PAYS DE FOIX HAUTE ARIÈGE Regards sur un patrimoine
photographies d’Alain Baschenis
Préface de Claudine Pailhès textes de Jacques Azema, Michel Sébastien, Patrice Teisseire-Dufour
LOUBATIÈRES
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INTRODUCTION
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L’HISTOIRE ET LA LÉGENDE DONT LE PAYSAGE SE SOUVIENT… Pays de montagne et terre de frontière, le haut bassin de l’Ariège offre et a toujours offert une unité et une singularité tant dans le paysage que dans l’histoire et dans les activités humaines. Le chaînon du Plantaurel ferme la plaine de la basse Ariège et la zone de coteaux qui constituent la limite du sud toulousain. La rivière d’Ariège l’a percé au sud de Saint-Jean-de-Verges, offrant aux hommes de la plaine le seul accès vers la montagne: c’est le Pas de la Barre. Aujourd’hui encore, en arrivant par la « quatre voies », on est forcément frappé par cette trouée, qui fut naturelle et que la main de l’homme a élargie en tranchant dans la roche pour faire passer sa route. De l’autre côté du Pas, sentinelle et gardien immuable, se dresse le château de Foix dont on comprend aisément l’extraordinaire atout stratégique: nul ne pouvait accéder aux vallées sans passer à son pied. Le comté de Foix s’est établi de Saverdun aux Pyrénées, de part et d’autre donc de cette ligne rocheuse. La fonction de limite de cette ligne n’en fut pas pour autant effacée. La réalité géographique avait généré une réalité historique : jusqu’à la fin du XIIIe siècle, les comtes de Foix ne prêtèrent aucun hommage pour le pays qui s’étendait au sud du Pas de la Barre. Ils dominèrent ici sans partage et bénéficièrent toujours de la
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Diable jouant de la cornemuse. Dessin d’une couverture de registre d’un notaire d’Ax-les-Thermes, XVIe siècle. (ADA 5E 2304) Page de gauche : Foix et le mont Fourcat enneigé depuis la croix du Saint-Sauveur. Page suivante : Vue de la vallée de Saurat et ses Quiés depuis le Troucadou.
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fidélité de leurs villes et de leurs vassaux, qui, du haut de leurs nids d’aigle de Lordat, de Rabat, de Château-Verdun ou de Miglos, tenaient pour eux les vallées de l’Ariège et du Vicdessos et leurs versants. Par-delà ces vallées, l’isolement entre des crêtes montagneuses, des gorges profondes, des cols longtemps enneigés ont créé des terroirs en marge, de petits groupes de villages dont le statut féodal et juridique est resté hors normes et dont la mouvance, jamais réellement contestée est restée floue : c’est le cas du Donnezan et du pays d’Aillou, c’est le cas aussi de l’Andorre. La haute Ariège n’est pourtant pas un pays fermé : elle est traversée par une des plus grandes et des plus anciennes voies de franchissement des Pyrénées. D’où une activité incessante sur la grand’route du Toulousain au Puymorens, d’où aussi la fortune marchande des villes de Foix, de Tarascon et d’Ax. Grande voie de passage mais solidement tenue par ses comtes, la haute Ariège resta relativement à l’abri des violences de l’histoire. Simon de Montfort s’essaya bien à des opérations sur Foix et sur Montgailhard, mais ce fut sans lendemain. Le château de Foix ne céda qu’une fois, en 1272, il fallut pour cela un roi en personne et tout l’ost de France levé pour punir un comte batailleur et provocateur. Les guerres de religion, au XVIe siècle, agitèrent Foix et Tarascon, les violences y furent réelles mais sans commune mesure avec celles qui dévastèrent le bas pays. À l’abri des invasions, mais aussi des incursions des hommes de l’Église, du roi, de l’État, le haut pays de Foix fut évidemment un refuge : un refuge pour les cathares aux XIIIe et XIVe siècles, un refuge plus tard pour tous ceux
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qui franchirent la frontière pour fuir les persécutions, des protestants du règne de Louis XIV aux Évadés de France en passant par les émigrés de la Révolution, les carlistes puis les républicains espagnols. Par-delà les aléas de l’histoire, c’est dans ces vallées et sur ces montagnes que s’est développée une économie originale, fondée sur l’exploitation des ressources naturelles : immenses terrains de pacage, forêt, minerai et force hydraulique des rivières. C’est donc ici le pays des bergers d’estives parcourant tout l’été les montagnes frontalières et le pays des mineurs et des forgeurs qui firent de l’Ariège le département le plus industrialisé des Pyrénées. Une tradition toujours vivace aujourd’hui avec les usines électrométallurgiques, les carrières de talc et les grands barrages hydroélectriques. Tout cela, au fil des siècles, s’est inscrit dans le paysage. Au fil des millénaires, même, puisque la montagne a ici offert aux peuples paléolithiques les grottes qu’ils peuplèrent de chevaux, de bisons et de bouquetins, en ce qui reste pour nous de mystérieux messages qui nous relient à eux. Préservée des guerres de religion, la haute vallée a conservé un magnifique ensemble d’églises romanes auxquelles la montagne offre un cadre grandiose. Les châteaux, Le village de Mijanès, en Donnezan.
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Aux abords de l’étang supérieur du Picot.
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leurs contemporains, ont eu moins de chance ; démantelés sur ordre de Richelieu, ils ne sont plus que ruines mais leur silhouette fantastique s’ancre toujours au sommet des pics vertigineux qui surplombent les vallées. Un paysage de hautes montagnes et de forêts, de sources cachées, de lacs, de cascades et de torrents, un paysage de grottes surtout, habité du souvenir des comtes et des seigneurs, des moines et des hérétiques, des marchands et des brigands, des Maures de l’outre-monts et des bergers des cimes, voici forcément une terre de légendes. Charlemagne à Sabart, Roland à Bédeilhac, Pyrène précédant à Lombrives des cathares emmurés et des brigands massacrés, les encantadas de Montorgueil et Calamès et leur pont de cristal, le diable faisant se lever les tempêtes sur les lacs noirs du Saint-Barthélemy, le Graal mis à l’abri dans les grottes du Sabartès, autant que l’histoire et que la géographie tout cela est l’âme du haut pays de Foix. Découvrons donc au fil des pages l’histoire et la légende dont le paysage se souvient…
La vallée de Siguer dans le Vicdessos. Page de gauche : Lettrine, cadastre de Foix, 1525. (ADA 1EDT CC27)
Claudine Pailhès, directrice des Archives départementales de l’Ariège.
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29 €
www.loubatieres.fr
ISBN 978-2-86266-604-4