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Pourquoi pas N 2 / EST. 2012 o
Cap sur l’Islande : embarquez à bord du journal francophone le plus septentrional d’Europe
VOTRE EXEMPLAIRE GRATUIT
N°2 — Édito
MANIFESTE du Pourquoi pas Par Lea Gestsdóttir Gayet - Photo : Julien Ratel
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ous sommes heureux de lancer le deuxième numéro du Pourquoi Pas, destiné à tous les francophones curieux de découvrir l’Islande. Le Pourquoi Pas est né en février 2012 lorsque deux membres de la future équipe sont allés enquêter sur les traces des pêcheurs d’Islande dans les Fjords de l’Est. Ensuite, tout est allé très vite. Un premier numéro a vu le jour l’été 2012 et l’aventure continue encore et toujours avec le lancement du site (www. lepourquoipas.is) et la publication du second numéro que vous tenez entre vos mains. Le Pourquoi Pas est un journal en français donc. Mais alors, pourquoi publier dans la langue de Molière au soixante-sixième degré nord ? Deux réponses à cette question : 1. Pourquoi Pas ?! 2. Parce que c’est une évidence pour nous. La vie des fondateurs du journal est intimement liée à la France et à l’Islande. Nous passons notre temps à observer les deux pays avec tendresse et intérêt. Lorsque les vagues de touristes francophones se sont faites de plus en plus puissantes dans le Grand Nord, nous avons vite compris
LEA GESTSDÓTTIR GAYET
LE POURQUOI PAS ENTRE PARIS ET REYKJAVIK ENTRE L’ÉQUATEUR ET LE CERCLE POLAIRE
que notre connaissance des deux pays pouvait être utile à beaucoup. Certes, des publications sont d’ores et déjà disponibles pour les voyageurs se rendant en Islande : brochures, cartes, journaux… mais tout est rédigé dans la langue de Shakespeare ! Face à ce constat, notre entreprise résulte d’une démarche modestement qualifiée de philosophique. La diversité est ce qui fait la beauté de ce monde. S’il existe 6000 langues, pourquoi se limiter à l’anglais ? Publier en français est original et répond à un besoin réel des voyageurs sur le terrain. Cette démarche invite par ailleurs les Nordiques à se pencher de plus près sur une langue latine. Bref, cela ne peut qu’encourager les relations entre la francophonie et l’Islande. D’autre part, les rédacteurs du Pourquoi Pas ont décelé une tendance des papiers anglophones à se « hypster –iser » et à se poser en maîtres du bien-pensant. Le Pourquoi Pas, lui, se veut à la fois tendance, cool, futile, ringard, réactionnaire, bohème, drôle, ridicule, et avant-gardiste. Le Pourquoi Pas a vocation à être un papier ouvert à toutes les cultures, du moment que l’Islande demeure le sujet principal.
BERGÞÓRA JÓNSDÓTTIR
64°08 N – 21°56 W
Dans notre premier numéro par exemple, une demi-page était rédigée en italien et nous espérons continuer à évoluer dans ce sens. Les thèmes du Pourquoi Pas sont divers et variés : culture, danse, cinéma, art, politique, sexe, mode, billets d’humeur, et photographie y sont entre autres traités. Vous y trouverez également des interviews et des reportages. Le Pourquoi Pas n’est fermé à aucune opinion et encourage la participation de ses lecteurs. Le Pourquoi Pas est un guide pour les voyageurs se rendant en Islande. Le Pourquoi Pas fait rêver ceux qui le lisent à l’autre coin du globe. Le Pourquoi Pas amuse les francophones vivant en Islande. Le Pourquoi Pas a un lectorat potentiel de 35 000 personnes, ce qui est parfait pour rester fantaisistes (dans le sens où on fait ça entre nous, dans la confidence) tout en maintenant naturellement un minimum de sérieux.
Nous avons un nouveau gouvernement, le président de la République a effectué une visite officielle en France et les Islandais ont fini 18e à l’Eurovision. Et surtout, les Islandais ont enfin réussi à battre l’équipe de France de handball ! Il est difficile de rendre compte d’une année entière dans un seul numéro de 16 pages, c’est pourquoi nous vous renvoyons vers notre site web le reste de l’année (www.lepourquoipas.is). Pour cette seconde édition, l’équipe du Pourquoi Pas vous propose un journal axé autour des figures principales de la vie publique islandaise. On essaiera de comprendre comment le gouvernement considéré comme étant responsable de la crise a pu remporter aussi facilement les élections législatives. On se penchera aussi sur la vie culturelle, en découvrant ce qui fait la spécificité du cinéma, de la musique et de la littérature islandaise. On fera un détour par la mode, en comparant les tendances de Reykjavík à celles de Paris. Enfin, cette édition 2013 sera ponctuée de portraits d’Islandais de tous genres !
Bonne lecture et surtout, bon séjour en Islande !
Bonne lecture à vous, et si l’envie vous prend, envoyez-nous quelques lignes… rédigées dans la langue de votre choix !
VIRGINIE LE BORGNE
FONDATEURS : Lea Gestsdóttir Gayet Bergþóra Jónsdóttir Virginie Le Borgne Serge Ronen
GRAPHISME : Bergþóra Jónsdóttir
RÉDACTRICES EN CHEF : Lea Gestsdóttir Gayet et Virginie Le Borgne
ONT PARTICIPÉ À CE NUMÉRO : Axelle Detaille, Viktor Gestsson Gayet, Corinne Leleu, Gilbert Muller
JOURNALISTES : Lea Gestsdóttir Gayet Virginie Le Borgne Sébastien Marrec Serge Ronen
IL S’EN EST PASSÉ DES CHOSES EN ISLANDE DEPUIS L’ÉTÉ DERNIER !
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION : Axelle Detaille
PHOTOGRAPHES : Lea Gestdóttir Gayet Virginie Le Borgne Ryan Marlen Julien Ratel Simon Steel
AXELLE DETAILLE
REMERCIEMENTS : La liberté et l’optimisme débordant islandais, tous ceux qui ont soutenu ce projet par leur confiance et leur financement, la France, l’Islande. Sandra Dwarf. Rut Ingólfsdóttir. Þorleifur Gunnar Gíslason. Un grand merci à Arnór Bogason pour la création de notre site web. IMPRESSION : Morgunblaðið Hádegismóum 2, 110 Reykjavik Islande
SERGE RONEN
Le LPP se veut un journal ouvert à toutes sortes d’opinions. Pour soumettre des articles ou des billets d’humeur, veuillez envoyer un courrier électronique à l’adresse suivante : lpp@lepourquoipas.is Visitez aussi notre site web : www.lepourquoipas.is
N°3 — Politique
ÓLAFUR RAGNAR GRÍMSSON
Ólafur, 70 ans, est originaire de Ísafjörður, dans les Fjords de l'Ouest. Il a épousé en secondes noces, Dorrit Moussaief, descendante de Ghenghis Khan. Il a été élu 4 fois président, sa dernière victoire remontant au 30 juin 2012. Le président n’exerce en Islande qu’une fonction de représentation. Le pouvoir exécutif se trouve entre les mains du Parlement. Les élections qui déterminent l’action politique de l’Islande sont de ce fait les législatives.
Âgé de 58 ans, François Hollande a fait ses classes à l’Ecole Nationale de l’Administration (ENA). D’abord magistrat à la Cour des comptes, il est ensuite avocat. Il devient premier secrétaire du parti socialiste en 1997, poste qu’il occupera pendant onze ans. Il est également maire de Tulle, une commune du SudOuest de la France, entre 2001 et 2008. Le « président normal » a pris la tête du pays le 15 mai 2012. Socialiste, il a été élu sur des valeurs telles que la justice sociale et l’égalité.
Ólafur doit sa popularité à son refus de ratifier les accords Icesave négociés par le gouvernement de gauche, ce qui explique en partie le succès de la droite aux dernières législatives. La résidence officielle du Président de l'Islande est Bessastaðir, à 10 km de Reykjavik. Il n’y a pas de sécurité au portail et tout Islandais peut pratiquement se rendre sur le perron de son président. La voiture officielle du Président de la République est facilement reconnaissable : la plaque d’immatriculation porte le numéro 1.
Il rencontre sa première compagne, Ségolène Royal, lors d’une soirée de l’ENA dans les années soixante-dix. De leur union naîtront quatre enfants. L’annonce de la séparation de François Hollande et Ségolène Royal est annoncée le soir du deuxième tour des élections législatives de 2007. Trois ans plus tard, il officialise sa relation avec Valérie Trierweiler, journaliste. Cet épisode continue d’alimenter beaucoup de rumeurs.
FRANÇOIS HOLLANDE
N°4 — Politique
ÉLECTIONS LÉGISLATIVES : la gauche fait naufrage, la droite reprend le gouvernail, les pirates à l’abordage Par Sébastien Marrec
64°08 N – 21°56 W
RÉSULTATS DÉFINITIFS DES ÉLECTIONS LÉGISLATIVES (en nombre de députés par parti) PARTI DE L'INDÉPENDANCE PARTI DU PROGRÈS MOUVEMENT VERT-GAUCHE ALLIANCE
19
PARTI PIRATE
19
7
9
3
6
AVENIR BRILLANT
Le LPP revient sur les élections législatives d’avril dernier qui ont mené la droite au pouvoir. Cette même droite tenue pour responsable de la crise financière en Islande. Comment expliquer ce virement de bord ? L’Islande sous un gouvernement formé par une coalition de partis de gauche pendant quatre ans ? Certainement une anomalie pour une nation qui, depuis son indépendance en 1944, a toujours été gouvernée par une coalition de partis de droite, par le seul Parti de l’indépendance ou plus rarement par une coalition entre ce dernier et la gauche. C’est en tout cas ce que semble montrer la victoire de l’actuelle opposition aux élections législatives du 27 avril dernier, qui renouvelaient les 63 membres du Parlement islandais, l’Alþingi, pour les quatre prochaines années. Les résultats signent le retour des partis de droite qui ont gouverné ensemble entre 2003 et 2007, le Parti de l’indépendance (conservateur) et le Parti du progrès (centre-droit et agrarien). Les partis de gauche de l’actuelle coalition, l’Alliance (social-démocrate) et le Mouvement des verts (socialiste et écologiste), ont donc été durement sanctionnés : ils ne sont pas seulement revenus à leurs scores habituels d’avant 2007 ou 2009, dates auxquelles ils avaient connu des résultats historiques, mais ont obtenu des scores largement inférieurs. Le Parti de l’indépendance est arrivé en tête avec 26,7 % des voix, soit trois points de plus qu'en 2009 mais dix de moins par rapport à 2007. Le Parti du progrès, qui avait enregistré son plus mauvais score en 2007 avec 11,7 % des voix, réalise une percée en atteignant 24,4 %. L’Alliance plonge à 12,9 % (29,8 % en 2009) et le Mouvement des verts à 10,87 % (21,7 % en 2009), son plus mauvais score depuis 2003.
Personne, l'an dernier, n’aurait présagé cette popularité du Parti du progrès, apportée par son opposition répétée et stricte à tous les plans de remboursement des épargnants lésés par la faillite de la banque en ligne Icesave, filiale de l’une des trois principales banques du pays. En janvier, le parti était aux premières loges pour se féliciter du jugement de la Cour de l’Association Européenne de libreéchange, qui a donné raison à l’Islande contre le RoyaumeUni et les Pays-Bas, principaux États où la banque était implantée. Les Islandais s’étaient déjà opposés à deux reprises à des compromis de remboursement directement négociés par les gouvernements concernés via des référendums. Le Parti de l’indépendance était lui favorable aux offres de remboursement, ce qui a nui à ses résultats, alors que son leader a souffert de contestations internes au parti et d’un manque de légitimité.
le sujet en annonçant en 2009 son soutien à la candidature d’adhésion, avec néanmoins des demandes de concessions. Il est depuis revenu à ses premières amours, c’est-à-dire à une opposition farouche. Les deux partis n’ont pas précisé de date pour un référendum portant sur la poursuite ou non des négociations, qu’ils ont cependant promis. La perspective de voir l’Islande devenir le 29e État de l’Union après la Croatie s’éloigne durablement. Les résultats historiquement bas des deux principaux partis de gauche apparaissent aussi comme une dure sanction à
rempli les critères de satisfaction du FMI, elle a déçu ses électeurs traditionnels mais aussi ceux qui par mécontentement s’étaient tournés exceptionnellement vers elle lors des précédentes élections. Malgré la résorption du chômage, elle s’est montrée incapable de redonner aux Islandais les niveaux de revenus d’avant la crise et surtout de régler l'épineux problème de l'endettement privé. Celui-ci est resté la préoccupation première de nombreuses familles condamnées à rembourser à des taux prohibitifs des emprunts contractés avant la crise pour acheter des biens qui ont depuis souvent perdu une grande
MALGRÉ LA BAISSE DU CHÔMAGE, LES ISLANDAIS N'ONT PAS RETROUVÉ LEURS REVENUS D’AVANT LA CRISE.
Euroscepticisme et désaveu
Les résultats de cette élection ne sont pas une surprise dans la mesure où, d’une part, les sondages donnaient depuis le départ les partis d’opposition gagnants, et si l’on prend en compte, d’autre part, un euroscepticisme croissant chez les Islandais ces dernières années, avec la crise de la zone euro. Le gouvernement actuel avait présenté sa candidature d’adhésion à l’Union européenne en 2009, sans que la légère approbation publique traduisît une soudaine ferveur populaire pour cette perspective. Même si un référendum portant sur la signature d’adhésion était annoncé à l’issue des négociations (actuellement en pause), le retour de la droite signifie leur arrêt pur et simple. Si le Parti de l’indépendance est historiquement hostile à toute entrée dans l’Union, le Parti du progrès avait fait évoluer sa ligne politique sur
l’égard de la coalition qui a dû prendre les rênes du pouvoir dans des conditions inédites, juste après le début de la crise financière. La contestation était alors à son comble avec la révélation de scandales publics, la succession d’importantes manifestations et la démission du gouvernement. Élu davantage dans l’espoir d’un retour à l’ordre économique que pour des motifs idéologiques, le nouveau gouvernement s’était d’ailleurs résolu à des décisions impopulaires contraires à ses promesses : une augmentation nette des impôts et des taxes (notamment sur la propriété), la réduction générale des dépenses publiques, la reprivatisation des banques… Si la gauche avait
partie de leur valeur. Quant au Mouvement vert-gauche, son opposition à l’adhésion à l’Union qu’il partage avec la droite ne l’a pas vraiment sauvé. La pratique du pouvoir en coalition avec un parti qui est lui favorable à cette entrée l’a affaibli. Les dissonances entre députés de la majorité, souvent au sein du même parti, ont d’ailleurs porté atteinte à la cohérence gouvernementale et à l’avancement des projets de lois ces quatre dernières années.
L'irruption des pirates
Ce désaveu a certainement bénéficié au Parti Pirate islandais, fondé sur le modèle du Piratpartiet suédois, et qui comme lui, s’attache à promouvoir
le libre partage des données informatiques, la suppression des droits de copyrights, des brevets et à défendre la protection de la vie privée en général. Créé en novembre dernier, il a récupéré une partie des voix protestataires et a obtenu suffisamment de suffrages pour être représenté, même s’il faut garder à l’esprit que l’électorat des « petits partis » est très volatil en Islande et que les Pirates ont en quelque sorte remplacé le défunt Mouvement civique de 2009. L’Avenir brillant (Björt Framtíð), un autre nouveau venu issu du Meilleur parti (Besti flokkurinn) fondé notamment par l’actuel et excentrique maire de Reykjavik, Jón Gnarr, a décroché 8,3 % des voix. Il veut dans sa pratique donner une nouvelle conception de la politique et est aussi favorable à l’Union européenne. Le retour à une coalition semblable à celle d’avant la crise, rejetée et jugée pour son corporatisme et sa responsabilité dans la crise, ne manque pas de soulever des interrogations : quid de la nouvelle Constitution, déjà à moitié enterrée ? Du bureau du procureur spécial enquêtant sur les affaires de corruption et de crimes financiers ? De la réforme du système des quotas de pêche ? Et du changement de monnaie ? Les promesses électorales des partis de droite ne peuvent pas rassurer ceux qui se souviennent de la politique menée avant la débâcle, et qui ne comprennent pas que la faculté à oublier puisse aller jusqu’à voter pour les mêmes partis tenus responsables de celle-ci. Mais l’Islande est encore une jeune démocratie qui préfère prospecter l’avenir comme thérapie aux erreurs de son proche passé. Jusqu’à la prochaine crise.
N°5 — Découverte
FJALLABAK : quand la nature joue les peintres impressionnistes Par Gilbert Muller - Photo : Julien Ratel
Il est des paysages qui ne se contentent pas de flatter le regard, ils ont le fascinant pouvoir de vous toucher au plus profond de l’âme… Des paysages que l’on ne ressent et n’apprivoise totalement qu’une fois les yeux fermés. Comme son nom l’indique dans la langue des anciens Vikings, Fjallabak se cache derrière les montagnes. Au milieu des sombres décors de basalte noir, en Islande, quelque part se trouve une oasis de couleurs qui semble directement échappées des palettes des plus grands peintres impressionnistes. Elle est le chef d’œuvre d’un génie excentrique. Ici c’est la rhyolite qui domine. Roche composée en majeure partie de silice, elle se caractérise par ses couleurs allant d’un vert profond à un jaune éclatant en passant par un rouge flamboyant. Gigantesque caldeira effondrée, la région est issue de la forge du Tórfajökull, un des volcans centraux les plus productifs
d’Islande. Âgé de plusieurs millions d’années, il entame sa phase de déclin. Les éruptions se font plus rares et l’activité géothermique devient dominante. Façonnée ces 10 00 derniers siècles, Fjallabak est la révérence d’un artiste qui tient à laisser son empreinte dans l’éternité. Le site jouit d’une exceptionnelle combinaison d’activité volcanique, de géothermie, et de glaciers… Un concentré d’Islande en une seule région ! Les autorités ne s’y sont d’ailleurs pas trompées en déclarant Fjallabak et ses 47 000 hectares réserve naturelle en 1979. L’Islande s’engage ainsi dans divers programmes incluant la préservation des sites, de la faune, de la flore et la prévention de toute dégradation. À l’heure de l’arrivée du tourisme de masse, il est vital de préserver ses joyaux les plus précieux et les plus fragiles. L’isolement des hautes terres et leur climat rude poussent la
Le plus français des cafés d 'Islande
KAFFI SUMARLÍNA Crêpes et gaufres – spécialités de fruits de mer, d'agneau et pizzas. Dans le « village français » des Fjords de l’Ouest Buðavegur 59 • 750 Fáskrúðsfjörður • Téléphone 475 – 1575 www.sumarlina.123.is • sumarlina@simnet.is
63°56 N 19°03 W
faune et la flore à rester muettes dix mois de l’année. Elles n’ont que deux mois pour crier au monde leur existence et c’est à ce moment qu’il faut les aborder.
rouge sang abritant des eaux turquoises qui n’a de laid que le nom. Ils manqueront aussi Frostastaðavatn avec son champ de lave originel plongeant dans un lac vert émeraude.
La majorité des touristes qui s’aventureront dans ces hautes terres farouchement inaccessibles neuf mois par an la traverseront d’est en ouest. Ils s’offriront un arrêt à Landmannalaugar, présenté inexorablement comme l’endroit immanquable du site.
La grande partie des innombrables trésors de Fjallabak ne connaîtra pas l’affluence du Landmannalaugar. L’essence même de cette région est qu’elle ne se livre qu’à ceux qui quittent les sentiers battus et s’aventurent hors des routes touristiques. Chaque année une poignée d’irréductibles passionnés, carte à la main, s’imprègne de son atmosphère et apprend les noms des moindres montagnes, lacs et pierres… Comme pour se rapprocher au plus près de cet endroit unique au monde.
Massif dantesque de montagnes multicolores abritant de délicieuses sources chaudes (37° environ), Landmannalaugar remplit parfaitement sa mission de dépaysement et de donner un aperçu de la nature sauvage islandaise. Image que retiendra la majorité des visiteurs, l’obsidienne noire du Laugahraun au milieu de ces montagnes arc-enciel est à couper le souffle. Ils omettront les atouts majeurs de la région comme Ljótipóllur (le lac hideux) : un cratère
Les plus téméraires d’entre eux tenteront le trek de Laugavegur, un incontournable pour les amoureux de la nature. 54 km en quatre jours dans les hautes montagnes islandaises. Une aventure unique pour prendre le temps de voir les paysages défiler et les laisser nous pénétrer.
Plusieurs milliers de téméraires y usent leurs semelles chaque année en moins de trois mois. Loin de dresser la liste des raisons de découvrir Fjallabak, loin de peindre une description inexorablement en deçà de la réalité de sa beauté, je ne peux que vous encourager à vous lancer dans l’exploration de cette contrée superbe. Abordez-la sans à priori, sans itinéraire précis; laissez-vous porter par votre intuition. Elle seule sera votre boussole et vous amènera à bon port. Fjallabak se découvre de cette manière, les yeux fermés, l’âme ouverte à la rencontre de cet autre qui vous transforme. Sachez vous présenter à elle nu de toute appréhension et elle laissera à jamais son empreinte en vous. Il est des beaux paysages et il est des paysages que l’on n’oublie pas… Ceux qui s’ancrent dans votre imaginaire pour ne plus vous quitter, Fjallabak fait définitivement partie de cette catégorie.
N°6 — Culture / Musique
LE FESTIVAL Air d'Islande Par Lea Gestsdóttir Gayet et Virginie Le Borgne Dans cette interview, le mot « dating » sera prononcé une fois, celui de « rigolo » deux fois, et « Islande », un nombre incalculable. On n’aurait pas pu rêver meilleure interview : le jour où nous rencontrons l’équipe d’Air d’Islande, le fondateur est aphone. Cible de moqueries, Ari, à l’allure froide, se détend au fur et à mesure que son verre se vide de thé à la menthe. Heureusement pour nous, un filet de voix s’échappe de sa bouche. Nous prêtons l’oreille plus qu’à l’accoutumée. Charlotte se souvient : En 2000 je suis allée en Islande pour la première fois. C’était aussi mon premier voyage toute seule. J’ai eu un énorme coup de cœur. Mon meilleur ami est parti s’installer làbas. Il était question que j’y vive. Au début, dans Air d’Islande, je m’occupais de la presse. Je suis désormais également en charge de la production et la programmation.
Air d’Islande : Hvað er það?
Ari et Charlotte nous racontent le festival Air d’Islande. Voici le fruit de leur pensée. Pour plus d’informations sur la prochaine édition, consulter le site web d’Air d’Islande ou la page Facebook. Ari : Fin 2007 on a travaillé avec des programmateurs motivés par le projet. On a projeté 14 films à Paris pour la première édition, à la
filmothèque. On a eu des subventions de l’ambassade d’Islande en France, de la ville de Reykjavik et quelques sponsors privés. C’était rigolo. Ensuite il y a eu l’édition de décembre 2008, c’était deux mois après le krach en Islande. C’était un pari. On avait invité le réalisateur de Nói albínói et Solveig Ans-
« IL N’Y A PAS QUE DE LA FOLK ÉTHÉRÉE ATMOSPHÉRIQUE EN ISLANDE, IL Y A AUSSI DU HIP HOP ! » pach. Pour la deuxième édition, on a voulu rajouter la musique tout simplement parce qu’on avait déjà projeté tous les films islandais ! C’était vraiment rigolo, sinon j’aurais arrêté depuis longtemps. Charlotte : On essaye de ne pas se mettre la pression ! Ari : Avec Charlotte, nous nous sommes rencontrés en faisant du dating sur Internet (rires) ! Charlotte : S’il y a une idée qui jaillit, c’est l’émulation !
48°51 N – 2°21 E m’occupe surtout des relations avec l’Islande, des subventions et de l’art contemporain. Il n’y a pas de vraie hiérarchie entre nous , c’ est très égalitaire nous travaillons ensemble. Charlotte : Pour que d’autres gens travaillent avec nous, il faut qu’ils soient passionnés par l’Islande. On n’est pas une agence de voyages ! Ari et moi aimons des styles musicaux différents. Ari : Il n’y a pas que de la folk éthérée atmosphérique en Islande, y’a aussi du hip hop ! Charlotte : Il y a une culture hallucinante en Islande par rapport au nombre d’habitants. Si les Français sont autant attirés par l’Islande c’est sans doute parce qu’il y a un lien historique entre les deux pays.
Une personnalité marquante dans l’histoire d’Air d’Islande ?
Ghostigital, For a Minor Reflection et Lazyblood. www.airdislande.com www.facebook.com /airdislande
PORTRAIT ARI ALLANSSON :
PORTRAIT CHARLOTTE SOHM :
Je suis né en 1975. J’ai fait des études de cinéma puis un master en 2007. Je réalisais mes propres films et quelques projets commerciaux. J’ai fondé Air d’Islande en 2007 : au début ce n’était qu’un festival tourné vers le cinéma mais progressivement la musique a pris une place de plus en plus importante. Cependant, Air d’Islande reste un festival ouvert et libre. On peut faire du tricot, des dégustations de produits islandais comme aller voir un concert. C’est cet esprit d’ ouverture et de liberté qui nous guide depuis le début.
Je suis née en 1980 à Paris. J’ai fait des études de cinéma. Puis de la production et de la communication dans des salles de concert. J’ai deux passions : le cinéma et la musique. J’ai débarqué dans Air d’Islande en 2010, pour la deuxième édition donc. À l’heure actuelle je travaille dans plusieurs boîtes différentes, je m’occupe par exemple du festival Africolors. Je suis intermittente.
Ari : Charlotte est très indépendante dans le projet. Moi je
CORINNE LELEU, PRÉSIDENTE DU COLLECTIF ICELAND-ISLANDE ET GRANDE AMATRICE DE MUSIQUE, EXPLIQUE AU LPP POURQUOI ELLE FRÉQUENTE ASSIDÛMENT LES DEUX FESTIVALS MAJEURS DE L’ÎLE : AIRWAVES ET SONAR. Raison n°1 : La musique J’y vais d’abord pour découvrir des groupes ou chanteurs islandais que je ne connais pas encore. L’avantage avec le pass du festival : on peut tout essayer sans a priori. Si on aime, tant mieux, si on n’aime pas …on change de lieu. Il y a des dizaines de concerts chaque soir dans Reykjavik, de quoi satisfaire sa boulimie de nouveautés. J’y vais aussi pour voir ou revoir sur scène les groupes qui ne se produisent pas ou peu en France. L’occasion d’aller au concert de Gus Gus, groupe qui se fait très rare, ou Retro Stefson, qui prend toute son ampleur en live. La diversité et l’originalité des lieux de concerts est surprenante. Dans la plus petite salle de concert du monde, Eldhús (capacité de deux musiciens et cinq spectateurs), on assiste à une performance plus qu’intimiste. Heureusement, le concert est aussi diffusé à l’extérieur sur écran géant. D’autres lieux magiques existent comme Kex Hostel. Cette ancienne usine de biscuits transformée en auberge de jeunesse possède un salon vintage qui offre un cadre propice à des concerts également très intimistes avec, en prime, une vue magnifique sur le Mont Esja. Avant de quitter l’Islande, j’aime aller prendre un café confortablement installée dans le canapé chez 12Tonar pour faire ma sélection d’albums non commercialisés en France. De retour à Paris, je fais découvrir à mes amis mes trouvailles, on se nettoie les oreilles ensemble ! Cette année j’avais ramené dans mes bagages l’album d’Asgeir Trausti. Raison n°2 : L’occasion de découvrir Reykjavik « la délaissée » et de faire du tourisme hors saison Séjourner dans la capitale pendant le festival est l’occasion de mieux découvrir Reykjavik. Chaque soir, les concerts se déroulent aux quatre coins de la ville. J’en explore son plan avec attention et découvre des tas d’endroits pas forcément mentionnés dans les guides touristiques ! J’ai pris le temps de connaître tous les musées, sans oublier de tremper mon maillot de bain dans bon nombre de piscines thermales pour me remettre en douceur de mes soirées tumultueuses.
En fonction de la météo, on peut aussi prévoir de sortir de la ville pour s’immerger dans la nature et s’offrir une dose d’adrénaline supplémentaire. En février, j’ai profité de ma venue au Sonar pour expérimenter la marche sur glacier ! Il n’est pas rare non plus de croiser les artistes dans Reykjavik la journée. On a beau se répéter que c’est normal car ils habitent là, cela fait quand même quelque chose de croiser Björk ou Jónsi marchant dans les rues ! Raison n°3 : Les échanges de bons plans entre festivaliers Ça discute beaucoup entre festivaliers, la bière islandaise aidant les langues à se délier. Tout savoir sur les concerts de la veille qu’on a loupés, ceux à ne pas rater, et, surtout, les lieux où on mange bien et endroits sympas pour boire un verre. Le festival est une plateforme d’échange de bons plans et de recommandations éclairées entre festivaliers ! Pour moi qui anime une communauté sur les réseaux sociaux en France, c’est l’occasion de rencontrer en vrai mes « amis virtuels », surtout ceux qui habitent en province. Pour couronner le tout, avec un peu de chance, vous pourrez apercevoir une aurore boréale dans le ciel de Reykjavik. Les deux festivals se déroulent en hiver, soit la bonne période !
Iceland Airwaves se déroule chaque année à Reykjavik autour du dernier week-end d'octobre. Il réunit quelques groupes étrangers mais surtout la créative et bouillonnante scène islandaise. Plus électro mais pas que, Sonar Reykjavik s’est déroulé pour la première fois en Islande en février dernier, trois soirs durant, dans le centre Harpa.
Pour découvrir de la musique islandaise...
N° 7 — Culture / Musique
EUROVISION : pourquoi les Islandais sont-ils fans ? Par Lea Gestsdóttir Gayet
65°58 N – 18°32 W à des « Eurovision party ». Avant le début de la compétition, chacun se voit attribuer un pays. Dès que ce pays reçoit des points, il faut boire une gorgée de bière. Généralement, ceux qui représentent la France passent une soirée sobre...
L’Eurovision marque le début de l’été
L’Eurovision se déroule début mai. En avril, les oiseaux migrateurs – pluvier doré en tête reviennent en Islande et en mai les nuits se font de plus en plus courtes. Après avoir passé plus de quatre mois dans le noir, les beaux jours reviennent et l’Eurovision tombe en même temps.
L
es Islandais sont très en avance au niveau artistique. L’île compte un nombre impressionnant de créateurs et de musiciens en tous genres. Il y a cependant un évènement que les Islandais affectionnent tout particulièrement : l’Eurovision. Les rues de Reykjavik sont désertes les soirs de finale : tout le monde est devant son poste de télévision. D’aucuns prétendent que si on veut dévaliser une banque, il faut le faire ce soir-là car l’attention de tout le monde est littéralement focalisée sur les chanteurs venus des quatre
coins de l’Europe. Comment se fait-il que le pays de Björk et de Sigur Rós aime à ce point l’Eurovision ? L’équipe du Pourquoi Pas s’est penchée sur la question.
L’Eurovision est une excuse pour faire la fête
Les Islandais adorent l’Eurovision car elle leur offre une excuse pour faire la fête jusqu’au bout de la nuit. Nous sommes de grands fêtards et toutes les occasions sont bonnes pour que la bière coule à flots. Lors de l’Eurovision, les Islandais se rendent
L’Eurovision est une occasion pour l’Islande d’être visible sur la scène internationale
Les Islandais, contrairement aux Français, n’ont pas souvent la chance d’être présents sur la scène internationale. En Islande, on ne gagne pas de coupe du monde ni de guerre. Les compétitions de hand, les élections de Miss Monde et l’Eurovision sont les seuls évènements à envergure internationale où nous pouvons faire parler de nous et envisager une victoire.
Les Islandais ont de l’humour L’Eurovision permet à tout
type d’artiste de s’exprimer. Les Islandais, férus d’humour anglo-saxon, savent apprécier certaines performances ringardes d’Europe de l'Est car ils aiment ce qui est décalé et ceux qui ne se prennent pas du tout au sérieux... Ce que les Français ont peut-être trop tendance à faire.
« LES ISLANDAIS ADORENT L’EUROVISION CAR ELLE LEUR OFFRE UNE EXCUSE POUR FAIRE LA FÊTE JUSQU’AU BOUT DE LA NUIT. » Bilan : les soirées Eurovision sont des soirées folles
Voilà les quatre raisons pour lesquelles les Islandais aiment l’Eurovision. Chaque année, on attend assidûment de connaître le nom de celui qui va nous représenter. Ensuite, nous débattons pour savoir si nous allons chanter en islandais ou en anglais. Puis nous suivons les demi-finales à la télévision. Le suspense est
presque insoutenable, car si on ne passe pas, la fête battra moins son plein le samedi. La France, elle, est systématiquement qualifiée pour la finale car elle finance l’événement en grande partie, tout comme la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie.
4 raisons pour lesquelles les Français devraient aimer L’Eurovision
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C’est grâce à l’Eurovision que les Islandais connaissent quelques mots de français.
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Les Islandais donnent presque toujours des points à la France.
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L’Eurovision était pensée à l’origine comme étant un moyen de réunir les peuples d’Europe dans un esprit de fête, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale.
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Les langues officielles de l’Eurovision sont l’anglais et le français.
L’ÉQUIPE DU POURQUOI PAS A PU RENCONTRER EYÞÓR INGI GUNNLAUGSSON QUI A REPRÉSENTÉ L’ISLANDE CETTE ANNÉE AU CONCOURS DE L’EUROVISION À MALMO AVEC SON TUBE « ÉG Á LÍF », INTERPRÉTÉ EN ISLANDAIS. IL A ACCEPTÉ DE RÉPONDRE À NOS QUESTIONS. EYÞÓR, DIS-NOUS, POURQUOI LES ISLANDAIS AIMENTILS TANT L’EUROVISION ? Bonne question ! Je crois que cela fait partie de notre culture, on est élevé au rythme de l’Eurovision. Aujourd’hui, c’est un peu différent, toute la famille regarde le show ensemble sans que la musique importe vraiment. Mais les Islandais ne sont pas plus fans de l’Eurovision que d’autres pays, comme la Suède par exemple. Cependant, comme nous sommes un petit pays, tout prend des proportions énormes. Je pense par exemple que les Américains sont proportionnellement plus fans de la Nouvelle Star que nous de l’Eurovision.
QU’AS-TU RESSENTI LORSQUE TU AS CHANTÉ DEVANT TOUTE L’EUROPE ? C’est une sensation impossible à définir. On se rend compte de ce qui vient de se passer une fois que l’on se retrouve dans la chambre verte, là où on attend les points offerts par les différents pays. Sur scène on ne réfléchit pas, on profite juste de l’énergie offerte par un si grand public.
N°8 — Culture / Cinéma
LE CINÉMA ISLANDAIS, un art en pleine explosion Par Virginie Le Borgne
64°08′N – 21°56′W qui tournent dans le pays en remboursant une partie des dépenses du tournage. Plusieurs grands noms dans le milieu ne s’y sont pas trompés : Ridley Scott a tourné Prometheus en Islande, Clint Eastwood des scènes de son film les Mémoires de nos pères, Eli Roth celles de Hostel : partie 2 ou, plus récemment, Janet Graham Borba quelques paysages de la série Game of Thrones.
Au-delà d’ être le berceau des sagas, un genre littéraire à part, et de receler des centaines de musiciens talentueux, l’Islande est une terre de plus en plus fertile pour le cinéma. « Les images en mouvement prennent une place de plus en plus importante dans nos vies ». Le récent succès en France de Queen of Montreuil, la prolifération des festivals de films nordiques dans l’Hexagone et la sélection à Cannes d’un
court-métrage islandais en attestent : le cinéma islandais ne semble plus cantonné au sein de cette petite île de l’Atlantique. Avec une production comprise entre trois et sept films par an, le septième art islandais s’exporte de plus en plus et révèle au monde des acteurs et réalisateurs d’envergure internationale. Depuis quelques années, l’État islandais a décidé d’aider financièrement les réalisateurs
Pour Hilmar Oddsson, à la tête de la Icelandic Film School depuis 2010, le marché du film est en pleine expansion en Islande, avec un regain d’intérêt pour les documentaires. Si d’autres pays, comme la France, ont très tôt donné au septième art autant d’importance que la littérature ou la musique, l’Islande a mis un peu plus de temps. Ce spécialiste du cinéma rappelle que « la production régulière des films islandais a commencé sur l’île à partir de 1980 et, depuis, grâce aux techniques numériques, de plus en plus de personnes sont capables de réaliser leurs films à un prix moins coûteux ».
Dépressifs
Quand bien même le cinéma islandais reste un petit marché, le public lui, est bien pré-
Le LPP a rencontré Guðmundur Arnar Guðmundsson, réalisateur de Whale Valley, court-métrage en compétition officielle au Festival de Cannes 2013. Son film a remporté la Mention spéciale du jury. LPP : Peux-tu te présenter en quelques mots ? Guðmundur : Je suis né et ai grandi en Islande. J’ai étudié les beaux-arts à l’Académie d’Arts d’Islande où j’ai entre autres appris à peindre, à faire des installations et de la vidéo. Quand j’ai eu mon diplôme, je suis allé au Danemark où j’ai étudié l’écriture de scénarios. J’ai commencé à faire des films expérimentaux avant d’entrer à l’école et je me suis naturellement dirigé vers la réalisation. LPP : Quelle est l’histoire de Whale Valley ? G : C’est l’histoire d’une relation forte entre deux frères qui vivent avec leurs parents dans un fjord reculé en Islande. On découvre leur monde à travers les yeux du plus jeune des frères et on le suit lors d’une journée décisive dans leur existence. Le film parle de l’importance de communiquer ses sentiments et ses problèmes. J’ai tenté d’y répondre du mieux que je pouvais. LPP : Comment l’idée de faire ce film est-elle apparue ? G : Au début, c’était une expérience. J’avais envie de voir si j’étais capable de créer en une seule prise un sentiment particulier qui unit les deux frères au début du film. Cela a fonctionné et là je me suis posé et me suis demandé : à quoi ressemble la vie de ces deux frères ? Quelle est leur histoire ? Je me suis baladé avec mon carnet à la main pendant un bon moment, écrivant de temps à autre quelques petites scènes,
sent. Chaque habitant se rend en moyenne cinq fois par an au cinéma, selon des chiffres du centre de statistiques islandais. Un nombre assez élevé au vu de ce pays peuplé de 320 000 âmes qui compte 17 salles de cinéma sur tout le territoire dont 7 dans la capitale, Reykjavik. Lorsqu’on demande à Hilmar Oddsson ce qu’est la spécificité des films islandais, il moque d’emblée le fait que « tout le monde s’attend à ce que ces derniers soient dépressifs ». Même s’il reconnaît que c’est en effet le cas pour beaucoup, ce spécialiste du cinéma précise surtout que le cinéma islandais est empreint d’une atmosphère particulière. « Nous, Islandais, sommes toujours dans un entre-deux. À cause des conditions climatiques et de la nature changeante, nous avons constamment l’impression que nous n’allons pas rester ici. Sauf que cela fait 1200 ans que cela dure ! » ironise-til. Avant d’ajouter : « ’Toujours’ est un concept abstrait. Nous essayons sans cesse de tirer le meilleur du moment présent. Nous sommes, dans une certaine mesure, des survivants et cela doit se ressentir dans nos films ».
S’il devait conseiller au reste du monde quelques films islandais, Hilmar Oddsson pencherait pour Children of nature et Angels of the universe de Friðrik Þór Friðriksson, Nói l’albinos de Dagur Kári, Children et Parents de Ragnar Bragasson. Enfin, Cold light et Tears of stone réalisés par… lui-même. Ce professeur de cinéma souligne également la qualité du travail de la réalisatrice Kristín Jóhannesdóttir qui, regrette-til, « n’a pas fait de film depuis trop longtemps ». Pour lui, le cinéma français représente une référence. Celui qui a mis un point d’honneur à rester en Islande pour y travailler et faire partie de la naissance du cinéma, cite volontiers Leos Carax ou encore les cinéastes de la Nouvelle Vague. Enfin, Hilmar Oddsson avoue son admiration pour le « géant » qu’est Michael Haneke. Avant de conclure : « Je suis amoureux des films français. Ils ont porté la poésie à l’écran. Ils m’ont inspiré toute ma vie ».
des sentiments, des images. Je me suis ensuite rendu compte que j’avais assez d’éléments pour écrire leur histoire. LPP : Combien de temps a duré le tournage ? G : Environ six mois. Le plus long reste l’écriture du script : cela m’a pris deux mois pour rédiger sept pages ! Ça m’a rendu fou mais en même temps j’étais persuadé qu’à la fin, cela serait à la hauteur de mes attentes. LPP : Tu étais surpris d’être sélectionné à Cannes ? G : Je n’en revenais pas ! J’en avais tellement rêvé de me retrouver à ce festival avec mon propre film. Ne serait-ce qu’être au Festival de Cannes t’ouvre de nombreuses possibilités en tant que réalisateur alors gagner un prix c’est encore mieux ! LPP : As-tu l’impression que ton cinéma est particulier du fait de tes origines islandaises ? G : L’Islande fait partie de moi. La nature, sévère, me réconforte et m’aide, paradoxalement. Les longues nuits d’hiver peuvent être difficiles à supporter mais nous oublions et pardonnons dès que l’été lumineux arrive. Mon cinéma est évidemment le reflet de tout ça. LPP : Que t’évoque le cinéma français ? G : Un art que j’adore et que je découvre au fil des ans. J’apprécie tout particulièrement la place que la France accorde au septième art.
N°9 — Culture / Cinéma
QUEEN OF MONTREUIL : une histoire d ’Islandais perdus à Montreuil Par Lea Gestsdóttir Gayet et Virginie Le Borgne
Le Pourquoi Pas a eu un coup de cœur pour le dernier film de la belle Solveig Anspach : Queen of Montreuil. Ce film qui met en scène des Islandais à Montreuil est un véritable bijou, plein de poésie et d’amour.
LPP : Comment est née l’idée de l’histoire de Queen of Montreuil ?
SA : Queen of Montreuil est la suite de Back Soon. Et d’ailleurs avec Jean-Luc Gaget, mon coscénariste, nous écrivons la suite de Queen, donc nous aurons une trilogie...L’idée de faire cette trilogie est tout simplement née de l’envie de filmer et de faire un road movie en Islande (Back Soon), l’envie de filmer une oie qui avale un portable, et sur-
tout de retrouver Didda (actrice islandaise, ndlr) après Stormy Weather. On s’est dit : et si on racontait une sorte de suite ? Oui, pourquoi pas ! Et cette fois à Montreuil !
LPP : Des Islandais perdus à Montreuil…pourquoi pas des Maliens à Reykjavik ?
SA : Pourquoi pas ? Mais... il y a des Maliens à Reykjavik ? Je n’en ai vu nulle part à mon grand regret d’ailleurs.
LPP : Qu’as-tu cherché à montrer avec Queen of Montreuil ?
SA : J’ai voulu montrer que dans la vie, à un moment donné, nous traversons tous des épreuves, et c’est l’humour qui permet d’aller au-delà. J’ai également voulu
48°86′N – 2°43′E montrer que vivre à plusieurs est mieux que seul, et que les meilleures familles sont celles qu’on s’invente.
que mes parents s’étaient mis d’accord pour nous élever avec toutes ces cultures (en excluant la religion).
on fait avec le temps qu’il soit bon ou mauvais.
LPP : On te demande régulièrement de quelle nationalité sont tes films et quelle est la tienne. As-tu une réponse à ces questions ? Est-ce que la question de la nationalité est une idée qui t’obsède ou, bien au contraire, un sujet qui traverse tous tes films de manière plus ou moins inconsciente ?
Aujourd’hui, je dirais qu’on est constitué de toutes ces couches de vie. Lorsqu’on me demande d’où je suis je réponds : de Vestmannaeyjar (où je suis née) et de mon quartier à Montreuil, là où plein d’ethnies différentes se côtoient avec des histoires qui peuvent ressembler à la mienne.
SA : Ma famille, mes ami(e) s, toute une partie de moi. Des paysages dont je rêve la nuit, l’impression d’exister vraiment parce que le vent dessine les contours de nos visages.
SA : Mes origines comptent énormément pour moi, et, par conséquent, traversent mes films. Lorsque nous étions enfants, mes parents nous disaient toujours : « Ce qu’on va vous transmettre, vous laisser en partant, c’est l’histoire de vos origines ». Et, lorsque, petite, je leur demandais en rentrant de l’école, inquiète : Mais je suis quoi en fait ? Ils me répondaient : Tu es une citoyenne du Monde, et c’est une grande chance. Enfant, ce qu’on me renvoyait à l’école était : tu n’es pas islandaise, tu n’es pas américaine (nationalité de mon père) et tu n’es pas juive puisque ton père l’est mais pas ta mère. C’était compliqué à vivre parce
LPP : Combien de fois astu travaillé en Islande et sur quels films ? Y a-t-il une différence entre travailler là-bas et en France dans le monde du cinéma ? SA : J’ai tourné près de dix films en Islande, de mon film de promotion à la Fémis VESTMANNAEYJAR, au long métrage Back Soon, en passant par un documentaire de 26 minutes, DIDDA, Reykjavik, Islande qui est le portrait d’une poète islandaise rock’n’roll. Il y a évidemment beaucoup de différences entre travailler en Islande et en France mais c’est assez long à expliquer. En Islande, il y a beaucoup d’énergie,
LPP : Que représente l’Islande à tes yeux ?
LPP : Et la France ?
SA : Cela ne veut pas dire grandchose pour moi, ce qui compte ce sont les gens qui y habitent, avec lesquels je travaille et que j’aime.
LPP : Le tourisme vers l’Islande augmente chaque année. Comment expliques-tu la fascination qu’exerce l’Islande sur certains Français ? SA : La force de la Nature, la beauté vertigineuse des paysages et, avant tout, un sentiment de liberté.
Queen of Montreuil : LongMétrage avec Florence LoiretCaille, Didda Jonsdottir, Ulfur Aegisson, Alexandre Steiger, Samir Guesmi, Eric Caruso.EX NIHILO, AGATFiLMS. fr-fr.facebook.com /QueenOfMontreuil
« Ce film est tellement décalé que tout homme peut s’y reconnaître » Le Pourquoi Pas a eu la chance de rencontrer la jolie Marie Le Garrec, qui a travaillé avec Solveig sur Queen of Montreuil. Voici ce qu’elle nous a raconté.
LPP : Présente-toi en quelques mots
MLG : Franco-belge et parigote de fait et dans l’âme, j’ai suivi des études aux Beaux-Arts de Paris en sculpture et gravure en pierres fines. Puis j’ai intégré un atelier de décors où j’ai exercé mes talents de sculpteur et de mouleur staffeur pour différents projets assez divers, du parc des schtroumpfs au parc Astérix, en passant par des décors de publicité parfois assez conséquent. Je me souviens notamment avoir dû recréer en volume l’univers fantastique de Jérôme Boch en studio, pour la marque DIOR. Au fil des rencontres, j’ai travaillé sur des longs métrages. Le premier a été Jusqu’au bout du monde de Wim Wenders. Une de mes plus belles rencontres, avec Solveig Anspach, m’a permis de rencontrer son univers et de débuter une longue collaboration sur l’ensemble de ses films
aussi bien pour travailler sur les décors que sur les costumes.
LPP : Combien de fois astu travaillé en Islande et sur quels films ? Y a-t-il une différence entre travailler là-bas et en France dans le monde du cinéma ? MLG : J’ai travaillé deux fois en Islande, sur les deux films que Solveig Anspach a tourné à Vestmanneyjar et à Reykjavik, pour les films Stormy weather et Back Soon.
Travailler en Islande implique de s’adapter aux intempéries, à l’absence ou à l’abondance de lumière naturelle pour tourner entre autre à l’extérieur. Ce n’est pas du tout un handicap mais c’est un paramètre qu’il faut intégrer pour organiser le travail. Et puis j’ai rencontré les Islandais, c’est un plaisir de travailler avec eux car ils sont très réactifs, inventifs et extrêmement dynamiques. Leur allant est contagieux, rien ne les arrête. Il n’y a jamais de temps mort ou de repos dans une journée de tournage. Notre pause déjeuner ou
même un petit café de temps à autre, qui sont des rituels incontournables dans une journée de tournage en France, ne sont pas de rigueur en Islande.
LPP : Quel souvenir gardestu de l’Islande ?
MLG : Un premier souvenir de touriste émerveillé et subjugué par les paysages. J’ai incroyablement ressenti la force des éléments, surtout à Vestmanneyjar où j’ai découvert et admiré les aurores boréales de novembre à décembre. Et puis je garde surtout en souvenir le plaisir des nombreuses rencontres avec des personnages fougueux et amicaux comme Didda, Mireya ou encore la première assistante sur Back Soon.. Rencontres toujours aussi bienveillantes des habitants de Vestmanneyjar qui m’ont souvent aidée pour aménager tels ou tels décors.
LPP : En tant que chef décoratrice tu as dû recréer des intérieurs islandais. As-tu une anecdote à ce sujet ? MLG : Nous avons effectivement tourné dans des inté-
rieurs vides ou désaffectés. Pour essayer de comprendre l’univers des Islandais, j’ai rencontré de nombreuses personnes qui m’ont invitée à rentrer chez elles. Ce qui m’a le
plu s frapp é ce sont les intérieurs des maisons qui sont extrêmement denses. Pas un centimètre de mur qui ne soit recouvert de photos, de tableaux ou de livres et beaucoup d’objets divers parfois très hétéroclites !
Cela demande un sacré boulot pour récréer un intérieur de maison islandaise.
LPP : Queen of Montreuil est-il un film sur les Français ou les Islandais ?
MLG : Sur les deux mon capitaine ! Quand la fougue et l’imaginaire islandais rencontrent le spleen baudelairien d’une jeune française, surtout en haut d’une grue, on obtient un film tellement décalé que tout homme peut s’y reconnaître. On a envie de se nourrir de cette folle humanité et de la rendre universelle.
N°10 — Culture / Littérature
L’ÉNIGME DE FLATEY, un polar insulaire Par Sébastien Marrec
Au milieu du fjord Breiðafjörður, situé dans l’ouest de l’Islande, l’un des villages les plus isolés du pays, sur une île de deux kilomètres de long et cinq cent mètres de large : Flatey. C’est dans cette petite société en vase clos que Viktor Arnar Ingólfsson, enfant, a passé quelques vacances d’été. À l’époque, outre le central téléphonique, le seul lien avec le reste du monde était le bateau postal qui reliait Stykkishólmur aux Fjords de l’Ouest et faisait halte sur l’île une fois par semaine. L’énigme de Fla-
65°22 N – 22°54 W
tey, le quatrième roman de l’auteur, mêle donc souvenirs, portraits de la vie quotidienne dans l’Islande rurale d’antan et invention d’une galerie de personnages pittoresques. Paru en 2003, c’est l’un des best-sellers islandais de la dernière décennie. La publication par les Éditions du Seuil est la neuvième traduction du roman. Juin 1960. Sur un îlot isolé au large de Flatey, un cadavre méconnaissable est découvert par des pêcheurs. Le jeune adjoint du Préfet de Patreksfjörður,
ASSOCIATION FRANCE-ISLANDE L’Islande est un pays envoûtant dont on ne revient jamais complètement indemne, vous vous en rendrez vite compte. Une fois rentrés chez vous l’Islande vous manquera. Pour prolonger le rêve rejoignez l’association France-Islande. Partagez-y votre expérience et vos connaissances, apprenez des autres, aidez à faire connaître l’Islande au sein du monde francophone.
L’ASSOCIATION EST PRÉSENTE SUR INTERNET AU TRAVERS DE : . Son site http://www.france-islande.com . Son forum http://www.france-islande.com/forum . Sa page Facebook https://www.facebook.com/Association.France.Islande L’association publie aussi une revue trimestrielle de 24 pages réservée à ses adhérents. Ces derniers sont tenus au courant des différents évènements concernant l’Islande en France par l’intermédiaire d’une lettre d’information envoyée par courriel. Pour adhérer : http://www.france-islande.com/adherer
qui se préparait à plonger dans la conservation des hypothèques et ne portant aucun intérêt à l’affaire, est dépêché sur place pour rapatrier l’individu, mener une enquête en solitaire et établir un rapport. Très vite, il fait connaissance avec la petite communauté, où chacun s’observe pour tuer le temps. Le corps se révèle être celui d’un éminent universitaire danois spécialisé dans les anciennes sagas nordiques, dont tout le monde ignorait la présence en Islande sauf le curé de Flatey qui l’a hébergé. Qu’est-ce qui l’a mené dans les parages incognito sur ce minuscule royaume autarcique des chasseurs de phoques ? Le Livre de Flatey, une compilation de textes du MoyenÂge relatant les vies des rois de Norvège. Un trésor parti dans la bibliothèque du roi du Danemark, mais dont la copie conservée sur l’île renferme une énigme, sous forme de charade en quarante questions. La réponse ne peut se lire que grâce à la résolution d’un code, que tous les chercheurs se sont échinés à déchiffrer, en vain, et qu’il est interdit par superstition de recopier. Ce que fait le professeur… Tenter de percer le mystère d’un livre emblème de l’âge d’or est-il un motif suffisant de meurtre ? Et qui a pu transporter l’homme, vu le faible nombre de bateaux ? L’intrigue policière est doublée du contenu de l’énigme qui vient entrecouper la narration de chaque chapitre, où l’on découvre l’une des quarante questions et les propositions de réponse. Les précisions sur la technique du vélin et la com-
position des sagas au début du roman laissent en effet place, toutes les trois pages, à des épisodes sanglants de meurtres, de complots et de guerres, dont la lecture est assez déconcertante de prime abord. À vrai dire, si l’histoire paraît nébuleuse jusqu’aux deux tiers du livre, et que la multiplicité des protagonistes rajoute à la confusion, ces devinettes per-
l’honneur, plus que dans le développement des personnages, pour lesquels l’économie de mots confine à la superficialité – un bémol malheureusement fréquent dans les polars scandinaves. Mais si ces dix dernières années, avec Arnaldur Indriðason et Arni Thorarinsson notamment, le polar islandais
JUIN 1960. SUR UN ÎLOT ISOLÉ AU LARGE DE FLATEY, UN CADAVRE MÉCONNAISSABLE EST DÉCOUVERT PAR DES PÊCHEURS.
mettent de s’immerger dans l’univers belliqueux des sagas et apportent un rythme efficace à l’ensemble. Dans la dernière partie, les relations entre le livre et les personnages clés, malheureusement peu développés, sont adroitement entremêlées, sans que le final fasse dans le spectaculaire. Et l’on sent bien que Viktor Arnar s’est beaucoup amusé dans la création de cette fausse légende autour d’un livre bel et bien réel, sans doute le plus richement enluminé parmi ceux aujourd’hui conservés à l’Institut Árni Magnússon, à Reykjavik. L’intérêt réside aussi dans l’évocation de la vie rurale insulaire, la nourriture étant par exemple mise à
s’est fait une réputation en s’attelant à passer au crible la société contemporaine de Reykjavik, L’énigme de Flatey a l’originalité d’entraîner le lecteur dans l’Islande des microcosmes ruraux, encore à l’écart du monde. Au risque de reléguer l’intrigue au rang de prétexte. L'Enigme de Flatey, de Viktor Arnar Ingólfsson. Traduit de l'Islandais par Patrick Guelpa. Editions du seuil. Saut 21€
N°11 — Mode
COMMENT S'HABILLER au 66 ˚nord? Par Lea Gestsdóttir Gayet
66°05 N – 23°08 W
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A
près avoir abordé des sujets variés tels que le cinéma, la musique et la littérature dans son dossier culture, le LPP a décidé de s’attaquer aux dessous de la mode islandaise. Il suffit de se promener une après-midi dans les artères principales de Reykjavik pour se rendre compte que la capitale fourmille de créateurs talentueux, aux styles variés. Mais qu’est-ce-qui caractérise la mode islandaise ?
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Qu’est-ce qu’être élégant au 66° nord ? Pour répondre à ces questions, le LPP vous propose un bref comparatif des habitudes vestimentaires françaises et islandaises, puis une entrevue avec le styliste Guðmundur Jörundsson. Les Islandais, vivant sur une terre de feu et de glace, sont des personnes de l’extrême.
Habitués aux climats rudes, ils affectionnent tout particulièrement les vêtements avant tout pratiques. Face aux nouvelles matières synthétiques qui pullulent sur le marché, les Islandais retournent toujours à leur premier amour : la laine. Le pull islandais, le « lopapeysa », est une valeur sûre, qu’il s’agisse d’aller grimper une montagne ou faire une course. Les moufles, bonnets et écharpes en laine sont éga-
lement très populaires. Les touristes ne s’y sont d’ailleurs pas trompés et se jettent sur ces articles lors de leurs visites en Islande. La chaussure traditionnelle islandaise est le « gúmmískór », l’équivalent d’une botte en caoutchouc coupée au niveau de la cheville. Pour affronter la météo islandaise, il faut donc sortir armé d’un « lopapeysa » et être chaussé de « gúmmískór ». Cependant, l’équipe du Pourquoi
Pas se veut plus glamour et vous propose une sélection du meilleur de la mode islandaise mixée avec des pièces intemporelles françaises... Rincez-vous l’œil ! 1
Icewear
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Ellingsen
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Chanel
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Kron by Kronkron
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Jean Paul Gaultier
JÖR de Guðmundur Jörundsson Par Virginie Le Borgne - Photo : Virginie Le Borgne
66°05′N – 23°08′W clients qu’espéré. J’aime que les choses se passent vite.
LPP : Quelles sont tes inspirations ?
GJ : Au début j’aimais bien Alexander McQueen mais en général, il n’y a pas un designer qui vaut plus qu’un autre à mes yeux. J’ai toujours voulu faire des choses un peu folles, créer un monde. Et puis, j’aime bien le côté business.
LPP : Quel est le public visé par ta marque ?
GJ : Tout le monde, même s’il y a sûrement plus de personnes de Reykjavik qui viennent acheter mes vêtements. Nous visons trois catégories de public : les gens tendances, ceux qui préfèrent les costards et ceux qui privilégient le décontracté.
LPP : Quel est ton parcours ?
GJ : J’ai étudié à l’Icelandic Art Academy en 2008. Je me suis fait la main en travaillant à Kormákur & Skjöldur. Après avoir étudié le stylisme, j’ai décidé de créer mon propre label, JÖR, en octobre 2012. Je ne me
souviens à vrai dire pas quand a débuté mon envie de me lancer dans le stylisme. Pour une raison obscure, j’ai décidé d’étudier ça mais j’ignore pourquoi ! On ne peut pas vraiment parler de passion.
L’entreprise compte cinq employés. L’idée d’avoir ma propre entreprise ne m’a jamais vraiment effrayé, c’est plutôt agréable de travailler pour soi ! L’ouverture du magasin il y a deux mois a été une bonne surprise puisqu’il y a plus de
LPP : C’est quoi le style islandais ?
GJ : La manière de s’habiller en Islande a beaucoup changé ces dernières années. Il y a un certain éveil dans la volonté de bien s’habiller. C’est assez difficile de définir ce qu’est le style islandais car il est en
grande partie façonné par les conditions climatiques. Il y a un mélange de hipsters, de style « bûcheron » avec de grosses barbes et des chaussures de montagne et des touristes en Gore-Tex. La mode est un petit marché ici mais le point positif est qu’il est modulable. Les Islandais aiment en général acheter des marques du pays mais il y en a peu et c’est surtout très cher.
LPP : Que t’évoque le style français ?
GJ : Il est racé, élégant, classique et moderne en même temps. Il y a une histoire derrière. Même lorsqu’il s’agit de s’habiller de manière décontractée, les Français le font d’une manière respectable. Le style français est pour moi le meilleur ! Jör de Guðmundur Jörundsson Laugavegur 89 - Reykjavik www.jorstore.com
N°12 — Société
LA CHASSE À LA BALEINE, l’épine au pied de l’Islande Par Sébastien Marrec La chasse à la baleine n’est pas le sujet de conversation préféré des Islandais. Ils préfèrent, pour ce qui est de la chasse, fermer les yeux et évoquer une « tradition ». En 2009, Sigursteinn Másson, le porte-parole du Fonds international pour la protection des animaux, avait tenté d’organiser une manifestation pour sensibiliser la population sur cette question. Peine perdue : il n’était pas parvenu à rassembler assez de monde. « Demander à un Islandais s’il soutient la chasse à la baleine revient à lui demander s’il soutient son pays » résume-t-il. Une affaire de patriotisme, en somme. En mai dernier, l’annonce de la reprise de la pêche après un arrêt de deux années a fait polémique. L’entreprise Hvalur hf. a un quota annuel de chasse de 150 et 170 baleines, uniquement des baleines de Minke et des rorquals communs. L’état de conservation de la première n’est pas préoccupant. Mais les rorquals, les plus grands mammifères du monde après la baleine bleue, sont répertoriés comme espèce en danger par la liste rouge de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’inventaire mondial le plus complet en matière d’évaluation du risque d’extinction des espèces. Pour Kristján Loftsson, à la tête de Hvalur et le plus célèbre des chasseurs de baleines du pays, les quotas permettent la reproduction de l’espèce, qui compte une vingtaine de milliers de représentants dans les eaux islandaises. Depuis le moratoire de 1986 voulu par la Commission internationale de pêche à la baleine, la chasse a connu un renouveau en Islande lors de sa reprise « scientifique » en 2003, commerciale en 2006, puis avec une loi en 2008 renouvelant son autorisation pour une période de cinq ans. Pour le ministère de la Pêche, les cétacés, plutôt que la surpêche, seraient responsables de l’effondrement des réserves de poissons dans les océans, et l’utilisation durable des ressources maritimes impliquerait donc une limitation de la population de baleines. En 2004, des chercheurs canadiens ont contredit cette théorie, mettant en évidence que les zones de pêches des nations et les zones d’alimentation des mammifères sont bien distinctes, mais surtout que baleines et hommes ne se nourrissent pas des mêmes produits de la mer.
Les observer ou les manger
La majorité des prises est exportée principalement vers le seul débouché commercial en vertu de la Convention de Washington, le Japon. Faiblesse du marché
64°38 N – 21°66 W oblige, le quota fixé en 2009 ne fut même pas atteint. Hvalur avait dû congeler des stocks démesurés – 1 500 tonnes – avant de cesser son activité pour cause de chute de la demande, suite à la catastrophe de Fukushima. Une reprise de la demande a relancé l’activité, mais la chasse reste très peu lucrative en regard des profits apportés par l’industrie touristique florissante de l’observation des baleines ou whale watching. Lancée en 1991, devenue très populaire depuis, elle permet d’admirer les grands mammifères lors de leur migration dans les eaux islandaises d’avril à octobre. La contribution de cette activité à l’économie s’éleve à une douzaine de millions d’euros. Les conclusions du secteur sont unanimes : la chasse est significative ni en termes d’emplois, ni en termes de contribution aux exportations. L’industrie du tourisme s’interroge donc sur la façon dont pourront coexister, dans un futur proche, l’observation des baleines et leur chasse. Elle voit d’un mauvais œil cette dernière, jugée inutile et sans marchés, et si l’influence sur le tourisme ne peut être mesurée (le nombre de visiteurs étant en progression exponentielle), la pratique détériore indubitablement l’image très pro-environnementale de l’Islande à l’étranger. Le 7 mai, l’Association du tourisme islandais (SAF en islandais) a émis un communiqué sans appel pour s’opposer à la reprise de la pêche baleinière : « La seule façon d’utiliser durablement les stocks de baleines en Islande est de les montrer aux touristes, nationaux et étrangers, d’une manière responsable – c’est-à-dire que les baleines valent plus vivantes que mortes. […] SAF demande au gouvernement d’intervenir de sorte que les intérêts supérieurs du pays ne soient pas sacrifiés aux intérêts particuliers de Kristján Loftsson ».
Les traditions imaginaires
À Reykjavik, une agence propose aux touristes d’aller observer les baleines avant d’en déguster, de retour au port. De plus en plus de restaurants en proposent prétextant la curiosité gastronomique. Paradoxe ironique : quand on les interroge, une grande majorité de consommateurs affirment qu’ils ne sont pas favorables à la chasse, mais déclarent qu’ils en goûteraient pour des raisons culturelles et historiques. Des brochures et agences évoquent d’ailleurs la nécessité d’expérimenter le fruit d’une tradition baleinière ancestrale... qui n’a jamais existé. Dans le passé, les Islandais se contentaient des baleines échouées sur
la côte. La pêche commerciale islandaise telle qu’on la connaît ne commença qu’en 1948, initiée par une seule famille, celle de Hvalur. Auparavant, à partir de 1883 et jusqu’à l’abolition de la chasse en 1913 décidée par le Parlement, ce sont les Norvégiens qui construisaient des pêcheries. Les Islandais s’en plaignaient alors, en raison des nuisances sonores et olfactives et de ses conséquences sur la pêche au hareng…
La guerre Froide baleinière
La chasse à la baleine est en fait un acte politique, qui traduit la volonté des « gens indépendants » de ne pas se laisser dicter par l’Union européenne ou la Commission baleinière internationale leurs activités de pêche. Évoquant des discriminations commerciales, le pays clame qu’il est majoritairement dépendant des ressources marines et qu’il sait donc les respecter pour son intérêt, s’appuyant sur une série d’observations scientifiques dont on peut douter de l’indépendance. Elles pro-
viennent généralement de l’Institut national de recherche marine, dépendant du ministère, et de la Commission sur les mammifères marins d’Atlantique Nord (NAMMCO), une organisation créée en 1992 par les mécontents du moratoire de la Commission internationale baleinière (1986) : la Norvège, l’Islande, le Groenland et les Îles Féroé. Depuis 1992, l’Islande est le seul pays baleinier à ne pas être membre de la CBI pour échapper au moratoire, estimant que l’interdiction permanente constitue une violation de la souveraineté des États. L’Islande reproche à quelques grands États de s’arroger le droit de chasser la baleine dans ses eaux territoriales, comme les États-Unis, qui bénéficient d’un quota de 280 baleines dédiées à la chasse de subsistance des ethnies de l’Alaska.
Derrière la viande, l’animal sensible Les baleines, à la longue espérance de vie et placées au sommet de la chaîne alimentaire,
ingèrent d’importantes quantités de métaux lourds et notamment du mercure, dû à la pollution des océans. Mais ce danger sanitaire n’est heureusement pas leur seul trait de distinction. Grâce au travail des biologistes marins, on sait depuis quelques années que les baleines et les dauphins disposent d’une intelligence remarquable grâce à des neurones en fuseau, dont on croyait qu’ils étaient jusqu’ à présent
l ’a p a nage de l ’ homme et des grands singes. La capacité à souffrir se double d’une empathie émotionnelle envers les états affectifs de leurs semblables, donc d’une conscience de soi. Y-aurait-il alors une façon « humaine » de tuer les baleines, comme le clame le ministère de la Pêche, qui affirme que 80 % des animaux meurent immédiatement sans réaliser qu’ils ont été chassés ? Les défenseurs des
baleines affirment que bien souvent, le harpon ne parvient pas à atteindre directement la tête, retardant l’arrêt cardiaque. Face à ces découvertes qui soulèvent des problèmes moraux, la rhétorique de la tradition culturelle et de la viabilité économique montre cruellement ses limites – et fait du débat sur la chasse à la baleine un
symbole du conflit grandissant entre les différentes visions sur l’utilisation des ressources de la planète, et sur la valeur accordée à la vie animale.
N°13 — Société
JOURNAL de bord d'un pêcheur islandais Par Victor Gayet Gestsson Le réveil est difficile, car rarement à horaires fixes et toujours trop matinal. Le café avalé, il ne reste plus qu’à s’habiller chaudement avant de se rendre au port. Les palangres, appâts et autres nécessités sont chargés puis le capitaine et son second s’installent sur leur siège respectif. Le cap à prendre et la distance sont déterminés, le jeune matelot pou-
75° N – 40°E mille hameçons, et choisit son secteur de pêche en fonction de l’espèce recherchée en priorité. Les chaînes faisant office de plombée sont lancées pardessus bord, entraînant les palangres à rythme régulier. Il faut prendre diverses précautions : les lignes doivent toujours être tendues afin d’éviter qu’elles ne s’emmêlent autour de l’hélice, faire attention à ce qu’un hameçon ne s’invite pas dans votre main, ou encore faire du bruit à l’aide d’un bâton sur de l’acier pour dissuader les fulmars, compagnons de toujours, de venir goûter à ce qu’ils ignorent être plus ou moins un piège.
L e c apit a i ne est à la barre et dirige avec précision son navire, ca lcu la nt du mieux possible le courant, ce dernier
p ouv a nt déplacer les lignes de plu sieu rs dizaines de mètres et les faire ainsi atterrir dans un « no fish’s land ».
C’est son moment crucial qui lui permettra, ou pas, de sourire à l’idée qu’une fois amarrés, il aura un meilleur ratio poids/palangre que ses collègues boxant dans la même catégorie, avec qui il est plus ou moins ami. vant alors estimer le temps qu’il est permis à ses paupières d’être de nouveau baissées. Le deuxième réveil est moins compliqué, et il est désormais temps de poser les lignes. Un palangrier effectuant des sorties à la journée va utiliser en moyenne entre dix et quinze
Une fois tout l’équipement dans l’océan, nous avons deux heures d’attente environ pour laisser le temps aux poissons de venir se piquer sur nos hameçons. Alors, face à l’ennui, nous discutons du temps qu’il fait ou fera, ou faisait hier (la météo est notre péché mignon), de sports, de pêche à la ligne, enfin de tout ce qui est politiquement correct entre un père marin et son fils.
Ensuite le travail commence réellement, car jusqu’à présent les tâches effectuées ressemblent plus à des vacances en Corse, pour garder le côté risqué. Huit heures seront nécessaires afin de ramener les lignes, et il n’y a jamais de temps mort. Nous nous octroyons éventuellement une pause dépassant rarement les deux minutes pour boire un café quand l’hiver nous gèle le corps ou de l’eau quand l’été nous fait transpirer, cette deuxième option étant moins courante par chez nous. Le capitaine s’occupe de la machine tirant les palangres, dirige le bateau à l’aide des commandes extérieures afin de rester dans le bon axe et aide les poissons à monter à bord, car ils aiment bien se décrocher pile au moment où leur tête sort de l’eau, les petits malins. Son second les réceptionne et après les avoir travaillés, les place dans la cale en les classant par espèce et par catégorie de taille. Inlassablement les caisses se remplissent, car la pêche est toujours fructueuse en Islande. La journée est qualifiée de satisfaisante lorsque nous attrapons cent kilos par cinq cent hameçons. Donc pour dix mille hameçons nous espérons au moins deux tonnes de poisson. Souvent, car nous sommes d’excellents marins, nous dépassons cette barre haut-la-main. À onze heures il faut appeler la criée pour leur annoncer les captures, la vente approchant. Une partie des lignes encore à l’eau, nous estimons le poids total. Les acheteurs savent qu’ils pourchassent à la louche, mais il est tout de même assez inédit de vendre un poisson pas encore remonté, voire pas encore leurré. « Salut vieux con, on ramène deux tonnes de cabillaud et six cent kilos d’églefin. T’as plutôt intérêt à nous vendre ça à bon prix ! ». En réalité, le prix est celui du marché et il diffère d’un jour à l’autre, en fonction de l’offre et de la demande. Pour votre information, le kilo de cabillaud rapporte en moyenne deux euros au marin. Le dernier hameçon est (enfin) au sec et nous nous dirigeons vers le port de notre village. Nous sommes attendus et le bateau est déchargé à vive allure. Pas le temps de rigoler, juste les insultes amicales habituelles envers les employés de la criée. Non mais qui sont ces types qui se prennent pour les rois de la mer alors qu’ils n’ont jamais foutu les pieds sur un bateau ? Tocards ! Les anciens n’allant plus en mer observent avec des yeux envieux les plus jeunes travailler, ne se gênant pas pour raconter leurs histoires de
pêches miraculeuses où aucun poisson ne pesait moins de dix kilos. Ces histoires nous en connaissons les multiples variantes depuis bien longtemps, mais elles donnent quand même toujours le sourire. La journée s’achève par le nettoyage à l’eau douce de tout ce qui ne sent pas le propre, ainsi que par la préparation de la sortie du lendemain. Ça y est ! Je peux désormais rentrer manger jusqu’à ce que mon estomac soit bien rempli, aller sur Internet et prendre une douche, quand même. Puis la soirée me permet de passer un moment avec mes amis, et de bons moments avec mon amie.
« LE CAPITAINE EST À LA BARRE ET DIRIGE AVEC PRÉCISION SON NAVIRE. »
Allongé dans le lit je rêvasse, pense à la journée écoulée, à ce que je vais faire ce week-end, au match de handball de l’équipe nationale qui approche… Soudain la porte s’entrouvre et une silhouette imposante s’exclame : « Debout ! ». Il est quatre heures ? Déjà ?
N°14 — Société
QUAND L’HISTOIRE d’un petit autiste attire Kate Winslet en Islande Par Lea Gestsdóttir Gayet
65°58 N – 18°32 W « Chaque homme dans sa nuit s’en va vers sa lumière », Victor Hugo En 2009, l’un des réalisateurs les plus connus d’Islande, Friðrik Þór Friðriksson a sorti un documentaire sur l’austisme, Sólskinsdrengurinn ou Le courage d´une mère. L’idée lui a été soufflée par Margret Dagmar Ericsdóttir, mère de Keli, onze ans, autiste non-verbal. Le documentaire, brillant, suit le combat de cette mère qui se démène pour comprendre l’autisme, et ce faisant, son fils. Le film pose la question de la communication avec les autres, de l’existence et du rapport au corps. Les autistes sont-ils intelligents ? Sont-ils capables de comprendre le monde qui les entoure ? Que penser lorsque les tests des médecins indiquent que votre pré-adolescent
a le QI d’un enfant de deux ans ? La problématique que pose ce documentaire est moins de découvrir comment soigner l’autisme que de savoir comment comprendre ces individus différents de nous et apprendre à vivre avec eux. Les autistes évoluent dans un univers qui leur est propre. Ils ont des troubles du comportement qui peuvent se traduire par des actes d’automutilation. Il est parfois difficile d’avoir un contact visuel avec eux. Friðrik Þór Friðriksson filme avec tendresse et respect les efforts de Keli et de son entourage pour vivre ensemble en harmonie. Ce documentaire, tout en questionnant l’autisme et en dénonçant le manque de moyen mis à la disposition des familles, questionne en réalité l’être humain et le sens de l’existence en général.
Car si les autistes sont différents, il n’en demeure pas moins qu’ils restent mystérieux à nos yeux. Quelle vision du réel Keli a-t-il ? Les autistes, de par une sensibilité différente du commun des mortels, bénéficieraient-ils d’une autre porte d’accès au réel et au monde qui nous entoure ? Peutêtre avons-nous plus à apprendre des autistes que ces derniers de nous... Friðrik Þór alterne des images filmées en Islande et aux États-Unis car Keli est issu d’une famille biculturelle. On le voit enfant, s’adressant à la caméra et la fixant droit dans les yeux. Puis progressivement, l’enfant semble perdre contact, ou perdre les moyens de communiquer avec le monde qui l’entoure. Débute alors la quête de Margret. Le spectateur passe
des rires aux larmes. Le projet a bénéficié d’une marraine de choix en la personne de Kate Winslet, qui ayant reçu le documentaire chez elle a accepté d’en être la narratrice dans la version anglaise. Depuis, une fondation, la « Golden Hat Foundation » a vu le jour. Un livre, avec l’Islandais Keli et Kate Winslet en couverture, a été publié dans lequel DiCaprio et d’autres stars hollywoodiennes se mettent dans la peau de personnes en incapacité de communiquer. Ils répondent tous à la même question : si vous recouvriez l’utilisation de la parole après une vie murée dans le silence, quels seraient vos premiers mots ? Cette question a laissé l’équipe du LPP songeuse... Et vous, quels seraient vos premiers mots ?
PORTRAIT : Símon, petit autiste vivant dans le nord de l ’Islande Par Lea Gestsdóttir Gayet - Photo : Virginie Le Borgne un moment nous avons envisagé d’aller vivre à Reykjavik, la capitale, car les infrastructures y sont plus importantes ». L’Islande fait un cinquième de la France et compte 320 000 habitants. La densité de population est de 3 habitants au kilomètre carré. Comment l’État s’y prendt-il pour subvenir aux besoins de tous les citoyens ? D’après des chiffres récents, 1,3 % des enfants islandais seraient atteints d’autisme.
Quelles infrastructures pour les autistes dans un pays de 320 000 habitants ?
L’équipe du Pourquoi Pas, après le visionnage du documentaire de Friðrik Þór, s’est penchée sur les conditions de vie des autistes en Islande. Símon a aujourd’hui 12 ans. Comme 9 personnes sur 10 atteintes d’autisme, il est de sexe masculin. Dernier d’une fratrie de six frères et sœurs, il a été diagnostiqué autiste non-verbal lors de ses deux ans. Les parents de Símon (le père est pêcheur et la mère est banquière) n’ont rien vu venir : « Bébé, il se développait normalement. Il avait commencé à parler. Rien ne le différenciait
des autres enfants ». Cependant, Bryndís et Gestur commencent à observer une régression dans le comportement de leur fils. Il arrête de parler, affectionne certains objets en particulier et il devient de plus en plus difficile de le regarder dans les yeux. « Ce fut un choc pour nous quand le diagnostic est tombé. L’autisme est traître car on n’a rien vu venir. Encore aujourd’hui cela fait drôle de regarder des photos de lui d’avant ». Comment gérer cette situation lorsqu’on vit au nord de l’Islande ? La famille de Bryndís et de Gestur réside dans un village de 1 500 habitants à une heure de route de la deuxième ville la plus peuplée du pays, Akureyri. « Pendant
« La municipalité a fait beaucoup de progrès ces derniers temps. Au début nous étions désemparés. Avoir un enfant atteint d’autisme nous a rendus vulnérables. » La famille de Símon a finalement décidé de rester dans le nord et d’effectuer des allers et retours mensuels vers la capitale et les spécialistes plutôt que de déménager. L’avantage de vivre dans une petite communauté, disent-ils, est que « tout le monde connaît Símon. Les premières fois où il rentrait tout seul de l’école, des gens le raccompagnaient à la maison, car ils pensaient qu’il aurait pu se perdre. La solidarité nous permet de tenir le coup ». Aujourd’hui, à l’instar de Margret et Keli dans Le courage d’une mère, Bryndís, Gestur et leur famille ont compris qu’il ne fallait pas chercher à transformer Símon, mais l’accepter tel qu’il est et tenter de comprendre son univers, sa réalité. « Nous devons apprendre à vivre avec
65°58 N – 18°32 W lui, et ne pas s’acharner à vouloir le changer, le faire rentrer dans la norme. Après tout, c’est la diversité du monde qui fait sa beauté et son intérêt, non ? » lance Viktor, frère aîné de Símon, d’un air taquin. Comme ses aînés masculins, Símon aime particulièrement la mer et la nature. Il adore explorer les fjords avec son marin de père à la recherche de bancs de poisson et peut observer les oiseaux sur les falaises des heures durant. Il a été baptisé Símon en l’honneur du meilleur ami de son père, disparu en mer. Une vieille croyance islandaise affirme que les âmes des disparus viennent parfois habiter le corps des nouveau-nés. On parle alors de « gömul sál » ou de « vieille âme ». Ainsi, un enfant de quelques mois à peine peut parfois donner l’impression d’avoir vécu 1000 ans. C’est le cas de Símon. Derrière ses beaux yeux bleus et ses boucles blondes, on sent une grande profondeur d’âme. Símon a beau ne pas pouvoir parler, il ne laisse personne indifférent et est très attachant. Il marque tous ceux et celles qu’il rencontre. Voilà peut-être le cadeau que les autistes nous font : ils nous font réfléchir sur notre rapport à autrui et à la vie en général. Nous avons cinq sens pour percevoir le réel; les autistes, et Símon en tête, en auraient-ils un sixième ? Concrètement, Símon a un emploi du temps bien organisé. Il se rend à l’école avec les autres enfants de son village. Il a le droit
à des leçons particulières l’aprèsmidi, il va souvent à la piscine et passe quelques week-ends par mois dans une ferme où il participe aux tâches, dans la limite de ses moyens. Mais Símon, enfant de son temps, adore surtout passer du temps sur son Mac et son iPad. Il photographie les images qui défilent sur l’écran et les fait ensuite défiler à grande vitesse. Que voit-il ? Pourquoi fait-il cela ? Que recherche-t-il ? Ceux qui voient là une marque de déficience mentale devraient s’interroger sur les gens « normaux » qui restent stoïques plusieurs heures d’affilées devant des programmes télé abrutissants. « Les autistes ont la réputation d’être très en retard dans certains domaines, et très précoces dans d’autres. Símon, par exemple, faisait ses puzzles à l’envers, se repérant uniquement avec les formes, lorsqu’il était petit », raconte Gestur en regardant tendrement son fils. Quel avenir à présent pour Símon ? « Il faut continuer à travailler avec lui, la famille et l’école, ajoute-t-il, pour faire en sorte que Símon évolue dans un univers qui lui convient. Il nous faut découvrir et comprendre ce qu’il aime, afin qu’il mène l’existence la plus heureuse possible. Car autistes ou pas, nous aspirons tous à la même chose : le bonheur ».
N°15 — Société
L'ISLANDE : une île phare dans l’Atlantique Nord, entre deux continents Par Serge Ronen - Photo : Julien Ratel À Thingvellir, haut lieu de l’identité islandaise, une simple crevasse sépare deux continents. Il est possible, sans grand effort, d’avoir un pied en Amérique et un pied en Europe. Nombre de visiteurs qui se livrent à ce petit exercice physique ont le sentiment d’être propulsés à coup sûr dans l’euphorie, voire l’irréalité. Cette crevasse, en ce site quasi magique, illustre, fait comprendre mieux que beaucoup d’ouvrages, la configuration géopolitique de l’Islande. Une île phare dans l’Atlantique Nord encore rattachée à l’Europe par la culture et les traditions, mais déjà partie intégrante du Nouveau Monde. Les Islandais, venus de Norvège et d’Irlande, ont en effet souvent les yeux tournés vers l’ouest, vers l’Amérique.
Quand la crise économique, née de la banqueroute des principaux établissements financiers du pays, a touché de plein fouet la société islandaise, la kronur (la monnaie nationale) s’est effondrée, son cours a tellement chuté que la question s’est posée de la remplacer par une autre devise. La première éventualité a été d’adopter à sa place l’euro. Cependant la situation économique de la zone euro est apparue à ce point préoccupante que des voix se sont aussitôt élevées dans la classe politique islandaise pour préconiser une autre solution : le passage au dollar canadien. Rien d’étonnant à cela, au Canada réside une forte communauté d’origine islandaise. Au XIXe siècle et au début du XXe
64°08 N – 21°56 W siècle, les Islandais ont quitté en masse leur pays natal pour aller chercher fortune ou simplement survivre sous d’autres cieux, notamment en Amérique du Nord. C’étaient des paysans, des pêcheurs, ou les deux à la fois, ils allaient s’enraciner dans des terres vierges qui n’attendaient que la main de l’homme. Ils avaient été précédés un millier d’années auparavant par leurs ancêtres à l’esprit aventureux, les Vikings. En effet les intrépides Vikings, venus d’Islande, avaient non seulement mis le cap sur l’ouest en vue d’explorer, dans de folles expéditions, les côtes glacées du Groenland, mais s’étaient aventurés jusque dans les forêts du Canada actuel. Les vestiges d’implantations norroises
viennent témoigner que bien avant Christophe Colomb les Vikings avaient découvert l’Amérique. Cette fascination pour les terres inconnues se retrouve dans les Sagas. Cette fascination fait partie intégrante de la psyché islandaise. L’Islande, membre de l’OTAN (Organisation du Traité de l’Atlantique Nord), participe à sa manière à l’effort de guerre contre les Talibans en Afghanistan. À sa manière ? En raison de sa faible population (320 000), étant donné que l’Islande n’a pas d’armée, un seul Islandais vient prêter main forte au corps expéditionnaire de l’OTAN en Afghanistan. Il séjourne alternativement à Kaboul et à Reykjavik. Les autorités islandaises tenaient à démontrer leur volon-
té de respecter les engagements internationaux de leur pays, même de façon symbolique... « Entre deux continents, mon cœur balance », pourraient chanter en chœur les Islandais. Entre l’Europe et l’Amérique, certains d’entre eux ont parfois du mal à choisir. Toutefois ils ne sont pas obligés de choisir. Ils ont suffisamment de confiance en eux, d’énergie et de créativité pour inventer une formule hybride…et développer une société qui puisera à l’avenir le meilleur ou le pire dans les deux continents. En tout cas, la capitale Reykjavik joue d’ores et déjà un rôle phare dans l’ensemble de l’Atlantique Nord.
APPRENDRE l’islandais Par Axelle Detaille
64°08 N – 21°56 W
Cela peut sembler naïf ; lorsque j’ai atterri en Islande pour y effectuer mon stage de six mois il y a maintenant sept ans, l’un de mes objectifs était d’améliorer mon anglais. Ce qui est assez étonnant avec le recul mais il est bien connu que les Islandais sont des champions des langues, et parlent tous au moins une seconde langue – et l’anglais en grande majorité.
Inutile de préciser qu’elle n’a aucune racine commune avec le français, ce qui ne facilite pas la tâche.
Puis rapidement la volonté de se fondre au mieux dans la société islandaise grandit et l’apprentissage de la langue, ne serait-ce qu’à un « niveau survivor » s’impose. L’anglais devient un paradoxe. Il entretient nos origines linguistiques non-islandaises, mais représente aussi une bouée de sauvetage qu’il faut admettre bien utile.
Les Islandais ont droit à un clavier spécial, permettant ainsi l’accès facile aux caractères islandais.
Se familiariser avec l’inconnu…
L’islandais est une langue germanique, qui trouve ses origines dans l’ancien norrois, la langue des Vikings. La langue a peu évolué au cours de ces derniers huit ou neuf siècles.
Son alphabet compte 32 lettres, et il faut se familiariser avec le « ð », le « æ » ou encore le « þ ». Il est aussi intéressant de noter qu’il n’existe pas de « c » ou de « q » dans cette langue.
Sa prononciation est là aussi tout à fait différente, et l’islandais a des intonations inhabituelles pour une oreille française. On parle souvent de « langue qui chante » ; le chant proposé par l’islandais est je trouve assez séduisant. Des sons qui n’existent pas en français vont devoir être vite maîtrisés. Sachez par exemple que « au » se verra prononcé « œil ». « á » se dira « ao ». « Oui », qui est traduit « já » en islandais, est donc dit « iao ».
L’ordre des mots dans la phrase exige le verbe toujours en seconde position. L’islandais est une langue flexionnelle qui compte quatre cas (tous ceux qui ont choisi allemand en L.V.2 sauront de quoi je parle) et les déclinaisons représentent clairement le casse-tête de toute personne souhaitant apprendre la langue. Il n’est pas aisé de savoir quand utiliser un datif ou un accusatif. Se diriger vers une école semble être la meilleure démarche à suivre pour débuter. L’offre sur Reykjavik y est assez importante. Les cours sont utiles pour acquérir et solidifier un minimum de bases et une fois que l’on a gagné un peu plus d’assurance nous voilà prêts pour aller goûter l’eau du grand bain.
… et se jeter à l’eau
Il n’est pas facile de combattre ses peurs de paraître ridicule parce qu’on ne sait pas comment tourner une phrase ou prononcer un mot. L’audace et le cou-
rage doivent répondre présent dès le départ. On peut d’abord s’entraîner tout en faisant ses courses dans les magasins. Un « góðan daginn » (bonjour), suivi d’un « einn poka » (un sac) et d’un « takk » (merci) suffiront. Ensuite, on peut tenter une commande au restaurant, ou le week-end venu, au bar. Pour les intéressés, « une bière s’il vous plaît » se dit « einn bjór ». Et tout se fait graduellement. Il arrivera que l’on vous réponde en anglais, et dans ce cas il ne faut pas se décourager et poursuivre en islandais. Discuter avec un collègue ou un ami est bien sûr une option de choix. Pour ma part, j’ai la chance d’avoir un collègue très patient avec qui je peux discuter sur nombre de sujets, et qui n’hésite pas à me corriger lorsque j’utilise la mauvaise déclinaison. Soit dans 99 % des cas. Ça reste un moyen très efficace d’acquérir du vocabulaire. L’apprentissage par imitation est aussi à prendre en considération,
c’est-à-dire apprendre la langue comme un enfant et ainsi ne pas chercher à comprendre mais simplement utiliser des bribes de phrases ou des expressions perçues et assimilées auparavant. Il faut pour cela être attentif à son interlocuteur, écouter la radio, regarder la télé et laisser son oreille s’attarder sur des discussions entendues au travail, entre jeunes, à la piscine ou dans la rue. Il faut savoir accepter qu’un nom comporte seize déclinaisons différentes selon s’il est employé au singulier ou au pluriel, avec ou sans article, au nominatif, à l’accusatif, au datif ou au génitif. L’apprentissage d’une langue s’apparente à l’apprentissage d’un morceau de musique. Avant de le maîtriser parfaitement, il faut laisser le temps à l’esprit de s’imprégner de chaque note. Il en va de même avec les mots. Il paraît qu’il faut entendre un même mot trois fois avant de pouvoir le retenir et se l’approprier.
« Certains mots sont probablement aptes à changer le monde, ils ont le pouvoir de nous consoler et de sécher nos larmes. Certains mots sont des balles de fusil, d’autres des notes de violon. Certains sont capables de faire fondre la glace qui nous enserre le cœur et il est même possible de les dépêcher comme des cohortes de sauveteurs quand les jours sont contraires et que nous ne sommes peut-être ni vivants ni morts. » JÓN KALMAN STEFÁNSSON, ENTRE CIEL ET TERRE, PARU EN 2010*
* Traduit par Éric Boury (Éditions Gallimard)