Louvr'Boîte 16, le numéro hivernal 2013

Page 1


1ère de couverture : Alexandre Cernec; 2ème, 3ème, 4ème de couverture : Herminie Astay


ÉDITO Louvr’Boîte est à l’image de ses lecteurs : en hiver il peut tomber malade et se cacher au fond de son lit pour déprimer, il peut s’asseoir devant son frigo et engloutir, mélancolique, les derniers restes de dinde périmée. Cependant les beaux jours et l’optimisme finissent toujours par revenir. Et tandis que nos députés délibèrent, tandis que Tombouctou retrouve des trésors sous les cendres, un Louvr’Boîte convalescent nous donne de belles raisons d’aller mieux. Philippe Durey retrace avec nous en page 8 sa carrière et l’histoire de l’Ecole, en révélant les enjeux présents et futurs d’un établissement centtrentenaire. Daniel Craig et Abraham Lincoln castagnent dans nos pages la mauvaise humeur à coup de second degré, Heineken et droits de l’homme. Enfin, arme suprême contre la morosité, Paris nous offre des expositions sans cesse plus nombreuses et plus riches. Fini l’hibernation, bonjour l’action ! Avant de se dorer sous le fatal soleil de mai, l’Edlien enrhumé peut déjà faire fondre son spleen au poêle de nos lignes !

SOMMAIRE Acualité du BDE ....................................................... 4 Acualité du Ciné-club ................................................ 5 Vie étudiante ............................................................. 5 dossier Interview de Philippe Durey ...................................... 8 Portraits ................................................................... 13 Témoignage : avoir deux spécialités .......................... 18 Interview d’ancienne élèves ....................................... 19 Actualités Exposition ............................................................... 21 Cinéma .................................................................... 23 Série ......................................................................... 25 Prise de tête : La paille ............................................. 27 Décommentaires de clichés ...................................... 28 Mots croisés ............................................................. 29

Louvr’Boîte, journal des élèves de l’École du Louvre. Cinquième année. Numéro d’hiver 2013. 0,50 €. École du Louvre, Bureau des Elèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 Paris cedex 01. Courriel : journaledl@ gmail.com. Facebook : fb.com/louvrboite. Twitter : @louvrboite. Archives numériques : issuu.com/louvrboite. Maquettiste : Herminie Astay. Correctrice : Kimberley Harthoorn. Ont contribué à ce numéro, dans l’ordre alphabétique : Herminie Astay, Thaïs Arias, Claire Bastin, Eva Belgherbi, Marine Botton, Jérôme Lopes Carolo, Pauline Corrias, Thibault Creste, Margot Delvert, Théophile Doucet, Matthieu Fantoni, Chloé Gérard, Kimberley Harthoorn, Aude Nicolas, Guillaume Turbiak, Marina Viallon. Dépôt légal : octobre 2012. Imprimé sur les presses de l’École du Louvre (France). Sauf mention contraire, © Louvr’Boîte et ses auteurs.


4 actualités

LE BDE C’EST… … un emploi du temps surchargé qui tente de se placer au diapason des goûts et envies des Edliens. Les semaines qui viennent vont encore vous proposer monts et merveilles, soyez au rendez-vous.

A l’initiative de Tractions :

Jeudi 14 mars : Une interprétation de BRITANNICUS vous sera proposée. Amphithéâtre Cézanne, à 17h30.

h

Billetterie BDE

pour les meilleurs spectacles de la scène parisienne. Mercredi 20 mars : théâtre : JEUX DE CARTES 1 : PIQUE Atelier Berthier : encore 6 places. Jeudi 8 mars : théâtre : LE PRIX MARTIN Théâtre de l’Odéon : encore 6 places. Mercredi 17 avril : théâtre : THE FOUR SEASON RESTAURANT Théâtre de la Ville : encore 5 places. Vendredi 10 mai : danse : USHIO AMAGETSU : CRÉATION 2012 Théâtre de la Ville : encore 6 places. Jeudi 23 mai : théâtre : DRUMMING LIVE KEERSMAEKER Théâtre de la Ville : encore 2 places. Lundi 17 juin : danse : PINA BAUSCH – KONTAKTHOF Théâtre de la Ville : encore 1 place.

h

A l’initiative de l’Archéo-Club :

Lundi 18 février : conférence : LES FOUILLES D’EUROPOS DOURA, LA GENÈSE DE L’ART PALEOCHRETIEN. Avec Pierre Leriche, fouilleur d’Europos Doura. Amphithéâtre Michel-Ange, à 18h, sur donation libre. Lundi 4 mars : conférence : UNE NOUVELLE VISION DE L’ARCHÉOLOGIE, L’ARCHÉOLOGIE MODERNE ET CONTEMPORAINE. Avec Gilles Bellan, archéologue de l’INRAP Amphithéâtre Michel-Ange, à 18h, sur donation libre. à bientôt, le BDE ...


actualités - vie étudiante 5

Actualités du Ciné-Club - février -

JEUDI 21 FEVRIER - 17h30 - Amphi Michel-Ange Huit et 1/2 (Otto e mezzo) de Federico Fellini, 1964

- mars JEUDI 7 MARS – 18h15 – Amphi Michel-Ange La toile blanche d’Edward Hopper de Jean-Pierre Devillers, 2012 Projection du documentaire et débat en présence du réalisateur JEUDI 21 MARS – 18h15 – Amphi Michel-Ange A la découverte du cinéma d’animation de l’école de Zagreb. Plusieurs courts-métrages seront présentés par l’équipe du ciné-club. ( date à venir ) - Amphi Cézanne CINE-CONCERT : Le cabinnet du Docteur Caligari, sur des musiques de Modest Moussorgski interprétées par la troupe des Planches à musique. Le ciné-concert sera suivi d’une petite présentation du cinéma expressionniste allemand et d’une rencontre avec les musiciens.

Lettre ouverte du représentant des élèves au Conseil d’Administration Après plusieurs mois en tant que représentant des élèves au Conseil d’Administration, j’ai commencé par découvrir la tâche. On ne s’imagine pas la complexité du fonctionnement d’un établissement comme l’école du Louvre avant d’être plongé au cœur de son système. Le budget, les dons, les travaux, la gestion du personnel, l’aménagement de la scolarité, tous ces thèmes, et bien d’autres, sont abordés deux fois par an lors du Conseil d’Administration. Il est inutile de préciser que le budget n’est pas ma tasse de thé mais il n’en reste pas moins intéressant. Ces réunions forment une expérience enrichissante, où chacun des acteurs peut prendre la parole et s’exprimer en toute liberté. Je me suis alors rendu compte qu’il était relativement simple de s’exprimer au nom de l’ensemble des élèves sur tel ou tel sujet. Des questions, des remarques, des précisions, en réalité la forme importe peu. Ces instances, accessibles aux élèves sont un atout considérable d’échange avec le personnel administratif, les professeurs ou encore les auditeurs. A nous, élèves, de se l’approprier au mieux !

La découverte finie, avec une relative aisance, je me suis alors retrouvé confronté au problème le plus important et non le moindre : vous représenter ! En effet, je ne fais pas partie de ceux qui pensent qu’après le temps nécessaire à la découverte, il faudrait se laisser porter par le vent et réessayer de temps à autre les sièges agréables d’une salle de réunion. Comme chacun le sait, la communication entre les élèves est loin d’être l’atout majeur de l’école. Dans ces conditions, il est difficile de prétendre pouvoir vous représenter et encore moins tous. Plusieurs semaines de réflexion ont alors été nécessaires pour trouver une idée, tenter de changer la donne, ensemble. Pour ce faire, je pense vous laisser mon adresse email afin d’être disponible et si je le peux, répondre à vos questions ou bien faire remonter une suggestion. Suite à la récente nomination des représentants pédagogiques, il est bon de rappeler l’importance de tous ces interlocuteurs que vous avez choisis pour vous représenter.


6 vie étudiante

J’ai reçu il y a peu la possibilité d’organiser une réunion avec tous ces représentants pédagogiques, afin de préparer les conseils ensemble, d’en faire un compte-rendu et ainsi être plus efficaces. Ces comptes-rendus pourront être accessibles par chacun via le journal de l’école, qui me paraît être un moyen de communication à la fois efficace et créatif. A travers cette lettre, j’écarte toute prétention à vouloir faire une sorte de révolution stérile qui n’aboutirait à rien. Je souhaite simplement pouvoir vous représenter au mieux en toute simplicité et dans la plus grande clarté. En mars dernier, vous m’avez accordé votre confiance, ainsi je vous présente mon premier bilan. Certes, ce dernier peut vous paraître court et superficiel mais il n’en perd pas moins son caractère honnête et spontané. Guillaume Turbiak

Un syndicat d’élèves à l’EDL : le MeeL à votre service ! Nous sommes fiers de pouvoir enfin vous annoncer dans Louvr’Boîte la création du Mouvement des Elèves de l’Ecole du Louvre, ou MeeL ! Mais qui se cache derrière ce syndicat ? Le MeeL est un syndicat, régi par la loi 1901 sur les associations. Pas de panique, il est destiné à servir aux élèves dans le cadre de l’EDL uniquement, donc pas d’histoire de politique là-dessous, pas d’affiliation à d’autres syndicats étudiants non plus. Ce n’est pas un organe du BDE, ni de l’administration. Le MeeL est indépendant et totalement dévolu aux Edliens. Le bureau du MeeL rassemble quatre élèves de 2e et 3e année qui ont pour objectif commun de porter la voix des élèves. Lors de la création du syndicat, en octobre dernier, les seuls référents proches des élèves étaient les représentants de spécialité, et les correspondants du CA et du CER (mais ils ne sont que deux, et ne peuvent pas tout faire pour les quelques 1200 élèves de l’EDL !). Désormais, nous travaillons donc main dans la main avec les représentants déjà mentionnés ainsi que les correspondants des trois années d’HGA, dont les fonctions ont été créées juste après la formation du MeeL. Grâce à cette collaboration, et à un travail d’équipe efficace, nous avons pu mettre en place un réel dialogue avec l’administration et dépoussiérer l’unique réunion élèves-administration de l’école, par exemple. Pour cela, nous avons rencontré vos correspondants de spécialité et mis au point un sondage dont les résultats ont été communiqués lors de la réunion du 20 février. De ce travail de fond, vous verrez les résultats dans : - le compte-rendu de la réunion des représentants de spécialités, publié sur l’extranet,

- le compte-rendu du sondage, également diffusé par le MeeL. Le MeeL est donc un succès pour cette première année, nous attendons maintenant un rassemblement de plus en plus important des élèves, car c’est vous qui faites vivre le syndicat, de la même manière que c’est vous qui faites vivre l’école !

Pour une présentation un peu plus formelle : - Marguerite-Marie Le Moulec, présidente - Vincent Ducouret, vice-président - Caroline Jaspers, trésorière - Margot Delvert, secrétaire Rejoignez-nous aussi sur Facebook « Meel – syndicat des élèves de l’école du Louvre » et écrivez-nous à l’adresse bougetonmeel@gmail.com


vie étudiante 7

L’APPHM : équation d’une grande (in)connue texte : Aude Nicolas illustration : Marina Viallon

Derrière cet acronyme barbare (oui, on aime bien ça en patrimoine militaire !), se cache une association de loi 1901 à but non lucratif fondée par des étudiants de PAM en mai 2008. Née à l’Ecole du Louvre, elle connaît un article introducteur dans Louvr’Boîte n° 3 (et oui, cela ne date pas d’hier pour certains qui n’ont pas le plaisir de froisser ces pages jaunies par le temps…). Mais qu’est-ce que je raconte moi ? Non, nous ne donnerons pas la part belle à ceux qui pensent innocemment que l’Association pour la Promotion du Patrimoine et de l’Histoire Militaires est vouée aux anciens élèves de la spécialité concernée ! Ouverte à tous, elle a petit à petit développé ses projets en partenariats avec de grandes institutions muséales (le musée de l’Armée, le musée de la Marine, la bibliothèque Paul-Marmottan de Boulogne-Billancourt, qui dépend de l’Académie des Beaux-Arts), des collectivités territoriales (la ville de Brest il y a quelques années, la ville de Boulogne), des établissements d’enseignement secondaire… Bref, l’APPHM monte des projets où toutes les bonnes volontés sont les bienvenues : si vous avez toujours rêvé de présenter des collections au public ; de participer à des ateliers de manipulation de fac-similés d’armures, de coiffures XIXe, d’armes blanches et d’armes à feu portatives (on n’a pas encore fondu notre canon, c’est un peu cher pour nous) ; de préparer des recherches sur des œuvres méconnues (peintures, estampes, dessins, photographies, sculptures, livres anciens…) présentées au public lors de petites conférences ; de participer à la réalisation de projets muséographiques comme les accrochages que nous organisons toute cette année 2013 ou encore d’expliquer des batailles ou des faits historiques à des collégiens, ne cherchez plus ! Vous avez trouvé l’association qui vous offre toutes ces opportunités ! L’APPHM ne se compose pas que de troupes (pardon, déformation professionnelle) spécialisées et accro maniaques du patrimoine militaire : nos effectifs s’enrichissent d’étudiants en peinture, sculpture, architecture, mobilier, médiation (et oui, on fait tout ça car nous sommes aussi des historiens d’art, pour certains diplômés de muséologie), mais aussi en histoire et en histoire des techniques, car nos collègues de la faculté n’ont pas su résister longtemps à notre irrésistible appel. Elle compte des étudiants de l’Ecole du Louvre répartis dans les trois cycles d’étude (autrement dit, même si vous êtes en première année, n’hésitez pas à venir nous rejoindre car, loin de vous lâcher terrorisés dans la jungle muséale, nous vous aidons le temps de vos premiers pas). L’APPHM, c’est aussi, au-delà d’une belle expérience humaine altruiste et de partage, un atout de formation professionnelle, avec une pratique régulière des langues étrangères auprès des visiteurs non francophones, un accroissement des connaissances sur toutes les périodes et dans tous les domaines, une immersion inédite dans le monde muséal (rencontre privilégiée

avec des conservateurs, des restaurateurs et tous les acteurs du secteur culturel). C’est aussi l’opportunité d’écrire des articles, de chercher, de concevoir des ateliers, de visiter des lieux méconnus avec les professionnels. C’est enfin partager l’entrain endiablé et la convivialité d’une équipe jeune et dynamique, soucieuse de faire découvrir le patrimoine militaire au plus grand nombre, d’en révéler les aspects ignorés sous différentes formes, allant de la visite traditionnelle à l’archéologie expérimentale, sans oublier les rendez-vous entre amis comme la galette des Rois de janvier, le pique-nique de juin, etc. Nos activités régulières depuis 2009 : Nocturnes au musée de l’Armée, Journées européennes du Patrimoine, Nuit des Musées, Petits Trésors dévoilés de la Bibliothèque Paul-Marmottan, Quatre saisons de Marmottan, explication de la bataille d’Austerlitz, de la campagne de Crimée, de la campagne du Mexique, de la campagne d’Italie de 1859 à des élèves de 4ème, le tout dans une ambiance ludique et décontractée, et bien d’autres choses encore ! Notre équipe d’une vingtaine de membres attend toujours de nouvelles bonnes volontés, alors franchissez le pas ! Quel que soit votre âge ou vos envies, venez nous rencontrer sur notre page Facebook (Association pour la Promotion du Patrimoine et de l’Histoire Militaires), visitez notre blog : http://apphm.over-blog.fr. L’APPHM édite également une newsletter trimestrielle rédigée par ses membres, Exercitus, dans laquelle se côtoient les actualités de l’association, les expositions, les conférences et les colloques, ainsi que des articles sur des visites, des films et des prestations dédiés à notre passion commune.

Pour en savoir plus : Collectif. « L’Association pour la Promotion du Patrimoine et de l’Histoire Militaires (APPHM) ». Revue de la Société des amis du musée de l’Armée n° 141, juin 2011 I, pp. 41 –48. Et à paraître dans le prochain CERMA (Cahier d’Etude et de Recherche du musée de l’Armée) : Collectif. L’APPHM : recherche, médiation et transmission au service du patrimoine, de l’histoire et des arts militaires. Pour nous contacter, rien de plus facile : il suffit d’envoyer un mail à : secretariat.apphm@gmail.com Venez nous rejoindre ! Aude Nicolas, vice-présidente de l’APPHM.


8 dossier 130 ans de l’école - interview

Who are you Philippe Durey? Interview de Philippe DUREY, Directeur de l’Ecole du Louvre.

Propos recueillis par Thibault Creste et Eva Belgherbi, dans le plus haut bureau de la plus haute tour de l’Ecole du Louvre. Retranscription d’Eva Belgherbi et Matthieu Fantoni Illustration Claire Bastin

Après avoir gravi les marches de l’escalier en colimaçon (Dumbledore style), prononcé les mots magiques d’une voix peu assurée (« bonjouronarendez-vous»), marché sur une moquette moelleuse et accueillante, nous arrivons enfin dans ce qui pourrait s’apparenter à une salle d’attente de médecin généraliste. Au bout de quelques minutes, à défaut d’entrer dans un cabinet médical, nous sommes invités à nous asseoir devant le bureau de Monsieur Philippe Durey, directeur d’un petit établissement public qui fête ses 130 ans cette année. On ne va pas se mentir : pour nombre d’élèves qui lisent peut-être pour la première fois son nom et à l’instar de son presque homologue féminin, Lana Del Rey, Mr Durey reste un personnage mystérieux. Celui-ci, contrairement à Lana Del Rey, a pris le temps de répondre à nos questions et s’est révélé chaleureux et accessible, loin du stéréotype un peu simpliste et austère qu’on se fait d’un directeur standard. E.B.

LB : Pour commencer, on peut souligner que si on vous reconnait parfois dans les couloirs de l’école, on en Je me souviens de ce stage qui se passait dans les sait peu à votre sujet. Notre première question sera donc nouveaux bureaux du département de peintures, il y avait très pragmatique : quelle est votre formation ? une équipe jeune, dynamique, de gens brillants dirigés par Michel Laclotte, il y avait aussi Pierre Rosenberg, Jean-Pierre Je suis un ancien élève de l’Ecole du Louvre en effet, Cuzin, Arnauld Brejon, et c’était très stimulant. D’où la némais j’ai aussi suivi les cours de l’Institut d’Etudes Politiques cessité des stages pour se déterminer dans une carrière. Avant de Paris. Je ne savais pas trop quoi faire après mon bac, donc de faire mon service militaire j’en ai fait trois autres, car à cej’ai fait une année de classe préparatoire, puis je suis entré tte époque il n’y avait pas d’Institut National du Patrimoine. à Sciences Po Paris et au cours de l’année, je me suis inscrit C’étaient trois stages de six mois. Le premier s’est déroulé à l’Ecole du Louvre. Le volume horaire était alors très dif- au département des peintures, le deuxième à l’inspection férent de ce qu’on demande maintenant - à l’Ecole comme des musées et le troisième au département des sculptures. A à Sciences Po. Au fil des études, je me suis de plus en plus mon retour de service, j’ai choisi l’inspection des musées, où intéressé à l’Ecole, de moins en moins aux métiers auxquels j’ai passé sept ans, jusqu’en 1986. Je m’occupais des musées me destinait l’IEP… Pour autant, je ne savais toujours pas de régions puis d’un projet d’exposition sur la sculpture, qui ce que je voulais faire à l’issue de l’un et l’autre. C’est au a eu lieu au Grand Palais en 1986. J’ai ensuite postulé pour cours d’un stage pendant les vacances de Pâques, au dépar- le Musée des Beaux-Arts de Lyon, où j’ai passé quatorze ans. tement Peintures du Louvre, je m’en souviens très bien, que J’ai eu la chance de le conduire à la rénovation dans le cadre j’ai commencé à me poser la question du concours de con- des grands chantiers de l’Etat en région. servateur. Finalement, c’est le prosélytisme d’un de J’ai eu la chance de le conduire à la rénovation dans le cadre mes professeurs de l’Ecole du Louvre, qui me poussait à des grands chantiers de l’Etat en région. passer le concours, qui m’a conduit à le présenter. J’ai eu la En 2000 je suis rentré dans le capital (rires). J’ai été chance d’être reçu dans la foulée, et je me suis retrouvé pro- appelé pour succéder à Irène Bizot à la Réunion des Musées jeté dans un métier que je ne me voyais pas vraiment faire Nationaux. A l’époque, on considérait encore qu’il fallait un auparavant et que j’ai découvert après coup. conservateur pour diriger la RMN, ce qui était une erreur


dossier 130 ans de l’école - interview 9 dans la mesure où il y avait une grave crise que j’ignorais depuis Lyon. Le vieux système fédérateur des musées, dans lequel le Louvre jouait un rôle central en redistribuant les fonds aux petits musées via la RMN, était voué à disparaître. Il avait besoin d’une réforme de nature politico-administrative très importante, qui n’était pas dans la nature des compétences d’un conservateur. J’ai donc souhaité assez rapidement être relevé de ces fonctions, mais cela a pris deux ans et demi. C’était une période dure, dans le climat de la crise de 2001, suite aux attentats de New York. Les musées ont connu une baisse de 40% de leur fréquentation en trois mois. Les recettes étaient catastrophiques. C’est après cet épisode difficile que je suis arrivé à l’Ecole du Louvre en septembre 2002, sur proposition du Ministre de la Culture de l’époque, Jean-Jacques Aillagon. Je ne pensais pas rester longtemps, mais le métier de l’époque m’a plu et j’ai décidé de rester ici. LB : Vous avez enseigné à l’Ecole. Quels souvenirs en gardez-vous ? J’avais fait une première expérience, comme beaucoup, quand j’étais jeune conservateur en tant que professeur de CS de sculpture du XIXème siècle, puis pendant deux ans j’ai fait un CO sur la sculpture néoclassique en Europe, de Canova à Thorvaldsen, dans lequel j’avais voulu insister sur les écoles étrangères. Ces dernières sont d’ailleurs assez peu connues et j’ai essayé de me spécialiser sur ce sujet, autant qu’on puisse prétendre se spécialiser sur quelque chose dans mon cas, car, comme vous l’avez compris, ce qui m’a surtout occupé pendant ma carrière, c’est essentiellement des questions de travaux de rénovations de musées. J’ai passé à Lyon 8 ans de chantier, sans jamais fermer le musée. Comme le musée des Beaux-Arts de Lyon est polyvalent, avec cinq départements, c’est très difficile de prétendre se spécialiser. Si on veut faire son travail de directeur correctement, on doit à un moment choisir entre ses recherches personnelles et ses responsabilités. LB : A propos de l’Ecole justement, quels sont vos projets ? On sait que vous avez réalisé la réforme LMD (Licence, master, doctorat), mais quels sont les autres chantiers ? Mon prédécesseur avait déjà senti la nécessité de créer une cinquième année, car à l’époque il n’y avait que trois années et l’année de muséologie. Si on arrivait à avoir le 14 à la fin des trois ans, on pouvait dans certaines conditions présenter un mémoire, sans passer par l’année de muséologie. C’était un système très spécifique qui était le fruit de la vieille histoire de l’Ecole. Quand je suis arrivé, j’ai entrepris d’engager la mise en conformité de l’école au système LMD (Licence-Master-Doctorat). Précédemment, on avait déjà

eu des avancées considérables. En effet, le test probatoire avait remédié au problème d’affluence, et la question des locaux fut résolue avec la construction du Grand Louvre. Par ailleurs, le statut administratif de l’école qui lui donnait une certaine autonomie. Malgré toutes ces avancées, il fallait harmoniser le système pédagogique. C’est ce que j’essaie de faire depuis dix ans. En 2006 on a obtenu l’habilitation au grade de master, ce qui est évidemment une étape déterminante puisque c’est la reconnaissance par l’enseignement supérieur que ce qui est délivré ici est un diplôme universitaire d’histoire de l’art. Il a fallu ensuite organiser les étapes de ce master et consolider le premier cycle, la dernière étape étant l’instauration de cours de langues étrangères. Maintenant, on s’attaque au troisième cycle en l’alignant sur l’organisation d’un doctorat. Ça ne veut pas dire qu’on peut délivrer le doctorat, puisqu’il faut toujours que ce soit en co-encadrement, mais on se rapproche de la constitution d’une équipe permanente de 5 personnes d’ici 2014. C’est une sorte de révolution puisque vous savez que l’Ecole n’a pas de corps enseignant propre. Ces 5 personnes à mi-temps seront toutes dotées de l’habilitation à encadrer des recherches, c’est-à-dire du critère universitaire d’encadrement de doctorat. On se dote aussi d’un programme de recherche, de bourse pour les étudiants de troisième cycle, ceci grâce au mécénat de la fondation Carasso de 2012, pour une durée de trois ans, à charge pour l’école de se débrouiller pour la suite. On a recours au mécénat car, par les temps qui courent, il est difficile de créer des postes. Malgré cette réforme LMD, l’école ne perd pas ses spécificités, à savoir un enseignement général de l’art en trois ans que nous sommes les seuls à délivrer, sans exclure aucun domaine ni champ chronologique. C’est un enseignement très demandé. On vient de conclure un partenariat avec l’Ecole des Chartes, et ses élèves vont venir chez nous suivre le premier cycle car ils ont besoin de cette culture générale d’histoire de l’art, s’ils veulent passer le concours. D’autre part on reste fidèle à l’enseignement devant l’objet car c’est la raison pour laquelle on est dans le Louvre. Comme autre spécificité, il y a aussi le fait qu’on s’engage dans une spécialité dès la première année. C’est à contrecourant de l’université. L’enseignement y consiste en une première et deuxième années généralistes et on arrive difficilement à une spécialisation en troisième année. C’est en tout cas la tendance actuelle des licences. En contraste, l’Ecole reste fidèle à son système de spécialisation dès la première année. Cela pose pas mal de questions, de difficultés. Sortir du bac et choisir tout de suite une spécialité, ce n’est pas évident – c’est même de moins en moins évident. Il y a des défauts et des avantages, et parmi ces avantages, il y a la motivation que ce genre d’enseignement procure aux étudiants. En général, vous vous prenez au jeu


10 dossier 130 ans de l’école - interview vous aimez votre spécialité. Vous l’avez choisie, le champ est large, et si vous vous mettez à faire de l’égyptologie, c’est que cela vous passionne. Après, il faut reconnaître qu’il est difficile d’intégrer tout de suite, pour reprendre mon exemple, des notions d’archéologie, sans connaître des bases d’histoire de l’art antique. De la même manière, il n’est pas facile de suivre une spécialité art contemporain dès la première année d’étude à l’Ecole, durant laquelle on n’étudie que de l’archéologie. Il vous faudra attendre trois ans pour avoir une vue d’ensemble de l’histoire de l’art. Le mécanisme de l’école pose ainsi un grand nombre de questions mais pour l’instant nous lui restons fidèles. Nous tenons aussi au principe d’un corps enseignant constitué majoritairement de professionnels du patrimoine. Ils sont toutefois plus nombreux en premier cycle qu’en deuxième cycle. Je voudrais en voir un peu plus en second cycle. Malgré tout, nous nous alignons sur le système international pour vous permettre d’être plus visibles, et pour qu’on sache bien à quoi correspond un diplôme de deuxième cycle de l’Ecole du Louvre. Vos employeurs éventuels, les directeurs d’autres établissements au sein desquels vous voudriez étudier en complément de l’Ecole, peuvent ainsi savoir immédiatement à quel niveau vous vous situez, pour faciliter les passerelles. Bien sûr, on pourrait rester cloîtré dans son « système à soi » en reconnaissant que le système dit du LMD ne soit pas la panacée, mais le fait est que c’est actuellement le système le plus répandu. Notre objectif est d’arriver à concilier l’identité de l’Ecole (ce qu’on y apprend ici et pas ailleurs) et un mécanisme qui a cours partout ailleurs.

son permettant la réalisation des deux autres axes). On se fixe des objectifs économistes, comme le prix d’un jour de fonctionnement à l’Ecole ou notre taux d’autofinancement, aussi bien que le nombre d’étudiants étrangers que l’on accepte à l’Ecole. Je vous ai aussi donné l’exemple du corps enseignant. Tous les trois ans on dresse un bilan, en évaluant notamment le taux d’insertion professionnelle dans les milieux culturels à la sortie de l’Ecole. On a aussi mis un indicateur sur les données de structuration et développement du troisième cycle et de la recherche. J’ai voulu en faire un axe fort d’un de ces contrats. Il s’agit de voir, de mesurer, par un nombre de publications, de travaux que l’on a encadrés et soutenus chaque année, si le troisième cycle se développe dans le sens que l’on a souhaité. Nous avons une dizaine d’indicateurs, six objectifs. Ce genre de document nous permet de faire le point tous les trois ans sur ce qui s’est passé, et de mettre l’accent sur certains points pour les trois prochaines années. On a changé le nom initial des « contrats d’objectifs et de moyens », car l’Etat n’a pas les moyens de garantir que les moyens seront pérennes. Or, pour atteindre des objectifs, il faut des moyens. Dans la situation actuelle, l’Etat ne peut pas me garantir qu’il m’affectera l’année prochaine le même nombre de titulaires fonctionnaires que l’année dernière. Autrement dit, ce n’est pas en se basant sur des moyens constants ou des moyens en développement que l’Ecole s’organise. Nous affichons des indicateurs pour savoir où nous en sommes de nos objectifs, ce que l’on appelle contrat de performance est finalement surtout un outil de gestion. Juge de paix, il nous permet de réaliser si nous progressons LB : Qu’entendez-vous par « Contrat de perfor- ou si nous stagnons. mance » ? LB : L’EDL fête ses 130 ans et peu d’élèves sont au C’est un mot barbare pour désigner l’engagement courant, pouvez-vous nous en dire davantage sur la symd’un établissement public signé avec sa tutelle, c’est-à-dire bolique de cette commémoration ? l’administration centrale qui lui attribue ses subventions de fonctionnement, son interlocuteur pour se problèmes de J’ai hésité à commémorer cet anniversaire. C’était postes. Cela concerne des objectifs qu’on s’engage à tenir déjà un peu passé inaperçu en 2002, pour les 120 ans et des indicateurs. Par exemple, en ce qui concerne le nom- (l’Ecole a été créée en 1882), et je me suis rendu compte bre de professeurs professionnels, on se fixe pourcentage que l’histoire de l’Ecole était très mal connue. Il y a tout plancher dans les effectifs en dessous duquel on ne veut pas de même eu quelques mémoires de deuxième cycle dans le descendre. Et ce malgré toute la difficulté que l’on pourrait cadre de quelques spécialités, comme par exemple la créaéventuellement rencontrer pour engager des conservateurs tion de la chaire des arts grecs, ou des arts de l’Islam. à l’Ecole. Je me suis aperçu qu’au sein même de ces mémoires, dans lesquels vos collègues ont brillé dans l’étude de l’histoire de LB : Mais est-ce que cela enveloppe seulement des leur discipline, certains mécanismes de fond de l’institution données techniques ? Les objectifs pédagogiques sont-ils avaient été mal compris. Même leurs enseignants ne les aussi concernés ? maîtrisaient pas. Par exemple, on oublie assez souvent qu’il a fallu attendre la fin des années 1920 pour que les élèves et Oui, bien sûr, vous pouvez avoir des indicateurs péd- les auditeurs aient un enseignement général de l’art strucagogiques. On distingue trois axes à l’Ecole : l’enseignement, turé. C’est pourtant un des marqueurs de l’identité de notre la diffusion culturelle (toutes nos initiatives concernant Ecole ! Il en va de même pour la muséologie. Au départ, un les auditeurs) et les moyens supports (services de la mai- des buts de l’école, tel que le voulait Antonin Proust,


dossier 130 ans de l’école - interview 11 le ministre des Arts de Gambetta, était de former les conservateurs. On ne parlait pas encore de muséographie ou de muséologie. Dans l’idée d’Antonin Proust, il fallait au fond faire comme une école des Chartes pour les musées. Il s’agissait de leur donner des bases techniques pour leur métier. Il a fallu néanmoins attendre 1928 pour que soit créé le premier cours de muséologie. L’histoire de l’école est faite comme ça de tas d’improvisations, de retards, d’erreurs d’orientation... Pour autant, notre institution a toujours manifesté à travers le temps un dynamisme incroyable. Si on considère en effet les chiffres de la fréquentation de l’école, il y a une croissance absolument régulière, et ce quel que soit la dureté des temps. Cela nous conduit à nous interroger sur ce qui fait fonctionner l’école. Je pense qu’il y a d’abord la passion des enseignants. C’était l’intuition de Louis de Ronchaud, mon prédécesseur, qui était aussi directeur des musées de France –pendant bien longtemps le directeur de l’Ecole était aussi directeur des musées de France. Il disait : « L’enseignement naîtra de la conservation, tout comme la conservation est née de la collection ». Son idée était que l’étude des collections nationales poussait à enseigner les découvertes qu’on en tirait, de même que la constitution des collections durant la Révolution avait entraîné la création du poste de conservateur pour s’en occuper. C’est la même chose au fond que le lien entre l’enseignement et la recherche. Vous savez, on dit couramment qu’il n’y a pas de bon enseignement sans recherche. Pour que votre enseignement soit de qualité, il faut qu’il s’appuie sur les dernières découvertes de la recherche. De même, un chercheur doit régulièrement passer par l’exercice de l’enseignement, parce que ça lui permet de synthétiser sa matière, de se faire comprendre, et de vérifier d’une certaine façon où il en est. C’est la même chose entre l’étude des collections, qui est une forme de recherche, et ce qui se fait ici à l’école. C’est une conception que les enseignants ont tout de suite comprise pour laquelle ils se sont tout de suite passionnés. On ne cumule pas un emploi d’enseignant à l’Ecole pour faire fortune, car ça reste mal payé, mais vraiment par envie. Alors c’est vrai qu’il y a des professeurs davantage pédagogues que d’autres (ndlr : ah bon ???) mais en tout cas ils ont tous l’envie d’enseigner. La deuxième force de l’école c’est « l’aiguillon du public ». On a fait en décembre un colloque sur les catalogues, car c’est un outil de recherche cher aux conservateurs. Il y a des recherches possibles dans les catalogues, quand ceux-ci sont bien faits, même s’il est de bon ton de le critiquer chez les universitaires. Ce qui m’a aussi intéressé c’est qu’en été 1882, au moment de la naissance de l’Ecole, il y eu un débat dans la presse artistique de l’époque, sur le catalogue justement. Au Louvre on en manquait alors cruellement et beaucoup d’archéologues et de chercheurs français ont virulemment critiqué le musée sur cette question. On discutait aussi des notices à mettre au bas des

tableaux ou sur les murs. Une partie des arguments avancés par les promoteurs de l’Ecole était que ses futurs élèves allaient travailler à la rédaction de fiche, pour pouvoir produire plus rapidement des catalogues, pour répondre à la demande pressante du public. L’Ecole a finalement toujours répondu aux attentes du public. En 1902 – 1903, quand Salomon Reinach a fait, à titre personnel, vingt-cinq cours d’histoire générale de l’art, il a fallu qu’on s’installe dans la galerie Denon. Il y avait tellement de monde qu’on ne pouvait pas tenir dans la cour Lefuel où était autrefois l’Ecole, dans le vieil appartement du Grand Ecuyer de Napoléon III. Il y a eu tout de suite une commande énorme. Dans l’entre-deux guerres, on a mis au point le système des « visites promenades », qui préfigurent nos actuelles visites conférences. C’étaient des visites dirigées, organisées autour d’un thème particulier. L’Ecole a eu jusqu’en 1949 la charge de l’organisation des services des publics dans les musées nationaux ! L’Ecole a fonctionné un peu comme un laboratoire de mise au point de ce que les musées ne fournissaient pas encore dans les salles : des explications, toutes les informations pédagogiques qui en étaient absentes. C’est ça ce que j’appelle l’aiguillon du public, la volonté d’aller de l’avant, de mettre en place la muséo, les cours d’HGA etc., tout ce qui fait actuellement sa force. C’est l’atout majeur de l’Ecole actuellement. Laissez-moi vous rappeler que les auditeurs permettent à l’Ecole de s’autofinancer actuellement à hauteur de 53 %. C’est grâce à eux que je peux payer des cours de langue. Les finances de l’Ecole sont saines grâce à eux. Donc à charge pour nous de renouveler notre offre, de trouver de nouvelles propositions… Actuellement, on bute un peu sur des questions matérielles. Les salles sont très occupées et il devient difficile de trouver des espaces disponibles lorsqu’un professeur doit reporter son cours. Malgré tout, cet aiguillon du public reste un élément primordial pour l’Ecole, un élément grâce auquel elle a pu se forger une identité. Troisième force : notre localisation, avec la situation de l’Ecole dans le Louvre, à proximité des chefs-d’œuvres. Des professeurs passionnés, une attention particulière portée aux demandes du public et notre présence dans le Louvre, voilà les trois points forts de l’Ecole. Pour autant, elle doit aussi s’améliorer pour être à la hauteur de certains enjeux, et notamment sa mise en conformité avec les mécanismes qui l’entourent. LB : Qu’avez-vous prévu pour cet anniversaire ? Quel sera l’esprit de la célébration ? Il m’a semblé important de porter une attention particulière aux enseignants. Ils sont déjà 750, et je ne voyais pas comment faire pour traiter en plus les 1600 élèves. Ces intervenants sont tous volontaires, nous ne forçons personne à enseigner à l’Ecole.


12 dossier 130 ans de l’école - interview Ce 130e anniversaire était l’occasion de les honorer, de leur dire tout simplement que sans eux l’Ecole n’existerait pas. La soirée prévue pour l’anniversaire s’adresse donc directement à eux. En dehors, nous avons organisé comme je vous l’ai dit un colloque, lié à l’histoire de l’Ecole, et en plus une plaquette. Je me suis occupé de la partie historique de ce document. Elle reprend l’ancienne plaquette, plus réduite, avec un développement plus important de l’histoire de l’Ecole. Je me suis aperçu encore une fois qu’il y avait eu des erreurs, des confusions. On confondait encore la tentative faite par Salomon Reinach de faire des cours d’histoire générale de l’art et le démarrage réel des cours d’histoire de l’art, en 1920. Pour rentrer à l’Ecole, on ne demandait aucune qualification. Il fallait simplement avoir 16 ans. On pouvait venir de n’importe où. Bien évidemment, pour suivre des cours sur l’archéologie de Sumer, il valait mieux avoir quelques notions. Après avoir longtemps hésité, l’Ecole s’est décidée en 1920 à créer un examen préalable d’histoire générale de l’art, que l’on devait obtenir avant de pouvoir passer l’examen de cours organique. C’est ce que je viens de supprimer, alors que cela remontait à 1920… C’était une forme de sélection qui ne disait pas son nom, à la fin de la première année. Il s’agissait de trier et de retenir, pour la suite, que ceux qui avaient fait de l’histoire générale de l’art, qui savaient se débrouiller en archéologie. Maintenant il n’y a plus de sens à vouloir maintenir cette obligation en première année, et ce pour plusieurs raisons. D’abord, il y a le test qui sélectionne à l’entrée. Ensuite, les systèmes de crédits, de groupes de matière, font perdre du temps à certains élèves qui se retrouvent bloqués parfois pour un groupe et sont obligés de redoubler alors qu’ils auraient pu valider leur spécialité dès la première année. Cela ne pourrait pourtant que les encourager pour la suite. A partir de maintenant l’obligation disparaît et l’examen de spécialité se passe dès la première année. Il est important pour une équipe de direction de maîtriser un peu l’histoire de son école. Dans un établissement comme un musée il est fondamental de connaître l’institution que l’on dirige, car évidemment il faut comprendre comment les collections se sont formées, comment on en est arrivé jusqu’à l’état présent. C’est valable aussi pour un établissement d’enseignement. On comprend mieux ses spécificités, ses particularités. Elles s’inscrivent dans une histoire, elles se justifient selon des arguments parfois anciens. Il est important de les étudier pour savoir dans quel sens doit évoluer l’Ecole. C’est cette réflexion basée sur l’histoire qui m’a poussée à « marquer le coup » de cet anniversaire. Evidemment on a aussi sorti quelques bricoles, comme un sac…

LB : Et le sweat EDL, projet ou légende urbaine ??? On va le faire aussi ! Et des cartes postales, cinq modèles. Pour les autres produits dérivés on a demandé une petite enquête. On n’aimerait pas faire n’importe quoi n’importe comment. On réfléchit aussi à un t-shirt. On se met au goût du jour… Comme toujours à l’Ecole ça peut prendre un peu de temps, mais ça vient. LB : C’est une initiative qui va plaire aux élèves. On recherche des signes distinctifs pour marquer notre origine edlienne… J’en suis conscient. Ca va dans le sens d’un de mes souhaits, celui d’une vie associative à l’Ecole. Concernant la plaquette que j’évoquais tout à l’heure, on n’a pas prévue de la vendre à l’Ecole, c’est un cadeau de prestige pour les invités. Elle sera aussi distribuée durant les cérémonies de master aussi. On essaiera quand même de trouver un moyen pour la rendre accessible aux personnes qui seraient intéressées… LB : Il n’y avait donc réellement aucune étude sur l’Ecole avant cette plaquette… La plus vieille publication officielle sur l’histoire de notre établissement, c’était (il se lève et nous montre un livre presque centenaire) ce recueil publié pour le cinquantenaire en 1932. Vous le trouverez à la Bibliothèque. On y trouve des tas d’erreurs, mais aussi choses intéressantes sur la maison. On y fait mention de tous les cours donnés jusqu’en 1932, mais aussi du nom des élèves. Voyez ici, il y a même un portrait d’Antonin Proust par Edouard Manet : ils étaient amis d’enfance, depuis le collège. LB : Un dernier mot, pour conclure ? Les deux pères fondateurs de l’Ecole sont Antonin Proust, qui a signé le décret de 1882 fondant l’Ecole, et Ronchaud, qui a eu l’idée d’une Ecole Pratique d’Histoire de l’Art et de l’Archéologie. Une école fondée sur un enseignement très pragmatique. C’est le mariage de ces deux données qui a permis la naissance de l’Ecole du Louvre. Aussi, pour conclure, j’aimerais vous signaler qu’en 1882, l’Ecole est fondée sans programme, sans budget, sans local, sans règlement intérieur (il faut pour cela attendre 1884). Antonin Proust, dont le rôle a été déterminant, a quitté le ministère des arts trois jours après avoir signé le décret de fondation. Malgré ces débuts difficiles, l’Ecole vit toujours, 130 ans plus tard.


dossier 130 ans de l’école - portraits 13

Louis Courajod (1841-1896) texte : Kimberley Harthoorn

Conservateur du département des Sculptures du Louvre, il inaugure la chaire d’histoire de la sculpture de l’Ecole du Louvre. Durant ses années d’enseignement (1887-1896), il influence énormément la pédagogie de l’Ecole par ses idées novatrices. Après une licence de droit, un cursus à l’Ecole des Chartes, et sept ans comme attaché au cabinet des Estampes de la Bibliothèque nationale, Louis Courajod entre au département des Sculptures du Louvre en 1874. Il devient conservateur-adjoint en 1879, puis conservateur à partir de 1893. Il part en croisade contre la théorie communément admise selon laquelle la Renaissance est une influence venant uniquement d’Italie. Il est l’un des premiers à soutenir que l’art italien des débuts de la Renaissance est influencé par les écoles du Nord. Il défend également l’art gothique, ainsi que la singularité de l’art français de la Renaissance. En tant que conservateur, Louis Courajod se distingue par sa politique d’acquisition très active. Il enrichit les collections de sculpture d’œuvres italiennes (notamment la Vierge à l’Enfant en bas-relief de Donatello et le buste représentant saint Jean-Baptiste enfant de Mino da Fiesole) ; c’est l’un des premiers à faire entrer la sculpture italienne au Louvre. En tout, quatre-vingt-trois sculptures italiennes entrent au musée grâce à son action. Il contribue également aux collections françaises, harcelant le Comité consultatif des musées nationaux avec des demandes de fonds, des remarques, des propositions d’achat ayant pour but l’enrichissement du fonds d’œuvres de l’époque romane, qu’il considère comme « la première manifestation du génie national créateur », ainsi que d’œuvres gothiques, dans une volonté de réhabiliter l’art français. Il fait également don au musée d’un Christ du XIIème siècle en 1895, qui porte aujourd’hui son nom. Certaines de ses acquisitions font scandale par leur coût, en particulier le tombeau de Philippe Pot, dont le prix d’achat, 25 000 francs, rebute le Comité, que Courajod finit par convaincre à l’issue d’un long argumentaire. Il se distingue également par la refonte totale de la muséographie du département. A sa mort, cinq nouvelles salles ont été consacrées à la sculpture. De plus, la disposition des œuvres dans les salles, autrefois chaotique, est réorganisée en un parcours scientifique, un cours d’histoire de l’art vivant qui illustre les théories de Courajod sur l’art

français et médiéval. Désintéressé de tout ce qui peut dénoter une influence antique, méprisant l’académisme et le style antique, accusant l’académie de dogmatisme et dénonçant « l’ornière classique et romaine », il fait la part belle à l’art gothique, aboutissement de l’art roman et apogée de la sculpture française. En matière d’art moderne, il privilégie l’étude du romantisme au détriment du néoclassicisme, mettant en avant Rude, Carpeaux et David d’Angers et les exaltant comme les héritiers d’une tradition française perdue depuis le XVème siècle bourguignon, pervertie par « l’infection » de l’italianisme. Dans sa croisade contre l’académisme, il se prononce également en faveur de l’entrée de l’Olympia de Manet au musée du Luxembourg en 1890, comme la plupart des conservateurs en archéologie, en opposition à l’opinion des conservateurs de peinture et d’arts graphiques. Dans toute son œuvre de conservateur et de chercheur, Louis Courajod a à cœur de se placer comme héritier du musée des Monuments Français d’Alexandre Lenoir, qu’il considère avec ferveur et idéalisme comme un père spirituel et un modèle. C’est dans l’esprit de ce musée disparu que Courajod envisage la nouvelle muséographie du département des Sculptures du Louvre. En tant que professeur, Louis Courajod a un impact énorme sur ses élèves. Il conçoit un enseignement pratique, appuyé sur les faits et sur les œuvres, scientifique et non livresque. Ses cours sont extrêmement vivants, et surtout marqués par les théories personnelles de Courajod. Il ne voit pas l’enseignement comme la paraphrase des idées des autres, mais comme un moyen de développer et de transmettre ses thèses. Il dit à ses élèves : « Je vous prends désormais comme collaborateurs. Vous irez, propageant mes opinions, les améliorant, les complétant. […] Vous allez devenir les livres vivants auxquels je confierai l’honneur de mon nom et l’avenir de ma doctrine. » Et en effet, lors des cours, ce personnage virulent, passionné, doctrinaire, se défait vite de ses notes pour développer avec un lyrisme paroxystique le résultat de ses recherches et de ses combats au sein de la communauté scientifique. Le nombre de ses détracteurs est d’ailleurs assez impressionnant. Ses cours à l’Ecole se basent sur un matériel photographique abondant, ainsi que sur les plaques de verre, ancêtres des diapositives. Mais la spécificité de son enseignement est l’étude de moulages qu’il fait réaliser


14 dossier 130 ans de l’école - portraits des sculptures permettant aux élèves de les prendre en main et de les étudier dans leur tridimensionnalité. A sa mort, il lègue à l’Ecole du Louvre une série de deux cent dix moulages, aujourd’hui dispersés et, pour une certaine part, perdus. Le moulage, très populaire comme outil d’étude au XIXème, tombe en désuétude avec la généralisation de la photographie. La série de moulages de Courajod est l’une des dernières créées dans un but éducatif.

teur, parfois sujette à contestation, a néanmoins marqué durablement le visage du département des Sculptures, et considérablement enrichi son fonds. Sa verve agressive, ses théories novatrices, son exaltation vindicative ont contribué à la popularité des cours de l’Ecole du Louvre à ses débuts, plutôt difficiles. Un hommage lui a été rendu par l’Ecole à l’occasion du centenaire de sa mort : les rencontres de l’Ecole du Louvre de 1996 lui ont été dédiées. illustration : Félix Valloton, 1896

Louis Courajod est une personnalité controversée de l’histoire de l’Ecole et du musée. Son action de conserva-

Christiane Desroches-Noblecourt (1913-2011) texte et illustration : Kimberley Harthoorn

Surnommée la « Grande dame de l’égyptologie », elle a enseigné successivement l’épigraphie égyptienne et les cours d’archéologie à l’Ecole durant ses quarante-cinq années (1934-1982) à la tête du département des Antiquités égyptiennes du musée du Louvre. Christiane Desroches débute sa formation à l’Ecole du Louvre. Elle intègre le département égyptien du Louvre après une thèse remarquée. Pour la remercier de son travail bénévole de chargée de mission pour « Le Louvre la nuit », le CNRS lui accorde une mission de trois mois en Egypte.

Nous sommes en 1937 : Christiane Desroches quitte la France à bord du Champollion. Elle rejoint le chantier de Deir el-Medineh, village des ouvriers de la Vallée des Rois. Sa première expérience l’initie à la vie en Egypte. Le récit de ces années de sa vie fourmille d’anecdotes incroyables : il est question de charmeurs de serpents, de malédictions… Première femme nommée pensionnaire de l’Ifao (l’Institut français d’Archéologie orientale du Caire),


dossier 130 ans de l’école - portraits 15 en 1938, elle est affectée aux fouilles franco-polonaises d’Edfou, après avoir, grâce l’aide du directeur de l’institut, surmonté les objections des membres, d’éminents chercheurs venus en délégation pour protester contre sa nomination. Selon eux, les conditions d’un chantier de fouilles étaient trop dures pour une femme… C’est à ce moment-là qu’elle fait sa première découverte : la tombe inviolée de la dame Sèchséchèt, contenant un riche mobilier de vaisselle et d’objets de toilette en or, cuivre, calcite, terre cuite vernissée… Ses aventures rocambolesques continuent : après un dîner avec le maire du village (au cours duquel elle échappe de justesse à l’honneur de recevoir l’œil de la tête de veau servie au repas), elle doit faire face à ses avances. Un autre jour, croyant à un canular, elle vanne le roi de Siam en personne (« Si Votre Majesté court aussi vite que je l’em…, elle sera vite à Pékin ! »). Christiane Desroches est une potache. Lors de l’Occupation, Christiane Desroches entre en Résistance aux côtés de Jacques Jaujard. Elle rejoint un groupe de savants, déguisés sous le nom de « Cercle des Amis d’Alain-Fournier », préparant l’édition de luxe illustrée du Grand Meaulnes. En réalité, ils publient un journal et écrivent pour l’émission de radio londonienne « Les Français parlent aux Français ». Le groupe est rapidement dispersé par les nombreuses arrestations. Afin de garder son poste au Louvre, elle doit se battre contre les ruses sournoises de l’infect collabo carriériste Louis Hautecoeur, qui refuse sa nomination parce qu’elle n’a pas signé le serment de fidélité au Maréchal. A la Libération, Christiane Desroches-Noblecourt (mariée en 1942 à un ami d’enfance) est intégrée au Conseil supérieur d’enquête des Beaux-Arts, chargé d’instruire les dossiers des fonctionnaires ayant commis des fautes graves pendant l’Occupation. A l’issue de ces travaux, Hautecoeur est taxé d’ “indignité nationale” pour dix ans. Justice est faite. Après 1946, Christiane Desroches-Noblecourt peut enfin se consacrer pleinement à son travail. Parmi ses nombreuses réalisations, il faut citer la participation à l’élaboration du CEDAE (Centre de documentation et d’étude sur l’histoire de l’art et la civilisation de l’Egypte ancienne), nouveau lieu d’étude au Caire, qui rassemble égyptologues, architectes, dessinateurs et photographes, et dont le projet voit le jour en 1954, soutenu par l’Unesco. Cependant, le plus important n’a pas encore été mentionné : il s’agit de son combat, solitaire au début, pour le sauvetage des temples de Nubie, menacés par le projet du barrage d’Assouan. Il lui faut d’abord convaincre le ministre égyptien de la Culture, Saroïte Okacha. Une entrevue a lieu le 4 avril 1959 : ensemble, ils rédigent une lettre à faire signer par le président égyptien et à envoyer à l’Unesco. Le projet est lancé : il faut sauver ces temples de Nubie, patri-

moine égyptien mais aussi mondial. La plus grande croisade culturelle du XXème siècle commence ! Les travaux sont colossaux. Il y a le Grand Temple d’Abou Simbel, le plus célèbre, mais aussi les temples de Philae, ainsi que des dizaines de temples édifiés le long du Nil, dont beaucoup datent du règne de Ramsès II (Gerf Hussein, Ouadi es-Seboua, Derr…). Un appel est lancé le 8 mars 1960 à la tribune de l’Unesco par le directeur général de l’Unesco et le président Nasser. André Malraux, dans un discours mémorable, est le premier à leur répondre. Les fonds sont réunis, et, dans un climat diplomatique francoégyptien tendu (que seule l’amitié de Christiane DesrochesNoblecourt avec le ministre Saroïte Okacha parvient à surmonter), les travaux débutent à Abou Simbel en 1963. En 64, la Nubie est inondée, mais les temples sont saufs. Pendant toute cette période, Christiane Desroches-Noblecourt fait régulièrement l’aller-retour entre l’Egypte et la France. En 1967, elle organise l’exposition des Trésors de Toutankhamon au Petit Palais. C’est la première fois que ces objets quittent le musée du Caire. Dans la conception et l’organisation extrêmement difficiles de cette exposition historique, elle rencontre de nombreux obstacles : la réticence des autorités égyptiennes à risquer d’endommager des objets pendant le transport, mais aussi l’acharnement de certaines personnalités du milieu égyptologique anglais, apparemment fâchés de n’être pas les premiers à travailler sur la découverte du Britannique Howard Carter. Notre grande dame parvient à résoudre ces problèmes, en partie grâce à l’aide bienveillante de Saroïte Okacha. En 1972, lors de l’exposition Toutankhamon à Londres, elle apporte son aide aux équipes anglaises, les écrasant de son fair-play et de sa classe. L’histoire de Christiane Desroches-Noblecourt est une épopée romanesque, qui débute pendant l’âge d’or de l’archéologie en casque colonial, qui passe par le Front Populaire et la Résistance, la crise de Suez et la Révolution égyptienne de 1952, au contact d’illustres figures (De Gaulle, l’empereur du Japon, le roi de Siam, le roi Farouk, Aristote Onassis…), au cœur du plus grand projet archéologique de tous les temps. Cette égyptologue de talent, au courage sans faille, a beaucoup contribué à populariser l’Egypte ancienne et à la rendre accessible au grand public.


16 dossier 130 ans de l’école - portraits

Jacques Jaujard : la préservation du patrimoine français sous l’Occupation texte : Kimberley Harthoorn illustration : Herminie Astay

Il est bon de s’interroger sur les personnages qui donnent leur nom à des lieux : généralement, on n’honore que les meilleurs exemples de vertu. C’est le cas pour notre hall Jaujard, nommé en l’honneur du directeur des Munsées Nationaux et de l’Ecole du Louvre pendant la Seconde Guerre Mondiale, qui s’est illustré dans de nombreuses et complexes affaires touchant à la préservation du patrimoine ; quelquesunes sont relatées ici. En 1918, Paul Painlevé remarque un journaliste, rédacteur à L’Œuvre et à L’Intransigeant : Jacques Jaujard. Il l’emploie comme secrétaire à partir de 1922, puis comme chef de cabinet dans ses différentes présidences et ministères. A la chute du gouvernement, il lui conseille d’accepter le secrétariat des Musées Nationaux. En 1938, l’Allemagne d’Hitler annonce sa volonté d’envahir la Tchécoslovaquie : la crise de Munich éclate. Jacques Jaujard a alors quarante-trois ans. Il est sous-directeur des Musées Nationaux. Il coopère avec René Huyghe, conservateur en chef du département des Peintures et des Dessins, pour mettre en place le plan d’évacuation des œuvres : on craint une guerre sans ultimatum, malgré la conclusion des accords de Munich le 30 septembre. Puis la crise se résout, les œuvres retournent au Louvre. En 1939 se crée le Comité international pour la sauvegarde des trésors d’art espagnol, créé afin de préserver les œuvres espagnoles de la guerre civile. Jaujard en est le secrétaire. Leur mission : convoyer les œuvres du Prado jusqu’au palais de la SDN, à Genève. Après de complexes problèmes diplomatiques, Jaujard est envoyé à Perpignan. De là, il se rend à Figueras pour rencontrer le ministre républicain des Affaires Etrangères, risquant sa vie sous les bombes franquistes. Ils concluent la « convention de Figueras » dans le château de San Fernando. On quitte le château après l’avoir fait exploser, les troupes franquistes étant à la poursuite du gouvernement républicain. Les œuvres commencent leur voyage vers la Suisse, dans des camions, côtoyant vivres et archives. Un journaliste qui parvient à s’introduire dans un dépôt, témoigne : « Breughel côtoie des boîtes de lait concentré, et les Greco de Tolède doivent être quelque part, là-bas, à l’abri maintenant, entre de la farine et des pois chiches. » Pris en tenaille entre le risque de bombardement et l’arrivée de l’armée franquiste derrière eux, le convoi parvient finalement à franchir la frontière française. Arrivés à Perpignan, les hommes du convoi chargent les œuvres dans le train. La

mission est un succès. En 1940, c’est la défaite française : de retour au Louvre, Jaujard coordonne le départ des œuvres, qui se déroule rapidement grâce à l’expérience de 1938. Les œuvres partent vers Chambord, Cheverny, Courtalain… Jaujard est également impliqué dans une opération destinée à préserver certains chefs-d’œuvre conservés en Belgique de l’imminente invasion allemande. Il prétexte une exposition au château de Pau pour faire venir le Retable de l’Agneau Mystique des frères Van Eyck, qui se trouve à Gand, sur la ligne de défense belge et à proximité d’objectifs militaires. L’Allemagne progresse, elle écrase la Belgique et entre en France. Les combats font rage tout près de Paris. Il faut protéger les collections du Nord de la France et préserver de la spoliation les œuvres appartenant à des collectionneurs juifs. Jaujard assume cette lourde tâche. Il doit lutter pour la cohésion de son service. A un conservateur réticent à aller chercher les pastels de La Tour, dont il a la charge, restés à SaintQuentin, tout près des combats, Jaujard répond : « Puisque le bruit du canon vous effraie tant, c’est moi-même qui m’y rendrai. » Il doit sermonner les conservateurs qui ne souhaitent pas être mêlés à « cette histoire » en leur rappelant qu’ils sont des citoyens. Quand on lui demande : « Qui paiera tout cela ? », il répond : « Mais ! les Allemands ! », qu’il projette de chasser « à coups de fourche ». Malgré cette bravade, il doit subir l’Occupation. En matière de politique artistique, l’autorité nazie est divisée. Théoriquement, le Kunstschutz est censé protéger les œuvres françaises de la saisie. Mais de nombreux organismes et personnes contournent ce système, afin de spolier les collections publiques et privées. Ils doivent cependant affronter l’intransigeance du comte Metternich, président du Kunstschutz, francophile, qui tente de contrecarrer toutes ces tentatives de razzias et de faire respecter la convention de La Haye, qui prévoit que la propriété privée ne peut pas être confisquée en cas d’occupation. Metternich visite le Louvre : à cette occasion, il salue l’action de Jaujard. Ils ont la même ambition : conserver l’intégralité des collections nationales françaises. Mais le combat est difficile, voie perdu d’avance.


dossier 130 ans de l’école - portraits 17 Le 17 septembre 1940, Hitler crée l’Einzatsstab Reichsleiter Rosenberg, la commission Rosenberg. Celle-ci a un droit de confiscation illimité. Jaujard ne peut s’y opposer, pas plus que Metternich. Le gouvernement de Vichy décide la collaboration. L’Alsace est annexée, le patrimoine strasbourgeois ramené manu militari des châteaux de Dordogne à sa ville d’origine par les Nazis. L’ERR a trois salles au Louvre pour entreposer les œuvres saisies, qui n’échappent pour l’instant pas à la surveillance de Jaujard. Mais très vite, la place manque : l’ERR se débrouille pour obtenir le musée du Jeu de Paume, indépendant du Louvre. Jaujard parvient à exiger la présence d’un conservateur français chargé d’un inventaire des collections spoliées. C’est Rose Valland, conservatrice-adjointe du musée, qui doit s’en charger. Mais les Allemands rompent leur parole. Valland doit tenir un inventaire secret des œuvres transitant par le Jeu de Paume. Jaujard doit également se battre contre Ribbentrop, amoureux de la Diane au Bain de Boucher, qui tente de l’échanger contre des tableaux impressionnistes de valeur moindre. Les choses empirent en 1942, quand Pierre Laval prend les rênes du gouvernement. Jusqu’à la Libération, Jaujard ne peut rien faire contre les

directives du ministre de l’Instruction Abel Bonnard, académicien et collaborateur enthousiaste, qui accède à tous les desiderata de Goering, amateur d’art, qui entasse les œuvres spoliées ou « échangées » dans sa résidence de Karinhall. Après la guerre, Jaujard est décoré de la médaille de la Résistance. Un long et difficile travail commence : rapatrier les collections abritées dans les différents dépôts au Louvre. Rose Valland, sortie indemne de sa mission d’espionnage au Jeu de Paume, consacre sa vie à la restitution des collections juives spoliées à leurs propriétaires. Jaujard, quant à lui, devient secrétaire général du ministère des Affaires Culturelles en 1959, au service d’André Malraux. C’est à lui que revient l’institution du prélèvement d’un pour cent du budget des constructions scolaires pour la commande artistique. On doit donc à Jaujard la lutte, parfois vaine, contre le dommage et la dispersion encourues par les collections nationales. Il déploie ses talents diplomatiques et politiques afin de ruser et contourner les mesures de saisie allemandes. On retient, pour finir, cette citation dont il est l’auteur : « Il y a des combats qu’il n’est pas déshonorant de perdre ; ce qui est déshonorant, c’est de ne pas les livrer. »


18 dossier 130 ans de l’école - la dure vie d’élève

Faire deux spécialités archéologie à l’EdL (et aimer ça) texte : Pauline Corrias illustration : Sarah Moine L’auteur s’excuse par avance d’avoir (ab)usé des parenthèses.

Toi, lecteur, qui lis en ce moment même l’intitulé de cet article, l’œil plissé, le sourcil froncé, la moue dubitative, n’aie pas peur : son auteur ne souffre ni du syndrome de Stockholm ni d’une perte momentanée de sa boîte de Prozac. Bien des gens vous diront que faire deux spécialités est suicidaire, moi la première. Pourtant, le Première année fraîchement débarqué comprendra aisément à quel point il est facile de tomber dans le piège. 32 spécialités à l’école, toutes plus alléchantes les unes que les autres (bien entendu, si on met de côté les spécialités fantômes comme Préhistoire, Anthropologie ou encore Patrimoine Technique et Industriel), comment choisir ? Ou comment bien choisir (les amateurs EdLiens d’UFC que Choisir peuvent d’ores et déjà contacter Enguerrand par le biais de la rédaction) ? Telle est la question. Voilà ce qui est arrivé à l’auteur de cet article il y a maintenant deux ans. Des étoiles plein les yeux, une curiosité exacerbée par deux mois d’été à traîner sur le site de l’Ecole du Louvre et son forum, votre servante hésite à choisir entre trois, non quatre, non six ! (toute blague se rapportant à l’origine géographique de l’auteur (à n’en pas douter du sud, là où on entend des cigales, joue à la pétanque et boit du pastis) sera évidemment mal reçue), six, disais-je, spécialités. Elle décide donc de toutes les visiter, une par une, en élimine certaines par manque d’intérêt flagrant, d’autres à cause de l’emploi du temps incompatible. A la fin (où une seule d’entre elles devait survivre libérant le quickening, avis aux amateurs d’Highlander !), il en resta deux : archéologie de la Gaule (le premier à ricaner en pensant aux lampes à huile phalliques d’époque romaine est prié de plier bagages) et archéologie étrusque (non c’est pas vrai d’abord, Tarquin n’a pas violé Lucrèce !). Alors je les entends déjà rire les cancres du fond de la salle, « deux spécialités ridicules » (on m’a dit que le mot « pourrave » n’était pas compatible avec les esgourdes de l’élite que constitue la faune EdLienne), « à n’en pas douter l’auteur souffre de bipolarité, ou de myopie exagérée », « comment peut-on avoir si peu de goût en ayant réussi le Test Probatoire ? », etc…j’en passe et des meilleures. Je vous entends déjà rétorquer que le pathétisme serait moins grand si les deux spécialités archéologie en question étaient un tant soit peu honorables (au choix, Egypte, Grèce ou Rome). Eh bien non ma p’tite dame, non mon p’tit père, ce sont ces deux spécialités-là que j’ai choisies et je vais vous expliquer pourquoi (en trois parties, spécificité française oblige). Du bien-fondé d’avoir deux spécialités. Suivre deux spécialités, c’est comme faire partie de l’élite de l’élite, être la crème de la crème. Avouez que se mettre des bâtons dans les roues soi-même, c’est pas courant, il faut bien des compensations. Faune rare mais bien réelle (à ne pas confondre

avec l’élève double-cursussisant, encore plus rare), qui se divise en deux catégories : l’élève qui suit deux spécialités complémentaires (peinture étrangère et peinture française par exemple) et l’élève qui suit deux spécialités pour son bon plaisir (cherchez l’erreur) mais pas du tout complémentaires (mais alors pas du tout) comme archéologie étrusque et arts de l’Islam. Le premier cherche à élargir son spectre de réflexion (applaudir à ce jeu de mots unique serait fortement apprécié), à attirer l’employeur ; le second, eh bien je ne sais pas. Suivre deux spécialités vous apportera ouverture d’esprit, polyvalence et technique de jonglage (exposés qui tombent en même temps, touça touça). En plus (et ça c’est trop vachement kikoolol), faire deux spécialités vous permettra d’aller pleurer au pôle pédagogique avec un bon argument. Du bien-fondé de faire une spécialité archéologie. L’archéologie, c’est plus qu’une spécialité : c’est un art de vivre. L’élève est si intrinsèquement lié à la spécialité qu’il a choisie qu’il n’hésite pas à se costumer (souvenez-vous des égypto se promenant avec un keffieh sur la tête, ou des archéo de la Gaule déguisés en gentes dames médiévales et preux chevaliers). De même, l’élève en archéologie de la Gaule n’hésitera pas à retrouver les siens pour une soirée dans une taverne médiévale à boire de l’hydromel et à jouer au cul de chouette (celui qui ne comprendra pas la référence est seulement digne de mon mépris). L’élève étrusque, lui, n’hésitera pas à visiter les concessions funéraires de Cerveteri ou Tarquinia pour son propre (futur ?) usage. Voyez comme ces spécialités sont le fruit d’une passion (j’entends quelques uns d’entre vous chuchoter « maladie mentale ») ancrée dans l’âme. De plus, faire une spécialité archéologie vous permettra, presque dans tous les cas, de gagner +1 en option GPS. En effet, les spécialités archéologie ont la fâcheuse tendance de dispenser leurs cours dans des petites salles peu connues du public EdLien, avares en matériel technologique et irrémédiablement sombres et froides (que ceux qui ont déjà eu cours en salle Nara ou Angkor lèvent la main. Bien haut, la main). Ainsi, après trois années passées entre les murs de l’école, vous en connaîtrez chaque recoin, signe qu’il vous faudra quitter les lieux au plus vite avant que cet état ne soit incurable. Du bien-fondé de faire deux spécialités archéologie. L’auteur, partie pleurer dans un coin sombre (et oui, je vous parlais du +1 en option GPS), cherche encore à ce jour des arguments. Ou une corde.


dossier 130 ans de l’école - interview 19

Deux anciennes élèves de l’école du Louvre Propos recueillis par Thibault Creste

Dans le cadre des 130 ans de l’école, Louvr’Boite a sollicité des anciens élèves de l’école afin de recueillir leurs témoignages et leurs impressions sur l’école. Annie Madet-Vache et Angelina Meslem, respectivement conservatrice adjointe et chargée de la collection photographique au Musée National de la Marine, ont accepté de répondre à nos questions. Louvr’Boîte : On va commencer avec Annie si vous le voulez bien. De quand à quand avez-vous étudié à Annie M-V : Un de mes premiers boulots je l’ai trouvé l’école ? grâce au bureau des élèves au musée de la marine. J’étais conférencière et ça me permettait de suivre à la fois mes Annie Madet-Vache : Je l’ai fait tout de suite en sortant études et de me faire de l’argent. Mais sinon après non, je ne du bac en 1983. J’ai interrompu mes études à la fin de la peux pas dire que l’école m’ait accompagné pour trouver un deuxième année puisque je suivais un double cursus avec la emploi stable. fac d’anglais, et que j’avais du mal à gérer les deux en même temps. Je suis revenue au bout de deux ans pour rentrer en LB : Et avez-vous gardé des contacts parmi les anciens troisième année, ce qui devait nous amener en 1986, et en- élèves ? suite je suis passée en muséo, qui se faisait alors en un an. Annie M-V : Pas du tout ! Absolument pas. LB : Et quel était votre cours organique ? LB : A votre tour maintenant Angelina. Alors en quelle Annie M-V : Egypto, comme la moitié des étudiants à année avez-vous été diplômée ? l’époque. On avait des cours horribles en amphi Courajod, qui n’existe plus. Les élèves étaient mélangés avec les audiAngelina M : En 2004 ! Du premier cycle spécialité histeurs et entre autre des auditeurs qui venaient faire leur sieste toire de la photographie. pendant les cours ! J’ai le souvenir d’un vieux monsieur en début d’année, bien installé alors que moi j’étais assisse sur LB : Quels souvenirs avez-vous gardé des cours et de les marches en train d’écrire mon cours sur mes genoux. Et l’ambiance ? ce monsieur ronflait à côté de moi ! Et ça a fait un scandale parce que j’ai osé aller réveiller ce monsieur pour lui dire Angelina M : Moi c’est un peu comme Annie : les cours d’aller faire sa sieste ailleurs. Scandale dans l’assistance parce étaient très bien en termes d’enseignement. Par contre une qu’une jeune fille de 18 ans avait dérangé un monsieur fa- ambiance pas du tout agréable entre étudiants. Et ce que tigué de 75 ans. j’ai très mal vécu à l’école c’est le fait de devoir jouer toute son année en un examen terminal. C’est à dire sans aucun LB : Quel souvenir gardez-vous de l’ambiance de contrôle continu, que ce soit une course pour récupérer les l’école ? clichés et tout jouer sur quatre jours. C’est un fonctionnement qui ne me correspondait pas du tout. Après je me suis Annie M-V : C’est assez partagé. L’enseignement a été liée avec peu de personnes mais ces personnes sont restées pour moi un truc extraordinaire. De ce point de vue là c’est des amis. Et ces gens venaient tous de la fac et faisaient un un excellent souvenir, que ce soit l’égypto ou l’HGA. Ca m’a double cursus. vraiment enthousiasmé. En ce qui concerne l’ambiance je ne me suis jamais vraiment intégrée parmi les autres étudiants. LB : Parce que vous vous avez un cursus antérieur ? Etait ce parce que j’avais ce cursus parallèle et que donc je devais courir entre la fac et l’école ? Je n’ai jamais vraiment Angelina M : J’étais en fac d’arts plastiques avant, donc accroché avec les autres étudiants. La scolarité reste un sou- forcément quand je suis arrivée à l’école du Louvre j’ai eu venir fantastique, l’ambiance entre étudiants ça par contre un gros choc psychologique. J’étais dans une fac qui était c’est plus mitigé. extrêmement politisée et il y a eu un décalage gigantesque à l’école. Je n’ai pas eu de contact avec le bureau des élèves. J’ai LB : Est-ce qu’en termes de débouchés et fais des stages pendant les trois ans du premier cycle, durant d’accompagnement l’école vous semblait performante ? l’été à chaque fois, stages que j’ai toujours trouvé par


20 dossier 130 ans de l’école - interview En termes d’accompagnement je n’ai pas trouvé ça fabuleux. Par contre en sortant diplômée de l’école forcément il y a une – pas une admiration - mais une valeur extrêmement importante. Annie M-V : Par rapport à un diplôme de la fac, le fait de dire dans le milieu plus tard qu’on est diplômé de l’école, il y a une vraie valeur ajoutée. Angelina M : Et dans le monde des musées ca reste extrêmement important. Si j’ai eu mon poste aujourd’hui c’est parce que j’étais diplômée de l’Ecole du Louvre en spécialité histoire de la photographie. Annie M-V : Il faut dire que beaucoup de personnes en poste dans les musées ont-elles mêmes fait l’école, et connaissant le type d’enseignement, font confiance aux gens qui en sortent. Ceux ayant fait un double cursus avec une fac d’histoire de l’art sont quand même assez rares, du moins à mon époque. Ça met encore plus le doigt sur les absences et les lacunes du cursus universitaire par rapport à l’Ecole du Louvre.

est notre cas à toutes les deux – de continuer quand même à être dans un réseau de professionnels où il y a des informations qui circulent. Sur le devenir des musées, sur les prises de position adoptées par les hautes sphères du ministère, ou encore sur les évolutions du métier de chargé de collection. Et donc si on ne construit pas son propre carnet d’adresses on ne l’a pas et on peut difficilement échanger. On pourrait imaginer que ce cercle d’anciens élèves en poste dans plein de musées différents puisse avoir un moyen d’échange. C’est ça qui manque beaucoup et que permettent d’autres grandes écoles où le réseau d’anciens élèves est fort. Annie M-V : En même temps peut-être que ça existe déjà. Angelina M : Peut être que ce réseau existe mais alors on est pas dedans. Annie M-V : C’est vrai, on n’appartient pas à l’association des anciens élèves de l’école. Peut-être que par l’intermédiaire de celle ci ce genre de dialogue se fait.

LB : Continuez-vous à suivre les évolutions de l’école, LB : Vous pensez que déjà à l’époque la fac présentait et si oui qu’en pensez vous ? des différences désavantageuses par rapport à l’Ecole du Louvre ? Annie M-V : Je les suis de loin, plus par curiosité affective. Annie M-V : Elle vous spécialisait dans des domaines Angelina M : Moi je reçois la lettre d’information menhyper pointus, sans préciser ni ce qui se passe avant, ni pen- suelle. Il y a eu il y a deux ou trois ans une grosse réunion dant, ni après. J’ai souvenir d’une connaissance qui était en des anciens diplômés de l’école où ils ont fait une présentadouble cursus, et qui s’y est retrouvée à étudier pendant un tion du devenir de l’école. Et ils ont beaucoup parlé d’argent an les décors de théâtre au XVIIIe siècle. Elle était effarée ce qui m’a étonné. Face à certains partenariats comme de ne pas avoir eu le moindre cours de peinture XVIIIe ou l’ESSEC je suis sceptique. Mais si ça se trouve c’est très bien. d’architecture. Evidemment il y un marché de l’art qui explose mais après pour les métiers musées c’est un rapprochement que je ne LB : Donc pour vous le point fort de l’Ecole du Lou- comprends pas très bien. vre c’était ca : le tronc commun ? LB : Y-a-t-il des aspects de l’école que vous voudriez Angelina M : Oui et puis surtout la qualité des profs. évoquer en particulier ? Aussi parce que beaucoup sont conservateurs donc forcément cela donne un « plus ». Angelina M : C’est vraiment terminé cette histoire de Annie M-V : Avec une approche concrète à l’œuvre et recherche de clichés ? Moi il n’y a eu qu’en troisième année des TDO ! en ATP où la prof nous a donné ses clichés. Et ça a été très salutaire ! Je pense que ça ne sert à rien d’être dans la quête LB : Vous évoquiez tout à l’heure les anciens élèves du cliché. Ce qui compte c’est le travail autour. Dans ma travaillant dans les musées aujourd’hui et qui reconnais- scolarité j’ai perdu beaucoup de temps avec ça alors qu’en sent la valeur du diplôme. A vos yeux, même si il n’y a pas 2004 cela aurait été possible de donner les clichés par inforde réseau de diplômés, il est quand même tacite ? matique. Annie M-V : Peut être que c’est une survivance de méthAnnie M-V : Oui, moi je considère vraiment les choses ode de travail. L’école a dû être rattrapée par la technologie comme ça. de même qu’il y a eu des renouvellements de profs. Mais Angelina M : Oui mais du coup ça n’est pas un réseau non moi je ne suis pas du même avis. Pour la mémoire visuelle plus. Un réseau ce sont des personnes sur lesquelles on peut cela obligeait d’avoir une concentration importante, d’avoir s’appuyer en cas de difficultés. Pas forcément pour changer une vitesse de prise de notes tout en regardant les clichés. de boulot ou décrocher un poste, mais aussi pour échanger On a été des générations à le faire et on n’en est pas mort ! sur des collections similaires ou des questions de métier. Et C’est faisable et ça nous confectionnait une mémoire pholorsqu’on n’a pas passé le concours de conservateur – ce qui tographique.


actualités - exposition 21

Les Fantômes du Louvre texte et illustration : Kimberley Harthoorn

L’exposition d’Enki Bilal fait polémique. Pour s’en convaincre, il n’y a qu’à regarder la page des commentaires sur le site du Louvre, ou lire les « critiques » des différents journaux (la noix d’honneur est décernée au Figaro). De l’éloge dithyrambique à la critique acerbe (du style « Bilal n’a rien à faire au Louvre, qu’il aille jouer ailleurs avec ses BD »), tout le monde a son avis sur l’entrée d’un auteur de BD au Louvre, ou bien sur le supposé « tournant » dans la carrière de Bilal (« Abandonnera-t-il la BD ??? »).

d’un point de vue latéral, seulement sur un détail d’une œuvre… Les œuvres retenues sont également très diverses, du point de vue de la datation, de la provenance, ou du type (on retrouve des architectures, des sculptures, des peintures, des objets archéologiques, une momie). Il ne semble pas y avoir de règle. On note cependant que certains des objets retenus sont très célèbres : la Joconde, la Victoire de Samothrace. Toutes les photographies sont surexposées et ont, de ce fait, des couleurs vives et des contours brouillés, ce qui permet une meilleure homogénéité visuelle avec la peinture et crée une atmosphère Malheureusement, et comme souvent lors d’une expo non naturelle. un peu inhabituelle, tout le monde palabre sur des questions théoriques, et oublie de regarder les œuvres. Tentons On ne voit que la tête et le cou des personnages peints d’examiner un peu plus sérieusement ce qui nous est donné (seul l’un d’entre eux est en buste). De plus, ils ne portent ni à voir, tels des scientifiques que nous, élèves de l’Ecole du vêtement, ni coiffure qui pourrait les rattacher à leur époque, Louvre, sommes censés être. mettant l’accent sur leur intemporalité. Ils sont représentés dans des tons vifs, crus et contrastés apposés à grands coups Enki Bilal, à qui Henri Loyrette a donné carte blanche, de pinceau sinueux. La couche de peinture n’est pas très a pris des photographies des œuvres qui l’ont particulière- épaisse, elle laisse voir la photographie en transparence. Elle ment touché (plus de 400). De l’examen de ces photogra- est encore plus fine au niveau des contours, qui semblent phies, il en a choisi 23, qu’il a fait tirer sur toile. Sur ces se dissoudre en fumée bleutée. Ces filaments de fumée se toiles, il a peint des personnages, les fantômes. rattachent à l’œuvre photographiée, illustrant l’attachement du fantôme à l’œuvre et accentuant son caractère surnaturel. En parallèle, il a écrit la biographie de chaque fantôme, Des rehauts de peinture sont parfois appliqués sur l’œuvre dont la vie est transformée, souvent de manière tragique, (la Victoire de Samothrace porte des traces évoquant un par l’œuvre à laquelle il est relié. éclairage en lumière rouge, créant une atmosphère sinistre en lien avec la mort violente du fantôme qui lui est associé). Il s’agit donc d’une série de portraits de personnages fictifs peints sur des photographies d’œuvres du Louvre. Le regard que porte Enki Bilal sur les œuvres du Louvre est celui d’un visiteur, non celui d’un artiste ou d’un hisLes différents personnages sont des hommes et des torien d’art. Au lieu de construire un propos intellectuel à femmes (on trouve même des enfants) dont la vie, tragique propos du musée, il s’y rend et il attend de voir ce qui se et oubliée, est racontée. A côté de chaque tableau, la biogra- passe. Des œuvres lui « parlent », elles ont un effet particuphie du personnage, très développée, se présente comme un lier sur lui : le ressenti qu’un visiteur peut avoir face à une rapport d’enquête, avec des indications invraisemblables, œuvre datant de plusieurs siècles, ayant marqué l’histoire, comme l’heure exacte de naissance, le poids du nouveau- est assimilé aux fantômes qui tournent autour, ces gens qui né, le temps qu’il faisait, etc. L’exposition se lit donc autant ont participé à l’histoire de l’œuvre et dont on n’a plus la qu’elle se regarde. trace.C’est à ce moment qu’ il entame de plus amples recherches. L’angle de vue des photographies varie : de loin, de près,


22 actualités - exposition Les œuvres dialoguent avec son imagination, elles sont un support de rêverie et de méditation. Le résultat de cette errance de l’imaginaire, ce sont ces fantômes, qui restent dans le monde des vivants parce que leur mort a été violente, et dont les histoires reflètent les préoccupations, les thèmes, les obsessions d’Enki Bilal.

Dans un deuxième temps, ce matériau brut est retravaillé pour lui donner cette forme de tableau. Les biographies sont rédigées après des recherches sur les époques concernées, dans un souci de renforcer, paradoxalement, leur invraisemblance.

Ces figures de fantômes font surgir un univers primaire, elles donnent l’impression d’une plongée dans l’inconscient (pulsions morbides et sexuelles, émotions basiques de jalousie, de tristesse, bestialité, perversions). Les allusions à l’univers populaire de la BD, des faits divers et de la parapsychologie (existence de fantômes, psychométrie) renforcent cette impression d’émotion brute.

L’œuvre d’Enki Bilal peut séduire ou agacer, mais on ne peut contester son caractère original, dénué de construction théorique ou philosophique. Basées sur un ressenti, accessibles à n’importe quel visiteur sachant lire, ces peintures sont éloignées de tout snobisme ou élitisme culturel, ce qui est assez agréable, pour une fois.

Les images ont une mise en page efficace, leur lecture est La démarche du peintre fait penser à la psychométrie, immédiate. La force expressive des visages et l’intensité des capacité parapsychologique qui permettrait de connaître regards ajoutent à l’impact des portraits. On en est troublé, l’histoire d’un objet en le touchant. Les biographies des qu’on soit compatissant, effrayé, dégoûté. fantômes sont très axées sur le fait divers (histoires dramatiques, sanglantes, mettant en scène la jalousie, le meurtre, En conclusion, il faut mentionner le cas du Fantôme Inla difformité, la pauvreté, etc). Le style des peintures évoque connu, le 23ème fantôme, qui est le seul à ne pas avoir reçu l’univers de la BD : hommes souvent guerriers, person- de biographie. Il est relié à la momie égyptienne. Lorsqu’il nages monstrueux voire fantastiques, femmes jeunes et sé- doit l’évoquer, Enki Bilal semble mal à l’aise, comme s’il duisantes, sexualisées par leurs lèvres épaisses (d’ailleurs, les n’avait pas vraiment voulu que ce fantôme figure dans la sébiographies des femmes ont souvent trait à l’amour et à la rie. Il semble donc que les fantômes s’imposent à lui plutôt sexualité). qu’il ne les choisit réellement.


cinéma 23

Skyfall

Quand on m’a demandé d’écrire un article de cinéma pour Louvr’Boîte, j’ai à peu près tout de suite eu texte : Thaïs Arias envie d’écrire sur Skyfall. Ok, je l’avais vu la veille, et ceci explique peut-être cela. Anyway, je me suis dit à peu près immédiatement : “nan mais vazy, tu vas pas écrire un truc sur un film sorti avant la réunion, ce sera déjà has-been quand le numéro sortira”. Mais à la réflexion, non. Parce qu’en sortant de la salle de cinoche, je le savais déjà : Skyfall est un de ces opus de James Bond 100% pur boeuf, un culte instantané qui, à la façon d’un Bons Baisers de Russie, ne sera JAMAIS has-been. Alors, hein, on n’est pas à un mois ou deux près. Parce que…

… Skyfall est un pur James Bond. Le in medias res est à mon humble avis la formule gagnante d’un film d’action qui swag. Dans Expendables 2, on attaque avec des voitures blindées et taguées qui sauvent Arnold Schwarzenegger. Dans Skyfall, on attaque direct avec la course-poursuite. Pas besoin d’être une flèche pour savoir qu’un James Bond sans course-poursuite, c’est comme un Big Mac avec un seul steak : on sent qu’on s’est foutu de nous. Alors, malin, Sam Mendes s’en débarrasse dès le début, avec une habileté et un kitsch qui font tout son charme, et qui assurent d’emblée la caution testostérone. La caution “boobies” est aussi assurée direct. Pour une fois, y’a de la James Bond Girl d’entrée de jeu, qui fait des folies dans un camion (sans rien de sexuel, et ça, c’est rare et précieux). Original et couillu, comme parti-pris - mais rassurez-vous, y’a une vraie potiche après, et la femme d’action finit dans un bureau direct après le générique de début. Parce qu’on vous l’a dit, Skyfall est un James Bond, un vrai. Les James Bond Girls sont aux meilleurs films de la saga ce que les vagins gravés sont à l’art pariétal : la sexyness minimaliste qui flotte au milieu des bisons. Mais c’est aussi pour ça qu’on aime, ce petit plaisir coupable de rire de la misogynie ambiante du genre film d’action (et de s’imaginer rejointe par Daniel Craig à walou alors qu’on prend notre douche).

Fifty Shades of Grey lui-même et qu’il drague James Bond tellement honteusement qu’on rêve de le faire à sa place. Comme d’hab, on aime aussi le défilé haute-couture offert par les James Bond Girls Bérénice Marlohe et Naomie Harris, même si, comme d’hab aussi, elles sont pas exactement des clefs de voûte de l’intrigue. Judi Dench, elle, incarne encore plus que dans la vie la classe britannique -si tant est que ce soit possible-, tailleurs omniprésents et trench anthracite à l’appui (et à son âge, j’aurai la même coiffure qu’elle, c’est sûr.). Et enfin, Sam Mendes lui-même, c’est le glam dans toute sa splendeur, parce qu’il est beau, qu’il a du talent, du goût, qu’il a été marié avec Kate Winslet (comment ça, ça n’a rien à voir ?), et que tu sens vraiment que c’est sa patte à lui qui rend tout ça si agréable à l’oeil. … Skyfall est beau. On a le droit de ne pas aimer les films de Sam Mendes. Bon, personnellement, c’est pas mon cas, ayant biberonné toute ma vie à American Beauty, mais quand même, on a le droit. En revanche, force est d’admettre que quand même, ses films sont beaux. Hors de toute considération d’histoire, de BO, de casting ou quoi que ce soit, ils sont beaux. Parce que le loustic sait y faire avec sa caméra, et surtout qu’il sait choisir ses directeurs photo. En l’occurrence, c’est Roger Deakins (le chef op’ fétiche des frères Coen, qui avait déjà bossé avec Mendes sur Les Noces Rebelles et Jarhead, rien que ça) qui s’y colle, et c’est sublime. Le générique donne le ton, relecture façon clip halluciné des openings Bond de la grande époque. Pour toutes les scènes londoniennes, ils optent pour une lumière grisâtre et nuageuse, percée ça et là par des jeux de reflets d’une subtilité kiarostamienne (sérieux, les séquences de voiture sont grandioses). Une bonne partie du film se déroule dans un Shanghai perpétuellement nocturne, troué par les néons fluos et les immenses verrières qui transforment chaque plan en tableau, isolant visuellement des personnages, qui le sont déjà diégétiquement par l’opposition de leurs intérêts, par d’habiles et très graphiques surcadrages. Mais à mon humble avis, c’est surtout dans la deuxième moitié du film, dans une Ecosse nocturne et embrumée, qui sent bon la mousse, la cendre, le givre et la vieille pierre, que les messieurs laissent éclater tout leur talent. Skyfall, c’est de la peinture de maître, pour de vrai.

… Skyfall est glam. Déjà, c’est Adele qui interprète la chanson-titre, et ça, c’est de la caution hype qui envoie du rêve. Mais Skyfall, audelà de ça, est loin de faire tache au sein de la saga d’action la plus glamour de toute la vie. Daniel Craig se taille la part du lion dans le sex-appeal de l’épisode, parce que les cicatrices sur le torse cachées sous des tux ultra-ajustés, c’est juste fou. Rajoute l’alcoolisme, la dépression, l’oeil humide et les séquences de muscu et BAM, ça c’est du James Bond 2012 méga-star (il réussit même à nous faire oublier ses gigantesques oreilles, et c’était pas gagné d’avance). Mais Ralph Fiennes n’est pas en reste, avec son look de premier de la classe et son nez aussi long, fin et élégant que ses chaussures en cuir. Le quota Geek is Chic est bien rempli par le nouveau Q, Ben Whishaw (aka Jean-Baptiste Grenouille dans le Parfum de Tom Tykwer, toussa toussa), tout mince, toute gouaille et toutes lunettes dehors. Quant à Javier Bardem, dont le look douteux a fait couler beaucoup d’encre, et bin on y peut rien, il est glam quand même. Parce qu’il … Skyfall est drôle. maîtrise le ombré-hair comme s’il avait bu de l’eau oxygéIl faut effectivement plutôt bien connaître la saga, mais née toute sa vie, qu’il porte le cuir comme s’il avait écrit également la genèse laborieuse de cet opus pour profiter à


24 cinéma … Skyfall est drôle. Il faut effectivement plutôt bien connaître la saga, mais également la genèse laborieuse de cet opus pour profiter à 100% de l’humour de Skyfall. En effet, le film est truffé d’autodérision, faisant au détour d’un chemin de fines allusions aux galères de la Metro-Goldwyn Meyer, mais aussi aux anciens films de la franchise (vous pouvez d’ores et déjà retourner le voir et chercher les instants Pierce Brosnan, Timothy Dalton ou Sean Connery que s’amuse à parodier Craig, ou simplement savourer à nouveau le retour en force de l’Aston Martin sous la caution “retour dans le passé”). Mais au delà de ces blagounettes référencées, Skyfall nous offre aussi de belles barres de rire 1er degré. On pense bien sûr à la séquence de rentre-dedans honteux de Javier Bardem, mais aussi au comique de gadgets (cf. le passage du pistolet à empreintes palmaires), une forme d’humour que développent de très nombreux épisodes de la série. Honnêtement, je n’avais pas autant ri devant un James Bond depuis que je me gaussais à gorge déployée du pathétique Meurs un autre jour de Lee Tamahori (seriously ? SERIOUSLY ?). Enfin, pour finir, il me paraît intéressant de noter à quel point la structure de ce film est proche de celle d’un film de superhéros (NDLR : merci ALS, tu m’as fait réfléchir). Pour la première fois, un James Bond semble revendiquer quelque chose de surhumain chez son protagoniste, quelque chose qui appartient complètement à l’imaginaire de M. En effet, c’est entièrement elle qui insuffle cette structure au film, à travers la confiance aveugle qu’elle offre à cet agent, revenu d’entre les morts et échouant pourtant à tous ses tests. Pour-

rait-on y voir un effet de mode ? Sans doute. Je préfère y voir une petite pique narquoise à ces sagas de super-héros (que j’affectionne pourtant particulièrement) : tiendront-elles jusqu’à un hypothétique opus 23 en épuisant leur formule dès le premier film ? Je ne crois pas. Et ça me fait rire. … Skyfall aime sa maman. (Ouaip, et moi aussi je l’aime.) La maman, c’est M, et le film entier joue sur la relation étrange et fusionnelle qu’entretient la boss du MI6 avec ses agents (c’est même un peu genre l’intrigue tavu). Et à la grande époque du “Tanguysme”, quand même la presse féminine fait des articles sur les trentenaires qui retournent vivre chez leurs parents, c’est drôle de voir que James Bond est un homme comme les autres (mais en mieux). Il est aussi très fort de voir que si le schéma de la relation M-Bond est celui d’une relation mère-fils, leur statut respectif donne à chacun de leurs choix une ampleur, une gravité et des répercussions bien plus fortes : “donne un coup de main à ta mère” se transforme en “sauve ta mère ET sauve le MI6 ET empêche le mal de s’infiltrer dans notre belle et douce Angleterre et par extension le monde”. Ca fait relativiser le vidage de lave-vaisselle quand on rentre chez papa-maman. Mais au final, ce qu’on retient, c’est vraiment que Skyfall est la déclaration d’amour à M qu’il manquait à la franchise. Et bon, comme c’est un peu un des personnages les plus cools et sous-exploités de la saga, ça fait plaisir de la voir au centre. Surtout que quand on voit Bond avec elle, on réalise qu’en fait, for ever and ever, la seule vraie James Bond Girl, c’est elle. CQFD.

Lincoln

texte : Kimberley Harthoorn

Le film relate les quatre derniers mois de la vie d’Abraham Lincoln, notamment son combat pour faire adopter le 13ème amendement à la Constitution, prévoyant l’abolition de l’esclavage. Il est basé sur une biographie de Doris Kearns Goodwin, “Team of Rivals”. Pourquoi aller voir film, ou plutôt ce cours d’histoire américaine dégoulinant de patriotisme et de bons sentiments ?

1. Pour les personnages Une galerie de caractères pittoresques : l’austère idéaliste, l’éloquent défenseur de l’esclavage, l’épouse accablante et folle, le général loyal et courageux, et beaucoup de bons Américains patriotes. Lincoln, au-dessus de tous, en figure de légende, limite christique : Spielberg en fait des caisses, émouvant aux larmes le bon patriote (nous, ça nous fait bien marrer, forcément). Toutes nos condoléances à Joseph Gordon-Levitt, cantonné à un rôle de gros crétin. 2. Pour le scénario Pas de surprise : Lincoln meurt à la fin, mais ça, on le savait. Lincoln n’est pas un thriller à suspense, plutôt un conte. C’est l’histoire d’un grand échalas en haut-de-forme qui aime raconter des histoires. Il traîne son fils aîné et sa femme comme deux gros boulets à travers l’Histoire en train de s’écrire sous les yeux humides du spectateur reniflant.

C’est aussi l’histoire d’une loi. Des débats houleux dans une Assemblée chauffée à blanc, un mur qui semble infranchissable : l’abolition de l’esclavage. De grands moments comiques, des envolées lyriques, bref, une Assemblée (il y a les mêmes sur LCP). Des discours un peu choquants, vus d’aujourd’hui (les Démocrates sont très attachés à ce qu’on ne reconnaisse pas l’égalité entre Noirs et Blancs). Des Républicains divisés, un seul idéaliste. Au milieu de tout ça, le vieux Abe, rusé, cache son jeu sous le masque de l’indolence. C’est un politicien, alors il ment, il triche, il corrompt, il abuse de son pouvoir. Et tout le monde l’adore ! 3. Surtout : pour le style Tout le film baigne dans l’ombre, les personnages sont en contre-jour, leurs contours soulignés par une lumière


cinéma - série 25 L’effet est très intéressant visuellement : on a l’impression ambiance évoquant les photographies de l’époque, mais en d’être quelque part entre le noir-et-blanc et la couleur. Cer- même temps légèrement onirique. C’est l’Histoire, mais taines scènes sont carrément caravagesques (la mort de c’est aussi la légende. Lincoln, c’est la Mort de la Vierge), la plupart semblent Une seule grosse déception : aucun vampire. cependant plus influencées par une esthétique que l’on reLincoln 2012 trouve dans certains tableaux du milieu du XIXème, avec réal. Steven Spielberg cette luminosité forte et contrastée qu’on a parfois chez les avec Daniel Day-Lewis, Tommy Lee Jones portraits académistes, voire dans les premières photographies. En tous les cas, c’est très bien fait, et ça donne une

Les super-séries injustement méconnues #1 texte : Thaïs Arias

Ils vivent dans l’ombre de Game of Thrones et de Big Bang Theory, alors l’histoire les a injustement oubliés. Louvr’Boîte part pour vous à la rencontre de ces petits joyaux de la culture télévisuelle. Attention, culte. Episode 1 : Flight of the Conchords Je te vois trembler fiévreusement en attendant la reprise de Cougar Town. Je te vois te ronger les ongles en croisant les doigts pour que la saison 4 de Community ne soit pas encore redécalée. Je te vois faire les cent pas quand ton site de streaming lag à charger le dernier Glee. Et je vole à ton secours, parce que je suis comme ça. Sache, ami, que ton salut vient de Nouvelle-Zélande, et qu’il s’appelle Flight of the Conchords. FOTC, c’est avant tout le nom d’un groupe de bergers qui font du comic-folk au pays du Seigneur des Anneaux. Mais quand ils décident de partir rencontrer le succès à New-York, ça devient une série de deux saisons (12 + 10 épisodes) qui change complètement la donne de la sitcom dans le paysage télévisuel américain. On y suit donc les multiples galères (financières, sentimentales, professionnelles et juridiques) de Bret McKenzie et Jemaine Clement (dans leur propre rôle). Ok, dit comme ça, ça ressemble à n’importe quelle sitcom, une formule pas très originale pour un résultat pas forcément heureux. Mais ce serait compter sans la fantaisie des deux kiwis. En effet, il s’agit d’une série musicale. Tandis que dans “la vraie vie”, Bret et Jemaine sont de gentils loosers sans vraiment de talent, managés par une buse du département culturel de l’ambassade néo-zélandaise (le génial Rhys Darby, aka Angus the Nut dans Good Morning England) et stalkés par une seule et unique fan hystérique (Kristen Schaal, dans son plus grand rôle, mais dont le visage semblera familier à certains d’entre vous grâce à ses camées dans Mad Men, HIMYM ou encore Modern Family), ils sont dans leurs fantasmes musicaux tantôt des réincarnations de David Bowie, tantôt les rappeurs Hip-hopopotamus et Rhymenoceros, et tantôt tout plein d’autres alter-egos tous plus drôles et talentueux les uns que les autres. Si suivre leurs galères au fil des épisodes est déjà très sympathique, ces séquences de clips délirants et parodiques sont réellement l’attrait principal du show. Ne reculant devant rien, ils nous offrent de véritables joyaux musicaux et visuels, toujours très chouettes, et par-

fois franchement hilarants. Ce sont d’ailleurs ces morceaux-là qui nous poussent à dire un mot sur la réalisation de la série. En effet, si la plupart des épisodes sont réalisés par le co-créateur de la série, James Bobin (un grand ami de Sacha Baron Cohen, qui a bien plus qu’on ne voudrait le croire participé à la création des personnages et des films Ali G, Borat et Brüno), certains sont réalisés par Troy Miller (à qui l’on doit certains épisodes de The Office US mais aussi des masterworks de Tenacious D), Taika Waititi (vu comme acteur dans Green Lantern, mais à qui on doit surtout l’excellent A chacun sa chacune et quelques épisodes de la sympathique série The Inbetweeners), mais également Michel Gondry, qui signe un épisode entier de la saison 2 (qui est à lui tout seul une raison suffisante de regarder la série au moins jusque-là). Pour finir cet épisode, et vous faire patienter jusqu’au prochain, je vous offre ici en super-méga-bonus de la mortqui-tue un aperçu de deux des chansons du premier épisode (Sally) qui valent leur pesant de peanuts. Du luv. “I’m not crying… And if I am crying, it is not because of you : I’ve just been cutting onions… I’m making a lasagna… For one.” Bret McKenzie, I’m not crying “ You’re so beautiful, like a tree or a high-class prostitute. You’re so beautiful. You could be a part time model, but you’d probably still have to keep your normal job.” Jemaine Clement, Most beautiful girl in the room Flight of the Conchords (Nouvelle-Zélande, 2007-2008) création de James Bobin, Jemaine Clement et Bret McKenzie production HBO 2 saisons (12 + 10 épisodes)

To be continued...


26 mode

un mot de mode

La mode. Un mot qui en dit long sur nous et surtout sur le regard que l’on porte sur les autres, vecteur de la diffusion des nouvelles tendances. Certes, cela peut paraître un sujet trop évident mais croyez-moi, vous serez vite surpris ! Le contexte actuel sur fond de crise politico-économico-financière veut peut-être nous rendre ici bas sur terre la vie terne et sans pep’s. Mais heureusement la société, dans son désir de vouloir cacher sa misère, nous montre ses plus beaux atours, fait preuve d’imagination et de créativité, essayant même de prendre de l’avance sur son temps pour fuir un présent qui dérange. Autrement dit, nous cherchons des images qui rassurent. Parfois celles-ci s’expriment à travers des références passées dites historicisantes et/ou lointaines dites exotiques. C’est en partie ce que nous allons voir. En effet, pour cette saison automne/ hiver, comme le disent si bien les grandes enseignes de marques, nous avons affaire à plusieurs modes, allant du plus classique au plus déjanté. Pour s’en rendre compte, mesdames, messieurs, je vous invite à reluquer vos camarades dans les couloirs de l’École, très bel échantillon de ce qui se fait en ce moment (ou qui ne devrait pas se faire). Du « hipster old school » à la personne qui s’habille selon un pseudo dress-code établi par l’imaginaire collectif d’une spécialité, les élèves de l’École du Louvre sont le futur défilé de la fashion week 2013. Et si vous pensiez que n’importe quoi ne rime pas avec mode et bien détrompez-vous ! Depuis l’été 2011 est apparu dans les rayons des boutiques, comme un extra-terrestre sur terre, le style « Seapunk ». Né sur internet, ce dernier mêle joyeusement mauvais goût et influences ringardes. Plus que kitsch, c’est un style qui se veut absurde, et qui l’assume fièrement. Nous devrions cette resplendissante mode à un tweet lancé sur le net par un DJ originaire de Brooklyn, un dénommé Lil Internet, et dans lequel il dit : « j’ai rêvé d’un blouson de cuir dont les clous ont été remplacés par des crustacés #Seapunk. ». Alors voilà, si certains d’entre vous ont envie de porter des tee-shirt avec pour motif une licorne sur fond d’arc-en-ciel ou bien des baskets avec des dauphins, allez-y ! Vous serez fashion ! Autre tendance, autre affaire de goût, le style « hipster », celui-ci nous le connaissons bien, presque même trop bien … En effet, cette mode a envahi déjà depuis quelques années nos rues, nos écoles (y compris la nôtre à notre grande surprise), mais aussi nos intérieurs ; elle est devenue pour ainsi dire un art de vivre. Et en ce moment, si vous désirez être à la pointe du total look hipster, il vous est prié d’arborer sur vos jolies têtes - les garçons aussi bien que les

texte : Vincent Poulain illustration : Herminie Astay

filles - un magnifique bonnet d’hiver, et si possible à motifs de rennes pour montrer que vous vous êtes réconcilié avec l’esprit de Noël. Aussi, je le dis, mais je pense que vous êtes déjà au courant, tout vêtement en laine façon grand-mère ou grand-père sont les bienvenus, et comme le disait si bien Gabrielle Chanel : « La mode c’est ce qui se démode ». Coco en place ! Enfin, et ce sera une manie en tant qu’élève historien de vouloir replacer les choses dans leur contexte, je tiens à rappeler que le style « hipster » a pour origine le mot « hepcat ». Celui-ci désignait dans les années 1930-1940 des blancs américains issus de la upper-middle class venus s’encanailler au contact des jazzmen noirs en zootsuite, tenue parodiant le costume des blancs (perso, je pense que ces gars-là cherchaient la merde). Finalement, le mot « hepcat » fut abrégé en « hep » pour devenir un peu plus tard « hip ». Aujourd’hui les « hipster » sont assimilés à une branche de jeunes « bobos » vivant en ville et promouvant un style à la fois chic et populaire. Bref, tout le monde aux abris ! Enfin je terminerai par évoquer une dernière tendance en matière de mode (si si, je vous assure, cet article traite de la mode) : le style « preppy », pour lequel je dois vous avouer avoir un petit faible. Concernant cette mode, celle-ci est arrivée tout droit des USA et portée par l’élite des classes préparatoires (« preppy » étant le diminutif de « preparatory », vous l’aurez compris) aux grandes universités du Nord-Est du pays pendant les années 60 et 70. Cette mode fut alors perpétuée et retravaillée jusqu’à aujourd’hui. Seulement, si vous décidez de porter ce type de vêtement, vous pourriez vite ressembler à un fils à papa, ce dans quoi tombent très vite certains ne sachant pas choisir les bons articles. Alors un simple conseil si vous voulez vous donnez un aspect cool et non pas nappy : ne mettez pas de vêtements où la marque apparaît trop ostensiblement, et privilégiez les couleurs neutres plutôt que flashy, comme par exemple un polo jaune avec un cheval orange brodé dessus, voilà ! Pour résumer, le style « preppy » est un genre qui se veut old school mais nous choisirons pour notre part la façon « New York » plutôt que « Harvard ». Et pour ceux qui ne voient toujours pas, référencez-vous à la série-télé Gossip Girl. A présent que vous êtes parés pour cet hiver, prenez soin de vous habiller avec style ! Le changement c’est maintenant. Vincent Poulain alias EncoremieuxqueLagerfeld


prise de tête 27

La paille texte : Matthieu Fantoni

L’accident est survenu un mercredi, vers 14 heures. Le happy meal hebdomadaire était livré tout tiède sur son plateau marron-gras habituel. Dans le paquet cartonné rouge frétillaient les frites et ronflait le burger bien adipeux. Il attendait dans son emballage coloré, comme une tortue cachée dans sa coquille, de se faire débusquer par une rangée de dents. Confiant dans la sainteté d’une telle cène, je déballais et plantais avidement dans l’opercule consacré ma paille de plastique, pour absorber le contenu d’un gobelet de soda tout recouvert de fraîche rosée. Et soudain le drame. J’avais beau aspirer avec toutes mes forces, vider toutes les membranes de ma cage thoracique de leur glycogène, bref tendre à l’asphyxie et à l’hypoglycémie, mes efforts restaient vains : le liquide n’atteignait pas ma bouche. Par quel prodige le soda refusait-il d’entrer ma paille ? Je dus retirer l’ustensile du gobelet pour le comprendre : ma paille ne possédait qu’une seule ouverture. Plus qu’un obstacle à mon appétit, ce défaut de fabrication dénaturait le concept de la paille en lui-même. Comme le dit l’Oracle de Matrix Revolution, « tout ce qui a un commencement a une fin ». Tout sauf la paille. C’est en effet l’élément qui représente le mieux dans notre environnement quotidien le concept d’infini. Car qu’est la paille, sinon un réservoir de possibilités ? Regardez-la de face, c’est un cercle. Elle correspond à l’image de l’Ouroboros, cet immense serpent qui se mord la queue. On le voit notamment tenu par l’allégorie de l’Ordre divin dans une composition d’Andrea Sacchi des années 1630, représentant le Triomphe de la Divine Sagesse (ill 1). Cette célèbre fresque décore le Palais Barberini, à Rome. L’Ouroboros est une sorte de Léviathan païen, une créature de l’Océan extérieur. Monumental, il enserre au creux de sa corpulence l’ensemble du monde connu : c’est une figure de l’immuable et du cyclique. Cependant, la paille reste avant tout un tube percé, en temps normal, aux deux extrémités. Or, pour reprendre la pensée d’Amélie Nothomb, le tube reste la plus simple représentation du divin. Un être sans préoccupation matérielle, simplement doté du pouvoir d’ingérer et de rejeter les déchets de sa digestion, par les deux orifices dont

il est doté. De fait, le tube est la quintessence du vivant. Les ovules de nos mères n’ont-ils pas été fécondés par des spermatozoïdes qui ont préalablement traversé des tubes séminifères ? Notre sang ne s’alimente-t-il pas en nutriments grâce à notre tube digestif ? Que sont nos neurones, sinon de longs tubes chargés de substances ionisées ? Certaines créatures du fond de la mer ont tout compris : malgré des millions d’années d’évolution, elles ont su rester des tubes : ce sont les vers tubicoles géants (ill. 2). La paille comporte aussi un volume interne. On peut y introduire aussi bien le lait que le soda, le jus d’orange que la soupe ou la viande mixée. Contenant universel, la paille se montre ainsi capable d’englober l’ensemble du monde sensoriel. La vue et l’ouïe peuvent eux aussi, en effet, être guidées dans ce conducteur absolu. Qui n’a pas utilisé sa paille comme une longue-vue, pour observer son voisin à la table d’un fast-food ? Qui n’a jamais planté de paille dans son oreille, pour essayer de mieux entendre les battements de cœur de sa concubine ? Il faut remarquer que ce contenant de l’Univers n’est pas l’Univers lui-même, mais un de ses éléments. De sorte que le contenant se trouve dans son contenu. Cette situation manifeste un jeu d’absorption et de communication entre l’espace et son objet, qui n’est pas sans rappeler les expériences des artistes cubistes. On peut penser, entre autres, aux bouteilles en trois dimensions d’Henri Laurens (ill. 3), dont la substructure tubulaire – est-ce un hasard ? – rappelle le corps d’une paille. Toute la richesse du concept même de paille a été dénaturée par l’absence d’une seconde ouverture, dans le spécimen dont j’ai hérité. Ouverte, la paille peut tout contenir. Fermée, elle n’est qu’un réservoir de vide, reflet de la vacuité de notre propre existence. Elle rejoue le spectacle de nos terribles efforts, censés nous permettre d’embrasser le maximum de richesses matérielles. Finalement nos bras se referment sur de l’air, et sur nous-mêmes…. La paille bouchée semble donc devoir constituer un des emblèmes les plus explicites de la Vanitas Vanitatis. Elle pourrait ainsi prendre place dans de nombreuses compositions sur le thème de la Vanité, tel le fameux Et in Arcadia Ego de Poussin.


28 décommentaires de clichés

Top trois des trucs les plus moches vus en première année texte : Enguerrand illustration : Marine Botton

Alors avant de balancer on a préféré rédiger un préambule à notre propos, histoire que tu saches de quoi qu’on parle ici. Louvr’Boîte inaugure une nouvelle rubrique – à la lumièreuh vivante et à la touche châtoyanteuh – qui va servir en gros à rétablir la vérité sur nos études. Parce que ok l’histoire de l’art c’est classe et ça te permet de te la péter grave en affirmant que le beau, toi, tu maîtrises. Mais ce que toi et moi on sait, c’est que les trucs moches niveau art, y’en a plein. Et le pire, c’est que ça tombe aux exams parfois. Alors oui la perception du moche dépend de chacun et un tel classement est forcément subjectif (« parce que moi l’archéo j’aime bien gnagnagna toussa toussa ») mais on s’en fout. Si t’es pas content bin t’as qu’à venir écrire des articles pour protester. Et puis comme ça ça fera plaisir à la directrice de publication, meuf au titre certes ronflant mais qui, on tient à le souligner, nous a littéralement supplié de venir participer à son torchon tellement tout le monde s’est barré (cf l’édito du numéro 15 encore tout imbibé de ses larmes, tmtc). Donc voila, nouvelle rubrique, nouvelle source de joie dans ta vie.

Le petit chien de Suse témoignage lumineux des débuts de la métallurgie Cette bestiole est probablement la plus grosse arnaque de première année. Je m’explique : présenté à la Steve Jobs lors du cours de technique (genre « ceci est une révolution »), tu te rends bien vite compte une fois en TDO qu’on t’a menti. Non seulement il est toujours aussi moche en vrai que sur grand écran, mais en plus il est ridiculement petit. Au-delà de ça, il ressemble même pas à un vrai chien ce machin, ou alors à un croisement tout vilain du chien de Télé Z avec celui de Paris Hilton. La - ô combien passionnante - technique de la fonte à la cire perdue ne suffit pas non plus à cacher le fait que les incisions du cou ou des pattes simulent plus un herpès canin qu’un collier et des poils. Et puis je perso je peux pas m’empêcher de penser que la meuf qui devait porter ça, même y’a cinq mille ans, devait avoir l’air super con avec son clébard doré pendu entre les seins.

Les statues-menhirs du Rouergue, juste « Wouaw » Un bien bel exemple de la statuaire nationale de notre beau pays s’offre à tes yeux (et à ton cœur) au MAN. De gros cailloux incisés (même sur le dos et les côtés, trop la classe) sont présentés dans un coin sombre des salles et évoquent la super religion de nos ancêtres. Une foule de détails et d’attributs finement sculptés te permettront de deviner en un clin d’œil lequel est une femme ou lequel porte une moustache (ou des scarifications ? le MAN n’est pas sûr…). Je signale quand même qu’à la même époque - au IIIème millénaire avant JC - les Egyptiens eux se cassaient le cul à faire de vraies rondes-bosses techniquement et esthétiquement abouties. On en conclut que les Français étaient donc déjà bien des grosses feignasses il y a cinq mille ans. Merci le MAN.

Le vase grec (enfin le concept du vase grec quoi) Bien que n’étant pas forcément esthétiquement hostile, le vase grec mérite de figurer dans ce classement. Pourquoi ? Parce qu’il est chiant. Très chiant. Comme la céramique en général en fait. Et ce même si le cours d’icono antique est un plaisir pour les tympans. Et pour ne pas lui donner plus d’importance qu’il ne mérite, on ne développera pas plus.


mots croisés 29

Mots croisés Le Louvr’Boîte lance un véritable défi à votre patience et à votre culture gé avec cette grille qui ressemble plus à un Tetris qu’à un joli damier, mais fabriquer des mots croisés, c’est plus difficile que ça en a l’air. Toutes les joies du cruciverbisme s’offrent à vous : mots de trois lettres fantaisistes, définitions hasardeuses, etc. Bonne chance !

A- Prénom de rois égyptiens. Fureur. B- Contenaient du parfum. Précieux. C- Prénom de Bourgeois. Abrasif. DAnnée-charnière. Saint de la Contre-réforme. E- Deuxième prénom de Franklin Roosevelt. F- Ville de Giordano. Acteur de films d’action asiatique. Devant les œuvres, à l’EdL. G- Temples sauvés des eaux. Interjection indignée. H- Peintre espagnol. Humoriste français. I- Philosophe et philologue allemand. Vingt-sept pays. Archidiacre de Notre-Dame de Paris. J- Existant. Lettré, auteur de « l’Ode à la falaise rouge ». Monnaie grecque. K- Réponse demandée. Style tout en circonvolutions. 1- Roi assyrien. 2- Patron des orfèvres. Exagérer. 3- Roi d’Israël avant David. Entrées. 4- Prénom de maître jedi. Lieu de réunion pour dandys désœuvrés. Niveau de jeu. 5- Roman de gare. Fils d’Isaac. 6- Demi-sommeil. Seigneuries. 7- Retwitté. Possessif. Ville mésopotamienne. 8- Prénom impérial byzantin. Bibliothèque. 9- Viande trop cuite. Oiseau mythique. 10- Harem. Orbis Biblicus et Orientalis. 11- Chanteuse japonaise méconnue. Onomatopée aquatique. 12- Monarque. Epoux de Desdémone. 13- Caractérise le premier groupe. Papa de Robinson. Solution dans le prochain numéro ...


Participez au prochain numéro ! Sur le thème France - Allemagne

envoyez nous vos textes, illustrations, idées... par mail : journaledl@gmail.com




Turn static files into dynamic content formats.

Create a flipbook
Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.