Le Lauragais, regards sur un patrimoine

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LE LAURAGAIS

Regards sur un patrimoine

photographies de Guy Jungblut

Anne Brenon Robert Marconis Jean-Loup Marfaing Sébastien Vaissière LOUBATIÈRES


Nous tenons à remercier les villes de Bram, Castelnaudary, la Communauté de Communes de Castelnaudary et du Bassin Lauragais, le SICOVAL – Communauté d’Agglomération du Sud-Est toulousain – qui nous ont aidés à publier ce livre.

ISBN 978-2-86266-597-9 © Nouvelles Éditions Loubatières, 2009 10 bis, boulevard de l’Europe – BP 27 31122 Portet-sur-Garonne cedex contact@loubatieres.fr www.loubatieres.fr


LE LAURAGAIS Regards sur un patrimoine

photographies de Guy Jungblut textes de Anne Brenon, Robert Marconis, Jean-Loup Marfaing et Sébastien Vaissière

Loubatières



LES PAYSAGES DU LAURAGAIS HÉRITAGES ET DÉFIS CONTEMPORAINS

« Lorsqu’on a traversé les plaines basses parsemées de restes d’étangs, et couvertes aujourd’hui de vignes, qui s’étendent à l’ouest de Narbonne, on rencontre dans le défilé compris entre les cimes grises et nues du mont Alaric et les collines du Minervois, la véritable limite de la zone méditerranéenne. La structure change dès lors, comme le climat et la végétation. Au Nord, la Montagne Noire déroule lourdement des croupes de schistes et de gneiss, aux flancs convexes, qu’entaillent quelques ravins boisés ; tandis qu’au Sud s’allonge une rangée de mamelons d’argile ou de grès, dépouilles arrachées aux Pyrénées qui dressent en dernier plan leurs silhouettes aériennes. Ce cadre enferme une longue plaine […] : c’est un sillon produit au contact d’une zone de plissement et d’un massif de résistance. […] « Mais on chercherait vainement, parmi ces traces incontestables de dénudation, une rivière digne de l’œuvre torrentielle qu’indique le sol. L’aspect actuel de l’hydrographie est déconcertant. Il semble qu’il y ait eu une période pendant laquelle les eaux aient hésité sur la direction à

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suivre : il existe, en effet, à l’est et à l’ouest de Castelnaudary, des vestiges d’étangs, des nappes de sable et des graviers presque à fleur de sol, indiquant une ancienne stagnation. Toutefois le versant oriental a fini par l’emporter. L’influence du niveau de base de la Méditerranée si voisine a probablement reculé peu à peu jusqu’au point actuel la ligne de séparation des eaux. » Entre Garonne et Méditerranée : le « sillon » lauragais C’est ainsi que Paul Vidal de la Blache, le père fondateur de l’École géographique française, présentait en 1903, dans son célèbre Tableau de la géographie de la France, cette vaste dépression autour de laquelle s’organise le Lauragais. Son ampleur contraste en effet avec la taille bien modeste de l’Hers Mort qui coule aujourd’hui en son centre. Elle met en relation les bassins de l’Aude et de la Garonne, de part et d’autre du seuil de Naurouze dont la faible altitude (192 mètres seulement) n’a jamais constitué un obstacle à la circulation des hommes et des marchandises entre Narbonne et Toulouse. Depuis l’Antiquité, elle a toujours été empruntée par une grande route, avant qu’en 1681 n’y soit établi le canal du Midi, appelé alors « Canal royal du

Labours aux environs de Nailloux. 10




Au-dessus de Cintegabelle.


La gare de Caraman au début du siècle dernier.

Languedoc », véritable trait d’union économique entre les deux « versants », atlantique et méditerranéen, de la province du Languedoc. Cette voie d’eau facilitant les échanges accentua les spécialisations agricoles complémentaires, aux deux extrémités : le Haut-Languedoc put alors expédier facilement d’énormes quantités de grains vers le Bas-Languedoc où la vigne se développait au détriment des emblavures et qui lui fournissait, en échange, le vin. Le chemin de fer dès 1856, et plus près de nous l’autoroute A 61, achevée en 1979, ont utilisé le même itinéraire. Comme Vidal de la Blache, ceux qui empruntent aujourd’hui ces infrastructures modernes de transport peuvent observer les changements qui s’opèrent en quelques kilomètres dans le paysage entre Bram et Carcassonne : on passe des terres à blé au domaine de la vigne et ce changement s’accompagne souvent d’une transition météorologique sensible et tout aussi rapide.

Maison du garde-barrière à Saint-Rome.

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Bram.

La Révolution française mit fin à l’unité de la province du Languedoc et imposa dans le Lauragais une limite administrative entre les départements de l’Aude et de la Haute-Garonne, accentuée depuis les années 1960 par leur rattachement à deux régions différentes, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées. Les paysages et les activités témoignent pourtant de la permanence de solidarités toujours fortes entre le bassin audois de Castelnaudary et le reste du Lauragais situé en Midi-Pyrénées, l’ensemble subissant de plus en plus nettement l’influence de la vaste aire urbaine de Toulouse, qui leur fournit de nouveaux résidants comme en témoignent les migrations quotidiennes de population.

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Collines et coteaux C’est la vie rurale et l’agriculture qui firent l’unité du Lauragais. Elles ont imprimé leur marque à ces paysages de collines, de coteaux et de vallées façonnés dans la molasse, formation sédimentaire constituée essentiellement d’argiles et de marnes provenant de l’érosion de la chaîne pyrénéenne à l’ère tertiaire, auxquelles se mêlent parfois des bancs calcaires. Elle donne des sols lourds, des « terres fortes », qui ont fini par désigner ces petits pays comme des « Terreforts », toulousains ou lauragais. Ruisseaux et rivières ont opéré dans la molasse un subtil travail de dissection façonnant un paysage de coteaux et de collines, aux pentes souvent fortes dans le détail. Disposés parfois de façon un peu désordonnée vers Nailloux ou Aignes, au sud, de la grande dépression qui court de Castelnaudary à Toulouse, ils forment plutôt au nord, des alignements orientés sudest/nord-ouest, séparés par les vallées affluentes de la rive droite de l’Hers Mort (Marcaissonne, Saune, Seillonne…) et, plus au nord par celle du Girou. Au sud, autour de Belpech et Fanjeaux, dans les collines de la Piège, le contraste est plus grand entre les vallées et les collines aux sols moins fertiles marquées par la présence de bois et de landes.

Champ de blés aux environs de Nailloux. 17


Au nord-est, les couches géologiques qui marquent la limite du bassin sédimentaire aquitain se relèvent vers la Montagne noire, et donnent un paysage classique de cuesta. Le calcaire arme le sommet du plateau et donne vers Saint-Félix-de-Lauragais une corniche qui domine la vaste plaine de Revel, dégagée par l’érosion à la périphérie du massif ancien vigoureusement soulevé et faillé au tertiaire. Ses paysages annoncent les hautes terres du Massif Central ; c’est là que fut établi, au XVIIe siècle, le réservoir de Saint-Ferréol destiné à l’alimentation en eau du canal du Midi. Le pays du vent d’autan Le Lauragais est aussi le pays du vent d’autan. Venant du sudest il souffle souvent pendant plusieurs jours, avec des rafales de plus en plus puissantes aux

Les collines de la Piège.


abords du seuil de Naurouze. Sa vigueur nourrit bien des conversations car on lui prête de multiples influences sur l’humeur voire la santé des habitants. « Vingt-quatre heures avant qu’il ne se lève, « il y a de l’inquiétude dans l’air ». A l’aurore, le ciel est très rouge, mais l’atmosphère très transparente vers le Sud : les Pyrénées se dessinent avec une admirable netteté tandis que le Nord-Ouest est voilé. Les gens hochent la tête « Autan vol bufar » (L’autan veut souffler). De fait, il souffle d’abord discrètement pendant cinq ou six heures, puis, il s’excite, rayonne de plus en plus haut en accélérant sa course qui, à en juger par la danse de la poussière, progresse par tourbillons, rebrousse brutalement les arbres, semble coucher à terre les futures récoltes, mugit jusque dans les maisons, fait trembler les portes et claquer fortement les volets. Il lui arrive d’entrer dans de véritables fureurs et de se déchaîner en ouragan. [...] Même quand il est d’humeur paisible, on ne peut le confondre avec aucun autre, à raison des changements qu’il provoque dans l’état hygrométrique de l’atmosphère. L’autan est pour le paysan « le vent qu’eisuga et que banha » (le vent qui essuie et qui baigne). La tiédeur qu’il apporte semble souvent moite, et, les jours où il souffle, on verra tel carrelage, humide comme si l’on venait d’y Le moulin de Cugarel à Castelnaudary.

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À proximité de Fajac-la-Relenque.


passer une serpillère mouillée. Mais cela compte peu au regard de son pouvoir desséchant. A peine s’est-il levé que la rosée s’évapore. Il sèche une lessive aussi bien qu’un soleil ardent. S’il souffle sur une terre humide, elle est rapidement « ressuyée » ; sur une terre sèche, elle ne tarde guère à se fendiller. Qu’il dure plusieurs jours, le ciel, au moins en saison chaude, prend une teinte bleu-gris plombé, l’atmosphère graduellement s’embrase ; la terre brûlée semble haleter de soif jusqu’à ce que la voix du vent s’assourdisse, puis se taise. Le calme est revenu ; le vent a tourné ; à l’autan succède le cers la pluie tombe, lente et régulière, en larges gouttes. » (G. Jorré, Le Terrefort toulousain et lauragais, Privat, 1971)

Soleil levant sur Avignonet-Lauragais.

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Sur ces terres céréalières le vent d’autan apporta longtemps une force précieuse pour actionner les nombreux moulins qui transformaient les grains en farine. Victimes de la concurrence d’autres sources d’énergie, l’électricité, les produits pétroliers, il n’en subsiste plus que de rares témoins, souvent réduits à une tour de briques, mais certains sont parfois réhabilités et pourvus d’ailes nouvelles au fur et à mesure que l’on prend conscience de la valeur patrimoniale qu’ils confèrent à un paysage rural dont l’harmonie passée est aujourd’hui bien compromise. Les injonctions du développement durable, la quête d’énergies renouvelables, conduisent à porter un regard différent sur ce vent d’autan dont

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Le moulin à six ailes de Nailloux.

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29 €

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