LB n°43 : Clair/

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Edito Le White Washing p. 4

Articles Le Chocolat Blanc p. 7

Et Monet dit que la lumière soit... p. 10

Les inventions et les inventeurs incongrus p. 13

Tout ce qui brille Jeux de lumière dans trois expositions du moment p. 19

p. 16

Interview : Casoar p. 22

Rubriques Taslimiam : L’éclair, c’est le feu mamène

p. 25

Perspective : L’éclair-rage

p. 28

Histoi’Art : La chandelle, temps et contretemps éclairés de l’Histoire

p. 30

Ekphrasis :

A la lueur de la tendresse

p. 34

Review Insta p. 38

Le choix de la Rédac’ VS Le reste du Monde p. 40

Crédits photographiques p. 43


Edito dt

Le Louvr’Boîte est une source permanente d’enjeux et de challenges pour ses rédacteurs, illustrateurs et autres contributeurs. Nous nous donnons corps et âme, chaque jour que Dieu fait, pour vous donner le meilleur de nos réflexions autour de l’art, de notre société, du divertissement et cela toujours avec humour, une pointe de sarcasme et beaucoup d’auto-dérision. Sortir ce numéro à temps était un défi que nous avons voulu relever, avons-nous respecté les deadlines ? Si nous l’avons fait, c’est au prix de notre année. Mais ne te méprends pas, lecteur, nous l’avons fait avec joie, à la sueur de nos fronts, nos joues baignées de larmes de bonheur, oui ce bonheur incroyable de donner le meilleur de nous-mêmes dans l’espoir qu’une poignée de gens ressentent, comme nous, la plénitude qui nous a emplie lors de la gestation de ce numéro, sa finalité nous a illuminé d’une clarté divine tel un rayon de soleil de l’aurore sur une plage abandonnée, coquillages et crustacés, loin de toute civilisation. Pourquoi partager cet état d’âme mélancolique ? Quand on ne sait pas rédiger un édito, le meilleur moyen d’y parvenir reste encore le bullshit. Cela me paraît pourtant ... Clair Yvine et Elise.

Louvr’Boîte Neuvième année N°43 0.50 cts

Directrice de publication : Sophie Leromain. Rédactrices en chef : Elise Poirey et Yvine Briolay. Relecture : Camille Giraud et Salomé Moulain. Maquette : Clémentine Canu. Couvertures : Clémentine Canu, © By Kimberly Vardeman from Lubbock, TX, USA (Psyche Revived by Cupid’s Kiss) [CC BY 2.0 (http://creativecommons.org/ licenses/by/2.0)], via Wikimedia Commons Ont contribué à ce numéro, dans l’ordre alphabétique : Anaïs Achard, Inès Amra, Yvine Brioley, Clémentine Canu, Sarah Ecarlard, Lisa Fidon, Taslima Gaillardon, Elise Gibaux, Camille Giraud, Laureen Gressé-Denois, Bastien Hermouet, Yann Koebel, Sophie Leromain, Adélaïde Mangon, Salomé Moulain, Ivane Payen, Elise Poirey, Lise Thiérion, Morgane Vitcoq.

Ecole du Louvre, Bureau des Elèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 Paris cedex 01 louvrboite.fr Tél. : +33 (0) 1 42 96 13 Courriel : journaledl@gmail.com Facebook : fb.com/louvrboite Twitter : @louvrboite Instagram : instagram.com/louvrboite ISSN 1969-9611. Dépôt légal : novembre 2017 Imprimé sur les presses de l’Ecole du Louvre (France). Sauf mention contraire, © Louvr’Boîte et ses auteurs


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Le White Washing Bastien Hermouet

L’expression servant de titre à cet article n’est pas comme on pourrait l’imaginer une nouvelle marque de lingettes anti-transfert de couleurs mais un fait sociétal contemporain plutôt sérieux. Dans la version courte il s’agit tout simplement de remplacer par un blanc toute personne racisée. Les cas les plus médiatisés sont issus de l’industrie cinématographique, dans lesquels un acteur blanc a été choisi pour interpréter un personnage comme Aladin, ce fut le cas en France avec le subtil Kev Adams, mais aucune grande personnalité publique ne s’en est vraiment émue. Le projet d’adaptation mené par Disney de son propre long-métrage d’animation a suscité lui une réelle polémique. Dans un premier temps, Disney a prétendu ne pas trouver un acteur non-blanc compétent, et on est très convaincu. Le casting final est moins problématique mais la plupart des acteurs sont tout de même de culture occidentale, et le réalisateur du film, Guy Ritchie, est tout ce qu’il y a de plus blanc, ce qui dépossède au final tout autant la culture d’origine de l’histoire. Quand on sait que la technique elle-même participe au whitewashing – en effet les appareils photographiques sont par exemple calibrés sur les peaux blanches – le résultat à l’écran risque d’être très éloigné du conte originel. Mais là on entre dans l’appropriation culturelle, je m’égare et on risque de me jeter aux loups.

Les cas de whitewashing sont nombreux, tant à Hollywood, Prince of Persia, Exodus : Gods and Kings, La Grande Muraille, que dans le cinéma français, Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre, pour les plus évidents. Ces films ne choquent pas la plupart des spectateurs sur ce point, pourtant on blanchit à tout va des personnages censés être perses, égyptiens ou chinois. Et cela encourage l’invisibilisation des minorités et le cantonnement de celles-ci à des clichés grossiers ou à d’éternels seconds rôles. Elles deviennent des peuples sans histoire et on sait à quel point la négation de l’idée d’Histoire pour l’Afrique a été, au choix, facteur ou conséquence du racisme.

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Ce phénomène ne se limite pas au cinéma, si Jésus est toujours représenté aujourd’hui en petit blanc aux joues roses ce n’est pas pour rien. La lutte antiraciste elle-même en est victime, les médias grand public mettent souvent en avant les personnes les plus blanches comme porteparole (si elles sont métisses, il y a un peu de blanc dans l’affaire, c’est toujours ça de pris, allez bisous), tandis que certains organismes se réclament de cette lutte sans incorporer aucune personne racisée. C’est le même schéma quand un homme s’empare d’un micro pour parler de féminisme.

Les cas contraires, quand un personnage originellement blanc est interprété par une personne racisée, sont beaucoup plus stigmatisés. Trop de gens se sont érigés contre un James Bond noir. Et ces rares cas ne sont pas la partie visible d’un système d’oppression. Le whitewashing met en exergue d’autres problèmes, le manque de diversité dans l’audiovisuel et en général dans les représentations collectives. Et tout cela entraîne la création d’un imaginaire collectif plus blanc que blanc, où les seuls grands hommes sont blancs. L’Histoire a été whitewashée, personne ne se souvient par exemple que Paris a compté en 1879 un président du conseil municipal « mulâtre » pour reprendre le terme de l’époque. On oublie les régiments africains des guerres mondiales, tout comme les ouvriers maghrébins de la reconstruction des années 1950. Et quand on s’en rappelle, c’est pour toujours adopter le point de vue du blanc. C’est à tous ces éléments que l’on reconnaît un système. Il ne s’agit pas d’accuser telle ou telle personne d’agir ainsi délibérément mais d’ouvrir les yeux sur des schémas de pensée hérités d’une période peu glorieuse et qui continuent d’oppresser tout un pan de l’humanité tout en nous maintenant dans une pauvreté et une insipidité culturelle, la trop vieille soupe de l’universalisme.

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Le Chocolat Blanc Chloé-Alizée Clément

Novembre, plus qu’un mois avant Noël ! J’espère que vos recherches de cadeaux pour votre bonne vieille tante Gilberte se passent bien. C’est le cadet de vos soucis ? Ah mais ne vous inquiétez pas, j’ai la solution miracle : achetez-lui du chocolat. Comment, c’est trop classique ? Offrez-lui du chocolat blanc dans ce cas ! Ce pauvre chocolat blanc est (trop souvent) oublié par les avides de sucreries… Qui le considèrent comme un produit enfantin et sans réelle valeur culinaire. Pire : on lui retire parfois carrément l’étiquette de « chocolat » pour le reléguer au rang de simple confiserie… (RT si c’est triste). En tant que membre de l’Association Officieuse pour la Protection du Chocolat Blanc (ou AOPCB pour les intimes), je me dois de vous montrer qu’il s’agit d’un vilain petit canard sous-estimé par la plupart des consommateurs. Tentons d’abord d’évaluer l’argument vedette énoncé par les partisans du hashtag #taratatalecenestpasduvraichocolat : « le chocolat blanc n’est pas du chocolat car il ne contient pas de chocolat ». Propos d’hurluberlu ? Pas tant que cela si on prend compte du processus d’élaboration du chocolat. Car oui, avoir une tablette qui attend dans son placard un aprèsmidi pluvieux sous la couette devant une bonne série, ça se mérite. On extrait les éléments indispensables à la fabrication du chocolat des fèves de cacao. Je vous préviens : si vous croquez directement dans ces graines, vous risquez d’être surpris car elles ont un goût particulièrement amer (histoire vécue malheureusement). Les graines, pour être mangées sans mauvaise surprise, doivent passer par l’étape de la torréfaction. Ce processus est très important car il donne au chocolat toute sa saveur. Pour faire simple, on utilise une machine,

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le torréfacteur, qui met en mouvement les grains de cacao durant leur cuisson. Les grains sont ainsi exposés à une source de chaleur indirecte dont il faut réguler la température. Après cuisson, on broie les graines en augmentant au fur et à mesure la température. On obtient vers 100-110°C la liqueur de cacao. C’est à nouveau grâce à une autre machine à broyer que l’on sépare cette liqueur en deux éléments clés : la pâte de cacao et le beurre de cacao.

Là intervient le génie des… Suisses (désolée les Belges, mais ne vous inquiétez pas car vous restez l’un des pays où l’on mange le plus de chocolat avec près de 8kg par an et par personne !). Ces étapes sont communes à la fabrication de tous les chocolats. La pâte de cacao est l’élément clé de la composition du chocolat noir, que l’on obtient en la mélangeant avec du sucre, et du chocolat au lait, qui requiert l’ajout de lait concentré sucré. Le beurre de cacao, quant à lui, n’entre qu’en petite quantité dans la composition du chocolat au lait, laissant une grande quantité de restes. Bref, c’est Nestlé qui a l’éclair de génie dans les années 1930 de mélanger le beurre de cacao à du lait en poudre et du sucre inventant ainsi notre fameux chocolat blanc. Stratégie commerciale oblige, ce chocolat a été vendu par la suite sous forme de barres, mélangé à des amandes. Il s’agit d’un produit plus facile à fabriquer que ses acolytes chocolatés, et donc plutôt accessible pour les porte-monnaie !


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C’est surtout dans les années 1960 avec les tablettes Galak que Nestlé fait un carton : cette tablette de chocolat blanc aux carrés ornés du dessin du dauphin Oum fait figure de souvenir d’enfance pour toute une génération ! Raison de plus pour en offrir à votre vieille tante, ça lui rappellera des souvenirs. Bien entendu, le chocolat blanc se distingue nettement de ses compères de par sa composition : il n’a pas le goût que l’on retrouve dans les chocolats à pâte de cacao. À vrai dire, il n’a même pas de saveur à proprement parler : c’est un aliment neutre, mais extrêmement sucré, que l’on déclare vite mauvais pour la santé et à bannir de notre cuisine. Mais c’est justement cette neutralité de goût qui permet de l’utiliser en pâtisserie : le chocolat blanc est un exhausteur de goût naturel, c’est à dire qu’il permet d’augmenter la perception par les papilles du goût d’autres aliments. En outre, Pierre Hermé l’utilise dans sa « Tarte infiniment vanille », ce qui permet une explosion de saveurs exotiques une fois ce dessert très raffiné en bouche. En 2015, Philippe Conticcini a décidé de réunir quelques grands pâtissiers dans son atelier qui avaient pour consigne d’évoquer leurs souvenirs d’enfance à travers leur propre tablette de chocolat blanc. Bien plus élaborées que celles qu’on achète au supermarché du coin quand on doit faire face à une pile de TDO à retravailler qui s’accumule sans fin, celle-ci contient un mélange surprenant de verveine, vanille, grains de lin et de fruits de la passion ! Les recettes des autres pâtissiers ne manquent pas non plus d’originalité : thé vert du Japon et riz soufflé, amande et figues, brisures de spéculos… Un véritable régal pour les papilles !

n’est peut-être qu’un excédent de la recette pour obtenir la noble pâte de cacao, mais le chocolat blanc a le mérite d’éviter de gâcher de la nourriture… Pour la bonne cause qui plus est, car il a su trouver son public ! En tout cas, j’espère vous avoir convaincu d’en acheter pour votre chère tante (astuce : il est aussi très original comme cadeau de table le jour J). Certains rageux déclareront encore et toujours que, puisqu’il ne contient pas directement du cacao, il ne s’agit pas de chocolat. Mais finalement, la question ne se pose pas vraiment : le plus important est de se faire plaisir en dégustant cette délicieuse douceur !

Ainsi contrairement aux idées reçues, le chocolat blanc est bel et bien issu de la même plante que les autres chocolats. Le beurre de cacao

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Et Monet dit : «Que la lumière soit !» Sarah Ecalard

… Et la lumière fut. Non non, nous ne sommes pas au moment de la Genèse, où nous étions tous à poil et où la vie était à priori vachement plus belle que maintenant (sauf qu’au moment de la Création du Monde, Dieu avait oublié Snapchat). Nous sommes au XIXe siècle avec un peintre pas trop connu : Claude Monet (pour ceux qui avaient la réponse, la rédaction vous offre l’édition 2018 du dictionnaire Larousse en avantpremière (#OMGQuelleChance). J’aurais pu choisir plein d’autres artistes pour traiter de la lumière naturelle en peinture mais j’ai choisi de laisser parler mon cœur et surtout mon amour immodéré pour la nature. Ce que je vous propose, si vous toute l’équipe venaient pour étudier ce qui allait voulez bien m’écouter, c’est que nous prenions tous des sandwichs et que nous courions devenir leur marotte : peindre toutes les nuances de couleurs du soleil. nous installer à Chatou. Et pour cause, à la Grenouillère, la Seine semble Ça y est, on y est. Comment ça vous ne voyez étinceler sous le soleil d’été, comme une dame rien ? Mais si, fermez les yeux, et laissez-moi vous se parant de ses plus beaux diamants. Quel plus transporter jusqu’à l’endroit qui sera notre point bel endroit pour peindre toutes les nuances que de repère pour ce voyage artistique : Le Bain à la la lumière du soleil crée en se reflétant sur l’eau ? Grenouillère, de Claude Monet, réalisé en 1869. Mais ce que Monet trouve le plus beau dans De rien. Nous sommes aux environs de Chatou donc, ce reflet du soleil sur l’eau, c’est surtout sa dans les Yvelines. Il fait beau, il fait chaud, maman fugacité : d’une seconde à l’autre, aucun reflet oiseau veille sur sa dernière couvée de piafs et n’est semblable à son précédent. Quoi de plus une irrésistible envie de vous rouler dans l’herbe mystique que de tenter de saisir l’insaisissable ? sur fond de musique hippie vous prend. Ce petit Ce qui compte maintenant, c’est l’étude empirique coin de paradis est surnommé dans les années de la lumière, telle que les artistes la perçoivent 1870 « La Grenouillère » : ce hot-spot de la fin du et voir comment le soleil fait varier les formes XIXe siècle était un café flottant, excessivement qui nous entourent. Ainsi, un nouveau langage trendy, où les parisiens venaient se rafraîchir lors artistique se crée : exit les couleurs sombres et autre terre de Sienne et place aux bleus, aux verts des chaudes journées d’été. Avant même que l’impressionnisme ne soit et aux violets. officiellement « déclaré » si on peut dire, c’est Toutefois, ces orfèvres de la lumière ne se là que Claude Monet, Pierre-Auguste Renoir et sont pas lancés à l’arrache dans leur quête :

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ils se sont abondamment documentés sur les traités scientifiques du spectre chromatique, et notamment celui de Chevreul. En effet, la lumière blanche du soleil contient toutes les couleurs de l’arc-en-ciel si on la décompose (et des licornes aussi). La théorie préconise donc que le peintre dissocie les différents tons s’il veut obtenir sur sa toile toutes les couleurs que la nature peut créer. Chaque couleur primaire explosera donc au contact des autres. Le procédé n’a rien de nouveau en soi : Rubens avait déjà mentionné l’importance des demiteintes dans son traité Des Couleurs, ainsi que Fragonard et Delacroix. Quant à Saint-Léonard De

Vinci, il savait déjà que l’ombre d’un personnage sur un mur blanc était bleue (ce type est Dieu sur terre #ProsternezVous). Cette lumière n’est donc pas sans conséquences sur les formes puisqu’un éclairage prolongé les floute ; elles deviennent ainsi évanescentes, fugaces, on se demande même si le paysage que l’on admire a réellement existé. Le motif semble disparaître. Comment ne pas parler des Cathédrales réalisées en 1894, nous permettant de voir la cathédrale de Rouen à tous les moments de la course du soleil (je vous ai bien vu dans le coin, prêts à me lyncher si j’oubliais d’en parler) ? Dans La Cathédrale de Rouen, plein soleil (1893), l’astre est à son zénith et frappe la cathédrale, nous aveuglant ainsi par sa puissance. Les contours du monument sont saturés mais on ne les perçoit pas clairement pour autant. Il en est de même au coucher de soleil dans La Cathédrale de Rouen, effet de soleil, réalisée la même année : notre œil est baigné dans la lumière du couchant, notre rétine est plus reposée mais les contours sont tout aussi flous. En essayant de dompter la lumière, Monet n’a sans doute pas voulu se faire un peintre scientifique (il a d’ailleurs toujours dit qu’il détestait les théories) mais il fait appel à notre sensibilité et à notre expérience face à la lumière modelant la nature. Ça vous dit, on va faire un tour au parc ?

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Les inventions et les inventeurs incongrus

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Inès Amra

Tous les jours nous utilisons sans y penser des objets pensés par d'autres pour rendre notre quotidien plus facile. Si certaines inventions comme la douche, le micro-onde, l'ordinateur ou encore le lit (un résumé de la vie en somme...) sont effectivement utiles, ce n'est pas le cas de toutes ! Certaines ont demandé plusieurs siècles de perfectionnement avant de fonctionner, quand d'autres se sont développées en dix minutes de réflexion sur les toilettes (enfin c'est ce qu'on imagine vu le résultat, même si on n'y était pas). Bien sûr qui dit inventions dit aussi inventeurs/illuminés/génies (incompris), qui ne manquent pas dans l'histoire de l'humanité ! En parlant de génie, il est impossible de passer à côté de Léonard De Vinci, artiste mondialement connu et inventeur prolifique de la Renaissance, à l'origine (entre autres) du parachute. En effet, ses travaux ont servi de base aux parachutes que nous connaissons actuellement. Les premières traces de recherches sont datées de 1485. Sur les croquis retrouvés, le parachutiste semble simplement tenir les cordes le reliant au parachute de forme pyramidale (il fallait littéralement tenir à la vie pour survivre à cette idée suicidaire !). Il était constitué de 4 triangles équilatéraux de 7 mètres de côté et possédait une armature rigide, le tout pesant près de 80 kilos ! Impossible à manœuvrer, il descendait au gré des vents. En 2008, un parachutiste a tout de même

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réussi à atteindre la terre ferme grâce à une réplique du parachute imaginé par De Vinci, bien que réalisée avec des matériaux modernes. Néanmoins, toutes les inventions humaines ne sont pas aussi… pertinentes et prometteuses. Il existe même au Japon un concept, appelé Chindogu, qui consiste à inventer des objets « utiles mais inutilisables » (rien que pour le ridicule de la chose déjà). En effet, entre deux espionnages intrusifs de TDO, les japonais sont aussi des inventeurs extrêmement productifs et surprenants ; découvrir une invention japonaise se résume généralement en une phrase : « C'est complètement inutile mais tellement indispensable ! ». Parmi plusieurs centaines de démonstrations d'inventivité, on apprécie particulièrement les parapluies pour escarpins, le rouleau de PQ portatif en chapeau (particulièrement sympathique sous la pluie) ou encore la muselière pour chien en forme de bec de canard, afin de pouvoir faire un duck face avec votre compagnon canin (c'est plus instagrammable #pimpmyhuman). Il y en a pour tous les goûts (ou plutôt manques de goût) ! Mais rassurez-vous, certains inventeurs ont pensé à des objets utiles et utilisables, dont certains idéaux pour les étudiants, comme le capuchon-couvert par exemple. Quand on est ruiné.e et affamé.e, entre sortir acheter à manger à des prix critiques (surtout en fin de mois) et déguster un sandwich triangle de la cafet, le choix est vite fait : on adopte la lunchbox. Pour compléter la panoplie de l'étudiant.e polyvalent.e que nous sommes tous, bien sûr, rien de mieux que des capuchons-couverts (ou des couverts-capuchons, ça dépend de votre faim) pour travailler et manger en même temps (#burnoutgoal).


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Pour les membres d’une colocation, quelqu'un qui avait beaucoup de temps à perdre et qui a sûrement vécu des traumatismes culinaires dans son enfance, a pensé à inventer le cadenas à pot de glace pour les Ben&Jerry's, afin de ne jamais plus vivre la déception de trouver un pot vide dans le congélateur après en avoir rêvé toute la journée. Les étudiants ne sont bien sûr pas les seuls destinataires des inventions, mais pour certaines on se demande vraiment à qui elles pouvaient s'adresser à l'origine ! C'est le cas du revolver camera, par exemple. Inventé en

1938, cet objet ingénieux, bien que quelque peu capillotracté, consiste en un petit appareil photo attaché à un Colt 38 qui permet de prendre une photo lorsque l'on presse la gâchette. Il est ainsi fortement déconseillé de l'utiliser pour se prendre en photo (#morteltonselfie). L'idée pourrait toutefois avoir une certaine utilité : elle pourrait être reprise par la police par exemple, afin que l'on sache dans quelle situation un agent de terrain ayant eu recours à son arme se trouvait pour déterminer si elle était légitime ou encore pour pouvoir identifier un suspect qui a réussi à fuir. Il y a eu de nombreuses autres inventions dans le domaine de l'armement, toutes plus mortelles que les autres, mais l'une d'entre elles est particulièrement interpellante. Il s'agit du Kitty Corner Cat. Qu'est-ce donc que cela, vous demandez-vous ! Eh bien c'est une invention israélienne qui consiste en une peluche chat qui s'accroche au canon des mitraillettes et fusils d'assaut afin de déconcentrer l'ennemi... Mais où va le monde ? (à la dérive...)

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Tout ce qui brille Shiny Blue

Il y a quelques semaines, la marque Doc Martens a sorti un modèle de chaussures comportant des paillettes sur fond arc-en-ciel, celles-ci étant disposées sur l’ensemble de la chaussure (semelles non incluses). Étant aujourd’hui l’heureuse détentrice d’une paire de ces merveilles, j’ai choisi de vous faire partager mon adoration pour ces petits fragments de lumière qui viennent désormais régulièrement illuminer mes pieds. J’ai bien sûr nommé les paillettes !

Les détracteurs et autres ennemis de ces étincelles multicolores diront que ça pète les yeux, que c’est trop brillant, que c’est moche, que c’est too much, j’en passe et des meilleures. Chargé et agressif donc. Les paillettes, on en trouve aussi quand on pense à la fée Clochette, sur les strass des jupes de soirée, sur les déguisements des petites filles (plus que sur ceux des petits garçons du moins). C’est une étincelle associée de façon quasi-exclusive, dans l’imaginaire collectif, aux filles ainsi qu’à un état d’esprit plutôt jeune et frivole, qui s’attache à des choses tout aussi éphémères qu’à la lumière diffusée par ces petites particules brillantes. Sauf que les paillettes sont bien plus que ça. Qu’il s’agisse de rehausser une tenue en lui donnant un côté décalé (prenez par un exemple un total look noir avec Jeans, blazer et débardeur et ajoutez-y une pincée de poudre de perlimpinpin vos chaussures à paillettes, puis admirez le résultat voulu dans l’œil ébloui du premier passant que vous croisez), ou encore de donner un côté festif à celle-ci façon boule à facettes, les paillettes sont un accessoire indispensable pour qui veut se distinguer et réfléchir la lumière, et du même coup attirer le regard. Le parallèle est peut-être un peu (voire carrément) hasardeux et j’en suis bien consciente, mais je ne peux m’empêcher de penser aux feuilles d’or que plaçaient les artistes sur les retables et les pala d’oro afin que la lumière qui se réfléchissait dessus permette aux fidèles de distinguer les personnages représentés, mais aussi de voir l’œuvre de loin. Pensez donc à l’effet qu’ont des chaussures à paillettes. Alors que les passants regardent leurs

pieds lors d’un trajet lambda et ne voient passer que du bitume, des mégots de cigarettes, des chewing-gums écrasés et des paires de baskets fluos ou de mocassins ternes, qu’est-ce qui vient égayer le trottoir et réveiller ces pauvres yeux fatigués ? Les paillettes qui s’immiscent brusquement dans le champ de vision de ce cher passant qui n’a probablement rien vu venir.

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Mais après tout on peut se demander : pourquoi des paillettes ? Parce que ça éblouit, ça colore, ça égaie tout, qu’il s’agisse de vêtements, de vernis, d’encre de stylo à bille, ou même de barbe (oui messieurs, vous pouvez vous aussi utiliser cet accessoire pour vous donner un nouveau style type crise-d’épilepsie-de-la-fée-Clochette). Parce que ça brille et que dans une ville, une pièce ou un endroit, la lumière redonne le sourire et la vie aux lieux. Il suffit d’observer le reflet du soleil levant sur la Seine qui nous donne à voir une multitude de paillettes orangées presque rouges. Et puis personne n’a dit que les paillettes devaient être utilisées et/ou portées à tout bout de champ ! Un accessoire discret ou une partie d’un tout suffisent généralement à rehausser celui-ci. Restons sur l’exemple des chaussures, une tenue sobre agrémentée de paillettes sur fond arc-en-ciel n’a jamais fait vomir des papillons ou des arcs-enciel à qui que ce soit ! De même pour les tenues de soirée, ou même les boules à facettes ! Même si ce dispositif s’apparente plus au miroir qu’aux paillettes, l’effet est globalement le même : réfléchir la lumière. Alors oui ça saute aux yeux, oui ça illumine complètement l’endroit dans lequel vous passez, mais ces petites étincelles furtives qui se cachent dès que vous tournez un peu l’élément sur lequel elles sont fixées apportent une sorte de magie à ce que l’on regarde. Ça brille, ça touche notre œil de la façon la plus directe qui soit et c’est comme une apparition : on bouge à peine que l’on découvre une autre facette de l’objet, un nouvel éclairage de celui-ci tandis que les paillettes qui nous éclairaient un instant auparavant sont désormais dans l’ombre. Les paillettes, c’est une vague de lumière qui ne demande qu’à être découverte par nos yeux toujours en mouvement.

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Jeux de lumière dans trois expositions du moment Comment éclairer vos sens et éblouir vos esprits (avec des femmes nues) !

La clarté dans l’art, ça n’est pas nouveau. On connaît tous Vermeer, Rembrandt et tous les spécialistes de la lumière dont la renommée et le rayonnement international ne font pas de doute. Mais tentons pour une fois de mettre un coup de projecteur sur des artistes moins reconnus pour leur éclairage, quelques illustres inconnus (ou pas) du monde de la lumière, ou du moins, c’est ce que l’on croit penser. Delacroix raconta un jour au fils de Georges Sand comment il réalisait le reflet. Sa théorie s’appuie sur l’idée que les objets déteignent les uns sur les autres. Ainsi pour représenter un coussin rouge sur un tapis vert, on applique également la couleur verte sur la partie du coussin qui touche le tapis et vice versa. Ce principe du reflet de la couleur, on le retrouve dans plusieurs conceptions d’artistes. Les représentations empreintes d’une certaine luminosité en font notamment parfaitement écho. Prenez le tableau L’embâcle de la Seine entre Asnières et Courbevoie, d’Alexandre Nozal (présent dans l’exposition « L’art du pastel de Degas à Redon » au Petit Palais) : on y voit un bord de Seine enneigé sur fond de crépuscule baigné par la lumière rougeâtre du soleil couchant. Ce soleil, qu’on ne voit pas précisément, caché par les nuages, se reflète dans la neige par un ingénieux ajout d’une touche orangée sur les volutes de la neige, celui-ci accentué par les reflets même de l’eau. On retrouve alors cette harmonie même voulue par Delacroix dans les couleurs du tableau dont ressort une impression de monochromie blanche. Cette qualité de la représentation de la 19

Salomé Moulain

neige s’explique ici notamment par l’utilisation du pastel et sa présence plastique, où la matière pigmentée est bien visible complètement qui contraste avec la légèreté de l’aquarelle. Dans l’exposition sur le pastel, la clarté est très présente, car très visuelle par la nature même du médium. Les artistes choisissent le pastel pour l’intensité de la couleur. Elle se retrouve notamment dans la représentation de corps très pâles et charnels de jeunes femmes nues. Pierre Carrier-Belleuse utilise la grande luminosité du sable pour représenter une jeune femme dont on ne voit pas le visage, mystérieuse et lascive, étendue dans son immense tableau Sur le sable de la dune. Il en résulte une grande nuance de couleur chair et de blanc rosé qui suggère l’innocence, la virginité et la douceur. On a presque envie de toucher cette chair pâle et attractive qui éblouit le spectateur lorsqu’il entre dans la pièce. Dans cette même pièce, une femme nue de dos, assise cette fois, Manette Salomon, immortalisée par Claude Marlef (une femme ! Enfin !), spécialisée dans la représentation des rousses. De même, la chair ici sert de vecteur à la lumière qui envahit le tableau. Les femmes nues, sujet très prisé au XIXe siècle, surtout par les messieurs, sont le symbole d’un paradis perdu, d’une innocence et d’un idéal souvent associées à l’idée de lumière et de clarté. Un paradis qui est représenté dans l’œuvre de Paul Gauguin de façon tout à fait différente. Mais, me direz-vous, les femmes de Gauguin sont loin d’être claires. Cela n’empêche pas de représenter une clarté, différente soitelle. Cette luminosité, on la voit sur le tableau plutôt célèbre (oui c’est vrai on avait dit que des illustres inconnus, mais Gauguin, c’est Gauguin !)


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intitulé Le Cheval Blanc. Dans ce tableau, Gauguin décide d’exposer une clarté qui est plutôt sombre. Mais ce n’est pas possible, vous exclameriez-vous. Eh bien c’est aussi possible qu’un cheval blanc qui est sombre. Le blanc est clair par nature, et pourtant, Gauguin a réussi à le rendre sombre. La faute aux ombres, celles de l’arbre, qui ne laissent apparaître que quelques taches plus ou moins claires sur le pelage. La lumière se trouve en écho également dans l’arrière-plan, sur la cuisse de la femme (encore nue et de dos !) sur le cheval. Encore un reflet de lumière qui attire l’œil du spectateur sur l’arrière-plan. La lumière qui servait de vecteur à l’intégralité de l’œuvre sans restriction chez les femmes nues du pastel, vient ici donner un cheminement par petites touches succinctes. Un autre amateur de femmes nues, certains l’ont peut-être vu venir étant donné le choix des artistes (tous exposés en ce moment dans diverses expositions parisiennes), c’est Anders Zorn. Ce peintre suédois, maître incontestable de l’aquarelle dont il fait usage avec une virtuosité jamais vue auparavant, aime à représenter les corps féminins, nus en toute simplicité. Il opte, lui, pour une clarté ingénue et rosée. Les corps, comme dans l’huile sur toile Frileuse, sont naturels et vibrants. Dans cette œuvre, la jeune femme, les pieds dans l’eau, se reflète en plus sombre sur le lac. L’onde qui fait vibrer l’eau est réalisée par des touches de bleu clair presque blanc sur le vert sombre de la surface. L’étude de Zorn sur la lumière est assez nouvelle dans le monde de l’art européen du XIXe siècle. Peut-être est-ce dû à la lumière des pays nordiques, si particulière ? Toujours est-il que le reflet occupe une place importante dans ses recherches. De nombreuses aquarelles représentent des bords de mer, des ports avec

une eau au rendu presque photographique. Ses aquarelles ont une puissance lumineuse exceptionnelle. En effet on retrouve le ciel gris propre aux régions du nord qui fait ressortir la blancheur des habits de la dame (enfin habillée) de Vacances d’été par exemple. Une autre lumière, celle du feu. Plusieurs tableaux représentent des femmes (nues ou pas) au coin du feu dont le reflet sur leur corps paraît doré et virevoltant. Des études qu’il a réalisées pour un tableau qui a été très célèbre lorsqu’il l’a exposé au public, Omnibus, représentent une femme regardant à travers la vitre d’un omnibus et dont le visage est éclairé par la lumière – probablement artificielle – extérieure. Cette lumière, très jaune, permet de mettre l’accent sur le visage de la jeune femme dont le reste du corps est plongé dans l’obscurité. La lumière en peinture éclaire quelques recoins inattendus, portée par des artistes qui ne sont pas forcément reconnus pour cette facette de leur art.

A voir : L’art du pastel de Degas à Redon, Petit Palais, jusqu’au 08 avril 2018 Gauguin l’alchimiste, Grand Palais, jusqu’au 21 janvier 2018 Anders Zorn, le maître de la peinture suédoise, Petit Palais, jusqu’au 17 décembre 2017

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Yvine Briolay

Pour l’interview du mois, Camille Graindorge, Enzo Hamel, Magot Kreidl et Alice Bernadac représentent la rédaction de CASOAR pour le Louvr’Boîte. Tout d’abord présentez-vous :

© CASOAR

notamment autour de la politique. On fait aussi beaucoup de blagues de merde (rires).

CASOAR (Cabinet Atypique de la Quand et comment vous est-venue l’idée de Société des Océanophiles Amateurs de l’association CASOAR ? Rocambolesque) est un journal web qui vise à faire découvrir l’Océanie à un grand C’était en mars dernier, Camille était dans public et produire un contenu approfondi le bureau du BDE et lisait un blog avec un et solide scientifiquement, tout en restant article sur des collections océaniennes. accessible. On est quatorze actuellement, L’article provenait d’un blog d’une des gens de l’EDL qui sont entre la étudiante en Histoire de l’Art, une source deuxième année et le troisième cycle, sûre à priori. Nous avons été choqués par en passant par la classe préparatoire, une phrase disant que les arts de l’Océanie mais aussi un membre qui est en double n’avaient de valeur que parce que l’artiste cursus anthropologie à Nanterre. Pour le européen leur avait donné crédit ! moment, nous sommes exclusivement des gens étant passés par l'École. Le fait qu’une étudiante en Art puisse tenir ces propos nous a fait prendre conscience que le problème était insidieux, et que En quoi consiste CASOAR et quelles sont vos l’ethnocentrisme était involontaire mais activités / actions ? très présent, même chez les étudiants ou professionnels de l’Histoire de l’Art. On publie chaque semaine des articles On a remarqué un manque évident dans différentes rubriques, à propos d’instruction et de transmission du savoir de l’Océanie, de l’anthropologie et des anthropologique. CASOAR est aussi une évènements qui se déroulent autour (on se réaction à ce qu’il se passe actuellement : fait aussi des petites beuveries de temps à quand on donne la parole à des personnes autre !). On produit notamment un agenda qui ne connaissent rien à l’anthropologie autour de l’Océanie en France, on fait des ou ne la comprennent pas vraiment, la zooms sur des objets, des expos, etc. vision de l’Océanie s’en retrouve altérée. On veut aborder l’Océanie sur différents C’est à cause de cette vision que ces points de vue, autour de l’archéologie cultures sont cantonnées à leur imaginaire mais aussi des angles plus contemporains, exotique, à base de vahinés et paradis

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perdus qui nuisent à l’Océanie mais aussi à Que diriez-vous à des élèves qui souhaiteraient la société française en général. Le contexte rejoindre CASOAR ? Doivent-ils obligatoirement postcolonial est important, ce sont des passer par la spé Océanie ? informations qui manquent au gens. Dans ce siècle de mondialisation, notre société Vu que le blog vient d’être lancé, on préfère est confrontée à des cultures parfois très consolider l’équipe et le fonctionnement éloignées de la nôtre et nous pensons qu’il de CASOAR avant de recruter. On n’est s’agit de mettre à disposition des outils ni un club du BDE, ni une association de pour mieux appréhender ces différences, l’École, donc même si on s’y est formé, sinon ça part en sucette ! C’est ce désir de on cherche à s’en détacher, à voler de nos donner aux gens des clefs pour réfléchir propres ailes ! (Ndlr : rappelons que le par eux-mêmes, plus particulièrement casoar est un oiseau océanien très agressif autour de l’Océanie, qu’est né CASOAR. qui ne vole pas) D’où vous est venu ce goût pour l’Océanie? Passion depuis l’enfance, découverte à l’EDL Des idées pour la suite ? ou erreur dans l’inscription ? Sur YouTube, les chaînes de vulgarisation Pour beaucoup, c’est une découverte de des sciences dures sont en pleine l’EDL, certains ont vécu en Océanie où y expansion, mais les sciences sociales ont des liens, mais pour la plupart, c’est manquent de visibilité sur Internet et une découverte. Pour tous, on a trouvé une dans notre société en général. Comme confrontation imprévue à l’anthropologie, ce phénomène jeune nous a attiré, on a mais ce fut une expérience très positive. voulu en faire partie tout en ouvrant une Même pour la géographie, on pensait fenêtre sur l’anthropologie et l’Océanie. que la Nouvelle-Calédonie était dans les On envisagerait donc peut-être, à terme, Caraïbes, et les paysages consistaient en une chaîne YouTube et des podcasts dans des fonds d’écrans d’ordinateurs (rires). le but de diversifier nos formats. On veut La spé Océanie fait beaucoup réfléchir autoucher un public large, tout en gardant delà de la découverte de l’Océanie, une une (ndlr : excellente) qualité de contenu. réflexion que l’on ne retrouve hélas pas en HGA. L’EDL est aussi une des seules écoles proposant dès la licence l’étude des arts Un dernier mot Jean-Pierre ? de l’Océanie de façon aussi approfondie, même si tous les membres de CASOAR Heeeeeu … en vrai normalement on ne sont pas passés par la spé. Sinon, en est drôles mais aujourd’hui la lumière vrai, on est une secte secrète établie pour est un peu éteinte (rires). La vérité c’est l’adoration de Monsieur Philippe Peltier que CASOAR est juste un prétexte pour (rires) (ndlr : le prof de CO des spé Océanie, organiser des soirées bouffes entre nous conservateur au Quai Branly). sur le thème de l’Océanie!

Merci beaucoup CASOAR ! La rédaction précise que tous les articles de CASOAR sont fondés sur une bibliographie précise notée en bas de page, on peut retrouver sur le site des cartes très claires et utiles, et enfin les articles concernent l’archéologie comme la période contemporaine, il y a donc que quoi plaire à tout le monde. Le précieux : http://casoar.org

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TasliMiam

Les éclairs au café, c’est le feu mamène Taslima Gaillardon

Tu en as marre de travailler mais tu souhaites rester productif et stimuler ton côté un peu « fou-fou » ? Qu’à cela ne tienne ! Je te propose de manière régulière des recettes de qualité plutôt moyenne, pompées sur internet, qui te feront relâcher la pression.

Aujourd’hui nous allons faire des éclairs au café, parce que c’est très bon. J’ignore encore si le résultat sera probant mais on va tenter ça ensemble. Mets-toi un petit son qui te met en joie pour l’ambiance, enfile un tablier et attrape ta maryse, on va faire de la magie.

Il te faut, pour réaliser quatre éclairs, les ingrédients suivants, (prépare-toi mentalement à faire des courses) :

Pour la pâte à Choux :

Pour la Crème pâtissière :

- 1 demi verre d’eau - 10g de sucre - 35g de beurre - 65g de farine - 2 œufs - une pincée de sel.

Et pour les finitions, (le truc trop bon) : - 120 g de fondant (c’est la pâte blanche pour le glaçage, tu peux le faire maison mais il faut s’y prendre plusieurs jours à l’avance. En vrai c’est chaud, j’en ai trouvé à côté du sucre vanillé dans une enseigne dont je ne citerai pas le nom mais qui commence par mono et finit par prix.) - 1 œuf - 1 cuillère de café d'extrait de café Bon j’ai voulu te mettre à l’aise dans un premier temps mais je ne te cache pas que c’est pas ultra facile non plus, on a pas tous le talent de Maïté. 25

- 35cl de lait - 2 jaunes d’œuf - 75g de sucre - 30g de maïzena - deux cuillères à café d’extrait de café


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Commençons par la pâte à choux. Tu mets dans une casserole l’eau, le sel, le beurre et le sucre et tu fais bouillir le tout avant d’y verser la farine tamisée. Tu peux à présent remuer à la spatule avec intensité et travailler la pâte environ 5 min à feu doux jusqu'à ce qu’elle se décolle des parois et forme une boule. Ensuite tu retires du feu et tu laisses refroidir quelques minutes. Ajoute un à un les œufs en travaillant énergiquement la pâte à chaque fois. Pour former les éclairs tu peux utiliser une poche à douille ou bien une cuillère si t’es en galère. Fais cuire le tout au four à 180°C (thermostat 6), environ 15 min. Pendant ce temps-là, attaque la crème pâtissière, concentre-toi il va falloir assurer. Tandis que tu fais bouillir le lait, mélange les jaunes d’œuf, le sucre et la Maïzena. Verse le lait bouillant dessus et mélange bien. Après ça, remet le tout sur le feu en mélangeant bien jusqu’à ce que ça épaississe. Enfin rajoute l’extrait de café et laisse refroidir. Les éclairs doivent être prêts, tu vas pouvoir les sortir du four et les garnir. Personnellement je n’ai pas le temps de niaiser alors je coupe sur le dessus et je bourre de crème. Je recouvrirai la cicatrice avec du glaçage. En parlant de glaçage ! Prends le fondant et mets-le à chauffer ! Là normalement tu commences un peu à kiffer, tu te sens une âme de pâtissier… Ne te déconcentre pas !! C’est la dernière ligne droite. Tu transpires de la moustache ? Reste digne ! Une fois le fondant bien chaud, ajoute l’extrait de café. Tu peux maintenant glacer les éclairs ! Humm ouais ! C’est vraiment sympa ! Si tu possèdes du matériel adapté, prend donc un pinceau. Sinon fais comme moi, coule le glaçage directement dessus. Attention l’aspect peut être moche. Laisse refroidir pour que le glaçage durcisse bien. Maintenant on mange !! Et là on est bien ? Tu es bien ? Moi je suis bien.

Incroyable ! Aussi beaux que ceux de ton pâtissier préféré !!

Vraiment ! C’est fou ! Ca donne tellement envie ! Je m’en lèche les babines! Quelle saveur !! Je recommande !

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Perspective

L’éclair-rage Lise Thiéron

Cette injustice s’est révélée à moi comme la brûlure d’un chamallow trop grillé. Je me baladais dans ce musée et, comme partout ailleurs, il y a cette œuvre, cette découverte littéralement sensationnelle qui me titille l’œil et l’estomac, pour me rappeler que, finalement, il m’arrive d’être une touriste comme il y en a des milliards. Car œuvre connue ou non, reproduction disponible sur internet ou pas, curiosité, éloge ou infamie : bref, je veux voir cette œuvre dans la multitude de ses détails, m’imprégner de sa texture et essayer à chaque coup d’œil de renouer avec le premier frisson de la rencontre. Coup de foudre ou surprise incongrue, il est fort probable qu’à un moment ou à un autre, j’éprouve l’envie de la photographier. Tout simplement. Quelle déception alors ! Ô douleur, ô colère qui s’emparent de mon être attristé. Cette œuvre est salement éclairée. Pire, parfois il n’y a pas du tout de lumière ! Pourquoi l’exposer si l’on ne peut la voir ? Y avait-il un besoin de faire de la place dans les réserves ? Mais encore : qui a cru que le projecteur que l’on a placé en plein dans la pupille du spectateur innocent pouvait nous aider à mieux discerner cette œuvre intrigante ? Qui s’est dit que pour préserver l’intégrité de l’œuvre, il devait nous

plonger dans une obscurité indécente pour l’objet de notre contemplation ? Va-t-on bientôt avoir besoin de lunettes de vision nocturne pour assurer la visibilité dans les musées ? Parfois donc, je me retrouve noyée dans le glacis impénétrable des peintures à l’huile des temps modernes. D’autres fois, je me rapproche de l’œuvre pour fuir un reflet aveuglant tandis qu’un second apparaît dans l’angle opposé – ou pire : l’alarme hyper sévère (mais nécessaire, pour le coup) devient un obstacle qui s’ajoute à ma lutte. Sur ma photo, le projecteur réglé de travers rayonne plus que jamais, choisissant de se parer de son plus bel halo et s’amusant au passage à révéler ces maudites traces de doigts que j’ai pu laisser sur l’objectif. Et l’on me dit « conservation ! », « préservation ! », « œuvre fragile ! », « sensible ! ». Mais cette ampoule qui s’obstine à rester éteinte en plongeant d’un coup d’un seul trois œuvres dans le noir ? Des ampoules non remplacées, preuve inéluctable d’une restriction budgétaire épineuse – voire hasardeuse quant à choisir laquelle œuvre aura le droit à un bain d’obscurité cette année. L’électricité ça coûte

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cher, mais qu’attend donc Apollon pour nous sortir de cette misère ? Conducteur du soleil et protecteur des arts, paradoxe infini quand on sait que le soleil abîme les œuvres. Moi ça me perturbe. Mais un musée sans lumière, c’est un tombeau doré.

Ainsi, chacun a son expérience désagréable des éclairages pourris dans les musées, à croire qu’il faudrait une spécialisation à part entière pour penser la luminosité muséale. Ah oups, on me dit à l’oreillette que ça ne rentre pas dans le budget. Désolée pour vous les esthètes, il fallait Ce qui est sympathique pour le visiteur être nyctalope. inédit, ce sont les budgets en différé. On vous vend une galerie de rêve, nouvellement agencée, réorganisée et tutti quanti. Bref, vous allez voir cette collection comme vous ne l’avez jamais vue. En effet, vous ne la voyez jamais, puisque les œuvres déplacées et les spots encore figés dans le passé. Des jets de lumières s’affrontent sur le reflet d’une vitrine (propre, merci, merci) et aveuglent de moitié.

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Histoi’Art

La chandelle : temps et contretemps éclairés de l’Art Cherchez l’allumette, fouillez dans votre poche… ça y est ? Frottez-la, saisissez la tige de cire, embrassez par le feu la mèche. Et la lumière fut. Entrez dans les couloirs de l’Histoire. Ne craignez rien, la chandelle vous guidera. Un visage approche. La chaleur est écrasante mais la pierre vous entourant rafraîchit l’air ambiant. Regardez attentivement. Les contours se font peu à peu de plus en plus distincts. Il s’agit d’une femme. Elle tend une main vers nous. Ses cheveux, crantés et festonnés, retombent en tresses sur sa poitrine cachée d’un péplos. Dehors, les parfums et sons de l’été vous parviennent. Les fidèles arrivent, les bras chargés d’offrandes, déposés aux pieds de la femme. Les plis de son chiton s’entrelacent dans des motifs de rosettes, de palmettes, d’animaux passants dans des effleurements orangés, verts, jaunes, rougeoyants parfois. Vous l’aurez sans doute reconnue : la coré en péplos de l’Acropole d’Athènes vous fixe de ses yeux qui soudain, semblent s’animer. La lumière de votre torche passe sur son visage, franchit le col de ses saillantes pommettes, ondoie sur le tissu de son vêtement. Elle semble prise d’un souffle de vie, sa posture s’animant. Elle vous sourit. Et les dieux se firent hommes. Telle est alors révélée toute la charge de la lumière. Outre son rapport symbolique au bien, à la clairvoyance, au futur serein, elle se nourrit aussi de nos usages quotidiens, de nos croyances et sert même nos volontés pour impressionner autrui. Le tout passant par l’art, œuvre ou mise en scène, de lumineuse théâtralité. Si les Grecs modèlent et sculptent leurs statues de sorte qu’à la lumière du jour avançant ou de l’éclairage intérieur du temple, les œuvres cultuelles prennent vie, c’est parce que la clarté, dans ses intensités, proposent différentes ambiances qui, progressivement, animent l’objet. Encore aujourd’hui, ces effets sont recherchés dans les lieux de culte. La Vierge à l’Enfant

Laureen Gressé-Denois

de la cathédrale Saint-James de Seattle n’estelle pas, par exemple, une nouvelle coré de l’Acropole, enveloppée par la vivante nimbe des cierges ? Cette mise en mouvement sert ainsi le quotidien des fidèles, rapproche monde divin et monde mortel, une sorte de pont entre le mobile et l’immobile. Plus tard, d’autres fonctions vont apparaître. Par exemple, dès le Moyen Âge, dans les acquisitions de biens et enchères, la vente se passait de manière très particulière… En économie, la vitesse et, bien sûr, les grosses mises, sont toujours de bonne augure pour qui cherche à consommer la rareté et l’originalité. La tradition veut qu’à la dernière vente de l’enchère, on allume deux mèches successivement se consumant en trente secondes chacune. Ce n’est que sur cette durée que les tractations et la magistrale annonce des prix peuvent s’envoler. La dernière enchère déclarée à la fin de la dernière mèche l’emporte. Dans certains cas, pour de gros biens, une troisième mèche de trente secondes peut être brûlée en supplément. Comme quoi, même s’il n’y a pas vraiment le feu au lac, il y en a bien un sur la mèche pour avoir ce que l’on souhaite et le tout, dans une ambiance brûlante de nervosité ! La théâtralité de la lumière, désormais ennemie ou amie de l’enchérisseur, donne toute sa dimension encore plus précieuse à l’œuvre présentée !

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Clair Autre théâtralité, la chandelle a gardé durant la période moderne toute sa dimension de mesure temporelle. Sous les feux de la rampe, elle devient actrice à part entière sur les scènes des comédies et tragédies présentées au roi et à la cours sous le règne de Louis XIV. À cette époque, la bougie remplace la lampe à huile dont il faut constamment veiller à nettoyer les coulures d’huile, à remplir le réservoir, à remonter et couper la mèche charbonnant à la combustion. Or, la bougie était faite de deux façons à cette époque. D’une part, on avait la bougie à suif, utilisé par le peuple, plus chère que la lampe à huile mais moins que la bougie à cire d’abeille. Si sa durée de combustion est la même, elle est, hélas, dotée d’un point négatif non négligeable : son odeur de brûlure est pestilentielle ! A contrario, la bougie à cire d’abeille justement, même si plus coûteuse, présente cet avantage d’être plus délicatement parfumée. Son prix ne permet qu’au clergé et à la noblesse de se la procurer. Mais quelle évolution cette innovation a-t-elle aussi pu apporter à l’art en plus de son usage domestique ? Imaginez un instant un théâtre à la française, des bougies parsemant la scène pour éclairage, les acteurs s’apprêtant à jouer. Chacun s’installe, y va de son bon commentaire sur le roi aujourd’hui ou sur la duchesse unetelle ou le marquis untel. Soudain, les trois coups. Intenses, frappant le sol et l’air de leur auguste vigueur. La pièce se déroule ; l’intrigue s’y pique, s’y recoud, y tournoie, s’y plie et s’y détend sauf que ! Oh non ! Ça y est, il fait tout noir et la pièce n’a même pas fini !

Que va penser Sa Majesté ? Comment seulement peut-on produire une représentation de qualité si la fin jamais ne peut être racontée ? Mais l’on ne peut pas non plus faire des pièces raccourcies, cela en perdrait son sens ! Heureusement, le classicisme ambiant de l’époque, qui a aussi su toucher le théâtre, est sauvé par une solution : la chandelle pour l’acte. Si aujourd’hui, ce dernier au théâtre paraît habituel et purement lié à la nécessité de mieux organiser et rythmer l’intrigue, on en oublie souvent la raison plus pratique. En effet, la bougie ne dure, à l’époque en combustion continue, qu’une demi-heure. Il ne

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faut tout de même pas oublier que la fumée s’en dégageant restait dans la salle, entièrement close, à en étouffer les spectateurs certaines fois. L’acte, qui doit durer une demi-heure à l’origine, laisse justement le temps aux domestiques de changer les chandelles toutes disposées sur les rampes, les lustres ou encore le bord de scène et d’aérer, le temps de permutation, la salle. Ainsi, l’acte, permet une meilleure condition de représentation. De plus, imaginez toute la teneur dramatique d’une tragédie plongée dans un tel clair-obscur ! Malheureusement, le risque de flambée des costumes d’acteurs s’approchant trop près des mèches ou encore de décors, n’est pas impossible et quelques accidents arrivent parfois encore. C’est pour cela qu’à la fin du XVIIIème siècle, un pharmacien parisien a eu l’idée de remplacer les bougies par des « quinquets » (de son propore nom : Antoine Quinquet). Il s’agit de lampe à huile protégée par un double courant d’air et dotée d’un réservoir supérieur. Sur une scène, on les disposait en deux lignes comportant des trous en symétrie pour y déposer plusieurs exemplaires. Au petit théâtre du château de Valençay, ayant appartenu à Talleyrand, deux rangées de huit quinquets chacune ont été aménagées sur le devant de la scène et sont encore visibles aujourd’hui lors des visites. Ainsi, plus de départ de feu et plus de traces de cire sur la scène : le jeu en vaut enfin la chandelle ! Pour certains, malheureusement, ce ne fut pas vraiment le cas… 17 août 1661, château de Vaux-le-Vicomte, dix-huit heure. Louis XIV entre dans le domaine de son surintendant général des Finances, Nicolas Fouquet. Sa Majesté est


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époustouflée par le faste de la fête organisée en son honneur. De fins mets divinement concoctés par François Vatel l’attendent, lui et ses six cents courtisans, dans le sublime jardin créé par André Le Nôtre, illuminé par six mille bougies à la cire d’abeille. Colbert n’est pas venu, grand ennemi de Fouquet, qu’il ne tient pas en estime ; ni la reine Marie-Thérèse, enceinte alors. Des décors de Le Brun dévoilent l’emblème de Fouquet, l’écureuil, associé au Soleil, figurant sa loyale amitié au roi. Le monarque de vingt-trois ans tremble. Il le perçoit comme un acte d’orgueil de la part de Fouquet. Ce dernier, appelé « Monseigneur » par les courtisans, ne se doute de rien et est enivré de joie. Pour le moment, tout se passe à merveille. Lully et Molière font jouer une comédie à la lueur des bougies où, aux entre-actes, des domestiques déguisés en elfes sortent des bosquets pour remettre aux dames des diamants. La soirée se termine avec un grand feu d’artifice au-dessus du château : la cour est charmée. Le roi, lui, est soufflé par tant d’ingéniosité et de féerie. Pourquoi Fouquet peut réaliser ce genre de choses, avoir un pareil château, mais pas lui ? La jalousie rôde, ruminée durant la nuit, exacerbée ensuite par Colbert qui n’a de cesse de critiquer constamment le surintendant. En

effet, bien avant la fête, le Rémois convoite la charge de ce dernier et a ordonné plusieurs enquêtes sur d’éventuels détournements de fonds. De plus, le roi, encore marqué par les révoltes nobiliaires de la Fronde sous le règne de son père, voit d’un très mauvais oeil l’ascension de Nicolas. Le lendemain, La Gazette titre à Paris la fameuse soirée. Jean de La Fontaine, présent la veille, écrit même à un ami dans une lettre  : « Tout combattit à Vaux pour le plaisir du roi, La musique, les eaux, les lustres, les étoiles ». Hélas, le roi, ne le voit pas de cet œil et se sent humilié par Fouquet qui a su se distinguer. En plus de ses suspicions, c’en est trop pour son Altesse ! Voltaire aura ainsi plus tard les mots suivants : « Le 17 août, à six heures du soir, Fouquet était le roi de France ; à deux heures du matin, il n’était plus rien ». En effet, trois semaines plus tard, le maître de Vaux-le-Vicomte est arrêté à Nantes par d’Artagnan, comparaît pour un procès exceptionnel – qui durera trois ans ! – et est banni hors de France. Le Roi, ne pensant pas la sentence à la mesure de l’affront, brise le jugement et décide d’emprisonner à vie le surintendant qui meurt à Pignerol sans jamais avoir retrouvé la liberté en 1680. La chandelle, artifice domestique, symbolique, est donc par l’Histoire donnée comme créatrice d’art et de théâtralité, parfois pour le meilleur… comme 32 pour le pire !


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Ek phra sis À la lueur de la tendresse Laureen Gressé-Denois Ce n’est peut-être rien mais on croit souvent volontiers que le noir n’est noir que si l’on en sait dénicher la nuance… Cette dernière engendre la couleur et par ce seul fait, crée le contraste, le volume, l’émotion. Le paradigme apparaît alors simple : pas de lumière, pas de vie. Elle révèle bien souvent un détail qui a toute son importance ou encore, elle fait vibrer les lignes pour que l’art nous surprenne plus passionnément et nous entraîne dans son sillon. La mesure entre la lumière et l’espace est une partition de musique que l’artiste nous livre : dès lors, à nous de l’écouter ou même plus, d’y prendre part en tant que spectateur/ auditeur. Prenons alors le temps de boire quelques liqueurs de symphonies de lumière, entre peinture et poésie. Car là réside l’invention de l’ekphrasis, l’ut pictura poesis en voix et contre-voix, l’alliance de reflets dans la création visuelle et poétique afin de créer un vitrail d’interprétations, de variations autour d’un même thème contrapuntique. Notre voyage de ce mois part sur l’horizon du « clair » dont la première escale est un poème de l’Américain Henry Wadsworth Longfellow (1807-1882). « Endymion » publié dans son recueil Ballads and Other Poems en 1841 dévoile l’amant assoupi, dans toute la grâce du corps masculin alangui au clair de lune. Reprise du mythe amoureux de Séléné et d’Endymion, Longfellow enivre la scène d’un voile nocturne sentimental, dans un parfait paysage état-d’âme cher au romantisme. Les vers peignent peu à peu ce cadre dans un mouvement à la fois ascensionnel et descendant dans la couleur. Le théâtre poétique lève par la suite son rideau, invitant les personnages à se retrouver. En effet, le cœur de la narration est bien de se réunir ! Longfellow associe l’obscurité à la clarté; tout comme Séléné réveille l’amour du jeune berger par un baiser qui, elle l’espère, lui permettra d’être aiméeenretour.Pluslepoèmesedéroule,plusles vers se vêtent des habits de la passion évanouie que l’amoureuse tente désespérément de retrouver chez le jeune homme. Si l’intensité des sentiments de Séléné pour Endymion est claire, tout comme la lumière de la Lune dans le poème sur ce corps nu, Longfellow choisit la maîtrise

des sentiments chez une déesse qui, dans son espoir presque trop diaphane, cherche avec prudence à ramener contre son cœur Endymion. Le miracle n’est jamais loin. La tempérance de l’expression de l’amour véritable et sincère triomphe au dernier vers. Par une simple question, le poète révèle le fin mot de l’histoire : Endymion se réveille et est à nouveau prêt à aimer en retour sa bien-aimée qui l’a si longtemps attendu tandis qu’il dormait. Cette sérénité de l’amour pur, délivré dans un évident abandon de soi par la déesse, se dessine également dans l’huile sur toile d’Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson : Endymion. Effet de Lune, peint en 1791 et aujourd’hui conservé au musée du Louvre. Séléné, présentée sous la forme d’un vaporeux rayon lunaire diffus, vient effleurer et épouser les formes du corps nu, à l’idéal antique, d’Endymion. Par la forme du croissant de Lune sur le flanc du berger, Girodet rend sa touche tendre et légère. Cette dernière est d’autant plus sublimée par toute la clarté mise dans la nuance de cette lumière si particulière qui saisit au premier regard le spectateur. L’épiphanie, facilitée par un Amour qui retient les feuilles de l’arbre recouvrant le corps endormi, souligne la force de l’union implicite et poétique des deux amants dans une recherche de l’éphémère mais aussi dans l’indéniable évidence du sentiment harmonieux etréciproque.L’amourvientainsiàceuxquisaventattendre et garder en eux la sincère lumière de l’espoir énamouré !

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The rising moon has hid the stars; Her level rays, like golden bars, Lie on the landscape green, With shadows brown between.

La lune montante a caché les étoiles ; Ses rayons égaux, des barres dorées, Reposent sur le vert paysage, Des ombres brunes entre elles.

And silver white the river gleams, As if Diana, in her dreams Had dropt her silver bow Upon the meadows low.

La rivière brille de blanc argenté, Comme si Diane, dans ses rêves Avait lâché son arc d’argent Ici-bas sur la prairie.

On such a tranquil night as this, She woke Endymion with a kiss, When, sleeping in the grove, He dreamed not of her love.

Au fil d’une nuit si tranquille, Elle réveilla Endymion d’un baiser, Quand, dans le bosquet endormi, Il ne rêvait point de son amour.

Like Dian's kiss, unasked, unsought, Love gives itself, but is not bought; Nor voice, nor sound betrays Its deep, impassioned gaze.

Comme le baiser inattendu, inespéré de Diane, L’amour se donne, ne peut être acheté ; Ni la voix, ni les sons ne trahissent, Son profond, passionnel regard.

It comes,--the beautiful, the free, The crown of all humanity, In silence and alone To seek the elected one.

Ça arrive, -- le beau, le libre, La couronne de l’humanité, En silence et seul, Pour chercher l’élu.

It lifts the boughs, whose shadows deep Are Life's oblivion, the soul's sleep, And kisses the closed eyes Of him who slumbering lies.

Cela soulève les rameaux, dont les ombres profondes Sont l’oubli de la vie, le sommeil de l’âme, Et embrasse les paupières De l’endormi paisible.

O weary hearts! O slumbering eyes! O drooping souls, whose destinies Are fraught with fear and pain, Ye shall be loved again!

Oh cœur las ! Yeux endormis ! Oh âmes relâchées, dont les destinées Sont lésées de peur et de peine, Vous seriez encore aimés !

No one is so accursed by fate, No one so utterly desolate, But some heart, though unknown, Responds unto his own.

Personne n’est si accablé par le destin, Personne si complètement solitaire, Mais les cœurs, bien qu’inconnus, Réagissent au sien.

Responds,--as if with unseen wings, An angel touched its quivering strings; And whispers, in its song, "Where hast thou stayed so long?"

Réagissent,-- comme si d’ailes invisibles, Un ange touchait ses cordes vibrantes ; Et murmure, dans son chant, « Où étais-tu si longtemps ? »

Henry Wadsworth Longfellow

Longfellow, Endymion, traduit par Marion Guerbet


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de sa chandelle qui crée une transparence sur sa main. Le caractère divin y est-il révélé comme Jésus étant lui-même fils de Lumière ? Quoi qu’il en soit, la direction calme des lignes et des regards amène indubitablement l’attention du spectateur sur le triangle lumineux formé par les yeux de Joseph, ceux de Jésus et la flamme de la bougie comme symbole de la Trinité… Mais surtout et avant tout comme métaphore du lien invisible, à jamais tendre, qui unit père et fils par la douce clarté d’une bougie ! Cette luminosité si particulière amenée par le peintre, je vous propose de la retrouver et de la ressentir à votre tour dans un poème ekphrasis écrit rien que pour vous !

Coquille d'écorce, creuse, fore, sculpte Sillons de miel, figées veines aux effeuillées Paupières, la main ne tremble, elle vrille, Tournoie, écope orbes de chêne et dorées sciures. Doucement bruisse la polie Gorgée des cernes ourlées… Lève ton regard au brumeux front Que d’un iris d'ébène plénier Puisses-tu l'épiphanie contempler !

Toutefois, la lumière ne représente pas toujours dans l’art la tendresse amoureuse… Deuxième escale : la tendresse filiale ! L’amour de sa famille permet à tout un chacun de se constituer une première fondation pour appréhender le monde de la meilleure manière possible en grandissant. De nos parents, nous gardons bien souvent une image de personnes emplies de sagesse et d’expérience, à même de nous protéger et de toujours nous entourer de leur amour jusqu’au jour où nous devons le leur rendre à notre tour. Toute la complicité père-fils reprend cette idée dans l’huile sur toile Saint Joseph Charpentier de Georges de la Tour, peinte entre 1638 et 1645 et conservée aujourd’hui au musée du Louvre.

Doucement bruisse à l'irisé plancher, La marmoréenne étoffe. Là, sous les dansants Flots d'une mer astrée, tournoie à la chair Rosée, l'ombre éclaircie de couleurs épanchées.

Le titre en fait une œuvre à caractère religieux mais si l’on s’attarde uniquement sur le visuel, rien ne semble indiquer clairement qu’il s’agit de Joseph et de Jésus, son fils adoptif. Le spectateur s’identifie plus clairement dans ce duo, plongé dans une semi-clarté qui invite à pénétrer dans l’intimité de la scène. Joseph, charpentier de métier, travaille encore tard le bois dans son atelier. Jésus l’éclaire de sa bougie et semble être figé à l’instant-même où il allait adresser la parole à son père. Ce dernier relève la tête et croise le regard de l’enfant, dévoilé par la lueur

Automnale et proleptique parure, de qui enseigne, De qui reçoit, et par la seule auréole, du filial regard Enluminé, sculpte plus encore l’onde nimbée De la mèche presque désormais délavée Ici-bas, où à la lueur de promesses, S’étirent de nouvelles aubes Au cœur d’une complicité boisée.

Estompée auréole : voici l'Innocence À la couronnée clarté ! Crépusculaire mèche à son cou retombant, S’entrouvre des mots le rouge parvis et, lancinant, Valse le Verbe aux ouvragées voluptés Que fragmente sous de translucides doigts Le miel de la cire figée…

Laureen Gressé-Denois, « Cire Boisée »

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#Backtoschool

Morgane Vitcoq

La photo ayant reçu le plus de j’aime:

Photo du PARC DES BUTTES CHAUMONT

Le mois prochain, le Louvr’boîte de deviner le thème choisi pour numéro gratuit ! Stay tuned ! 38


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Mention spéciale :

© Lise Thiérion

e vous propose à nouveau tenter de gagner votre 39

Photo du concours


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Le choix de la Rédac ‘ « L’idée de ce choix de la rédac’ - et du thème des numéros de cette année ! » Yvine

« Le T-Shirt des Simpson que j’ai trouvé pour l’anniversaire de ma petite sœur. Je crois bien que c’était son cadeau préféré. » Ivane

« Le jour où, en quatrième, il a fallu imaginer la fin de la nouvelle La Parure de Guy de Maupassant en rédaction, et que, sans faire exprès, j’ai écrit la vraie fin. » Morgane

L’ÉCLAIR DE GÉNIE

« Vous avez jusqu'au 28 janvier pour voir ma tête sur les livrets jeunes de l’expo temporaire Dans la peau d’un soldat au Musée de l’Armée. Si si. » Yohan

« Donner à mon petit ami, avant son départ pour un voyage à Venise, une grosse enveloppe contenant plusieurs autres petites renfermant chacune un calligramme par jour pour que je puisse voyager par le coeur et la pensée avec lui car il regrettait que je ne puisse pas l’accompagner physiquement. » Laureen

« le jour où j’ai compris comment fonctionnait la laverie (qui est aussi celui où j’ai réalisé que je n’y retournerai qu’en cas de stock critique de chaussettes propres) » Inès 40


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Le reste du Monde « Je le cherche encore. Disons que j’attends l’orage. » Valentine, région parisienne.

DONT VOUS ÊTES LE/LA PLUS FIER.ÈRE ?

« Réveillée en pleine nuit par une inspiration lumineuse pour un devoir (je suis en école d’art). » Anastasia, Savoie.

«J’ai fait une affiche dont l’intitulé était «DÉFENSE D’AFFICHER» et je l’ai mise sur un mur où il était indiqué « DÉFENSE D’AFFICHER »». Alexandre, Bordeaux.

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Photographiques

Crédits 43

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P. 4 : Dobbins - «Mere oblivion sans teeth, sans eyes, sans taste, sans everything» [Carte postale]. (1870). Provient de http://ark. digitalcommonwealth.org/ark:/50959/7m01bv89x P. 5 : Lessive magique, [publicité]. (18??). provient de http:// silos.ville-chaumont.fr/floraoai/jsp/index_view_direct_anonymous. jsp?record=default:UNIMARC:80075 P. 6, 9, 13,18, 21, 24, 27, 33, 37, 42 © Sophie Leromain, Glyptothèque de Copenhague P. 8 : The Miriam and Ira D. Wallach Division of Art, Prints and Photographs: Art & Architecture Collection, The New York Public Library. (1895 - 1917). Whitman’s chocolates and confections. Philadelphia. Provient de http://digitalcollections.nypl.org/ items/510d47e2-90f0-a3d9-e040-e00a18064a99 P.10 : By Sailko (Claude Monet) [CC BY 3.0 (http:// creativecommons.org/licenses/by/3.0)], via Wikimedia Commons P.11 : Claude Monet [Public domain or CC BY-SA 4.0 (https:// creativecommons.org/licenses/by-sa/4.0)], via Wikimedia Commons P.13-14, 29 : © Inès Amra P.14 : By Nationaal Archief [CC0], via Wikimedia Commons P.16-17 : © Ivane Payen P.22 : © CASOAR P.25 : The Miriam and Ira D. Wallach Division of Art, Prints and Photographs: Picture Collection, The New York Public Library. (1902). His mother was busy cooking. Provient de http://digitalcollections. nypl.org/items/6c7e7cab-ec6d-0afd-e040-e00a18064f43 P.26 : © Taslima Gaillardon P.28, 39 : © Lise Thiéron P.30 : © Amber Wilkie - Vierge à l’Enfant de la cathédrale SaintJames de Seattle P.31 : © Michel Chassat - Petit théâtre de Valençay P.32 : © Anaïs Achard P. 34 : © Anne-Louis Girodet de Roussy-Trioson [GFDL (http://www.gnu.org/copyleft/fdl.html) or CC-BY-SA-3.0 (http:// creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0/)], via Wikimedia Commons P.36 : © Georges de La Tour [Public domain], via Wikimedia Commons


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Louvr’Boîte

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