LB n°28 : L'humour

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L o u v r 'B o î t e

e du Louvre Le journal des élèves de l' Écol

n°28 mars 2015 50 cts


Sommaire 3.

Édito

Dossier : l'humour 4.

Les aléhaha du métier, ces oeuvres involontairement risibles

6.

La commedia dell'arte, ou quand le rire devint un métier

8.

Blasonner en s'amusant

1 0.

Drôle de Moyen Âge

11.

Étudedecas: l'art de faire rire * Sing Sing Bang Bang, la vie et l'oeuvre

1 2.

de Spike Jones 1 4.

* Jerry Lewis, auteur comique

1 5.

* Desproges. Étonnant, non ?

1 7.

South Park

1 8.

Vous êtes en 2015, et vous lisez l'ancêtre d'internet, bonsoir !

20.

Caricaturistes : fantassins de la démocratie

RUBRIQUES 22.

Muséo-pop : la collecte ethnographique à l'époque coloniale expliquée par Mars Attacks !

Super-série injustement méconnue : Gravity Falls 26. Musée insolite : Pimp my Jacques, le musée 24.

Jacques Chirac en Corrèze 27.

B.F.M. Food : la Margarita, voyage au pays de Chichen Itza

Actualités : 28.

* Civillisation contre barbarie : l'Occident face à l'iconoclasme de Daech

30.

* Déboutonner la mode

32.

* Le Songe d'une nuit d'été à la Comédie-Française

34.

* L'archéonews

36.

* Gala

37.

Le choix de la rédaction

38.

Mots croisés


édi to

Un jour, dans le métropolitain parisien, un homme faisait la manche en présentant aux voyageurs un petit gobelet. Après plusieurs refus, il s'avance vers un homme un peu dandy portant un très beau costume, lui tend le gobelet et lui demande une « petite pièce ». Là, l'homme en costume lui répond : « non, merci ». Cette scène est la plus drôle que j'ai jamais vue. C'est aussi la plus triste. Et ce n'est pas un paradoxe du tout. Nous avons choisi le thème de l'humour et du rire pour cette édition de mars (et dernière de cette année scolaire) car nous avons la conviction que le rire est chose sérieuse ou du moins qu'il est une légèreté indispensable à l'humanité. Qu'il soit moqueur, mignon, bas-de-plafond, burlesque, noir, potache, satirique... Il agit, il défie. Cependant n'oublions pas que la fonction principale de l'humour est de divertir, de nous proposer des temps de répit dans notre quotidien. C'est aussi la manière la plus directe et efficace de se lier aux autres ; en effet, quelle amitié ne débute pas sur la base d'un rire commun ? En vous offrant ces rires nous espérons, modestement, faire perdurer celle qui nous lie et, pourquoi pas, en commencer de nouvelles.

L'ART DU TH É CON SISTE EN EFFET À DISSIM ULER LA BEAUTÉ QUE L'ON EST CAPABLE DE DÉCOUVRIR, ET À SUGGÉRER CELLE QUE L'ON N 'OSE RÉVÉLER. [...] TEL EST AUSSI L'H UM OUR - OU LE SOURIRE DE LA PH ILOSOPH IE.

Herminie Astay

— Okakura Kakuzô, Le Livre du thé, 1906.

Louvr'Boîte, journal des élèves de l'École du Louvre. Septième année. mars 2015. 0,5 €. École du Louvre, Bureau des Élèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 Paris cedex 01. Tél. : +33 (0) 1 42 96 13. Courriel : journaledl@gmail.com. Facebook : fb.com/louvrboite. Twitter : @louvrboite. Tumblr : http://louvrboite.tumblr.com. Directeur de publication : Théo Le Gal. Rédactrice en chef : Herminie Astay. Ont contribué à ce numéro, dans l'ordre alphabétique : Herminie Astay, Marine Botton, Gabriel Courgeon, Solène Devaux-Poulain, Alexis Dussaix, Frédéric Eberhard, Sarah Favre, Théo Le Gal, AnneElise Guilbert-Tétart, Kimberley Harthoorn, Sophie Leromain, Aurélien Locatelli, Yohan Mainguy, Cassandre MbonyoKiefer, Vincent Paquot, Elise Poirey, Marine Roux, Margaux Ruaud, Adèle Steunou. ISSN 1969-9611. Dépôt légal : mars 2015. Imprimé sur les presses de l'École du Louvre (France). Sauf mention contraire, © Louvr'Boîte et ses auteurs. Photographie utilisée pour la couverture : https://www.flickr.com/photos/simpleinsomnia/12519208655, image sous licence Creative Commons. 3


Dossier

Le s alé h ah a! du mé t i e r - ces œuvres involontairement risibles Texte : Margaux Ruaud

Ça arrive toujours. C’est inévitable. Les pupilles provoquent une tentation trop forte, insurmontable. Rien ne peut empêcher l’occasion se présentant, car elle est plutôt rare. Les pommettes se soulèvent, les yeux s’étrécissent, le regard s’anime, les lèvres s’étirent, les dents apparaissent : L’étudiant rit. L’étudiant pouffe. L’étudiant se marre. Il trouve que le sujet proposé est si incongru qu’il en devient vraiment drôle. La règle n’échappe pas à l’histoire de l’art, elle est confirmée par l’essence même de la matière, le visuel. La plupart des œuvres étudiées participant du fil de l’Histoire témoignent d’une parfaite technique, d’une beauté singulière, d’une réalité du temps. D’autres visent la même finalité, mais le seul élément de réponse venant à l’esprit de l’étudiant est un moderne, irrévérencieux et réducteur LOL. Il peut s’agir d’un infime détail ou de toute une composition, le résultat est le même : la classe se gausse, le professeur roule des yeux, et demande à chacun de se concentrer, malgré le ridicule apparent. Impossible pour certaines pièces d’échapper aux affres du temps et aux évolutions des sociétés qui les observent. Pourquoi ? Qu’ont-elles de singulier, provoquant au mieux un haussement de sourcil, au pire, un rire franc et finalement bien moqueur ? Souvent les œuvres parvenues à notre époque cristallisent différents symboles aujourd’hui perdus ou radicalement transformés. Bronzino par exemple, représente dans son tableau Noli me tangere une Marie-Madeleine déjà inoubliable rien que par sa posture si anatomiquement impossible qu’elle en devient exquise. Le comique est parachevé par une figure christique aussi nonchalante qu’un mannequin Dior Homme, s’adossant avec simplicité sur une pelle. Une pelle ? Oui, une pelle, et c’est une traduction littérale ; dans la Bible, Marie-Madeleine confond le Sauveur avec un jardinier lorsqu’elle réalise que le tombeau du Christ est vide. Une iconographie que le temps a certainement préféré oublier, vu le potentiel burlesque de l’ensemble. Dans le même genre, l’époque romane aimait associer le texte à l’image en architecture. Une occasion en or pour l’étudiant d’arborer un sourire grivois quand il s’aperçoit que le mot PENIS est gravé juste sous un majestueux Christ ressuscité sur le

tympan de Sainte-Foy de Conques. L’inscription doit mentionner le rachat des péchés en latin, mais que faire ? La blague potache est beaucoup plus appréciable en Licence. Si ce type d’œuvres est amusant pour des yeux habitués à fouiller un peu l’image et chercher le sens derrière le symbole, l’effet n’est tout de même pas hilarant. Le plus efficace est encore le comique gestuel comme l’a prouvé Marie-M. Dans ce domaine, le musée du Louvre peut se targuer de conserver un champion toutes catégories sur ses murs : le Portrait d’Henri IV en Hercule terrassant l’hydre de Lerne. Le nom promet en soi une grande aventure au pays du « what the fuck », la réalisation quant à elle dépasse les espérances. Le regard dédaigneux, le sourire mutin, le short type Katy Perry, la couleur bleu-canard : les mots manquent pour décrire avec précision le ressenti devant cette toile d’une invraisemblance qui n’a d’égal que son inesthétique. D’autant plus que le tableau est exposé dans la même salle que le célèbre à souhait Portrait présumé de Gabrielle d’Estrée et de sa sœur la duchesse de Villars. Un roi qui préfigure les shorts de Wham et une femme qui pince le téton de sa frangine dans la même pièce valent bien quelques gloussements. Seul problème : personne dont le nom ne peut être loué pour ces tableaux. Ça laisse sur sa faim. Certaines divergences de gestuelle expressive avec l’époque actuelle peuvent laisser elles aussi rêveur. Le Lion de Florence est une pépite d’éléments comiques contre leur gré. La mine de chaton pris sur le fait du lion, la courbure absolument pas naturelle du nouveau-né, sa sainte-trinité-anatomique réduite à la taille d’un chou-fleur à tremper dans une sauce cocktail, l’effroi de la mère aussi bien joué que la mort de Cotillard dans Batman… L’ensemble amène un rire à peine contenu aux lèvres, mais la palme revient certainement à ces bras jetés en l’air avec tant de raideur que l’aspect général rappelle vaguement les Hommes du XXIe siècle venus s’amuser sur un grand huit. Sans parler de ce sein échappant aux lois de la gravité, venu goûter l’air frais. L’art visuel est d’autant plus amusant qu’il retranscrit bien mieux que tout autre genre l’évolution des canons esthétiques. La Vénus de Milo donne ses armes au 4


l'humour

Cette ronde bosse de bronze était chargée, avec un compère, de protéger la cella, le saint des saints du temple, contre les esprits malavisés. Dans la pratique pourquoi pas, le lion ne demeurant pas le plus sympathique être du règne animal. Sauf qu’avec le temps, la sculpture s’est aplatie et a été « regonflée » pour tenter de lui donner son aspect originel. Aujourd’hui, les chatons des vidéos Youtube sont plus intimidants que ce gros matou qui semble se défendre d’avoir renversé sa gamelle d’eau. Pas de plus triste sort possible pour un gardien. En définitive, l’humour est bien plus présent en art qu’il n’y parait, mais les créateurs ne sont pas plus maîtres que responsables du comique de leurs œuvres. Le malheur des uns faisant le bonheur des autres, les contemporains sont souvent bien plus réceptifs à ces réalisations qui les font bien rire. Finalement, au sortir d’une visite de cinq heures dans un musée, ne retiendrezvous pas mieux un Christ Zoolander à un paysage certes très joli, mais totalement dénué d’une once d’humour ? Force est de constater qu’il n’y a pas plus beau témoignage de postérité.

bodybuilding. Rubens les aime bombés, comme il le prouve avec son Cycle de la vie de Marie de Médicis. Quant au

romantisme, les tenants du mouvement démontrent avec une verve évidente qu’ils sont friands de nature et de forêts vierges. Pas de meilleur exemple que la Baigneuse endormie de Chassériau pour illustrer le propos. Clairement, le modèle, considéré comme un canon absolu de beauté à l’époque, ne connaissait pas la cire, ni la crème dépilatoire. Une manière comme une autre de révéler une partie fort cachée de sa personne. Il aura quand même fallu attendre Anastasia de Cinquante nuances de Grey et son vierge triangle laissé au naturel pour autant de « désidéalisation » comique. Cependant, les œuvres les plus drôles aujourd’hui, malgré elles, ne sont pas toujours du fait de leur créateur. En effet, sans même le savoir, les restaurateurs sont parfois de sacrés petits plaisantins. Les XIXe et début du XXe siècles avaient une perception particulière de l’Histoire et de la restauration des œuvres du passé. Libre interprétation, nettoyage intempestif, replâtrage en veux-tu en voilà… Les perles abracadabrantes ne manquent pas. L’un des meilleurs exemples réside, une fois n’est pas coutume, au musée du Louvre, avec la Statue d’Athéna, située dans la galerie de Melpomène (rebaptisée galerie de la Vénus de Milo, beaucoup plus facile pour se retrouver). Très grande, d’une blancheur de lait, entièrement conservée, la ronde bosse semble être l’émanation parfaite de la statue originelle de Phidias située jadis au Parthénon. Saufque la déesse de la sagesse a été affublée d’un nouvel attribut jamais mentionné dans les textes : un charmant duvet digne d’un pré-adolescent dans la fleur acnéique. Comment ce fait-ce ? Il semblerait que les restaurateurs aient « oublié » de passer au Kärcher® l’arc de cupidon de la dame, créant un contraste entre le jaune sale causé par les affres du temps et la netteté du nettoyage. Pauvre Romain qui avait mis tant de cœur à l’ouvrage dans cette copie. Les restes archéologiques encore plus vieux ne sont pas épargnés et donnent lieu à des situations tout aussi dynamisantes lorsque l’étudiant de l’École du Louvre passe deux heures assis sur le marbre froid et poussiéreux de son musée préféré. Le Lion de Mari est un des vestiges les plus saisissants de la ville éponyme, trésor d’urbanisme du Proche-Orient au deuxième millénaire avant notre ère.

Pour une plus agréable expérience humoristique, il est conseillé au lecteur avisé de consulter le tumblr du journal, où toutes les œuvres sont présentées.

louvrboite.tumblr.com

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Dossier

La commedia dell' a rte OU QUAND LE RIRE DEVINT UN MÉTIER Texte : Théo Le Gal - Illustration : Marine Botton

Ils sont comédiens et saltimbanques, tous professionnels du rire. Ils sont Colombine, Polichinelle et Arlequin pour vous servir ! L’un est fourbe, l’autre rusé, l’un est avare, l’autre gai. Défauts et qualités, ils mettent un point d’honneur à les bafouer, au service du rire, ceux-là ne pensent qu’à votre plaisir. Ainsi va, quand le rire devint un métier, quand le théâtre devint commedia dell’arte ! C’est l’histoire de cette comédie à l’italienne que je m’en vais vous conter et c’est au XVIe siècle que tout a débuté. Aux premières heures du Cinquecento, alors que des artistes de génie s’attèlent à transcender les arts plastiques et littéraires, le théâtre se cramponne aux traditions médiévales. Le dilettantisme est la règle, point d’acteurs professionnels tous sont amateurs, on parle des dilletanti. Ces comédiens exercent leur art au sein de confréries et ne sortent guère de leur pays. En place publique, ils divertissent le peuple lors de fêtes religieuses et populaires, usant de la farce et du mystère. La farce se fait une joie de caricaturer les seigneurs et les rois tandis que le mystère révèle la vie du Christ en un savant mélange de profane et de divin. Et c’est de théâtre de rue dont je vous parle car c’est de la rue que naquit la commedia, de ce théâtre amateur qu’elle s’apprêtait à bouleverser, l’entraînant vers les cimes du théâtre de métier, du théâtre… dell’arte. Pourtant ce n’est qu’au XVIIIe siècle, que cette dénomination lui fut attribuée. Pour le moment, elle sera à nos yeux la commedia popolare. « Popolare » car c’est au sein du théâtre de rue italien que des groupes de comédiens s’érigèrent en véritables troupes de théâtre sillonnant les routes de la péninsule italienne et installant leurs tréteaux sur les places publiques, au cœur des foires et plus tard jusque dans les riches demeures de l’aristocratie. Ces troupes rassemblent des acteurs, des danseurs, des musiciens mais aussi des metteurs en scène, des dramaturges et des chorégraphes. Nous parlons ici d’une quinzaine d’âmes qui pour toute représentation demande rétribution. Et la commedia n’est que comédie. Elle exploite les richesses de pièces burlesques où prime le comique de gestes sur le texte. L’improvisation est le maître-mot et donne la part belle aux acteurs. Mais ne nous y trompons pas, d’excellents comédiens ils sont mais tout n’est pas qu’improvisation. Les acteurs de la commedia popolare

improvisent à partir de schémas scéniques appris par cœur auprès des anciens de la troupe, véritable académie ambulante. Ces jeux de scènes s’adaptent à un « canevas », entendez par-là un « plan de comédie détaillé sur lequel les comédiens improvisent lors de la représentation ». Le succès de cette dernière repose sur la capacité des acteurs à accorder leurs jeux improvisés. Et soudain, pour le plus grand bonheur du public, l’un des comédiens se met à faire le pitre. Il a recours aux lazzi (suite d'actions bouffonnes dans le jeu de scène) qui deviennent de véritables morceaux de bravoure par lesquels le saltimbanque s’illustre, détournant l’attention du public pour mieux le reconduire dans l’intrigue par la suite. Au travers de ces personnages aux caractères bien trempés, les pièces de la commedia popolare respirent la naïveté, la ruse et l’ingéniosité. Car souvenez-vous ces troupes sillonnent les routes et le rire vénitien n’est pas le rire napolitain. Ainsi, les maîtres de la commedia, reprenant les antiques poncifs des atellanes (petites pièces satiriques, souvent licencieuses du théâtre latin), créent des personnages archétypaux, aux accents régionaux qui encore aujourd’hui peuplent nos pièces de théâtre. Là où les Romains s’esclaffaient devant les pitreries de Pappus le vieillard, Maccus l’imbécile et Bucco le bavard, les Italiens se tordent de rires devant les lazzi d’Arlecchino le Bergamasque, Pantalone le Vénitien et Pulcinella le Napolitain. La plupart de ces personnages sont masqués à l’instar de leurs aînés de l’Antiquité. Des masques, substituant à la figure de l’acteur les traits de ces personnages, reflets des intentions de leur âme et de leur cœur. Prenez Brighella, l’aubergiste bergamasque, sa profession transparait sur son masque. Il affiche la bonhommie d’un bon vivant ventripotent. Mais si nous devions n’en citer qu’un ce serait Arlequin, l’ Arlecchino italien. Il est aux côtés de Polichinelle et Scapin l’un des plus fameux zanni. Il s’agit du groupe des valets. Ils s’entremettent entre leurs maîtres et les mièvres amants malchanceux. Les zanni portent tous le masque, ils mènent l’intrigue et symbolisent à eux seul la commedia dell’arte. Sans eux elle ne saurait exister. Ils se jouent des autres personnages si bien, qu’ils font le mal, et si mal que tout finit bien. Car les zanni sont malicieux autant que facétieux et leurs habiles fourberies sont à la hauteur de 6 leurs pires âneries.


l'humour

Reprenons au XVIIe siècle, la commedia popolare rencontre en Europe un grand succès. En France, où les premières troupes italiennes étaient arrivées au XVIe siècle dans les bagages de Catherine de Médicis, est créée la Comédie-Italienne qui bientôt verra se dresser la ComédieFrançaise devant elle. Et pourtant le Scapin de Molière n’est autre que le Scappino de la commedia, ainsi Jean-Baptiste Poquelin contracta une dette envers le théâtre italien. Hélas les railleries des transalpins ne plurent point à Madame de Maintenon qu’ils s’étaient fait une joie de tourner en dérision lors de l’une de leur représentation en 1697. Le Roi-Soleil les chassa et le Régent les rappela. Nous sommes en 1716 et la société française se délecte à nouveau des pièces burlesques italiennes. Mais la commedia se fait vieille et ses poncifs avec elle. Il faut attendre l’initiative réformatrice de Carlo Goldoni (1707 – 1793), l’auteur d’ Arlequin serviteur de deux maîtres (1745), pur produit de la commedia dell’arte, dénomination qu’il consacre dans son Il Teatro Comico (1750), le manifeste de sa réforme théâtrale. Goldoni veut rompre avec la raideur mécanique de l’improvisation sans condition par la création de rôles écrits. Ainsi, les pièces de la commedia se structurent et se complexifient sous l’influence de Goldoni qui créé la rencontre entre le théâtre littéraire et la comédie. Cette tendance Marivaux l’avait annoncée avec l’ Arlequin poli par l’amour (1720), mais le génie du dramaturge français devait sonner le glas de la commedia du Cinquecento. Il apporta à la farce italienne la poésie, l’originalité et la subtilité des caractères. Abandonnant son masque, Arlequin laissait sa simplicité bouffonne pour la vraisemblance psychologique. Et dès lors que les masques tombent, la commedia succombe. Il fallut attendre le XXe siècle et le génie de Dario Fo pour voir la commedia renaître bien qu’elle ne cessa jamais d’être. De Shakespeare à Chaplin, elle fut un modèle pour nombre de dramaturges, de comédiens et de comédiennes car, et je finirai par là, la commedia permit aux femmes de monter sur scène et pour la première fois Isabelle fut Isabelle. C’est ici que mon histoire prend fin et le temps est venu de nous séparer mais si une oreille attentive vous nous avez prêté, une question vous demeure posée : Dell’arte la commedia ? Ou ne serait-ce della vita !

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Dossier

Blasonner en s'amusant Texte : Élise Poirey

La plupart des traits ludiques que l’on trouve dans l’héraldique primitive viennent des pays germaniques. Dans certains textes littéraires les auteurs s’amusent à donner des armoiries à des personnages humoristiques. Par la suite l’humour prend un aspect savant, plus retenu, lettré et intellectuel. Mais en parallèle, un autre courant apparaît et s’y oppose, il s’agit d’un humour de plus en plus bas de gamme, que l’on pourrait qualifier parfois de grivois et scatologique, composé de calembours, d’armoiries parlantes et autres figures ridicules.

C’est lors d'un mercredi particulièrement froid que Michel Pastoureau posa le pied à l’École, son passage dans le grand hall n’étant alors que peu remarqué. Petit homme plutôt discret, M. Pastoureau se rapproche plus de la figure du grand-père que de celle de l’historien des temps modernes. De sa démarche assurée, il descendit les escaliers pour se rendre en salle Cézanne, et fut accueilli avec tous les honneurs qui lui sont dus par le professeur d’héraldique. Après quelques formalités habituelles il s’assit derrière le micro, sous les yeux brillants des élèves et auditeurs, qui pour une fois étaient tous animés par la même passion, et solidaires devant cette quintessence de grandiose. Alors que le suspense atteignait son paroxysme, la première page du diaporama afficha « Quelques traits d’humour dans les armoiries médiévales et modernes ». Des regards s’échangeaient, mi-étonnés, mi-amusés, l’audience se demandant ce qui l’attendait. Michel Pastoureau prit la parole, un petit sourire en coin, non pas peu fier de la réaction qu’il avait engendré :

À l’époque médiévale, les traits humoristiques sont principalement des figures insolites, elles-mêmes situées dans des armoiries parlantes, avec par exemples des râteaux, des dés, des marionnettes. Mais certains cas sont beaucoup plus ambigus, notamment les armoiries du Maroc faites par un peintre qui apparemment ne les connaissait pas. Au centre du blason se trouvent trois rocs, en rapport avec la deuxième syllabe du mot, on ne sait si le créateur avait une véritable intention humoristique. Le cimier est aussi un endroit où l’humour peut s’exprimer, surtout à la fin du Moyen Âge, on retrouve un crève-cœur, un personnage en train de jouer aux dés, un cimier avec un masque d’ours diabolique. Et ici encore, l’humour est créé à partir de jeux de mot, avec pour la famille Von Baden, un personnage dans son bain, « baden » signifiant en allemand « prendre un bain ».

« Le terme humour me semble peut-être tout de même ambitieux, je parlerais plus de ludisme ». En effet beaucoup d’armoiries comportent un côté joueur dans l’attribution de celles-ci, qui permet un apprentissage dynamique de l’héraldique, visant à le rendre amusant. L’historien marqua quelques secondes de pause, l’effet était réussi, et l’assemblée, suspendue à ses lèvres. Du Moyen Âge à l’époque moderne on trouve, dans les armoiries, différents éléments qui peuvent prêter à rire, telles que les figures, par leur nature ou représentations graphiques, ou les armoiries parlantes. Il s’agit de blasons qui comportent un jeu figuré créé à partir du nom du possesseur.

À la vue dudit blason quelques rires discrets se firent entendre dans l’assemblée, et même le professeur, connu pour son sérieux, souriait. Et c’est toujours avec son petit sourire aux lèvres que Michel Pastoureau continuait sa conférence.

Sous le regard admiratif du public et les diapositives présentant les exemples qui défilaient, M. Pastoureau continuait son exposé, posant les bases de son étude. 8


l'humour

Durant l’époque moderne, la typologie n’est pas très différente. En effet, ce sont plutôt les traits d’humour qui ne sont pas aux mêmes endroits. Par exemple sur les armoiries de la Jamaïque, qui était alors une colonie anglaise, on voit une croix de gueule chargée de cinq ananas d’or et d’un crocodile posé en cimier. C’est un grand écart par rapport aux habitudes car il s’agit de symboles inconnus. Pourtant, sous le Premier Empire, ces figures vont se répandre sur les blasons des familles qui possèdent des terres aux Amériques, elles évoquent l’exotisme du Nouveau Monde. On retrouve aussi un blason très particulier, fascé d’or et de sable au pale de gueule brochant avec un sein de femme d’où sort des gouttes de lait, apparemment mal supporté par la famille car le sein fut par la suite changé en œil pleurant.

Et maintenant, pour terminer et vous prouver que l’humour héraldique n’a pas disparu, voici les armoiries de Sir Paul McCartney, où l'on trouve une guitare ainsi qu’un cormoran, symbole de Liverpool, posé sur un cimier. Une diapositive noire s’afficha et le médiéviste sourit de fierté sous les applaudissements endiablés du public. Il se leva, salua son collègue et repartit de sa démarche assurée mais discrète. À bientôt.

De nouveaux rires se firent entendre alors que des chuchotements montaient dans la salle « Mais c’est quoi ce truc ? » demanda une troisième année étonnée. En effet, on trouve beaucoup de cas où les armoiries furent changées, car trop mal supportées par leur possesseur, continua Michel Pastoureau. Par exemple, Racine, qui reçut au XVIIe siècle un blason comportant un rat et un cygne, supprima le rat pour ne garder que le cygne, une figure très appréciative. On trouve aussi le cas de Louis de Champili, qui, lui, possède des champignons. Certaines figures sont ridicules simplement pour humilier le possesseur. L’historien jeta un coup d’œil à sa montre, l’heure de terminer approchait. Il afficha la dernière diapositive, note d’humour bien à lui.

Vocabulaire héraldique utilisé dans le texte :

Gueule : Rouge Or : Jaune Sable : Noir Chargé : A l’intérieur

Fascé : Rayures horizontales Pale brochant : Rayure verticale

posée au dessus des autres

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Dossier

Drôle de

Moyen Âge Texte : Sarah Favre & Solène Devaux-Poulain

On associe souvent le Moyen Âge à des heures sombres d’obscurantisme religieux peu propices au rire. Pourtant, nos ancêtres (enfin les lettrés) pouvaient s’amuser devant des images satiriques parfois très virulentes. Une sorte de Charlie Hebdo avant l’heure.

La Décollation de saint Jean-Baptiste du tirée du Bréviaire de Marie de Savoie

Maître de la Cène réalisé en 1434. Il présente la scène traditionnelle de la décapitation de JeanBaptiste mais le cadrage nous montre le bourreau de dos, ses braies dévoilant son caleçon. Bien que ce type de vêtement existait au XVe siècle, la position de l’homme les fesses à l’air est volontairement risible. Ces détournements de scènes sacrées permettaient sans doute de raviver l’attention du lecteur qui pouvait être ennuyé par le style lourd des traductions des textes religieux.

Tout d’abord, oubliez l’idée qu’il n’existait que des livres religieux. Des ouvrages exclusivement profanes ou de simples images étaient publiés au XVe siècle. Ces représentations, la plupart du temps humoristiques, étaient souvent camouflées par un rôle éducatif ou moralisateur, du moins, à première vue. Ainsi, le Maître E.S., graveur actif dans le Rhin supérieur, réalisa en 1466 un alphabet dont les lettres sont en fait composées de scènes cocasses. Par exemple, la lettre M était composée d’une femme nue pour la branche centrale et à gauche d’un moine, bouche béante, très intéressé par les charmes de la damoiselle. La lettre U présente des moines dans des attitudes plus ou moins surprenantes et évocatrices. Le Maître E.S. signe ici un ouvrage qui permet d’apprendre à lire en s’amusant. Par ce biais il élabore une satire du clergé séculier. La noblesse n’est pas laissée en reste. Notre cher maître s’en moque dans sa gravure le Fou et la Femme à l’écusson en détournant les codes de l’héraldique (art des blasons) noble. En effet, on peut y voir une femme supposée appartenir à la noblesse car celle-ci tient un blason tandis que le fou dévoile son sexe et touche allègrement sa poitrine, la femme paraissant consentante. Le fou permet un recul comique pour éviter la censure morale et religieuse.

Dans la même optique, les moines copistes pouvaient ajouter dans les marges et pieds de pages des illustrations très surprenantes issues d’un imaginaire grotesque. Parmi celles-ci nous pouvons nous attarder sur les traditionnelles « têtes de fesses » comme celle du Maître des Vitae Imperatorum. Elles correspondent à un animal composite (ici mi-dragon, mi-fauve avec une tête d’âne) avec en guise d’arrière-train une tête de vieillard. Ces motifs se mêlent souvent à des linteaux végétaux et sont issus du bestiaire fantastique du nord de la France. Ce même maître est aussi célèbre pour ses lièvres parodiant des attitudes humaines (par exemple une joute). Mais ce bestiaire médiéval n’est pas le seul à faire rire. L’homme est parfois représenté dans des situations grossières. Ainsi on a pu voir dans certains pieds de pages un homme fouetté par des singes ou bien même un personnage dans son plus simple appareil jouant de la trompette à l’aide de ses flatulences. Grâce à cet article, vous pourrez briller en société en brisant le cliché du Moyen Âge pince-sans-rire !

Cependant, s'il est vrai que les représentations religieuses étaient les plus nombreuses, certaines étaient tournées en dérision. L’enlumineur pouvait ajouter un détail comique à une scène biblique, comme par exemple 10


l'humour

Étude de cas Texte : Gabriel Courgeon

Un étudiant de l’art qui ne parle pas d’artiste « s’étiole » aurait pu dire Pierre Desproges dans la Minute nécessaire de Monsieur Cyclopède. Alors ne nous étiolons pas et parlons d’artistes. Ceux que nous allons évoquer dans les pages suivantes sont passés maîtres dans l’art de faire rire, art si précieux et pourtant si peu célébré en tant qu’art ! Et bien aujourd’hui, à travers Pierre Desproges, Jerry Lewis et Spike Jones, nous allons remettre les pendules à l’heure. Nous évoquerons leur vie et leur art comme nous les aurions évoqués pour Picasso, Mozart ou Rodin. Nous voulons élever le calembour au rang d’une toile de maître et le bruit de pet à celui d’un opéra. Mais je m’égare, « et pas seulement Montparnasse ».

L'art de faire rire

Trois artistes ont donc atteint les pages de ce numéro. Cette étude de cas aurait tout aussi bien pu s’intituler Le Choix de Sophie. Nous prenons l’humour très au sérieux au Louvr’Boîte, alors nous demander de choisir un grand génie humoristique auquel consacrer un article, c’est comme demander de quelle main nous voulons être amputé. Will Ferrel ou Armand ? Woody Allen ou Norman Rockwell ? Chantal Lauby ou Kristen Wiig ? John Cleese ou Billy Wilder ? Molière ou Jim Carrey ? J’arrête, je recommence à saigner du nez. Sans transition, laissez-vous guider dans un monde de rire, de grimaces et de flatulences. Bonne lecture.

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Dossier

Sing Sing, Bang Bang :

la vie et l’œuvre de Spike Jones

Texte & illustration : Gabriel Courgeon

Mais comment faire rire avec l’art le plus abstrait de tous ? Beaucoup de musiciens s’y sont attelés, de Mozart à Weird Al Jankovic. En général, on fait rire avec le fond, le propos, les paroles de l’opéra ou de la chanson. Spike Jones fait rire avec ses paroles parodiques, c’est indéniable, mais il s’attaque également à la forme. En plus des instruments « classiques », Spikes Jones and his City Slickers jouent avec tout et surtout n’importe quoi et agrémentent leurs morceaux de tous les bruits possibles et imaginables : bruits de cloche, coups de feu, sirènes, pleurs de bébé, bris de verre, gargarismes, rires, etc. Les chanteurs d’opéras côtoient des imitations de personnages ivres et les violons jouent aux côtés d’ustensiles de cuisines. Il faut dire que les années 1940 marquent aussi le début de l’âge d’or des cartoons, Tex Avery en tête. Les deux mondes partagent un humour débridé et ne cessent de se croiser. Mel Blanc, qui prête sa voix à Bugs Bunny, est présent dans des enregistrements de Spike Jones et offre un hoquet mémorable dans Clink, Clink another Drink. Der Fuehrer’s Face, chanson qui rendit célèbre Spike Jones, donne

L’homme que nous allons évoquer aujourd’hui transforma l’ Ouverture de Guillaume Tell de Rossini en course hippique et joua Hungarian Rhapsody de Strauss à l’aide de caquètements de poule. Il côtoya Frank Sinatra et Marilyn Monroe et fut un des artistes les plus populaires des années 1940. Pourtant, cet homme est quasiment inconnu en France. Il est temps de rétablir cette grossière injustice en évoquant la vie et l’œuvre plus qu’hilarante de Lindley Armstrong « Spike » Jones. Né en 1911 à Long Beach, ce Californien se forme à la batterie et rentre dans diverses formations musicales. Il joue pour la radio et se retrouve dans le groupe de Bing Crosby avec lequel il enregistre l’énorme succès White Christmas. Des débuts, somme toute, classiques. C’est au début des années 1940 que l’Amérique va découvrir le génie qu’est Spike Jones. Il prend la tête d’une formation, les City Slickers, des musiciens virtuoses et touche-à-tout, avec lesquels il met un point d’honneur à jouer pour rire et surtout pour faire rire.

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étude de cas

l'humour

son nom à un cartoon antinazisme de Disney mettant en scène Donald et dans lequel le morceau est repris (la légende veut même qu’Hitler ait écouté cette chanson).

Spike Jones obtient même sa propre émission radio dans laquelle il reçoit tout le gratin de l’époque, de Groucho Marx à Lassie.

Spike Jones and his City Slickers composent ainsi de nombreux morceaux humoristiques et satiriques comme Cocktail for Two ou Never Hit Your Grandma With a Shovel qui font se plier en deux leur auditoire aux quatre coins des États-Unis. Spike Jones se fait aussi la spécialité de détourner les grands morceaux classiques ainsi que de nombreux airs populaires : Le Beau Danube Bleu, Carmen, Old MacDonald Had a Farm, etc.

Arrivèrent les années 1950. Les jeunes chanteurs pleins de gomina et le Rock-and-Roll balayèrent la scène musicale américaine et mondiale. À côté des Berry et Presley, Spike Jones vacille et devient ringard, un artiste « pour parents ». Cependant, il ne pouvait disparaître. Une telle œuvre comique ne pouvait tomber dans le néant, et encore aujourd’hui Jones possède de nombreux adeptes, comme Jimmy Fallon, qui reprend l'un de ses morceaux dans le Tonight Show devant une foule en délire.

Les représentations des City Slickers deviennent des spectacles hallucinants avec acteurs et artistes de rue au milieu de l’orchestre jouant à tambour battant. Les morceaux s’enchaînent dans un vaudeville endiablé entre coup de revolver et bruit de coucou suisse. Avec la télévision, cette zizanie musicale pénètre dans les foyers américains et rencontre une immense popularité. En 1945,

Spike Jones est un artiste incroyable, unique et sans équivalent dont le talent ne peut rester une minute de plus sous silence. Y a-t-il art plus noble que celui de faire rire ? En tous cas, il a trouvé en Spike Jones l'un de ses plus brillants chevaliers.

Y A-T-IL ART PLUS N OBLE QUE CELUI DE FAIRE RIRE ?

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Dossier

Jerry Lewis

auteur comique

Texte & illustration : Herminie Astay

Jerry Lewis, faire-valoir du duo qu'il formait dans les années 1950 avec Dean Martin, prend son envol après leur séparation, en 1956, et va alors montrer toute la mesure de son talent en tant que réalisateur. Dès lors il devient un vrai auteur de comédie. Ce statut n'est pas évident surtout en ce qui concerne le genre comique souvent sujet à un certain mépris. Aux États-Unis les critiques sont assez perplexes à propos du génie de Jerry Lewis (qui a été soutenu en France par de grandes revues de cinéma comme les Cahiers du cinéma) et notamment de son jeu particulier qui en déroute certains : tout ce qui se passe à l'intérieur de lui se traduit physiquement à grand renfort de grimaces et de mouvements erratiques du corps. Son style d'humour est celui du burlesque, dans la grande tradition américaine d'un Buster Keaton : chutes et maladresses en cascade. C'est un rire franc et direct qui crée chez le spectateur une grande empathie envers le personnage. À cela s'ajoute la technique du slow burn. La tension du gag monte petit à petit dans un crescendo d'actions, chacune ayant pour objectif de réparer les dégâts de la précédente sans y arriver, évidemment.

pension de jeunes filles où se déroule l'action est une gigantesque demeure coupée en deux comme une maison de poupée dans laquelle la caméra se balade, comme on filmerait une pièce de théâtre. Le dévoilement de l'artificialité du dispositif cinématographique va même jusqu'à montrer « l'arrière du décor » : à la faveur d'un tournage dans la pension, et grâce à un travelling arrière, le décor se dévoile dans son ensemble avec toute l'équipe technique, les caméras, les spots lumineux et engins de prise de son. Le réalisateur, ici, nous dit clairement que nous sommes dans un film, pas dans la réalité.

Dans ses films, Jerry Lewis joue souvent un personnage inadapté à la société, trop naïf et gentil face à la dureté du monde. On pense ici à Morty S. Tashman, le personnage principal de The Errand Boy (1961), innocent colleur d'affiches face à son supérieur hiérarchique le réprimandant à chaque maladresse. Cette confrontation du fort et du faible ayant pour fonction de créer une situation comique, donne aussi à voir un aspect plus satirique de la société américaine avec ses petites violences du quotidien. L'acteur-réalisateur aime aussi à se dédoubler : du double envahissant dans The Nutty Professor (1963), réécriture du thème de la transformation de Dr Jekyll en Mr Hyde, jusqu'aux six oncles de la petite Donna dans The Family Jewels (1965). Notons aussi que le fait de réaliser et de jouer dans ses propres films participe à la multiplication de sa présence. Quant à la réalisation, Jerry Lewis montre qu'il sait faire preuve d'audace. Dans The Ladies Man (1961), la

À travers ses réalisations Jerry Lewis dévoile une œuvre unique, avec des thématiques personnelles ainsi qu'un style propre. Dans l'art de Jerry Lewis, le rire est chose noble, plein d'humanité et de tendresse sans pour autant être totalement inoffensifou vain.

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étude de cas

l'humour

Desproges

Étonnant, non ?

Texte : Cassandre Mbonyo-Kiefer

Desproges laissa sa silhouette de gamin se dessiner sur le petit écran, à la manière des personnages de Sempé. Bientôt, son costume de cadre exemplaire devait s'orner d'un joli pavot rouge dans la poche droite, comme le spectateur ébaubi put le découvrir en suivant chaque soir sur FR3 les explications ubuesques du professeur Cyclopède. En créant cette série qui déstabilisa plus d'un Français moyen entre 1982 et 1983, le cynique limousin combla un vide angoissant dans nos vies en nous livrant enfin le moyen d'insonoriser une Andalouse, rentabiliser la colère de Dieu, apprendre à faire décoller une Alsacienne, dissoudre la monarchie absolue dans de l'acide sulfurique ou encore ignifuger Louis XVI. Autant de sujets auxquels le XXe siècle finissant n'avait toujours pas apporté de réponse viable.

« Un critique de films, dont je tairai le nom afin qu'il n'émerge point du légitime anonymat où le maintient son indigence, écrivait dans un hebdomadaire dans lequel, de crainte qu'ils n'y pourrissent, je ne mettrai pas mes harengs, un critique de films, disais-je donc avant de m'ensabler dans les méandres sournois de mes aigreurs égarées entre deux virgules si éloignées du début de ma phrase que voilà-t-il pas que je ne sais plus de quoi je cause, un critique de films écrivait récemment à propos, je crois, d'un film de Claude Zidi, deux points ouvrez les guillemets avec des pincettes : « C'est un film qui n'a pas d'autre ambition que celle de nous faire rire. » Je dis merci. […] Ce qui (sans génie, je vous l'accorde), me fait bouillir, c'est qu'un cuistre ose rabaisser l'art, que dis-je l'artisanat du rire au rang d'une pâlotte besognette pour façonneur léthargique de cocottes en papier. » Pierre Desproges, extrait de « Criticon » (19.02.1986), in Chroniques de la Haine Ordinaire.

Écrire après cela, c'est un peu comme jouer du kazoo quand on vient d'entendre du Mozart. Mais la médiocrité ne tue pas, sinon la démographie mondiale aurait pris un sérieux coup dans l'aile. À ses débuts, comme un petit pianiste fait ses premières gammes, notre apprenti fendeur de poires était pigiste dans un journal parisien des débuts de la Ve République. Il tenait la rubrique des chiens écrasés et autres facéties cruelles, le tout d'un ton déjà acide et rafraîchissant, un peu comme une limonade au vitriol. C'est durant cette période, que nous qualifierons d'enfance de l'art, qu'il fut remarqué par l'équipe du Petit Rapporteur. Au sein de celle-ci, entre une bataille à coup de boudin blanc sous les yeux effarés d'une commerçante — au canon anatomique calqué sur celui des porcelets exposés dans sa vitrine — et un entretien avec Françoise Sagan, se transformant en une prise-d'otage de l'écrivain — toujours aimable — s'esclaffant poliment devant les vestiges photographiques des vacances de son interlocuteur,

... LE TOUT D'UN TON DÉJ À ACIDE ET RAFRAICH ISSAN T, UN PEU COM M E UN E LIM ON ADE AU VITRIOL.

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étude de cas

Pour ces pastilles aigres-douces, l'art du trublion cathodique changeait encore de medium en se frottant à l'exercice de la mise en scène, et du jeu de comédien. Il avait déjà pu s'exercer au rituel théâtral en revêtant la robe de l'avocat du barreau, qu'il brandissait tous les midis sur France Inter dans le Tribunal des flagrants délires, émission qui fournit à la postérité quelques-unes des tirades les plus transcendantes d'un Desproges nous annonçant dans son jeu et sa prise en main de l'espace scénique ce qu'il adviendrait en 1984 au théâtre Fontaine et en 1986 au théâtre Grévin, ses débuts dans ce que l'on appelle aujourd'hui le « One Man Show ».

Si nous devions trouver la recette, les outils de l'artisan du rire qu'était le provocateur chaleureux dont nous venons de retracer le parcours météoritique, nous dirions évidemment que c'est son usage des mots qui le propulsa dans les champs Élysées des stimuleurs de zygomatiques. Bref, Desproges on aime ou on aime pas, mais c'est quand même 'achement bien écrit, comme aurait dit son beau-frère. Avec la précision de l'orfèvre, il savait choisir les adjectifs les plus sonnants et pertinents, qu'il enchâssait dans une syntaxe virtuose, toute en courbes et contre-courbes, qui ne manquait jamais son effet, celui de donner le vertige à l'assemblée. Je dis merci. Par une ultime pirouette, celui qui était « contre le cancer », en mourut. Son humour était de la couleur de la colère, de celle des chats qui portent malheur aux superstitieux, de la couleur du désespoir, de celle de la Mort. À ceux qui l'accusaient, lui l'avocat flamboyant, de rire de tout (notons au passage qu'il collabora un an au journal Charlie Hebdo en tant qu'auteur de la chronique « Les Étrangers sont nuls »), Desproges répondait qu'il s'en était fait un devoir, constatant que la mort, le malheur et l'absurdité de la vie ne se privaient pas eux de se rire de nous.

... SON USAGE DES M OTS QUI LE PROPULSA DAN S LES CH AM PS ÉLYSÉES DES STIM ULEURS DE ZYGOM ATIQUES.

En ces temps pas marrants pour deux sous, nous invoquons le professeur Cyclopède. En effet, lui seul doit encore avoir la notice qui permet de dérider l'air du temps et de pourfendre les empêcheurs de se poiler en rond.

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Dossier

l'humour

Caricaturistes fantassins de la démocratie

Texte : Solène Devaux-Poulain - Illustration : Alexis Dussaix

le dessinateur Ali Ferzat qui a été torturé et sa main gauche fracturée par des hommes armés du régime syrien, ou encore, Kurt Westergaard ayant déjoué plusieurs tentatives d’assassinats depuis la publication dans le journal danois Jyllands-Posten ; plus dramatique, l’assassinat en 1987 à Londres du caricaturiste Naji al-Ali, auteur du célèbre personnage Handala.

C’est l’histoire de gamins dont les premières paroles sont des dessins. Le dessin, c’est une langue universelle. Tout le monde le comprend, certes à sa manière, mais cela reste un dessin. Ces gamins, ils sont nés dans différents pays avec différents régimes politiques, et ils ont grandi, et ils dessinent toujours mais avec un but : défendre la démocratie, avec pour seule arme, un simple crayon et l’humour.

Le film a été en partie financé grâce à l’aide de l’association Cartooning for Peace, créée à la suite du colloque « Désapprendre l'intolérance » du 16 octobre 2006, organisé par le dessinateur Plantu et Kofi Annan, le secrétaire des Nations Unies de l’époque, après la polémique des caricatures de Mahomet en 2005. L’association compte aujourd’hui plus de cent dessinateurs du monde entier. En 2013, l’association Reporters sans frontières a publié un album recueillant les cent caricatures les plus emblématiques de Cartooning for Peace.

Ce sont les histoires de douze caricaturistes du monde entier qui sont racontées dans Caricaturistes, fantassins de la démocratie, documentaire signé Stéphanie Valloato. Avec sa caméra, elle va à la rencontre de ces dessinateurs de presse chez eux. Ils lui racontent l’histoire de leur pays, leur histoire et lui montrent leurs dessins via lesquels ils critiquent la politique du pouvoir en place. Ils ont chacun conscience du danger qui plane sur eux. Avoir le droit de caricaturer le pouvoir, c’est la liberté d’expression. Mais certains voient ces simples dessins satiriques comme des offenses, comme nous l’ont montré les tragiques évènements du 7 au 10 janvier dernier. Cette liberté d’expression n’est pas respectée dans chaque pays comme la Chine ou la Syrie. Mikhaïl Zlatkovski, caricaturiste russe célèbre pour sa représentation de Poutine en maître marionnettiste, s’est vu refusé de publication. Au Vénézuela, Rayma est sans cesse menacée. Un passage présente un hommage aux victimes de l’intolérance comme

Caricaturistes... nous apprend la vie de dessinateur de presse et ses dangers. Le documentaire est bien construit et les liens entre les différents caricaturistes interviewés sont exprimés à travers des rencontres pendant lesquelles ils comparent leurs travaux et leurs relations avec les politiques. La morale de ce documentaire ? Un pays qui n’a pas d’humour n’est pas une démocratie.

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Dossier

Vous etes en 2015

et vous lisez l'ancEtre d'Internet, Texte & illustration : Marine Roux

« Ah que Coucou ! » lance Johnny Hallyday version latex sur le plateau de PPDA, alors présentateur d’un pré-JT aussi officieux que drôle. Le ton est donné. Paradoxal pour un journal, de souhaiter rire de tout, alors que son but initial est d’annoncer les mauvaises nouvelles sur un ton grave. En parlant de but, « je peux dire une connerie ? » demande Barthez, qui n’attend pourtant pas qu’on lui en donne la permission pour se lancer dans une blague douteuse. En effet, il n’est pas question de s’apitoyer sur l’actualité préoccupante de la France, ce « pays de meeeeeeeeerde » surnommé ainsi par Lionel Jospin, à qui la défaite de 2002 est visiblement restée en travers de la pomme d’Adam, à cause d’un certain « mangeur de pommes ».

BONSOIR

Giscard et « Putain deux ans ! » résonnent encore comme le refrain d’un tube de Jean-Jacques Goldman. Les Guignols ont-ils permis à Chirac d’être réélu président ? Les producteurs s’en défendent, « on ne vote pas pour une marionnette ». La preuve, ce n’est pas grâce à l’incroyable charisme de son clone qu’Hollande est passé au second tour, « Gnééééééééééé ». Cependant, les marionnettes ne plaisent pas toujours aux principaux intéressés qui n’assument pas d’être parodiés « à l’insu de leur plein gré » (gimmick de Richard Virenque qui se défendait de s’être dopé) : Jean-Pierre Pernaut maugrée contre sa marionnette fasciste qui ne l’a jamais fait rire et Nadine Morano déclame sa vexation d’avoir été dépeinte comme une illettrée aux capacités intellectuelles proches du 0% dans la parodie du film « Lucy ». Un peu d’autodérision n’a pourtant jamais fait de mal. Pourtant, la notoriété a un coût : la fabrication d’un guignol est longue et chère. Ainsi, toutes les célébrités du faux JT ne bénéficient pas forcément d’une marionnette personnelle. Par exemple, Ben Laden et Harlem Désir se partagent le même guignol, de même, celui de Carlita a été réalisé une fois sa liaison avec Nicolas Sarkozy, son « amoureux », bien établie. Le guignol de PPDA, lui, est recréé chaque année. Grande exception, Monsieur Sylvestre, personnage phare de l’émission, est le seul guignol à posséder plusieurs clones pouvant être présents simultanément à l’écran. Caricature à la voix rauque de Sylvester Stallone, il joue plusieurs rôles dont le plus drôle est bien celui du PDG capitaliste de la World Company. Dénué de scrupules et de compassion, Monsieur Sylvestre, symbole de l’impérialisme américain, multiplie les magouilles afin de faire du profit sur le dos des populations mondiales qu’il stigmatise en « niakoués, rosbifs, bougnoules » ou encore « fromages qui puent ». Il incarne également le commandant de l’armée américaine ( beueuaaaaaaah) et le conseiller de Georges W. Bush, président manipulable et débile.

Ces gimmicks nous sont familiers, prononcés de façon répétitive par des personnalités caricaturées depuis plus de vingt-sept ans, ils sont entrés dans les consciences populaires et ont marqué les soirées Canal+. Un journal télévisé décomplexé où l’actualité est transformée en sketchs cocasses totalement assumés, tel est le credo des Guignols de l’Info. L’humour sans limite, les blagues sans restriction, la farce bravant la censure, ces goguenards de guignols s’autorisent tout, naviguant entre l’ironie, l’humour noir et l’amour vache. Car c’est autant d’amour que d’humour dont il question dans cette émission : une affinité qui se crée chaque soir sur écran entre les fidèles spectateurs et ces drôles de pantins, fruits de l’imagination débordante et du travail rigoureux de l’équipe qui les fabrique, les met en scène et leur donne une voix, celle de l’imitateur Yves Lecocq. Même si l’intention des Guignols de l’Info n’est aucunement de faire la promo des hommes politiques, artistes ou sportifs qu’ils imitent, mettant bien plus en valeur leurs faiblesses que leurs qualités, le fait d’ « avoir sa marionnette » est pourtant synonyme de notoriété. Le cas le plus représentatif de la popularité que peut apporter l’émission est celui de Jacques Chirac. En le caricaturant en bon vivant pantouflard, tâtant la croupe des vaches au Salon de l’Agriculture, les guignols ont contribué malgré eux à augmenter le capital sympathie de l’homme politique dont les leitmotivs « Le monsieur te demande » lancé à

Les marionnettes accentuent les particularismes physiques des personnalités qu’elles caricaturent et y associent les traits de caractère les plus forts de ces dernières. Pour Jacques Chirac, « s'amuser des personnalités qui font 18


l'actualité, cela a toujours existé. La satire, c'est un signe du bon fonctionnement d'une démocratie ». En effet, ce principe n’est

l'humour

pas nouveau, déj à au XIXe siècle, Daumier sculptait sur argile les bustes des Célébrités du Juste milieu, portraits charges d’hommes politiques, mais cela lui avait valu plusieurs amendes et un petit séj our en prison. Là où les Guignols innovent, c’est dans le réalisme quasi mimétique de la gestuelle, des mimiques et autres tocs de ces poupées douées de vie. Tandis qu’un marionnettiste s’occupe de l’expression faciale à l’aide d’une pompe, un second fait bouger les bras qu’il enfile comme des gants. C’est ainsi que le haussement d’épaules si caractéristique de Nicolas Sarkozy ou encore le balancement capillaire latéral de Valérie Trierweiler, animent leur guignol respectif d’un souffle de vie étonnant. « Ispice di counasse ! » commente Ben Laden. Calmons-nous.

« Sans transition », le talent des guignols est véritablement de parvenir à nous faire rire aux éclats en dédramatisant les catastrophes les plus graves, en mettant sur pied des situations comiques et en se moquant d’un ton sarcastique des vedettes. Rire de tout : telle est la promesse que tient l’émission, à une heure où la question des limites de l’humour se pose plus que jamais, à la suite des attentats de janvier ayant eu sur notre apparente impression de liberté, l’effet d’une douche froide. Justement, « excusez la tenue, je sors de la douche... » se justifie DSK, affublé d’un peignoir léopard largement entrouvert, pour qui la question de la liberté, qu’elle soit expressive ou sexuelle, fait aussi débat. Selon Yves Rolland, c’est le retour du « politiquement correct » qui pourrait mettre un frein à l’humour des guignols : « Aujourd'hui, l'humour doit être gentil. Mais c'est une absurdité totale, l'humour est forcément cruel ! ». Mais loin d’être affaiblis, les Guignols ne cessent de

surenchérir et de s’enrichir de nouvelles vedettes. En effet, plus de trois cents marionnettes ont ainsi rejoint les trois premières qui étaient celles de PPDA, Johnny Hallyday et Serge Gainsbourg. Les jeunes recrues sont cependant d’avantage issues d’émissions télévisées, comme l’illustrent les marionnettes récentes de Cyril Hanouna et Stéphane Plaza. Inutile de préciser que ces dernières se font malgré tout Zlataner à plate couture par le célèbre joueur de foot. L’activité de nos chers guignols ne se résume pas à blaguer sur le plateau de télévision, ces derniers n’hésitent pas à faire don de leurs corps et à prêter leurs voix dans d’hilarants clips musicaux. Qui n’a pas en tête les vidéos parodiques réalisées pour la campagne présidentielle de 2012 ? Alors que Sarkozy est « vraiment trop désolé » et relaie la faute à la crise, Hollande, terrifié à l’idée que le PS se prenne une nouvelle veste, bredouille « gla gla gla, alors on flippe » tout en improvisant une chorégraphie manuelle inspirée de la chanson Asejeré de Las Ketchup. Pendant ce temps, Bayrou, la fleur aux dents, proteste contre la guerre et la misère au beau milieu d’un champ, tout comme Ségolène Royal, revenue depuis sa défaite à un mode de vie

plus sain : « Qui dit 2007 dit échec, me r’voilà dans le Poitou, à gérer trente habitants et à manger du chabichou ». Aujourd’hui, c’est finalement Hollande, grand vainqueur des présidentielles, qui nous présente à l’écran son nouveau succès, toujours sur un fond de Stromae : « Emploioutai ». Après tant d’efforts et de dur labeur qui sont synonymes d’esclavagisme pour le mouvement d’extrême gauche (« Travailleurs, travailleuses, on vous ment, on vous spolie ! »), les Guignols savourent chaque année des vacances bien méritées au Festival de Cannes où ils assurent le show en direct de la Croisette. Les Guignols de l’Info, qui ont reçu en tout trois 7 d’or pour la meilleure émission de variétés et de divertissement ainsi que le Grand Prix de l'humour de la SACEM en 1995, reste un des rares programmes où l’humour borderline persiste et signe, malgré les critiques et les polémiques. L’esprit Canal, que l’on retrouve depuis quelques années dans Le Petit journal, se plait à donner au rire un rôle d’exutoire et à offrir à la société, lasse de l’hypocrisie des médias officiels, une autre vision de l’actualité, plus décadente et légère. 19 Allez... A'tchao bonsoir !


Dossier

South P a r k Texte : Vincent Paquot

« Je prends la route de South Park histoire de prendre un peu l'air... », cette éternelle petite chanson qui commence à

En effet, tout l'humour de la série s'appuie sur deux éléments primordiaux : un sens profond de l'ironie et de la satire sociale, et une vulgarité sans limites. Car si de nombreux épisodes critiquent ouvertement des travers de nos sociétés occidentales : « Le Supermarché des ténèbres » pointe du doigt notre consumérisme à outrance, « Kit vidéo pour stupide pute trop gâtée » met en avant ces idoles sur-sexualisées qui se font passer pour des modèles exemplaires ou encore « Piégé dans le placard » qui s'en prend directement à la scientologie, les créateurs de la série accompagnent toujours cette critique d'une bonne dose d'humour graveleux, raciste, absurde et très souvent scatologique ! Pour reprendre l'exemple de l'épisode « Le Supermarché des ténèbres », à la suite d'une conversation entre Kyle et Cartman, ce dernier affirmant que l'on déféquait quand on mourrait, tous les personnages qui décèdent dans l'épisode se défèquent justement dessus... Bon à ce stade j'espère que vous comprenez que South Park ne se distingue pas par l'humour le plus fin qui soit, et dites-vous bien que j'ai pris un exemple léger ! Rien qu'au sein de la bande que forment nos quatre protagonistes, on trouve des perles d'humour aussi violentes qu'absurdes : Cartman est un profond antisémite alors que son « ami » Kyle est juif, et Kenny, dont tous les propos sont étouffés dans son anorak orange, décède dans pratiquement chaque épisode dans des circonstances plus ou moins grandioses, revenant tout de même dans l'épisode suivant, cela sans que personne ne soit choqué ! Évidemment, un humour si libre a fait naître moult controverses, que ce soit autour du personnage de Cartman (petit garçon absolument horrible, à la fois haineux, raciste, antisémite, misogyne, homophobe (rien que ça) et que pourtant nous adorons détester), des nombreux propos tenus sur la religion ou de l'utilisation de personnages issus de diverses croyances, Jésus-Christ apparaissant plusieurs fois dans la série. Cependant ceci colle parfaitement au ton libéré et provocateur de la série, qui est aussi une mine de

chaque fois que nous nous aventurons dans les contrées de la charmante bourgade de South Park, ne laisse pas vraiment présager la véritable nature de cette série télévisée. Créée par le duo Trey Parker et Matt Stone, elle fut pour la première fois diffusée aux États-Unis en août 1997 et compte à ce jour 251 épisodes pour 18 saisons. Mais il est plus que temps d'introduire notre sujet : tout le long des épisodes, nous suivons les péripéties de quatre jeunes garçons ; Stan, Kyle, Eric (plus souvent appelé Cartman) et Kenny, tous les quatre habitant la petite ville de South Park, dans le Colorado. Bien souvent, la ville est en proie à divers évènements, en lien avec l'actualité, les mœurs sociales ou quoi que ce soit d’autre pourvu que cela puisse être tourné en dérision.

UN SEN S PROFON D DE L'IRON IE ET DE LA SATIRE SOCIALE, ET UN E VULGARITÉ SAN S LIM ITES. 20


l'humour

références culturelles en tout genre, par exemple au Seigneur des anneaux dans l'épisode « Le Retour de la communauté de l'anneau des deux tours », à 2001, l'Odyssée de l'espace dans « Le Super-Classeur » ou encore au jeu vidéo World of Warcraft dans « Make love, not warcraft ». Enfin, j'aimerais m’appesantir sur l'aspect graphique de l'œuvre, pour le moins atypique. L'épisode pilote fut conçu en papier découpé et animé à l'aide de la technique du stop motion, ceux suivant seront conçus par ordinateur mais resteront fidèles dans la reproduction de cette technique. On a donc un rendu final assez rudimentaire, très enfantin, le tout rendant vraiment cette sensation de morceaux de papiers découpés, très simpliste finalement. Et c'est là un tour de force majeur des créateurs, qui par leur ouvrage cherchent à revendiquer la juvénilité de leur humour ainsi qu’une certaine candeur, et ce malgré l'extrême vulgarité dont peut faire preuve la série. Car si South Park fait souvent preuve d'humour noir, d'ironie et de satire, la série est avant tout emplie d'une débilité bon enfant et d'un humour pipi-caca (il n'y a définitivement et malheureusement pas d'autre terme pour décrire cet humour, désolé). Bien entendu, elle ne s'adresse pas à des enfants, ne serait-ce que pour les messages et idées véhiculées qui demandent une certaine pensée analytique rien que pour les nombreuses allusions sexuelles. Non, ce n'est définitivement pas pour les enfants, mais plutôt pour les grands enfants, ceux dont l'humour a changé mais qui rigolent toujours pour les mêmes sottises. South Park c'est ce plaisir coupable, celui d'une bonne série s'inscrivant autant dans une réflexion construite que dans le plus grand n'importe quoi, et si vous n'y avez pas encore fait un tour, passez-y un de ces jours, les gens y sont gentils bien comme il faut !

BIEN EN TEN DU, ELLE N E S'ADRESSE PAS À DES EN FAN TS...

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Rubriques

La collecte ethnographique à l’époque coloniale expliquée par... Texte : Gabriel Courgeon - Illustration : Herminie Astay

L’anthropologie est une discipline qui s’est véritablement forgée aux époques coloniales. La colonisation s’accompagne de l’étude des autochtones, de leur culture et de leur environnement, que l’on soit Napoléon en Égypte ou Tintin au Congo. Les Martiens tentent donc de comprendre les Terriens et la culture terrienne. Ils observent les ébats d’un couple ou regardent les programmes télévisés humains. Par l’étude, les Martiens gardent une trace de cette race humaine vouée à disparaître. La disparition progressive des peuples colonisés et lointains est une des motivations pour la constitution de collections et de savoirs ethnographiques aux XIXe et début du XXe siècles. Il faut garder des témoignages des cultures qui vont disparaître. C’est ce qu’expriment des personnes comme Pitt-Rivers avec son musée d’Oxford : « Il ne fait

Après « La Muséalisation expliquée par Interstellar » et « La Restauration et la médiation expliquées par Jurassic Park », voici le dernier article de notre trilogie muséo-pop : les concepts muséologiques expliqués par Hollywood.

La Terre est attaquée et en passe de devenir une colonie martienne. L’empereur martien plante son drapeau dans la dépouille encore chaude du président des États-Unis Jack Nicholson, l’Amérique (la Terre donc) lui appartient. Un peu avant cette prise de pouvoir, le docteur Donald Kessler de la Maison Blanche explique que les Martiens sont avancés technologiquement et donc plus évolués, « pacifiques et éclairés ». Il place les Terriens comme espèce inférieure aux Martiens dans une ligne de pensée proche du XIXe siècle et des cercles colonisateurs : celui qui possède le progrès technique est supérieur et plus intelligent que celui qui ne l’a pas. Les Occidentaux se retrouvent pour la première fois dans la peau des colonisés. Malheureusement, les Martiens comme les colonisateurs, bien qu’avancés technologiquement, ne sont pas pour autant pacifiques. Les Martiens se livrent à une extermination de masse des Terriens. Mais à côté de ces destructions, ils étudient les Terriens.

quasiment aucun doute que d’ici quelques années toutes les races les plus barbares auront disparu de la face de la Terre ou auront cessé de préserver leur art traditionnel ».

Les Martiens, aussi curieux que cela paraisse, ont une pensée patrimoniale. Ils veulent préserver la mémoire de ce qu’ils annihilent et compléter leurs connaissances scientifiques.

fig. . 1 : Vélo à moteur, culture européenne

: Image dite « peinture » , culture humaine (Terre), période classique, bois, pigments. fig. 2

(Terre), période contemporaine, métal, caoutchouc, peinture, cuir.

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muséo-pop

mars attacks Pour encore « mieux » préserver ce patrimoine terrien, les Martiens ont recours à la collecte. Ils ramassent les artefacts humains qu’ils trouvent sur leur passage : rouge à lèvre, sac à main, magazine Playboy, etc. Une fois la collecte terminée, il ne reste plus qu’à aller étudier ces objets dans le vaisseau amiral, comme un anthropologue allant étudier les artefacts dans son musée de métropole. Cependant, les Martiens ne s’arrêtent pas qu’à la culture matérielle terrienne. Ils étudient les Terriens en eux-mêmes et font de l’anthropologie physique à la sauce XIXe. Les corps de la journaliste Nathalie Lake ainsi que celui de Donald Kesler vont être disséqués, comme le fût Saartjie Baartman (la « Vénus Hottentote ») par les Français. Finalement Nathalie voit sa tête montée sur le corps de son chien et vice-versa, ce que les Français n’ont heureusement pas fait avec les crânes maoris ou celui d’Ataï.

fluide) mais aussi la faune. En effet la colonisation est une mine d’or pour les muséums qui voient leurs collections s’enrichir de nombreux spécimens exotiques. Pour les Martiens, colombes, vaches, cochons et chiens sont des animaux inconnus qui feront la joie des zoologistes de la planète rouge. On pourrait également parler de l’archéologie, qui est pareillement une science qui bénéficia pas mal de la colonisation. Quand on visite de nos jours le Quai Branly, on ne se rend pas compte à quel point ce genre de musées découle de la période coloniale. Ce sont de merveilleuses institutions scientifiques et culturelles, cela ne fait aucun doute, mais elles restent basées sur des collections au passé trouble et violent, parfois aussi violent et beaucoup moins drôle qu’avec des Martiens aux crânes surdimensionnés.

Les Martiens collectent des « spécimens » humains (on peut notamment voir un magnifique clown conservé en

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Rubriques

GRAVITY FALLS Texte & illustration : Solène Devaux-Poulain

C’est l’été et pour Dipper et Mabel Pines, des jumeaux âgés de 12 ans, direction vacances pendant deux mois chez leur grand-oncle Stan Pines dans un village paumé de l’Oregon : Gravity Falls. Stan ou plutôt Grunkle Stan vit de son activité de fumisterie avec le Mystery Shack, un appât pour pigeons grotesque et flippant où il essaye de vendre n’importe quoi aux incrédules touristes qui s’émerveillent par exemple devant Le Rocher-visage (Attention ! Pas un rocher ! Ni un visage ! Mais un rochervisage !). Dipper s’ennuie à mourir au contraire de Mabel sa sœur qui s’amuse avec un rien. Un jour Dipper trouve un mystérieux livre écrit par un obscur inconnu confirmant son étrange impression qu’il se passe des choses bizarres à Gravity Falls… Voilà les deux Pines engagés dans des aventures rocambolesques et fantastiques avec diverses créatures.

Et bim ! Cliffhanger et lancement de générique ! Générique, très bon en passant, qui nous présente l’arrivée des héros, la ville, le Mystery Shack puis les personnages principaux ainsi que des phénomènes un peu curieux… Le graphisme d’Alex Hirsh est tout à fait particulier et met déjà une sorte d’ambiance où l’on sait que la série va nous faire rire (comme le graphisme de Futurama ou d’ American Dad). Les personnages ont des yeux en billes, les bouilles grotesques de Mabel sont hilarantes. Tous les protagonistes ont un design particulier, même les personnages secondaires : Stan (ressemblant beaucoup à Carl Fredricksen de Là-Haut, en moins ratatiné) toujours avec son fez, le photographe moisi avec ses grosses lunettes, le vieux McGucket complètement timbré, ou le bûcheron tout droit sorti de contrées vikings.

On pourrait au premier abord craindre cette série animée, créée par Alex Hirsh, vu qu’elle est diffusée depuis le 15 juin 2012 aux USA sur Disney Chanel, le diffuseur de séries teenagers décérébrées bien connues du genre Hannah Montana ou Les Sorciers de Waverly Place (sorte de NRJ12 des prépubères).

Le plus intéressant dans cette série est qu’elle nous fait du bien ! Les intrigues ne sont pas trop compliquées à comprendre, les voix sont hilarantes (il faut savoir que Hirsh fait presque toutes les voix de sa série) mais surtout…c’est complètement barré ! Presque aussi WTF qu’une pub japonaise ! Entre Mabel, qui collectionne des pulls tellement swag que Philippe Katerine la tuerait pour les avoir et qui fait tout pour trouver un amour de vacances ; Soos l’homme à tout faire du Mystery Shack, geek invétéré capable d'apparaître à la

Pourtant, Gravity Falls nous surprend en commençant dès le premier épisode par un in medias res. On voit Dipper et Mabel, fuyant dans une voiture de golf, une créature les poursuivant et leur lançant des troncs d’épicéa !

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super série injustement méconnue

manière d’un ninja malgré sa corpulence ; ou encore Grunkle Stan vous invitant à acheter une main coupée vivante ! Chaque personnage a une personnalité dont on voit tout de suite les défauts mais on apprend à apprécier leurs qualités, tout au long de la série. Les ennemis ne sont pas toujours ceux que l’on croit (des gnomes vomissant des arcs-en-ciel ou un enfant-star par exemple). Gravity Falls est pour moi LA série animée à voir après Avatar : The Last Airbender et The Legend of Korra, par sa fraîcheur et son intrigue de fond liée au mystérieux livre de Dipper. Percerez-vous les secrets de Gravity Falls ? À vous de le découvrir ! La série est en plein dans sa deuxième saison donc enjoy !

Et surtout, rappelez-vous : « Trust the silliness ! » * * « Faites confiance à la stupidité ! »

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Rubriques

musée insolite

Pimp my

Jacques Texte : Margaux Ruaud - Illustration : Marine Botton

« Ce n’est pas le titre qui honore l’homme, mais l’homme qui honore le titre » disait Machiavel. Ce philosophe italien de la Renaissance a consacré une grande partie de son cerveau à répondre à cette simple question : Qu’est-ce qu’un bon dirigeant ? D’aucuns parleront de puissance militaire, de verve, de connaissances des textes antiques, de « balls », et plus encore. La réponse réside peut-être en ces faits, mais pas seulement. Après tout, Alexandre est Grand car il a conquis une bonne partie du monde, mais tant sa personne que sa chevelure sont connues aujourd’hui par son autocongratulation sculpturale. Eh oui, laisser une bonne grosse trace artistique aide à la postérité. Et cela, Jacky l’a bien compris. Sarran, Corrèze, diagonale du vide. 300 habitants, point culturel : l’église. Bien entendu, le besoin d’y faire un tour pour les vacances est inébranlable, sans même ouïr que la commune abrite 22 000 œuvres, divisées en 5000 objets et 17 000 livres. Sarran est de fait le trou perdu qu’a choisi Jacques Chirac pour y installer son musée éponyme, destiné à accueillir dans une architecture lourde comme un arrière-train stéatopyge ses cadeaux présidentiels. Grand seigneur, il a même fait don de sa collection au Conseil Général de la Corrèze. 22 000 cadeaux ça fait beaucoup en 12 ans de mandat, mais la Corrèze n’ayant pas les moyens du Louvre (35 000 œuvres exposées), le musée se contente de 150 cadeaux en vitrine. Sacré tri tout de même. La collection de Jacques est constituée d’une part des présents protocolaires, lorsqu’un ambassadeur souhaite offrir « un petit quelque chose » d’une valeur de 200 000€ minimum pour sceller l’amitié entre les deux peuples ; d’autre part, des cadeaux de particuliers, quand le premier quidam tient à prouver son affection pour Jacky par « trois fois rien », à l’occasion d’un événement spécial ou non d’ailleurs. Le musée est présenté par zones géographiques, système ingénieux permettant une organisation moderne et cohérente. En plus d’un simple cartel, il est indiqué à quelle occasion a été offert le cadeau et la relation qu’entretient la France avec le pays concerné. Bien sûr, impossible d’échapper à la partie où la présidence et son importance 26

sont chaleureusement acclamées dans un texte introductif. Le musée a tout de même une partie exposition temporaire, témoin d’un certain dynamisme. Mis à part pour sa collection, intéressante en soi car exposant des objets qui resteraient inconnus du grand public autrement, pourquoi présenter ce musée ? Parce que c’est un pur coup de génie pardi ! Chichi a été bien éclairé à plusieurs égards. Tout d’abord par le don qu’il a effectué au Conseil Général : « Pour toi, mon beau département, je me dépossède de mes lettres de noblesse ». Ensuite, par le choix de Sarran : « Je n’ai que faire que le parisien bobo de base ne profite pas de mon trésor, tant que toi, Corrèze de mon cœur, tu peux l’observer tous les jours, si tant est que tu passes par là ». Ajoutons à cela qu’il ne l’évoque pas à chaque occasion qui se présente et que son portrait n’orne pas la devanture avec une affiche de cinq mètres par cinq : « Je le sais, vous le savez, et c’est d’autant plus efficace ». Machiavel approuverait certainement l’initiative, car l’homme honore ici le titre, et pas le contraire. Par ce musée, Jacques s’offre le luxe de rappeler à tout un chacun qu’il a été président, mais surtout qu’il a été président éclairé, amateur d’art, collectionneur désintéressé, souhaitant élever la culture de ses concitoyens, même ceux de la diagonale du vide. Certes, François Ier de la Ve République a aussi démontré son goût pour le mécénat en offrant une pyramide au Louvre (rien que ça), sans parler de Georges, détenteur d’un musée éponyme dans la capitale. Ceci dit, quand le premier déballe ses cadeaux d’anniver… diplomatiques aux yeux du grand public, c'est à Chateau-Chinon et pas dans un coin paumé du Limousin. Pas de pimp du petit peuple. Exposer tous ces présents permet d’affirmer l’estime que lui montraient ses pairs internationaux ainsi que ses qualités diplomatiques. Au passage, il rappelle que ses successeurs n’ont ni son aura universelle, ni son altruisme. Où se situe le fief de François II (Hollande) déjà ? Ah oui, EN CORRÈZE ! Visiblement, le Salon de l’Agriculture n’est pas le seul terrain où Jacques a une longueur d’avance.


B.F.M. Food

La Margarita

Recette : Margaux Ruaud Ingrédients (pour 6 verres) :

- 20 cl de tequila - 20 cl de Cointreau - le jus de 12 citrons verts - 30 cl d’eau - 12 glaçons - 400 g de sucre semoule - 1 soucoupe pleine de fleur de sel

Voyage au pays de Chichen Itza

D’habitude, les recettes de B.F.M. sont soumises à trois impératifs : du bon, du froid et du maison. Sauf que le thème de ce numéro, l’art et l’humour, a inspiré les collègues à la réunion de la rédac’, qui ont trouvé que : « ce serait cooooool que tu fasses une recette drôle » ! Croyez-le ou non, la cuisine n’est pas folichonne, du moins pas de là à se rouler par terre. Que faire ? Un titre rigolo ? De la cuisine moléculaire ? Un featuring avec Cyril Lignac ? Rien de tout cela. Votre serviteur vous a dégoté une petite recette que vous devez, dans votre vie étudiante, avoir goûté au moins une fois. Il en va de votre honneur et de votre fun. Je ne garantis pas que vous rirez pendant la réalisation, mais il n’y a pas de doute sur l’après.

Indice calorique :

Honnêtement on s’en fiche un peu non ? Niveau de difficulté :

L’homme développe des trésors d’habileté lorsqu’il s’agit de prendre l’apéro. Matériel :

-plaques chauffantes - casserole - blender au mieux/mixeur à défaut - une soucoupe - des verres - une sono et un disque de Luis Mariano pour se mettre dans l’ambiance

Processus créatif :

- Dans une casserole, verser le sucre et l’eau. Porter à ébullition et laisser bouillir 5 minutes. Couper le feu et laisser refroidir le sirop obtenu. - Dans un blender (ou un mixeur si vous n’avez pas encore acheté votre nécessaire de bartender), déposer le sirop, les glaçons, la tequila, le Cointreau et le jus des citrons verts. Mixer jusqu’à obtenir un liquide homogène. - Frotter les bords d’un verre avec un citron vert (utilisé pour le jus). Retourner le verre et le poser sur la coupelle de fleur de sel afin qu’elle adhère sur les rebords du verre. Renouveler l’opération avec les autres verres. - Verser la Margarita dans les verres et servir. Déguster jusqu’à plus soif. Le plus de l’artiste :

Ce type d’alcool se boit bien froid pour profiter de toute la saveur. Pour une totale classe Buena Vista Social Club, le futur muchacho sera bien avisé de servir le breuvage dans des verres à Margarita ou à Martini (campaniforme pour l’un et conique pour l’autre). Le moins de l’artiste :

Votre journal préféré ne souhaitant pas être responsable de votre public éméchage, cette recette doit être testée uniquement dans l’intimité de votre demeure. Entre nous :

La tequila est aussi fourbe que la plante qui en est à l’origine (le cactus). Si le muchacho présume de ses forces, la tête va lui piquer sous le sombrero. Un petit conseil avant d’attaquer la bouteille : prendre en prévention environ une heure avant une cuillère à soupe d’huile d’olive. C’est immonde, mais cela tapisse l’estomac et le protège un peu des brûlures et autres effets désagréables de l’alcool. Pour la fin de soirée, boire autant d’eau que faire se peut avant de dormir, le lendemain sera plus simple.

Dernier numéro de l’année, on se

B. F. M.

retrouve en septembre pour du bon, du froid et surtout du maison. D’ici là, un

food

Bon. Froid. Maison.

monde d’opportunités s’offre à vous. Adios Amigos !

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Rubriques

Civilisation contre barbarie :

l' O c c i de n t fac e à l' i c o n o c las me de Dae c h Texte : Kim Hartoorn - Illustration : Marine Roux

« Le barbare, c'est d'abord l'homme qui croit Claude Lévi-Strauss, Race et Histoire, 1952.

à la barbarie. »

que sa mise en image. Le crime a donc bien été perpétré en pleine conscience.

Nul n'y a échappé, tout le monde l'a subi : le traumatisme, le choc, le coup au cœur, quand, sur Facebook ou ailleurs, l'image des agents de Daech détruisant les œuvres du musée de Mossoul est apparue. Une image frappante, au sens le plus littéral du terme. Les réactions sont unanimes : dans les déclarations publiques de politiques et d'institutions, dans les articles de journaux, dans les commentaires des lecteurs, on retrouve inévitablement les mêmes termes. Nombre d'entre eux ont trait à la barbarie : outre « barbarie » lui-même, on retrouve beaucoup de « saccage » et de « vandalisme »... Certains vont jusqu'à nier l'humanité des perpétrateurs, en les qualifiant de « nazis » (qui, comme chacun sait, n'étaient pas des hommes), de « monstres », d'« inhumains ». Souvent, les commentateurs ont le souci de relativiser le drame en rappelant qu'il ne s'agit pas de vies humaines. En outre, dans une vidéo de l'AFP en date du 27 février, Élisabeth Fontan, conservatrice au département des Antiquités Orientales du Louvre, adoucit nos peines : les œuvres détruites comportaient « sans doute un grand nombre de moulages ». Quand bien même : l'affect traumatique de la vidéo reste très puissant. En effet, à les lire, ce n'est pas seulement l'Occident qui est touché, c'est l'humanité tout entière.

À n'en pas douter, nous sommes en présence d'une opération de tri patrimonial. Cette notion, que nous devons à Jean-Michel Leniaud, désigne le procédé par lequel on sélectionne ce que l'on souhaite conserver du patrimoine hérité du passé. Même en temps de paix et de continuité politique, le tri patrimonial s'opère, tout simplement parce qu’il est impossible de tout garder. Ainsi, en France, régulièrement, on détruit des archives. Les critères de sélection sont évidemment mûrement réfléchis en fonction de l'intérêt des objets et documents. Rien qu'ici, on sent à quel point la question peut être problématique : en effet, comment déterminer ce qui fait l'intérêt des documents ? Souvent, les instances de tri, publiques, proclament « d’intérêt national » ce qu'il faut garder. Cette expression rend évidente la relation proche et inextricable entre patrimoine et idéologie politique. Les périodes de rupture politique, comme par exemple la fondation d'un État théocratique basé sur une interprétation extrémiste de l’Islam, s'accompagnent donc sans surprise d'un tri patrimonial motivé par l'établissement d'une nouvelle idéologie politique. Comme le rappelle le « passeur d'histoire » Frank Ferrand dans l'émouvante élégie qu'il a publiée sur Figarovox le 3 mars, les exemples de destructions patrimoniales abondent dans l'histoire. Outre la comparaison facile avec les régimes totalitaires du vingtième siècle, M. Ferrand rappelle opportunément l'existence du « vandalisme révolutionnaire » qui a accompagné la naissance de la République française, avant de déplorer l'infamie barbare des Daechois, « esprits malades », « honte du genre humain ».

Comme toute image, la vidéo de Daech est construite. L'iconoclaste daechois fait montre d'une circonspection presque comique compte tenu des circonstances, et met un coup de perceuse dans un taureau assyrien comme mon voisin en mettrait un dans le mur de son salon. Pour les besoins de la vidéo, l'un des personnages a même apporté une lampe-torche, avec laquelle il éclaire son compère occupé à son opération de pulvérisation. Le tout dégouline d'effets de caméra, de ralentis, de zooms visant à dramatiser et à rendre solennel ce moment de mise à bas de l'idolâtrie (on a l'impression qu'ils ont débauché le réal de Pimp my Ride). En accord avec les prescriptions du Petit manuel du parfait iconoclaste, le tout s'achève sur une dénonciation solennelle du concept même d'image et un rappel du fameux commandement qui l'interdit. Que les représentations ne soient pas religieuses ne change rien à l'affaire : sous couvert de dogmatisme religieux, il s'agit surtout d'effacer symboliquement l'histoire pré-islamique de l'Orient. On peut parler d'une opération « en règle », dont le but semble être moins la destruction en elle-même

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L'opération de Daech n'est en fait ni « barbare », ni « inhumaine », elle est même plutôt logique et attendue : pour asseoir sa légitimité et introduire la narration de son discours idéologique, l’État Islamique met en scène une opération d'iconoclasme en accord avec les principes de l’Islam radical sur lesquels il se fonde. En cela, il se comporte comme n'importe quel autre wannabeÉtat. On pourrait donc aller jusqu'à qualifier ce tri patrimonial d'acte civilisateur, puisqu'il pose les fondements idéologiques d'un État impérialiste, voué à expansion. Au passage, on note le caractère purement discursif et rhétorique de l'acte de propagande qu'est la destruction du musée de Mossoul : le caractère néfaste et


actualités abominable de ces idoles n'empêche pas les Daechois de pratiquer un allègre trafic d'antiquités pour renflouer les caisses, alors que la logique voudrait leur extermination systématique. Ce n'est pas toujours facile d'être un extrémiste.

de l'ONU vient d'être saisi par l'Unesco sur la question de la protection du patrimoine irakien. Que va-t-il se passer ? Allons-Nous envoyer une armée Les civiliser, ces barbares ? Ou allons-Nous regarder, impuissants, les massacres et les crimes de guerre se multiplier ? Aucune de ces solutions n'est satisfaisante. Pourtant, il faut prendre une décision, Nous ne pouvons pas éternellement différer le moment du choix.

Pourquoi, alors, parlons-Nous de ces gens en des termes si aliénants ? Pourquoi Nous sentons-Nous obligés de renier leur humanité ? Tout simplement parce qu'ils sont l'ennemi. Leurs exactions vont à l'encontre des principes mêmes de l'existence des fleurs de Notre civilisation : les Nations-Unies, les droits de l'Homme, le patrimoine mondial. N'étant pas à une contradiction près, peu Nous chaut que le « berceau de l'humanité » dont Nous déplorons la mise en péril soit en réalité le berceau de Notre culture occidentale judéo-chrétienne. Peu importe que Notre entreprise de paix prétendument universelle se fasse entre nations, ignorant toute autre forme d'organisation sociale. Nous souhaitons faire advenir le triomphe du « citoyen du monde », de l'individu humain sédentaire libre, riche et en bonne santé. Ceux qui ne sont pas d'accord ne sont pas vraiment des humains, de toute façon. Nous savons, mieux que les autres, ce qui est bon pour eux.

Quant à moi, interrogeant le pourquoi des actes de Daech, que suis-je réellement en train de faire ? J'essaie de les réduire à des faits historiques et à des plaisanteries. J'essaie de conjurer la peur que me causent leurs tentatives de déstabilisation des principes de ma société. J'essaie de leur trouver des précédents, d'expliquer leur conduite, de comprendre leur culture. Par-là, j'entends également « m'approprier la maîtrise » de leurs codes culturels, ce qui est un avantage stratégique. D'une certaine manière, moi aussi, je participe à la guerre contre Daech. J'ai marché le 11 janvier, je suis Charlie, j'essaie de comprendre Daech pour mieux lui nuire, car Nous sommes en guerre idéologique avec Eux. Cependant, ma foi dans l'humanité et dans l'universalité est sans illusion. Sans vouloir jouer les oiseaux de mauvais augure, l'intervention militaire que commandent Nos principes pour défendre patrimoine mondial et vies humaines m'a tout l'air de cacher un autre retour du spectre du colonialisme et de l'impérialisme occidentaux.

Ce qui s'est passé au musée de Mossoul pose des questions bien difficiles à résoudre. Sachant à quel point l'idée même d'un patrimoine de l'humanité déterminé par les instances occidentalisées des Nations-Unies est ethnocentrique et impérialiste, que pouvons-Nous faire ? Au moment où cet article est rédigé, le Conseil de sécurité

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Déboutonner la mode Texte : Anne-Elise Guibert-Tetart - Illustrations : Alexis Dussaix

Quand le bouton nous est évoqué, on a tout de suite l’image de ce petit objet trônant sur notre beau manteau et qui, au moindre faux pas, risque de se détacher et de donner un aspect esthétique autre à notre vêtement, et ainsi transformer notre vie en un enfer de recherches et de coutures pour tout remettre en ordre. Cependant, un bouton peut être aussi quelque chose d’admirable avec une symbolique accompagnée d’un message fort et cela est visible dans de nombreuses cultures, lieux et siècles de notre vaste monde. Pour que notre avis change dans ce sens, il y a l’exposition Déboutonner la mode au musée des Arts Décoratifs de Paris avec un commissariat assuré par Véronique Belloir. Une exposition sur le bouton, oui, cela existe bien. Après avoir passé deux heures à déambuler dans les couloirs sombres et à observer plus de 3000 spécimens, je vous promets que vous ne regarderez plus jamais votre veste blazer de la même manière.

Les Arts Décoratifs nous ouvrent un nouveau monde que nous connaissons peu dans la mode : le bouton. Dans nos esprits, il est assez discret mais il révèle en réalité énormément de choses. À travers les salles, nous découvrons un monde insoupçonné. Le bouton représente une multitude de choses : par sa matière notamment, s'il est fait de cuir, de plastique ou encore d’ailes de papillon ; par sa forme, ovale, carrée ou d'une telle extravagance que l’utilité disparaît pour laisser place à l’ornementation ; par sa disposition sur le vêtement qui le place aussi bien dans le dos, que sur les manches ou n’importe où en fait. Bref, le bouton est sans limite et cette exposition veut nous le montrer. Pour cela, elle s’est appuyée sur la collection de Loic Allio, à tel point qu’il nous est expliqué que le symbole « * » sur les cartels signale cette provenance afin d’éviter les — nombreuses — répétitions. Elle est accompagnée d’une centaine d’exemplaires de divers vêtements, allant de la veste à la hussarde aux guêtres masculines, et de photographies pour illustrer les nombreux courants et modes. L'ensemble contribue ainsi à contextualiser le bouton dans l’espace et le temps. Nos esprits n’étant pas encore familiarisés avec cet art, nous avons droit à un rappel des matières couramment utilisées pour sa confection. Cette explication essentielle nous montre une fabrication complexe et étonnante qui nous permet de nous plonger dans un univers à part. Ces mini chefs-d’œuvre réunissent des artistes et des artisans de divers milieux, créant en passant des métiers qui leur sont propres. On peut citer par exemple celui de

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J E VOUS PROM ETS QUE VOUS N E REGARDEREZ PLUS J AM AIS VOTRE VESTE BLAZER DE LA M ÊM E M AN IÈRE.

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actualités

passementier (homme qui crée des boutons) mais orfèvres, verriers peuvent aussi participer à sa confection. En plus de fermer une veste, le bouton fait donc vivre des métiers et des hommes. Après quelques vitrines plutôt thématiques, axées sur la place du bouton dans la société (lois somptuaires, placement sur les habits…), on passe à la chronologie et notamment avec les grands couturiers qui se sont faits un plaisir de jouer avec le bouton et de le mettre en avant dans leurs collections. De grands noms sont récurrents comme Elsa Schiaparelli, Paul Poiret ou la maison Yves Saint Laurent pour ne citer qu’eux. De plus, on redécouvre les modes de ces époques sur un fonds de photographies. Tout est contextualisé pour comprendre l'enjeu de la pièce. C’est clair, net et précis. On n’a pas trop d’informations qui nous embrouilleraient l’esprit. Il nous est ainsi possible de tout retenir et de se sentir rassasié. On a donc dans cette exposition une belle disposition, même si l’on se perd facilement entre les vitrines et que retrouver les cartels peut s'avérer un petit peu compliqué. Néanmoins, tout est pardonné grâce aux explications données qui permettent une bonne compréhension de l’objet présenté et à la disposition qui est logique. À la fin, la vision change, on ne voit plus le bouton de la même manière, c’est une redécouverte du monde de la mode. Ce qui nous est commun depuis notre naissance a désormais un peu plus de place dans notre pensée, lui donnant ainsi de l’importance. À voir donc pour s’émerveiller des petites choses qui font les grandes et pour découvrir un monde d’histoires dans les étalages des merceries. Déboutonner la mode

jusqu’au 1 9 juillet 201 5 Musée des Arts Décoratifs 1 07 rue de Rivoli, 75001 Paris

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Le Songe d'une nuit d'été .

À LA COM ÉDIE-FRAN ÇAISE

Texte : Frédéric Eberhard

Du songe, premièrement ; qu’est-ce qu’un songe, qu’est-ce que le rêve qui nous saisit tel un baiser de Morphée ? Les définitions divergent, si je puis me permettre de donner la mienne, ce serait un rendu cohérent, en projections, comme un mythe ou un conte, qui éclaire instinctivement ce que la raison a du mal à saisir dans une réalité en série de faits dont la portée totalisante rend confus : synthèse symbolique. Pas de tabou ainsi dans le rêve ; comment être cohérent dans le mensonge ? C’est une perestoïka psychodramatique et de facto comique qui nous est offerte par Shakespeare dans sa pièce Songe d’une nuit d’été, une réflexion sur le ressenti prenant son parangon, le désir (non, pas l’amour nunuche), en totem ; quel meilleur écrin à celui-ci ainsi que la nuit d’été, suave en sa chaleur réveillée suite au printemps tel qu’un EdLien se réveille à la suite d'un HGA matinal ; et voici le bijou proposé par la Comédie-Française. L’intrigue dépasse la capacité de synthèse du gratte-papier que je suis ; je ne serai alors, tel une rêverie, qu’évocations vaguement organisées : diverses proies du désir, composées par la jeunesse athénienne fantasmée des élisabéthains jusqu’aux créatures d’une mythologie réinspirées en ces contrées humides et post-celtiques de Grande-Bretagne : les premiers se butent aux lois sociales, au manque de répondant qui fait les amours malheureux, à la jalousie, tristes sorts bien vite résumés de notre humanité pathétique par son inepte socialité, premiers tableaux moroses de réalisme. Très vite la forêt les prend en charge, telle une tanière des sentiments profonds et inavouables à la rationalité civilisée des hommes, comme elle servit de refuge à Tristan et Iseult. Adieu ainsi les rapports formels, avec la nuit vient le royaume des seconds mentionnés, créatures extraordinaires, reflets de nos pensées inconscientes, qui se jouent fort de tout sentiment de fausse maîtrise ; lutins obscènes, sylphes farceurs, fées enjoueuses, farfadets pervers et autres elfes en rondes lubriques – joyeuse et trompeuse compagnie qu’est ce thiase nocturne, cathartique et révélateur ! Parmi leurs danses invisibles se mêleront les intrigues des hommes – encore mises en parallèles avec la

préparation en abyme d’une autre pièce, tragédie moquée comme le sont les cruelles conventions –, conduisant les frustrations sentimentales sur la voie tortueuse de l’harmonisation ; les amoureux deviennent chiens fidèles, les bagarreurs se perdent dans leur sombre haine, les sentiments changent et tourbillonnent en quiproquos ; hommes comme femmes n’y comprennent plus rien, éconduits-reconduits par les tours de bienveillance coquine du roi des esprits forestiers, qui nous prouve au passage l’absolu de notre relativité. Et c’est de la sorte, parmi des fleurs ensorceleuses aux attitudes phalliques, des petits monstres bondissants et des sorts farceurs que tous joueront la pathétique condition humaine, fabuleusement transfigurés, aveuglés, perdus – pour mieux se retrouver.

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L'ILLUSION CIVILISÉE S'Y EFFON DRE EN ARTISTIQUE AN IM ALITÉ...

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actualités

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EXPRESSION N ISM E BAROQUISAN T D'UN SH AKESPEARE IN TEM POREL

L’illusion civilisée s’y effondre en artistique animalité parmi les corps noueux, les attitudes anguleuses ; expressionnisme baroquisant d’un Shakespeare intemporel, dont le language se fait, outre un sublime parler, gestes langoureux, soubresauts criards et poursuites infantiles. Quel détour de l’homme civilisé par une folie bestiale assumée pour mieux comprendre et vivre son humanité – y compris en société ; voici une réalité véritable face à la mascarade d’ennui organisé qu’est notre monde de normes-prétextes faites faute de mieux, au milieu des rires du public pris entre gêne et reconnaissance... Car rarement hors ce Songe, on ne poussa la sincérité du théâtre des émotions humaines jusqu’au fond, en un jeu du désir aux pantomimes quasi psychanalytiques sans toucher au passage, et tel qu’on le voit étalé aujourd’hui de par la pseudo transparence-spontanée de notre époque, au vulgaire. En effet, un rêve n’est jamais vulgaire car juste, et ce sont des animaux sincèrement humains (et vice-versa) que l’on nous offre à voir en toute virtuosité, donnant au passage une bonne leçon de transparence émotionnelle, en toute beauté comme il se doit. Une pièce à voir pour qui aime l’art du théâtre dans sa splendeur la plus absolue et taquine, avec une mise en scène, des costumes et comédiens géniaux (je les citerais tous si la place m’en fut accordée) qui osent ensorceler. Révélation personnelle.

LE SONGE D’UNE NUIT D’ÉTÉ,

de William Shakespeare, à la Comédie-française, du 1 8 février au 25 mai 201 5.

Petit conseil de solidarité EdLienne pour les tarifs réduits, qui plus est aux -28 ans : le Petit Bureau de la Comédie (sur le côté de la Comédie, place Colette), file à faire une (plutôt deux) heure(s) avant la représentation, pour des billets à 5 euro (risque visibilité réduite) sinon gratuits les 1ers lundis du mois (-28).

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L'archéonews Masque de Toutânkhamon L’évènement s’était déroulé en août 2014, mais l’affaire avait été étouffée avant d’être finalement révélée en tout début d’année. À l’occasion d’un changement de spot au-dessus du masque funéraire, un employé du musée aurait bousculé le masque. La barbe, qui n’était pas fixée au masque, serait tombée. La barbe a été recollée avec de l’époxy (glue) et de plus, trop de colle a été mise, débordant ainsi sur le menton. Seul problème : cette glue est peu adaptée à un tel travail de restauration et quelque peu difficile à enlever… Les dégâts sont heureusement réversibles ! Avec du temps et une équipe de restaurateurs méticuleux, il sera possible de réparer les dommages. Rassurez-vous donc, le masque pourra être sauvé et Toutânkhamon n’est pas prêt de revenir des morts pour se venger ! Source : www.leparisien.fr 24 janvier 2015.

Découverte d’un trésor de pièces d’or en Israël Au large de la ville de Césarée, sur la côte israélienne, des plongeurs ont découvert une dizaine de pièces d’or, de taille et forme différentes, et datant pour la plupart de l’époque fatimide (XIe siècle après J.-C.). De retour au port, les plongeurs ont prévenu l’Autorité des antiquités d’Israël, qui envoya ses propres plongeurs. Ils ont ainsi découvert près de 2000 pièces de monnaie en or de cette époque. Ces pièces, des dinars, sont remarquablement conservées malgré le millénaire passé sous l’eau. La plus ancienne des pièces serait un quart de dinar, daté de la deuxième moitié du IXe siècle, qui fut frappé à Palerme (Sicile). La plupart des autres pièces dateraient de la fin du Xe - début du XIe siècle et auraient été frappées en Afrique du Nord, et notamment en Égypte. Ce tas de monnaies constituait une vraie fortune qui provient sans doute d’un navire ayant fait naufrage. Il s’agissait peut-être d’un navire transportant les taxes et impôts, collectés dans la région de Césarée, en Égypte où se trouvait le gouvernement central (les Fatimides ayant déplacé leur capitale au Caire). Les dinars pouvaient aussi servir à payer les soldats de la garnison fatimide de Césarée. Autre hypothèse : il s’agissait d’un navire marchand qui commerçait avec les ports méditerranéens. Les tempêtes de cet hiver, ayant agité les fonds marins, auraient contribué à cette découverte. Source : www.sciencesetavenir.fr, Joël Ignasse 19 février 2015.

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Découverte d’une stèle contemporaine De la pierre de Rosette La fameuse « pierre de Rosette », qui permit à Champollion de décrypter pour la première fois les hiéroglyphes égyptiens au début du XIXe siècle, a désormais une petite sœur. En effet, une autre stèle gravée deux ans plus tard et dédiée au même pharaon – Ptolémée V (204-180 avant J.-C.) – vient d’être découverte. D’après les archéologues, il s’agit là d’une découverte rarissime. Sortie des sables sur le site de Taposiris Magna, à 45 kilomètres à l’ouest d’Alexandrie, elle se trouvait au cœur du complexe de temples dédiés à Isis et Osiris. Elle mesure 1,5 m de haut, 65 cm de large et 18 cm d’épaisseur, et l'on peut y distinguer une succession de lignes gravées dans deux écritures différentes. Alors que la pierre de Rosette en avait trois distinctes, ici, elle présente un texte rédigé en hiéroglyphes (écriture sacrée imitant la langue des dieux qui n'est lisible que par les lettrés), et en démotique (écriture en cursive courante, plus accessible, qui dérive de ces hiéroglyphes). Selon le ministre des Antiquités égyptien, Mahmoud Mohamed Eldamaty, plusieurs noms présents dans des cartouches ont d’ores et déjà été identifiés : Ptolémée V Épiphane, Ptolémée IV Philopator (son père), Arsinoé III (sa mère), Cléopâtre I (sœur-épouse).

« ces

L’égyptologue français Pascal Vernus explique :

documents sur support monumental que l’on trouvait sur stèles, parfois sur des murs, ou à l’entrée des temples, avaient l’avantage d’être insensibles aux dommages du temps, comme pouvait l’être un papyrus, et avaient surtout pour but de sacraliser et pérenniser les actes fondamentaux du pouvoir. Ainsi, quand le texte n’intéressait vraiment que la population égyptienne, deux versions suffisaient : en écriture hiéroglyphique et en démotique, ce qui est donc le cas de la stèle de Taposiris Magna ». La Pierre

de Rosette avait en plus une partie écrite en grec, permettant ainsi de s’adresser à l’administration et à la population grecque de l’époque qui vivait en Égypte. La traduction du texte de cette nouvelle stèle permettra sûrement d’en savoir plus. Source : in Science et Avenir, Bernadette Arnaud 21 février 2015.

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GALA Puisque nous sommes à un peu moins de trois mois du gala et que les places sont déjà en vente, il est temps pour nous de vous faire un récapitulatif de ce qu’on vous prépare. Pour les premières années qui n’ont pas encore eu la chance d’assister à cet évènement, le gala c’est quoi ? C’est l’occasion de clore en beauté une longue année studieuse lors d’une incroyable soirée, bien méritée. Pour cette nouvelle édition, les Années Folles s’invitent à l’École, remontez vos jupons et frisez vos moustaches ! Cette soirée de folie s’organisera en deux parties. Pour la première partie, en partenariat avec l’Association de l’École du Louvre, nous vous attendons dès 18h30 en amphithéâtre Cézanne pour entamer les festivités avec une conférence. Laurent le Bon, président du Musée Picasso, viendra vous parler de sa réouverture et des collections nouvellement exposées. Jusqu’à 23h30, vous seront proposées diverses activités. Vers 21h, la Chorale vous interprétera quelques chansons de son répertoire. Ensuite, le Défilé de l’Histoire, club de reconstitution de costume historique, présentera ses créations. À la cafétéria, un trio de jazz (contrebasse/piano/voix)… Des rafraîchissements (alcoolisés ou non, à vous de choisir) et des amuse-bouches illumineront vos papilles et vos pupilles pour votre plus grand plaisir. Pour encore plus de plaisir des yeux, vous aurez l’honneur et le privilège de visiter une exposition spéciale École du Louvre ! Des créations étudiantes seront exposées autour de l’Aurige, une sorte de galerie avant-gardiste, en somme. Nous sommes

d’ailleurs ouverts à toute proposition, le BDE sera ravi de toute participation. Lâchez vos ordis, à vos pinceaux ! Vous pourrez garder un souvenir impérissable de votre gala en passant faire un tour au stand photo, nous immortaliserons pour vous ce moment. Ne le niez pas, vous serez très heureux d’encadrer ce souvenir sur le manteau de votre cheminée et de le montrer avec fierté à tous vos petits-enfants. D’un musée à l’autre, de l’autre côté du fleuve, on vous attend au Concorde Atlantique pour la deuxième partie. Non non non, vous n’aurez pas à aller très loin, il vous suffira de traverser le Pont Royal pour embarquer jusqu’au petit matin (plus précisément 6h30). Le groupe Traffic’Jam, connu des piliers de la Guinness Tavern, et un DJ seront présents pour vous faire danser all night long. N’oubliez pas, un ticket de tombola est compris dans votre place, ne ratez pas votre chance de gagner un beau lot offert par des professeurs de l’École et des professionnels du monde de la Culture. Augmentez vos chances, des tickets en plus pour gagner plus ! No limit ! Laissez votre appât du gain prendre le pas sur votre raison ! Maintenant que vous savez tout, que vous mourrez d’envie de venir, on vous attend tous les jours à la borne du BDE, de 12h à 14h. En plus, jusqu’au 20 mars pour le lancement de l’évènement, vous bénéficiez de tarifs promotionnels ! Ne les ratez pas ! L’équipe du Bureau des Élèves. 36


le choix de la rédaction

Pou r vou s, q u el es t l e n om d ' a rt i s t e l e pl u s a mu sa n t ? H e rmi n i e

Le Parmesan, avec lui la peinture de la Renaissance n'a jamais été aussi appétissante.

Ale xi s

J’adore les rébus : « Caille-botte » - « Pérou - Gin » - « Mickey - Lange »…

Mari n e B. .. Botticelli ou « petit tonneau ». Ah ? On avait dit « pas sur le physique » ?

Marg au x

Un peintre du début du XIXe siècle nommé Gros. EN PLUS il était Baron quoi. « Hey Groooos ! »

An n e - É li s e

Si l’on peut considérer un roi pilleur et tagueur d’œuvres antiques comme artiste alors je dirais Shutruk-Nahhunte.

S arah

Francis Bacon ! Pour quelqu'un qui peint les corps comme de la charcuterie à l'abattoir, il faut avouer que son nom lui va comme un gant !

É li s e

Pollock, parce que « j’te Pollock les seins »

G abri e l

Praxitèle. Ça fait un peu penser aux technologies des eighties. « 3615 Code Praxitèle ».

Mari n e R.

Octave Penguilly L’Haridon, parce que guili-guili ! Oui, c’est très drôle.

Adè le

Mon grand préféré, Eugène Boudin, peintre français du XIX° siècle. Il a signé des tableaux magnifiques mais qu’est-ce que son nom était pourri !

Sophi e

Le Sodoma parce que ... voilà.

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MOTS CROISÉS

Par Sophie Leromain

Mot qui vous faire sourire en le voyant sous le Christ du tympan de Sainte-Foy-de-Conques. 6 . Humour qui permet de rire (presque) impunément de la mort, des accidents et même des belles-mères. 7 . « Une femme sans homme, c’est comme un poisson sans bicyclette » disait-il si bien. 9 . Marionnettes de l’info. 1 1 . Petite histoire sans réelle importance ni intérêt qu’on raconte souvent pour meubler un silence gênant. 1 3 . Le meilleur humour en terme d’autodérison, spécialité de Woody Allen. 1 4. Peut être fou, jaune ou sous cape. 1 5 . Mais qui l’a tué ?

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2.

On l’utilise pour dire le contraire de ce que l’on veut faire comprendre. 3 . Nicolas a beau être son fils, il ne lui arrive pas à la cheville. 4. Alex Lutz, Sophie-Marie Larrouy ou Arnaud Tsamère en sont la relève contemporaine. 5 . Ça le devient quand le drôle est poussé à l’extrême, mais bon, ça ne tue pas ! 8 . Son intervention dans la pub d’une banque française est beaucoup moins drôle quand on sait qu’il a un compte en Suisse. 1 0 . Attention à l’orthographe de ce mot, il ne faudrait pas le confondre avec un petit bouc ithyphallique. 1 2 . Si seulement Cyril Hanouna pouvait effectivement l’être…

Réponses aux mots croisés du numéeo 27 :

1.

VERTICAL

HORIZONTAL: 1. Sam - 5. Maccarthysme - 6. Brother - 8. Napoléon - 9. Bernays - 11. Héros - 12. Mao - 13. Affiches VERTICAL : 1. Stakhanovisme - 2. Eisenstein - 3. Goebbels - 4. Staline - 7. Cinéma - 10. Slogan

HORIZONTAL

1. Metropolitan Museum ofArt - 2. Chicago Art Institute - 3. Musée Picasso Paris - 4. MuCem - 5. Musée de l'air et de l'espace 6. Museum fur Islamische Kunst aufBerlin - 7. Rijksmuséum - 9. Wallace Collection - 8. Museo nacional mexicano - 10. Musei in comune Roma (musei capitolini) Solutions du MUSÉOQUIZ


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