F O E HAP
S E H T E M A SH
«L'Hymen et l'Amour vont conclure un traité qui doit épurer les mœurs publiques et rendre l'homme plus heureux; l'Hymen descend du haut de l'Olympe entouré des puissances célestes; il s'avance, le flambeau à la main, il est couronné de rosés, paré des plus belles couleurs; tout rit autour de lui, tout éclate de joie. Apollon, précédé de la déesse de la jeunesse, de l'amante du Zéphyr, la lyre à la main, anime les airs et dispose les esprits. O vous! pour qui les dieux ont des soins empressés, vous qui possédez les grâces, l'esprit, les talents, seuls soutiens de l'amour, montrez nous le chemin qui conduit à la constance, montrez nous le chemin que l'honnête homme doit parcourir, et dont il peut s'applaudir dans la course périlleuse de l'âge inexpérimenté ; la nature a proclamé votre pouvoir, l’a gravé dans les cœurs : c'est à vous de diriger les passions, de les régulariser ; c'est à vous de rappeler l'homme à ses obligations premières, par l'intérêt qui l'attache à votre gloire. Sans doute vous ne confondrez pas l'épilepsie du sang qui amortit les facultés, avec l'économie du plaisir qui les accroît; vous ne confondrez pas la fragile existence qui, pour justifier un sentiment honorable, laisse amasser sur elle les lustres qui le détruisent. En effet, quand le cœur est agité par la tempête, il obéit à la vague dominante; est-il tranquille? ...il dégénère» Claude Nicolas Ledoux, Oikema, Fragments d’un monument Grec.
The Shape Of Shame
Subversif pourtant universel, le sexe est présent dans tout les esprits, dans toutes les civilisations, et très souvent, ailleurs. Bien loin de sa fonction primaire, il est devenu vecteur de pouvoir, de domination, il fut à l’origine de guerres innombrables et de légendes éternelles. Il est désormais affaire de culture, en témoigne les agitations récentes dans notre hémicycle et dans nos rues, où la question de l’orientation sexuelle, et des droits découlant des relatives préférences remua des mois durants l’opinion publique. Messaline, Caligula, Raspoutine, Bill Clinton, Silvio Berlusconi ...(je m’arrêterai à ces quelques légendes du genre, tant la liste des personnes de pouvoir connu pour leur insatiable sexualité, loin d’être exhaustive, suffirait à remplir ces quelques pages) Tous ont essuyés, au sommet du pouvoir, une réputation sulfureuse (plus ou moins avérée au demeurant) si bien que la simple évocation de leurs noms suffira à faire dresser les poils des plus conservateurs, et les organes de coquins observateurs. Toutefois, il n’affecte pas seulement les hautes sphères, le problème est bien là, il est partout, mais se doit d’être silencieux... Auquel cas, gare au scandale !
Alors généralement on se tait, et fatalement, face à ces «pulsions», les insinuations sont partout. Chez les architectes, il en est de même, et il me semble même, que nous exercions l’une des professions (pornstars exclues) les plus lubriques...
- Regarde mon dôme il est si courbe et chaleureux, oui mais moi j’ai voulu recréer un grotte originelle, et je te balance un Empire State plus gros que le tien, oui mais moi j’en ai deux, et hop je te les fais péter tes deux grosses tours... -
La corrélation facile entre sexualité et pouvoir est cependant significative de la phallocratie quasi institutionnelle de notre civilisation, où la substitution des égos (ou organes) dans un empire semble finalement formaliser la domination ultime. Et au final qu’elle soit efficace ou non, elle confirme bel et bien un chose, le sexe est partout.
Alors, dans les années 1780, Claude Nicolas Ledoux, plutôt que de nier cette évidence, et de se conforter dans la pudibonderie instaurée par l’Eglise Catholique, dessine tout simplement, un temple du plaisir, masculin (Messaline devra attendre l’invention «Virginie Despentes» pour reposer en paix), en forme de pénis. Réminiscence de la culture des plaisirs de la chaire des temps antiques... Postmodernisme architectural et culturel avant l’heure... Pour Ledoux, l’Utopie sociale passe notamment par la libération des moeurs dans une cité idéale conçue dans l’esprit des Lumières, regroupant une série de bains et de cellules, n’ayant d’autre utilité que de s’abandonner à ses désirs les plus divers et les plus pervers. C’est ainsi, en quelque sorte, le début des sex-shops, peep-shows et back-rooms que préfigure l’Oikema. Evitons toutefois le grand saut de Ledoux à Dodo la Saumure ... La position de Ledoux reste très marginale et iconoclaste, longue sera la route qui nous mènera au Sexodrome de Pigalle et Red Light District d’Amsterdam. Le catholicisme, donc, et son méritoire, institutionnalisent la notion de péché et de culpabilité, que des centaines d’années de lavages à l’eau bénite ne suffiront pas à faire disparaître totalement. Dès lors, la sexualité et les charmes sont l’apanage de Satan, et quiconque revendique un quelconque érotisme se verra diabolisé par la doxa (cf les fameux exemples énoncés précédemment).
Le sexe est malgré tout porteur d’une idée de liberté, que ce soit pour Ledoux, pour les Grecs, et ne seraitce même au travers de l’étymologie de notions tel que «Libertin», c’est d’ailleurs bien cela qui peut effrayer la Sainte Eglise. Si bien qu’au début, en place des sex-shops, seule quelques librairies érotiques vendent quelques articles coquins. Au final, l’homme, animal faible et vénale, se rend compte que sa propre faiblesse peut lui ouvrir un marché non négligeable. L’Etat, dans les années 60, fait pression auprès de ces commerces qui existent dès les années 20, pour occulter les vitrines au maximum. La réplique se fait immédiate et dessine un nouveau paysage urbain typique des quartiers «chauds», puisqu’ils ne peuvent plus avoir de vitrines à proprement parler, les néons se multiplient et signalent la présence des ces boutiques. Puis Mai 68, le sexe devint alors une vraie question politique. Il commence à s’affranchir de ces siècles d’autisme. La mondialisation s’ouvre au commerce du sexe. Et puisque désormais il a droit de citer, on se rend compte de l’évidence du millénaire, le sexe fait vendre...
Zahia, aka Madame Du Barry 2.0, aka Comptesse Ribery... emboite le pas, et au lendemain de son aventure avec le footballeur, lance sa ligne de lingerie, elle est même soutenue par Karl Lagerfeld. C’est aussi un des aspects auquel on assiste depuis quelques années, l’imbrication de l’esthetique porn dans le monde du luxe, et les stratégies comerciales du luxe qui empietent dans la vente des articles erotiques, la mise à distance de l’objet de fascination, l’ambiance, voulue intime et glamour... Il en est de même pour la love affair de Berlusconi avec la call girl Patrizia d’Addario, qui profite de cette notoriété pour se lancer dans la politique. Depuis la libération des moeurs, le sexe est un argument marketing de poids, sexe et économie sont intimement lié. Se poser la question du sexe dans l’économie, par le biais de l’architecture commerciale, des sex-shops, ce n’est pas seulement parlé de perversion ou d’ouverture d’esprit, c’est mettre le doigt sur des questions fondamentales de notre société, sur le positionnement moral et le bon sens de notre système politique, mais aussi sur l’état culturel d’une nation.
Louis Rambert ENSAV - 2013
LOUIS RAMBERT ENSAV 2013