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Un être aimé de poche

Un être aimé de poche : les lover’s eyes de la cour géorgienne

“Yeux marrons, yeux de cochon, yeux bleus, yeux d’amoureux !” Peutêtre avez-vous vous aussi fredonné cette comptine petits… Mais les yeux d’amoureux dépassent la cour de récréation : je vous emmène bien plus volontiers aujourd’hui à la cour de George III, au Royaume-Uni. On y trouve en effet également des yeux d’amoureux ! Ou ce que l’on appelle plus volontiers en anglais des lover’s eyes... 1784 : le prince de Galles George, toute jeune âme de vingt et un ans, croise Maria Fitzherbert à l’opéra. C’est le coup de foudre, mais l’union avec une catholique deux fois veuve ne plaît pas au roi, et Fitzherbert refuse donc elle aussi d’y consentir. Après pas mal de rebondissements, parmi lesquels une tentative de suicide du prince et un exil sur le continent de la dame, George envoie à sa bien-aimée une toute petite miniature de son œil. Et subitement, Maria rentre à Londres, et accepte en 1785 d’épouser le prince, en dépit du désaccord persistant du roi. La dame offre le même gage d’amour au prince, qui le porte religieusement en médaillon. C’est de là que naît la mode des lover’s eyes, qui va perdurer jusque vers 1820, concerner d’aussi grandes figures que Lady Hamilton ou la reine Victoria, et se répandre dans les hautes sociétés française, russe ou même américaine.

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La variété de ces petites peintures est assez déconcertante, et l’on en trouve rapidement montées aussi bien sur des broches, bagues, bracelets, que sur des couvercles de tabatières ou des épingles. Réalisés à l’aquarelle ou à la gouache, parfois même sur de l’ivoire, les lover’s eyes sont souvent ornés de perles et de brillants. La sophistication va parfois jusqu’à les monter en médaillons, à l’intérieur desquels l’on enferme la mèche de cheveux de la personne aimée, ainsi qu’un petit message chiffré. La pratique, gagnant en notoriété, devient même courante entre amis, ou pour entretenir le souvenir d’une personne décédée. Petit tour d’horizon et de magasin, pour inspirer vos tenues de gala !

1. Le plus grand : Chaque œil est pensé comme le portrait d’un regard, qui doit offrir à son possesseur une véritable attache émotionnelle. Mais la reine Louise de Prusse voit, elle, les choses en grand ! Elle décide d’offrir à son mari, à l’occasion de son anniversaire, un véritable portrait de famille oculaire, où figurent cinq yeux : le sien, mais aussi ceux de leurs quatre enfants.

2. Le plus romantique : Eh oui, Lady Hamilton a échangé des lover’s eyes avec son grand amour, l’amiral Nelson. L’Angleterre géorgienne réservait traditionnellement le port des petites miniatures aux femmes, mais d’autres hommes que le prince de Galles ont contribué à dégenrer la pratique, et c’est notamment le cas de Nelson. A sa mort, après la bataille de Trafalgar, l’on trouve en effet sur son cadavre une miniature représentant sa bien-aimée.

3. Le plus littéral : Un petit tour dans les collections royales danoises vous permettra d’admirer un bracelet arborant en son centre un lover’s eye… Mais il y a un mais. Il s’agit d’un bracelet tressé en cheveux. Oui oui. La duchesse Auguste Amalie von Leuchtenberg l’offre à sa fille Joséphine qui, à tout juste seize ans, quitte Munich pour épouser un prince suédois. C’est ce qu’on peut appeler une véritable synecdoque.

2. Le plus romantique : Eh oui, Lady Hamilton a échangé des lover’s eyes avec son grand amour, l’amiral Nelson. L’Angleterre géorgienne réservait traditionnellement le port des petites miniatures aux femmes, mais d’autres hommes que le prince de Galles ont contribué à dégenrer la pratique, et c’est notamment le cas de Nelson. A sa mort, après la bataille de Trafalgar, l’on trouve en effet sur son cadavre une miniature représentant sa bien-aimée.

5. Le plus pop culture : S’il y a parmi vous des fans des Chroniques de Bridgerton, ils ne pourront désormais plus s’empêcher de fixer le collier arboré par le personnage de Marina… car il s’agit bien d’un lover’s eye ! Et, sans divulgâcher l’intrigue, il en révèle beaucoup sur les épreuves auxquelles la jeune femme doit faire face… La référence atteste en tout cas d’un véritable engouement contemporain pour ces petits objets, dont de nombreux exemplaires sont aujourd’hui visibles au Victoria and Albert Museum, au Met, ou encore au Philadelphia Museum of Art. Si cet article a donné envie à vos yeux pétillants de fixer quelques lover’s eyes, nul besoin d’un billet d’avion ! L’unique lover’s eye du Louvre est bien caché au fond des réserves… mais vous avez jusqu’au 5 juin pour en découvrir deux autres, prêtés par le musée Carnavalet à la maison de Victor Hugo, à l’occasion de l’exposition Regards ! Source : “Treasuring the Gaze : Eye Miniature Portraits and the Intimacy of Vision” par Hanneke Grootenboer, extrait de The Art Bulletin, à retrouver sur JSTOR. Marie Vuillemin 11

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