Louvr’Boîte. N°37. 50 cts.
Tabous II
Sommaire 3. Nuit d’Acajou 5. Édito 6. Che veux te garder ou les cheveux coupés que l’on conserve 8. Liberté et intégrité capillaires 10. À poil manifestants ! 12. L’épilateur électrique et autres appareils de torture des temps modernes 14. PEOPLE au poil ! 16. Le poli contre l’incise : le langage pileux de la sculpture 18. De la liberté d’être velue (ou non) 20. Jeu 22. Interview de Muséonaute Rubriques 26. L’instant P.A.M. : Le poil en guerre : coupes de circonstance et héroïsme populaire 28. Bisque de Gaumar : Salade de cheveux d’anges 30. Sexo : La rencontre 32. Courriers du palpitant 34. FFP* : L’épilation à travers les âges 38. Test : Quelle épilation du maillot êtes-vous ? 40. Le choix de la rédaction (et du monde entier) 42. Mots mêlés 43. Crédits photographiques
écritures parallèles
Nuit d’Aca jou Pò Quelicot r
Nous sommes un, nous sommes des milliers. Forêt du Sommet, nous prions ton gardien de nous écouter. Disséminés sur ce sol clair – qu’une neige poudreuse et taquine recouvre parfois – épars, et perdus. Nous avons le visage de notre pays, pâle et lumineux comme une lune timide. Terre aimée, entends-tu les plaintes d’un enfant oublié ? Forêt du Sommet, sur tes ronds reliefs souffrent les vivants que la mélanine a hasardeusement distingués. Qu’imposes-tu la tyrannie du Même ? Tes élus bâillonnent la différence, crèvent la lucidité sur l’autel de l’Harmonie – suprême, suprême ! Et misérables alors, les Autres. Conspués, haïs, reniés, ils chantent leurs racines. Mais sans égard, le cruel, indifférent, le géant, Gardien de la Forêt du Sommet, il fige dans une gangue d’acajou notre mémoire, efface du Visible notre existence, gênante. Satisfait du temps de pose de sa teinture, l’homme rince son cuir chevelu ; victorieusement : « On ne vit pas librement quand on naît cheveu blanc ! »
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edito Il est dur lorsque sur la terre Dans le bonheur on a vécu, De mourir triste et solitaire Sur les ruines d’un vieux cul. Jadis dans une forêt vierge, Je fus planté, sur le versant Qu’un pur filet d’urine asperge, Et parfois un filet de sang. Alors dans ce taillis sauvage, Les poils poussaient par mes sillons, Et sous leur virginal ombrage, Paissaient de jolis morpions. [...] Jules Verne, 1854
Louvr’Boîte Huitième année. N°37. 0,5 €.
Directrice de publication : Sophie Leromain. Rédacteur en chef : Aurélien Locatelli. Relecture : Camille Giraud. Maquette : Aurélien Locatelli. Couvertures : Lorenzo Oliva.
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Ont contribué à ce numéro, dans l’ordre alphabétique : Yvine Briolay, Délia Cooper, Valérie Fortier, Lila Franitch, Noa Galimidi Camille Giraud, Bastien Hermouet, Sophie Leromain, Aurélien Locatelli, Yohan Mainguy, Lorenzo Oliva, Ivane Payen, Elise Poirey, Clémence Pinquier, Camille Reinat, Margaux Ruaud, Maxence 5 Zabo.
École du Louvre, Bureau des Élèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 Paris cedex 01. louvrboite.fr Tél. : +33 (0) 1 42 96 13. Courriel : journaledl@gmail.com. Facebook : fb.com/louvrboite. Twitter : @louvrboite. Instagram : instagram.com/louvrboite. ISSN 1969-9611. Dépôt légal : novembre 2016. Imprimé sur les presses de l’École du Louvre (France). Sauf mention contraire, © Louvr’Boîte et ses auteurs.
Tabous II : Poils
Viena r Il y a de cela quelques mois, ma petite sœur a décidé de se faire couper les cheveux. Elle avait alors une longue et belle toison blonde et bouclée, mais un peu chiante à entretenir. Un soir, je l’ai donc vue revenir à la maison avec, à la place de sa belle chevelure d’or façon Raiponce (j’exagère mais pas tant que ça), de grosses boucles dressées sur la tête. Imaginez les Jackson Five, raccourcissez un peu leur coupe, épaississez les boucles après leur avoir fait une couleur blonde, et vous avez une idée du résultat. Alors que je m’habituais au choc provoqué par un changement aussi radical, j’appris que ma mère avait décidé de conserver la tresse formée avec les cheveux qui avaient été détachés de la tête de ma sœur. Je n’étais donc finalement pas si loin du compte quand je la comparais à Raiponce. Bref. Toujours est-il que la blondinette et moi-même avons trouvé cette décision glauque au possible. Encore, si ma mère avait trouvé une utilité à cette tresse, peut-être que ça serait mieux passé… Parce que oui, on peut encore se servir des cheveux que l’on n’a plus sur la tête. Même si la plupart d’entre vous les jettent (et c’est tout à fait normal), sachez qu’ils ont des utilisations que l’on ne soupçonne pas… Bon il y en a qu’on soupçonne aussi, par exemple leur utilisation pour
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Che veux te garder, ou les cheveux coupes que l’on conserve
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faire des perruques qui peuvent être utilisées par des personnes atteintes du cancer. C’est plutôt cher, mais il y en a qui ne sont pas mal du tout. Il y a aussi la classique mèche de cheveux qui nous vient d’un ancêtre et que l’on conserve… Mais si, vous savez, les petites mèches sous verre ou enfermées dans un pendentif qui se transmet de génération en génération dans la famille… En général, ces mèches-là ont été prélevées sur la personne quand elle était encore petite, quand il s’agissait de ses premiers cheveux. Elles peuvent avoir vocation de porte-bonheur, de relique familiale devant laquelle on se recueille, ou juste de souvenir si c’est la personne intéressée qui conserve la mèche. J’avoue que je ne sais pas exactement à laquelle de ces catégories se rattache ma mère, et je crois que je préfère ne pas savoir. Et pourtant ça n’est pas la pratique (si on peut ici parler de pratique) la plus bizarre sur laquelle je suis tombée. Apparemment, les cheveux ont également des vertus nourrissantes : si vous les mettez dans la terre, ils peuvent servir d’engrais et aider vos plantes à mieux pousser… Je n’ai pas encore
essayé, mais si je suis à court d’idées et que mes petits géraniums commencent à tourner de l’œil, je sais quoi tenter avant de renoncer définitivement. Après, on peut imaginer d’autres utilisations un peu (plus) farfelues. Vous voyez les matelas en bambou tressé qu’ils font parfois dans Koh-Lanta ? Je suis sûre qu’on pourrait en faire des bien plus confortables si on assemblait de très longues tresses les unes aux autres. Et puis si vous utilisez des cheveux tressés pour vous fabriquer quelque chose, le gros avantage, c’est que ça ne va pas casser de sitôt. Un cheveu tout seul, c’est relativement fragile. Si vous tirez dessus, vous le cassez ou l’arrachez, et vous avez une petite éternité devant vous avant qu’il ait retrouvé sa longueur initiale. Par contre, essayez un peu de casser des cheveux une fois qu’ils se sont assemblés avec d’autres copains capillaires. J’ai dit casser, pas couper. Avec des ciseaux, c’est, certes, un peu plus facile. Mais à mains nues, ça se complique. Les cheveux tiennent dur comme fer et ne lâchent rien. Parce que l’union fait la force, même sur nos têtes (et là normalement, si vous avez des cheveux un peu longs, vous les regardez
d’un air inquiet en vous disant que ces petits pourraient bien vous étouffer pendant votre sommeil s’ils étaient dotés d’un cerveau qui leur était propre. Et puis vous vous souvenez que ce sont juste des cheveux, et qu’en plus, ils ont besoin de vous pour vivre). En parlant d’union, ça me rappelle une autre histoire. J’étais dans une station-service, et une fille à côté de moi avait des dreadlocks et des plumes dans les cheveux. On commence à taper la discute, et elle m’explique qu’en réalité ses dreads sont composées de ses propres cheveux, mais aussi d’une mèche de ceux d’une de ses amies. Comme quoi, vos cheveux peuvent également prouver à vos proches que vous êtes indéfectiblement liés, et même renforcer un lien déjà existant comme c’était le cas pour ces deux coupines. Du coup, la prochaine fois que vous vous coupez les cheveux ou que vous allez chez le coiffeur, vous pourrez récupérer des chutes. On ne sait jamais, si vous n’avez pas d’idée de cadeau pour vos proches, ça pourrait être un bon plan… Même si les intéressés trouveraient sûrement ça un peu tiré par les cheveux.
Tabous II : Poils
Liberte et integrite capillaires D.C. r
#socommonauLouvre #Leschevuxnesontpasdeszoos #Cheveux≠chevaux #çanesecaressepas « Don’t touch my hair, that’s the feeling I wear, don’t touch my soul, that’s the rhythm I know, don’t touch my crown, don’t touch what’s there ». C’est ainsi que Solange Knowles (#lasoeurdebeyonce) exprime son agacement/exaspération/ mécontentement dans Don ’t touch my hair, un titre extrait de son dernier album A Seat at the Table sorti en septembre dernier. Après tout, sa chanson aurait pu sortir n’importe quand, elle aurait parlé à bien du monde. Petite démonstration mathématique très simple : Partons d’un constat : il y a des gens, beaucoup trop, qui ne vous connaissent pas, et qui se permettent sans aucune gêne de toucher vos cheveux , d’y passer leurs mains sans même vous demander votre avis. Prenons un exemple d’une situation personnellement vécue lors de la soirée d’intégration :
La fête bat son plein. Tout le monde s’amuse et danse sur le rythme (ou pas) de la musique. La chaleur qui émane de tous les corps en mouvement en devient insupportable. Je décide d’aller me rafraîchir et tourne les talons de la piste de danse. Soudain, une force d’attraction contraire au mouvement initial me stoppe net dans ma course : un individu agrippe ma chevelure et se met à hurler avec beaucoup d’enthousiasme « aaah j’adore tes cheveux ! ». Je soupire, le remercie et m’en vais dépitée, encore… Ce que j’en pense : « Bitch why are you touching my hair ? » Un conseil chers agresseurs : arrêtez, parce que votre comportement est tout simplement incorrect. Pourquoi ? Car c’est un contact physique non consenti. On devient victime et totalement impuissant puisqu’on ne peut pas éviter que ça arrive : ça se produit sans crier garde, parfois on
a droit à une remarque à l’arrache soit au moment où il est trop tard pour freiner la main baladeuse, soit au moment où elle a déjà assouvi ses pulsions primitives. Mais parfois aussi, et cela c’est le comble de l’irrespect, le délit se fait dans la plus grande discrétion, sans que l’on s’en soit rendu compte, dans un parfait silence pendant que vous étouffez presque un « wouaw » de fascination. Je m’adresse au public EdLien, mais aussi au monde entier : « STOP ! » Les cheveux bouclés, frisés, ondulés, crépus ou même roux, aussi étranges, moches/écoeurant ou envoûtant puissent-ils être ne sont pas des poils de chiens. Il y en a pleins qui gambadent devant la pelouse de l’École, allez-y, lâchezvous ! La question « je peux toucher ? », quand elle est posée, entraine une situation assez gênante pour la personne porteuse de la 8 touffe de poils convoitée.
Ainsi, Amandine Gay blogueuse et militante afro-féministe raconte : « Ce ne sont pas les gros trucs qui m’usent, ce qui me tue à petit feu ce sont les petites humiliations, la condescendance et les invasions quotidiennes de mon intégrité physique (POURQUOI AVEZ-VOUS BESOIN DE TOUCHER MES CHEVEUX ?) ». Après avoir interrogé quelques personnes de l’École, je me suis rendue compte que le « tripotage de cheveux » n’est pas un phénomène aussi isolé qu’on le croit : « J’ai l’impression d’être un chien », « J’en ai marre, c’est quoi leur problème ? » , ou encore « Le respect c’est comment ? » sont les commentaires qui m’ont été retournés. Alors que faire contre le tripotage intempestif ? Comment remettre à leur place les curieux ? Je me rappellerai 9 toujours de ce que m’a dit ma
mère une fois : « si quelqu’un s’approche de toi pour te toucher les cheveux, tu lui retournes le compliment en attrapant ses cheveux à ton tour. Curieusement, tu t’apercevras que la personne n’apprécie pas du tout que l’on touche aux siens ». Ainsi, elle se sent embarrassée et peut-être réalise-t-elle alors la portée de son geste ? Je finirais par un dernier conseil pour nos chers agresseurs : « Y’en a assez fraté ! ». Ayez de l’audace, la prochaine fois, vous saurez quoi répondre !
Tabous II : Poils
A poil, manifestants ! Maxence Zabo r Alors tout de suite, je vous rassure, il ne s’agit pas d’une incitation à la nudité, je ne fais pas l’apologie du naturisme, encore moins en ces heures terribles qui ne voient manifester que des groupes de personnes peu recommandables. En plus, il fait froid, j’ai une angine, et puis ça fait mauvais genre… Qui plus est, je ne suis pas aussi courageux que les activistes des FEMEN qui affrontent l’ère glaciaire manifestement pas terminée en Russie, seins au vent ; on se débrouille comme on peut pour changer le monde. Si les femmes peuvent se permettre d’affirmer leur opposition à un régime en se servant de leur arme la plus destructrice, qu’en est-il des hommes ? Personnellement, je suis pour que des hommes manifestent nus comme des vers, brandissant leur chibre estampillé : « À mort Poutine ! Fin à l’oligarchie soviétique ! » ; mais ça ce n’est que mon avis. En attendant, que le reste du monde me plussoie, d’autres ont trouvé une autre manière d’être visible et de promouvoir un monde plus sain. Ces derniers, épuisés de porter haut les pancartes et d’arpenter les pavés des rues
ponctuellement, ont choisi un autre mode de manifestation de leur soutien à une cause. À la fois trendy et gratuit (on adore), j’ai nommé le POIL. Le poil, oui madame, mais le poil visible, le poil doux, le poil viril. Ce fameux poil engagé se retrouve principalement entre le bas du nez et le cou, traditionnellement appelé « moustache » ou « barbe ». Il est notre nouvelle manière de dénoncer et de sensibiliser. De nombreux mouvements initialement marginaux ont su mettre à profit la barbe. Trop longtemps coupée, rasée, laserifiée, la pilosité masculine joue un rôle politique au-delà de sa fonction hygiénique. Pour rester dans le domaine de la santé, il est impossible de ne pas parler du Movember. Le projet de cette association est de sensibiliser les hommes à l’importance de leur pilosité ; et surtout d’arrêter cette apologie de la métrosexualité chère à nos footballeurs. Parce que oui messieurs, le poil c’est pas là que pour le plaisir, ça protège la peau fragile des hommes (#TeamCrèmeHydraVégétaleYvesRocher #JassumeMaFragilité). En plus de mettre en avant les avantages d’une belle barbichette de hipster sur notre santé, Movember prévient les hommes des cancers qu’ils encourent. Le cancer de la prostate par exemple, difficile à détecter sauf en allant le chatouiller… (Déduisez-en ce que vous voulez). Le mouvement Movember se déroule à un moment stratégique de l’année : le mois de novembre, où une belle couette moustachue est bien plus
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utile qu’un menton glabre, lorsque les bourrasques hivernales arrivent. Bien que dans le cas du mouvement Movember, la pilosité faciale serve le domaine de la santé masculine, elle peut aussi témoigner de l’engagement humanitaire de son propriétaire. Le poil visible de notre visage, lorsque soudainement accepté par son propriétaire, intrigue son entourage. Pourquoi se laisse-t-il pousser la barbe ? Ahh c’est un homme, il m’eut semblé qu’il s’agissait d’une femme, avec ce style androgyne ! Il devient de plus en plus mûr ! Et justement, la barbe est l’apanage des sages, symbole d’expérience et de réflexion. Ta barbe ainsi reconnue te donne l’occasion de répondre à ces étonnements et à sensibiliser les gens à propos de la cause que tu défends. À défaut de faire la grève de la faim et par-là même, faire un coma dès que les effluves d’un CBO de MacDonald te frôlent, eh bien fais-toi pousser la barbe. Au lieu de t’enchaîner à un arbre tel le Bouddha, l’aspect spirituel et oriental en moins, sous prétexte qu’« Un arbre qui meurt, c’est une année d’apnée pour l’humanité en plus... », eh bien faistoi pousser la barbe. Dorénavant, fais-toi pousser la barbe pour tout ce qui compte pour toi, pour toutes les victimes des guerres, pour les animaux qui disparaissent (et réapparaissent en manteaux Zara). Et même pour mon coccyx endolori, après 1h30 d’ HGA, assis sur les strapontins de Rohan, fais-toi pousser la barbe, ça me fera plaisir.
Tabous II : Poils
L’epilateur electrique et autres appareils de torture Camille Reinat r Nous avons déjà tous été victimes de cette ségrégation raciale qui sévit au sein de la pilosité. Il suffit généralement d’un simple message, un dimanche matin. Les yeux encore voilés de sommeil, les cheveux expérimentant de nouveaux modes d’expression, l’heure est plus propice au petitdéjeuner qu’à la révision de notre emploi du temps de ministre. Toutefois, la sortie piscine nouvellement programmée menace sournoisement nos plans dominicaux. Que voulezvous, nous avons tous un ami qui affectionne de se lever à 9h un dimanche matin dans la seule optique de bouleverser la quiétude de notre repos à grand renfort de sorties piscine et autres aquabiking. Soudain, notant la somptueuse fourrure que nos jambes ont arboré tout l’hiver, nous abandonnons à grands regrets le peignoir rose qui nous sert de parure et nous nous lançons à la recherche de l’objet salvateur. J’ai nommé : l’épilateur électrique ! Car telle est la tactique de l’épilateur électrique, cet ustensile narquois. Que ce soit à force de repousser l’échéance de notre rendez-vous chez l’esthéticienne ou par oubli d’acheter des rasoirs, il se présente
toujours comme le sauveur de notre dignité. Il n’en est que plus vicieux et plane audessus de notre tête comme une épée de Damoclès. Et tandis qu’il prend un malin plaisir à arracher de sa multitude de petits doigts métalliques notre toison, ne vous arrive-t-il jamais de vous demander « mais qui a bien pu inventer un pareil objet ? » Lorsqu’il eut fini d’affectionner les casse-têtes, brodequins et autres objets de tortures contondants, l’Homme se résolut à créer un modèle plus modeste. Une sorte de version de poche. Pour faire simple, il a abandonné le format familial au profit de la portion individuelle. Mais là où cette innovation apparaît comme spécialement vicieuse, c’est qu’elle agit dans l’ombre. Aucune revendication, juste un plaisir sadique dissimulé sous ses abords de gentil ange gardien. Mais bon, me direz-vous, il faut bien que l’on se débarrasse de nos poils. (D’ailleurs, c’est généralement à ce moment qu’il nous vient à l’esprit des idées saugrenues comme d’en faire des pinceaux. Bah quoi ? On en fait bien avec ceux des chevaux !) De plus, ce racisme à l’égard des poils apparaît
comme quelque chose de typiquement français. Il suffit d’ouvrir un dictionnaire pour nous rendre compte que nous faisons soigneusement la distinction entre cheveux et poils. Nos voisins européens semblent, sur ce point, bien plus libéraux. Les plus tolérants, ce sont les Anglais. Avec eux, poils et cheveux sont mis sur un pied d’égalité et héritent du joli titre de « hair ». Les Espagnols sont déjà plus méfiants. Si « pelo » semble regrouper sous son universalisme poils et cheveux, les hispanisants prendront soin de rajouter aux cheveux le noble titre de « cabello » dont les poils se trouvent démunis. En France, décidément, poils et cheveux, ça n’est pas la même chose ! Et ces poils d’ailleurs - ennemis jurés de nos sorties piscine - ne sont pas tous logés à la même enseigne. Alors que les sourcils sont sculptés, dessinés ; les cils, adulés, courbés (et, pour ainsi dire, maltraités) ; la barbe chez les hommes, valorisée ; le reste de notre pilosité souffre d’un terrible apartheid. Afin de compléter ce génocide, quand notre appareil de torture favori nous semble bien désuet, place aux grands moyens. Il faut dire que
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des temps modernes l’on a bien su se diversifier. Pour vous qui écoutez de la musique lorsque l’épilateur électrique met à mal vos jambes (pour penser à autre chose et, il faut bien le dire, pour cacher l’affreux rire sardonique de cet immonde appareil satanique), on vous fait une petite liste exhaustive de l’artillerie lourde : Le rasoir : pas très glamour, on vous l’accorde, mais en cas d’urgence ou pour les coups de flemme… La cire chaude : il est vrai que c’est toujours plus sympa en institut. L’esthéticienne nous parle de ses vacances, et, il ne faut pas se mentir, la cire ça sent bon. La bande de cire froide : on n’a jamais compris comment ça s’enlevait… La pince à épiler : certainement la première chose à laquelle on pense… Toutefois, imaginez le temps que cela doit prendre à Victoria Karembeu pour avoir des jambes parfaites avec ce type de pratique.
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La lumière pulsée : quand on a décidé d’en finir une bonne fois pour toutes avec les poils. Et puis c’est vrai,
c’est high-tech. Enfin pour les aficionados du thé, imaginez une esthéticienne en train de verser ce précieux breuvage directement sur vos jambes… On y est à peu près. Le laser : pour ceux qui se sont crus dans un célèbre blockbuster hollywoodien. Le vieux ruban adhésif marron du dernier déménagement : oui on a essayé, et pas que sur le vieux pote bourré en soirée. Quoi qu’il en soit, toutes ces histoires de poils ressemblent plus à un phénomène de société (ou de masochisme, allez savoir) et on pourrait tout à fait imaginer un monde où le poil aurait été adulé. Et si les poils opprimés obtenaient leur revanche ? Et qui sait, peut-être serionsnous tous très beaux, crânes épilés, visages imberbes et corps poilus !
Tabous II : Poils
PEOPLE au poil ! Noa Galimidi r Chaque célébrité a sa marque de fabrique, son look bien à elle, et plus particulièrement sa pilosité personnelle. Ladies and gentlemen, laissez-moi vous présenter le top 10 des poils les plus connus dans l’univers people. FRIDA KAHLO LE mono sourcil le plus connu du monde. Du Mexique jusqu’en France, Frida Kahlo a rendu ce surplus de poils totalement iconique. Bien plus qu’un simple moyen de se différencier de ses collègues, le mono sourcil, qu’exagère l’artiste dans ses autoportraits, est aussi un moyen d’affirmer la part masculine de son caractère (également renforcée par sa moustache), et de secouer les codes esthétiques de son époque – caractéristique du surréalisme. FREDDIE MERCURY Si Bohemian Rhapsody est représentatif du groupe Queen, la moustache de Freddie Mercury – chanteur et leader du groupe – est l’élément caractéristique de l’idole rock’n’roll. Plus qu’un amas de poils empêchant la transpiration de dégouliner sur les lèvres et
dans la bouche, la moustache de Freddie est un symbole de son homosexualité : adoptée par le chanteur dans les années 1980, elle suit la mode « nouveau clone » lancée par plusieurs homosexuels londoniens de l’époque et devient donc synonyme de sa liberté sexuelle. SALVADOR DALÍ C’est la moustache publicitaire la plus célèbre de tous les temps. Elle est la star d’un recueil de photos prises par le célèbre Philippe Halsman dans son livre Dalí’s Mustache où elle est le personnage principal. La moustache de Dalí a été élue « moustache la plus connue » en 2010 dans un sondage par MSN Him pour promouvoir le Movember. Tout comme son compagnon, le mono sourcil de Frida Kahlo, la moustache en croc de Dalí représente elle aussi, avec un peu d’humour, le mouvement surréaliste. S’inspirant au départ de Velázquez, cette moustache a largement dépassé son maître ; de fait, si elle pouvait tenir un stylo, elle signerait probablement plus d’autographes que son propriétaire. CARA DELEVINGNE Découverte en 2011 avec ses
sourcils touffus, ce mannequin est à l’origine d’une vraie révolution beauté. S’il fallait auparavant s’épiler quasiintégralement les sourcils afin qu’ils soient le plus fin possible, voire les épiler complètement pour les remplacer par un minuscule trait de crayon, mesdames soyez rassurées, grâce à Cara, nous pouvons enfin ranger nos pinces à épiler et laisser nos sourcils s’épanouir dans toute leur splendeur sauvage. Ne plus s’épiler et être au top des tendances : que demande le peuple ? GANDALF / DUMBLEDORE / ZEUS / LE ROI TRITON Tous des vieux sages badass avec une longue barbe blanche qui semble aussi douce et brillante qu’une crinière de licorne. Qui n’aimerait pas avoir une pilosité aussi soyeuse ? Personnellement, sur une échelle de 1 à crinière de licorne, je me situe à un modeste 7. Il faudrait une bonne dose de magie pour que mes multiples shampoings, masques capillaires et autres conditioner transforment ma tignasse bouclée mais rebelle en chevelure aussi disciplinée que la barbe du Moïse de Michel-Ange. 14
CHARLIE CHAPLIN Acteur légendaire à la moustache mythique. Cette petite moustache en brosse, indissociable du personnage de Charlot, ressemble étrangement à celle d’Hitler me direz-vous ! En effet, Charlie Chaplin se sert de cet attribut pileux afin de mieux parodier l’affreux nazi dans son film de 1940 Le Dictateur. Elle entre ainsi dans la panoplie culte de l’acteur avec son chapeau melon, son costume difforme et sa canne en bambou. CHEWBACCA / HAGRID Ces deux rôles secondaires mais sur-dimensionnés incarnent les personnages les plus poilus de l’histoire du cinéma. Peut-on décemment les imaginer imberbes ? Dans l’affirmative, on aurait tout au plus la vision de deux gros poulets déplumés. HARNAAM KAUR Le jeudi 8 septembre 2016, Harnaam, 24 ans, est entrée dans le Livre Guinness des Records comme étant la plus jeune femme à barbe du monde. Féministe à sa mâle manière, cette jeune femme exhibe une barbe complète afin de libérer la femme des diktats de beauté imposés par la société. Après une adolescence difficile marquée par les moqueries, elle décide enfin d’assumer sa beauté, et célèbre publiquement tout ce que la société qualifie de défauts en affirmant : « No matter who you are or what you look like, you are officially amazing ! » (Peu importe qui tu es ou à quoi tu ressembles, tu es officiellement incroyable !). 15
NAPOLÉON III Ceux qui sont déjà allés voir l’exposition Spectaculaire Second Empire au musée d’Orsay ont encore bien en tête (façon de parler) la barbe et la moustache majestueuses de Napoléon III. Ainsi nommée par sa faute, Napoléon III porte ce qu’on appelle aujourd’hui la barbe à l’impériale : une moustache taillée au cordeau et une grande barbiche pointue. Messieurs, si vous souhaitez vous faire remarquer par votre allure à la fois royale et vintage, ce style de barbe est fait pour vous (petit bémol, si la coupe n’est pas parfaite, votre apparence peut très vite virer au look « Professeur Tournesol »). MOBY / HUGH BRENNER Dans ces deux cas, c’est plus précisément l’absence de tout poil qui se fait le plus remarquer. Ces deux personnages déjà populaires sont propulsés au rang de légende grâce à leur pilosité inexistante. BONUS : LES HIPSTERS Cette nouvelle espèce d’hominidé, venue tout droit des quartiers bobos parisiens rive Gauche est reconnaissable de loin grâce à sa barbe complète, longue, garnie, mais bien taillée (ce qui la différencie immédiatement de la barbe djihadiste). Elle sera également associée à un style inimitable : chemise boutonnée jusqu’en haut fermée d’un nœud papillon assortie à un vieux Levi’s retroussé à mi-mollet ; peu
importe les saisons, qu’il neige ou qu’il vente, la cheville du Hipster sera toujours dénudée et ne tolèrera aucune chaussette. Si vous tombez sur un vrai Hipster original, il aura un petit vélo pliable et des lacets assortis à sa chemise (la claaasse !). FASHION FAUX PAS : LA BARBE DJIHADISTE C’est la barbe la plus tristement célèbre de notre temps, celle qu’on redoute de croiser dans le RER à une heure de pointe. D’un point de vue mode tout à fait objectif, c’est l’antithèse de la barbe fashion : un regroupement anarchique de poils hirsutes dans lesquels il n’est pas rare de retrouver des miettes de chips et quelques moustiques fossilisés, perdus dans cette masse étouffante et touffue. D’un point de vue moins objectif, cette barbe est surtout menaçante lorsqu’elle s’accompagne d’une ceinture d’explosifs. P. S. : j’ai tenté de conserver une parité homme/femme mais bon, il faut bien l’admettre, les hommes sont souvent plus poilus que les femmes. Mais qui sait ? Ce numéro du Louvr’Boîte vous donnera peut-être envie, mesdemoiselles et mesdames, de sortir tous poils dehors et rejoindre ainsi notre classement !
Tabous II : Poils
Bastien Hermouet
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La question est étrange, elle prête à sourire même, mais mérite peutêtre réflexion. Si nous y réfléchissons un peu, on se rend compte que la sculpture, quel que soit le type de matière ou de travail, s’accorde mal avec la nature même du poil (cheveux compris) si léger, fin et quelques fois presque en apesanteur (comme Calogero tmtc). À y regarder de plus près, la représentation pileuse dans le marbre, le bronze, la pierre, l’argile ou le plâtre tient presque du langage symbolique, particulièrement pour ce qui ne concerne pas les cheveux. Les peaux sont lisses, désespérément lisses, seule une masse crêpée couronne le crâne pour la plupart de nos chères Vénus, Diane et autres Daphné, on ne compte aucune incision,
rien ne trouble l’immense océan veiné méditerranéen. Chez nos amis Aristée, Encelade et Phobos, la question est plus diverse : la barbe fait progresser la masse capillaire vers le sud. Elle n’est pas seule, l’ornement pénien est surmonté de légères incisions ou d’une masse plus affirmée, c’est selon. Le type du mal viril à la Agamemnon sera, lui, également orné d’une petite touffe au niveau du sternum ; touffe qui n’est pas vraiment à l’image de la toison d’un rugbyman, elle ferait plutôt penser à la crête d’un skinhead après une nuit agitée. Les archétypes masculins de chaque âge trouvent dans la pilosité plus qu’ailleurs la marque de leur classe générationelle : présence et longueur de barbe et des deux petits amas touffus dans l’axe du torse.
C’est un langage pleinement conventionnel, les marques cutanées plus réelles comptent moins que ces symboles pileux. Cet aspect symbolique du poil dans la sculpture se prolonge dans sa représentation même, qui en est à la fois la conséquence et l’origine. La difficulté de représenter le poil dans les techniques du modelage ou de la taille, malgré quelques réussites miraculeuses - Bernin est d’une délicatesse follement inouïe dans la moustache de Louis XIV oblige à l’évoquer plus qu’à le représenter pleinement. Les sculpteurs allient parfois un grand « naturalisme » des chairs (vous savez les fameuses qui « palpitent »), avec un langage finalement archaïque puisqu’opposé au réel.
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Le poli contre l’incise : le langage pileux de la sculpture La représentation sculptée tient donc dans son ensemble plus de l’artifice que du réel proprement dit. Barye dans ses Lions évoque les qualités du pelage qu’on imagine volontiers léger et soyeux comme dans une publicité Franck Provost, sans pour autant qu’il soit proprement une imitation du réel. L’antique, et la sculpture qui s’en inspire le plus, ne renouvellent pas vraiment une représentation stéréotypée de grosses mèches bouclées, les cheveux de marbre ne peuvent qu’être solidaires, jusqu’à parfois ressembler à de gros paters. À la fin du XIXe siècle, cette forme compacte évolue, elle devient chez certains une masse indéterminée, quelque peu incisée mais qui évoque la matière vivante en formation entre les mains du sculpteur, le démiurge créant un nouvel Adam. On abandonne la convention pour l’expressivité, celle qui sait rendre ce bouillonnement créatif, qui a tant en commun avec l’évanescence du cheveu (ou la célèbre délicatesse d’un poil pubien). Mais encore une fois le poil reste symbolique 17 dans sa représentation et
limité à quelques zones denses, désolé pour les amateurs mais jamais aisselles de Vénus ou d’Apollon ne furent ornées. L’œil occidental s’est pourtant habitué à ce rendu, sans y voir d’archaïsmes et en qualifiant de profondément réalistes des représentations qui n’en sont finalement pas. La monochromie hégémonique dans la sculpture occidentale entre dans le même registre : la représentation du corps n’est valable que mise à distance
Aurélien Locatelli W
du réel, la représentation plane de la peinture tient du même constat. Le malaise de beaucoup devant l’hyperréalisme, celui du corps, prolonge ce sentiment que l’œuvre qui représente le corps est un miroir qui doit obligatoirement l’embellir et l’idéaliser en faisant disparaître certains éléments indésirables comme a pu l’être le poil, élément bien trop animal, loin de la pureté divine.
Tabous II : Poils
De la liberte d’etre velue (ou non) Envy
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Sans partir dans un discours féministe qui serait ici malvenu et stérile, il faut reconnaître la différence entre les hommes et les femmes quant au sort de leurs poils : mesdames, soyez imberbes, ou vous serez considérées comme sales, dégoûtantes, repoussantes. Messieurs, sans barbe, sans poils, vous serez vus comme des enfants, des pré-pubères, soyez velus, soyez ours. Possédant un vagin, je ne puis me prononcer sur la condition du système pileux masculin. Cette perspective sera donc celle d’une femme se demandant pourquoi on ne la laisse pas jouir tranquillement du choix de sa pilosité. C’est donc soumises au regard formaté par la société que nous avons perdu un droit, celui de faire ce que l’on veut de nos poils. Il y a deux écoles : la première refuse catégoriquement le poil. Associé à la saleté, la sueur, les morpions, et autres miasmes corporels, les toisons pubiennes, moustaches, aisselles et autres zones velues doivent être épilées, entretenues, idéales, parfaites. Les corps doivent être lisses, comme sur les publicités, comme dans les pornos. Je ne stigmatise pas le cinéma pornographique – qui a des bons côtés comme des mauvais – mais l’habitude de cette vision imberbe
acclimate le consommateur et façonne intrinsèquement sa sexualité. Je trouve donc cela dommage que l’on ne puisse pas garder ses poils sous peine de jugement à propos de la propreté d’une personne. Oui mes amis, le poil c’est propre, et c’est utile. La seconde école se pose comme l’exact contraire de la première : laissez-nous garder nos poils, et basta. De plus en plus de filles abandonnent épilateurs, rasoirs et autres instruments de torture pour laisser leur fourrure s’épanouir sur leurs jambes, au-dessus de leurs lèvres – quelles qu’elles soient. Le pire, c’est que ça choque, ça surprend : on est peu habitué à voir une fille lever les bras et exhiber une belle toison, et on a tous entendu des histoires de mecs choqués parce qu’une fille présentait une jungle pubienne. Et si nous laissions ces demoiselles choisir de leur beauté ? Pourquoi considérer le crin comme laid, d’ailleurs ? Tous les goûts sont dans la nature, et la beauté velue est une beauté aussi. Le choix est difficile. Choisir de ne pas garder ses poils, c’est aussi se faire juger. Quand, à la puberté, les premiers poils arrivent, beaucoup de questions
se posent, surtout pour le maillot. Je me rappelle des conversations très sérieuses entre filles, qui arrivent encore aujourd’hui. Certaines qui ne touchent à rien, d’autres qui taillent, brésilien, ticket de métro, intégrale et j’en passe : chacune son choix. Et pourtant, combien de fois ai-je entendu « Ah mais elle, elle est dégueu, avec ses poils qui dépassent » ou bien au contraire « Ah tu fais l’intégrale ? Oh non j’aime pas ça fait actrice porno. Ou gamine pré-pubère. Ça fait pédophile pour le mec. Pourquoi tu fais ça ? ». Quel que soit le camp choisi, le sujet est délicat : le garder, le cacher, l’exhiber, le teindre pour le camoufler ou pour en faire un manifeste ostentatoire d’amour du poil, on a beau choisir notre camp, il y aura toujours quelqu’un – de n’importe quel sexe - pour juger négativement votre épilation. Revendiquez votre beauté, teignez vos poils en rose, rasez–les en forme de cœur ou aux initiales de votre amant, enlevez tout, laissez pousser, faitesvous des tresses ou épilez définitivement, bref : soyez libre de votre fourrure. 18
Bastien Hermouet W
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Tabous II : Poils
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Envy
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Amis du poils, férus d'histoire de l'art, saurezvous retrouver à quelle œuvre appartient cette toison ? P.S. : chaque mauvaise réponse ne doit pas remettre en question ta vocation d'Edlien.
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Tabous II : Poils
Interview de Museonaute Margaux Ruaud
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Si vous ne la connaissez pas encore, courez devant votre ordinateur, connectez-vous sur la Toile, et regardez les vidéos de la chaine Muséonaute. Chloé et Guillaume sont deux étudiants de l’école récemment lancés dans la grande aventure Youtube. Ils ont accepté de répondre à nos questions, sans jamais se départir de leur humour et de leur bonne humeur. Bonjour Muséonaute ! Guillaume : Bonjour ! Chloé : Bonjour ! Avant de commencer avec des questions un peu difficiles qui risquent de vous mettre dans l’embarras, pourriez vous présenter, me dire qui vous êtes ? C: Bonjour Guillaume bienvenue aux alcooliques anonymes. G: J’ai arrêté de boire depuis 3 ans… depuis trois heures plutôt… Donc je suis en troisième année à l’Ecole du Louvre. Je suis en spécialité XIXe et XXe siècle, donc j’ai deux spécialités. Quoi d’autre dans la vie ? Je fais des vidéos sur Youtube. J’ai fait une année d’anglais, fac tranquillou, pour me mettre bien et quand même finir dans les trois premiers de la promo. Moi tu vois je suis bilingue
niveau 5 tout ça. RPZ. Voilà à toi Chloé. C: ALORS bah moi c’est Chloé je suis aussi en spécialité XIXe… G: Enfin t’as fini. C: Oui j’ai fini. J’étais en spécialité XIXe mais je suis toujours en troisième année parce que j’ai eu la chance et le bonheur extrêmes de redoubler. Je suis arrivée à l’école directement en sortant du bac parce que la licence d’anglais… c’est pour les nuls ! G: Grave mais totalement, j’assume ! C: Voilà, et je fais des vidéos sur l’internet. Maintenant que tout le monde se connait bien, parlons de la manière dont se déroulent vos émissions Muséonaute. Tout d’abord, comment se passent vos enregistrements et quel matériel utilisez-vous ? G: Au niveau du tournage on écrit déjà, c’est de longueur variable, ensuite on se fixe une date pour tourner, et ça dure quoi ..? C: Trois quatre heures. G: Oui trois heures de tournage un truc comme ça… pour dix minutes de vidéo. C: Après pour le matériel on a un vieil appareil photo Lumix à moi qui est vieux et pas
efficace… G: …Qui fait le taf. C: …Oui il fait à peu près le taf. G: On a aussi investi dans un micro ZOOM H2N et qui fait très bien son taf aussi. A propos de l’écriture, est ce que tout est scripté quand vous parlez devant la caméra ou y’a-t-il une part de naturel ou d’improvisation ? G: Il y a beaucoup beaucoup de script, on a un script entier pour la vidéo. C: Mais ça a un peu évolué. Sur nos deux premières vidéos, tout est écrit, c’est précis. G: Même mes blagues nulles. C: Oui même les blagues nulles sont scriptées [rires] Comment choisissez-vous vos sujets ? C: Il y a plusieurs facteurs. Dans la première vidéo on a essayé de partir sur un sujet un peu général qui pourrait servir aux gens. En fait le but général c’est de ne pas parler d’une œuvre en particulier ou de choses hyper spécialisées ou trop larges. Le but c’est de… Bon ça va être cliché ce que je vais dire. G: Et très paradoxal. C: Il faut que ce soit suffisamment précis mais qu’on donne suffisamment
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d’éléments aux gens pour qu’ils puissent les réutiliser dans le musée. Le but est de donner à chaque fois des clés qui peuvent être utilisées sur plein d’œuvres différentes. Si on parlait d’une seule œuvre ce serait compliqué de remettre des infos qu’on donne sur d’autres œuvres. Du coup on essaie de prendre des thèmes, par exemple l’image en Egypte, où on donne des explications qui peuvent être utilisées sur plein de pièces égyptiennes. G: On a beaucoup d’idées sur les périodes et les thèmes qui peuvent être abordés, mais je crois qu’on est attachés à ne pas que faire du moderne ni de l’européen. On essaie d’aborder d’autres arts. C: On essaie d’alterner…
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Quelles sont vos sources d’inspiration, tant par le contenu que par la forme ? G: Ça va surtout être autour du youtube game clairement. Je pense que sans trop prendre de risques, on peut dire que le Fossoyeur des films nous inspire beaucoup [ndlr : youtuber critique de cinéma] et Axolot [ndlr : youtuber culturel à sujets insolites]. Pour nous c’est les deux boss. C: En termes d’inspiration sur le contenu, on n’avait pas trop
de modèle. Il y avait beaucoup de youtubers qui parlaient d’art, mais à l’époque on ne le savait pas. Une des raisons pour lesquelles on s’est mis à ça, c’était de se dire que c’était un domaine dont on ne parlait pas trop. G: Il y a aussi de la contreinspiration. Par exemple on ne veut pas faire comme NaRT, qui fait le surréalisme etc. On veut un angle d’attaque. Si vous deviez choisir chacun quelqu’un qui vous inspire particulièrement, dans le domaine de l’art et de la médiation internet ? G: Chloé [rires] C: Il est sérieux…. G: Dans le domaine de l’art précisément ? J’aime beaucoup Art comptant pour rien, au niveau du contenu et de la forme, même si je ne suis pas très art contemporain. De tous les youtubers c’est elle qui m’inspire beaucoup. C: Moi c’est pas tout à fait de l’art, mais C’est une autre histoire de Manon Bril. Pas tellement pour la forme, parce elle est un peu particulière, mais plus en terme d’énergie, de fun, de ce qu’elle injecte personnellement dans son sujet. Je pense qu’on arrive pas à faire ça pour le moment.
A propos des youtubers art, 2016 a été assez puissante à l’Ecole du Louvre pour les youtubers, Reg’art est sorti et vous êtes apparus juste après. Est-ce que le fait que Reg’art, créé par des étudiants de l’école, se lance, vous a motivé pour commencer ou est-ce fortuit ? G: Ça a peut-être un peu joué, mais pas tant que ça. On avait tous les deux des idées de notre côté avant, on voulait aussi lancer une chaine Youtube. Un jour, je ne sais pas comment c’est entré dans la conversation, Reg’art était déjà sorti depuis deux ou trois mois, on s’est dit « vas-y on se lance », « s’ils peuvent le faire pourquoi pas nous ? ». C: Ça a peut-être ravivé l’envie. C’est quelque chose auquel je pensais, comme ça dans un coin de ma tête, en me disant que ce serait cool. je ne savais si j’y arriverais à cause de toute la partie technique comme le montage, que je n’avais jamais testé avant. Quand ils sont sortis, ça m’a rappelé que j’avais cette envie. Du coup il y avait un côté, comme le dit Guillaume, « ça existe en vrai, on peut le faire ». Des gens de l’école comme nous qui n’ont pas de formation technique, donc nous qui
Tabous II : Poils
débarquions pouvions le faire aussi. Après pour être honnête, avant qu’on commence, je ne regardais pas leurs vidéos. Je savais qu’ils existaient mais je ne les avais pas vus. Est ce que vous faites tout du début à la fin tous seuls, mis à part le sous-titrage ? Chloé: Je fais le sous-titrage. On a un traducteur, mon filleul à l’école du Louvre qui est venu il y a deux ans passer une année. Il nous fait la traduction pour aller plus vite - et il a envie de pratiquer son français - donc il fait la traduction en anglais, mais je les rentre dans l’appli Youtube. On fait tout de A à Z. On fait aussi les recherches, même si des copains nous ont un peu aidés. Mais nous faisons les recherches, l’écriture, le tournage, le montage, le sous-titrage, la comm’… Guillaume: Il faut aussi dire qu’on n’a aucune expérience. On a eu des conseils d’un pote de Chloé ingé’ son et j’ai un pote qui travaille dans le montage ciné. Ce sont des conseils d’un peu partout qu’on a appliqués quand on s’est lancés puis après on se fait la main.
Passons maintenant à votre rapport à l’école. Est-il difficile de concilier les études et Muséonaute ? G: Pour l’instant je trouve que ça va. C: En période d’examen on en reparlera. G: Oui c’est vrai qu’on s’est lancés après les exams. Je me souviens on s’était dit quand on a lancé la chaine « bon on fait les exams on verra après hein. » On fera peutêtre une petite pause. C: On a fait deux ou trois vidéos en période de grandes vacances. Donc finalement la conciliation des deux est assez récente. Pour l’instant ce n’est pas impossible. C’est un peu comme un loisir qui prend du temps. G: Personnellement, et je pense que pour Chloé aussi, la priorité c’est l’école, de finir les études. Muséonaute est quelque chose qu’on fait à côté. On a envie de se faire plaisir et de partager, si ça nous prend la tête on ne fait pas. Si on n’a pas envie d’écrire on n’écrit pas, si on n’a pas envie de faire du montage, on ne monte pas et on fera après. On n’a pas de deadlines et c’est quelque chose qu’on fait pour se faire plaisir, pour partager.
Nous avons remarqué à la rédaction que vous ne mettez pas l’accent sur votre appartenance à l’école. Est ce que vous essayez de vous démarquer de ce milieu pour toucher un public plus large, plus internophile, que celui de l’école ? G: C’est un peu pour ça qu’on fait des vidéos d’histoire de l’art, mais on ne va pas le rabâcher. C’est quelque chose qu’on fait à côté de nos études, donc on ne fait pas ça pour l’école, ni dans l’école. Je ne sais pas ce que tu en penses Chloé, mais en tout cas j’essaie de m’en détacher. C: C’est aussi qu’on essaie de toucher un autre public. Notre chaine Youtube n’est pas contenue dans l’école. Quelque part le public qu’on vise n’est pas que celui-là, voire pas celui-là du tout. Les gens de l’école savent déjà ce dont nous parlons. C’est pour ça qu’on ne le met pas spécialement en avant. Mais ce n’est peut-être même pas un choix conscient. Comment est ce que vous considérez Youtube en termes de médiation ? C: Sur Youtube, ce qui est bien c’est que c’est assez libre. Il n’y a pas de deadline. Il y a un public qui peut regarder ou pas, qui peut commenter,
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partager. Je pense qu’au niveau du partage, c’est l’outil le plus approprié. C: Ça offre une grande liberté de ton aussi. Ce qu’on fait, on ne pourrait pas le faire pour un musée. C’est un ton qui n’irait pas. Sur Youtube, personne ne nous dit « il ne faut pas parler des choses de cette manière là » ou « il ne faut pas être trop dans l’humour ». Pensez-vous que votre émission fait partie de ce grand mouvement de vulgarisation ? G: C’est de la vulgarisation de l’art, mais pas dans le mauvais sens du terme ! C: C’est peut-être la seule contrainte du format Youtube. Ce n’est pas un format qui se prête à une vidéo d’une heure et demie sur un sujet précis et détaillé. Là ce ne serait plus de la vulgarisation. Certains le font, comme SOS Art, une autre chaine qui prend les sujets et les aborde vraiment en profondeur. Quelle est votre vision de la culture à travers internet les réseaux sociaux ? C: Je pense qu’il y a plein de choses qui se font surtout en terme de numérique. Ça se développe vraiment et c’est hyper intéressant. 25
G: Cela dit ce n’est pas assez valorisé. C: Quand on voit les politiques numériques des grands musées, on se rend compte que ça va mettre des années avant de bouger et c’est dommage parce que c’est maintenant qu’il faudrait agir. G: Il y a plein de contenus intéressants et je pense n‘en avoir vu que 10% pour ce qui est de la diffusion de la culture, en tout cas dans les nouveaux médias. Tout le monde y a accès et peut poster ce qu’il veut. On peut être perdu, mais tout le monde peut trouver son bonheur aussi. Il suffit de chercher un peu. Je pense que les gens n’ont pas envie de chercher. Ils vont rester sur leurs émissions de radio sur France Culture ou France Inter, sur Des racines et des ailes, etc. on ne les blâme pas, mais il y a tant de choses à découvrir. C: C’est beau. En ultime question, pourriez-vous donner des conseils à quelqu’un qui voudrait se lancer dans la même aventure que vous ? G: Se faire plaisir. C’est le point principal, il ne faut pas se prendre la tête. Si tu te prends la tête ça ne sert à rien.
À part si tu veux y consacrer ta vie… C: Je pense qu’il faut s’amuser et se sentir libre. Le principe de Youtube est que tous les formats peuvent marcher et toutes les idées aussi. Il faut se donner à fond, se sentir libre et prendre plaisir. C’est le plus important. Et nous on essaie de s’en rappeler quand on est au bout d’une semaine de montage et qu’on galère ! G: Qu’on a envie d’ex-plo-ser l’ordinateur. On se dit « On fait ça pour se faire plaisir. » Pour se dire au revoir, donnez moi un mot chacun, qui vous fait plaisir. C: Callipyge G: J’en ai aucun ! C: Fais mieux que ça maintenant ! G: Crapahutage. C: Tu rajouterais quel mot à la phrase ? Constitutionnel ! G: Combo ! Merci ! C: Bye Bye !
L’instant p.a.m.
Le poil en guerre : coupes de circonstances et héroïsme populaire
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Bastien hermouet
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Yohan Mainguy
Démystifier le « poilu » Depuis le collège, on nous a rabâché sans arrêt la même chose : lors de la Première Guerre mondiale, les soldats furent appelés « poilus » car le manque d’hygiène dans les tranchées ne leur permettait pas de se raser, etc. En clair, le combo barbe-moustache du poilu serait comme le béret de Justin Bridou : un gage d’authenticité. Si les conditions de vie et d’hygiène dans les tranchées étaient certes déplorables (et le mot est faible), il est toutefois peu probable que les soldats revenaient totalement hirsutes du front : malgré l’âpreté des combats, le règlement reste strict et les officiers veillent au grain. Le peu d’hygiène accessible est obligatoire, ne serait-ce que pour garder les troupes en état de se battre. Au niveau des cheveux, impossible de garder une quelconque longueur à cause des problèmes d’hygiène… Poux, lentes et autres invités surprises sont combattus avec hargne. Le cas de la pilosité faciale est légèrement différent, notamment pour la moustache : très à la mode à l’époque, elle est parfaitement acceptée à l’armée. Au front, compte tenu des conditions de vie dans les tranchées, la barbe de trois jours était sans doute tolérée. Risquer des infections en se rasant de près avec une eau sale n’a jamais été une bonne idée.... En revanche, la barbe type Robinson Crusoé n’a sûrement jamais été acceptée ni vue d’un bon œil par les officiers supérieurs… Quoi qu’il en soit, l’utilisation du masque à gaz dès 1915 sonne le glas des moustaches trop épaisses et barbes en tous genres. Pour une raison simple : le port de la barbe crée des interstices entre le masque à gaz et la peau, permettant au gaz de s’infiltrer et rendant donc le dispositif de protection totalement inefficace. À l’origine du poilu, une expression populaire Le surnom de « poilu » serait un mot tiré de l’argot. Il a un côté affectif, presque gratifiant envers les combattants : le poil est montré comme un symbole de virilité et donc de courage. Il semble que ce surnom ait parfois été utilisé avant la Première Guerre mondiale pour désigner les soldats français en général, mais à partir de ce conflit, il est communément adopté pour désigner les combattants puis les vétérans de la Grande Guerre. Quoiqu’on y trouve à redire, l’évocation du poil comme attribut de la virilité et du courage a tout à fait sa place dans la guerre totale, ne serait-ce que pour la mythologie populaire qui se développe autour de l’aspect et de la psychologie du soldat. D’un point de vue propagande également, le surnom du poilu et l’image qu’on lui associe sur les affiches sont parfaitement efficaces. Dans l’inconscient général, le soldat avec ses mains terreuses et sa belle moustache se retrouve vite associé aux paysans et ouvriers qui, à l’arrière, œuvrent tout autant pour la victoire. Le surnom de poilu peut donc s’avérer un moyen efficace de gratifier non
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seulement le combattant mais aussi les couches populaires dont il est issu. Le poil civilisé Certains clichés pris dans les tranchées donnent à voir des barbes et moustaches impeccablement taillées. Alors non, la mode Hipster n’a jamais traversé les tranchées. Prendre soin de son apparence est tout simplement un moyen efficace de garder un peu d’humanité au milieu des atrocités de la guerre ! Entre deux tours de garde, on se met donc à tailler barbes et moustaches avec soin, loin de l’image fantasmée du soldat hirsute. Même si celui-ci piétine toujours dans la boue et que les conditions d’hygiène sont désastreuses, c’est un fait... Les soldats coiffeurs ou barbiers dans le civil sont sollicités par leurs camarades : ils demandent parfois en échange une portion de tabac ou de toute autre ration. On imagine sans peine que, faute de barbier dans le groupe, des amateurs s’y sont également essayés. Des boutiques improvisées de coiffeurs et barbiers voient même le jour à l’arrière comme au front : pas de là à monter des ateliers à la Moustache is Good, mais quand même. Il faut savoir à cet effet que certains soldats refusaient le surnom de « poilu » à cause de l’image de soldat hirsute et crasseux qu’elle pouvait renvoyer. On le lit dans un article du Figaro du 9 juillet 1918, où le journaliste Jean Psicharo s’était penché sur l’origine du sobriquet : « D’où vient, maintenant, ce je ne sais quoi de pénible, de cru, allons plus loin, de malséant qui, dans notre poilu, blesse des poilus même ? « Je ne trouve pas ça bien du tout », me déclarait l’un d’eux avec une moue. J’en ai vus se fâcher rouge d’être interpellés de la sorte. » Le poil héroïque En cherchant un poil plus loin, il est possible de soulever d’autres hypothèses sur le sujet. Non pas sur l’étymologie du terme « poilu » mais plutôt sur la raison de son utilisation dans les médias officiels et indépendants durant la Grande Guerre. L’une de ces hypothèses serait de voir dans le surnom de « poilu » une référence, consciente ou non, aux héros des temps passés. Parmi eux, une figure domine et non des moindres : celle du guerrier gaulois, plus précisément de Vercingétorix. En effet, celui que le roman national a élevé en héros est utilisé depuis la défaite de 1871 comme figure de proue de la
revanche sur l’envahisseur. Même si en 1870, c’est la France qui avait déclaré la guerre à la Prusse, mais on ne s’embarrasse pas de tels détails… Bref, le guerrier moustachu, stéréotype du Gaulois, est une image connue de tous dans la France de la Troisième République : elle est popularisée à grand renfort de monuments (voir l’imposant Vercingétorix de Millet sur le mont Auxois), de manuels scolaires et de planches de l’imagerie d’Épinal qui bénéficie encore d’une certaine notoriété à l’époque. Aussi le rapprochement avec le fier poilu de 14-18 est-il aisé, si ce n’est inévitable. À tel point que l’on retrouve les deux figures côte à côte sur certains monuments aux morts ! C’est notamment le cas dans le centre de la France, où Vercingétorix fait figure de héros plus que partout ailleurs. Il apparaît sur les monuments de Thiers (Puy-de-Dôme), Boënsur-Lignon (Loire) et bien d’autres encore. Le poil dans la guerre : une tradition qui se perd La traditionnelle image du soldat français moustachu se perd peu à peu après la Seconde Guerre mondiale. Elle fait désormais partie du folklore national, mais pas plus. En effet, à la fin de la première moitié du XXe siècle, le poilu est mis de côté. Les armées allemandes et américaines ayant occupé le devant de la scène, l’ambiance est plutôt à la guerre à l’after-shave qu’aux moustachus dans les tranchées. De plus, porter la barbe sur le terrain de nos jours est inimaginable pour la même raison qu’en 1915 : le port du masque à gaz. Le règlement militaire est très strict sur ce sujet. Et la légion étrangère me direz-vous ? La hache sur l’épaule, le tablier de cuir, la barbe et tout ça ? Alors oui, c’est vrai. Mais le privilège de la barbe épaisse est aujourd’hui réservé aux pionniers (ou sapeurs, rien à voir avec une quelconque mode vestimentaire) de la légion étrangère. Qui plus est, ce privilège n’est valable que dans le cadre du port de la tenue d’apparat, arborée seulement lors des défilés et de certaines cérémonies. Preuve en est, si vous êtes encore sceptiques, que les légionnaires qui patrouillent pour l’opération Vigipirate vers le Louvre sont toujours rasés de près. (Indice : ce sont ceux avec le béret vert.)
BISQUE de Gaumar Gaumar Matériel :
- une casserole (deux si vous vivez dans le luxe) - un couteau - un économe (optionnel) - une paire de ciseaux (de préférence de cuisine) - un petit bol
salade de cheveux d’anges
Ingrédients :
(pour une personne) - 50 grammes de vermicelles de riz (les fameux cheveux d’ange n’est ce pas) - une carotte - une poignée de haricots chinois écossés (disponibles dans tous les magasins d’alimentation asiatique au rayon surgelé) / une poignée de petits pois surgelés - des cerneaux de noix à convenance - des graines de sésame - le jus d’un demi-citron - une cuiller à soupe de sauce soja - deux cuiller à café de vinaigre de riz (peut se remplacer par le vinaigre de votre choix) - de l’huile d’olive pour la sauce (une cuiller à soupe) et la préparation
Indice calorique :
On s’en sort très bien sur cette salade végétarienne !
Niveau de difficulté : Plus facile que la facilité.
Temps de préparation :
Compter trente minutes pour ne pas être pressé.
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On sera tous d’accord pour dire qu’il n’y pas grand-chose de plus dégoûtant dans la vie qu’une boulette de cheveux… sauf quand ce sont des cheveux d’ange, aussi appelés vermicelles. Une fois n’est pas coutume, ce thème fut un vrai casse-tête. J’ai d’abord pensé à de la barbapapa mais rares sont les personnes à posséder la machine créatrice chez eux, vous en conviendrez. Vient ensuite la rhubarbe, à faire en tarte ou en confiture, passons sur l’originalité. Alors les cheveux d’ange, c’est certes une pirouette linguistique, mais au moins c’est sympa.
Processus créatif : • Dans de l’eau bouillante et salée, mettre les haricots dans l’eau et faire cuire entre 5 à 7 minutes (ils doivent être fermes en bouche mais pas croquants). Égoutter. • Éplucher la carotte et la couper en rondelles fines. • Faire bouillir de l’eau salée, y mettre les vermicelles de riz pendant trois à quatre minutes (l’aspect doit être translucide et absolument mou). Égoutter et rincer à l’eau froide pour arrêter la cuisson. Baigner les vermicelles d’huile d’olive pour qu’ils ne collent pas. A l’aide des ciseaux, couper dans la masse de cheveux pour obtenir un effet déstructuré-texturisé/pour que les pâtes soient plus courtes et donc plus faciles à manger. • Dans un tupperware, mélanger les pâtes, les haricots, les carottes, le sésame et les noix préalablement concassées. • Dans un bol à part, mélanger l’huile, le citron, la sauce soja et le vinaigre. • Verser dans le tupperware et mélanger le tout. C’est prêt ! Le plus de l’artiste : Comme souvent, ceci est une base de recette qui peut être changé à l’infini. L’avantage du vermicelle est que ça change du riz et de la pâte de blé, tout en ajoutant une sensation de fraicheur et de « je suis un thé matcha de bobo ». Vous pouvez donc ajouter de la viande, du tofu, du poisson, bref c’est magnifique. Le moins de l’artiste : Pour cette recette particulière, certains aliments, comme les haricots chinois, sont difficiles à trouver. Mais bon, on n’est pas dans top chef, personne ne vous jugera en mangeant la bouche ouverte. Entre nous : Margaux Les bons tuyaux, première séquence ! Pour avoir des légumes qui gardent leur jolie couleur gazon anglais à la cuisson et pas un vieux vert sapin sale, le secret réside dans le bicarbonate de soude. En ajouter dans l’eau bouillante pendant la cuisson de vos légumes verts rendra vos plats dignes d’êtres épinglés sur Pinterest. En espérant que vous apprécierez enfin d’avoir des nœuds dans les cheveux, on se retrouve le mois prochain pour une recette pas comme les autres… 29
La rencontre G-inger Point
Lorsque je rentrai dans la pièce, ce fut comme une apparition : Je n’aperçus que lui, seul au milieu du salon, calmement posté à côté du large canapé en cuir ; ou du moins ne distinguai-je personne d’autre dans l’éblouissement qu’il me renvoyait. Je passai à ses côtés pour me rapprocher de la commode et en profitai pour le regarder. Comme il restait immobile, je fis le tour de la pièce pour dissimuler ma manœuvre et m’assis sur le sofa, le plus près possible de lui. Je pris le roman qui y était posé et feignis de le lire. Jamais je n’avais vu un tel corps, massif et anguleux, la douceur de sa couleur ébène ni cette stature si imposante qui m’impressionnait. J’étais stupéfaite par l’image mêlée d’assurance et de douceur qu’il renvoyait. Quelle était son histoire ? Je souhaitais connaître le lieu d’où il venait, à qui il avait appartenu, qui le fréquentait et profitait de lui. La forte lueur qu’il dégageait lui donnait un côté irradiant, et je ne pensais plus qu’à une chose, m’approcher et le toucher. La porte d’entrée s’ouvrit et je fus prise de frissons. Le contraste entre l’air frais et la chaleur ambiante me surprit. Afin de me réchauffer, je tendais les mains vers lui. Plus je me rapprochais, plus je sentais le feu s’emparer de mes mains. Je n’osais pas le toucher, de peur de me brûler la peau contre lui. Les paumes tendues, je parcourais son corps en le frôlant de plus en plus près ; au fur et à mesure que sa flamme s’intensifiait, mes joues s’empourpraient. Ne pouvant plus tenir, je lui murmurai :
« À poêle ! ».
N.B. : Ce mois-ci, l’épilation étant déjà traitée, et les poils pubiens étant un peu un sujet téléphoné, G-inger s’est retrouvée un peu désemparée. C’est ainsi qu’elle vous a proposé le pastiche d’une première rencontre amoureuse très célèbre (l’avez-vous retrouvé ?). Elle tient à présenter ses excuses pour le jeu de mot plus que médiocre et reviendra en pleine forme, comme vous la connaissez, le mois prochain.
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État intérieur de G-inger Point voyant l’hiver arriver.
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Les courriers du palpitant Salut le Louvr’Boîte ! J’ai un petit problème, pas dans ma plantation, mais à la bibliothèque : un de nos rares garçons, malgré son fort joli minois, cocotte le parfum à 20m à la ronde. Je changerais bien de place, mais son odeur, aussi agréable soit-elle, embaume toute la pièce. Que faire pour essayer qu’il ne se vide plus une bouteille de parfum sur la tête tous les matins ? Bonjour cher nez, Sache que d’après nos informateurs, le-dit jeune homme aurait changé de parfum. C’est donc avec joie que tu vas pouvoir l’approcher sans risquer de mourir asphyxié-e. Des bisous, Le LB Coucou le Louvr’Boite ! J’ai un copain avec qui ça se passe à la perfection depuis plus d ’un an maintenant, mais je suis incroyablement attirée par un prof de TD. Je sais qu’il ne se passera jamais rien, c’est juste un fantasme, mais impossible de ne pas sentir mon cœur battre plus vite quand je le vois à l ’Ecole. Que faire pour conserver ma sérénité ? Coucou toi, D’après nos calculs, il nous semble peu probable que ton copain, pour des raisons évidentes, soit à l’école. Sache donc que comme ce qu’il se passe à l’école reste à l’école, nous te conseillons de tenter le coup durant la soirée d’intégration (plus communément appelée baisodrome) ou le gala (il faut parfois faire tomber les masques). Si il est chargé de TD extra-européens, tel que l’Inde ou la Chine, tu as encore plus le droit de foncer (cela n’est pas un message caché envers des chargés des-dites matières) Tendrement tienss, Le Journal
Envoyez vous aussi vos courriers du palpitant à l’adresse journaledl@gmail.com ; après la réunion de différents experts, la rédaction vous répondra dans les plus brefs délais.
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Cher Louvr’Boîte, Malgré les statistiques montrant la supériorité numéraire des femmes dans cette Ecole, et la croyance populaire voulant qu’il serait aisé à un humain XY hétérosexuel d’y lier une relation amoureuse, je ne semble pas avoir encore trouvé de jeune Edlienne qui fasse battre mon coeur. Que me conseilles-tu pour trouver l’amour ? Bonjour jeune homme Réorientes toi en Lettres, c’est statistiquement ta meilleure chance. Sinon notre G-inger Point nationale se fera une joie de s’occuper de toi. Courage ! Cher Louvr’Boîte, Je suis actuellement à la recherche d ’un partenaire avec qui passer des nuits torrides, mais il me manque un attribut majeur situé à l ’arrière du corps. Je suis quasiment dépourvue d’un tant soit peu de chair à l ’arrière-train. Mon cas est-il désespéré et la chirurgie esthétique est-elle mon seul recours ? Chère âme en peine, Comment penses-tu que Kim a séduit Kanye ? Pourquoi Ingres aurait-il peint son Odalisque de dos ? L’arrière-train est l’attribut par excellence de la drague, ne pas avoir revient à ne pas avoir de shampoing, pour citer les plus belle plumes de notre temps. Dans un cas si désespéré que tu sembles le décrire, la chirurgie semble un bon recours. Essaye peut être une cagnotte en ligne pour le financement, car il nous semble que ton cas est à la limite du projet humanitaire. Bisous, licorne et paillettes, La rédaction
Cher Louvr’Boîte, Depuis le premier regard j’ai un crush sur un membre de votre équipe. Mais elle ne semble pas m’accorder le moindre regard. Que faire pour qu’elle me remarque ? Salut vous, Deux solutions s’offrent à toi : tout d’abord tu peux apporter des gâteaux à la prochaine réunion, ça marchera à coup sûr. Mais si il s’agit de moi, ne sois pas timide et viens me voir, ou pourra faire connaissance autour d’un potage à la tomate. A bientôt j’espère, Une rédactrice en manque...
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FFP*
l’épilation à travers les âges
*Fashion Faux Pas
r Elise
Poirey
Des perruques égyptiennes aux barbes glitters
Il semble que l’épilation, et donc le poil, fut un problème pour l’Homme depuis la nuit des temps. L’Homme Préhistorique couvert de poils présent dans notre imaginaire collectif ne serait donc peut être qu’un simple mythe. On a notamment retrouvé des pinces à épiler datant de la préhistoire dans des sépultures. Selon un article de la Royal Society paru en 2003 « A naked ape would have fewer parasites », cette tendance à l’épilation ne serait pas tant esthétique mais plutôt climatique et hygiénique. En effet si l’Homme est à la base pourvu d’autant de poils c’est pour avoir chaud, tout comme les animaux, mais avec la découverte du feu, la sédentarisation et la généralisation des vêtements, garder ses poils ne serait plus si avantageux. De plus, à l’époque, ils permettent le développement de maladies. Même si cette hypothèse « climatique » est la plus acceptée par les scientifiques, il reste difficile de dater avec précision la date où naît l’épilation. Ce mythe d’homme de Neandertal hypra-poilu, se confondant avec le singe, s’oppose à l’homme civilisé qui, lui, est épilé. C’est peut être un moyen pour nous de nous rassurer, de se dire que nous n’avons plus rien à voir avec nos ancêtres les singes. Pour comprendre les raisons de l’épilation, il faut aller au IIIe millénaire avant notre ère en Égypte Antique. C’est à cette époque que se développe une culture de l’épilation en raison des croyances. Celle-ci était pratiqué grâce à des pinces à épiler et des rasoirs. Le poil étant associé à la saleté et l’impur, les pharaons et hauts dignitaires s’épilaient intégralement, signe ostentatoire de richesse et donc de pureté. Tout ça pour ensuite se mettre des perruques et des barbes postiches. Mais alors pourquoi souffrir si c’est pour se coller un postiche ? Tout simplement car ceux-ci étaient considérés comme l’attribut des dieux, et c’était alors important, voir indispensable, de penser à sa vie dans l’au-delà jusqu’au bout des cheveux. Peu de temps après, au IIe millénaire, on s’épile aussi chez les Phéniciens et en Mésopotamie. Il semble que les hommes s’ôtaient la barbe à l’aide de pince à épiler ou d’une crème à base de cire, d’eau, de sucre et de citron. Une sorte de DIY cire orientale en somme. Là encore, on peut y voir un signe aristocratique. Ce n’est que 500 ans avant J.-C. que l’épilation se démocratise dans toutes les couches de la population, en particulier en Grèce. Les femmes s’épilent alors le maillot, selon Aristophane, poète comique du Ve siècle avant J.-C. ce serait pour ne pas ressembler aux hommes. D’après Gerrit Cootjans cette tendance peut se noter dans les statues de l’époque : si l’Heraclès Farnèse et autres sont bien touffus, l’Aphrodite de Cnide à côté pourrait rendre jaloux l’emoji abricot. Pour cela les grecques utilisaient différentes méthodes. On pouvait se rendre dans des commerces spécialisés, mais aussi le faire chez soi grâce à des rasoirs ou crèmes dépilatoires. La petite préférences des femmes grecques était apparemment de se
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Dieu, comme tout le corps humain, on ne va pas l’enlever. Ainsi on ne s’est pas épilé durant cinq siècles. Avec les croisades au XIe siècle ça change un peu. En Orient, Jésus n’étant pas trop à la mode les hommes et femmes ont continué de s’épiler. Les croisées en rentrant ont trouvé que les poils entre les dents finalement c’était pas top, ils ont donc rapporté avec eux les recettes orientales de cire, rasoir, pince à épiler ou silostre, une recette à base de chaux. L’épilation revient donc à la mode entre le XIe et le XIIIe. Le poil est assimilé au sale, c’est en s’épilant qu’on devient pur. On s’épile les aisselles, le pubis et surtout le front.
brûler les poils au moyen d’une lampe à huile. Un programme qui nous semble assez excitant. À Rome, il était possible de se faire épiler dans les thermes. D’ailleurs ce sont les hommes qui en profitaient le plus en se faisant épiler intégralement : on sait notamment qu’Auguste le faisait. Niveau technique, il utilisait la pince à épiler, ce qui peut sembler un peu long. Certains préféraient donc utiliser une résine à base de cire de pin qu’on arrachait après l’avoir étalée, ancêtre des bandes Veet. Une autre méthode qui était pratiquée, directement inspirée des grecs — car de toute façon les romains n’ont rien inventé sauf les petites jupettes — est le brûlage des poils. Ils prenaient des coquilles de noix et les frottaient de manière à les rendre incandescentes. Puis ils les appliquaient sur leur corps pour brûler les poils. Ainsi que la peau en même temps. Deux pierres d’un coup. Je dois admettre que j’ai un petit coup de cœur pour l’utilisation du sang de chauve-souris appliqué après l’épilation / brûlure au 3ème degré et qui évitait la repousse. Ce sont les Romains qui vont permettre à l’épilation de se répandre en Europe Occidentale, notamment en Gaule, où hommes comme femmes utilisaient des pinces à épiler. La chute de l’Empire Romain en 476 va aussi faire chuter le cours de la bourse des lampes à huile et des pinces à épiler car la mode est au poil. Et cela à cause de la 35 religion catholique. Le poil étant un don de
À la Renaissance on ne se couvre plus : la gorge, les bras, etc. L’épilation perdure mais surtout dans les hautes classes de la société. Pour cela on utilise du chaux ou de l’orpin associé à du cumin. Les hommes eux s’épilent la barbe. Finalement c’est surtout le visage qui est concerné. Mais au fil du temps les vêtement raccourcissent, les femmes commencent à se dénuder, et l’épilation va commencer à se déporter sur d’autres parties du corps que le visage. Au début du XXe arrivent les congés payés et donc les petites vacances à Deauville ou à La Baule. C’est enfin l’occasion de porter des maillots de bain, de montrer ses jambes, qui doivent être épilées, alors pour la première fois depuis l’Empire romain on recommence à enlever ses poils. Malgré cette émancipation de la femme au XXe, le diktat sur le poil n’a jamais été aussi prenant. Plus que jamais il est associé au sale. Ne pas s’épiler c’est ne pas prendre soin de soi, c’est synonyme de négligence et
de non-féminité. Pour paraître forte et indépendante, il faut être belle, bonne et propre. Et cela sans les poils. Pourtant aujourd’hui malgré les avancées techniques tel que l’épilateur électrique ou encore l’épilation permanente, on essaye de plus en plus de se réapproprier son corps, et le poil devient un moyen d’expression, une modification corporelle. Cela passe par différents biais. Fin 2014 la coiffeuse Roxie Hunt publie une photo sur Instagram d’une de ses amies avec les aisselles bleues assortie du hashtag #dyedpits. L’idée était de les assortir à ses cheveux colorés dans la même teinte, et ça marche. Le hashtag connait un grand succès sur les réseaux, et d’autres femmes partagent leurs dyed pits. Mais là aussi les réactions ne sont pas toutes positives, en particulier de la part des magazines de mode. Par exemple aufeminin.com, qui tout en félicitant l’initiative, dit que « cette tendance du poil coloré n’est pas ultra-chic. Militer pour une cause qui nous tient à cœur, c’est bien, mais cela va tout de même un peu loin ». Le poil est donc accepté, mais le mettre en avant n’est toujours pas politiquement correct. Le poil peut aussi devenir synonyme de tendance. Le 24 Octobre 2015, le monde des barbiers a vécu un véritable séisme. Les deux youtubeurs de la chaîne The Gay Beards publient leur vidéo « How To GLITTER BEARD ». Sorte de tuto où ils expliquent comment pimper sa barbe grâce à des paillettes. C’est simple, et efficace, mais l’engouement est mitigé. Si certains articles parlent de
« phénomène hipster » d’autres qualifient cela de « décoration de Noël ». Le fait de pimper son corps n’est pas forcément accepté par tous, que ce soit sa peau, ses cheveux ou bien ses poils. Si la coloration des cheveux peut, à la rigueur, être plus ou moins acceptée, il est encore très mal vu de mettre ses poils en avant, tout simplement car ils sont les plus impopulaires. Considérés comme « sales et pas hygiéniques » il faudrait à tout prix les raser, les effacer. Faire comme si l’on en n’avait pas. Alors est-ce vraiment un FFP de vouloir mettre en avant ce tabou ? Si se raser est socialement accepté, pourquoi colorer ses poils ne le serait pas ? Après tout ce sont toutes les deux des modifications de notre corps. En plus, il y a quelque chose de plus cool et décalé dans le fait d’avoir une barbe à paillettes et des aisselles assorties à ses cheveux bleus de licorne, que dans celui d’aller chez l’esthéticienne. Bien que ces tendances ne survivront peut-être pas très longtemps et qu’elles ne connaîtront pas d’engouement totalement fou, l’important est juste, peut-être, que ça plaise à ceux qui les portent, qui n’ont pas forcément envie d’être considérés comme des « filles pas ultra-chic » ou des « décorations de Noël ». Finalement, ne pas accepter l’autre tel qu’il est, c’est ça le vrai FFP.
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WLorenzo
Oliva
Test : Quelle épilation du maillot êtes-vous ?
C’est bientôt l’été, les vacances, le retour à la plage, les cocktails, les maillots, etc, etc, etc. Il faut donc bientôt penser à revoir son épilation, mais ô malheur, ô drame, vous ne savez pas laquelle choisir ? Ce test est alors fait pour vous. (oui nous sommes en Octobre, et alors ?)
1. Niveau organisation, vous êtes plutôt du genre : À tout remettre au lendemain. À faire des to-do lists, puis les perdre. Plutôt bien organisé dans vos fiches : une couleur pour chaque information. Adepte du bullet journal. À faire à votre manière. Totalement maniaque. Vous avez besoin de tout contrôler. 3. Quel courant artistique vous inspire le plus ? L’orientalisme. Le pop-art. Le surréalisme. Le minimalisme. L’art brut. Le classicisme. 5. Quel est le film de l’année selon vous ? Deadpool : un peu trash avec des coeurs quand même. Juste Avant la Fin : pour des émotions à fleur de peau. Le Livre de la Jungle : vous aimez bien le côté broussailleux de cette adaptation. Aucune proposition n’a été trouvé pour correspondre avec cette réponse, c’est la case surprise. Zootopie : pour la BO de Shakira, les musiques d’Amérique Latine c’est votre came. Café Society : la vie en métropole. 7. Si vous décidez, par pure folie, de vous mettre au sport, lequel choisiriezvous ? Le jogging, parce qu’on a pas besoin de beaucoup de matériel. Le foot, parce que c’est classique. La capoeira, c’est Brésilien. Faire un changement à Châtelet. Le cyclisme, pour partir en roue libre. La boxe, pour vous investir intégralement.
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Elise Poirey
2. Au bar, quel est le cocktail que vous commandez toujours ? Mojito : un classique. Piña Colada : pour le côté exotique. Singapore Sling : vous aimez les grandes métropoles. Vous demandez au barman d’inventer un nouveau cocktail à votre nom. Martini : épuré. Sex on the Beach : vous prônez la libération, qu’elle soit sexuelle ou de tout autre type. 4. Votre famille vous force à devenir guide touristique au Louvre, quel est le département dans lequel vous les emmenez directement ? Les installations contemporaines : vous aimez la nouveauté. Le Pavillon de l’Horloge : il faut toujours innover. Objets d’Arts : les médiums classiques sont tellement ennuyants. Antiquités Orientales : pour un retour aux sources. Peintures : pour voir des classiques. Le Pavillon des Sessions : vous préférez l’art extra-européen et ils ne voulaient pas aller au Quai Branly.
6. Quelle est votre fête préférée ? Noël, pour l’innocence de l’enfance. La Fête de la Nature. Chabbat, un classique qui revient tout le temps. Mardi Gras, faire la fête et manger c’est cool. Pessa’h (la Pâques Juive), Moïse qui ouvre un tunnel, ça se fête. Votre anniversaire.
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Vous avez un maximum de Vous n’êtes pas épilée Flemme ou militantisme féministe ? On ne sait pas, toujours est-il que c’est votre droit. On respecte ça. Vous avez un maximum de Vous adoptez l’épilation échancrée Épilation préférée des babtous-fragiles qui ayant peur d’avoir mal choisissent la facilité. Vous avez un maximum de Vous penchez pour le maillot brésilien Est-ce par fantasme de vous taper Bernardo ou pour soutenir les JO de cet été ? Sachez que le premier est un prénom moche, synonyme d’un mauvais coup, et que les deuxièmes sont finis depuis presque 2 mois, passez à autre chose. Vous avez un maximum de Vous êtes adepte du ticket de métro Peut être est-ce votre arrivée toute fraiche dans la capitale, qui a quelque peu boulversé vos croyances, vous, habitué du bus passant toutes les 3 heures en heure de pointe. Vous avez un maximum de Votre maillot est personnalisé « Je comprends pas pourquoi je les traumatise » de Liza Monet c’est un peu votre credo. La forme de votre toison pubienne en coeur est tout de même à revoir.
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Vous avez un maximum de Pour vous ce sera l’intégrale Les rageux diront actrice porno, les jaloux gamine de 5 ans. Mais les vrais savent que Kurt Cobain chantait « Come as your are ».
Le choix de la rédaction et du monde entier Quelle est votre pilosité idéale ? La rédaction Lila Moi j’aime quand on voit même plus les organes des sens sur le visage, disparus derrière une avalanche de poils virils et pleins de testostérone. Donc Sébastien Tellier. Célien Que ce soit barbu ou pas faut que ça soit propre et entretenu et ZÉRO poils sur la gorge. Margaux Une belle barbe de 5 jours laissée un peu sauvage. Et je ne réponds plus de moi si elle est poivre et sel... Maxence Ludovic Laugier. Viena Cheveux courts, barbe longue de trois jours mais bien taillée, pas d’exigence pour les sourcils Ulysse Fine barbe et fine moustache. D. C. Pilosité d’un taupinet tondu sauf pour les cheveux. Elise La moustache de Dalí. Bastien Des cheveux fous devant les yeux en mode loveeeer (et la barbe tant qu’elle ressemble pas à des poils pubiens). 40
(le reste du monde, micro-trottoir dessiné réalisé par Clémence Pinquier et Margaux Ruaud)
(la rédaction)
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Mots mêlés
Sophie Leromain
Aisselles Barbe Capillaire Cheveux Crépu Epilation Gambettes Hipster Kahlo Moustache Perruques Poil Poilus Pubiens Velu
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@louvrboite
CrĂŠdits photographiques : P. 4-5 ; 9 ; 10-11 ; 12-13 ; 14-15 ; 18-19 ; 44 : Photographies de Lila Franitch. P. 26-27 : The Vinkhuijzen Collection of Military Uniforms, Netherlands, 1825 (1910) http://digitalcollections.nypl.org/items/510d47d9-53f4-a3d9-e040-e00a18064a99 P. 28-29 : Coq, vase argent ciselĂŠ. Ombelles et libellules, jeu de fond. Crevettes, bordure ; M. P. Verneuil http://digitalcollections.nypl.org/items/510d47da-3d09-a3d9-e040-e00a18064a99 P. 31 : William Blake, Woman and infant in front of fireplace http://digitalcollections.nypl.org/items/510d47db-b623-a3d9-e040-e00a18064a99 P. 32-33 : Valentines and Easter cards depicting flower garlands, cupids, butterflies, women, and love letter. http://digitalcollections.nypl.org/items/510d47db-c0e0-a3d9-e040-e00a18064a99
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P. 34-37 : Garry Knight, Passing Fashion https:// ic.kr/p/dLjJEu