. De l’ancienneté des aménagements hydroélectriques, il résulte une assez bonne connaissance de la répartition des débits des cours d’eau évalués sur de longues périodes, puisque les premières mesures datent de 1906. Le Salat à Seix débite en moyenne 10 m3/s, à Kercabanac avant l’apport de l’Arac 16 m3/s et après 24 m3/s ; à Saint-Lizier, c’est devenu une belle rivière avec 36 m3/s. Ses principaux affluents : le Garbet qui possède un débit de 1 m3/s à Aulus et 6 m3/s à Oust, et le Lez à SaintGirons qui apporte 13 m3/s, toujours en moyenne. Le Volp à Sainte-CroixVolvestre est certes plus modeste avec 1 m3/s, et l’Arize à Sabarat avec 4,7 m3/s qui draine un bassin versant respectable. De l’ensemble de ces chiffres, on retiendra que le Couserans constitue un véritable château d’eau pour la Garonne exutoire de tout ce ruissellement. Une étude récente sur l’évolution à long terme de ces écoulements a montré qu’il n’est pas possible, tout au moins pour l’instant, d’observer une modification significative en liaison avec l’évolution climatique actuelle. En montagne, l’importance du pourcentage de terrains imperméables et le développement d’une morphologie glaciaire bien marquée a favorisé la mise en place de nombreux lacs et étangs. Sur l’ensemble du Couserans, on en compte une quarantaine, allant de 0,2 ha pour le Turon d’Ars par exemple à 14,5 ha pour l’étang de Garbet, le plus grand, excepté bien sûr l’étang d’Araing essentiellement artificiel. Leur profondeur est variable, allant de 1,50 mètres pour les moins profonds à 61 mètres pour l’étang d’Alet qui fait ainsi partie des records pour les Pyrénées. Tous sont localisés en altitude dans une tranche allant de 1 074 mètres pour le plus bas, l’étang de Bethmale, à 2 580 mètres pour le plus élevé, l’étang du Tuc de Mil près du pic de Barlonguère. Dans des décors

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somptueux, ce sont de véritables joyaux qui donnent une identité au paysage couserannais. Plus bas, les aménageurs ont recherché les zones imperméables, très présentes notamment sur le flysch (alternance de bancs de grès à la base et de schistes dans le haut de la formation), pour réaliser des retenues artificielles dans un but de loisir comme à Sainte-Croix-Volvestre ou pour l’irrigation comme à Fillet et à Mondely. Cette dernière retenue, d’une superficie de 50 hectares, constitue une réserve de quatre millions de mètres cubes, et, bien qu’ayant une vocation agricole, elle voit aussi des activités nautiques. Quant à l’eau cachée, celle qui transite dans le sous-sol, son importance est fondamentale puisqu’elle représente 98 % des réserves. C’est dans ces ressources que les végétaux vont puiser leur besoin. Elles donnent naissance aux diverses sources que l’on rencontre çà et là, tellement appréciées surtout en été, et qui sont la plupart du temps à l’origine de l’établissement des habitats : hameaux et villages. C’est le domaine de l’hydrogéologie. L’existence de ces eaux souterraines impose que les terrains soient aquifères (qu’ils portent l’eau) : c’est l’aspect géologique. Ces terrains sont les alluvions des rivières, les sédiments résultant de l’altération superficielle des roches imperméables constituant les éboulis, les colluvions, en un mot toutes les altérites (produits de l’érosion des roches

Dans la réserve naturelle du mont Valier.

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continentales). Et puis, dans le Couserans, les calcaires d’âge primaire ou secondaire, métamorphisés ou non, et qui couvrent 33 % de sa superficie, referment certainement les réserves les plus importantes et les plus intéressantes. Le Salat, le Lez, le Volp, l’Arize…, sont des rivières au bassin versant beaucoup trop réduit pour pouvoir posséder des alluvions suffisantes pour développer des nappes importantes. Par ailleurs trop proche de la montagne, la nature de ces alluvions reste peu évoluée et donc très peu perméable. En revanche, les altérites disséminées un peu partout constituent des réservoirs loin d’être insignifiants. Certes, ils sont généralement d’étendue réduite mais suffisante pour abriter des nappes exploitables. L’essentiel des aquifères utilisés en Couserans pour l’alimentation en eau potable (de l’ordre de 75 %) se réfère aux formations superficielles. C’est dire que ces ressources sont fondamentales. Elles ont l’inconvénient d’être trop nombreuses et dispersées pour faire face à la demande et pas toujours capables de supporter les fluctuations climatiques d’une année sur l’autre. Ce sont les calcaires qui représentent la richesse aquifère du Couserans. Des sources comme La Tourasse, La Doux à Riverénert, Ladoux à Seix, Bordes de Crue dans la vallée de l’Estours, Bethmale ou encore Le Baget en témoignent. Le système karstique du Baget sur la commune de Balaguères étudié par les équipes du CNRS du laboratoire de Moulis est devenu un système expérimental. Toute une méthodologie pour aborder ce type d’aquifère a été mise au point sur ce site, elle est désormais universellement employée. Pour un bassin de 13,25 km3, les réserves sont de l’ordre de 4 millions de m3 (l’équivalent du lac de Mondély). Ces études ont montré par ailleurs que ces eaux renfermaient toutes une faune spécifique au caractère extraordinaire. Enfin, certaines circulations d’eau souterraine peuvent atteindre des profondeurs notables, se réchauffer et se minéraliser, c’est le cas d’Audinac où les eaux sourdent à 22 °C ayant atteint des profondeurs de 500 mètres. Alain Mangin

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À Audinac-les-Bains, au début du XXe siècle, les curistes étaient nombreux à fréquenter la station.

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ISBN 2-86266-546-7

29 €


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