LB n°63 : /SALÉ

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Louvr’BoiteSalén°630,50€

Du pain dans les musées p.24-26

Les routes du sel en Afrique p.4-7

Mots croisés-questions p.8-9

Du sel, du papier, des photos p.10-12

Choix de la rédac’ p.18-19 Horoscope p.20

Peinture et conservation p.30-32

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Destins salés p.13-16

Interview Art-Thémis p.21-23

Louvreboite.fr p.33

Edito p.3

Coeur de pierre salé p.27-29

Sommaire

Mots croisés-réponses p.34 Crédits p.35

Aparté scientifique p.17

Responsable communication : JAlex Martin

Oyé à toi, matelot edélien.ne! Comme tu l’auras compris, avec ce deuxième numéro Salé, on ne rigole plus et on attaque le plat de ré sistance ! J’espère qu’il te reste un peu de place après notre mise-enbouche sucrée du mois dernier car, grâce au Louvr’boite, ton palais n’a pas fini de voyager !

Facebook : fb.com/louvrboite Twitter : ISSNInstagram@louvrboite:@louvrboite1969-9611.Imprimé sur les presses de l’École du Louvre (France). Sauf mention contraire, ©Louvr’Boîte et ses auteurs. 3

Courriellouvrboite.fr:journaledl@gmail.com

Au programme de ce mois-ci, des objets d’art africain en sel, du pain, des momies ou encore des mots croisés, t’en fais pas, il y en a pour tous les goûts et bien plus encore. Sans oublier l’interview de la présidente du nouveau club de l’école, Art-Thémis ! Crois-moi, tu n’as pas gâché tes 50 précieux centimes que tu aurais pu dépenser dans un café bien amer (le retour des machines en Rohan, ça c’est un événement).

Maquette :Mélissande Dubos, Lilou Feuilloley, Co ralie Gay, Blandine Adam, Noémie Carpentier

DirecteurN°TreizièmeLouvr’Boîteannée63,0,50€depublication

: Eloise Briand

Eloïse et Flora

Rédactrice en chef : Flora Fief

Edito de la mer

Couverture : Elsa Clairay Ont contribué à ce numéro : Adrien Barbault, Angeline Wiard, Anouk Hubert, Aubin Maudeux, Axel Martin, Blandine Adam, Caroline Legendre, Cassandre Bretaudeau, Célestine Castrigno, Co ralie Gay, Daphné Lemaître, Eloïse Briand, Eve Elmassian, Flora Fief, Gabriel Barnagaud, Gabriel Schmit, Gwladys Jolivet, Hippolyte Campe, Inès Amrani, Jeanne Spriet, Jeanne Thomann, Lilou Feuilloley, Manon de Maistre, Marie Vuillemin, Mathilde Cloüet, Mathilde Rodrigues, Matteo Vassout, Mélissande Dubos, Noemie Carpentier, Pauline Drancey, Raphael Papion, Raphael Vau dourdolle, Sofiya Pauliac, Solène Roy, Suzanne De lannoy, Suzanne Gilles, Tyfenn Le Roux, Victoria ÉcoleLarrieudu Louvre, Bureau des élèves, Porte Jaujard, Place du Carrousel, 75038 PARIS CEDEX 01.

« L e Sahara vit du commerce du sel » écrivait au XVIe siècle le sultan saadien Moulay-Ahmed el-Mansour, qui projetait de faire main basse sur le très dynamique commerce du sel dans la région. Le Sahara n’a pas le monopole de ce commerce, le sel alimentant aussi les échanges en Éthiopie et en Somalie notamment, où l’on utilisait des barres de sel en guise de monnaie. Le musée du Quai Branly en conserve aujourd’hui quelques-unes, certaines enveloppées dans des cotonnades ou, plus fréquemment, dans un étui en vannerie. Pour quoi un tel attrait pour le sel ?

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Par conséquent, le sel constitue pour certaines populations une denrée extrêmement précieuse.

Comment produisait-on du sel ?

Les routes du sel en Afrique

L’accès au sel, ressource vitale mais difficile à se procurer dans certaines régions d’Afrique, a engendré des routes commerciales.

Il y avait trois moyens principaux pour obtenir cette ressource : les mines de sel (comme celles du marais salant près de Makola au Congo), les salines (comme celles de Tegguida n’Teçumt au Niger, ou de Taoudenni et de Teghazza en Mau ritanie) ou bien la récupération du sel présent dans les végétaux (technique que l’on retrouve entre autres à Madagascar et au Congo).

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Dans les salines, les femmes font décanter des terres salées et récoltent le sel à l’aide d’un piochon en fer et en bois d’adoua appelé kamouda ou matirbi. Pour récupérer le sel naturellement présent dans le sol, on utilise le procédé de la lixiviation — trop de lettres pour le Scrabble, mais mot suffisamment compliqué pour épater la galerie, quand bien même il désigne quelque chose de simple —. Il s’agit de lessiver et brasser la terre salée dans des sortes de cuvettes creusées dans le sol. Puis on place l’eau salée dans une autre cuvette, on laisse décanter et sécher et ça y est ! On a du sel ! Dans les mines de sel, après avoir extrait les minéraux en cassant le sol en plaques, les femmes les pilent pour en extraire le sel. Pour conserver le sel, on le met tait dans des pots en calebasse, terre cuite ou vannerie selon les régions.

Pour récupérer le sel présent dans le tronc des palmiers, les Be zanozano (peuple malgache qui avait le monopole de production du sel dans la région de Moramanga) le réduisent en cendres, lavent ces dernières et les font bouillir en ajoutant un peu de graisse. Ils réalisent alors avec la pâte obtenue des cônes qu’on appelle siharazo et qu’ils font sécher avant de les vendre.

Comment voyageait-il ?

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Déjà au Ve siècle avant notre ère, Hérodote relate l’échange de l’or contre du sel, qui s’effectuait « au-delà des colonnes d’Hercule », c’està-dire au-delà du détroit de Gibraltar. Les routes du sel sont multiples, les plus connues étant les routes transsahariennes de Mauritanie et du Niger. Le sel est alors transporté vers le Sud en direction de Tombouc tou.Mais place au récit d’Odette de Puigaudeau, ethnologue dans les années 1930, qui a suivi l’azalaï, “l’énorme exode fait de cent caravanes, d’un millier d’hommes, de plusieurs milliers de chameaux qui, en novembre, se groupent à Araouane, cheminent douze jours sans points d’eau, sans pâturages, vers Taoudeni, sous la protection des pelotons méharistes du Soudan, échangent aux mines des monceaux de vivres contre des milliers de barres de sel gemme et rapportent ce sel aux négociants de Tombouc tou et de Gao”. Dans son récit de voyage Le Sel du désert, la narratrice et sa com pagne de voyage rencontrent un caravanier qui, à la tombée de la nuit, attiré par le feu de camp, vient leur raconter son périple vers les mines de Taoudeni : «Ce fut une terrible bataille ! Les Chaamba [un peuple Touareg], après avoir massacré beaucoup de monde aux salines de Taoudeni, nous avaient attendus derrière une montagne. Ils tuèrent presque tous mes compagnons que le voyage de Oualata, vingt-sept jours de marche pénible, avait affaiblis ; ils prirent nos chameaux et les charges de mil, de thé, de sucre, d’argent et d’étoffes que nous appor tions pour payer les barres de sel ; ils prirent tout, jusqu’à nos panta lons !... [...] Personne à Oualata n’osa plus monter chercher le sel...»

Le sel est utilisé pour la conservation des aliments (notamment le poisson) et pour teindre des peaux/tissus ; il est aussi administré au bétail, on en fait des condiments à Madagascar, où il est pilé avec du piment et on l’utilise pour faire des remèdes/potions. Chez les Chaouïa en Algérie par exemple, la mère d’un futur circoncis lui préparait un talisman (porté à la cheville) qui renfermait du sel isen, du laurier rose alili et du charbon de bois.

Avec les restes des plaques, les mineurs façonnent des barres de sel peintes et incisées qu’ils vendent aux colons comme “Souvenirs de Taoudéni” (p. 257, Le sel du désert). On retrouve ces réalisations au Musée du Quai Branly.

Ce commerce a pu, de fait, susciter les convoitises des peuples voi sins, mais aussi celles de moult souverains africains ou plus lointains (des Phéniciens aux Syriens en passant par les Marocains) car il drai nait en réalité toutes sortes de richesses, le sel étant échangé contre des esclaves, de l’or... Le sel, pour quoi faire ?

Le sel est utilisé pour la conservation des aliments (notamment le poisson) et pour teindre des peaux/tissus ; il est aussi administré au bétail, on en fait des condiments à Madagascar, où il est pilé avec du piment et on l’utilise pour faire des remèdes/potions. Chez les Chaouïa en Algérie par exemple, la mère d’un futur circoncis lui pré parait un talisman (porté à la cheville) qui renfermait du sel isen, du laurier rose alili et du charbon de bois. Ces routes, synonymes d’épopées, de savoir-faire et d’histoire, sont inscrites à l’UNESCO. Elles ont ainsi tissé (et tissent encore aujourd’hui) des échanges, des rencontres entre des populations aux cultures parfois très différentes, engendrant en temps de paix et de stabilité économique prospérité et alliances diplomatiques, ce que les conflits politiques, économiques et religieux affaiblissent et menacent.

Ces routes, synonymes d’épopées, de savoir-faire et d’histoire, inscrites à l’UNESCO. Elles ont ainsi tissé (et tissent encore aujourd’hui) des échanges, des rencontres entre des populations aux parfois très différentes, engendrant en temps de paix et de économique prospérité et alliances diplomatiques, ce que les Avec les restes des plaques, les mineurs des barres de sel peintes et incisées qu’ils vendent aux colons comme de Taoudéni” (p. 257, Le sel désert). On retrouve ces réalisations au 7

Ce commerce a pu, de fait, susciter les convoitises des peuples voi mais aussi celles de moult souverains africains ou plus lointains Phéniciens aux Syriens en passant par les Marocains) car il drai réalité toutes sortes de richesses, le sel étant échangé contre des esclaves, de l’or...

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5.

12.dienne.Lieu

I. Au fond des eaux, herméti quement fermée, elle cache un trésor en son sein.

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H. Typique de l’Alsace mais originaire du sud de l’Allemagne.

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F. Fondue de fromages avec des pommes de terre et de la charcuterie.

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C.nais.Préparation liquide pour accompagner les D.plats.Maître et créateur de tous les plats.

J. Au cinéma : salé ou sucré ? K. Utiles pour monter à L.cheval.Minéraux durs. M. Poisson d’eau salée. N. Préparation salée et liquide pour conserver les aliments. O. Travaille dans les marais salants.

VERTICALES

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Mots croisés

Questions

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G. « Mer au milieu des terres » selon les Latins.

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1. Mesure approximative dans une recette de cuisine (ou de sorcière !) Sauce faite d’huile et de vinaigre. Procédé utilisé pour conserver des aliments. Un grand maître de la nature morte et du pastel. En Charente-Maritime, ils sont salés (et salants) ! Elément chimique : numéro atomique 17 – symbole CI. Vous le préférez doux ou salé ? Il relève le goût des aliments. Guide pour les apprentis cuisiniers (et les confirmés aussi parfois). Fait de sucre cuit (et parfois de beurre salé !). Élément chimique essentiel au bon fonctionnement de la glande thyroï public fait de bons petits plats. Spécialité de Dijon. Faire diminuer la salinité d’un aliment. Action de cuisine facile à effectuer avec du sucre glace. Associé au chlore, il forme le sel de table ! 8

9.

B. La sauce sucrée ou salée du restaurant japo

E. Marque de sel.

HORIZONTALES

A. Comme le Ying et le Yang, il y a le sel et le…

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1/A 2 B 3/C 4/D E F 5/G I 6 7/H J 8 K 9 L M 10 11 N 12 13 O 14 15 16 9

Du sel, du papier, des photos Quand on nous a dit à la rédaction que le thème du mois était « Salé », j’ai immé diatement pensé au tirage sur papier salé en photographie. Ben oui, ça coule de source !

Non, je plaisante. En réalité, je suis la spécialité Histoire de la Photographie à l’EDL, et je n’arrêtais pas d’entendre parler de papier salé sans savoir ce que c’était. Ça m’a motivée à mener ma petite enquête mais… que j’ai été naïve et ingénue !

En fait, le papier salé est un sujet technique assez pointu, et surtout, c’est beaucoup de physique-chimie. Menu qui n’enchante pas toujours les gens, même si c’est super intéressant. J’espère donc ne pas vous faire fuir, vous êtes prévenus. Briefing pour être un chimiste aguerri : Commençons par le début : le sel, c’est quoi ? Un cristal, le chlorure de sodium, dont la formule est : NaCl. C’est-à-dire, l’assemblage d’ions sodium (Na+) et chlorure (Cl ).

Petit rappel : Dans un atome, par définition, toutes les charges élec triques se compensent, ce qui aboutit à une entité avec une charge électrique neutre. Un ion, lui, est un atome possédant une charge électrique, parce qu’il a perdu un ou plusieurs électrons. Deuxième rappel : un cristal, c’est un assemblage de plusieurs élé ments de façon régulière et symétrique. Le sel, c’est un cristal qu’on dit « à maille cubique », parce que les ions de chlore et de sodium sont agencés de façon à former un cube. D’où la forme très géométrique des grains de sels que l’on met dans notre assiette ! Il existe des tas de « sels » sur notre planète, du point de vue de la chimie. Un sel en général, c’est une substance composée d’ions qui peut se dissoudre dans l’eau. En photographie, surtout à ses débuts, produire une image, c’est assez complexe. Il faut être calé en chimie, et les sels en tout genre, c’est un peu le b.a.-ba au XIXe siècle pour les intrépides qui s’engagent dans la voie de la photographie.

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Briefing 2 : Comment prendre une photo « photo » signifie lumière, et « graphie » écrire, donc faire une photo, c’est écrire avec la lumière, et notamment la lumière du Soleil. Le but est donc d’exposer une surface réagissant à la lumière en noircissant (photosensible). Si l’objet photographié renvoie beaucoup la lumière parce qu’il est clair, la surface photosensible noircit beaucoup, et s’il renvoie peu la lumière (objet foncé), la surface reste claire. L’image obtenue a donc des couleurs « inversées » par rapport à la réalité : le clair devient sombre et le sombre devient clair. C’est ce qu’on appelle un négatif. Pour récupérer l’image avec des couleurs correspondant à la réalité, il suffit de photographier le négatif (tirage): ainsi, le blanc deviendra noir, et inversement, nous ramenant à l’image voulue (le positif). Le tirage sur papier salé À partir du négatif, on pouvait donc rapidement reproduire à l’infini la même photo. Cette invention du négatif/tirage/positif date de 1840, et est attribuée à William Henry Fox Talbot (Willy pour les intimes), un britannique : c’est le calotype. Elle révolutionne le domaine de la photographie à l’époque.

Comme pour toutes les grandes inventions, Henry Fox Talbot ne sort pas le calotype de nulle part : avant lui, un certain chimiste allemand, Schulze, découvre le potentiel photosensible des sels d’argent, au XVIIIe siècle. Willy s’appuie aussi sur les travaux de Niepce (1ère photo, en 1827) ou ceux de Daguerre, qui arrive à créer des négatifs mais pas à contrôler leur réaction à la lumière. En fait, si la surface photosensible est laissée à la lumière trop longtemps elle finit par réagir complètement à la lumière, et donne des photos noires. Il fallait donc un produit qui réussirait à stopper la réaction chimique à un moment T. C’est Herschel qui découvre ce fixateur, l’hyposulfite de sodium, en 1819. En définitive, on ne doit à Willy que d’avoir pensé à associer tous ces éléments ensemble, pour inventer le calotype. Il conçoit en plus un nouveau support pour tirer les positifs : le papier salé.

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Avant le calotype, les photos sont sur des plaques en argent poli. On comprend mieux pourquoi le papier est très vite privilégié, et ce jusqu’à ce qu’il soit remplacé dans les années 1850 par le papier albuminé.

Comment ça marche ?

Une fois le négatif créé et fixé, du papier (souvent à aquarelle) est recouvert d’une couche de sel (le sel de cuisine suffit) puis d’une couche de nitrate d’argent. Quand elles entrent en contact, les 2 substances réagissent entre elles, et produisent du chlorure d’argent, sensible à la lumière. Il faut donc être dans une pièce à faible éclairage pendant l’opéra

Ontion.fait sécher le tout, en évitant que le papier ne gondole trop, puis on place la feuille de papier salé sur le négatif, et on les maintient l’un contre l’autre à l’aide d’un châssis (en gros, un cadre à photo). Ensuite on expose le tout au Soleil pendant 30min environ, en surveillant de temps en temps l’avancée du noircissement du positif en ouvrant le châssis. Pour finir, on fixe le positif avec l’hyposulfite de sodium, on rince abondamment et on fait sécher. Le tour est joué ! Et aujourd’hui ?

SOURCES : Dusan C. Stulik, “Salt Print”, The Atlas Signatures of Photography Processes, , Los Angeles, USA, the Getty Conservation Institute, 2013 Michel Frizot, Nouvelle Histoire de la Photographie, Milan, Italie, Bordas, mars 1995 Solène

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Le tirage sur papier salé, c’est une vieillerie sympathique. Mais ce n’est pas que ça : la technique du papier salé permet d’avoir une photo prise dans les fibres du papier, effet un peu perdu avec le numérique oud’autres techniques de développement. En plus, le tirage sur papier salé donne une couleur brun-rouge très sympa, qui change du noiret-blanc. Si ça vous intéresse, voici la recette pour tenter l’expérience : https://www.danstacuve.org/le-papier-sale/

Destins salés

Le 6 août 1945, le japonais Tsutomu Yamaguchi a 29 ans et est en voyage d’affaires à Hiroshima. Il est alors victime de la pre mière bombe nucléaire de l’histoire qui fut lâchée sur une popu lation civile. A trois kilomètres de l’épicentre, il s’en sort avec de nombreuses blessures. Le lendemain des faits, il rentre chez lui à Nagasaki. Le 9 août 1945, à peine remis de ses traumatismes, il va subir une seconde fois le cataclysme nucléaire. Le sort s’acharne mais n’a pas raison de lui. Il est reconnu “Hibakusha” : survivant de l’attaque atomique. Vers la fin de sa vie, il s’engage politiquement contre le nucléaire, témoigne dans les écoles et se fait notamment entendre à la tribune de l’ONU en 2006. Il est finalement décédé en 2010, à l’âge avancé de 93 ans.

TSUTOMU YAMAGUCHI

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A ILA Si je vous donne le nom d’Attila, vous aussi vous avez cette image du guerrier imbattable, au regard foudroyant et à la lame si tranchante qu’elle vous ferait trépasser d’un seul coup ? Attila était en effet le roi des Huns, ayant réussi à soumettre de nom breux peuples de l’Empire romain et aussi surnommé « Fléau de Dieu ». Ce grand conquérant est malheureusement décédé dans son lit, étouffé dans son sommeil par un saignement de nez. On ne remerciera alors jamais assez ces deux petits cotons dans nos narines qui nous sauvent possiblement d’une mort atroce ! Attila suivi de ses hordes barbares foule aux pieds l’Italie et les Arts (détail), vue d’artiste romantique, Eugène Delacroix, 1847

ADOLPHE-FREDERIC

Si je vous donne le nom d’Attila, vous aussi vous avez cette image du guerrier imbattable, au regard foudroyant et à la lame si tranchante qu’elle vous ferait trépasser d’un seul coup ? Attila était en effet le roi des Huns, ayant réussi à soumettre de nom breux peuples de l’Empire romain et aussi surnommé « Fléau de Dieu ». Ce grand conquérant est malheureusement décédé dans son lit, étouffé dans son sommeil par un saignement de nez. On ne remerciera alors jamais assez ces deux petits cotons dans nos narines qui nous sauvent possiblement d’une mort atroce !

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Adolph Frederick of Sweden c 1751, Gustaf Lundberg & Jakob Björck

Paul MignardJean-Baptiste Lully, 1650-1700 et Coralie16

JEAN-BAPTISTE LULLY Le célèbre compositeur de Louis XIV a eu une fin pour le moins étonnante. En 1687, pour célébrer la guérison du roi malade, Lully fait répéter “Te Deum” à ses musiciens. Malheureusement ce jour-là, l’orchestre n’est pas en rythme, ce qui a le don d’aga cer profondément le compositeur du roi. C’est alors que dans un mouvement de rage, il se frappe violemment l’orteil avec le bâton de direction, une lourde canne dotée d’un élégant pom meau. Mais l’histoire ne s’arrête pas là. La blessure s’infecte et on lui conseille d’éviter la gangrène par l’amputation. Aimant énormément la danse, il refuse et meurt la même année après que la gangrène s’est propagée. La morale ? La musique, ce n’est pas toujours le pied.

Anouck

Jo. 2 17

L’apARTé scientifique

Cela permet donc de conserver des aliments plus longtemps.

Mais une molécule particulièrement intéressante est le natron (NA 2CO310H2O). Le natron est composé de bicarbonate de soude (NaHCO3) et de chlorure de sodium (NaCl). Et les Égyptiens raffolaient de cette molécule: on en distingue différents usages, mais il est surtout connu dans l’étape de la momifica tion. En effet, le minéral pur du natron est utilisé au cours de la momification et ce dès le Moyen Empire. C’est lors de l’étape de l'excérébration que ce minéral est employé. Cette étape consiste à extraire le cerveau. « A l’aide d’une tige de bronze enfoncée par la narine gauche, l’embaumeur effondrait la lame criblée de l’ethmoïde, cad l’os séparant les fosses nasales de l’étage antérieur du crâne, et procédait à l’extrac tion du cerveau ». En gros, il fait un trou qui, après avoir chauffé l'encéphale, permet l’écoulement de ce dernier. Cette étape est assez gore, et pour nettoyer la boîte crânienne après cette étape, on utilise le natron à l’état liquide : il est coulé dans le crâne pour dissoudre les restes du cerveau. Enfin le tout est rempli d’un liquide fait de résine et de cire d’abeille avec des huiles végétales parfumées. Une fois les différentes étapes d'éviscération et d’excérébration consti tuées, le corps est également recouvert de natron à l’état solide, qui permet de le déshydrater… tout comme on utilise le sel pour conserver nos aliments.

Quel est le point commun entre une boîte de conserve et une et une momie égyptienne? Le sel, et ce grâce à sa propriété de conservation.

Concrètement, le sel déshydrate les aliments en pénétrant à l’intérieur. Cette déshydratation, si la teneur en sel est supérieure à 15%, empêche les mi cro-organismes responsables de la dégradation des éléments organiques de gran dir correctement.

Cette propriété du sel est connue depuis la Préhistoire, et il en existe deux techniques : premièrement, la technique du salage à sec, utilisée par les Gaulois pour conserver leurs viandes. En plus de conserver les aliments, les dés hydrater permet de réduire leur poids de ¼, ce qui les rend plus faciles à trans porter. La deuxième technique de salaison est le saumurage. L’aliment, plongé dans de l’eau salée, est conservé. C’est plus ou moins cette technique qui consti tue nos boîtes de conserve, mais c’est une technique que les Romains utilisaient par exemple pour conserver leurs fruits et légumes bouillis.

Beurre doux Flora: Huile d’Olive Coralie: Du moment que je peux en mettre une bonne couche sur ma tartine, m’en fiche. Cassandre: Salé ! Sans aucune hésitation. J’en suis au point de sa ler du beurre doux avec du sel de table si l’on m’en sert (non sans avoir crié au sacrilège avant). Anouck: Aussi salé que la mer morte. Solène: Beurre salé, et attention : ce lui avec les cristaux de sel de Noirmoutier !18 Choix de

doux ou salé? la Redac’Marie: Doux, mais vivant entou rée de bretonnes, je passe quotidiennement pour une hérétique… Noémie: Véganisme oblige, je ne me mêle plus de ce débat millénaire ! Mathilde: De mi-sel parce qu’il existe et mérite de retenir l’attention de tous et de ne pas être exclu du débat ! Lilou: Demi-sel pour du goût sans ris quer la crise cardiaque. 19

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Clara, présidente du club Art-Thémis sur le grill

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Enfin, ces petites précisions faites, voici pour vous une interview croustillante ! Qui es-tu ? Peux-tu nous décrire en quelques mots le club ?

Quelques petites précisions s’imposent pour certains termes dans la mesure où tout le monde n’est pas nécessairement familier avec le langage militant et ses subtilités. Si le mot « femme » est majoritairement utilisé dans cet article, il convient de préciser que nous incluons en fait toutes les personnes sexisées, c’est-à-dire perçues comme femmes par la société et subissant les discriminations qui en découlent (un terme pratique pour inclure les personnes non-binaires entre autres). Clara met aussi un point d’honneur à utiliser le genre de la majorité lorsqu’on parle d’un groupe de personnes.

Je suis Clara Belbachir Garnier et j’ai fondé le club Art-Thémis, le club féministe de l’École du Louvre. Le club est assez large, nous sommes une vingtaine réparties sur différents pôles : la présidence, la trésorerie, la communication, un pôle sensibilisation aux VSS (vio lences sexistes et sexuelles), un pôle qualité afin de vérifier que l’on utilise les bons termes, important dans les milieux militants où des termes précis sont associés à certaines choses.

Retrouvez l’intégralité de l’interview sur le site du Louvr’Boîte ;-) Dix heures et demie, jeudi matin. Nous nous engageons sans le savoir pour une interview d’une heure et demie. C’est Clara, présidente d’Art-Thémis, l’association féministe de l’École, que nous cuisinons aujourd’hui pour l’interview de ce numéro salé.

Nous organisons des conférences lors desquelles nous invitons des spécialistes de l’art, des féministes, des historiennes, des profils très variés. Là, par exemple, nous organisons une visite guidée dans le Louvre pour les adhérentes avec une médiatrice qui fait un parcours sur la représentation de la femme dans le Louvre. On a aussi des inter views, cela nous permet de lutter contre l’invisibilisation des femmes dans le monde de l’art, de les mettre en avant. Nous préparons une in terview de Martine Lacas qui est commissaire de l’exposition Peintres

Nous suivons une organisation par pôles. Nous communi quons majoritairement via les réseaux sociaux, notamment Instagram, mais aussi Twitter ou Facebook. Nous imprimons aussi des visuels. Il y a vingt-et-un membres en tout, cela nous permet d’exploiter de nom breux axes. Le féminisme est extrêmement large, on voulait toucher le plus de choses possibles, la sensibilisation aux VSS (Violences Sexistes et Sexuelles), les portraits de femmes, organiser les conférences, ça demande une bonne organisation pour pouvoir gérer tout ça toute l’an née. Pourquoi avoir créé une association féministe dans un établissement d’enseignement supérieur ?

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Déjà je pense qu’il faut que des associations féministes spon tanées se créent. Le milieu universitaire en a besoin. C’est parti d’un sentiment de nécessité : vous êtes au courant des VSS existantes dans le milieu universitaire, et pouvoir donner aux élèves le sentiment que ce sont des préoccupations que nous prenons en charge. Il existe une référente au niveau de l’administration, Isabelle Bador, mais peu de personnes sont au courant et il nous semble assez peu naturel pour les élèves de se tourner vers l’administration dans ce genre de situation. Cela tient aussi du fait que nous avons 90% de femmes à l’école, et voir qu’ensuite les hauts postes dans le milieu professionnel sont occupés par des hommes posait problème à nos yeux. Nous souhaitions agir à ce niveau-là. Quels sont vos objectifs et les actions menées par le club ?

femmes qui avait lieu au palais du Luxembourg cet été.

Art-Thémis, évidemment en rapport avec l’art. Mais aussi à la figure d’Artémis pas mal représentée et réutilisée dans les milieux féministes car c’est une femme, chasseresse, indépendante. Elle re présente une entité sororale. Nous voulions une Artémis moderne, indépendante, pas sous la coupe d’un homme. Et puis Thémis, déesse de la loi divine, pour contrebalancer l’inégalité entre les femmes et les hommes, puisqu’elle est représentée avec une balance. Donc voilà le nom sert le propos, rétablir l’égalité dans l’art, chapeautée par la figure d’Artémis. Si vous voulez plus de détails, je vous renvoie à notre page Instagram. (...)

Interview menée par Adrien et Noémie

Nous mettons en place un tas de choses ! Une table ronde avec des étudiantes de l’École du Louvre qui sont soit en master 2 soit en postÉcole depuis quelques années pour mettre en avant leurs recherches et permettre aux étudiantes de s’inspirer de leur parcours. Nous essayons aussi de développer les partenariats internes, avec ENDOrun (une course ayant eu lieu le 19 novembre soutenant la recherche contre l’endométriose) qui se déroule la semaine prochaine (l’interview a eu lieu le jeudi 11 novembre). Un partenariat va être mis en place avec l’exposition Vivian Maier, mais bon je ne vais pas tout spoiler non plus ! Nous avons aussi des projets plus lourds, avec le HCE (Haut Comité de l’Égalité homme-femme), nous aimerions bien mettre en place un système de mentorat où des étudiantes en master seraient soutenues dans leurs projets de recherches, pour trouver des financements etc. Nous élaborons aussi un jeu de société avec le club jeu, un jeu des sept familles qui devrait être prêt pour janvier ! Pourquoi avoir choisi le nom Art-Thémis ?

Les réseaux de l’association : Instagram : art_Thémis.edl Facebook : Art-Thémis: club féministe de l’Ecole du Louvre

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Retrouvez l’intégralité de l’interview sur le site du Louvr’Boîte ;-)

Du pain dans les musées

Une petite investigation au Louvr’Boîte s’impose.

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Ou comment contempler de la mie et de la croûte dansune jolie vitrine

Les plus anciens restes de pain connus sont, depuis 2018, des miettes natoufiennes, trouvées dans d’anciennes cheminées à Shubayqa, au beau milieu du désert de Wadi Rum (Jordanie). Certes, c’est peu glamour, mais ce pain d’il y a 14 400 ans est un précieux jalon, car il atteste de la fabrication de cet aliment avant le début effectif du Néolithique. La théorie développée par les spécialistes fait du pain natoufien une denrée de prestige pour hôtes de marque. Plus près de nous, du pain archéologique a aussi été exhumé en France. En 2020, l’Inrap fouille à Brebières (Pas-de-Calais) un ensemble d’habitats occupé du Second âge du Fer à l’Antiquité. Est trouvée une galette de pain, datée grâce au carbone 14 entre 40 avant et 87 après J.-C. Brûlé par un petit séjour dans le feu qui a permis sa conservation (gardez vos ratés du confinement), ce pain d’orge et de blé est peu ragoûtant, mais constitue une trouvaille extrêmement rare sous un climat qui permet diff icilement la conservation des matières organiques.

Le thème salé m’offre aujourd’hui l’occasion de pousser la porte de certaines réserves muséales un peu poussiéreuses et oubliées. Pourquoi donc cette étrange balade ? Lecteur, tout commence à l’Hôtel Drouot. Dans une des vitrines, mon regard est arrêté par un drôle de petit objet sur fond de velours vert. Ce qui ressemble fortement à une éponge de mer en train de décéder est étique té comme du “pain du siège de Paris”. Ma curiosité farfouille la base Joconde et y trouve la trace d’un autre morceau de ce pain, au musée d’Argenteuil. Il y a donc bien du pain dans les musées.

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Mais où donc admirer du pain archéologique ? Au Louvre. Eh oui. Ce n’est une surprise pour personne qu’on y trouve des moules à pain romains, et même à gâteaux (#Mari), mais la salle 332 du département des Antiquités égyptiennes présente bien de véritables morceaux de pain égyptien. Les quatre spécimens proviennent tous de Deir el-Médineh et remontent au Nouvel Empire. L’un d’entre eux a même voyagé en Australie en 2007 dans le cadre d’une exposition : jolie carrière pour une miette de la XVIIIe dynastie. Mais la collection de pains absolument incontournable est sans aucun doute celle du Mucem. Imagine lecteur, 1267 pains en réserve, dont un millier légués au musée par une infatigable col lectionneuse ! La plupart datent du XXe siècle et témoignent de pratiques anthropologiques diverses. Le musée conserve ainsi des pains en forme de bras ou de jambes, ex-voto fréquemment produits en Calabre. La variété des modèles est de mise : femmes à trois seins, sirènes, anges, même un adorable cerf en ronde-bosse qui fait l’unanimité à la Rédaction. Je mentionne tout spécialement ce pain d’épices de presque 1 kg représen tant Napoléon franchissant le Grand Saint-Bernard, produit vers petits exemplaires fran çais n’ont tout de même pas la classe de l’ensemble votif de la XVIIIe dynastie conservé au British Museum, composé de pains et de canards cuisinés (oui oui, conservés eux aussi) disposés sur un support de vannerie. Le musée conserve aussi quelques miettes de pain pompéien, retrouvées avec des figues, et achetées en 1772 à Sir Hamilton lui-même.

Nos1800.

Les communiqués de l’INRAP, dont l’un est dédié à la découverte du pain de Brebières, et qui fourmillent souvent de trouvailles inattendues : www.inrap.fr 26

Si le coeur (et l’estomac) vous en dit, quelques sources : J-F Chougnet, Mucem - un musée à (re)découvrir en 40 notices, Ed. du “ArchaeobotanicalChêne

Une question se pose enfin. Quid de la conservation de ces prouesses de pâte ? Les spécialistes du Mucem ont leurs petites recettes. L’azote et la congélation à -25°C permettent la plu part du temps de déloger efficacement tout micro-organisme ou moisissure un peu trop vorace. Et le traitement préventif consiste à injecter de la résine à l’intérieur de certains pains, pour remplacer les bulles d’air. Voilà un comble pour ce numéro Salé, mais pas un seul de ces pains n’est en fait comestible ! Sans doute pas davantage que les fromages ou la maquette en sain doux que le Mucem compte aussi dans sa collection...MarieVuillemin

evidence reveals the origins of bread 14,400 years ago in northeastern Jordan”, à consulter sur le site de l’Académie des sciences américaine : www.pnas.org

Cœur de pierreAthéna du Pirée

L’Athéna du Pirée a été découverte en 1959 lors de forages pour des canalisa tions, ce n’est que quelques jours plus tard que les ouvriers, dirigés par l’archéologue Efthymios Mastrokostas, ont sorti la sta tue à l’angle de la rue Philonos et de la rue Georgiou I. Il faut noter que cette statue n’a pas été retrouvée seule, trois autres statues, en bronze également, ont été découvertes à peu près au même moment que l’Athéna. Ce qui a beaucoup frappé, c’est son état de conservation, elle est en très bon état même si le contexte de fouilles et son abandon provisoire sur le sol humide du musée du Pirée l’ont quelque peu abîmée. Plusieurs théories ont été émises quant à son contexte de fabrication, je ne reviendrai pas sur sa datation qui sera abordée plus tard par mes consœurs. La pièce a été retrouvée près du port principal d’Athènes, elle pouvait donc être placée dans un entrepôt ou une stoa afin d’être exportée en Grande Grèce ou ailleurs. Cette hypothèse semble plausible car les statues du Pirée étaient vraisembla blement emballées. Aussi, une pièce de monnaie datée de 87-86, frappée du portrait de Mithridate VI et découverte avec les statues, vient confirmer cette théorie. En effet, si nous prenons en compte le fait que le Pirée fut conquis par Sylla en 86 av. J.-C., dans ce cas, les Romains auraient pu capturer ces statues pour les amener à Rome comme butin. Autre hypothèse intéressante, ces statues auraient appartenu au sanctuaire de Zeus Soter et Athena Soteira, mais l’argument est léger : seulement un traité simi laire du drapé entre l’Athéna du Pirée et une statue d’Eirene élevée par le sculpteur Céphisodote l’Ancien, entre autre connu pour avoir réalisé une statue d’Athéna qui se trouvait dans ce fameux sanctuaire. Enfin certains chercheurs pensent que ces statues proviennent de Délos. Parmi ce corpus de statues, on trouve des statues d’Artémis, déesse née avec son frère sur cette île.    Raphaël Papion H:Bronze235cm Original vers 350 av. J.-C. ou copie du IIe s. av. J.-C. Découverte au Pirée en 1959 Le Pirée, archéologiquemusée 27

Néanmoins, au regard du contexte de découverte, il est possible qu’il s’agisse d’une réplique du IIe siècle av. J.-C. destinée à être exportée à Rome. Cette statue n’était effectivement plus visible des Romains depuis 86 av. J.-C., or ceux-ci l’ont copiée, comme l’illustre l’Athéna Mattéi, ce qui démontre qu’un autre exemplaire existait par ailleurs (l’original ?) ; même si les Romains ont aussi transporté nombre d’originaux grecs chez eux. Lyse Debard Cette statue en bronze plus grande que nature représente incontestablement Athéna, la main droite portée vers l’avant, paume ouverte, et le bras gauche le long du corps. Sans doute tenait-elle dans sa main droite une chouette, une phiale ou bien une Nikè à l’image de l’Athéna Parthénos. Un bouclier et une lance pouvaient être placés du côté gauche. Comme à son habitude,

L’introduction d’une certaine expressivité et, dans le cas de cette Athéna, le mo tif du rabat, contribuent au renouvellement de la sculpture durant le second classicisme.

En outre, la datation de cette œuvre fait débat : qui ne serait pas tenté de voir ici un original grec en bronze ? Celui-ci serait à dater du IVe siècle av. J.-C. et à attribuer notamment à Céphisodote, le père de Praxitèle, ou à Euphranor, lui-même peut-être élève de Céphisodote et dont un original en marbre, l’Apollon Patrôos (musée de l’Agora d’Athènes), comporte des caractéristiques stylistiques rappelant l’Athéna du Pirée.

28 la déesse porte un casque, orné ici d’un serpent enroulé à la base du haut cimier, de chouettes sous les yeux du casque et de griffons apotropaïques (protecteurs) de part et d’autre du cimier. L’égide, avec le gorgoneion, est disposée en écharpe. Elle est vêtue d’un long péplos ceinturé à la taille. Cette ceinture est dissimulée sous un rabat dont l’ex trémité inférieure forme une diagonale de sa hanche droite au genou gauche, rompant ainsi l’effet de cannelures produit par le drapé sur la jambe portante, tandis que sa jambe gauche, libre, épouse davantage le vêtement. De dos, le rabat, ramené sur les épaules pour former deux amas d’étoffe de longueur inégale laissant voir la ceinture, crée un motif original. La tête de la déesse est inclinée vers la droite : l’arête du nez est bien droite et relativement large, située dans le prolongement des arcades sourcilières presque en arc de cercle ; la bouche est petite et entrouverte ; les joues sont plutôt pleines, laissant légèrement transparaître les pommettes, le menton est un peu plus saillant. Les yeux incrustés de roches, ainsi que les cils, sont heureusement conservés. Ils donnent toute sa vie à la statue et participent de son expression rêveuse. Sa chevelure apparaît sous le casque, ondulant vers l’arrière de la tête et couvrant le haut des oreilles. Cependant, la tête paraît bien petite comparée à l’ampleur du corps, notamment du péplos.

Et pourtant le jeu des 7 différences est aisé : le bras droit est appuyé contre la hanche (accentuant l’oblique et le contrapposto), et non levé avec la paume tournée vers le ciel. Inversement pour la main gauche dont la paume est orientée vers le ciel (mais ceci est issu d’une restauration plus récente et doit être écarté de l’analyse). Le changement du bras droit n’est pas anodin car il prive la déesse de son hypothétique chouette. Si elle figurait sur l’original en bronze, le copiste romain n’a pas semblé juger nécessaire de la reproduire et a préféré un caractère plus animé et moins solennel. Nous remarquons également l’absence du long cimier sur la copie. Cependant le serpent étant fragmentaire, peut-être avait-il été sculpté avant de se briser car plus fragile. La précision dans les détails du casque (deux griffons flanquant

Datée entre le Ier siècle avant J.-C. et le IIe après J.-C., elle mesure 2m30, soit presque à échelle 1. La posture légère ment voûtée, l’égide et le rabat transversal, la disposition du drapé sur ses jambes ou sa poitrine, ainsi que le visage (arête du nez large, petite bouche entrouverte ourlée) nous permettent de la définir comme la copie de notre bronze.

le serpent), pourtant placés à 2m30 du sol, témoigne de la connaissance de l’œuvre du copiste et de sa vo lonté de la copier le plus justement possible. Cepen dant sur les parties couvrant les joues, les chouettes ont été substituées par des béliers. Cet écart se justi fie par la signification nettement plus forte que revêt le bélier pour les romains que la chouette: il est l’ani mal de Mars, dieu de la Guerre à Rome, et symbolise les sacrfiices cultuels. Ces quelques adaptations, somme toute mi nimes ici, nous montrent que les copies romaines ne sont pas de serviles reproductions, mais bien des œuvres sélectionnées pour leur intérêt esthétique et symbolique, adaptées à la clientèle romaine philhel lénique et à leurs traditions.

Lilou F 29 Le plus grand défi dans l’étude de la statuaire grecque consiste en la rareté des sources directes : une grande partie de la production étant en bronze et refondue plutard. Pour retrou ver l’aspect des originaux grecs, une méthode consiste à croiser les descriptions de voyageurs tel que Pausanias, avec les copies romaines en marbre qui nous sont parvenues. Mais comment être sûr de la fiabilité de ces copies réalisées dans un matériau différent et à destination d’une autre culture ? Retrouvée en Ita lie et exposée au musée du Louvre Abu Dhabi, l’Athéna Mattei permet de comparer un original et sa copie romaine.

Pour connaître la composition de la peinture, nous cherchons les premiers indices dans les textes. Vasa ri dans ses Vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes, Alberti dans son traité De la peinture à la Renaissance nous ont donné les recettes des plus grands maîtres. Avec tout cela, nous avons de quoi répondre à notre question !

>>> Mais comment peut-on connaître la véritable composition d’une peinture ? Pourquoi les vernis ont-ils plutôt tendance à jaunir ? A quoi cela peut-il bien servir de rajouter du vinaigre dans le mélange ?

Peinture et conservation

Si ces questions vous ont déjà traversé l’esprit, ou si, curieux, vous souhaitez en savoir davantage, cherchons à comprendre quels sont les pro blèmes de conservation que posent les composants de nos peintures. <<<

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Cependant, chaque artiste avait sa façon de faire et ces écrits ne sont pas exhaustifs. Pour pallier ce problème, la peinture peut être analysée chimiquement dans un laboratoire permettant de faire une Spectroscopie Infrarouge (IR) ou à Résonance Magnétique Nucléaire (RMN). Ces méthodes permettent à l’aide des rayonnements émis de connaître la composition chimique de la peinture.

Si les articles précédents vous ont donné faim, il estprobable que vous soyez en train de lire celui-ci dans votre cuisine. N’en sortez pas. Pas encore du moins ! Il y a dans vos placards de quoi faire de l’art ! Vous le savez,évidemment. Peut-être même l’avez-vous tenté ! Liant à l’œuf, peinture à l’huile ou encore citron ou vinaigre.

les chercheurs ont-ils obtenu ? Le liant et les pig ments ne sont pas, comme nous l’avons vu plus haut, les seuls ingré dients de la peinture. Des conservateurs - comme pour la plupart des aliments que nous mangeons - sont ajoutés. Parmi eux, nous pouvons citer le clou de girofle, le vinaigre, le vin blanc ou le citron ! Je vous avais bien dit de rester en cuisine. Comment fonctionnent-ils ? Ils forment un milieu défavo rable au développement de micro-organismes (les champignons par exemple) pour que la peinture ne soit pas altérée par leur installation ! Les vinaigres et le citron rendent le milieu acide ce qui empêche un développement bactérien. Cependant, ces méthodes ne sont pas tout à fait infaillibles. Les artistes ajoutent alors un vernis protecteur supplé mentaire. Cette composition non pigmentée résulte du mélange d’un liant (résine, huile...) et d’un solvant (essence, alcool...). Il permet de protéger l’œuvre des fumées, poussières, frottements ou projection de gouttes d’eau. Et si vraiment tout cela ne suffit pas, une vitre peut éga lement être apposée sur la toile. Avec toutes ces barrières, il est aisé de comprendre que ce véritable parcours du combattant n’est pas accessible à tous les germes !

Chaque liaison entre atomes d’une même molécule va émettre une longueur d’onde bien précise. En repérant sur le spectre les pics connus et en les associant à la bonne liaison du répertoire, il nous est possible de faire une véritable carte d’identité du mélange. Cependant, à cette étape, nous connaissons la recette finale, après que les éléments aient interagi entre eux ! Comme si on avait goûté un gâteau et que nous étions capable de dire quel goût il a : cela ne nous donne pas la com position exacte (la farine et le sucre mélangés aux œufs, par exemple, sont indissociables une fois la pâte mélangée). Ces méthodes dites non invasives sont les préférées des chercheurs puisque comme leur nom l’indique, elles n’abîment pas l’œuvre (contrairement à un prélèvement par exemple).Quelrésultat

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touchées par trois types d’oxydations : l’auto-oxydation, iné vitable et liée au dioxygène présent dans l’air ; la photo-oxydation qui est due à l’exposition à la lumière et l’oxydation enzymatique due au travail des cellules de la plante qui ont été extraites de l’huile, beaucoup plus marginale. Voilà pourquoi il est souvent dit que la lumière abîme les œuvres au L’utilisationpassage.de

certains pigments végétaux peuvent avoir une conséquence sur cette oxydation, aussi bien positive (ils sont alors appelés inhibiteurs) que néfastes, en accélérant le processus (ce sont les catalyseurs). C’est notamment cette oxydation qui jaunit les vernis. Les résines sont soumises au même phénomène.

Néanmoins, l’huile n’est pas non plus sans défaut de conserva tion. Les acides gras présents dans l’huile ont tendance à s’oxyder, sur tout lorsque ceux-ci ne sont pas saturés (on dit d’un élément chimique qu’il est saturé lorsqu’il ne possède aucune double liaison, aucun siège vide entre deux spectateurs au cinéma si vous préférez).

Si on résume : les conservateurs empêchent les œuvres peintes de devenir des appartements douillets pour les micro-or ganismes tandis que le vernis jaunit par l’action de l’air. Voilà aussi pourquoi la conservation préventive a tant de sens : une œuvre d’art est aussi bien une expression artistique qu’un objet qui interagit avec le monde qui l’entoure. Le rôle des conservateurs-restaurateurs se doit alors de jongler entre analyses scientifiques et recherches d’historien de l’art pour comprendre au mieux leur sujet et répondre au mieux à ces problématiques.

Mathilde RODRIGUES

Toutes les huiles ne sont alors pas égales : les huiles animales sont par exemple beaucoup plus saturées que les huiles végétales.Ellessont

Louvrboite.fr

Voilà le nouveau lien favori de ton navigateur pour ce mois de décembre ! Car oui, le Louvr’Boîte s’exporte aussi sur internet avec un incroyable site qui te propose de continuer ta lecture et ta dégustation avide de ce numé ro Salé depuis ton téléphone ! Au programme : Découvre la magnificence de la Salière de Cellini et l’histoire de son créateur ; plonge dans l’univers de la Terre du Milieu du professeur Tolkien pour découvrir les origines et la fabrication de l’iconique pain lembas ; Ou encore continue ta lecture de l’interview de la présidente du nouveau club Art-Thémis !

Un article sera posté tous les deux jours dès le début des ventes le 6 dé cembre. Rendez-vous donc le 6, 8 et 10 décembre sur le Louvr’Boîte vir tuel. (Et profites-en pour relire ou découvrir les anciens Cassandrearticles…)BRETAUDEAU33

Mots croisés Réponses 34 P I N C E E O V I N A I G R E T T E S V S A L A I S O N C H A R D I N B A J U E A R U M A R A I S H L A C H L O R E S B E U R R E C E D P I R I I L A S S A I S O N N E M E N T N E E T P I T R E C E T T E L E - E Z E R T H L R C A R A M E L I O D E A E R O L S S R E S T A U R A N T A T E N N M O U T A R D E N E P M U G D E S S A L E R U X L R S A U P O U D R E R D S O D I U M E R

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Couverture : ©Elsa Clairay p.2 : Image Pixabay p.3-7 : ©Blandine Adam p.10-12 : Image Pixabay p.13 : Image Pixabay p.14-16 : Images Pixabay, Images Wikipedia Commons p.18-19 : Image Pixabay p.20 : ©Coralie Gay p.21 : ©Art-Thémis p.23 : ©Art-Thémis p.25 : ©Suzanne Gilles p.26 : ©Honoré Fuligni p.27 : ©Lyse Debard p.28 : ©Giovanni Dall’Orto p.29 : ©Giovanni Dall’Orto p.30-32 : ©Blandine Adam p.33 : Image Pixabay p.35 : Image Pixabay 35

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