La vallée de l'Aveyron, de la confluence à la source

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LA VALLÉE DE L’AVEYRON DE LA CONFLUENCE À LA SOURCE TARN-ET-GARONNE, TARN, AVEYRON

Photographies de Michel Lombard et Gilles Tordjeman Textes de Michel Lombard Préface de Chris Patten LOUBATIÈRES


Nous tenons à remercier le Conseil Général du Tarn-et-Garonne ainsi que les villes de Villefranche-de-Rouergue et Villemade qui nous ont aidés à publier ce livre.

ISBN 978-2-86266-599-3 © Nouvelles Éditions Loubatières, 2009 10 bis, boulevard de l’Europe – BP 27 31122 Portet-sur-Garonne cedex contact@loubatieres.fr www.loubatieres.fr


LA VALLÉE DE L’AVEYRON DE LA CONFLUENCE À LA SOURCE TARN, TARN-ET-GARONNE, AVEYRON Regards sur un patrimoine

photographies de Michel Lombard & Gilles Tordjeman textes de Michel Lombard préface de Chris Patten

Loubatières



L’AVEYRON, C’EST « L’EAU DE LA RIVIÈRE QUI COURT… » Le nom de la rivière Aveyron (en Occitan Avairon – prononcer Abaïrou) va puiser ses origines dans trois racines hydronomiques qui s’ajoutent et se chevauchent pour former son nom : Av – var – onna. Av est une racine prélatine désignant l’eau. Elle est à la base de nombreux noms de rivières comme l’Avon en Angleterre ou encore l’Ebre en Espagne… Var est une racine pré indo-européenne désignant la rivière. On la retrouve notamment dans le fleuve Var, le Verdon, le Vardar en Yougoslavie, la Beresovski en Russie ou la Vère affluent de la rive gauche de l’Aveyron… Onna est une racine gauloise signifiant eau qui court. Elle rentre dans la composition des noms de la Garonne et de la Dordogne… Onna est aussi le nom d’une rivière de Croatie. En ajoutant ces trois racines on peut donc dire que le nom Aveyron signifie « l’eau de la rivière qui court », ce qui lui ressemble bien. Il existe, en France, deux rivières qui portent le nom d’Aveyron. Outre celle qui nous intéresse (et qui est aussi la plus connue), sa « petite sœur » prend sa source à Champcevrais, dans le département de l’Yonne, et se jette, 30 km, plus loin, dans… le Loing à Montbouy dans le département voisin du Loiret.

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LA LONGUEUR DE LA RIVIÈRE, ENTRE FLUX ET REFLUX… Après ce rappel des origines du nom Aveyron, il apparaît opportun d’évoquer la longueur exacte de la rivière. Il s’agit là d’une donnée objective qui ne doit guère poser de problème, il suffit d’ouvrir un dictionnaire : Le Larousse illustré, version 2007, indique 250 km. Cette information confirme celle, antérieure, du Larousse du XXe siècle en 6 volumes dans son édition de 1928. Cependant, à partir de ce premier constat, les choses se compliquent… Au fil de vérifications, cette mesure se trouve être assez variable, comme si le cours d’eau était soumis à des phénomènes de flux et de reflux… L’Esquisse générale du département de l’Aveyron d’Émile Vigarié (Carrère 1927) indique, chichement semble-t-il, 240 km, avec sa source à une altitude de 695 m, Le Dictionnaire de l’Aveyron de Jean-Michel Cosson (Loubatières 2005) précise la même longueur de 240 km, Le site internet de Wikipédia lui attribue généreusement et très précisément 292,3 km, Enfin celui de l’Agence de l’eau Adour-Garonne stipule 291 km…

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Entre la référence « la plus courte » (240 km) et celle « la plus longue » (292,3 km) il existe, tout de même, un écart de 52,3 km soit de 21,80 % ! Après avoir fait le tour de sérieuses références, force est de constater que la rivière Aveyron prend sa source à 735 m d’altitude et se jette dans le Tarn à 71 m d’altitude, après un parcours de 291 km. Celui-ci a été calculé selon la base de données sur la Cartographie Thématique des agences de l’eau et du ministère de l’Environnement, dite base de données « Carthage ». C’est cette longueur de 291 km qui sera donc, ici, retenue. LES PAYSAGES DE LA VALLÉE Depuis sa source, à deux kilomètres au sudest de Sévérac-le-Château, à l’est du département auquel elle a donné son nom en 1790, jusqu’aux limites des communes de Lafrançaise et de Villemade dans le département de Tarn-et-Garonne, la rivière Aveyron parcourt donc bien 291 km. Elle jaillit en bordure du causse de Sauveterre, à 735 m d’altitude. Elle se jette dans la rivière Tarn, dont elle est le principal affluent de sa rive droite, à 71 m d’altitude, entre Lafrançaise et Villemade.

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Blés dans le Ségala.

Sa naissance se situe à la lisière de l’ancien Rouergue, à quelques kilomètres du Gévaudan, devenu le département de la Lozère. Après un parcours souterrain à travers le causse de Sauveterre, ses eaux surgissent à trois sources principales, au creux d’un petit vallon, au pied de l’autoroute A 75: de l’amont à l’aval, celles de Bayrou, des Douzes (dont l’accès est aménagé) et de Cayrac. Elles semblent bien être une résurgence. La source réelle se situerait donc 4 km un peu plus au sud près de Novis, un village de la commune de Sévérac, niché à 900 m d‘altitude contre la crête marquant la limite des bassins versants du Tarn et de l’Aveyron. L’eau s’engouffrant ensuite dans la « Perte des Soucis » pour enfin ressurgir entre l’A 75 et Cayrac. Le terme « soucis » appliqué, ici, à la « Perte des Soucis » comme il peut l’être dans les gorges du Tarn au « Pas du Souci » est ainsi orthographié par méconnaissance de son sens, tout droit dérivé du latin « subsis » (« situé en dessous »). Il évoque donc un passage en eau souterraine, perdue, invisible.

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L’Aveyron est ici un modeste ru, une besal, comme on dit en occitan. Le préfet de l’Aveyron, dans un rapport au conseil général de son département en session d’août 1876 en décrit les détails: sa source « naît au pied d’une colline calcaire ; son bassin extérieur, entouré de quelques dalles, n’a pas plus de 3 pieds de diamètre et ne contient pas un demimuid (le muid était une futaille dont la capacité variait selon les pays. Il valait 274 litres pour le vin à Paris). Il en coule une rivière. D’abord ce n’est qu’un petit filet d’eau qui, se jetant dans un chemin de passage, est souillé par les pieds des hommes et des troupeaux ; à quelques pas, cinq ou six sources qui viennent des environs s’étant réunies à lui, il met en mouvement un moulin ; bientôt il reçoit les eaux d’un ruisseau assez considérable. Dès lors son cours, que détournaient une motte de terre ou quelques poignées de rocailles, cesse d’être incertain. Il se creuse un lit qu’on ne traverse plus d’une enjambée, mais sur lequel il faut construire des ponts. Enfin c’est une rivière… » Dans un premier temps, elle s’écoule au creux d’une belle et brève vallée verdoyante,

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puis comme apprivoisée, la rivière flâne imperturbable, d’est en ouest. Elle se prélasse au cœur de larges espaces, en parallèle au Lot au nord, (séparée de lui d’abord par le causse de Sévérac puis, à partir de Palmas et de Laissac, par le causse Comtal) et au Viaur au sud (entre eux se dresse le massif des Palanges et le Lévezou de Lavernhe jusqu’à Agen-d’Aveyron). Aux portes de Rodez, alors que jadis son cours naturel suivait celui de l’actuelle rivière Auterne qui traverse Onet-le-Château et la préfecture aveyronnaise par le nord, dans une plaine paisible, elle s’est taillée, au sud, par Le Monastère, un parcours plus sinueux dans le rocher qu’elle a érodé au fil du temps. Du pays ruthénois à Villefranche-de-Rouergue la vallée, à travers le Ségala, se resserre et constitue des gorges sauvages et arborées, qui succèdent à des espaces plus accessibles, à vocation agricole. Brusquement, à Villefranche, après avoir été grossie sur sa rive droite de l’Alzou elle prend, jusqu’à Laguépie, une direction nord-sud. De Villefranche-de-Rouergue à Monteils la vallée s’élargit, à nouveau. Elle épouse une faille géologique bordée de terrains calcaires du bas Quercy, sur sa rive droite, et de gneiss pentus sur sa rive gauche. Ceux-ci sont prolongés, à leur niveau supérieur, par les sols granitiques du plateau des Serènes dit aussi de Sanvensa. En aval de Monteils, et jusqu’à Laguépie, son parcours devient solitaire et étroit. La rivière vagabonde, indomptée, au creux d’un sillon tortueux bordé de déclivités escarpées, rocheuses et broussailleuses à souhaits. Il est seulement troublé par le passage des trains. La voie ferrée, de Monteils à Najac, sur une distance de 5 km

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à vol d’oiseau, enjambe 9 ponts et s’engouffre sous 9 tunnels qui en adoucissent la trajectoire tourmentée. À Laguépie, après avoir reçu, sur sa rive gauche, les eaux du Viaur, son principal affluent, l’Aveyron reprend sa progression d’est en ouest, impassible, jusqu’à Saint-Antonin-Noble-Val. Cette cité est le chef-lieu d’un canton amputé, en 1808 par Napoléon 1er au département de l’Aveyron, avec d’autres, retranchés aux autres départements voisins, pour former un nouveau département : celui de Tarn-et-Garonne. La commune de Saint-Antonin et le Tarnet-Garonne franchissent la rivière sur sa rive gauche pour occuper les espaces supérieurs du roc d’Anglars, de Teussac en amont jusqu’à Vayrevignes en aval, faisant ainsi une protubérance dans le département du Tarn. De Saint-Antonin, ultime bourg de l’ancien Rouergue, jusqu’à Montricoux, entre les forêts de la Grésigne et de la Garrigue, l’Aveyron plonge dans un défilé pittoresque formé d’arêtes abruptes de calcaire blanc. Ici, plus précisément entre Cazals et Bruniquel, elle pénètre dans le département du Tarn après l’avoir brièvement côtoyé à la hauteur de Montrosier. Il forme là une étrange excroissance, sur sa rive droite, dans celui de son voisin, de Tarn-et-Garonne. Dans cet espace, du cirque de Bône jusqu’à Penne, sur 8 km environ, elle reprend, provisoirement, une orientation nord-sud avant de retrouver sa direction est-ouest. Enfin de Montricoux à sa confluence avec le Tarn, entre Villemade et Lafrançaise, elle arrose une large plaine agricole, (avec pour seul horizon, et par temps clair seulement, les très lointaines Pyrénées) qui fusionne les riches val-

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lées alluvionnaires de ces deux rivières avec, plus au sud, celles de la Garonne et de la Save. Malgré des airs fréquemment nonchalants, sur un parcours longtemps sans encombre seulement parsemé d’innombrables moulins, la rivière Aveyron charrie parfois ses eaux vives au milieu de rochers insubmersibles dont les parties hautes affleurent la surface de l’eau tout comme la dorsale d’effrayants crocodiles tapis au fond du marigot. Les blanches falaises de ses canyons, infranchissables comme de gigantesques remparts, alternent avec des versants émeraude, escarpés, boisés et inaccessibles et de longues et larges plaines verdoyantes, cultivées et hospitalières. Même si, ici ou là, elle paraît austère, voire hostile, la vallée accueille, depuis la nuit des temps, et sans discontinuité, une vie intense. C’est un enchantement d’aller, à contrecourant, de village en hameau, de ville en bourg,

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à la découverte de son histoire et de ses légendes, de ses bonheurs et de ses drames, de ses certitudes et de ses désespoirs, tout simplement de sa destinée et de celle de ses habitants. L’AVEYRON ET SES RIVIÈRES VOISINES Naguère, on apprenait à l’école que le Massif central est le « château d’eau de la France ». Depuis le sud de ses reliefs quatre cours d’eau importants, du versant atlantique, coulent d’est en ouest. Ils traversent, de part en part, le département de l’Aveyron, d’ouest en est. Le plus au nord, le Lot (481 km de long), prend sa source au cœur du Gévaudan, à Cubières, sur la montagne du Goulet, à 1560 m d’altitude. Il emprunte un sillon bordé, sur sa rive droite, par les plateaux de l’Aubrac et de la Viadène et

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sur sa rive gauche, d’abord par le causse de Séverac, puis par le causse Comtal. La rivière Aveyron (291 km), quant à elle, jaillit en Rouergue, au sud-est du causse de Sévérac-le-Château. Elle s’écoule d’abord entre le causse Comtal, sur sa rive droite et le massif des Palanges, sur sa rive gauche. Également non loin de Sévérac, au Puech du Pal, commune de Vezins-de-Lévezou, à 1150 m d’altitude, naît le Viaur (168 km). Il vagabonde dans un val paisible au sud des Palanges, au cœur du Lévezou puis pénètre dans le Ségala. Enfin, venu du sud du mont Lozère, près du roc de Malpertus, commune du Pont-deMontvert, le Tarn (381 km) se fraye un chemin entre les causses de Sauveterre, Méjean, Noir et du Larzac, puis entre le Lévezou et le Lagast, sur sa rive droite et le causse de SaintAffrique, sur sa rive gauche. Le Viaur, à Laguépie, se jette dans l’Aveyron qui elle-même, entre Lafrançaise et Villemade, rejoint le Tarn. Ce dernier après avoir traversé Moissac, grossit, presque aussitôt, la Garonne. Près d’Aiguillon les eaux de cette dernière sont encore gonflées de celles du Lot. Les flots de nos quatre rivières se mêlent à ceux de la Garonne avant de former, au bec d’Ambès, avec la Dordogne, sur 75 km de longueur environ, l’estuaire de la Gironde. La Gironde se déverse dans l’immensité de l’océan Atlantique, face au phare de Cordouan, entre la pointe de Grave, au sud, et la pointe de Suzac, au nord. Le débit de la rivière Aveyron est plutôt régulier. Les phénomènes torrentiels, dans son bassin-versant, se produisent, néanmoins, à intervalles plus ou moins réguliers. Certaines crues furent importantes, comme celles de juin 1619, de juin 1712, de fin décem-

bre 1723, de décembre 1725, de novembre 1728, du 14 janvier 1843, des 24 et 25 septembre 1866, des 13 et 14 décembre 1906, du 9 septembre 1909, de 1927, du 2 mars 1930, de 1942, de 1955 et, plus près de nous, celles de 1981 ou du début de l’année 2003. LA VALLÉE DE L’AVEYRON : UN COULOIR DE PEUPLEMENT IMMÉMORIAL Les chasseurs-cueilleurs de la Préhistoire L’occupation humaine de la vallée de l’Aveyron débute dès le Paléolithique ancien, autour de -300000 ou -400000 ans. La vallée constitue déjà une zone de passage naturel pour les premiers chasseurs-cueilleurs dont les déplacements sont vraisemblablement liés à ceux du gibier. Les dépôts alluviaux de la zone aval et surtout la moyenne terrasse du secteur amont ont livré des industries archaïques de mouvance acheuléenne. Il s’agit le plus souvent de galets aménagés (choppers et choppings-tools) en quartz ou en quartzite, plus rarement de pièces à morphologie différenciée (unifaces, bifaces) façonnés par des Prénéandertaliens. Ces industries lithiques sont généralement les seuls vestiges conservés d’occupations difficiles à caractériser : halte de chasse, habitat de plein air ou simple lieu de taille. De tels outils, souvent frustes, sont attestés dans la haute vallée de l’Aveyron, près de Gaillac, Laissac ou Bertholène. Mais les sites sont plus nombreux et mieux connus en aval de Bruniquel, sur la moyenne terrasse, entre 50 et 70 m d’altitude relative. Ici l’utilisation de matériaux locaux n’exclut pas l’importation de quartzites de la vallée de la Garonne. Plusieurs stations

La confluence de l’Aveyron et du Tarn.

sont ainsi connues sur les cantons de Monclarde-Querçy (communes de Bruniquel et Puygaillard) et de Nègrepelisse (communes de Montricoux et Vaissac). Enfin, d’autres vestiges comparables ont été signalés en amont de Bruniquel, sur les communes de Cazals et de SaintAntonin-Noble-Val, entre 140 et 160 m audessus de l’Aveyron. Sur cette dernière commune, l’Igue des Rameaux est le seul gisement associant, de manière fortuite ou intentionnelle, des vestiges de faune (Rhinocéros laineux, hyène des cavernes, cervidés, chevaux, etc.) d’un épisode tempéré (interglaciaire Mindel-Riss) à des outils. Le Paléolithique moyen (-130000 à -35000 environ), qui voit l’épanouissement de l’homme de Néandertal, a laissé des traces plus discrètes ; ce dernier préférant manifestement l’occupation des causses environnants et les terrains molassiques entre Tarn et Aveyron. Seuls quelques outils, à base de quartz ou de chaille, mélangés aux séries archaïques précédentes sont attestés. À 350 m de l’entrée de la grotte de Bruniquel,

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Intérieur de la grotte de Bruniquel.

dans la basse vallée de l’Aveyron, un curieux assemblage de concrétions brisées est à signaler au milieu d’une vaste salle. Il décrit deux structures juxtaposées, de forme ovoïde pour la plus grande (50 m) et circulaire pour la plus petite, associées à un foyer daté de -47 600. On ignore la fonction exacte de ces remarquables aménagements mais ils ne sont pas sans analogie avec les huttes sibériennes en peaux de bête maintenues à leur base par une armature d’ossements de mammouth. Avec le Paléolithique supérieur (-35 000 à -10 000), marqué par l’avènement de l’homme de Cro-Magnon, le peuplement de la vallée de l’Aveyron est très contrasté. La majeure partie de son tracé, de Sévérac-le-Château à Villefranche-de-Rouergue, est quasiment désertée, en raison des grands froids de la dernière gla-

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ciation (Würm), conjugués à l’influence du glacier de l’Aubrac et à l’altitude relativement élevée de nombre des terroirs traversés. Ces conditions climatiques défavorables ont au contraire privilégié le peuplement d’autres régions proches bien plus clémentes, comme la Dordogne, le Périgord ou le Quercy ainsi que la basse vallée de l’Aveyron, surtout de Saint-Antonin-NobleVal à Bruniquel. Là, une série de sites notoires jalonnent son tracé. Il s’agit essentiellement d’abris sous roche et d’entrées de grottes qui ont fait office d’habitat troglodyte. Pour l’Aurignacien (-33 000 à -26 000), caractérisé par la production des grandes lames et des grattoirs typiques en silex, et le Gravettien (-27000 à -19000), où figurent des pointes diverses et des burins de Noailles en silex ainsi que des fragments de sagaies en os, deux sites

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importants sont attestés autour de Bruniquel : la grotte du Cuzoulet et les niveaux inférieurs de l’abri des Battuts, distants de 1,5 km environ à vol d’oiseau. Quelques outils suggèrent également une occupation gravettienne de deux petites grottes du Nid d’Aigle qui s’ouvrent au sommet de l’éperon rocheux de Bône, enserré par un méandre de la rivière, en aval de SaintAntonin-Noble-Val. Le site de Mirande, situé sur la rive gauche de l’Aveyron et fréquenté à diverses époques, a également livré une abondante série lithique du Périgordien supérieur évolué (vers -19 000). Au moins une des trois grottes ornées du secteur appartient à ces phases: la grotte supérieure de Mayrières sur la commune de Bruniquel. Il s’agit de deux bisons qui se suivent, peints au noir de manganèse. Le Magdalénien (-16000 à -9500), est bien mieux représenté dans ce secteur de la basse vallée de l’Aveyron et sa périphérie: station de surface de la région de Castanet, grotte du Martinet avec sa belle parure de coquillage et une abondante industrie osseuse (sagaies, bâton percé et arpon primitif ), pied des falaises de

Pointes de flèches « en sapin » de la fin de l’âge du cuivre, provenant de la grotte sépulcrale d’Ayrinhac à Bertholène, vers -2500 / -2000.

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Dolmen du plateau des Cans (Gaillac-d’Aveyron), première architecture funéraire caussenarde érigée entre -3 500 et -2 000 environ.

Roqueprune à Mouillac, grottes de Pomiès à Puylaroque et de Nougairède à Espinas ou de Saleth, abri de Manjo-Carn du cirque de Bône, etc. L’abri de Fontalès, situé non loin de la rive gauche à 1 km en aval de Saint-Antonin-Noble-Val, est un site magdalénien majeur de la région, malgré une exposition plein nord a priori peu favorable. La faune consommée, où figurent les salmonidés, est dominée par des espèces impliquant un climat rigoureux (renne, cheval, bouquetin, cerf élaphe, chamois, etc.). L’outillage lithique (lames, lamelles, burins, grattoirs, perçoirs…) ou osseux (harpons, sagaies, poinçons, aiguilles…), ainsi que les parures, sont particulièrement abondants. L’art mobilier est représenté par une remarquable série de gravures sur pierre et sur os représentant des animaux (équidés, cervidés, bovidés et caprinés) mais aussi

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des humains et des signes abstraits. Toujours sur la rive gauche de l’Aveyron mais cette foisci à quelques hectomètres en aval du château de Bruniquel, les abris sous roche Plantade, Lafaye, Montastruc et Gandil, ont été occupés entre -14 000 et -9 500. Découverts fortuitement à l’occasion de l’aménagement d’une ligne de chemin de fer au début de la seconde moitié du XIXe siècle ces sites, de renommée internationale, ont malheureusement été explorés hâtivement et leurs collections souvent dispersées. Ils sont surtout connus pour avoir livré une exceptionnelle série d’art mobilier, sculptée ou gravée sur os et sur pierre (rennes, antilope saïga, chevaux, bouquetins, poissons, phallus, etc.). À noter que le deuxième de ces abris a livré le squelette d’une femme de 25 à 30 ans, accompagnée des restes d’un enfant de 2 à 3

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ans. Il s’agit des plus anciennes sépultures connues à ce jour dans la vallée de l’Aveyron. Avec le réchauffement climatique de l’époque Postglaciaire, le biotope se transforme peu à peu, profondément et durablement. C’est l’époque des derniers grands chasseurs de l’Épipaléolithique (Azilien) et du Mésolithique (Sauveterrien) qui se développent entre -10 000 à 6 000 environ. Pour l’instant peu de sites ont été reconnus dans la vallée de l’Aveyron. Les premiers sont attestés dans son parcours amont, dans l’abri sous roche de Roquemissou (Gages), et, beaucoup plus en aval, dans le secteur de Bruniquel, aux abris du Chien (Penne) et de Montastruc. Les seconds sont documentés dans l’abri des Caïres à Laissac, toujours à Roquemissou ainsi que peut-être sur la station de surface du Camp de Jouanet à Cayrac. L’horizon sauveterrien est caractérisé par des silex taillés minuscules, appelés microlithes, le plus souvent de forme géométrique (triangles, trapèzes…). L’homme maîtrise désormais parfaitement l’arc apparu à la fin de la période précédente, augmentant ainsi sensiblement les rendements cynégétiques. Les activités de collecte de graminées et de mollusques s’accentuent. Les agriculteurs du Néolithique et du début des âges des métaux Le Néolithique (-6 000 à -3 500 environ) est une période cruciale de l’histoire de L’homme. Ce dernier, alors nomade, passe d’une économie prédatrice reposant sur la chasse, la cueillette et la pêche à une économie de production dont les fondements sont l’élevage et l’agriculture permettant sa sédentarisation. Ce lent processus, parfois appelé « révolution néolithique », s’accompagne d’innovations tech-

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niques, telles que la fabrication de céramiques et le polissage de la pierre, liés aux nouveaux modes de vie. L’abri de Roquemissou à Gages permet de saisir les modalités de cette lente évolution, apparemment originale et aussi ancienne que sur le littoral languedocien. Les animaux domestiqués (moutons, chèvres, porcs et bœufs), d’abord timidement attestés, prennent le pas sur les espèces chassées vers le milieu du Ve millénaire. La céramique, au départ rare et très fruste, s’affine progressivement, devient abondante et offre parfois des décors incisés. Dès le début du processus, des grains de blé et d’orge sont présents. Les outils en silex, malgré quelques changements, sont encore de tradition mésolithique. Désormais l’homme va agir plus directement sur les paysages en les transformant au gré de ses nouvelles activités. Les territoires traversés par l’Aveyron connaissent alors un peuplement croissant dont l’apogée se situe au Néolithique final ou Chalcolithique (entre -3 500 et -2 200) qui voit l’épanouissement du mégalithisme et donc des premiers grands chantiers à caractère collectif. Paradoxalement, cette incontestable augmentation démographique a laissé peu de traces dans la vallée de l’Aveyron même. L’habitat se libère progressivement des anciens abris rocheux, délaissés au profit d’établissement de plein air privilégiant les plateaux environnants, plus adaptés au nouveau mode de vie. De telles installations ont dû également exister dans la vallée même, à l’instar de celles de la Garonne et du Tarn. Elles sont cependant plus difficiles à localiser, notamment dans la haute vallée de l’Aveyron, surtout couverte de prairie aujourd’hui. Il s’agit là d’un environnement favorable à l’élevage des bovins, vraisemblable-

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Le Puech de Buzeins, site archéologique emblématique de la haute vallée de l’Aveyron. Siège d’un habitat de plein air dès l’âge du cuivre, le sommet est manifestement fortifié (enceinte) à l’âge du fer (VIe-Ve s. av. J.-C.), devient un sanctuaire de hauteur à l’époque gallo-romaine et enfin se dote au Moyen Âge d’un parcellaire en lanière caractéristique.

ment depuis le Néolithique. La vallée est alors un axe de circulation des hommes, des idées et bien sûr des matières premières, parfois d’origine lointaine, comme le sel, les parures de coquillages méditerranéens, les outils en silex ou les haches en roche tenace d’importation, etc. C’est plus particulièrement vrai au cours du Néolithique final ou Chalcolithique qui voit, sur les causses entaillés par la vallée de l’Aveyron, se dresser de nombreuses sépultures collectives: les dolmens. À côté de ces premières architectures funéraires caussenardes, certaines grottes des falaises de la vallée de l’Aveyron, souvent de dimensions modestes, servent aussi de dernières demeures. Elles livrent un mobilier d’accompa-

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gnement identique à celui des tombes mégalithiques: parures variées, pointes de flèche, lames et poignards en chaille ou silex, céramiques, etc. Une telle cavité a été étudiée, par exemple, au sommet de la falaise de Roquemissou à Gages. La vallée de l’Aveyron a manifestement joué un rôle non négligeable dans la diffusion de la première métallurgie, celle du cuivre, en raison de la proximité des gîtes cuprifères de la faille de Villefranche-de-Rouergue, des environs de Najac ou de Laguépie. Sur le site d’Al Claus à Varen, d’incontestables vestiges d’une telle métallurgie ont été mis en évidence au sein d’un habitat comprenant des bâtiments en matériaux périssables sur poteaux porteurs.

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L’âge du bronze (-2 200 à -800) est encore très mal connu tant dans la vallée de l’Aveyron que dans ses abords. Pourtant, bien des sites de plaine structurés, comme celui d’Al Claus à Varen (trous de poteau, foyers de pierres chauffées, etc.), attribuable au Bronze final IIIb (Xe/XIe s. av. J.-C.), ont dû exister. Plusieurs cavités naturelles, s’ouvrant dans les falaises jouxtant la vallée ont livré des indices d’occupation souvent difficiles à caractériser: habitat temporaire, activités particulières ou lieu sépulcral ? De tels vestiges sont attestés, par exemple, pour le bronze moyen (-1 800 à -1 300) dans les Grottes de Ginals (Buzeins) et de Laissac ou encore de César à la confluence de l’Aveyron et de la Vère. Dans le secteur de Bruniquel, de modestes indices du bronze final (-1 300 à -800) existent aussi dans les cavités des Barthasses ou de Mayrières, etc. Deux nécropoles à incinération de la basse vallée de l’Aveyron, de l’extrême fin de l’âge du bronze, voire de la transition bronze/fer sont bien connues : le Tap non loin de Nègrepelisse et l’Alba à Réalville. Les restes des défunts sont disposés dans des urnes en céramique, le plus souvent munies d’un couvercle, le tout disposé dans de petites fosses vraisemblablement protégées initialement par un tumulus de terre. Les objets métalliques d’accompagnement sont rares. Le temps des Celtes L’âge du fer (-800 à -52 av. J.-C.) est marqué par l’émergence d’un négoce croissant avec le bassin méditerranéen, découlant de l’installation, à partir de -600, de colonies ou de comptoirs grecs le long de la côte méditerranéenne de la Gaule (Marseille, Agde, …). Le rôle commercial de la vallée de l’Aveyron va alors se développer. Concrètement, à partir du VIe et durant

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Vue aérienne des fortifications monumentales nord de l’oppidum gaulois de Montmerlhe (Laissac) constituées d’une alternance de talus massifs (en foncé) et de fossés (en vert clair) successifs, fin IIe-début Ier s. av. J.-C.

tout le Ve siècle av. J.-C., des céramiques tournées d’importation, liées à la consommation du vin, font une apparition timide mais remarquée (toujours moins de 1 à 2 % de la vaisselle). Il s’agit le plus souvent de céramique grise monochrome, de vase à pâte claire, peinte ou non, et d’amphore à vin massaliète, plus exceptionnellement de céramique attique à vernis noir ou d’amphore étrusque. Elles sont ainsi parcimonieusement attestées sur plus d’une vingtaine de sites. Leur répartition matérialise un axe commercial nord-sud, reliant la région d’Agde au Massif central, via le Lodevois (vallées de la Lergue et de l’Hérault), le Millavois et le Sévéragais: c’est ni plus ni moins le tracé actuel de l’A 75! À partir de la région de Sévérac-le-Châ-

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teau, véritable carrefour commercial, une voie secondaire de diffusion se prolonge vers l’ouest, en direction du Quercy: la vallée de l’Aveyron. Près de ses sources, un habitat de hauteur majeur, va contrôler cette zone stratégique, du IXe à la fin du Ve s. av. J.-C.: la butte de Sévérac-le-Château. Plusieurs sondages, réalisés sur les pentes ouest du site ont révélé l’importance de ce promontoire, où figurent aussi de l’ambre de la Baltique, des céramiques graphitées du centre ouest, etc. Au pied de cet habitat central, et plus précisément à sa périphérie nord-est, s’égrènent des sépultures tumulaires – tantôt isolées, tantôt regroupées en nécropoles – sur des lambeaux de causse pris dans la vallée, selon un schéma bien connu en domaine celtique plus septentrional.

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Plusieurs de ces tombes, au viatique sortant de l’ordinaire, appartiennent manifestement à des membres de l’aristocratie locale, où figurent ici plusieurs femmes accompagnées de torques métalliques (Villeplaine, le Vayssas) ou des parures en or (les Fonds). Une sépulture de guerrier, accompagné d’une longue épée en fer, est également attestée à Roumagnac. Plusieurs autres sites de hauteur secondaires, fortifiés ou non, jalonnent les contreforts bordant la suite du parcours de la haute vallée de l’Aveyron: l’éperon barré du Roc d’Ugnes (Lavernhe) avec ses fortifications monumentales, celui fossoyé de la Fageole (Recoules-Prévinquières) sur la rive gauche de la rivière ; le piton basaltique du Puech de Buzeins et la butte témoin de Puech Vignobles (Bertholène) sur la rive droite, etc. Des indices d’habitat de plaine, en matériaux périssables et parfois sur soubassements de pierre existent également au pied de la butte de Sévérac-le-Château (Roumagnac et Vayssas). L’habitat de la basse vallée de l’Aveyron est bien moins bien connu, mais des indices sont à signaler à Vayrevignes (Penne). Non loin de là, sur la commune de Cazals, a été fouillée l’intégralité d’une nécropole tumulaire caussenarde à incinération de la fin du premier âge du fer. Il s’agit de celle de la ferme du Frau qui comprend 65 tumulus sur deux hectares. Les monuments, en pierres et parementés, sont des plans circulaires. Ils sont parfois regroupés, voire accolés (regroupements familiaux ou sociaux?) autour d’un monument central. Les restes humains sont souvent dispersés sur le paléosol, plus rarement déposés dans une urne en céramique protégée par un couvercle de même nature ou par une lauze calcaire. Le mobilier, brûlé ou non sur le bûcher funéraire avec le défunt, est souvent abondant. Il

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comprend surtout de nombreuses céramiques non tournées indigènes fréquemment brisées volontairement et du mobilier métallique. Ce dernier, surtout en bronze, moins fréquemment en fer, est varié: poignards à antennes, parures diverses (torques, bracelets, fibules, agrafes de ceinture, etc.), instruments de toilette (pince à épiler, scalptorium) ou utilitaires (couteaux…). Il faut ensuite attendre les deux derniers siècles avant notre ère pour retrouver une documentation significative. La majeure partie de la rivière Aveyron appartient au peuple des Rutènes, tandis que son cours inférieur est situé chez les Cadurques. Son rôle de voie commerciale est particulièrement important, notamment pour la diffusion des vins venus d’Italie (Etrurie, Latium, Campanie), transportés dans de lourdes amphores, mais aussi de céramiques fines italiques et ibériques. La butte de Sévérac-le-Château n’est plus alors le siège d’un habitat majeur. Ce dernier s’est déplacé plus en amont de l’axe nord-sud, dans le secteur de la ville actuelle de Millau (Condatomagos), mais aussi plus en aval dans la vallée de l’Aveyron. Là, l’oppidum de Montmerlhe à Laissac (135 ha) et surtout la butte de Rodez (Segodunum) constituent, autour de -130 ou peu après, deux habitats centraux majeurs à vocation commerciale, religieuse et vraisemblablement politique. Autant le premier semble une création avortée ou tout au moins éphémère, autant la réussite du second, explique son accession au rang de chef-lieu de cité au Haut Empire. L’abondance et la variété des importations mises au jour à Rodez (84 ha) laissent supposer que ce site fut un centre de redistribution du vin, et donc un marché vers lequel convergeait un certain nombre d’activités économiques du ter-

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ritoire environnant. Au premier rang de ces dernières, figure l’argent, déjà extrait des mines du Villefranchois, notamment à la Maladrerie, qui a vraisemblablement constitué une importante contrepartie aux importations méditerranéennes. La zone plus aval, entre la confluence avec le Tarn et le secteur de Saint-Antonin, a également dû bénéficier du négoce lié à une autre route commerciale majeure : l’axe Aude – Garonne, dit l’isthme gaulois. Dans ce secteur, plusieurs sites importants sont attestés : l’habitat de plaine aggloméré de Cosa à Albias, ceux plus modestes de Réalville ou l’enclos (de 80 m de côté) à vocation de rassemblement et peut-être religieuse d’Al Claus à Varen, situé aux confins des territoires rutènes, cadurques et de la Narbonnaise. À compter du Moyen Âge, certaines grottes constituèrent de judicieux refuges ou postes de guet. Elles furent même habitées. Les falaises dominant la rivière conservent encore les traces d’habitations troglodytiques par exemple face à Bruniquel à la confluence de l’Aveyron et de la Vère et au lieudit Al Roc, rive droite un kilomètre en amont de Montricoux. LA VALLÉE DE L’AVEYRON, TÉMOIN DE NOTRE HISTOIRE Depuis les âges les plus avancés de la préhistoire, la vallée de l’Aveyron a intensément vécu toutes les étapes de notre histoire. Entre le VIIIe et le VIe siècles, avant Jésus Christ, une grande partie de notre territoire national actuel fut occupée. Le pays ruthène était aux mains des Celtes et le Quercy à celles des Cadurques. Le pays ruthène avait pour cheflieu Segodunum qui deviendra, plus tard, Rodez.

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La bastide Nègrepelisse.

La partie quercynoise dépendait de l’ancienne Divona qui prit le nom de Cadurcum, puis de Cahors. De 58 à 51 avant notre ère le pays fut conquis par les Romains. Les Cadurques résistèrent farouchement à l’envahisseur autour d’Uxellodunum. Sous la domination romaine le pays des Ruthènes se scinda en deux : le Rouergue, avec Segodunum pour capitale et l’Albigeois, autour de la ville d’Albi. Avec la domination romaine le Rouergue dut se soumettre, 52 ans avant J.-C., à la pro-

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vince narbonnaise puis rejoignit, un quart de siècle plus tard, la nouvelle Aquitaine. « Les idées, comme les saisons, ne connaissent pas de frontières… » Ce sont celles du christianisme naissant qui développèrent leurs racines dans nos régions. En l’an 313 de notre ère l’édit de Rome accorda l’entière liberté de pratiquer cette religion nouvelle. Cette liberté de penser et de vivre en harmonie avec des convictions s’étendit très largement à d’autres domaines notamment au libertinage qui marqua, vers

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418, le début du déclin de l’Empire romain et chez nous le début du haut Moyen Âge. Les Vandales puis les Wisigoths, une branche chrétienne des Goths, venue de Scandinavie, nous envahirent et installèrent leur capitale à Toulouse. Ils furent chassés en 507 par Clovis, après la bataille de Vouillé. À sa mort, en 511, se formèrent trois nouveaux royaumes mérovingiens, d’Austrasie, de Neustrie et de Bourgogne, qui se combattirent. C’est à ce momentlà que les Sarrasins, venus d’Espagne, investirent notre pays. À compter de 688 les ducs d’Aquitaine en devinrent les tuteurs. Les derniers rois mérovingiens perdirent l’Aquitaine et l’Armorique. La réalité des pouvoirs appartint, alors, à l’aristocratie. Avec l’avènement de Charlemagne, couronné empereur en 800, commença l’organisation politique du territoire. Puis en 843, par le traité de Verdun, l’empire fut éclaté en trois royaumes. Charles le Chauve reçut une vaste région du Rhône à l’Océan. À sa mort, en 877, se créèrent les grandes maisons princières du Midi. Philippe Auguste (1180-1223) donna à la monarchie son caractère national et mena la lutte contre la coalition de l’Angleterre et de la Flandre, consacrée, en 1214, par la bataille de Bouvines. C’est le temps des troubadours mais aussi du développement du christianisme, de la création de bon nombre de lieux de culte, de l’édification de cathédrales et d’abbayes mais aussi, dans le Sud de la France des bastides, ces villes neuves fortifiées. L’histoire du catharisme est étroitement liée à celle de la vallée de l’Aveyron où de cruels combats opposèrent albigeois et catholiques.

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La façade

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siècle de la maison du Grand Veneur à Cordes.

1208 vit le début de la première croisade contre les Cathares ou Albigeois. Les Cathares, du grec les purifiés, vivaient dans la pauvreté et affichaient une pureté absolue des mœurs, par opposition à l’Église catholique, à ses intrigues, à ses pompes et au train de vie de ses princes. Ils ne pratiquaient qu’un sacrement : le consolamentum, qu’ils administraient lors de l’ordination d’un parfait (un de leurs prêtres) ou au moment de la mort des fidèles. Ils seraient originaires, au XIe siècle, de Macédoine. Ils se répan-

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dirent en Italie puis dans le Midi de la France qui comptait quatre évêques : à Albi (d’où le nom d’Albigeois), à Toulouse, à Carcassonne et à Agen. Cette croisade contre les hérétiques albigeois et Raimond VI comte de Toulouse, qui les protégeait, fut décrétée par le pape Innocent III. Elle fut conduite par Simon IV le Fort, sire de Montfort qui fut tué devant Toulouse, en 1218, alors qu’il assiégeait Raimond VI. Ce dernier avait repris sa ville l’année précédente. Elle s’acheva en 1229 par le traité de Paris.

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De 1250 à 1320 l’Inquisition extermina les derniers foyers cathares. C’est aussi aux XIIe et XIIIe siècles que furent édifiées les bastides. Ces villes nouvelles (généralement appelées bastides dans le Sud de la France et villes neuves dans le Nord), furent fondées afin que les puissants seigneurs puissent mieux contrôler les frontières de leurs territoires. Les acteurs de l’édification de ces nouvelles structures furent, pour notre région, Raymond VII comte de Toulouse de 1222 à 1249 et Alphonse, comte de Poitiers et de Toulouse de 1249 à 1271, frère du futur roi saint Louis et fils de Louis VIII. Le roi Louis IX (saint Louis) lui succéda de 1226 à 1270. Après lui, vint Philippe III le Hardi (1270-1285) et enfin Philippe IV le Bel (1285-1314). La régularité de l’urbanisme des bastides changeait avec celui des villes anciennes à l’édification anarchique. Elles furent donc aménagées en parcelles à construire d’égale valeur autour d’une place centrale, réservée aux marchés, où était creusé un puits, entourée de couverts souvent accolés ou à proximité d’une église qui dominait l’ensemble. Montauban fut créée en 1174 par Alphonse Jourdain, comte de Toulouse. Son découpage en rues parallèles et perpendiculaires (en damier) fit de la nouvelle ville un prototype des futures bastides. Leurs bâtisseurs firent entrer la France méridionale dans l’ère de la centralisation. Voici les bastides de la vallée de l’Aveyron et de celles de ses principaux affluents (la date de leur création correspond plus souvent à celle où leur furent accordées de nouvelles coutumes) : Dans le département de Tarn-et-Garonne, celle de Lafrançaise fut créée en 1275 par Phi-

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lippe III le Hardi, avec des coutumes accordées en 1278, Celle de Mirabel, on ne sait pas très bien, soit par Alphonse de Poitiers en 1270, soit antérieurement vers 1259 à partir d’une structure cadastrale déjà existante… Celle de Réalville, d’abord appelée Gardemont, en 1311, par Philippe IV le Bel, Celle d’Albias en 1285 par Philippe IV le Bel, avec le seigneur de Bruniquel, Celle de Nègrepelisse vers 1287 par Philippe IV le Bel, Et celle de Verfeil-sur-Seye, par Alphonse de Poitiers en 1250. Dans le Tarn, celle de Castelnau-de-Montmirail fut créée en 1222, Celle de Cordes également en 1222 par Raymond VII, Et celle de Villeneuve-sur-Vère en 1223 par Doat Alaman qui appartenait à une importante famille de l’Albigeois ; il adopta le parti toulousain lors de la croisade contre les Albigeois, par ailleurs il fut conseiller de Raymond VI puis au service de Raymond VII. En Aveyron celle de Najac fut créée en 1255 par Alphonse de Poitiers, Celle de Villefranche-de-Rouergue, en 1252, également par Alphonse de Poitiers, Et enfin celle de La Bastide-l’Evêque, en 1274, par Raymond de Calmont évêque de Rodez. En 1226 débuta le règne de Louis IX (saint Louis). Le Rouergue fut alors annexé au royaume de France. C’est le temps des croisades en Terre Sainte, entreprises le siècle précédent par la papauté pour reprendre les lieux saints aux musulmans. C’est le temps de gloire des Templiers. Les Templiers formaient un ordre religieux et militaire créé vers 1118 par 9 chevaliers parmi

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lesquels Hugues de Payns. Ils avaient suivi Godefroy de Bouillon dans sa croisade au cours de laquelle il fonda le royaume de Jérusalem en 1099. Il y mourut en 1100. Sous le vocable de « pauvres chevaliers du Christ » ils étaient les « gendarmes » de la Palestine. Ils prirent le nom de Templiers lorsqu’ils furent installés par Baudouin II, roi de Jérusalem, dans un palais jouxtant l’ancien temple de Salomon. Ils furent institutionnalisés par le concile de Troyes en 1128 qui leur donna les règles strictes de saint Bernard. Leur puissance, inspirant la confiance, fit d’eux les banquiers du pape, des rois, des princes et de riches particuliers: un rôle bien éloigné de celui qu’ils s’étaient initialement octroyé. Le caractère occulte de leurs activités conduisit à leur attribuer bien des défauts parmi lesquels une jouissance exacerbée des plaisirs de la vie. Ils accumulèrent à leur encontre bien des rancœurs. Le roi Philippe le Bel voulut s’accaparer de leur immense fortune alors que Clément V, le premier pape d’Avignon, ne marquait pas une réelle volonté de céder au désir royal. Le 13 octobre 1307, alors qu’ils furent accusés d’hérésie, le grand maître des Templiers, Jacques de Molay, et tous les siens furent saisis par les officiers royaux au nom de l’Inquisition. Les états généraux de Tours (1308) déclarèrent les chevaliers dignes de mort. Le concile de Vienne de 1311 ne reconnut pas les charges qui les accablaient. Cependant Clément V, pour en finir avec ce problème, promulgua le 3 avril 1312 une bulle supprimant l’Ordre tout en affirmant, non sans ambiguïté, qu’il n’y avait pas matière à condamner ses membres canoniquement… Les biens des Templiers furent donnés aux Hospitaliers, mais Philippe le Bel saisit le numéraire qu’ils avaient accumulé et occupa leurs possessions

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qui ne furent rendues aux Hospitaliers qu’en contrepartie d’une grosse indemnité. Les Templiers, grâce à leur puissance militaire et financière, s’étaient installés, dès le XIIe siècle notamment dans notre région. Ils avaient, le long de nos vallées, des possessions un peu partout: à Vaour, à Montricoux, à Penne, à Caylus, à Cas et à Saint-Gilles d’Espinas, à SaintMarcel de Réalville, à Lacapelle-Livron, à SaintPeyronis de Lacapelle-Livron, à Villefranche, au Mauron de Maleville, à Cabanes et à Teulières de La Bastide-l’Evêque, à Compolibat… À la fin du Moyen Âge (1348-1349), alors que la peste noire faisait des ravages, débuta, en 1337, la guerre de Cent Ans. En 1360 l’Agenais et le Rouergue passèrent au roi d’Angleterre, jusqu’en 1450. Puis le Quercy et le Rouergue unirent leurs destins au temps du Louis XIII (1498-1515). La guerre de Cent Ans, qui opposa la France et l’Angleterre. Elle dura de 1337 à 1453. Une forte rivalité existait entre ces deux pays en raison de racines communes avec l’histoire Capétienne. Ce conflit, une guerre de dynastie s’ouvrit après le décès, sans descendance, de Charles IV, le fils de Philippe le Bel. La branche aînée des Capétiens s’éteignit donc et la couronne passa à une branche cadette celle des Valois. Ainsi Philippe VI neveu de Charles IV, devint roi. Édouard III, d’Angleterre, par sa mère petitfils de Philippe le Bel, émit alors des prétentions sur le trône de France. Philippe VI lui demanda de comparaître devant le parlement de Paris, ce qu’il refusa. Ce fut le début de la guerre de Cent Ans. La France des deux premiers Valois (Philippe VI et Jean II le Bon), en proie à la peste

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Le château de Belcastel.

et à la misère, vivait dans une passivité totale face à l’Angleterre d’Édouard III qui préparait les hostilités en créant une flotte et une solide armée. Les troupes anglaises eurent vite raison de celles françaises. La France fut d’abord battue, en 1346 à Crécy, puis en 1356 à Poitiers. Avec le traité de Brétigny elle perdit un quart du royaume de Philippe le Bel. En 1380 Charles V et Du Guesclin reprirent des territoires et les Anglais n’occupèrent plus que Calais et la Guyenne. Après un calme, Henry V de Lancastre, tenta de profiter des guerres civiles entre Armagnacs et Bourguignons pour conquérir la France entière. Celle-ci essuya une nouvelle défaite à Azincourt (1415). Le traité de Troyes, de 1420, marqua l’installation du roi anglais

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sur le trône de France… Charles VII, « le roi de Bourges », en réorganisant ses troupes avec l’aide de Jeanne d’Arc « bouta les Anglais hors de France » après avoir délivré Orléans en 1429. Elle ne les repoussa pas totalement même si elle en donna l’impulsion. Elle fut, en effet, capturée l’année suivante et remise aux Anglais. Déclarée hérétique par un tribunal d’Inquisition elle fut brûlée vive en 1431 à Rouen. Charles VII poursuivit son œuvre et reconquit son royaume en battant les Anglais à Formigny (en 1450) puis à Castillon (en 1453). Ce fut enfin la fin des hostilités. Aucun traité ne consacra cette reprise du territoire par le roi de France. De 1562 à 1598, tandis que débutait la Renaissance, une nouvelle guerre, cruelle, opposa

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catholiques et protestants. Elle fit des ravages dans notre région. À la suite des atermoiements de François 1er (1515-1547) puis de sa prise de position contre la Réforme débutèrent sous Henri II, son successeur, les guerres de Religion et la proscription des protestants. En réalité, à travers la religion et la lutte sévère entre catholiques et protestants c’est un violent combat que se livrèrent la royauté catholique et les maisons aristocratiques des Guises et des Bourbons acquises au protestantisme qui naquit vers les années 1520. Le protestantisme devint une opposition ouverte contre la royauté essentiellement entre les mains de la noblesse. La royauté traversait alors un état de faiblesse depuis la mort d’Henri II, en 1559. Le pouvoir appartenait alors à des mineurs, François II (15591560) puis Charles IX (1560-1572), placés sous la tutelle sans scrupule de Marie de Médicis rompue aux us machiavéliques de la politique italienne. Les Guises, particulièrement puissants à la cour de François II, provoquèrent un premier soulèvement des protestants : ce fut la conjuration avortée d’Amboise. À la mort de François II, Catherine de Médicis, par habileté, tenta d’apaiser les velléités des deux communautés. Néanmoins le conflit armé éclata et les Guises, en 1562, furent responsables du massacre de Wassy qui déclencha des hostilités armées entre les deux familles chrétiennes. La cruauté des uns répondit aux violences des autres. Ce conflit marqua cette époque de 1562 à 1598. L’épisode le plus sanglant se déroula la nuit du 23 au 24 août 1572, dite « la nuit de la SaintBarthélemy », où les protestants furent massacrés à Paris.

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Mirabel.


29 €

www.loubatieres.fr

ISBN 978-2-86266-599-3


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