Louvr'Boîte, hors-série de rentrée 2010.

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Louvr’boîte? Quésako? Louvr’ boîte est le journal des élèves de l’école, fait par et pour eux. Tout ce qui a trait à la culture y est traité : actualités, polémiques, expos, coups de cœur et bien sûr vie de l’Ecole et du Louvre qui est notre voisin de palier. A l’occasion de la rentrée, nous vous proposons un rapide aperçu de celle qui va devenir une seconde maison dans les années à venir.

L’Ecole du Louvre en bref

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'Ecole du Louvre a été crée en 1882 selon le grand dessein de Jules Ferry. Elle est aujourd'hui dirigée par Philippe Durey, lui même ancien élève de l'Ecole. L'enseignement se calque sur le système LMD européen, que l'Ecole intègre cette année. Le premier cycle Correspondant au niveau licence de l'université, il se divise en trois années. Au cours de ces trois ans est évoquée, durant les cours d'histoire générale de l'art, toute la période de l'histoire de l'art, de la préhistoire jusqu'à la période moderne. Ces cours sont complétés par des travaux dirigés devant les œuvres qui ont lieu dans les différents musées de Paris et de sa région : le Louvre en grande partie, le musée Guimet, Saint-Germain-en-Laye, Versailles... Ces TDO sont composés d'environ un vingtaine d'élèves et d'un chargé de TD. Le but est de compléter les cours d'HGA et de former l'œil de l'étudiant. Enfin, chaque élève doit choisir au minimum une spécialité, parmi 32 disciplines archéologiques, d'histoire de l'art ou d'anthropologie. Il est possible de suivre plusieurs spécialités, mais guère plus de deux en raison des incompatibilités d’horaires. Les examens ont lieu juste avant ou juste après les vacances de Pâques suivant les années. L'étudiant est soumis à des épreuves de dissertations et d'examens de clichés. A partir de cette année, le système de notation sera réorganisé selon le schéma des crédits ECTS (dans la cadre de l'intégration de l'Ecole au système LMD) mais d’autres vous expliqueront ça mieux que nous. Les deuxième et troisième cycles Plus court, le deuxième cycle se compose de deux années correspondant aux débuts de la recherches et à des visées plus pro-

fessionnelles. La première année se divise en deux semestres. Au cours premier, l'étudiant suit des cours variés, allant du principe de la conservation/restauration à l'histoire des collections en passant par la médiation. Lors du deuxième semestre, l'étudiant est invité à suivre des séminaires en choisissant une dominante entre "Objets" et "Médiation" et à rédiger un mémoire d'une cinquantaine de pages. Cette première année est sanctionnée par le Diplôme de Muséologie de l'Ecole du Louvre. La deuxième année est composée de cinq parcours : deux parcours "recherches" et trois parcours "professionnalisant". Les cours sont dispensés en séminaires et l'étudiant doit effectuer un stage de deux mois et réaliser un mémoire dont la taille et les objectifs varient selon le parcours. Cette seconde année se solde par l'obtention d'un «diplôme de recherche appliquée de l'École du Louvre" équivalent du Master. Enfin, le troisième cycle, de trois ans, se compose de trois années durant lesquelles l'étudiant rédige un mémoire de recherche approfondie réalisé sous la conduite d'un professeur de l'Ecole. Le "diplôme de recherches approfondie" marque la fin de ce cycle et du cursus à l'Ecole. L’ouverture ? L'Ecole du Louvre a développé plusieurs partenariats avec des organismes étrangers. Depuis 1997, elle accueille chaque année de juillet à septembre un petit groupe d'étudiants en muséologie. Elle organise aussi, en partenariat avec l' Instituto Veneto, des séminaire sur l'histoire de l'art vénitien. Un programme d'échange avec l'université d'Heidelberg permet à quelques étudiants de deuxième cycle d'obtenir un master international en histoire de l'art et muséologie. L'Ecole adhère aussi au programme «égalité des chances», promu par la fondation Culture & Diversité, afin de permettre à des lycéens de milieux défavorisés ayant choisi l'option histoire des arts de rejoindre les rangs de ses étudiants. Ce programme consiste notamment en une découverte du milieu de l'histoire de l'art en seconde et première (visites de musées, rencontre avec des professionnels, tutorat par des élèves de muséologie), en stage de préparation au test probatoire pour les terminales et en un suivi, une fois le lycéen devenu étudiant.

Louvr’boîte 100% Ecole du Louvre Sans édulcorants Avec conservateurs

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Vous avez dit B.D.E ?

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e Bureau des élèves tente depuis quelques années de développer la vie sociale de

l’école, et Dieu sait que ce n’est pas toujours facile. Comme toute association étudiante il propose des soirées, occasions idéales de sortir faire la fête et d’oublier un peu les rites funéraires de l’âge du Fer, les grands centres artistiques en Inde ou l’histoire du tissage dans l’Antiquité, choses passionnantes auxquelles tout étudiant est ici un jour confronté. Sa plus grosse soirée de l’année est un gala qui se déroule après les examens, en juin et qui réunit tous les élèves pour une nuit de folie ! Il organise également des voyages, des sorties au théâtre, des visites dans des lieux parfois inédits (ateliers de restauration, réserves…) bref toutes sortes d’activités pour s’enrichir le karma ou se détendre et se vider l’esprit. A côté de cela le BDE gère des clubs couvrant des domaines très variés. Le ciné-club propose des séances de cinéma au sein de l’école avec des intervenants spécialisés, le club-jeux permet de se retrouver autour de jeux de rôle et de grands classiques dans une ambiance ultra détendue, la chorale encourage chacun à faire sortir le rossignol qui est en lui et le club-sport s’occupe de faire des étudiants des esprits presque sains dans un corps sain. Sans oublier la rédaction de notre journal auquel nous vous exhortant vivement à participer ! Si notre association vous intéresse vous pouvez nous retrouver sur internet sur notre page Facebook ainsi que sur le blog du BDE : http://www.facebook.com/bde.edl http:// bde-edl.blogspot.com

L’histoire de l’art, ça creuse….

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ure vie que celle d’élève à l’Ecole du Louvre. Certes le cadre est splendide et on ne crache pas sur les visites de musée et les rencontres avec les conservateurs mais quel enfer quand vient l’heure de casser la croute ! Perdu au fond de l’immense palais, l’élève doit faire preuve de beaucoup d’originalité ou d’audace pour trouver de quoi se nourrir. A vous qui faites vos premiers pas à l’école, voici quelques conseils de survie alimentaire au sein de l’EDL. Partons ensemble à la découverte de la cafet’… Charmant oasis de convivialité, la cafeteria de l’école est un petit espace où l’Edlien travaille, discute, dort et parfois mange. Dans ce dernier cas il se tourne souvent, n’ayant rien d’autre à portée de porte-monnaie, vers cette incroyable invention de l’Homme qu’est la machine à sandwichs. C’est une espèce de tourniquet de l’espace dans lequel sont sagement rangés les merveilles gustatives comme le thon-mayonnaise surchargé en crème épaisse, le costaud mixte-surimi-œuf, l’étonnant pâté de campagne assez proche du Félix pour chat ou le plus classique jambon-beurre emballé dans un pain si mou qu’il pourrait servir d’airbag. Pour un prix modique ne dépassant pas le 2 et quelques euros vous pourrez donc accéder à une sorte de nirvana culinaire. Et si vous n’avez pas peur de la mort, pourquoi ne pas essayer une des deux soupes également proposées ? Si vous arrivez à surmonter l’idée de vous nourrir dans un gobelet, vous aurez le plaisir de découvrir des breuvages riches en saveur et assez chauds pour vous remonter le moral un jour de janvier. A cela vous ajouterez un délicieux dessert comme le quatre

-quarts à la noix de coco à la texture étrange d’éponge mouillée ou les viennoiseries servies à -4°C. Si vous êtes peu aventurier, la cafeteria comme tout lieu digne de son nom a sa machine à carries où vous trouverez petits brownies, mars et kinder ainsi que la fameuse galette à la frangipane, celle que vous mangez à 10h et que vous sentez toujours à 18h. Côté boissons, vous aurez là aussi le choix entre les traditionnels et les inédits de l’école. Coca-Cola et autres Minute Maid en canette rassureront les plus peureux tandis que les multiples variétés de café, chocolats et thés feront le bonheur des curieux. N’étant pas une grande consommatrice de café je me contenterai de vous conseiller le cacao fort avec trois points de sucre, assez écœurant et concentré pour remonter le moral à la fin de la journée. D’autres trésors se cachent dans cette caverne magique qu’est notre cafeteria adorée mais gardons un peu de mystère, vous aurez toute l’année pour les découvrir…


L’Ecole du Louvre de A à Z : petit lexique A comme Auditeur : les élèves doivent essayer d'apprendre à cô- effet si vous aurez des vacances d'été -en cas de réussite aux exatoyer les auditeurs libres présents avec eux dans certains cours. Il mens- ou non ! essayent… N comme Nasrides, Naram-Sin, Nazaréens, Nara, NabuchodonoB comme Bibliothèque : BEL pour les intimes, elle est adulée ou sor, Nazca, Nalanda, Neuvy-Saint-Sépulcre… : Tous ces doux détestée. Située au sous-sol, elle comporte son propre langage : on noms croiseront votre route un jour, autant commencer à s’y parle de "R", de "S", de SILO... Nous n'avons pas poussé plus faire. loin les investigations qui sont parfois O comme Ouverture : A l’international dangereuses en ce lieu maléfique. grâce à des programmes avec le Canada, C comme Clichés : les clichés sont l'enl’Italie ou l’Allemagne et vers la fac puissemble des images projetés par les profesque l’école vient de passer au système seurs, auxquelles on adjoint les cartels, LMD. leurs "légendes". Et il vaut mieux retrouP comme Pôle pédagogique : dans ce que ver par la suite tous ces clichés, car l'exal'on pourrait appeler "secrétariat", de genmen nous propose une œuvre sans cartel tilles personnes répondent aux questions qu'il faudra commenter ! des élèves sur la scolarité, l'orientation, les D comme Dürer : Un des plus grands examens etc. Et en plus avec le sourire ! artistes de la Renaissance mais aussi le Q comme Quetzalcoatl : le dieu majeur nom d’un des amphis de l’école. Ici c’est des Aztèques. Si vous trouvez que c’est histoire de l’art jusque dans les salles : compliqué vous n'avez pas encore vu le Mondrian, Cézanne, Imhotep… reste ! E comme Exposition : les élèves doivent R comme Rohan : nom du grand amphimettre un point d'honneur à visiter un théâtre de 1er cyclé, situé près du Carroumaximum d'expositions dans l'année. Il sel du Louvre. Nom bien sûr issu de la serait d'ailleurs risqué de ne pas le faire lorsque le professeur rapgrande famille éponyme et non du Seigneur des Anneaux ! pelle avec un sourire narquois qu'il y a en cours une exposition dont il a été le commissaire. S comme Spécialité : proposée en pendant du tronc commun, l'élève de 1er cycle choisit une spécialité pour 3 ans. Vous pourrez F comme Fête : parce que après tout on est des étudiants comme ainsi par exemple devenir un des spécialistes mondiaux de la les autres non? Chapelle XVII du monastère de Baouit (VIIe siècle, Egypte) G comme Gratuité : la carte d'élève permet d'avoir la gratuité (comme l’auteur de ces lignes). dans de nombreux musées et expositions, et même à l'étranger. Et T comme Travaux dirigé devant les œuvres (TDO) : à raison parfois encore plus en sachant bien négocier ! de 4 heures par semaines, l'élève de 1er cycle suit des visites comH comme Histoire de l'art : ce qu'on étudie à l'Ecole. Non, nous mentées dans le Louvre et les autres musées franciliens. Et comme ne faisons pas de peinture ou de sculpture, pour ça voir de l'autre c'est long, on s'assoit par terre ou sur un petit fauteuil pliant selon côté de la Seine (ENSBA). les goûts ! I comme Internet : principal allié de l'Edlien dans la recherche de U comme Ulysse : comme lui, attendez vous à un grand voyages à clichés notamment par Google Images. Certains préfèreront tou- travers les civilisations. tefois aller chercher les clichés dans les livres et les photocopier. V comme Visiteurs : les visiteurs du musée peuvent rapidement C'est leur choix. devenir un agent allergène pour les EDLiens : Côtoyés en masse J comme Jeunes hommes : denrée rare à l'Ecole du Louvre selon les lors des TDO, il faut se battre avec eux aussi bien dans les coudires de la gent féminine, ils existent néanmoins puisque l'auteur loirs que devant les œuvres, surtout devant la peinture italienne ! de ce lexique en est un ! W comme Wikipédia : parce que après tout on est des étudiants K comme Karkotakesvara : nom d'un temple indien qu'il vous comme les autres non ? faudra apprendre par cœur en 2e année. Mais rassurez-vous, il y X comme Xylophone : pourquoi pas? en a plein d'autres comme ça ! Y comme les Igrecs : joyeuse bande de trublions qui réalisent des L comme Louvre : le musée que tout élève doit connaître comme courts-métrages pour le BDE ou le ciné-club : à voir sur http:// sa poche. Mais parfois même au bout de 3 ans on découvre encowww.dailymotion.com/lesigrecs re des salles ! Z comme Zéphir : non pas le petit vent frais mais un des profs les M comme Mai : date fatidique des examens, le mois de mai est le plus redouté de tous : quelques jours de ce mois détermineront en plus emblématiques de l’école. On vous laisse le découvrir …

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Laurence Tardy, la grand-maman de l’école

Figure incontournable des couloirs, des amphithéâtres, des halls et parfois de la cafétéria de l’Ecole, Laurence Tardy, mais qui êtesêtes-vous donc ?

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C’est une question un peu complexe. Laurence Tardy est une personne qui se promène dans les musées parisiens depuis 1974, et qui a commencé à l’Ecole du Louvre en tant que chargée de TDO en 1977. Vous voyez, je ne cache pas mon âge, je ne suis pas de prime jeunesse. Depuis 1992, je suis chargée de mission auprès de la direction des études et de la scolarité. Dans les missions qui m’ont été confiées, il y a les TDO, c’est-à-dire de réfléchir à cette particularité de l’école qui est le lien entre les œuvres. Il faut habituer nos élèves et nos auditeurs à la fréquentation des musées, à l’interrogation de l’œuvre, à la connaissance des collections. Parallèlement à cela, j’ai eu des missions assez diverses, au sein de l’Ecole du Louvre. Quand je suis arrivée en 1992, auprès de la directrice des études, j’ai travaillé à la réforme de l’école, telle que vous la vivez maintenant. Petit à petit, on m’a confié comme mission le lien entre les élèves et certains problèmes rencontrés. J’ai également pris en charge les nocturnes, toutes les animations au Louvre, à Orsay, et même à Compiègne. Voilà le champ de mes activités. C’est pour cela que vous me voyez si souvent dans les amphithéâtres pour vous mettre au courant des activités, mais aussi dans les couloirs pour être en contact avec vous. Vous êtes rentrée en tant que chargée de travaux dirigés devant les œuvres. Qu’aviezQu’aviez-vous fait auparavant ?

Mon cursus est purement universitaire. J’ai fait mes études d’histoire et d’histoire de l’art à l’université de Toulouse et j’ai décidé vers 1973 de venir à Paris pour trouver du travail. Le premier emploi qui m’a été proposé par le service culturel de la direction des musées de France est d’être conférencière des musées nationaux. Si j’ai été recrutée, même si je ne sortais pas de l’Ecole du Louvre comme beaucoup de conférenciers nationaux, c’est parce que je parlais plusieurs langues étrangères couramment : l’anglais, l’espagnol, avec des possibilités en italien. J’ai aussi développé un peu de grec moderne, que j’ai perdu en partie avec le temps car je ne vais plus suffisamment en

ENTREVUE

C’est dans son bureau avec vue sur le hall de l’Ecole du Louvre, que Laurence Tardy nous a reçus, entre les piles de livres, de feuilles et de post-it pense-bête. Elle s’assoit, un châle autour du cou, l’une de ses signatures d’un goût un peu old-fashion que l’on aime et qui la caractérise si bien. Un petit coup de peigne dans les cheveux, et nous voilà face à face pour une petite interview qui vous permettra, nouveaux élèves edliens, de connaître cette figure de la maison à laquelle vous ne devez pas hésiter à faire appel.

Grèce pour le parler. Ce sont ces compétences-là qui étaient recherchées à l’époque. Et vous savez que la réforme de l’Ecole est de permettre aux élèves de pratiquer des langues étrangères car c’est une nécessité. L’Europe et le Monde nous y poussent. J’ai eu la chance de naître à l’étranger, pour moi c’était naturel et tout le monde dans ma famille parle deux à trois langues. Comment était l’Ecole en 1992 ? Quelle évolution y avezavez-vous vu depuis ?

Il y a d’abord eu une réforme du cursus lui-même, puisque les cours ont été augmentés en nombres d’heures. Le tronc commun s’est vu ajouté des cours d’iconographie, d’histoire des collections et d’histoire des techniques. Il y a eu aussi une plus grande attention portée sur la pédagogie. Pour les travaux dirigés, ils ont également été augmentés pour permettre aux élèves d’être plus souvent dans les musées. LEcole a développé cette spécificité de la pédagogie de l’objet, et la gardera. Un souvenir particulier de vos conférences ?

Il y en a un qui m’a beaucoup marqué. Cela remonte à plusieurs années quand les salles des sculptures étaient encore à l’emplacement des locaux de l’école, donc si cela se trouve vous n’étiez même pas né. Un riche industriel japonais faisait faire à sa fille, aveugle de naissance un grand tour des collections de sculptures des musées occidentaux, afin de constituer une galerie de sculptures tactiles au Japon. C’était l’époque de l’âge d’or, si l’on peut dire, où certains visiteurs pouvaient toucher les œuvres et non pas des copies. Cette jeune fille avait la capacité de reconnaître la main des artistes sur la taille directe du bloc, où si un autre intervenant y avait laissé son empreinte. Je lui ai fait toucher les esclaves de Michel Ange. Et là, elle est tombée en larmes en touchant à peine le marbre, et me demande ce qui se passe. Pour elle, c’était la première fois qu’elle ressentait par le toucher le génie d’un artiste. Et je vous avoue que cela fut un moment très fort et très émouvant.


ENTREVUE GardezGardez-vous des contacts avec des anciens élèves ?

Oui, certains anciens continuent à m’envoyer des nouvelles de leur vie professionnelle. Certains sont devenus des amis. Certains sont même maintenant enseignants à l’Ecole. Il y a beaucoup de liens. Maintenant je pense que tout étudiant à sa sortie de l’école part vers une autre vie. Cela ne veut pas dire qu’il nous oublie, mais il va sur sa propre route. Alors il peut m’arriver de rencontrer par hasard des anciens élèves dans un TGV, ou même loin de Paris, et on se retrouve avec plus de plaisir. On ne peut pas garder des liens avec tous les élèves car cela serait ingérable. Cela se fait aussi par le hasard de la vie. Un chouchou, des chouchous parmi les élèves ?

Certains étudiants vous perçoivent comme une figure maternelle de substitution, quels sont vos rapports avec les élèves ?

Oula ne poussez pas trop loin (rires). Non, j’accepte le compliment. Pour moi, les élèves sont des élèves. Mais c’est dans mon caractère ce côté « maternel ». Je pense que cela vient de ma personnalité : Je suis quelqu’un de calme et j’ai un type de caractère très stable. J’aime rencontrer les gens, donc pour moi il n’y a pas de problème. La seule chose parfois qui me gêne, c’est lorsque les élèves pensent que j’ai une baguette magique qui va me permettre de résoudre tous les problèmes. Parfois, mon rôle est positif car je peux leur expliquer calmement les choses. s’ils arrivent excités car ils ont l’impression d’être face à une injustice, à une inégalité forte par exemple On peut trouver des solutions, mais on ne peut pas faire des miracles. Je pense avoir le vocabulaire et l’attitude pour leur expliquer. Vous n’êtes pas une faiseuse de miracles ? Vous ne retrouvez pas les chats égarés ?

Et non (rires).

J’espère que non (rires). Si j’avais des chouchous, cela voudrait dire je privilégie des élèves. Et j’espère vraiment que non. Il a pu arriver que des élèves aient le même nom de famille que moi et qu’on me les ait attribués comme fils (rires). Un des élèves homonymes m’appelle « M’man ». Mais je ne l’ai jamais aidé pour les exams. Je précise que je n’ai jamais les sujets en mains. C’est sûr que l’on peut avoir des affinités. C’est vrai que certains sont plus présents dans les couloirs, ou sur les marches pour fumer une cigarette. Je ne citerai personne (ndlr : le preneur de son himself). Cela peut parfois générer une impression de favoritisme. Certains élèves sont timides et n’osent pas venir nous parler. Aussi quand ils voient d’autres élèves nous parler souvent, ils peuvent le prendre pour une sorte de privilège. En tout cas, j’espère n’avoir jamais rejeté un seul élève. Mais c’est aux étudiants de faire le premier pas, je ne peux pas taper sur les épaules de tout le monde ! Mais après, cela reste leur choix. pensez--vous Alors maintenant une question plus large, que pensez de l’évolution du monde de l’art et des politiques culturelles de ce quinquennat présidentiel ?

Je pense qu’on est dans une période de mutation profonde de la société, tant en France que dans le monde. On rencontre des priorités un peu différentes. Certains vont dire que c’est à cause de la crise financière. Moi je pense que c’est lié certes, mais cette période de mutation touche plus particulièrement la France où on était habitué à faire appel à un Etat centralisateur, qui dispense les mannes financières qu’il gère. Et c’est la tendance française et européenne que celle où chacun doit se prendre en charge. Au Ministère de la Culture, il y a eut un bouleversement important qui a pris acte en janvier 2010, la transformation des directions au sein du Ministère (ndl : Réforme Générale des Politiques Publiques), ce qui fait que tous les vieux reflexes s’en trouvent bouleversés. En même temps, c’est l’aboutis-

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Mais une mutation négative ou positive ?

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Je ne vois pas ces mutations comme cela. Il y a toute une complexité. Je reprends très souvent une idée de Pascal qui est que le chaos est nécessaire pour construire une nouvelle organisation. Et c’est sûr qu’actuellement, on est dans la période de chaos. On a terminé une période de relative euphorie financière. Beaucoup on prolongé cette euphorie des années 1960. Non seulement il y a eu la crise, mais aussi ces grands attentats qui ont bousculé une certaine idée de sécurité forte, et c’est une période où l’on s’aperçoit que les mondes ne sont pas clos, et que les moyens de communication se multiplient et que nous sommes bombardés d’informations. On a plus de difficultés à hiérarchiser ce qui est important ou secondaire, ce qui est le problème qu’ont les élèves durant les cours ou les TDO. Il y a surement des aspects positifs : les choses soient moins figées, moins établies dans le long terme. Mais la culture, de type patrimoine, les petits musées, peuvent souffrir d’un aspect purement évènementiel. Peut-on réellement vivre perpétuellement dans une culture de zapping ? Je pense qu’on ne peut pas encore faire le bilan de ces bouleversements, et moi je souhaite aux nouvelles générations de trouver leur place. De ne pas subir, mais de rester actifs et de prendre leur rôle très au sérieux. Mais l’avenir reste incertain… mais excitant aussi. Vous qui faites partie de la commission interministérielle sur la réforme des statuts des guides conférenciers, pouvezpouvez-vous nous en dire plus ?

Ce qui est intéressant dans votre question, c’est qu’elle rejoint celle sur les mutations. On est dans un moment de mutation, où le bilan pencherait plus vers un aspect difficile du métier de conférencier. L’Europe du Sud a une

activité liée au tourisme importante et elle a développé des principes de cartes et de réglementations par pays, plus ou moins fermées ou avec un monopole comme en Grèce ou en Italie. L’Europe du Nord est très libérale, avec un principe de déréglementation. La France se trouve au milieu de ces deux zones. On a reproché à la France d’avoir une multiplicité de cartes. Pour l’instant, on est au début de la réflexion. Il faut qu’on y arrive avant la fin de l’année 2011, avec un désengagement du ministère, car les ministères de la Culture et du Tourisme qui coorganisent ces examens, les trouvent trop chers. Ils veulent établir ce principe d’examen passant par un diplôme pour celui de conférencier. A terme, ils souhaitent également une seule carte et non plus une multiplicité incohérente. Votre statut dépendra ensuite de celui qui va vous employer. Beaucoup ont pris le statut d’entrepreneur également. Ces métiers, que j’ai exercés pendant une vingtaine d’années, sont difficiles. Ils sont en train d’évoluer. Ces anciennes appellations sont en train d’être balayées. Un futur métier dépendra par exemple de son bassin d’emploi, et cela deviendra complexe. L’Ecole du Louvre participera peut-être à la formation dans le cadre du master, mais cela est à prendre avec beaucoup de points d’interrogation. Rien n’est fixé. La seule chose qui est sûre c’est qu’il n’y aura plus d’examens de conférencier national, tel qu’il y en avait jusqu’à maintenant. A terme, les formations de guide interprète à Nanterre ou à Marne-la-Vallée n’existeront plus non plus, et cela dépendra des décisions de l’Etat. De plus, l’Europe entière est en pleine réflexion sur ce sujet. En GrandeBretagne, certains guides conférenciers se mettent en association pour se labéliser en coopérative avec des exigences de prestation et de liberté de parole. En France, on insiste encore sur ces droits de parole, qui appartiennent à ceux qui possèdent une carte.

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sement d’une période, et je parle des grands établissements qui ont pris leur indépendance. Alors, je pense que cela déroute des personnes qui avaient l’habitude de s’adresser à un service, d’où dépendait leur établissement. Et là, on s’aperçoit que l’on doit être dans une démarche où il faut solliciter chacun des établissements, être dans une dynamique de recherche d’emploi et de travail. On se retrouve dans une logique plus proche du privé que du fonctionnaire. Vos générations vont se trouver dans l’obligation de changer plus souvent de fonctions et d’établissements, alors qu’auparavant beaucoup entraient dans un établissement et y faisaient toute leur carrière. Et cela peu créer un malaise. Vos générations vont avoir dans leurs premières années des difficultés. Je ne parle pas de régression mais de mutation.

Comment appréhendezappréhendez-vous cette énième nouvelle rentrée ?

Comme les autres (rires) ! On sait que les choses se répètent, mais que chaque promotion est différente. Il y a une espèce d’esprit et je n’ai jamais su pourquoi. Pourquoi cette promotion est plus sympa et moins pénible qu’une autre, pourquoi celle-là est plus bruyante ? Je me suis toujours demandé pourquoi. On sait qu’en première année certains sont désappointés voir déçus. Certains rêvent de l’Ecole depuis des années, ils sont ravis d’avoir réussi le test probatoire et ne trouvent pas ce qu’ils attendaient. Le Louvre est une école de l’objet, de l’histoire de l’art, pas de la philosophie de l’esthétique ou des arts appliqués.


ENTREVUE Quelques conseils à apporter aux nouveaux élèves qui entament leur première année à l’école ?

Quelques conseils pratiques d’abord : Ne suivez pas les TDO en talons aiguilles excepté si vous êtes des grands habituées. Les TDO sont des séances sportives. Il faut s’équiper en fonction des intempéries (ndlr : à partir de la deuxième année, beaucoup de TDO auront lieu en extérieur : Notre-Dame, Versailles, le Marais…). Il faut aussi apprendre à prendre des notes. On n’écrit pas tout ce qu’on entend et on apprend à hiérarchiser les choses selon leur importance. On essaie de reprendre son cour dans les 36h après l’avoir entendu (ndlr : Hahaha). Cela peut être le réécrire, le compléter ou bien simplement le relire. Le but étant de le réorganiser, de hiérarchiser les données pour mieux les comprendre. C’est dans ce laps de temps que la mémoire est la plus effective. Je n’insisterai jamais assez sur l’importance de travailler régulièrement. On ne commence pas à se pencher sur ses cours en février ! (ndlr : en mars, c’est un minimum). Il est agréable et utile de travailler en petits groupes, de refaire ses TDO à plusieurs. Le parrainage est très utile et j’encourage fortement ce dialogue entre les différentes promotions, les nouvelles et les

plus anciennes. Si vous n’avez pas de parrain/marraine après le pique-nique du BDE du 22 septembre, il ne faut pas hésiter à contacter le BDE ou l’accueil qui vous en attribueront un. Il ne faut pas rester seul avec ses problèmes, nous sommes aussi là pour vous aider. Si vous rencontrez des difficultés concernant votre logement, vos finances ou l’organisation de vos études ou de votre travail, n’hésitez pas à aller en parler au pôle pédagogique (ndlr : deuxième escalier à l’entrée de l’aide de Flore). Le livret de l’élève a été toiletté cette année et il apporte désormais plus d’explications sur les contacts à avoir lorsque l’on a besoin d’assistance humaine ou financière. N’hésitez pas à adhérer aux initiatives étudiantes. On croit souvent à tord qu’il s’agit d’un groupe de copains dans lequel on n’a pas sa place (ndlr : le journal recherche toujours de nouvelles plumes !) mais il faut dépasser cette impression et ne pas hésiter à être acteur afin de créer la vie étudiante dont on rêve. Pour réussir sa scolarité, j’insiste sur l’importance de l’équilibre à trouver entre vie et étude. Merci à Laurence Tardy d’avoir répondu à nos questions Propos recueillis par Jean-Baptiste Corne et Margot Boutges

Quelques anciens élèves

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utre les conservateurs, commissaires-priseurs, archéologues, conférenciers, galeristes et autres professionnels de la culture que l’école a formé, intéressons nous à quelques personnalités atypiques qui ont usé le temps d’un cycle leurs fonds de culotte à l’école du Louvre. Avant de devenir le grand créateur que le monde de la Mode s’arrache, Christian Lacroix rêvait de devenir conservateur du patrimoine. Quoi de plus naturel donc que d‘entrer à l’école du Louvre ? Il se détournera cependant de sa vocation première pour crayonner des robes. Mais l’influence de ses études et son amour de l’histoire de l’art

se ressentiront toujours dans ses créations. Ses costumes ne se lassent pas d’explorer l’univers des tableaux des plus grands maitres. La cinéaste Agnès Varda qui fut également l’épouse de Jacques Demy, combina études aux Beaux-arts et à l’école du Louvre avant de devenir une figure majeure (et féminine !) de la Nouvelle Vague. Le glaneur et la glaneuse, qu’elle réalise en 2000 ne manque pas, par son titre de nous rappeler ses premières amours. Intéressons nous pour finir à une rumeur qui persiste à l’école : Jacky Kennedy y aurait été élève. Bon on exagère un peu car elle ne fut qu’auditrice. C’était en 1949, elle s’appelait encore Jacqueline Bouvier. Peaufinant sa french touch à la Sorbonne, elle ne savait pas encore quel destin allait être le sien…

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Quelques professeurs emblématiques... Denis Bruna Elu prof favori des Edliens, vous ne le découvrirez malheureusement qu’en deuxième année. En voila une excellente raison de valider vos premiers examens ! Cet homme nous initie aux arts du Moyen Age, d’une voix légèrement bégayante qui ne manque pas de nous émouvoir. S’il nous plonge comme personne dans les recoins les plus sombres des abbayes et sait invoquer les vitraux de la sainte chapelle toute leur magnificence, il n’en demeure pas moins proche de la vraie vie. Il vous évoquera sans doute ses expériences culinaires, (comme cette fameuse choucroute dégustée chez Yvonne à Strasbourg à deux pas de la cathédrale) et vous livrera ses meilleurs anachronismes (chez lui, le destrier d’un condottiere n’est jamais très loin de la Ferrari du fils à papa). Petit bémol : Il recycle les mêmes blagues d’une année sur l’autre. En voilà une raison de ne pas redoubler ! Les ficelles de ce magicien doivent rester imperceptibles.

Danielle Elisseeff Durant deux années, cette septuagénaire tirée à quatre épingles lèvera un voile sur les arts de la Chine et du Japon. Son verbe est lyrique pour décrire le cheminement intérieur d’un lettré yuan sur la montagne. On aime à l’imaginer enfiler un kimono dans son intérieur laqué et se livrer à l’art de la calligraphie entre deux paravents. Disons le net, on a qu’une envie, c’est qu’elle nous offre le thé, la cérémonie en prime. Petit bémol : La matière enseignée. Un cours entier sur la céramique, et puis quoi encore ?

Maximilien Durand Gare à vous, jouvencelles et garçons aimant les garçons, cet homme là est un véritable piège à tout ce qui bouge. (L’illustration ne lui rend pas tout à fait justice.) Pendant deux ans, sa voix douce vous entrainera dans les méandres des civilisations paléochrétiennes et byzantines et vous livrera les secrets de l’iconographie chrétienne. Trafics de reliques, saint suaire et mosaïques se bousculent dans la bouche de ce narrateur hors pair. Un interview exclusive offerte à Louvr’boite il y a deux ans a fini d’asseoir sa réputation. Auteur d’un recueil de nouvelles intitulé parfum de sainteté, il est plus Saint Maximilien que jamais. Bémol : Comme Denis Bruna, tout est calculé !

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Thierry Zéphir En voilà un qu’on aime à entendre bougonner ! Votre futur prof d’art des civilisations indiennes pratique l’humour grinçant. Et vous aimerez vite l’écouter articuler comme personne des termes comme Parashurameshvara ou Gangaikondacholapuram. Petit bémol : Il est particulièrement exigeant en temps d’examens. Il attendra de vous le meilleur : Y compris que vous connaissiez par cœur les termes précédemment évoqués. Comment cela, vous ne maitrisez pas le sanskrit ?

Message à caractère informatif Venez nombreux le 22 septembre au pique-nique de rentrée ! Vous pourrez vous restaurer et trouver des êtres prêts à vous parrainer. Le 29 septembre, ne manquez pas la réunion de présentation du BDE 2010-2011. Cela se passe amphi Cézanne à 13h. A paraître très bientôt : le 7e numéro de Louvr’Boîte ! Pour moitié moins le prix d’un Kinder Bueno du distributeur de la cafet et à peine quelques centimes de plus qu’un café... Pour les énergies journalistiques, une réunion de présentation du journal aura lieu début octobre. Nous vous tiendrons informés en multipliant les annonces dans vos amphis. Et si ça se trouve, on fabriquera peut-être de chouettes affiches à coller un peu partout… Nous attendons vos articles, vos dessins, vos commentaires et idées sur journaledl@gmail.com. Vous pouvez aussi nous « liker » sur notre fanpage du fameux réseau social à bandeau bleu… Rédacteurs : Margot Boutges, Jean-Baptiste Corne, Alexis Durand, Annabelle Pegeon, Anaïs Raynaud Illustratrices : Aurélie Deladeuille, Valentine Gay Maquettiste : Alexis Durand, Sébastien Passot


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