Louvr'Boîte 6, avril 2010

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Vers un musée écolo ? Mémoires :

les M1 témoignent !

Et toujours plus de jeux, BD, voyages... Le retour des bons plans !

Le Louvre Abu Dhabi en 5 questions

En cette fin d’année scolaire, où tout s’achève, où tout commence, voici venir le temps des bons petits plans sympathiques de Paris, avant l’été. C’est le moment de vous mettre à la chasse des petits coins agréables où il fait bon de se poser loin des agitations de la cafétéria, des bruits des photocopieuses de la bibliothèque, et des bruissements de pages des manuels de l’Ecole.

POURQUOI ABU DHABI ?

(Suite page 27...)

Depuis leur indépendance en 1971, les Emirats Arabes Unis, et plus spécifiquement l’émirat d’Abu Dhabi, ont noué avec la France un partenariat privilégié dans de nombreux domaines et le développement culturel constitue un volet important de cette stratégie coopérative globale. La Sorbonne a déjà ouvert une antenne en 2006 témoignant d’une volonté d’ouverture au-delà de la sphère anglo-saxonne. Bien évidemment celle-ci n’est pas absente puisque le Guggenheim ouvre une antenne à côté du Louvre dès 2011, poursuivant sa politique

de délocalisation désormais bien rodée, et que l’université de New York inaugure un campus cette année. Ainsi, c’est véritablement l’excellence internationale qui intéresse les autorités émiriennes dans leur volonté de préparer la transition vers une économie post-pétrolière. La naissance d’une « société de la connaissance », cosmopolite (80% d’expatriés) et ouverte (66% des étudiants à l’université sont des femmes), est permise par les revenus considérables que le pays tire de sa rente pétrolière. En effet les institutions les plus respectables ne cachent pas l’intérêt financier qu’elles trouvent dans ce qui apparaît être aux yeux du néophyte l’archétype même d’une mondialisation culturelle dictée par la diplomatie du dollar. (Suite page 4…)


EDITORIAL

Le dernier de l’année En voilà une dure sentence ! Mais il faut bien accepter l’évidence et les vacances. Après tout, on n’écrit pas pour les pigeons, aussi nombreux en été qu’en hiver, mais pour les élèves qui n’ont pas la même assiduité de fréquentation (mais qui ne défèquent généralement pas sur l’escalier Jaujard alors on leur pardonne). Quand nos lecteurs dépeuplent les lieux, nous n’avons pas d’autre choix que de les suivre dans leur retraite… Mais ces temps de disette ne sont pas encore venus, qu’on se le dise ! Louvr'boîte vous accompagne en cette fin d’année difficile, déployant toute son énergie pour vous faire oublier les examens et autres rites de passages déplaisants qui vous maintiennent en état de siège. Et il se tient prêt à remettre le couvert à la rentrée prochaine, fort de votre soutien et de votre assistance ! Nous tiendrons une réunion d’information pour présenter le projet aux intéressés et accueillir les nouveaux dans l’équipe. Toutes les plumes frétillantes et autres énergies journalistiques y sont vivement conviées ! En attendant, vous pouvez toujours nous contacter sur notre sempiternelle adresse mail : journaledl@gmail.com Que trouver dans ce numéro 6, à la pagination fort rondelette ? Nous n’y annoncerons pas la mort de notre Dumbledore à nous (Philippe Durey va bien, merci) mais nous vous raconterons pourquoi le développement durable au musée, c’est le bien et ce qu’il faut savoir du cinéma germanique actuel. What else ? Vous ne connaissez pas grand-chose du Louvre à Abu Dhabi, et comme la rédactrice de ces lignes, vous vous

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Dernière réunion et relecture pour la Rédaction...

êtes longtemps contenté(e) de crier avec les loups ? L’article dossier du mois vous permettra de voir clair dans les grandes lignes de ce projet hautement controversé. Louvr'boîte manie ce mois-ci des ficelles de comm’ aussi grossières que celles de la télévision italienne pour s’attaquer à des thèmes manquant un brin de glam. Comment ça, il y a des madames (presque) nues dans les pages consacrées à la Révision générale des politiques publiques ? Le second cycle est aussi mis à l’honneur dans un article à plusieurs voix : Les M1 s’interrompent un instant dans leur course folle et vous racontent quelques petites anecdotes croustillantes concernant leur mémoire d’étude. Les fuites en région à fort caractère se maintiennent inexorablement avec une évocation du grand Nord (-Pas-De-Calais). Jannic Durand, tsar de toutes les Russies, éclipse son chauve homonyme le temps d’une interview exclusive. Nous sommes également ravis de voir que le journal a su toucher le personnel de l’école : les appariteurs se dévoilent dans un article ultra référencé. Ils sont des nôtres ! Nous accueillons aussi dans nos colonnes une réponse à la lettre d’amour ouverte du numéro précédant. La rubrique courrier du cœur semble avoir de beaux jours devant elle et nous espérons bien publier prochainement de nouvelles missives enflammées ! Enfin, certains se désoleront peut-être de la disparition des mots croisés mais pourront s’occuper en s’adonnant à un petit jeu de déshabillage/habillage d’œuvres d’art concocté par un féru de la vieille nippe. Enjoy ! Et à bientôt ! Margot Boutges


L'actu BDE en cette période troublée de fin des cours et de débuts des e*****s, c'est bien sûr le GALA ! Pour ceux qui ne le sauraient pas encore (c'est-à-dire les ermites, les rétifs à la technologie et ceux qui font des fouilles en Égypte), la grande soirée edlienne aura lieu le mercredi 2 juin. Comme l'année dernière, le gala sera découpé en deux parties. Acte 1 : dans un écrin somptueux dont nous gardons pour le moment l'identité secrète vous pourrez, le temps d'un cocktail, vous imaginer à l'Opéra. Formes délicates, atmosphère précieuse mais pas surannée et buffet raffiné, le tout couronné de champagne pour votre plus grand bonheur. Pas la peine pour autant de sortir la crinoline, le thème n'est là que pour vous faire rêver, c'est un gala, pas un bal masqué ! C'est durant cette première partie que l'on procédera au tirage au sort de la déjà célèbre Tombola. Un ordinateur, des livres d'art, des catalogues et de nombreux autres lots sont à gagner ! Si vous n'avez pas encore acheté vos tickets (pas bien), vous pouvez encore venir en quémander humblement au BDE mais dépêchez-vous ! La chorale de l'école sera également de la partie et vous présentera le répertoire travaillé cette année au cours d'un petit concert. Acte 2 : changement complet pour une deuxième partie survoltée ! Direction Orsay en embarquant sur le Concorde-Atlantique, péniche amarrée devant l'ancienne gare. DJ, bar, terrasse et ambiance explosive pour vous faire tenir jusqu'au bout de la nuit (voire plus si affinités) ! Le BDE cherche encore des volontaires avant, pendant et après la soirée. Si vous êtes sûrs de pouvoir donner un coup de main (on aime moyen les désistements on ne va pas vous le cacher), n'hésitez pas à passer au bureau ou à nous contacter sur Facebook ou via le mail bdeedl@hotmail.fr. Comme au Club Med, toutes sortes d'activités passionnantes vous y attendent, il suffit juste de signer. Récapitulons : le 2 juin, on ne reste pas à regarder la 268èrediffusion du Gendarme à Saint-Tropez, on met ses plus belles fripes et on profite de la soirée edlienne de l'année de 19h30 jusqu'à l'aube. Les places sont en vente au Bureau des élèves à partir du mois de mai au tarif fantasmagorique de 15 € la soirée / 25 € les deux parties pour les adhérents et 18 € / 33 € pour les non-adhérents. Petits copains, dulcinées, famille me

encombrante et animaux de compagnie non -polluants sont également les bienvenus. Malgré ce pharaonique projet, le BDE continue de vous proposer des activités en tous genres. Période d'examens et de rendus de travaux intellectuels (ou pas) divers oblige, nous avons tout de même ralenti la cadence...

ACTU DU BDE

En route pour le gala !

Pour ceux qui auraient besoin de se défouler mais qui ne veulent pas attendre le 2 juin, le BDE vous propose une soirée Erasmus Paris au Mix Club Montparnasse le 20 mai. Une soirée étudiante de plus ? Peut-être mais celle-ci est gratuite donc si vous en avez marre d'actualiser votre page Facebook toute la soirée, mettez un haut propre et venez vous éclater ! Comme d'habitude, si vous voulez des détails, passez nous voir. Le ciné-club s'est mis entre parenthèses pour les examens mais l'année n'est pas finie ! Le 25 mai et le 8 juin, le cinéclub revient pour deux séances exceptionnelles, plus longues, plus grandioses et avec encore plus de surprises. La programmation sera annoncée très bientôt alors gardez un œil ouvert ! C'est tout de même avec tristesse que le ciné-club vous annonce ces dernières séances de l'année car la création des cours de langue en premier cycle ne permettra plus de dégager un créneau mensuel pour cinéphiles en manque. Regrettons mais célébrons tout de même une très belle année entre découvertes et grands classiques, films sérieux et grosses marrades. Nous espérons vous voir nombreux fin mai pour le chant du cygne d'un club qui aura égayé nos mardis soirs esseulés. Fin d'année oblige, le BDE voudrait remercier tous ses adhérents et tous ceux qui ont contribué à l'ambiance et au dynamisme de notre petit bureau étudiant. Grâce à vous, à votre fidélité et à votre soutien (physique, financier et moral !) nous avons pu proposer des activités variées (visites, sortie au théâtre, voyage, conférences...) et monter des projets aussi importants que le gala et c'est quand même grave la classe tout ça alors merci beaucoup ! Anaïs Raynaud

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Le Louvre Abu Dhabi en 5 questions Le musée du Louvre Abu Dhabi ouvrira ses portes en 2013 et beaucoup de choses ont été écrites et même hurlées à son sujet. A travers le nuage de fumée qui s’échappe de ce sujet brûlant, tentons de faire le point sans se griller les ailes.

QUE TROUVERA-T-ON AU LOUVRE ABU DHABI ?

Le projet scientifique et culturel du musée est mené par l’Agence France-Museums qui regroupe la douzaine d’établissements partenaires (musée du Louvre, musée d’Orsay, musée du quai Branly, MNAM, musée Guimet, BNF, Ecole du Louvre, musée et domaine national de Versailles, domaine national de Chambord, musée Rodin, RMN, établissement public de maîtrise d’ouvrage et de travaux culturels). Le conseil scientifique composé de conservateurs français est à l’origine de la muséographie, de la politique d’acquisition du musée et des expositions temporaires. Le parcours des collections (6000m2 sur les 24000m2 du musée) s’effectuera suivant un axe chronologique et thématique au sein duquel les différentes civilisations seront présentées de manière parallèle afin d’embrasser en une seule visite la dimension universelle du musée. L’axe chronologique sera divisé en quatre grandes périodes, facilement intelligibles par un large public : archéologie et naissance des civilisations ; temps médiévaux et naissance de l’Islam ; l’époque classique, de l’Humanisme aux Lumières ; l’époque moderne et contemporaine, à partir de la fin du XVIIIe siècle. L’ensemble des membres partenaires s’est engagé à prêter 300 œuvres qui seront restituées au fur et à mesure sur une période de 10 ans. Celles-ci seront présentées avec les pièces qui appartiendront en propre au musée. Une cinquantaine d’œuvres ont déjà été achetées sur le marché de l’art, d’un Bodhissatva du Gandara au Bohémien de Manet en passant par un Christ bavarois du XVIème siècle et le Mondrian de la collection Pierre Bergé- Yves Saint Laurent. Et faisons taire les mauvaises langues : l’on ne cachera pas ce sein que l’on ne saurait voir. La Vénus et nymphes au bain de J-F Lagrenée a été acquise à Stuttgart, à très bon prix dit-on.

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Pour proposer un discours qui permette de saisir cette perspective historique et culturelle globale dans un nombre d’œuvres limité, plusieurs niveaux de thématisation sont retenus, qui autoriseront, de plus, la rotation annuelle des

prêts français sur les dix premières années d’existence du musée. Le premier de ces niveaux, qui servira de fil rouge à la visite, correspond à un thème fondamental de la création artistique, renouvelé chaque année, abordant de grandes questions humaines telles que le pouvoir, l’histoire, la spiritualité, l’intimité, etc. Ces grands thèmes seront déclinés en fonction des civilisations. Un budget de 13 millions d’euros par an est prévu pour l’organisation des expositions temporaires dont le programme, défini parallèlement au projet scientifique et culturel, viendra amplifier le propos offert par les galeries du musée, en invitant les collections du monde entier à contribuer à des événements originaux, susceptibles de circuler dans de grandes institutions muséales internationales.

DOSSIER

[…suite de la page 1] La partie émirienne s’est engagée à verser 1 milliard d’euros sur trente ans au Louvre et aux autres établissements partenaires en échange de l’exploitation du nom, du prêt d’œuvres et de la formation des équipes de conservation et de restauration sur place.

ENCORE JEAN NOUVEL ?

On connaît son travail sur le musée du quai Branly et la volonté de construire un bâtiment qui se distingue clairement dans le paysage parisien, affichant une nouveauté certes plus feutrée que celle du centre Pompidou en son temps mais une nouveauté quand même. A Abu Dhabi, Jean Nouvel rendosse son étiquette d’architecte « contextualiste ». Il s’est inspiré du milieu naturel dans lequel s’inscrit le musée, une lagune ouverte sur le golfe persique, pour reprendre les codes de l’architecture moyen-orientale. En proposant une coupole blanche de 180 m de diamètre qui coiffe les deux-tiers du bâtiment, il fait dialoguer ombre et lumière, rappelant au visiteur l’architecture du mausolée, de la mosquée ou du caravansérail. Par le jeu de ce moucharabieh contemporain ouvert sur la mer, le dôme tempère les salles et les modules du musée sous-jacent, en même temps qu’il ombrage la déambulation intérieure, favorisant la climatisation et l’éclairage naturels. Bien sûr, la lumière a une fonction symbolique dans ce projet tout comme la présence du plan d’eau dans lequel le musée se reflète en même temps qu’il reflète le ciel : il s’agit de créer une villemusée dont le plan s’apparente au plan traditionnel de la médina des villes arabe. Mais pourquoi Jean Nouvel ? C’est l’architecte français le plus célèbre, et le ministère du tourisme local a misé sur une stratégie de « branding » consistant à mobiliser tous les plus grands architectes mondiaux afin de faire du district culturel de Saadiyat une sorte d’œuvre d’art collective. Franck Gehry est chargé du Guggenheim, Tadao Ando du musée de la Mer et Zaha Hadid


DOSSIER

du Centre des Arts vivants. Rivalités en perspective au pays de l’or noir. QUEL PUBLIC POUR CE MUSEE ?

C’est peut-être la question la plus délicate. S’agit-il d’une cour de récré pour riches retraités ? D’un avatar du modèle floridien ? Ce serait méconnaître les mutations actuelles de la société émirienne que de l’affirmer inconditionnellement. En effet la muséographie sera essentiellement axée sur la pédagogie par l’intermédiaire d’un musée des enfants composé d’une galerie autonome et d’ateliers en accord avec la transition qu’amorce la société émirienne vers une société de la connaissance. Une attention particulière est portée aux supports audio-visuels. Les structures d’accueil sont évidemment prévues pour satisfaire la clientèle internationale du complexe touristique de luxe qui se développe sur le district culturel mais l’équipe de médiation qui sera formée par des spécialistes français devra également faire face à une population qui n’a jamais mis les pieds dans un musée, comme la population émigrée pakistanaise et indienne très représentée dans l’émirat. Même si, comme en France, on peut s’attendre à ce que le musée soit essentiellement fréquenté par les classes aisées et éduquées, des études sont en cours pour connaître les réactions de la population la plus défavorisée du pays face au projet. POURQUOI UNE TELLE POLEMIQUE ?

« Les musées ne sont pas à vendre » titrait dans Le Monde daté du 12/12/2007 la tribune signée Françoise Cachin, directrice honoraire des musées de France, Jean Clair, conservateur général honoraire et Roland Recht, professeur d’histoire de l’art européen médiéval et moderne au Collège de France. Pour eux assurément le Louvre a vendu son âme avec son nom en se lançant dans « l’entertainment business » sur le modèle du Guggenheim. « Selon quel principe, soucieux de la conservation et de la mise en valeur des col-

lections patrimoniales, devrait-on utiliser les œuvres d'art comme des monnaies d'échange ?», s’interrogent ces pontes du monde de l’art, inquiets de voir leurs chefs d’œuvre s’envoler, contre rémunération, pour des horizons lointains. On peut comprendre cette levée de bouclier face à une telle entorse dans la déontologie du fonctionnement muséal, les prêts étant habituellement gratuits mais les œuvres ne s’envoleront pas éternellement. On implore alors l’intégrité intouchable de la collection au nom du respect du public. Certes. Au nom d’un certain public qui peut admirer des œuvres majeures n’ayant pas toujours atterri à Paris de la manière la plus « morale ». On connaît l’impact des études postcoloniales aux Etats-Unis et on regrette que leur voix soit si faible en France. Cela permettrait parfois de remettre les choses à leur place : au nom de quel principe républicain universaliste les Emirats ne pourraient-ils pas accueillir, entre Orient et Occident, face à l’Iran, un musée qui intègre justement la leçon des Lumières ? Bien sûr cela place la création du musée sur un plan politique mais l’ouverture du musée du Louvre elle-même n’était -elle pas issue originellement d’une victoire de la démocratie sur la monarchie absolue ? En revanche la polémique étouffe un fait ambigu. Ce sont des conservateurs français qui participent à l’enrichissement de la collection du musée du Louvre Abu Dhabi au détriment des collections nationales. Il y a là un conflit d’intérêt patent sur le plan déontologique qui n’en est pas vraiment un sur le plan pratique, tant la disproportion des moyens est criante. On voit dès lors d’un autre œil la manne financière que la partie française tirera de l’opération. C’est finalement en menant une politique d’acquisition, de restauration, de conservation et de médiation ambitieuses que le projet se justifiera a posteriori aux yeux de l’opinion française. Pierre-Henri Foulon

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Tout, tout, tout, vous saurez tout sur les exams

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n cinq numéros de Louvr'Boite, personne ne s'était encore jamais penché sur les examens. Ils n'ont peut être pas l'attrait d'une interview de Maximilien Durand, professeur bankable de l'EDL, ou des mots croisés négligemment faits au cours d'un fastidieux TP sur Gangaikondacholapuram. Et bien oui chers amis, les examens font peur, surtout pour les premières années. C'est la période la plus angoissante de l'année, la moins moumouttesque diraient nos muses du BDE. Et pourtant, chaque année on y revient, comme à un TDO à Saint-Denis. C'est le syndrome de Stockholm de l'EDLien. La nouveauté de l'année est que nous n'aurons plus le loisir d'aller à la Mutualité, ce lieu qui donnait aux examens une saveur estivale du meilleur goût. Non cette année nous le ferons dans notre bon vieux et pas confortable mais néanmoins vénérable Louvre. Hélas. Ceci dit, cela atténue le stress du petit 1A, qui tant bien que mal selon le crédo des Igrecs, a non seulement allongé les biftons pour le manuel d'Agnès Benoît, mais aussi appris par coeur ledit manuel !

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Voici donc de quoi initier les novices et rappeler de bons vieux souvenirs aux briscards louvriens qui arpentent nos couloirs blancs. La date des examens est donnée par l'Ecole courant février, ce qui déclenche inexorablement des réactions désespérées visant à assimiler le Louvre à un peloton d'exécution, ou à un abattoir. D'autres encore (spés PAM), font le parallèle avec une guerre sans merci qui s'annonce entre les représentations du repas funéraire de la XIe à la XIIe dynastie et l'élève désœuvré. L'élève arrive donc pour les huit heu-

EXAMENS

Pour les anciens, ils évoquent d’improbables sujets qui font bien rire aujourd’hui. Pour les autres, ils sont synonymes à la fois de douleur (ces interminables révisions !) et de délivrance (enfin les vacances !)… Mais pour les petits nouveaux, c’est un saut dans l’inconnu. Nous levons pour vous une partie du mystère sur ces redoutables examens de fin d’année, en rappelant quelques souvenirs à tous ceux qui sont passés par là.

res sonnantes à la Maison de la Mutualité, ce qui gonfle son égo puisque Ségolène Royal, François Hollande, Maurice Thorez y ont donné moult meetings ! 8h30 : Epreuve de dissertation. Tout le monde est assis sur les fauteuils simili Louis XV (pardon aux spécialistes de l'ameublement des grandes demeures). Et là, en ce premier jour, c'est l'angoisse qui est à son paroxysme. On sait que quatre matières sont en jeu et les pronostics sont allés bon train. Egypte – Orient face à Préhistoire – Inde et je mets l'Orient à la poubelle ! Et là deux cas possibles s'offrent à vous : soit vous dépri-


EXAMENS mez sur vos tables gentiment calées avec du brouillon, maudissant le professeur incriminé et sa matière ; ou alors, vous sautez de joie parce que vous êtes en spécialité Art Indien et les reliefs Gupta n'ont donc plus aucun secret pour vous, vous aurez à traiter un sujet bien connu. Le quartier de la Mutualité regorge de petites sandwicheries appétissantes qui donneront à l'élève désormais plus détendu (ou au fond du trou) de quoi se restaurer avant d'attaquer les quarante minutes de l'épreuve de commentaires de clichés. L'élève discute alors avec ses pairs des lieux possibles pour aller uriner dans un musée, ou de sujets plus profonds comme la teneur et la pertinence de l'exemple cité pour le sujet choisi (en l'occurrence : comment replacer dans l'évolution de l'art sumérien la figure de la royauté divinisée ? ). On entendra alors dire que l'exemple ne servait pas notre propos, déclenchant les rires des joyeux compères. Retour à la Mutualité en ce bel après midi de mai, pour l'épreuve des clichés. La plus stressante. Non seulement pour l'élève en question mais aussi pour la préposée à la projection que l'on voit littéralement courir dans la salle et hurler des "C'est pas l'bon cliché !! ", "Faut deux copies distinctes pour les deux matières !! ". L'ambiance s'apparente alors à un plateau télé. Rassurons les élèves de première année, à Rohan c'est encore mieux pour l'ambiance. Ce n'est pas Jean-Pierre Foucault qui apparaît mais un chargé de TDO ou les jours de chance, Laurence Tardy qui sait rassurer de sa douce voix tout en vous donnant les instructions si bien connues.

Le premier cliché tombe donc comme on s'y attendait. Et là, apparaissent des cailloux ! De maudits cailloux !! Le préhistorien se frotte les mains (comme s'il s'attendait à pouvoir faire du feu comme ça ! ) et le spécialiste de la haute couture se mouche dans son veston de désespoir ! On aura l'occasion le soir venu de blâmer monsieur Perrier dans un groupe Facebook. Les clichés de madame Benoît sont quant à eux donnés mais si vous oubliez un millimètre dans les dimensions du petit Gudea du Louvre, vous êtes bon pour vous prendre un coup de massue de Mesilim ! Quant à ceux de monsieur Bovot, c'est un peu la roulette russe: le couteau du Gebel el-Arak ou le relief paumé d'une tombe de la Vallée des Reines. Tout ceci donc pour remettre la même journée avec la même boule au ventre le lendemain, avec d'autres matières tout aussi planantes. Vous disserterez sur les dragons en bronze de madame Elisseeff, vous commenterez à coup sûr l'Arringatore Aule Meteli de Liliana, et vous saurez tout des périodes archaïques grecques et du martyre des plus grands saints de l'ère chrétienne! Les examens resteront néanmoins un moment immense, davantage un bon souvenir qu'un mauvais, qui saura provoquer des rires plus que des pleurs. Je souhaite à tous les élèves une bonne chance pour cette session de mai. Qu'elle vous soit profitable, en espérant que vous n'aurez pas à retourner au charbon en septembre ! Guillaume Patey

EN BREF Association EDL Art&Co C’est avec un grand plaisir que vous nous annonçons le lancement d’une nouvelle association à l’Ecole du Louvre pour l’année prochaine. EDL Art & Co a pour but de lancer une jeune génération d’artistes contemporains, tout en permettant aux élèves de l’Ecole de se lancer dans l’organisation de trois évènements culturels, et de participer à une meilleure connaissance des arts contemporains au sein de l’établissement. Nous comptons organiser donc trois manifestations artistiques : une soirée de Cinéma d’Art et d’Essai, un défilé de mode et une exposition de Beaux-Arts regroupant tous les domaines artistiques de l’art contemporain (peinture, sculpture, arts graphiques, photographie, musique et design). Promouvoir la jeune création est notre credo, et l’Ecole peut leur permettre d’être un bon tremplin par nos connaissances et nos contacts. Partie d’une idée de deux étudiants en arts du XXe siècle et en Grandes Demeures, l’association verra donc sans doute le jour officiellement très prochainement, et aura besoin de gens motivés, prêts à se lancer dans cette aventure. Vous êtes tous les bienvenus, et nous vous tiendrons au courant d’une hypothétique réunion organisée au mois de juin. Nous restons en contact. Pour plus d’informations : jeanbaptiste.corne@hotmail.fr

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POLITIQUE CULTURELLE

Vous en avez surement entendu parler. Le gouvernement se lance dans une grande réforme concernant l’ensemble de l’Etat et le ministère de la Culture et ses différentes branches directement concernées. Qu’en est-il exactement? Quelques éléments de réponse...

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a RGPP : encore un sigle compliqué dont vous n'avez pas fini d'entendre parler. Dans un langage vulgaire (autant dire pas chez nous) on parle de Révision Générale des Politiques Publiques. Il s'agit tout bêtement du grand chantier lancé conjointement par notre Président et son premier ministre François Fillon en juin 2007. Car la situation est critique ! L'État dépense beaucoup plus d'argent qu'il n'en gagne, il faut retrouver un équilibre budgétaire d'ici à 2012 ! Pour cela, un plan de réorganisation de toute l'Administration a été lancé. Refondre entièrement une administration n'est pas une brillante idée française, elle nous a été soufflée par le Canada qui a procédé à la réorganisation de son administration dès 1994. Leur budget est maintenant en excédent, et la dette publique s'est considérablement résorbée. Chez nous ce plan drastique se compose jusqu'à présent de 374 décisions différentes. L'économie prévue est de 7,7 milliards d'euros (avant la crise financière de l'année dernière qui a fait exploser notre tirelire nationale). La RGPP va structurer les budgets des ministères et leurs enveloppes de crédit. Hourra.

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Ses grandes missions sont : faire des économies dans la gestion de l'administration (avec entre autres le développement des supports internet), simplifier les procédures administratives et clarifier l'organisation de l'administration pour une meilleure efficacité. On souhaite également modifier la gestion des ressources humaines avec trois grands points. Primo la création d'un droit à la mobilité pour chaque fonctionnaire. Plus qu'un droit, il s'agit clairement de rendre le parcours d'un fonctionnaire beaucoup plus souple et de l'encourager à être capable de se reconvertir, et il en aura sûrement besoin le pauvre. Secundo, la culture du résultat s'impose comme moyen de gagner en efficacité. Dans les musées, cela se traduit par des contrats de performance, que le musée passe avec l'État, par exemple en matière de démocratisation culturelle. Et les sous-sous donnés à chaque institution vont désormais dépendre de l'efficacité de leurs actions. Tertio, l'État veut ouvrir et diversifier le recrutement. Pour cela, les contenus des concours de la fonction publique ont été modifiés. Ils seront plus axés sur la profession préparée pour permettre à des personnes travaillant déjà, par exem-

ple dans le privé, d'entrer dans la Fonction Publique, limitant par là-même l'entrée de personnes moins préparées. Fini le temps béni de nos parents où, lorsque l'on était au chômage, on pouvait au moins avoir la chance d'obtenir un concours de la Fonction Publique en remerciement de nos années d'études ! Désormais si t'as pas de boulot dès le début c'est forever galère !

DECRYPTAGE

RGPP : où quand quoi pourquoi?

Évidemment, le projet dont on a le plus entendu parler, ce qui semble logique quand le but affiché est l'économie des finances, c'est le non remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant en retraite. Cette mesure concerne toute la Fonction Publique, autant l'Éducation que la Santé (et principalement les hôpitaux). C'est peut-être moins marqué dans certains ministères et notamment dans celui de la Culture. Les réformes au Ministère de la Culture Pour remplir tous ces objectifs, des mesures particulières ont été prises dans chaque ministère. Celui de la Culture n'est pas épargné. Pour commencer, les missions du Ministère ont été clarifiées et réduites à quelques grandes lignes. Tout projet s'écartant de ces lignes ou trop coûteux pourra et devra être abandonné. Les projets dits « secondaires » pourront eux aussi être abandonnés. Dans la même idée, il est conseillé de recourir à des soustraitants privés, et de favoriser les initiatives individuelles. Le Ministère a été réorganisé pour remplir efficacement ces nouvelles missions. C'est tout simple, vous allez voir... Au lieu de ses dix directions (parmi lesquelles on trouvait la Direction de l'architecture et du patrimoine, la Direction des archives de France, la Direction des musées de France...), le Ministère n'en a plus que trois depuis le 13 janvier. La première est la Direction générale des patrimoines dans laquelle plusieurs des Directions déjà existantes sont regroupées. On trouve ainsi la sous-direction au patrimoine, la sous-direction aux musées de France... Peu de changements majeurs si ce n'est l'apparition d'un service interministériel des archives de France, qui permettra de mieux gérer ces fonds, à l'origine répartis entre trois ministères (l'Intérieur, la Culture et les Affaires étrangè-


DECRYPTAGE res). La deuxième Direction a pour nom Direction générale de la création et de la diffusion. Elle s'occupera du spectacle, de la danse, du théâtre, des arts plastiques... Et aura à charge cette année de réfléchir à une nouvelle manière de financer le spectacle vivant, notamment la question des intermittents mais le dossier est plus vaste. Cette deuxième direction s'occupe également des médias internationaux, réorganisés en 2008 via la réforme de l'audiovisuel extérieur, avec la réunion de RFI, France 24 et TV5 Monde (sous la direction de « Madame Kouchner » mais ceci, mes amis, est une autre histoire). Enfin, la Direction générale du développement des médias et des industries culturelles s'occupera de la télévision publique, de la publicité, du livre et de la lecture et suivra le CNC. Un secrétariat des affaires générales coordonnera ces services. Bien sûr, on surveillera la bonne marche de l'ensemble par des évaluations de son efficacité. Car n'oublions pas les charmants principes de notre

RGPP chérie, économies et efficacité. L'un des défis importants concerne le numérique. Il est demandé au Ministère d'évoluer très rapidement sur la question de la numérisation du patrimoine avec l'augmentation des bases de données, des informations accessibles sur le net et bien sûr l'épineuse question de la numérisation des livres, lancée par Google. LES MUSEES On a commencé par transformer plusieurs établissements en Établissements Publics Administratifs (ou EPA) ce qui signifie les rendre autonomes, administrativement et économiquement, à la manière du Louvre. Les récemment concernés sont le musée Picasso, le musée-château de Fontainebleau, le musée national de la céramique de Sèvres. L'administration de l'Orangerie a échu au musée d'Orsay. Le Palais de la Découverte et la Cité des Sciences et de l'Industrie sont en cours de fusion, le deuxième sauvant ainsi le premier d'une fermeture que tout le monde voyait inéluctable. L'institution nouvelle sera toujours présente sur les deux sites, mais fera désormais cause commune. Les musées qui ne seront pas indépendants devront être gérés par la RMN même si pour le moment le projet est suspendu. Il était aussi question de céder (à titre gratuit) aux collectivités territoriales certains musées et monuments si elles en faisaient la demande. Cet article a été annulé par le conseil constitutionnel, mais sur la forme car la loi ne figurait pas dans le bon texte. Nous reverrons sûrement réapparaître cette volonté de l'État de se désengager au profit des collectivités territoriales, ce qui pose un problème tant au niveau de la disparité des ressources qu'au niveau de la signification. Un monument avec une symbolique de rassemblement national peut-il légitimement être administré par une commune ? Un projet est à l'étude pour fusionner la RMN et la caisse des monuments historiques. MONUMENTS HISTORIQUES ET ARCHEOLOGIE Les architectes en chef des Monuments historiques vont pouvoir être mis en concurrence. A cette fin, le statut des architectes en chef sera revu par décret, afin d'ouvrir le secteur à tous les architectes de l'Union européenne disposant des garanties professionnelles nécessaires. L'INRAP Il aura pour mission de se moderniser afin d'éviter lors de ses chantiers de fouilles préventives de ralentir les travaux qui doivent avoir lieu. Car c'est bien connu, l'INRAP ne sert qu'à ralentir les travaux. Certaines de ses compétences

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POLITIQUE CULTURELLE DECRYPTAGE

seront privatisées, et il sera nécessaire que l'Institut passe des contrats avec les collectivités territoriales, pour ne pas avoir le monopole dans le secteur des fouilles archéologiques préventives. ECOLES D’ART Le ministère devra lancer un processus de « rationalisation de ses écoles ». Il s'agit de constituer des pôles d'excellence, dans le cadre de la réforme LMD, pour assurer une meilleur insertion professionnelle des élèves. Les transformations majeures de l'Ecole l'année prochaine participent dans la joie et la bonne humeur à ce grand mouvement de progrès. Et oui, bientôt, grâce à notre pôle d'excellence, vous serez assurés d'avoir un travail à la sortie, youpi !

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LES CRITIQUES Elles sont nombreuses (mais vous vous y attendiez hein ?). Les adversaires tentent d'abord d'expliquer que la réduction drastique des dépenses publiques n'est pas le seul moyen de résorber les déficits. Il est possible, en ajustant la fiscalité, de taxer mieux et de manière plus équitable afin d'augmenter les ressources. De plus, ils estiment que le budget de la culture ne dépassant pas 1% du budget de l'Etat, tous ces plans ne changeront pas la donne globale pour l'Etat, alors qu'elles seront catastrophiques pour le domaine de la culture. La deuxième critique majeure est celle de voir l'Etat se désengager le plus possible du domaine de la culture. Beaucoup des projets évoqués sont des preuves

de cette vision politique : le recentrage sur des missions a minima, le transfert de charges à des collectivités territoriales, la privatisation de certains secteurs, l'extension du champ des activités marchandes et lucratives, le recours croissant à l'intervention et aux financements privés. L'autonomisation des musées est lourde de conséquences. Cela crée des disparités énormes entre gros musées qui attirent le tourisme international et d'autres musées dont le public est plutôt de proximité. On sent une grande inquiétude de voir les entreprises privées et les valeurs marchandes entrer petit à petit dans les musées au détriment des collections, et ce, pour pallier ce désengagement massif de l'Etat. D'un autre côté, cette question de la dette est un réel problème que les politiques doivent combler. Tout est donc, comme souvent, affaire de dosage et d'équilibre. Quelles sont les priorités de notre pays actuellement ? C'est la question à laquelle il faut répondre, et ce de manière concertée pour avancer sur ce dossier. Sinon, dans les années qui vont venir, les mouvements sociaux se multiplieront en raison d'un écart de point de vue entre le peuple et ses dirigeants, alors qu'en travaillant en collaboration, il serait possible de faire de bonnes économies, de bien gérer tout en restant efficace et en assurant les missions de service public que l’on aura jugées nécessaires. Sophie Paulet


COUP DE COEUR

L’œuvre du mois

S

i d’aventure l’envie vous prenait d’explorer les méandres des salles de peintures françaises, qui vous mèneront de l’aile Richelieu à Denon en faisant le tour complet de la cour carrée, ne manquez pas de faire halte dans cette merveilleuse chapelle Renaissance qu’un fonctionnaire en mal d’inspiration a préféré nommer « salle 8 »… La pénombre, de rigueur dans ce saint des saints, et la quiétude du lieu invitent au recueillement. Le long des vitrines, un moelleux prie-Dieu de cuir assure une génuflexion tout confort. Car les nobles visages qui vous font face ne demandent pas moins que la vénération silencieuse pour tous les nostalgiques de l’Ancien Régime. Dans leurs cadres à colonnettes, ce sont les portraits des derniers souverains Valois et de leur cour qui vous cernent, précieuses icônes d’une époque trouble où catholiques et protestants s’éventraient gaillardement à grands renforts d’alliances politiques douteuses. Parés de leurs pourpoints noirs à broderies d’or pour ces messieurs, de robes à larges manches pour ces dames, ils arborent les vestiges d’une mode depuis longtemps révolue. Mais en dépit de ces précieux atours, leurs expressions impassibles, parfois sinistres, ne nous permettent de ressentir aucune émotion à leur égard. Sauf pour l’une d’entre eux. Un seul regard, pénétrant et obsédant malgré les quatre siècles et demi qui nous séparent, suffit à vous clouer sur place. C’est celui d’Elisabeth d’Autriche, princesse Habsbourg et reine de France pendant si peu de temps que les livres d’Histoire semblent l’avoir oubliée. Et pourtant, comment effacer de sa mémoire un si beau visage après l’avoir contemplé ne serait-ce qu’une fois… Des traits fins, une bouche délicate et ses yeux d’une profondeur remarquable que le peintre François Clouet a sublimés dans ce pur chef d’œuvre de la peinture. L’extraordinaire richesse de son costume avec corsage de velours ciselé, ses manches à crevés, son élégante fraise de dentelle posée sur une guimpe perlée suscitent déjà l’admiration mais c’est la pureté de cette ravissante figure et

de ces mains si frêles, presque diaphanes, qui sauront, j’en suis persuadé, vous séduire complètement. Ne vous laissez pas abuser par son attitude qui peut d’abord vous sembler froide, distante et hautaine. Approchez -vous et plongez-vous dans son regard. N’essayez pas d’y échapper, où que vous vous trouviez dans la pièce ses yeux sauront trouver les vôtres. Que pouvez-vous y voir ? La timidité et l’appréhension d’une très jeune femme de tout juste 16 ans qui se retrouva dans un pays dans lequel elle ne parlait même pas la langue. Mariée au roi Charles IX (dont elle tomba, heureusement, très amoureuse), elle dut faire face à la plus terrifiante belle-mère qui soit. Sa douceur naturelle, qui se lit sans peine sur son visage, l’excluait du monde sordide de la politique. Elle paraît déjà connaître le destin tragique qui l’attendait, regardez bien, vous découvrirez bientôt un immense chagrin. Celui d’être veuve après seulement trois ans de mariage puis de perdre sa fille quelques années par la suite. Désormais très seule à la cour, elle décida de retourner dans son pays d’où elle envoya la moitié de sa fortune, dans sa grande générosité, à son ancienne bellesœur et amie, Marguerite de Valois, lors de son désaveu. Si les charmes de la reine Margot et de Mary Stuart sont restés légendaires, à la cour de Catherine de Médicis la plus belle de toutes fut sans nul doute Elisabeth et leurs portraits respectifs sont là pour le prouver, quand bien même ils seraient enjolivés par l’artiste. Si vous passez par là, saluez donc ma reine avec tous les honneurs qui lui sont dus mais n’oubliez jamais, bien qu’elle ait toujours dit qu’une reine de France ne se remariait pas, elle reste mienne.

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Sébastien Passot N.B Et si vous voulez vous faire aussi chic qu’Elisabeth pour votre prochaine soirée (ou dans un style très différent ! ), n’hésitez pas à faire appel aux services de votre humble serviteur qui se fera un plaisir de vous satisfaire… www.spcostumes.fr


Jannic Durand, l’homme derrière la légende

Q

uel est votre parcours ? Quelle formation avait vous suivie?

Après le bac, j’ai préparé le concours de l’Ecole des Chartes au lycée Pierre de Fermat à Toulouse, puisqu’à l’époque les seules prépas existantes pour ce concours était celle-ci et celle du lycée Henri IV. J’ai été reçu en 1976 et j’ai donc suivi la scolarité pendant quatre ans, tout en suivant le cursus de l’Ecole du Louvre et une licence d’histoire. Après cela, j’ai obtenu l’année de muséologie de l’Ecole du Louvre et j’ai soutenu ma thèse de l’Ecole des Chartes en mars 1981. J’ai enfin présenté le concours de conservateur des musées et j’ai été reçu le 4 décembre 1981. J’ai suivi les trois stages prévus par le cursus : le premier au département des Objets d’art du Louvre, le second à Saint-Germain-en-Laye et le troisième à Angers. J’ai ensuite été nommé au Louvre.

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Vous n’avez donc pas connu d’autre poste que celui que vous occupez actuellement au Louvre ?

Non, il s’agit de mon premier poste. Ceci ne serait plus trop possible aujourd’hui puisqu’on encourage la mobilité des conservateurs. Mais rester longtemps au même endroit est intéressant puisque cela rend possible une réelle spécialisation, en l’occurrence le médiéval et le byzantin. Cela serait impossible en enchaînant des postes différents.

-elles à l’investigation des œuvres d’art ». AviezAviez-vous déjà ce goût pour Byzance avant d’entrer au Louvre ou estest-ce plutôt les nécessités du poste qui vous ont mené à vous y intéresser ?

ENTREVUE

C’est « l’autre Durand » de l’école du Louvre. Celui que les élèves actuels ne connaissent que par son cours d’orfèvrerie médiévale (par ailleurs brillant) de deuxième année. Si Denis Bruna lui a succédé pour la chaire d’HGA Moyen-âge, il ne reste pas moins très impliqué dans la vie de l’école en tant que président de l’association de l’EDL. Partons à la rencontre de cet archiviste-paléographe, conservateur en chef au département des objets d’art et commissaire de l’actuelle exposition Sainte Russie.

Non, il n’y avait pas à l’époque de poste de conservateur « byzantin », mais il y avait -Dieu merci- une « petite » collection byzantine qui m’a permis de m’y intéresser plus profondément. Mais Byzance était déjà un sujet d’intérêt avant mon entrée dans les musées, depuis environ mes 15 ans. Lorsque j’ai fait du grec au collège en plus du latin, j’ai été intrigué par le choix des textes qui nous était proposé : du Platon, classique, quelques mots arrangés de Thucydide parce que ce n’est pas facile, et mon manuel s’arrêtait à Jean Chrysostome (ndlr théologien byzantin du IVe siècle). Je me demandais pourquoi on n’allait pas un peu plus loin, car tout de même Byzance suivait pendant un certain nombre de siècles. Quelques auteurs, dont Gibbon, indiquaient que Byzance était une longue décadence, mais après tout, une décadence de mille ans, je trouvais ça assez fascinant… Vous avez maintenant fréquenté l’école il y a…

… un certain nombre d’années. Je dois avoir été reçu en muséologie en 1980… Comment a évolué l’Ecole depuis cette époque ?

Sur quoi portaient vos recherches à l’Ecole des Chartes et en muséologie?

Ma thèse de l’Ecole des Chartes portait sur l’iconographie de Job, des origines de l’art chrétien jusqu’au XIIIe siècle (avec le tympan du portail nord de la cathédrale de Chartres). Je me suis toutefois permis quelques incursions au delà de la période, notamment jusqu’au XVIIe siècle, mais je ne vais pas entrer dans les détails. Pour ce qui est de la muséologie, c’était à l’époque très différent d’aujourd’hui, il ne s’agissait pas réellement d’un mémoire mais d’un exercice beaucoup plus court, disons une grosse copie. Il était possible de travailler à deux, et j’avais donc recherché avec une amie « En quoi les méthodes scientifiques aident

L’évolution est considérable. J’étais content de cette formation. Elle donnait une bonne formation de base et était indispensable pour préparer le concours de conservateur. Mais il n’y avait rien après la muséologie, pas d’unités de recherche. Les cours étaient moins importants dans leur volume horaire, ce qui facilitait les doubles voire triples cursus : on pouvait très bien être chartiste tout en suivant l’Ecole et préparer une licence. C’est bien plus difficile maintenant car dans chacune de ces institutions, l’emploi du temps est devenu plus chargé. Les élèves de l’Ecole étaient aussi beaucoup moins suivis, l’enseignement était beaucoup moins professionnalisant. Il y avait aussi beaucoup moins d’exercices, pas de TDO et les conférences


ENTREVUE étaient assumées de manière très inégale. Du point de vue des spécialités, l’Ecole du Louvre à l’époque où je l’ai fréquentée obéissait encore à l’esprit de ses fondateurs, à savoir un cours organique correspondant à un département du Louvre. Ce n’est plus totalement le cas maintenant et c’est très bien. L’éventail de cours proposés s’est élargi avec la création de nouvelles chaires, comme l’histoire du cinéma ou l’histoire de la mode : je pense aussi que c’est une bonne chose. Quoiqu’il en soit l’Ecole était tout de même très bien, ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit ! J’ai encore de très bons souvenirs de ces années, mais ils commencent un peu à dater. Vous avez enseigné pendant longtemps à l’Ecole, en MoyenMoyen âge et Byzance ?

Non, je n’ai jamais enseigné l’art byzantin, mais j’ai longtemps enseigné l’art du Moyen-âge occidental. J’ai également mené un cours sur les ivoires byzantins dans le cadre de la chaire des arts appliqués à l’industrie et j’ai participé plusieurs fois au cours de synthèse de cette même chaire. Des souvenirs marquants de cet enseignement, des anecdotes amusantes ?

J’ai laissé la chaire de Moyen -âge après environ 14 ans, à regrets. Je me rappelle de mon tout premier cours. Je présentais l’architecture générale de mon cours, « le Moyen-âge est une longue période qui sépare l’Antiquité de la Renaissance ». Il y avait au premier rang une dame très âgée, avec des cheveux blancs –j’ai su ensuite qu’elle était vraiment très âgée - qui dès que j’ouvrais la bouche faisait « Nan ! Nan ! » en agitant la tête. C’était assez désarçonnant, mais j’étais tout de même relativement convaincu que le Moyen-âge couvrait à peu près mille ans et qu’il séparait l’Antiquité de la Renaissance, mais elle a continué pendant tout le cours. Renseignement pris ensuite, il s’agissait d’une très vieille dame qui suivait déjà les cours avant-guerre peut-être ! Les cours des élèves sont différents des cours pour les audi-

teurs. Je dois dire que j’aime bien regarder ce qui se passe dans la salle. A un cours de techniques il y a quelques années, il y avait une jeune fille qui dormait littéralement, avec sa voisine qui lui donnait des petits coups de coude, sans que cela ne la réveille. A la fin du cours, elle s’était rendormie rien que le temps que je descende de l’estrade. Je me suis approché d’elle et lui ai dit « vous auriez mieux fait de dormir plutôt que de venir, vous vous êtes sans doute couchée très tard cette nuit », et elle m’a dit «oui je suis sortie hier soir », mais elle n’était pas très fière ! Bref il y a beaucoup d’anecdotes que je pourrais raconter, mais que je n’ai pas en tête à l’instant présent. Vous n’assurez donc plus que le cours d’orfèvrerie ? Pour le premier cycle, je n’enseigne effectivement plus que l’orfèvrerie, j’ai abandonné l’histoire générale de l’art car je pense qu’il faut au bout d’un certain temps laisser les autres s’exprimer. Cependant je m’occupe aussi du Master 2. Je conçois l’architecture du séminaire –cette année avec Elisabeth Antoine- et j’essaie de faire intervenir des spécialités intellectuelles différentes : maîtres de conférences, conservateurs, des gens qui se consacrent pleinement aux textes, etc., pour croiser les problématiques et les raisonnements. C’est un assez gros travail, même si j’essaie d’intervenir assez peu moi-même.

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Denis Bruna a avoué dans sa dernière interview que vous n’étiez pas pour rien dans sa vocation pour le MoyenMoyen-âge.

Je sais que l’on m’aimait bien, et j’en suis très heureux. J’aime donner des cours. Il y a toujours un échange qui se fait, volontaire ou non, entre l’auditoire et soi-même, qui est assez sympathique : on voit les gens réagir, on voit qu’ils ont compris, et sinon on recommence les explications d’une autre manière… Vous présidez actuellement l’Association de l’Ecole du Louvre. Depuis quand occupezoccupez-vous ce poste et pourquoi un tel investis-


sement ?

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Vous êtes commissaire de l’exposition Sainte Russie, dont on parle beaucoup en ce moment. Comment est née l’idée de cette exposition?

La première fois que j'en ai entendu parler, c'était en 2001, à la prise de fonctions d'Henri Loyrette à la direction du Louvre. Il a alors « sondé le cœur et les reins » pour paraphraser le livre de Job- de l’ensemble des conservateurs. Il m'a proposé une exposition d'art russe ancien, idée que j'ai trouvé excellente. Peu de choses avaient été

faites en France sur le sujet, et rien au Louvre. J'ai donc commencé à établir des dossiers, et lorsque les années croisées –qui donnent des conditions tout à fait favorables- se sont mises en place, nous avons réellement enclenché le processus. Les années croisées ont une résonance politique importante. Pour la Russie, on a quelquefois entendu qu’il s’agissait d’une exposition « à la gloire de l’Eglise Russe. ». Comment travailler face à ces critiques ?

ENTREVUE

Je suis président depuis 2001. Je suis rentré dans le conseil de l’association quand je suis devenu conservateur en 1982. Depuis sa création, l’association a été successivement présidée par Fourest, Hogg, et Arlette Sérullaz, à laquelle j’ai succédé. J’ai repris l’association alors qu’elle vivait des heures très difficiles. Elle avait peut-être vécu trop longtemps sur ses traditions et avait besoin d’un sérieux coup de toilettage. Arlette Sérullaz m’a proposé de m’en charger et j’ai accepté. C’était un « bébé » déjà mal en point et son état s’était aggravé au point qu’il a été question de cesser nos activités. Mais grâce à une équipe entièrement renouvelée, dévouée corps et âme, nous sommes repartis. Nous avons resserré nos activités autour des élèves, des auditeurs et du cours Rachel Boyer. Pour les élèves, il s’agit de leur permettre des voyages à l'étranger avec leurs professeurs à des tarifs avantageux, puisque nous les subventionnons à hauteur d’environ 30%. A ceci s’ajoutent le club emploi et les journées de rencontres avec les professionnels, qui ont beaucoup de succès. Nous avons encore du mal à proposer des emplois, même si nous commençons à avoir de bons retours grâce à l'annuaire. Cet annuaire est une idée qui a été mise en application lorsque j’ai repris l’association. Il a été réalisé pour la première fois, d’une manière symbolique, pour le départ à la retraite de l'ancien directeur de l'Ecole Dominique Ponnau. Il ne comportait à l’époque que quatre promotions, et nous l'enrichissions peu à peu, avec dans l'objectif un jour de passer à une version internet. Nous nous occupons assez bien je pense des élèves et des auditeurs. Mais l’on s'est aperçu que pour les anciens élèves nous ne faisions pas grand chose. Depuis cette année, en accord parfait avec l'administration de l'Ecole, nous tentons de fédérer les anciens élèves. D’abord parce qu’au vu de courriers que nous avons reçus, des anciens élèves en éprouvent le besoin, mais aussi parce qu'il s'agit de gens qui gardent une certaine affection pour l'Ecole du Louvre et qui peuvent à leur tour aider les plus jeunes par divers biais. On se lance donc dans cette nouvelle opération, mais il faudra attendre quelques années pour que cela devienne intéressant à la fois pour les anciens élèves et les élèves en cours de scolarité.

Cela n’a pas plus de sens que de critiquer une exposition qui traiterait l'art religieux du Moyen-âge en France. Personnellement ça ne m'a jamais beaucoup inquiété car je savais ce que je voulais faire. Il y avait peut-être certaines craintes, mais finalement depuis l'ouverture de l'exposition il n'y a pas eu de critiques de cet ordre. En visitant l'exposition on voit bien qu'il ne s'agit pas d'une célébration de l'Eglise russe en tant que telle, si ce n'est les hauts faits de son histoire ancienne… De la même manière qu'on peut dire que c'est grâce à l'Eglise en France que l'on a construit les cathédrales... Je ne pense pas que ça renverse beaucoup de choses. Les années croisées ont bien une résonance politique, mais il s'agit de pays très variés, Arménie et Brésil par exemple. Et ces années n’ont pas forcément à voir avec la taille du pays, il me semble ainsi que l'Arménie est un peu plus petite que la Russie ! Donc le conservateur travaille sans pression politique?

Non, en tout cas en ce qui me concerne. Il n'y a pas eu de pressions politiques, d'autant plus que l'exposition était prévue depuis plusieurs années. Quand Henri Loyrette m'avait demandé de travailler à cette exposition, j'avais préparé des dossiers avec les éléments d'une conception, qui est celle qui est ressortie : une présentation chronologique s'arrêtant à Pierre le Grand -tant les XVIIIe et le XIXe siècle russes sont autre chose-, en ne se contentant pas d’ une ou deux collections. Nous avons donc fait appel à 26 collections, pour avoir la vue la plus large possible de l’art russe. Le dernier point qui m'était cher était de souligner que l'art russe n'est pas simplement le prolongement de l'art byzantin et que l'art russe n'est pas de l'art byzantin. Byzance est fondamentale, c'est indéniable, mais dès la conversion, l'art russe a une identité forte, assez aisément reconnaissable. L’art russe trouve nombre de ses sources ailleurs qu’à Byzance, peut-être dans sa propre tradition mais c'est difficile à dire, peut-être du côté de l'Orient, mais surtout du côté de l'Occident. Cela en reprenant des éléments de la tradition romane, puis gothique, puis renaissante, puis baroque ou classique. Tout ceci vient à chaque époque colorer ce fonds byzantinisant -et non byzantin-. Voilà pour les idées fortes. Nous avions


ENTREVUE donc commencé à partir de 2001 avec Dorota Giovannoni, documentaliste au département des Objets d'art, puis l'on nous a dit un jour « foncez c'est le moment ». Mais je pense que de toute façon, même indépendamment des années croisées cette exposition aurait eu lieu, Henri Loyrette éprouvant une certaine russophilie. Il est d’ailleurs à l'origine de l'exposition d'art russe du XIXe siècle qui s’est tenue en 2005 au musée d'Orsay. L'exposition est très médiatisée, on vous a vu dans d'innombrables publications, dans Air France Magazine, au journal télévisé de France 24. AssumezAssumez-vous bien cette nouvelle célébrité?

C'est le genre de choses qui passe assez facilement... On se souvient de ça pendant quinze jours puis l'on a ensuite « d'autre chats à fouetter ». Plus sérieusement, cela fait partie de la communication habituelle. J'ai plutôt un esprit ouvert, quand on m'a dit qu'Air France Magazine voulait m'interviewer avec un danseur du théâtre du Bolchoï à l'Opéra de Paris, j'ai trouvais ça plutôt amusant. Enfin au final je ne sais pas si on peut réellement parler de médiatisation. S'agitS'agit-il d'un choix de votre part ou d'une consigne de votre direction?

Nous sommes vivement encouragés à faire de la communication sur nos expositions, mais cela n'a rien d'obligatoire. De la même façon, si certains nous demandent une interview et que cela ne nous plaît pas pour une raison X ou Y, nous ne la faisons tout simplement pas. Mais cela ne m'est pas arrivé. Lors de ses vœux au monde de la culture, le président Sarkozy a annoncé la création au Louvre d'un nouveau département, est--il à ce consacré à l'art des empires byzantin et slaves. Qu'en est jour?

Cela avance bien, mais nous attendons la publication du décret. Il reste bien sûr un certain nombre de questions à régler, par exemple au niveau des locaux, mais globalement tout cela avance vite. Le département regrouperait, dans les anciennes salles dédiées aux Arts d'Islam, les collections byzantines dispersées actuellement dans plusieurs départements. Pour créer une identité viable, on associerait à ce département la section copte, avec éventuellement un regard sur l'Ethiopie et la Nubie chrétienne. La création du département s'accompagneraits'accompagnerait-elle d'une politique d'acquisition de manière à combler un certain nombre de lacunes des collections du Louvre (les icônes par exemple)?

C'est en effet un problème inhérent aux départements du Louvre : quand un domaine n'est pas exactement recoupé par un département, il est difficile d'y faire des acquisitions. C'est donc une des raisons pour lesquelles est créé ce département. Je dois dire que nous avons par le passé

manqué un certain nombre d'acquisitions. Une date pour l'ouverture du département?

Disons que tout est lié au chantier du département des Arts d’Islam. Les salles coptes existent déjà mais sont fermées pendant les travaux de la cour Visconti. Les futures salles byzantines doivent attendre que les objets islamiques aient été déménagés de leur ancien emplacement. Mais cela peut aller assez vite après l'ouverture des nouvelles salles islamiques. Tout cela est distinct de la création d'un département sur le plan institutionnel, qui lui peut fonctionner dès que le décret est pris. Une question que vous auriez aimé que l'on vous pose?

Ce que j'aimerais qu'on me pose comme question?... Que dire… J'ai énormément aimé enseigner l'HGA, il y a un public varié, ceux que la matière intéresse peu et qu'il faut convaincre... J'aime aussi le cours de techniques, même s'il est plus redouté par les élèves. Mais il s'agit en réalité d'une succession d'éléments de bon sens, aussi simples que la cuisine ! Quoique la cuisine soit pour certains un véritable cauchemar. Le Master 2 est très passionnant, même si ce n'est plus réellement de l'enseignement. Non, je ne vois pas réellement de questions que j'aimerais que l'on me pose… Alors nous en avons une : un objet de votre département pour lequel vous avez une affection particulière? À sauver absolument en cas de catastrophe?

J'ai beaucoup de tendresse pour pas mal d'objets. L'aigle de Suger, un chef d’œuvre, la Vierge de la Sainte Chapelle, sublime, l'Ivoire Barberini, sublime, la plaque du Saint-Sépulcre, sublime... Il y a quand même pas mal de choses sublimes, et je reste encore là dans le domaine médiéval, mais il y a quand même des choses sublimes un peu après ! Si je devais sauver un objet, il s'agirait alors purement du hasard, quitte à sauver une peinture XVIIIe si je suis dans cette salle, en choisissant le moins mal possible !

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Une toute dernière question, plus personnelle, que beaucoup d’élèves se posent, avezavez-vous un lien de parenté avec Maximilien Durand?

Eh bien non ! Nous sommes tous les deux originaires de Lyon, il a été mon élève et nous avons travaillé ensemble en raison de nos intérêts communs pour Byzance mais non, nous ne sommes pas de la même famille. Toute la rédaction de Louvr’boîte remercie Jannic Durand pour le temps qu’il a bien voulu nous consacrer. Propos recueillis par Alexis Durand & Mathilde Neute.


MUSEOLOGIE

Le mémoire. Il aura rythmé l’année des élèves de second cycle, faisant courber de nombreuses échines bien innocentes. Il nous aura fait redouter le joli mois de mai et sa date fatidique. Il nous aura fait découvrir le monde de la recherche, ses facéties archivistiques et ses notes de bas de pages à rallonge (est-ce qu’une note de bas de page peut avoir une note de page ?). Bref, il nous aura violemment défloré ! C’est une étape dans la vie d’un étudiant qui se retrouve bien souvent démuni face à un sujet qui le dépasse. De ces gouttes de sueur éparpillées, nous avons voulu faire un ruisseau. Plongez-vous dedans et découvrez un petit aperçu de nos sujets d’étude et les souvenirs qu’ils nous auront légués.

L

e souvenir d’Eugène Fromentin à La Rochelle

« Les Trembles ». C’est une maison basse tout en longueur, précédée d’un portique à colonnes. Eugène Fromentin, peintre orientaliste et écrivain du XIXe siècle devenu sujet d’étude bien malgré lui, y passa une partie de son existence. Cette demeure, il l’intégra à son œuvre en la transformant par le jeu de la fiction romanesque dans Dominique, roman semiautobiographique. Aujourd’hui, ô funeste destinée, elle abrite des vieux en cohorte en sa qualité de maison de retraite. En cette fin d’après-midi, je me suis rendue devant « Les Trembles » pour la première fois. Des pensionnaires grabataires ferment leurs volets blancs, tout en m’apostrophant de quelques regards suspicieux. Il est clair que mon vélo jaune (impression pelage girafe) jeté contre les lauriers a de quoi inquiéter. Armée de mon appareil, je recule pour immortaliser la propriété. La tâche n’est pas si aisée car je cherche à retrouver l’angle de vue similaire à celui d’une photo prise il y a un siècle. Je me retourne, pour voir dans quel fossé me conduisent mes pieds. Ils se sont égarés hors de la propriété, à l’orée d’une jungle que je ne soupçonnais plus : le parc de la sortie de l’école, invisible depuis la rue et oublié de mon monde quotidien. Quand l’émotion afflue, on en appelle aux lieux communs (à savoir les références littéraires) pour débriefer son cœur. Je pense à la madeleine de Proust et par résonance, à la Madeleine de Fromentin, femme aimée et perdue, qui vivait à deux pas de là. Je refais aujourd’hui un chemin que j’avais désappris, un carnet à la main, cherchant dans le présent les vestiges d’un passé de cent cinquante ans. Mais je pense surtout au carnet que j’utilisais en mes vertes années pour griffonner les plaques d’immatriculation des amants (potentiels) de la voisine. Il est troublant de penser que tous ces lieux qui ont bâti mon enfance, toutes ces rues que j’avais cru un jour détenir ont appartenu à l’autre, au sujet d’étude. Mais qui s’en souvient encore ? Les existences filent sans

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TEMOIGNAGE

Mémoires de mémoire

laisser de trace. Les biens passent de main en main. La mémoire est égoïste. Et l’enfant qui vit se moque du mort dont il a pris la place. Margot Boutges

L

es représentations des sièges du Moyen-âge dans le cinéma américain (ou Hobbitbourg in Yorkshire)

Leeds, joyeuse ville industrielle du nord de l'Angleterre, fin janvier. Après quelques échanges de mails, j'avais décidé de me rendre dans cette joyeuse cité afin d'y rencontrer une personne clé pour mon mémoire, un conservateur aux Royal Armouries, spécialisé en armes anciennes et répondant au doux nom de Robert Savage. Ça c'est pour la carte de visite, parce que moi, Robert, je l'ai toujours appellé Bob. Bob le Hobbit. L'homme qui ne vivait que pour Tolkien, au point de faire de sa maison un musée et de monter des expositions sur les armes du Seigneur de Anneaux. Grâce à Bob, j'ai découvert que Hobbitbourg ne se trouvait pas en Nouvelle-Zélande, comme l'office de tourisme national et Peter Jackson essaient de nous le faire croire, mais dans une banlieue du Yorkshire, qu'un conservateur pouvait nourrir une monomanie intense pour un seul film, qu'on pouvait manger du chocolat, boire du whisky et regarder un film avec Charlton Heston en même temps. Et qu'une chambre remplie de plus de 80 figurines dont un Gandalf parlant pouvait être légèrement effrayante à la nuit tombée. A Bob, mon éternelle gratitude. Anaïs Raynaud

L

es représentations des pyxides de Marie Madeleine dans l’art du XVe siècle

Dès le début, avec un sujet combinant à la fois un mot latin pédant, une sainte héroïne un poil déviante et une époque reculée, l’année s’annonce un peu folle. On commence par traduire le tout à son entourage. L’entourage comprend bien vite que ce tout consiste en fait à col-


TEMOIGNAGE lectionner et classer les flacons de parfum d’une illuminée chevelue portée sur la cosmétique biblique. Et là l’entourage décroche. Mais le pire est à venir car l’addiction guette. D’abord insidieusement, des dossiers appelés Pyxides de Madeleine remplis d’images de petits vases se multiplient sur le Bureau de l’ordinateur. Puis des dossiers de Pyxides hors sujet mais trop jolies. Et finalement, un soir, on cherche son Best of Pixies dans ses fichiers pour dynamiser un peu sa rédaction… et c’est un Best of pyxides qui apparaît dans les résultats de recherche. Alors, même le quotidien devient difficile à gérer. A la bibliothèque, on fait peur aux premières années qui demandent pourquoi on dessine des petites boîtes avec application. Devant la machine à café de l’Ecole, les gobelets blancs évoquent des pyxides cylindriques évasées de petite taille. Au Starbucks, c’est un supplice d’avoir à choisir entre les trois tailles de pyxides ornées à couvercle plat. A ce stade, on se dit qu’il est plus sage d’imiter la Madeleine et de rompre avec le monde pour faire retraite dans une grotte. A défaut de grotte, on se calfeutre chez soi. Ca tombe bien, il reste un petit mois pour transformer cette névrose en cinquante pages rationnelles… Suzanne Lemardèle

L

a statuaire de la tour de la cathédrale de Nevers : historique des restaurations passées, critique du projet actuel de restauration.

La recherche : les archives, les livres, l'observation directe … Beaucoup d'investissement : intellectuel, temporel, financier (oui oui), et même corporel. Physique de plusieurs manières : il y a évidemment le stress, mais aussi les séances de dépouillement d'archives qui tournent à l'allergie du siècle, ou encore certaines visites pendant lesquelles le plaisir éprouvé n'a d'égal que le sentiment d'être privilégié(e). Tel est le souvenir que je garde de mon ascension de la tour Bohier. Travaillant exclusivement sur les statues de celle-ci, j'ai pu monter les observer, en vrai, toiser saint Pierre les yeux dans les yeux, et toucher (le tailleur de pierre le fait, pourquoi pas moi ?) la pierre d'origine (et ainsi, comprendre pourquoi il est absolument indispensable de restaurer cette tour : la pierre de Nevers tombe en poussière dès qu'elle est effleurée). Pour ainsi avoir le plaisir et l'immense joie d'admirer la ville depuis le niveau supérieur de l'édifice, après avoir regardé une à une les figures d'apôtres, de prophètes, de saints et bien sûr du Christ, il a d'abord fallu adopter un casque de chantier, puis gravir une à une les échelles de l'échafaudage, le tout

sur une hauteur de 55 mètres … L'escalade, ça va, mais, comme les chats qui ne savent plus redescendre des arbres sur lesquels ils ont grimpé, le chemin vers la terre ferme aurait pu faire tourner de l'œil à bien des individus. Heureusement, je n'ai pas le vertige (ma personne-ressource, l'architecte en chef des MH en charge du chantier, s'en est assuré au moins dix fois, à croire qu'en souffrir aurait été plus normal), mais je dois avouer que la vision de moimême en train de chuter à travers cet échafaudage plus que bringuebalant (rappelez-vous Astérix et le Domaine des Dieux), m'a souvent traversé l'esprit. La rédaction d'un mémoire a donc ce mérite : en travaillant sur un corpus d'œuvres d'art, on a enfin le plaisir (la récompense ?) de les approcher et de se les approprier. Et, surtout, de vivre une « journée-patrimoine » inédite. A ce propos, je vous parlerai peut-être un jour de mes déambulations sous les combles de la cathédrale. Solveig Placier

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itation des Beaux-Arts et indépendance du cinéma : le cas d'Andrei Tarkovski

On ne souligne pas assez en quoi la rédaction d’un mémoire peut se rapprocher du Micromégas de Voltaire, tant elle confronte l’Edlien à l’infiniment grand et à l’infiniment petit. Entendons-nous : point de voyages interplanétaires, point de conversations philosophiques entre exilés atteints d’éléphantiasis généralisée. Non, entendons plutôt par « micro » la tentative désespérée d’identifier dans un film d’avant-garde russe un obscur tableau dont l’apparition, plus rapide qu’un cliché d’Emmanuelle Héran, se fait derrière une vitre… Au point de vouloir rechercher la signature d’un peintre célèbre dans une simple tache ! Si « mega » il y a, c’est par ce processus pernicieux de curiosité coupable, qui nous pousse à nous dire que, quand même, il ne serait pas idiot d’aller lire l’œuvre complète de Rudolf Steiner (auteur du bien connu Cinquième Evangile, dans lequel Bouddha rencontre Jésus) pour vérifier si le réalisateur que l’on étudie l’a bien compris. Micromégas, ce serait donc ce rapport vertigineux du gigantesque au minuscule, ou comment résumer 40 pages d’esthétique sur Malevitch en un paragraphe… Ou tenter de comprendre comment le tiers de mon sujet de mémoire, qui n’intéresse pourtant personne, a pu faire l’objet d’une thèse. Philippe Bettinelli

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Le développement durable, on nous en rabâche les oreilles en permanence. Nous sommes tous plus au moins impliqués dans notre vie personnelle. Au pire, on écoute vaguement les discours moralisateurs qui nous promettent une fin du monde cataclysmique. Au mieux, on fait attention à trier ses déchets, à utiliser du papier recyclé et à manger bio. Mais il existe un monde, très proche de nous, où le développement durable n'est qu'un murmure étouffé sous des tonnes de papier glacé, une idée balayée par le souffle ravageur de la climatisation, un concept écrasé sous les pieds des touristes sur-consommateurs. Ce monde, c'est un musée.

ECOLOGIE

Le développement durable au musée?

Le développement durable, c'est quoi, exactement?

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ui, d'accord, le développement durable, l'écologie, et la protection des pingouins sont surmédiatisés et on commence à connaître, quand même. Mais finalement, on a parfois du mal à s'y retrouver, dans tout ça. Alors le développement durable, c'est quoi ? La définition générale en a été donnée par Mme Brundtland, ministre suédoise et prix Nobel de la paix en 1987 : « Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ». Dans les détails, le développement durable regroupe des préoccupations économiques, sociales et environnementales, chacun de ces paramètres devant être équilibré par rapport aux deux autres.

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Mais concrètement, ça a quoi à faire avec les musées ? Le musée, en tant qu'institution agissante se doit de poser un regard critique sur ses propres pratiques, que ce soit dans le domaine de la conservation ou de l'éducation. Acteur de la société, il est en adéquation avec celle-ci et développe au fil du temps de nouvelles compétences et de nouvelles sources de réflexion.

L'institution muséale possède bien un versant social, par son action auprès de son public, un versant économique par le développement du territoire, mais quid du versant environnemental? Est-il incompatible avec la protection des collections et avec la médiation envers le public ? Un musée conserve son patrimoine pour le transmettre aux générations à venir. Penser aux générations futures, dans la configuration actuelle de notre planète, ça ne peut que passer par une protection de l'environnement. De la conservation du patrimoine à la conservation de l'environnement, il n'y a qu'un pas. Les spécialistes du patrimoine bâti peuvent d'ailleurs vous parler des ravages que peuvent causer la pollution et les pluies acides sur les bâtiments. La logique voudrait donc que les musées soient de fervents partisans du développement durable. Petit défi amusant pour votre prochaine crise de procrastination : prenez le texte du Grenelle de l'environnement et essayez de chercher à quel endroit on parle de musées ou de patrimoine. Au bout d'un moment, abandonnez ce jeu : vous ne trouverez pas, et vous aurez perdu votre temps au lieu de réviser, bravo. Le gros problème est donc là : le monde du développement durable et celui de la culture sont aux antipodes l'un de l'autre et ne communiquent que très peu. Souvenez-vous de ce film, Musée Haut, Musée Bas, où le conservateur un peu cinglé avait une peur bleue de la nature. Et bien, la vérité n'est pas si loin de la fiction. De nombreux responsables de musées ne voient pas encore bien en quoi leur travail pourrait servir à protéger l'environnement. Une étude menée par le Green Building Council aux Etats-Unis a montré que les musées consomment deux fois plus qu'un bâtiment de bureaux. Pourquoi ? Et bien parce que le climat d'un musée doit rester stable en permanence, et pas seulement pendant les horaires de pré-


ECOLOGIE sence des employés. Heureusement, certains esprits éclairés, pourfendeurs de la déforestation et super-héros de la climatisation passive, tentent peu à peu de faire bouger les choses. Dès les années 60, les musées d'histoire naturelle ont commencé à parler de modification de l'environnement et à consacrer des expositions à ce sujet pour sensibiliser leur public. Mais c'est à partir des années 1990, suite aux catastrophes écologiques, que les musées ont commencé à adapter leurs pratiques en fonction d'enjeux environnementaux, considérant que leur mission n'est plus uniquement de conserver ou de mettre en valeur les collections, mais de chercher à s'inscrire de manière durable dans la vie culturelle et sociale de leur territoire. Le musée est devenu un « agent social », responsable de son environnement. Plus question aujourd'hui de se contenter d'éduquer le public à l'environnement, il faut intégrer complètement le développement durable dans l'organisation de l'institution, que ce soit au niveau économique, social ou écologique. En France, les lois issues du Grenelle de l'environnement imposent à tout bâtiment public et tertiaire d'être BBC (Bâtiment à Basse Consommation) à partir de 2010. En 2020, il est prévu de passer au niveau BEPOS (Bâtiment à Energie Positive, c'est à dire que l'édifice produit plus d'énergie qu'il n'en consomme). La plupart des musées français sont installés dans de vieux bâtiments, avec des murs et des fenêtres qui laissent allègrement passer chaleur et froid. Or, vous savez bien que la conservation des œuvres exige une température la plus stable possible. La solution ? Climatiser bien entendu, puisqu'il est inconcevable, au point de vue de la protection du patrimoine bâti, d'adapter les vieux bâtiments de nos musées. Mais climatiser, ça peut aussi passer par des énergies alternatives : solaire, géothermique, éolienne, etc...

Par contre, les musées nouvellement construits doivent, eux, comporter un volet développement durable. Dans la réalité, c'est en effet le cas, les constructions prévues ou réalisées ces dernières années impliquent une basse consommation d'énergie... peut-être plus parce que cela permet aux municipalités d'obtenir des crédits de l'Etat que par véritable conviction. La conviction est la clé pour la réussite d'un projet durable. La preuve en est certaines expériences menées avec succès aux Etats-Unis. (Oui, bizarrement, aux EtatsUnis, et pas en Allemagne ou quelque autre pays d'écolos à sandale Birkenstock). Des équipes de musées ont décidé de devenir tout-écolo. Généralement, un employé dans un service commence par inciter les autres à trier les déchets. Puis, par effet boule-deneige, tous les services ont fini par adopter une logique écoresponsable, y compris dans les espaces dédiés au public, avec impressions uniquement sur papier recyclé, utilisation d'ustensiles en matériaux recyclés dans les cafétérias, éclairages à basse consommation, utilisation des eaux de pluie dans les toilettes, etc... Au final, les musées ayant mis en place cette nouvelle logique ont vu leurs coûts de fonctionnement baisser, tout en bénéficiant d'un climat de travail plus sain.

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Les musées ont tout à gagner à passer à une logique éco-responsable. Les coûts causés par le fonctionnement du bâtiment (eau, électricité...), et par le fonctionnement des services (papier...) sont réduits... Et le musée entre dans une dynamique en accord avec la société actuelle. Alors… à quand le tri sélectif à l'Edl ? Séverine Aubert


Quand, au Louvre, l’érotisme traine des pieds

Vous n’avez pu les manquer quand, pendant un TDO de peinture italienne, votre chargé de TD ose affirmer mordicus que la palette chromatique vire à l’acide alors que vient de s’incruster entre l’œuvre et vous un groupe de trois de ces jeunes femmes portant comme accessoires vestimentaires l’une une longue queue en fourrure tigrée (sic !), l’autre un porte-jarretelle rose pétillant au-dessus de son jean (sic ! bis) et la dernière toute hellokittysée (sic ! ter). Alors non, madame/monsieur le chargé de TD, Jules Romain n’a pas affublé saint Longin d’une armure moutarde et d’un pantalon pastel, saint Joseph d’un manteau carotte et saint Jean l’Evangéliste d’un combo rouge-vert dans son Adoration des bergers entre saint Longin et saint Jean l'Évangéliste (Paris, musée du Louvre, INV. 421). Et, le temps que se dissipe la violente lumière due au flash au xénon utilisé par leur camarade fourbement resté dans votre dos, les voilà toutes trois reparties en traînant des pieds sur le parquet de la Grande Galerie faisant que de de vos oreilles recommence à s’écouler un mince filet sanguinolent.

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Le Japon est un fascinant pays entremêlant fortement les traditions pluriséculaires et la modernité. Ainsi, alors que de strictes conventions régissent encore le haut du corps (visage, mains), la partie basse du corps japonais est sensible à un relâchement. L’absence d’expression du buste et du visage demande compensation qui alors transite par les jambes. Conséquence de l’avènement de la société de consommation, la culture « teenage » s’est emparée de ce relâchement inconscient jusqu’à la seconde Guerre mondiale pour le rendre intentionnel, le revendiquer et en jouer. Cette culture, érigeant l’adolescence en un modèle de séduction, ne fait que rendre visible à tous ce qui était

déjà latent depuis des siècles dans la société japonaise, à savoir que l’idéal féminin japonais est puéril. Et, parce qu’elles font tout pour en avoir l’air, les jeunes filles sont appelées bakapoï-kawai (beauté écervelée) ou buriko (bourricot). Pour plaire, elles usent de mièvrerie et de phrases puériles du type « Yasashiku-shite, ne » (« Soyez gentil avec moi, hein ? »). Au Japon, la jeune fille en fleur est irrésistible.

SOCIOLOGIE

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ous n’avez pu les manquer lors de vos séances de TDO ou de vos visites diverses et nombreuses de révisions. Ces créatures à l’éternel sourire photogénique viennent par cars entiers prendre d’inutiles leçons auprès de celle qui est censée l’avoir mystérieux. A l’étape scandant l’apothéose de leur voyage, gardant l’entrée de la Grande Galerie, se dresse, le cœur indifférent, l’amazone Ancient Style que le découvreur français en 1863 surnomma Victoire de Samothrace. Hautaine, impassible, tandis que bruisse la foule des touristes, elle fixe l’horizon et, l’esprit ailleurs, semble tout ignorer des flashs extatiques qui l’immortalisent un peu plus. Déjà, leur main droite dessine le geste dont la statue éponyme a été amputée par le temps.

Cette esthétique puérile se constate d’emblée dans leur façon de marcher : pieds en dedans, genoux cagneux, démarche traînante accentuant leur côté canard boiteux. Cette posture est même censée mettre en valeur les kimonos (qu’elles ne portent plus d’ailleurs). Considérée comme le summum de l’élégance féminine, la posture des pieds en dedans porte le doux nom de uchimata et la société japonaise encourage les femmes à conserver cette posture enfantine. Quant au mot suriashi, se traduisant par « flotter sur un nuage », il désigne la démarche glissante traditionnellement utilisée par les acteurs de théâtre nô pour donner l’impression de planer au-dessus du sol, les sumos et les autres pratiquants des arts martiaux. Par extension, ce mot désigne maintenant la démarche traînante des jeunes filles qui raclent le sol de leurs semelles, manquant de tomber à chaque pas. Ce style enfantin, kodomoppoi (manière puérile de se tenir, de s’habiller, de parler, de bouger), s’explique par le fait que « au Japon, nous nous intéressons à la métamorphose plutôt qu’à l’être déjà fait, achevé. Depuis longtemps, les Japonais cultivent une tradition qui consiste à déformer la réalité. Les choses qui n’ont pas atteint leur plein développement traversent de


SOCIOLOGIE façon éphémère un état de transition, qui est la Beauté même à nos yeux. Au Japon, nous cherchons la Beauté dans ce qui est akanai (éphémère, fragile), un concept très important pour nous et qui désigne la fugacité des choses. Un autre concept important pour nous aussi, c’est le moe, qui est le fait d’aimer les choses inachevées, petites, en train de grandir. Quand on dit « moe », ça fait penser aux plantes qui sont en train de bourgeonner. » (Takashi Tanaka, scénariste de jeux vidéos érotiques dont Mutsu Boshi Kirari, cité dans Agnès Giard, L’imaginaire érotique au Japon, éd. Albin Michel). Le modèle de séduction de l’Occident exige qu’une jeune fille n’est désirable que si elle se maquille et s’habille d’une façon qui la vieillisse, qu’elle ait une conscience aiguë de sa féminité et des manières précoces d’adulte, bref qu’elle soit une séductrice. La jeune Japonaise, quant à elle, pour séduire, doit être une proie

fragile et irresponsable. Ce qu’elles expriment dans leurs jambes, par leurs pieds. L’érotisme au musée du Louvre ne se résume donc pas seulement dans les Aphrodite Anadyomène, les fesses de Marcellus ou l’iconographie d’une nonne jouant du luth devant une assiette de cerises (sacré Jérôme Bosch). Au Japon, comme au Louvre et partout où se trouve une jeune Japonaise, traîner des pieds est érotique. A vous maintenant, par une petite pirouette masochiste, de transformer l’usant va-et-vient de leurs pieds sur le sol en un auditif plaisir exotique, charmant, sensuel, sexuel. Philippe-Alexandre Pierre

Voyage en terre inconnue Le service de l’accueil, de l’assistance technique et de la sécurité de l’EDL vous invite à découvrir ses missions, sans lesquelles l’Ecole ne pourrait pas fonctionner. Petit hommage à ces hommes et femmes de l’ombre...

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ribu heureusement ignorée d’Antonin Artaud, un groupuscule minoritaire survit, avec opiniâtreté, sur des terres sans cesse plus colonisées par des théoriciens et des érudits à la recherche de sensations fortes. Ces êtres, aux mœurs très particulières, que nous avons rencontrés pour vous, occupent leurs longues journées en exerçant alternativement trois missions fondamentales. 1. De nature hospitalière, ils se plantent, tels de solides piliers hermaïques pudiquement vêtus d’un simple kaunakès, à la croisée des chemins, et prodiguent informations, orientations et conseils aux voyageurs égarés. Vous souhaitez assister au Concert champêtre ? N’ayez crainte, ils sauront guider vos pas jusqu’à l’auditorium du Musée du Louvre. Ils récoltent également de nombreux items d’anthropologie sociale. Le MuCEM a déjà fait part de son intention de se porter acquéreur de leurs impressionnantes collections de Ray-Ban, d’iPod et de Dupont. Ils savent également brandir leur caducée et offrir décoctions et bienfaits à tous ceux et toutes celles qui auraient douloureusement reproduit le chiasme polyclétéen. 2. Gardiens du collège de la Sapienza, ces féroces Cerbères assument leur fonction apotropaïque, repoussant avec énergie les malotrus qui tenteraient de perturber l’équilibre du microcosme sur lequel ils veillent. Ne vous prenez pas pour Orphée à leur jouer du pipeau ; seule la vue de votre

Carte du tendre esquissera, sur leur visage renfrogné, un sourire niais digne des plus admirables figures de fantaisie. Mais leur susceptibilité demeure néanmoins légendaire. À la malheureuse Aphrodite de Mélos ont-ils déjà rétorqué sèchement : « Pas de bras, pas de biblio. » Ils auraient donc tôt fait d’entraîner les saints innocents que vous êtes dans une effrayante danse macabre à l’issue de laquelle vous pourriez être prisonnier du Val sans Retour ou condamner à une cardiectomie libératrice de votre tonnali.

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3. Agiles de leurs appendices de préhension, artificiers de génie, ils mettent en œuvre les volontés d’Héphaïstos dans une forge rationaliste et high-tech, mettent en lumière et en son les élucubrations de prophètes, valorisent vieilleries et racontottes. Ils entreprennent régulièrement un Grand Tour dans une Salle des Menus Plaisirs parfois aussi chargée que les écuries d’Augias. Chaque victoire sur ces hordes barbares devient d’ailleurs le prétexte à de délicieuses et enivrantes Bacchanales. Menacés par une logique marchande toute occidentale, ces autochtones attachants méritent votre attention et votre considération. Parrainez donc un Tufoukwa. Il saura vous exprimer sa reconnaissance et devenir un partenaire fidèle qui vous accompagnera tout au long de votre parcours initiatique. Cédric Juppé


Au Nord, c'était les corons, le charbon et les mineurs de fond. Oui, le Nord c'était ça. Mais la région Nord -Pas De Calais, c'est bien plus : un patrimoine que l'on revendique haut et fort, et ce même derrière la perte de l'accent lillois due à une demi-douzaine d'années passée à Paris. Nous vous proposons donc un petit voyage dans notre région bien sympathique, parce que, c'est bien connu, les gens du Nord ont dans leur cœur le soleil qu'ils n'ont pas dehors. Histoire de prouver à la France entière que nous ne sommes pas les arriérés que l'on tente de faire croire, envisageons ce petit tour de région sous un aspect patrimonial... L'arrivée dans la région se fait à Lille, après 62 minutes de TGV au départ de Paris (ou 1h40 depuis Londres, ou 1h30 depuis Amsterdam, ou 30 minutes depuis Bruxelles... Oui, le centre de l'Ouest européen, c'est nous). Dans la gare Lille Flandres pour être tout à fait exactes, dont la façade n'est pas sans rappeler la gare du Nord. Quoi de plus normal : la façade est l'ancienne gare parisienne, transposée pierre par pierre dans la capitale des Flandres. Que serait Lille sans sa braderie ? LA Braderie par excellence, celle qui dure plus de deux jours, qui rassemble des milliers de personnes, des milliers de kilos de moules et de patates et des milliards de litres de bière (et non, il n'y a pas d'erreur dans les quantités). La braderie, qui se déroule le premier week-end de septembre, rassemble deux catégories de personnes : les chineurs, qui viennent des quatre coins du monde, campent sur place une semaine avant le lancement des festivités, et passent trois jours à joyeusement gambader dans les rues pour trouver l'objet rare, et les fêtards. Le fêtard, lui,

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vient pour écouter les concerts, boire de la bière, manger des frites, et jeter ses coquilles de moules sur les tas prévus à cet effet : le plus gros tas de coquilles de moules gagne. Quoi, on ne sait pas, mais il gagne.

ILS VIENNENT AUSSI DE LA

Le tour du Nord Pas de Calais par deux enfants (ou presque)

A côté de cette grande fête populaire prennent place d'autres grands événements culturels, et ce à côté du Musée des Beaux Arts où se trouvent la Descente de Croix de Rubens ou les Jeunes et les Vieilles de Goya, de la cathédrale Notre Dame de la Treille terminée il y a à peine vingt ans, et de la maison natale du Général de Gaulle, parce que oui, il vient de chez nous. Depuis 2004, où Lille occupait le poste de Capitale Européenne de la Culture, les choses ne s'arrêtent plus : Lille 3000, Bombayser, plusieurs expositions par an, des concerts, des festivals, et de nombreuses parades, où les sculptures d'art contemporain ont remplacé les Géants Lydéric et Phinaert.


Côté paysage, les villes du Nord se caractérisent par deux points : une dominante rouge brique, la brique étant le matériau de base, et un beffroi, dont celui de Bègues est un peu trop connu au goût des habitants. Le Nord-Pas-DeCalais est aussi et surtout une ancienne région minière, dont les galeries sont aujourd'hui au programme des sorties scolaires, comme à Lewarde. Ceci dit, Lille fait également figure de modèle en matière d'architecture moderne, avec le Centre Euralille, troisième quartier d'affaire de France, regroupant bureaux, gare TGV, centre commercial, école de commerce et salles d'expositions, construit par Koolhaas, Portzamparc, ou encore Jean Nouvel. Pour la flore, nous avons notre propre Bois de Boulogne, à Lille, avec le parc zoologique pour la faune. Au milieu dudit parc coule la Deûle, fleuve fréquemment nettoyé de cadavres de voitures mais pas que, rendu célèbre par la baignade de La Vie est un long fleuve tranquille. Côté aquatique, se trouve à Boulogne-sur-Mer, Pas-deCalais, Nausicaa. Plus bel aquarium de France (pour ne pas dire du monde, mais dans le Nord, nous ne sommes pas chauvins), Nausicaa, ses milliers de poissons, pingouins et otaries, ses raies à caresser, est cité dans les manuels de muséologie. Si ça n'est pas une preuve de grand intérêt ça ?! Le Nord-Pas-de-Calais, c’est aussi de la nourriture. Pour faire simple, les spécialités sont à peu près tout ce que vous vous interdisez pour rentrer dans votre robe de gala, mais dont vous rêvez en secret. Les meilleurs frites du monde avec un secret à la clé (faites tremper vos pommes de terre tout une nuit dans de l’eau salée). Accompagnez-les des traditionnelles moules. Vous pouvez également varier cet élément de base (des enfants en mangent même au petit déj’, et c’est véridique), avec de la carbonnade (bœuf bourguignon à la bière, qui accompagnera de toute façon tous

vos plats), du potchevlech, ou encore des fricadelles (même si, pour des néophytes, il est recommandé de commencer petit à petit, faut bien habituer l’estomac). Pour le dessert, ne passez pas aux cotés des merveilleuses gaufres fourrées à la cassonade. Pour évacuer tout ça, le Nord a développé le sport. Le stade de foot le plus moderne du monde est en train d’être construit à Lille, pour accueillir sa grande équipe, au plus fort du classement. La Région est celle qui possède le plus de clubs de foot en L1 : Lille, Lens, Valencienne, Boulogne-sur-mer. C’est d’ailleurs de là que vient le joueur le plus prometteur de l’équipe de France (sisi, ça vous intéresse), Franck Ribéry. Rayonnement national donc, pour compenser ces bonheurs culinaires, et nous offrir des gens beaux. Et célèbres. De chez nous, outre le grand général, vient le grand maréchal M. Pétain ou encore Line Renaud. Vous, historiens de l’art, serez reconnaissants à la région de vous avoir donné Matisse, Valentin de Boulogne, Watteau ou encore Carpeaux (et encore, on n'a pas fait un recensement exhaustif). Si vous n’avez pas attrapé la rage, c’est grâce à Pasteur, inspiré par son grandiose environnement. Cette merveilleuse région n’a cessé d’inspirer le tout venant et on ne compte plus les films tournés dans le coin. Dans la veine dramatique, nous vous recommandons Germinal, film où vous pourrez admirer les premiers pas au cinéma de Renaud. Si la région du bassin minier vous intéresse, tournez-vous vers les films de Pialat, à la réalité tellement présente, que vous aurez l’impression de vivre avec les personnages. Vous trouverez aussi Karnaval, Welcome, Entre ses mains… Si vous préférez rire, sachez que l’esprit Groland et Deschiens est le reflet de l’humour du nord. Rire de tout, à la bonne franquette, parce qu’il faut bien vivre. La vie est un long fleuve tranquille, bien évidemment déjà cité, a forcément dû vous donner envie de batifoler avec les Groseilles. Il y a bien sûr un film récent non cité pour des raisons morales et surtout parce que nous, on aime vraiment la région. Vous trouverez bien duquel il s’agit. Cette ambiance de fête se ressent aussi dans la musique. Didier Super, Marcel et son orchestre, les Blaireaux en sont des preuves vivantes. Et de la tendresse en ch'ti, avec le petit quinquin et Raoul de Godewaersvelde, qui nous a quitté récemment.

ILS VIENNENT AUSSI DE LA

Bien entendu, Lille n'est pas la seule ville à regrouper autant d'événements culturels. Citons en premier lieu Lens, et la future-pas-forcément-très-proche ouverture de l'antenne du Louvre. Mais aussi le Château-Musée de Boulogne-sur-Mer et la plus belle collection de masques d'Alaska au monde, ou encore la Piscine de Roubaix. Le Nord-Pas-De-Calais, c'est aussi une longue liste de traditions, qui mériteraient toutes de figurer au patrimoine mondial de l'UNESCO : le festival des Sorcières de la forêt de Marchienne, le lancer de harengs saures lors du carnaval de Dunkerque, le-dit carnaval de Dunkerque ou de SaintOmer ou de Bailleul, ou de toute ville où on peut boire de la bière, le festival de cerf-volants de Berck ou encore de magnifiques expressions telles « il drache ! Mets en' wasingue su' l'sol ! » Comprendre ici « il pleut ! Mets une serpillère par terre ! »

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Bref, laissez-vous tenter par la Région la plus chaleureuse du monde, qui utilise la culture pour panser les p'tites misères de ses habitants. Eloïse Galliard & Sophie Paulet


Lors du dernier Festival de Cannes, le cinéma allemand et germanophe en général, était à l’honneur avec la Palme d’Or 2009 : Le Ruban Blanc du cinéaste autrichien Michael Haneke (et oui Arnold Schwarzenegger n’est pas la seule contribution de l’Autriche au 7ème Art). Ce film, s’il offrait une réflexion profonde sur la société allemande du début du XX° siècle, restait une œuvre cinématographique très classique dans son esthétique et rappelait par moment les réalisations plus anciennes du suédois Ingmar Bergman. D’autres films, peut-être plus en connexion avec les préoccupations actuelles de la société allemande, ont connu un succès mondial ces dernières années, tels Good Bye Lenin ! de Wolfgang Becker (2002) ou La Vie des Autres (Das Leben der Anderen) de Florian Henckel von Donnersmarck (2007). On peut se demander où en est le cinéma allemand d’aujourd’hui avec ses héritages et quelles sont les nouveautés à chercher derrière les succès.

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n le sait, ou on l’oublie parfois aussi, le cinéma allemand est aussi riche que notre cher 7ème Art national. « L’expressionnisme allemand » a considérablement marqué la période du muet et influencé Hollywood. Les prouesses cinématographiques de Leni Riefensthal sous le III° Reich, si elles sont condamnables moralement, étonnent encore pour leur aspect technique. Quand aux années 60-70, période désignée comme celle de la « Nouvelle Vague allemande », les noms de leurs réalisateurs, comme Fassbinder, Wenders et Herzog, résonnent encore à nos oreilles. Enfin, les Allemands auront fait de Pierre Brice, acteur français (sosie d’Alain Delon) boudé par sa patrie d’origine, la star du « Western Choucroute » avec les aventures de l’indien Winnetou. Une production vivante continue depuis avec une nouvelle génération et des films traversés par de grands thèmes. Vous en avez peut-être marre, mais c’est un fait : le nazisme constitue encore un des sujets importants du cinéma allemand d’aujourd’hui. Néanmoins il faut noter que, contrairement à la pléiade de productions hollywoodiennes sur cette période, le traitement de ce thème relève ici d’une nécessaire introspection que la France est, elle, loin de réussir aussi bien. On se rappelle des reconstitutions historiques comme La Chute (Der Untergang) d’Oliver Hirschbiegel en 2004 sur les derniers jours d’Hitler, mais d’autres films adoptent des démarches plus originales. La Vague (Die Welle) de Dennis Gansel (2007) revenait sur l’expérience d’un professeur de lycée reconstituant au sein de sa classe les mécanismes d’un régime fasciste. Rosenstrasse de Margarethe von Trotta (2003) racontait la nécessité pour une jeune américaine de confession juive, d’aller en Europe rencontrer la femme allemande qui avait sauvé sa mère de la déportation. Et puis, Les touristes (Am Ende Kommen Touristen) de Robert Thalheim (2008) évoque la banalisation et l’utilisation de la mémoire de la Shoah avec l’histoire d’un jeune allemand effectuant son service civil à Auschwitz et collant aux basques d’un ancien déporté, devenu une sorte d’outil

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SEPTIEME ART

Le nouveau visage du cinéma allemand

de la mémoire pour les institutions. Le thème des frontières et l’immigration sont la part d’un cinéma plus social. Hans-Christian Schmid nous avait dépeint dans Au loin, les lumières (Lichter, 2002) les vies de clandestins, bourgeois, jeunes paumés… marquées par le fleuve Oder : frontière de la Pologne et l’Allemagne. Ce réalisateur vient d’ailleurs de sortir La Révélation (Sturm), un thriller politique se déroulant au Tribunal international de La Haye. Fatih Akin, jeune cinéaste d’origine turque, pointe les questions d’identité et de culture des communautés d’immigrés. Dans De l’Autre Côté (Auf der anderen Seite) en 2007, il effectuait un va-et-vient avec sa caméra entre Hambourg et Istanbul en suivant les destins croisés d’un jeune allemand et d’une jeune Fatih Akin turque. Marquant une pose dans son triptyque sur les frontières, Fatih Akin a réalisé dernièrement la comédie Soul Kitchen pour laquelle vous feriez bien de faire chauffer votre carte UGC ! Puisque le cinéma se crée aussi bien derrière que devant la caméra, il nous reste à évoquer les actrices et acteurs germanophones. Si les femmes comme Marlène Dietrich et Romy Schneider (d’origine autrichienne pour la deuxième) restent, et pour longtemps, des icônes dans les panthéons cinématographiques internationaux, aujourd’hui ce sont plutôt les hommes qui se font remarquer. De grandes figures nous hantent toujours comme Bruno Ganz (d’origine suisse) (Les Ailes du Désir de Wim Wenders), et des visages nouveaux apparaissent ; mais leur exportation sur la scène internationale reste plus difficile que pour leurs confrères francophones. En effet, Franka Potente (Cours Lola Cours, de Tom Tikwer, 1998), après un passage dans la Trilogie Jason Bourne avec Matt Da-


SEPTIEME ART mon, se fait assez discrète. Quand à Diane August Diehl (Lichter, Parfum d’AbsinKruger, si elle incarne un certain idéal de the), Daniel Brühl (le soldat Fredrick Zoller) qui jouait Alexander dans Good Bye beauté germanique, a eu une carrière essentiellement française et américaine et n’a en Lenin ! et Til Schweiger (le « bâtard » Hufait presque jamais participé à des réalisago Stiglitz) abonné habituellement aux rôles de méchants à Hollywood mais véritions allemandes. table sex symbol en Allemagne, réalisateur Ces messieurs s’exportent donc un peu plus. Malheureusement pour eux, certains sont populaire à ses heures perdues. Enfin, il nous fallait conclure sur la perle que nous cantonnés aux rôles de nazis dans toute bonne (ou mauvaise) production américaine sur a fournit l’industrie télévisuelle germanola Seconde Guerre Mondiale. Vous pouvez phone : Christoph Waltz (le colonel Hans Landa), Prix d’interprétation masculine au même jouer à « Où est Charlie ? » avec Thomas Kretschmann, depuis son interprétation festival de Cannes en 2009 et lauréat de de l’officier allemand dans Le Pianiste de l’Oscar du Meilleur second rôle en 2010. Les années qu’aura pu passer cet acteur Roman Polanski (2002). Mais comme taper autrichien à l’arrière plan des séries comsur les doigts des américains, c’est un peu Christoph Waltz à Cannes me Derrick ou Rex, chien flic, ont fini par comme tirer sur une ambulance, on restaurera une des qualités d’Inglorious Basterds, le dernier Tapayer. Il reste à voir s’il ne se laissera pas piéger dans les rôles de SS et s’il sera capable de se renouveler après son rantino : celle de nous avoir fournis un casting de qualité coup d’éclat. Affaire à suivre… et très diversifié dans ses nationalités. Les « nouvelles têtes » allemandes sont presque toutes présentes à l’écran : Valentine Gay

PARCOURS Chaque jour est un combat, et se rendre à l’école du Louvre, peut devenir un véritable chemin de croix, même pour les plus aguerris d’entre nous. Dès la sortie du métro, c’est la guerre. C’est avec la bande son de Rocky dans les oreilles que vous affrontez votre premier troupeau d’Espagnols rue de Rivoli. Mais vous savez que « l’œil du tigre » ne vous protègera pas des VAMMMOOOSS enragés, des coup de bedaines, des flash Nikon et des mouflards criards !! Evitez également les vendeurs de marrons chauds qui traînent leur barbecue portatif au carrefour : Marrooooooooooons Chôôôôôôôôôs !!!! Chôôôôôôôôô !!!!! Par vents et tempêtes, ils sont présents, prêts à vous assaillir, l’été venu, de WATTTTTEEEEER FRRRRRRESH, ou la grêle s’abattant sur vous de OMBRRRRRELLA !!!! Après avoir dépassé Rohan, vous arrivez enfin en terrain dégagé sur la place du carrousel du Louvre. Votre soulagement est de courte durée : aveuglé par la lumière du soleil qui se réfléchit dans le sable blanc, vous vous rendez compte avec dépit que votre sœur, cette garce, vous a encore volé vos wayfarer ce matin. Si par malheur Catherine Laborde a annoncé de la pluie, ne cirez pas vos chaussures ! Vous voilà enlisé dans la boue des tranchées 14-18 comme grand papi. La boue vous remonte jusqu’au cou ! Elle est comme une glue, qui vous aspire dans les graviers et le sable des allées. Evitant quelques petits désagréments ( SPIKINGLICHEEEU ?? ), c’est à tâtons que vous arrivez au niveau de

l’arc de carrousel. Après avoir dépassé les pigeons-mutantsunijambistes du Louvre, qui prennent leur bain quotidien dans une flaque d’eau croupie, vous décidez vaillamment de couper à travers champs pour rejoindre l’école. Mais hélas, c’est sans compter les attaques de mouettes des bassins des Tuileries, et les largages de petits présents blancs et puants sur votre tout nouveau trench. Ignorant vos chaussures qui s’enfoncent inévitablement dans la terre boueuse du marécage, vous tombez nez à nez avec une scène de genre : deux magnifiques kéké forniquent virtuellement avec une des statues de Maillol. Vu la manière dont ils s’y prennent, vous supposez qu’ils ne se sont jamais exercés sur autre chose que sur une statue. Un autre divertissement lorsque les beaux jours reviennent, est d’éviter les ballons venant de tous les côtés. Vos années d’experts en balle au prisonnier vous permettront d’échapper à une balle reçue en pleine face ou dans le ventre. Après tous ces efforts, vous voilà enfin à la maison, reposez-vous, détendez-vous à la cafétéria autour d’un bon café instantané, un kit kat chunky white à la bouche, si bien entendu il en reste encore un ! Jean-Baptiste Corne

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Nocturnes à Compiègne Bienvenue en Picardie ! En voilà un nom rêveur pour une région pleine de pluie ! Mais bon, je ne suis pas là pour critiquer cette patrie chère à tant d’étudiants de l’Ecole. Première étape : la formation à la médiation. Et oui, vous faites un premier voyage à Compiègne, où vous rencontrez les conservateurs, vos collègues de l’UTC et surtout les salles où vous serez amenés à travailler pour les nocturnes. Vous visitez également une exposition (cette année étant le bicentenaire du mariage de Napoléon avec Marie-Louise d’Autriche) où vous devez avoir un brin d’inspiration car la plupart des œuvres ne sont pas présentes. Imaginez des papiers peints, des portraits, des bijoux ou encore des lettres dans des vitrines vides. Cela laisse de la place pour une imagination débordante. Vient ensuite le plus pénible. Vous apprenez que le musée du Second Empire, fermé 360 sur 365 jours par an, est ouvert exceptionnellement pour les nocturnes. Quelle douleur pour la vue de voir les productions patchwork du XIXe siècle en ébénisterie devant les œuvres de Carpeaux et de Winterhalter ! Mais bon, vous vous en contentez, même si Hélène Charabani tente par tous les moyens et les subterfuges à vous faire apprécier des objets en galvanoplastie. Vient ensuite le débat houleux sur le choix des salles à présenter et à partager entre vous. Des scènes de pugilat ont presque vu le jour au sein même de notre groupe harmonieux des étudiants de l’Ecole. Finalement, tout est bien qui finit bien. Après des pauses café ou thé, des pauses sandwich thon mayo ou salami, et autres gâteaux fruités, il est déjà l’heure de quitter ce cher Compiègne. Ne soyez pas tristes, petits étudiants, vous êtes chaleureusement conviés pour la nocturne.

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Deuxième étape : le Jour J ! Vous revoilà dans le train en gare du Nord à 16h20. Laurence Tardy et Isabelle Bador vous attendent au début du quai, billets de train avec carte de réduction 12-25 ans, avec un sourire de compassion

EDLIEN(NE)S

Depuis deux ans maintenant, le château de Compiègne ouvre ses portes gratuitement lors d’une soirée d’anthologie, animée par les étudiants de l’Ecole du Louvre et les ingénieurs de l’UTC Compiègne. Vous ne le saviez pas? C’est le moment de rattraper votre retard !

dans le but de rassurer les élèves sur le fait de passer une nuit entière en Picardie. Tout le monde dans le train. 40 minutes plus tard, et après avoir regardé Paris s’éloigner avec une certaine nostalgie, vous voici en gare de Compiègne. Il fait froid, le vent vous glace en traversant la rivière, le soleil tente de percer avec grand mal sur les façades de pierre de Compiègne. Vous retrouvez vos camarades et la chargée de communication et des programmes culturels de Compiègne qui ne semble pas avoir dormi depuis bien longtemps, dans la salle de repos de nuit qui regroupe tout le confort moderne à la hauteur de cette demeure : machine à café, chauffage, sanitaire et électricité. Une autre bataille commence, celle du choix des T -shirt. Les hommes sont gâtés avec des uniformes noirs à leur taille, tandis que les filles doivent se résigner à porter des ensembles ultra moulant et collant au corps. Néanmoins, ces T-shirt leur seront d’une grande utilité pour dormir ou faire du jardinage. Une fois les ensembles enfilés, vous ressemblez à un agent de sécurité, bienveillant cependant. On vous offre généreusement des badges en guise de petits souvenirs. Vous optez pour un badge « Epatez la Galerie » ou « Œuvre d’art », et vous vous précipitez sur les madeleines et autres paquets de chips car vous savez que la soirée sera longue et que vous aurez droit à peu de pauses. Ensuite, vous partez. C’est l’heure du jugement. Vous vous rendez dans vos salles et vous découvrez pour la première fois vos œuvres pour un grand nombre d’étudiants. Et c’est parti, il est l’heure d’épater la galerie ! Il est 20h, les premiers visiteurs arrivent avec parfois la joie de voir apparaître des têtes connues comme ses grands-parents ou des amis picards, venus vous encourager dans cette épreuve. Jusque 23h vous êtes là dans votre salle à répéter jusqu’à bout de souffle votre discours, avec parfois la venue des conservateurs de Compiègne. Mesdames Tardy et


EDLIEN(NE)S Bador viennent vous soutenir, vous réconcilier, vous encourager. La tâche est ardue : essayer d’intéresser les visiteurs à des bouts de tissus, des lettres manuscrites où on ne voit rien, des vieux portraits craquelés ou encore des sièges défoncés par les crinolines et le temps ! Soudain des sons raisonnent, des groupes de jazz jouent la musique des Simpson pendant près de 10 minutes, donnant au château endormi trop souvent, des allures irréelles, où les peintures Empire côtoient des sons de la bonne vieille Amérique ! Il est 23h30, l’heure du buffet pour récompenser tout le personnel débute. Vous êtes affamés et assoiffés, et vous vus ruez sur les petits fours. Avec un peu de crainte, vous dégustez les vérines et partez dans un concours qui vous rappelle les journées du Goût à l’école. Vous vous dites soudainement : « ils ont osé le mélange de la purée de betterave avec de la crème d’anchois, du parmesan et de la mousse bizarre ». Ce n’est pas grave vous avez faim, vous mangez. Viennent ensuite les gâteaux sucrés et vous ne pouvez résister. Après ce repas frugal, on vous remet votre diplôme de médiateur culturel au château de Compiègne. Vous êtes fier de vous-même et Laurence Tardy vous regarde avec

des yeux d’une grande admiration. Les petits de 3e année sont devenus grands. En cadeau, vous recevez un guide de Compiègne, que vous avez peut-être déjà reçu l’année dernière, mais qui fera un très bon Tea Table Book ou encore une bonne affaire chez Gibert. L’heure est aux séparations. Vous dites adieu à Compiègne, sous les bougies de la cour d’honneur, et c’est le cœur empreint de tristesse que vous regagnez les logements des étudiants de l’UTC qui vous accueillent. Personnellement, nous nous sommes retrouvés 4 étudiants de l’école ensemble à coucher dans une pièce, et je peux vous dire que cela resserre les liens. L’esprit colo de vacances prend le dessus. Il est 7h30, l’heure de se préparer en catastrophe pour prendre le premier train pour Paris. Vous prenez un dernier café dans le bar du coin et vous sautez dans le train, presque à la hâte. Vos amis de l’Ecole, Laurence Tardy et Isabelle Bador refont le monde et cette soirée magique dans un train bondé. C’est avec le cœur serré que vous quittez Compiègne, et retrouvez enfin votre doux Paris. L’aventure s’achève et je souhaite un courage non démérité aux prochains élèves qui prendront notre place aux nocturnes de Compiègne. Jean-Baptiste Corne

BONS PLANS

Cafés et restaus pour les beaux jours

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Encore une fois tous les aspects des bons plans sont présents et respectent les envies et les porte-monnaie de tout le monde. Ils vous sont offerts avec générosité, amour et tendresse. Mais ne croyez pas non plus que je vais vous livrer tous mes secrets ! J’ai un jardin secret que je garde jalousement et qui ne sera donné qu’aux vrais initiés. C’est donc ainsi que s’achève ma chronique des bons plans de cette année. Enjoy it ! Les palettes (rue Jacques Callot) et la boulangerie (rue Jacob), SaintSaint-Germain ou Mabillon Nous revoilà au cœur de Saint-Germain. Situé au milieu des galeries d’art contemporain et d’arts premiers de la rue Jacques Callot, ce petit café est réputé avant tout pour sa clientèle de jeunes bobo trentenaires parisiens à la recherche d’un coin calme loin des boulevards bruyants du quartier et du tapage outrancier du Café Flore. On se sent plus tranquille. C’est également le repère des jeunes artistes de l’Ecole des Beaux Arts à leurs heures perdues, carton à dessin à la main. Certes, on ne s’y rend pas pour le service des serveurs assez désagréables, qui rassemblent à eux seuls tous les clichés négatifs des Parisiens, mais, au moins, rien que pour cela, ce café en vaut le détour. Appréciez la terrasse qui, durant les beaux jours revenant, est des plus

agréables au cœur de Saint-Germain. Vous l’aurez compris, venez-y simplement pour le cadre et dégustez un café ou une pâtisserie que vous aurez achetée dans la boulangerie la plus chaleureuse de Paris que je connaisse, celle de Mme Maillard, située près du Ladurée rue Bonaparte. Bienvenue dans la boulangerie la plus provinciale de Paris. Tenue par un sosie de Meryl Streep (je vous l’assure c’est des plus troublants), cette boulangerie est un symbole pour les habitants du quartier et les étudiants de la fac de Médecine et de l’Ecole des Beaux-Arts. Décor de boiseries peintes en cérusé gris, lustre noir baroque au plafond, cancans des mamies du quartier, et étalage de pâtisseries délicieuses bon marché, voici ce qui fait le charme de cette boulangerie où vous serez accueillis un sourire jusqu’aux oreilles par les boulangères. Un conseil : dégustez leur pain de Noël au rhum et raisins à Noël !


Le Kong (Pont Neuf)

Le piano Vache, rue Laplace (Mutualité) Fans de Johnny Depp bonjour. Revenons sur la rive gauche. Je vous présente un petit bar rock. N’ayez pas peur, ne vous laissez pas impressionner par le décor de ce bar : posters, cartes postales, photos, affiches de concerts recouvrent tous les murs, jusqu’aux cadres des vieilles glaces. Installez-vous dans une banquette, un peu défoncée, recouverte d’un vieux tapis persan de grand-maman, un verre à la main, et vous passerez un agréable moment. L’ambiance est jeune, et vous êtes bercé par une musique rock mêlant souvenirs de Woodstock et de White, 80’s et 90’s américano british comme Bowie, les Pink Floyd ou Queen, et les incontournables des scènes indé des années 2000 – 2010 tel que the Killers, the Strokes, John and Jehn, Franz Ferdinand ou encore the Gossip. Alors pourquoi Johnny Depp me demanderez-vous ? Et bien il se pourrait que ce lieu soit son bar fétiche lors de ses escales parisiennes. Si, si, je vous le jure. Et quand on rentre dans ce bar, que l’on ressent l’atmosphère, on comprend mieux son intérêt pour ce lieu. Courez-y !!! Vous pourrez même laisser un mot sur les murs du bar !

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Le parvis, en face de Beaubourg (Rambuteau ou les Halles) Cherchez-vous le café le moins cher de Paris ? Vous en avez marre de payer un expresso 6 euros au café de l’Opéra ! (NDLR Euh... qui fait ça?) Cet endroit est fait pour vous ! Situé en face de Beaubourg, idéal après un long TDO sur le surréalisme, ou encore une session intermina-

Le Pink Flamingo, rue Bichat (Gare de l’Est)

BONS PLANS

Je vous livre une adresse, certes connue par les accros de Sex and The City et de Carole Bouquet, mais qui vaut également le décor. C’est chic, c’est hype, c’est cher. Mais qu’est-ce que c’est beau ! Entièrement décoré par Philippe Starck, vous entrez dans le restaurant du magasin Kenzo à côté des bâtiments abandonnés de la Samaritaine. Imaginez : vous êtes assis dans un fauteuil Ghost de Starck, une geisha géante sur toute la longueur de la salle, avec une vue imprenable sur l’île de la Cité. Ce restaurant est le seul à être disposé à Paris sous une verrière au dernier étage de l’immeuble. La nuit tombée, l’endroit est magique et vous révèle ce fameux charme romantique de Paris, que l’on a tendance à dénigrer lorsqu’on habite la capitale. Côté budget, votre porte-monnaie aura mal pour les repas, d’une bonne qualité néanmoins. Cependant, rien ne vous empêche de venir prendre un verre au bar afin de profiter de ce lieu qui semble un peu perdu au-dessus de la Seine.

ble et épuisante à la BPI, où vous avez dû supporter les embrassades langoureuses d’un couple pré pubère révisant leur bac de français en pleine salle de lecture histoire de l’art, venez vous délassez à la terrasse de ce café. Ici, le café est à seulement un euro, mais c’est à vous de faire le service, de chercher votre café au comptoir et de desservir la table. Heureusement, on ne vous demande pas encore de faire la vaisselle ou de moudre vous-même le café. Mais bon, pour les petits porte-monnaie, c’est le café idéal.

Les beaux jours revenant, vous rêvez d’un endroit au soleil pour déjeuner, bienvenue sur les bords du canal Saint-Martin. Le soleil tape, les oiseaux chantent, les enfants braillent, qu’il est bon de se poser au bord du canal, même si je vous déconseille de mettre vos pieds dedans. Un petit creux vous vient ? Aucun souci. Le Pink Flamingo est une pizzeria délicieuse. Tous les ingrédients sont bios pour les bobos ! Le pizzaïolo propose à la place des barbantes Margarita et Regina une détonante Björk (tranches de saumon fumé, œufs de lump) ou une exotique Ho Chi Minh (sauce curry verte, citronnelle et coriandre). Non seulement les pizzas sont étonnantes, mais vous ne voulez pas rester enfermés dans la salle de la pizzeria. C’est alors que vous vous décidez à emporter votre achat gourmand. C’est avec un ballon rose gonflé à l’hélium que vous partez comme un enfant vous installer tranquillement sur les bords du canal. Quelques minutes plus tard un livreur, sur son beau vélo rose, arrive vers vous et vous livre le désir de votre appétit ! Bonne dégustation. L’été arrive et voici une petite playlist musicale pour se poser dans l’herbe devant l’école. Avis de professionnel, on peut réviser (un peu) sur les pelouses des Tuileries. Voici donc une petite sélection estivale, et j’espère qu’elle vous plaira. And we run, John and Jehn Wish Witch, Hifiklub Come back home, Two door Cinema Club Guilt is a useless emotion, New Order Greenwich mean time, Charlotte Gainsbourg Wild young hearts, Noisettes Pick up the phone, Dragonette Dog days are over, Florence & The Machine Jean-Baptiste Corne


COURRIER DU COEUR

L.H.O.O.Q Il y a un mois, Philippe-Alexandre Pierre, élève en deuxième année de premier cycle, fait paraître dans votre journal pour la création de la rubrique « Courriers du cœur », sa « Lettre à une élève de Troisième année », une déclaration d’amour ouverte à celle qui voudra s’y reconnaître. Sur le terrain, aucune audacieuse. Mais sur le papier de Louvr’boîte, « elle » lui répond… Madeleine. Mon nom d’abord, car je n’ai pas de pudeur. Mais toi en revanche, il se peut que tu le sois vraiment, pudique, Philippe-Alexandre. Commençons là. Récemment tu t’es exprimé pour parler d’amour, du tien de surcroit, et ceci avec les mots les plus vifs de la confidence : le « je » et le « tu ». Pourtant c’est à un journal, au cœur de l’empire de la publicité, que tu as voulu livrer ta lettre : l’intimité, c’est sur la place publique que tu es venu la chercher. Mais où es-tu vraiment ? Présence, absence : en perpétuelle chute libre de l’une à l’autre, je suis prisonnière dans ton orbite, et le néant qui nous sépare est irréductible. Douleur. La voie des « Courriers du cœur » est encore trop neuve pour être praticable. Faute qu’aucun ne l’ait encore empruntée, elle se livre toujours à nous dans son abstraction primitive, et l’inhumanité de sa morphologie est destinée à écraser indéfiniment la parole edlienne si nul n’entreprend d’en aménager les fondements à la mesure de l’homme. Philippe-Alexandre, l’ingénuité qui t’a fait parler en premier laisse vacantes les questions qui composent le seuil de l’amour, et une chaine maillée de contradictions m’étrangle à mort. A toi lecteur : parce que je sais que je suis lue, et parce que j’ai conscience que PhilippeAlexandre et moi inaugurons ensemble un espace qui veut accueillir durablement le souffle de la vie, je vais prendre pour vous les détours qui conduisent aux foyers les plus ardents de la question de l’amour à Louvr’boîte. A travers mes ambitions doctrinaires, je ne poursuis en fait qu’un but: obtenir Philippe-Alexandre. Ce faisant, je veux que les stigmates de mon corps autant que l’assurance conquise donnent toujours au lecteur la juste mesure de l’ambition de ce qui devient pour cette fois « les courriers de mon cœur ». Lecteur, je franchis maintenant le point de non retour de mon entreprise et déjà, je sens que les coups vont pleuvoir. Un journal et ses rubriques c’est d’abord une forme, et en tant que forme c’est ensuite seulement qu’elle se pourvoit d’un contenu. Preuve : cet article peut dire ce qu’il veut, l’intitulé de la rubrique (qui lui est antérieur et qui lui survivra) sera toujours écrit plus gros que mes phrases. Et moi, je demeure intensément inessentielle.

C’est là que se joue la déchirure originelle : je te veux Philippe-Alexandre, et je le crie fort, mais quoi que je fasse, mes paroles sont captées, intégrées et minorisées au sein de cette rubrique qui n’a pas besoin de moi pour vivre. D’ailleurs précédée et suivie d’autres semblables, elle constitue un bloc rigide qui, pour une rédactrice neuve comme je le suis moi même, peut exercer l’action d’un véritable pouvoir, inhibiteur et aliénant. La dépossession, l’inauthenticité : le gouffre qui attend tout rédacteur. A moins que, m’y refusant tout net, je ne tire sous vos yeux la clef qui ouvre vers les moyens d’une parole libre et authentique. Philippe-Alexandre, l’amour qui m’a prise m’oblige à être contre toi. C’est dur ! Ecrire pour une rubrique qui s’appelle « Les courriers du cœur » c’est d’abord subir une pression, celle de la forme : le journal (patrons et rédacteurs) et les lecteurs (vous élèves et le personnel de l’école, lecteur de Louvr’boîte sans aucun doute) forment ensemble une véritable institution qui, même malgré elle, légifère sur le visage de l’amour. Comment parler tout droit à Philippe-Alexandre, en restant en accord avec tous les autres ? Si je me laisse déterminer et informer par les exigences communes, la lettre que je livre reste sans voie : Louvr’boîte accouche d’un homme en silicone, qui a les bons contours mais pas la bonne matière, ceci étant, exprimé ici en termes plastique, ce que dans la vie on appelle, un mort-né. L’amour : quand la forme parle toute seule, si c’est à la légère, on débouche dans le pire des cas sur le cliché. Mais, en dernière instance, c’est-à-dire lorsque les moyens y sont, qu’on parle pour être entendu et faire agir, ma foi ce à quoi on s’adonne, c’est quelque chose que le dictionnaire appelle : prostitution. Suivez-moi encore je vous en prie. Philippe-Alexandre, mon chéri. Sur le point le plus décisif de la lettre d’amour tu as toi même manqué de tomber dans un gouffre, par inauthenticité, en entrainant vers le fond les rédacteurs en devenir qui auraient voulu suivre la voie que tu as tracée le premier : la prose. D’extrême limite le talent t’en a préservé, heureusement. Mais je crains pour la postérité. Explication. Je ne suis pas de celles qui pensent que l’amour ne se fait bien qu’au passé antérieur, indicatif ou subjonctif, j’sais même plus. Simulation : « Eussé-je commis plus tôt la lettre que… ». Voilà bien une phrase qui s’apprête à faire

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Rendre au texte sa dignité, urgence première. Comme telle, cette entreprise demeure toutefois une abstraction. L’écrit, c’est une nécessité vitale, ne peut se concevoir dissocié du plan qui le sous-tend totalement. Vous me comprenez déjà je le sais : le vivier du texte, ce sont les actes. En amont comme en aval de la lettre d’amour, il y a le quotidien. Moins grandiose, c’est pourtant lui le seul qui compte. Aussi, contre les idoles de papier, l’iconoclasme que je lance ici, Philippe-Alexandre, veut te dire que Madeleine est faite de chair et d’os. Je te connais PhilippeAlexandre. Je t’ai regardé vivre dans notre école, tout en favorisant quelques rapprochements. Ton attention n’a jamais été franchement attirée par moi je crois. Visiblement, je ne suis pas à tes yeux ce que quelques garçons appellent scandaleusement une « gigantesque bonnasse ». Mais tu n’es pas de ceux-là. Du moins (j’ose un repentir) ce sera mon hypothèse de départ, car je t’associe à mon projet fondateur (pas de ça à Louvr’boîte). Me décrire ? A quoi bon, tu regardes toujours ailleurs. Et puis, j’ai le visage de l’évidence, pour ainsi dire. Je veux bien plutôt pointer le mauvais germe que tu as laissé vivre dans le champ vierge des courriers du cœur. Ce qui n’a pas été assuré par toi,c’est le lien entre écrire et agir. Une lettre d’amour n’est pas un billet de réservation : on ne s’en sert pas pour marquer une fois son territoire et attendre la rente saisonnière. Tu t’es signalé à nos cœurs et ça, je l’ai aimé tout de suite. Mais, par une inversion malheureuse, ce sont les lectrices que tu as cru responsabiliser alors qu’une lettre ouverte, si elle sert à attirer toute les attentions, est bien plutôt une responsabilisation direct de son auteur. J’attendais de toi une attention soutenue à l’égard de toutes et de chacune, ce dont j’aurais su tirer une occasion qui nous aurait réunis. Mais je crains Philippe-Alexandre, que tout ton amour avait été dit d’une trai-

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te à une femme en papier. A toi lecteur. Ce que j’ai reconnu devoir miner éternellement le terrain de l’action amoureuse qu’ouvrent les courriers du cœur est une nouvelle pathologie, non morphologique comme la première mais bien plus profonde, parce que psychologique cette fois. Vous avez sous les yeux ce que de manière inaugurale je baptise, le « syndrome de la tour d’ivoire ». Il veut dire qu’aux courriers du cœur comme ailleurs dans la vie, le tenant et l’aboutissant de la lettre d’amour ne saurait se résumer sans méprise en autre chose qu’un « se lancer dans l’arène. » Je t’attends Philippe-Alexandre.

COURRIER DU COEUR

la pute. Elle veut parvenir à ses fins mais sans donner de sa personne. Je la stoppe net. Purification : en un geste philosophique qui saura se montrer décisif par le bénéfice que les générations futures en tireront, je soumets à l’école du Louvre le concept de « phrase-salope », forgé de mes deux mains, dans la douleur et l’exaltation. Mettant en lumière le sens intime d’une pathologie centrale, il donne le pouvoir d’un assainissement immédiat et s’instaure comme concept fondateur de la déontologie de la lettre d’amour dans Louvr’boîte. Cette acquisition conceptuelle est un premier jalon. Moi Madeleine, je vous engage à poser les suivants, ceux qui en toute circonstance se donneront comme les moyens les plus radicaux pour dynamiter ou assouplir, selon le style de chacun, les carcans vicieux de la littérature amoureuse. Philippe-Alexandre, ne m’en veux pas, pour toi j’ai fait chuter un colosse.

Bilan, pour Philippe-Alexandre et mon lecteur : à quel endroit doit-on faire commencer une expérience qui se doit, par soucis d’exemplarité, d’être radicale ? Le point 0, lieu inatteignable par excellence, sinon de force. Soit, je n’ai eu qu’une méthode : table rase. Les données premières de l’amour dans « Les courriers du cœur », au nombre de 2 : 1.L’enjeu ? Madeleine (moi) veut accéder auprès de Philippe-Alexandre. 2.Le moyen ? Un médiateur, Louvr’boîte (avec toi lecteur). Mais, ce que le rédacteur qui aime et qui veut se faire aimer découvre en premier lieu, c’est que dans cette rubrique, 1 et 1 font 3. Car si l’enjeu est le rapport direct d’une déclaration d’amour entre deux personnes, que le moyen en est la médiation par un tiers et qu’en principe tout est là, on voit de suite dans l’action qu’une troisième donnée se trouve produite nécessairement : 3. le risque ? Que la médiation, à son insu même, devienne séparation, par perversion de la parole originelle ! Le rédacteur se perd luimême et sans s’en rendre compte, il fait le trottoir. Enfin, il faudra que tu me cherches aussi Philippe-Alexandre. Marque moi ! Ma peau est du cuivre, couleur de l’émoi, oh mon beau burin… Du publique à l’intime, de l’inauthentique à l’authentique, de l’impropre au plus proprement mien, voilà le dénivelé que j’ai voulu parcourir ici pour atteindre le sol de l’amour vrai. Faisons la suite à deux Philippe-Alexandre, comptant sur des paroles pures et des actes solides. Alors la rencontre s’imposera. Je te dédie dans l’attente ces quelques points de suspension, c’est encore ce qu’un texte me donne de mieux à t’offrir … Madeleine X


COMIC-STRIP

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PAUSE-CAFE

Pêle-mêle

32 Jeu N°1 Quel bazar! Aidez ces fameux personnages à retrouver un peu de dignité en les associant avec le vêtement qui leur convient: toge, pourpoint, résille perlée & anneaux d’or, houppelande, robe à la française, dalmatique. Jeu N°2 Vous avez trouvé ça facile? Petit exercice de révision maintenant! Identifiez l’œuvre, l’auteur, la localisation et la datation. La première ou le premier à trouver recevra un cadeau exclusif! Louvr’boîte n°6 ISBN 1969-9611 Directrice de publication : Anaïs Raynaud Rédactrice en chef : Margot Boutges Rédacteurs : Séverine Aubert, Philippe Bettinelli, Margot Boutges, Jean-Baptiste Corne, Alexis Durand, Pierre-Henri Foulon, Perrine Fuchs, Eloïse Galliard, Valentine Gay, Cédric Juppé, Suzanne Lemardèle, Mathilde Neute, Sébastien Passot, Guillaume Patey, Sophie Paulet, Philippe-Alexandre Pierre, Solveig Placier, Anaïs Raynaud, Madeleine X Illustrateurs : Thaïs Arias, Valentine Gay, Silvère Tricaud Maquettiste : Sébastien Passot


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