Taylor Languedoc II (11-66)

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Voyages pittoresques et romantiques du baron Taylor dans l’ancienne France

Languedoc

(tome II)

Aude ~ Pyrénées-Orientales

Loubatières

Lithographies choisies et commentées par Chantal Alibert et Sophie Aspord-Mercier


MURAILLE DE LA CITÉ, VIEILLE VILLE DE CARCASSONNE Auteur : Louis Villeneuve (1796-1842) Lithographe : Thierry Frères Planche : 121 Format : 389 × 290 mm Date : 1835

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Avec les lithographies de Carcassonne, nous pénétrons dans l’imaginaire romantique de la ruine. Muraille de la Cité, vieille ville de Carcassonne témoigne de cette nouvelle perception du passé ; c’est aussi un autre regard posé sur la ville. Carcassonne est formée de deux ensembles urbains aux destins divergents. Les gravures antérieures aux Voyages pittoresques privilégient la représentation de la ville basse (ou bastide Saint-Louis) dynamique et prospère, et relèguent à l’arrière-plan la vieille forteresse. Louis Villeneuve inverse les rôles en faisant de la Cité le sujet principal de la lithographie. Les murailles surgissent brutalement. L’angle de vue, en contre-plongée trop rapprochée de la courtine, ne permet pas d’avoir une vision globale de la forteresse médiévale. Cette perspective accentue encore la masse imposante des systèmes défensifs de la fortification, désormais inutiles. Au premier plan, seule la partie inférieure d’une tour défensive effondrée subsiste dans le fossé. Derrière les maçonneries éventrées, le rempart a perdu ses créneaux. La dernière enceinte et le château comtal campent encore fièrement leur silhouette dans le paysage. À partir de 1804, la Cité de Carcassonne ne fut plus considérée comme une place forte militaire. Le site, en grande partie abandonné, fut alors utilisé comme carrière de pierres. Sauvées en 1820 par son reclassement comme place forte, les murailles continuent à disparaître sous l’action inexorable du temps. Au premier plan, trois personnages semblent se reposer à l’ombre des ruines. Une femme coiffée du traditionnel chapeau à larges bords regarde l’homme assis à ses pieds. Tous les deux portent un vêtement coupé dans le même tissu à carreaux. Le troisième personnage, le dos tourné, surveille un troupeau de moutons dispersés dans le fossé. Au loin, dominée par le clocher de la cathédrale Saint-Michel, apparaît une infime partie de la ville neuve dont les guides de voyage vantent les rues saines et aérées. Le pont sur l’Aude est esquissé en contrebas de la forteresse. La représentation du fleuve est de pure fantaisie et s’apparente plutôt à un lac miroitant au soleil couchant. Le trio bucolique ignore la Cité qui se trouve derrière lui. L’ombre de la tour va bientôt les envelopper mais ce passé les laisse indifférents. La vie continue et s’écoule paisiblement au pied de l’ancienne cité médiévale.




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CATHÉDRALE DE NARBONNE Auteur : Harris, H. Lithographe : Harris, H. Planche : 129 Format : 344 × 274 mm Date : s. d.

Cette lithographie réalisée par H. Harris présente une très jolie vue urbaine dominée par l’édifice majeur de Narbonne : la cathédrale Saint-Just-et-Saint-Pasteur. Le chevet gothique, ceinturé d’arcs-boutants à double volée et encadré de deux tours, fut édifié entre 1272 et 1332. Sa majestueuse silhouette marque dans le paysage le pouvoir des archevêques sur la ville mais aussi sur tout le territoire narbonnais. L’artiste a volontairement accentué cette position pour dessiner, sans obstacle visuel, les spécificités architecturales, culées, pinacles, arcs-boutants, crénelages, tout en révélant le caractère inachevé de l’édifice marqué par l’ombre portée du monument. Une tour circulaire émerge de la végétation du jardin de l’archevêché. Elle appartient à la résidence archiépiscopale édifiée au Moyen Âge sur l’enceinte antique. Une lumière diffuse illumine volontairement deux points majeurs de la lithographie : le chevet et une scène de la vie quotidienne au premier

plan. Dessinant depuis le quai de la Charité, l’auteur anime le paysage avec une barque de tonnelier, une lavandière accompagnée d’une enfant en costume traditionnel, un étalage d’étoffes ou de couvertures et plusieurs groupes de personnes réunis devant une auberge sur le quai opposé. Malgré la présence de nombreux personnages, la scène reste paisible comme le cours de la Robine. Le canal a été aménagé à partir du XVIe siècle sur le cours de l’Aude. D’imposants murs percés de caniveaux marquent les limites du cours d’eau et forment les parapets des quais. L’aménagement urbain de la rive gauche est rythmé par des maisons le long de la rue Entre-deux-villes (actuellement rue Jean-Jaurès) et un portail s’ouvrant sur un jardin. Celui-ci a aujourd’hui disparu suite à la construction d’un bâtiment. Un arceau, dans la continuité du mur de clôture du jardin de l’archevêché, enjambe la rue afin d’alimenter en eau le jardin et plusieurs fontaines comme celle de la place Bistan. Une machine hydraulique abritée dans l’immeuble dissimulé en partie par l’arbre à droite de la gravure, assurait l’approvisionnement en eau du quartier de la cité. Aujourd’hui ce dispositif n’existe plus ; seule la lithographie de H. Harris permet d’entrevoir l’atmosphère de la ville au cours des premières décennies du XIXe siècle.


RUINES DE SAINT-MICHEL DE CUXA Auteur : Villeneuve, Louis Lithographe : Thierry Frères Planche : 161 Format : 320 × 240 mm Date : 1834

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Avec les Ruines de Saint-Michel de Cuxa, Louis Villeneuve signe ici une œuvre où transparaît la nostalgie romantique de l’époque médiévale. Commencée au Xe siècle, transformée au siècle suivant, vendue à la Révolution, la vieille abbaye disparaît peu à peu sous l’action combinée de l’homme et de la nature. Semblable à un fantôme du passé, un moine encapuchonné s’éloigne à pas lents. L’ombre et la végétation masquent peu à peu le monument. Au premier plan, le cloître livre un combat inégal avec un arbre dont les feuilles occultent déjà les belles arcades en plein cintre. Des arums poussent au pied de la colonne en marbre rose de Villefranche-de-Conflent. L’herbe s’est emparée du tailloir du magnifique chapiteau décoré d’un lion d’inspiration orientale. À l’arrière-plan de la galerie du cloître qui forme un cadre au paysage, se profile la tourclocher méridionale. Dominant à 33 m de hauteur, elle présente sous un décor de petites arcatures aveugles et lésènes, deux grandes baies cintrées, puis deux ouvertures géminées. La tour-clocher septentrionale, située au niveau du plan intermédiaire, impose encore sa silhouette. En 1839, celle-ci s’effondra, comme la toiture de la nef quatre ans auparavant. L’état de ruine du cloître est accentué par les pans de mur effondrés de la galerie orientale, dont il ne reste que trois arcades. L’arrachement des maçonneries rappelle l’histoire dramatique du cloître, érigé entre 1120 et 1146. Son démantèlement a débuté dès le début du XIXe siècle. Les habitants des villages alentour se sont chargés du dépeçage. L’établissement des bains de Prades posséda ainsi dans sa cour une galerie formée de douze colonnes avec leurs arcatures. En 1841, la Commission Archéologique et Littéraire de Narbonne essaya en vain d’acquérir 37 colonnes pour construire dans le jardin du musée un abri pour les vestiges romains récupérés dans la ville. La somme demandée était alors trop élevée pour les ressources de la société savante. D’autres vestiges achetés par le sculpteur et antiquaire américain George Grey Barnard sont à l’origine du musée des Cloisters à New York, ouvert en 1938. Aujourd’hui, le cloître en marbre rose a été restauré, et même s’il demeure encore incomplet, il a retrouvé une partie des sculptures jusqu’alors éparpillées dans la région.




ANCIEN HÔTEL DE VILLE DE PERPIGNAN Auteur : Dauzats, Adrien (1804-1868) Lithographe : Thierry Frères Planche : 141 Format : 335 × 285 mm Date : s. d.

L’Ancien hôtel de ville de Perpignan dessiné par Adrien Dauzats représente en réalité une vue générale de la rue de la Loge, lieu essentiel de Perpignan marqué par la présence de trois bâtiments publics édifiés du XIVe au XVIe siècle : la Loge de Mer, l’hôtel de ville et le Palais de la Députation. Pourtant, rien n’évoque l’animation qui régnait autrefois dans ce lieu. En fond de perspective, nous apercevons cependant des couples élégamment vêtus se promenant sur le passage couvert de l’actuelle place Jean-Jaurès. Seuls trois personnages, dont un mendiant estropié, sont figurés au premier plan à l’angle de la rue du Tribunal. L’absence de personnages est souvent un choix délibéré d’Adrien Dauzats qui met de côté le pittoresque des scènes pour privilégier les dégradations et les mutilations opérées sur les monuments du passé. La loge de Mer, ancien consulat maritime, en est une très belle illustration. Dans le Guide du Roussillon (1842), Dominique Marie Joseph Henry fait une description conforme à cette gravure : « L’archéologue examinera avec plaisir l’architecture de ce monument, ses belles gargouilles…, sa balustrade à jour qui le couronnait comme une dentelle et dont une seule pierre se montre encore à l’angle de l’attique ; il verra… ses fenêtres ogivales du rez-de-chaussée… dont l’archivolte… est bordée de crosse en feuilles d’acanthe épineuse se terminant au claveau par un bouquet ; il déplorera la barbarie qui a fait appliquer, non seulement un placage de mauvaises masures devant la façade latérale de ce monument, masquant ainsi les doubles fenêtres du rez-de-chaussée et de l’étage […], mais encore un tuyau de cheminée appliqué sur une de ses charmantes fenêtres… » L’érudit regrette aussi la transformation de la salle basse en « remise de diligences » et la mutilation de la fenêtre transformée pour cet usage en porte d’entrée. Il préconise aussi la préservation de la girouette en forme de caravelle située à l’angle de la Loge (elle est actuellement conservée dans l’hôtel de ville). En 1841, l’édifice appartient à la ville de Perpignan et l’année suivante, un café s'y établit. Après plusieurs campagnes de restauration entreprises au cours du XXe siècle, les bâtiments de la rue de la Loge ont retrouvé leurs caractéristiques architecturales ; appareillage de galets en épis, lignes d’assises soulignées de briques, réouverture des grandes baies, restitution des portes et des percements des rez-de-chaussée. L’ensemble des trois bâtiments, Loge de Mer, Hôtel de ville et Palais de la Députation, forme un alignement urbain médiéval exceptionnel dans la région.

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MAÎTRE-AUTEL DANS LA CATHÉDRALE DE PERPIGNAN Auteur : Dauzats, Adrien Lithographe : Thierry Frères Planche : 139 Format : 350 × 275 mm Date : s. d.

PORTE NOTRE-DAME CASTILLET PERPIGNAN Auteur : Villeneuve, Louis Lithographe : Thierry Frères Planche : 137 Format : 362 × 248 mm Date : 1834

PALAIS DE JUSTICE À PERPIGNAN Auteur : Dauzats, Adrien Lithographe : Thierry Frères Planche : 138 Format : 337 × 277 mm Date : s. d.


CATHÉDRALE DE PERPIGNAN, CHAPELLE NOTRE-DAME DE LA CONCEPTION, Auteur : Dauzats, Adrien Lithographe : Thierry Frères Planche : 140 Format : 345 × 237 mm Date : s. d.

PALAIS OÙ MOURUT PHILIPPE III DIT LE HARDI À PERPIGNAN Auteur : Dauzats, Adrien Lithographe : Thierry Frères Planche : 142 Format : 395 × 302 mm Date : s. d.

CHAPELLE NOTRE-DAME DE LA CONCEPTION, CATHÉDRALE DE PERPIGNAN Auteur : Dauzats, Adrien Lithographe : Thierry Frères Planche : 140 bis Format : 349 × 261 mm Date : s. d.

TOMBEAU DANS LA CATHÉDRALE DE PERPIGNAN Auteur : Dauzats, Adrien Lithographe : Thierry Frères Planche : 142 quint Format : 525 × 345 mm Date : s. d.

89 PORTE DE L’ÉGLISE DE LA CITADELLE À PERPIGNAN Auteur : Dauzats, Adrien Lithographe : Dauzats, Adrien Planche : 142 sext Format : 359 × 280 mm Date : s. d.

CATHÉDRALE DE PERPIGNAN, VOLET DE L’ORGUE Auteur : Dauzats, Adrien Lithographe : Thierry Frères Planche : 144 Format : 525 × 345 mm Date : s. d.

PORTAIL DE SAINT-JEANLE-VIEUX, PERPIGNAN Auteur : Gué, Jean-Marie Lithographe : Thierry Frères Planche : 143 Format : 412 × 323 mm Date : 1835

BUFFET D’ORGUE DU XVe SIÈCLE DANS LA CATHÉDRALE DE PERPIGNAN ET DÉTAIL Auteur : Viollet-le-Duc, Eugène Lithographe : Thierry Frères Sculpteur : De Laplante Planche : 144 bis Format : 525 × 345 mm Date : s. d.


Voyages pittoresques et romantiques du baron Taylor dans l’ancienne France

Languedoc (tome

II)

Aude ~ Pyrénées-Orientales Lithographies choisies et commentées par Chantal Alibert et Sophie-Aspord Mercier

Entre 1820 et 1878, le baron Isidore Taylor, assisté de Charles Nodier et Alphonse de Cailleux, réalise les vingt volumes des Voyages pittoresques et romantiques dans l’ancienne France. Les lithographies réunies dans chaque volume représentent aussi bien des monuments civils, militaires et religieux que des paysages ou des scènes de la vie quotidienne de la France de l’époque. Ce travail monumental est un témoignage précieux de la situation du patrimoine bâti en France dans la première moitié du XIXe siècle. Il a également ouvert la voie d’un changement de perspective dans le regard porté sur ces édifices, les sortant du cadre purement fonctionnel pour les intégrer dans le champ de la conscience collective nationale. De cet inventaire patrimonial et paysager, chacun a pu voir, au détour d’une page d’un ouvrage, un exemple des lithographies réalisées pour les Voyages pittoresques. Pourtant, jusqu’ici, aucune édition n’avait présenté la totalité de celles-ci rassemblées par aires géographiques continues. Chaque ouvrage de cette nouvelle édition raisonnée des lithographies des Voyages pittoresques présente une sélection des vues les plus remarquables accompagnées d’une notice développée, et reproduit l’ensemble des lithographies consacrées aux départements étudiés.

ISBN 978-2-86266-658-7

Cathédrale de Narbonne, dessin et lithographie de H. Harris, planche 129, 344 x 274 mm, s. d.

25 €

9 782862 666587

www.loubatieres.fr

Le présent volume réunit les lithographies consacrées aux départements de l’Aude et des Pyrénées-Orientales, avec notamment des vues consacrées à Perpignan, Carcassonne, Narbonne, Alet, Castelnaudary, Collioure, Salses, Fontfroide, Lagrasse, Saint-Martin du Canigou, Elne, Rieux-Minervois, Serrabone, Saint-Michel de Cuxa…


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