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Pourquoi pas N 1 / EST. 2012 o
Cap sur l’Islande: embarquez à bord du journal francophone le plus septentrional d’Europe
VOTRE EXEMPLAIRE GRATUIT
N 2 Edito o
L'équipage
Vêtements : Geysir / Photos : Aurélien Bihr
Quand, sans plus de précisions, j’ai reçu il y a quelques mois un court mail de mon amie Lea m’annonçant le lancement d’un journal francophone gratuit, je me suis dit : pourquoi pas ?
J’avais visé dans le mille sans l’avoir fait exprès, puisque j’apprenais par la suite que Le Pourquoi Pas serait le nom du canard en question. Je n’ai jamais trop aimé la presse gratuite car de la France que j’ai quittée il y a quarante ans j’ai gardé intact le sens de la critique de chaque chose. Râleur par atavisme. Le business rend les gens frileux car tout enthousiasme spontané s’y retrouve bientôt canalisé et laminé. Il fut un temps où des français prenaient des risques gratuits et étaient même soutenus par les instances gouvernementales, tel le commandant Jean-Baptiste Charcot qui a fait naviguer son Pourquoi Pas sur les eaux les plus improbables de l’Arctique ,donnant son nom à des chaînes de montagne et à des glaciers et faisant rêver toute une génération. Cela s’est terminé dans un naufrage en plein hiver en 1936 et, de tout l’équipage, un seul mousse en réchappa. Ce Pourquoi Pas ci est en papier, léger et insubmersible. Personne n’est en danger. Mais je réalise qu’il y a presse gratuite et presse gratuite. Point de Rupert Murdoch à l’horizon. Là, je suis enthousiaste pour plusieurs raisons. Ce journal est spontané et se lance sans avoir reçu aucune aide publique car il paraîtrait que les caisses sont vides. Ce journal, nous les français d’ici, nous l’attendions sans le savoir depuis des années, pas tellement pour nous d’ailleurs, mais pour nos concitoyens qui passent ici et n’arrêtent pas de nous questionner sur les même clichés. On y songeait bien sûr quand on feuilletait the Grapevine (se prononce Ze Grèpevaïne), son pendant anglophone qui traîne nonchalamment dans tous les cafés et pubs de Reykjavík depuis pas mal d’années. L’équipage de pirates qui lance ce journal a l’enthousiasme de la jeunesse et sa beauté. Il y en a même une qui se permet de s’appeler non seulement Virginie mais Le Borgne en plus, c’est la journaliste diplômée. Il y a son amie de toujours à côté de laquelle elle est restée assise quelques années sur
LE POURQUOI PAS Entre Paris et Reykjavík Entre l’équateur et le cercle polaire
Fondateurs : Lea Gestsdóttir Gayet Bergþóra Jónsdóttir Virginie Le Borgne Serge Ronen Rédactrices en chef : Lea Gestsdóttir Gayet et Virginie Le Borgne Journalistes : Lea Gestsdóttir Gayet Virginie Le Borgne Guillaume Bara Victor Gayet Gestsson Egill Helgason Philippe Meunier Jean-Marc Plessy Serge Ronen
les bancs de l’école noire (le nom islandais de la Sorbonne) Lea Gestsdóttir Gayet, master en philo, qui, c’est troublant, est tout autant si islandaise et si française que je la verrais bien comme reine sur un jeu de cartes. De pique ou de cœur ? J’hésite. Bergþóra Jónsdóttir, oui c’est ça, essayez de prononcer son prénom pour voir, l’amie d’enfance de Lea et, puisqu’on est en Islande, sa cousine par la même occasion s’occupe de la mise en page et du design. Mais rassurez-vous ce n’est pas qu’un journal de «djeuns» ou de frangines puisqu’il y a un vieux briscard dans l’équipage en la personne du journaliste Serge Ronen. Il n’est pas tout jeune puisqu’il a vécu une partie de sa jeunesse en Islande dans les années soixante, dix ans avant que j’y arrive moi-même qui ne suis plus de la dernière pluie. Un homme d’expérience donc au milieu d’expérimentatrices cultivées et enthousiastes dotées de cerveaux qui tournent ronds. Ce journal s’adresse donc à toi qui est en train de le lire (à vous aussi, excusez-moi) que tu sois du Québec, de Suisse, de Belgique, d’Afrique ou bien sûr de France. Il devrait vous parler d’événements culturels et vous raconter enfin l’Islande telle qu’elle est, pas seulement un magnifique pays pour se balader, on le sait déjà, mais des histoires d’Islandais, une petite nation avec ses contradictions, ses hauts et ses bas, son optimisme génétique sans lequel elle n’existerait plus même si, parfois, cela l’a mise devant un mur, son enthousiasme et son respect exagéré pour la chose culturelle, et oseront-ils, ses travers particuliers. Ses liens passés avec la France et le Canada, ce qui en reste et sa relation avec l’Europe et le monde d’aujourd’hui et de demain. Si les Islandais battent les Français au handball on en parlera aussi, soyez-en certains. Et même si c’est un match nul, car ici ce sera une victoire. Je vous souhaite bon voyage si vous partez demain à pied, à cheval ou en voiture découvrir l’immense petit pays où les volcans font semblant de dormir. Sinon, si vous vous apprêtez à rentrer au pays et bien prenez ce journal avec vous, vous ne l’aurez pas volé.
Publicités : Lea Gestsdóttir Gayet Sandra D. Guðmundsdóttir Virginie Le Borgne Graphiste : Bergþóra Jónsdóttir Photographes : Lea Gestdóttir Gayet Virginie Le Borgne Rut Ingólfsdóttir (Une et dernière page) Secrétaires de rédaction : Lea Gestsdóttir Gayet Virginie Le Borgne Aurélien Bihr
Philippe Patay
Remerciements : Gestur et Marie-Paule, Erik, nos familles, les sympathiques franco-islandais d’Islande qui se reconnaîtront, la commune de Dalvík, les pêcheurs d’Islande à Fáskrúðsfjörður, la liberté et l’optimisme débordant islandais, Jónsson & Le’macks. Tous ceux qui ont soutenu ce projet par leur confiance et par leur financement, la France, l’Islande.
Impression : Morgunblaðið Hádegismóum 2, 110 Reykjavík Islande Le LPP se veut un journal ouvert à toutes sortes d´opinions. Pour soumettre des articles ou des billets d´humeur, veuillez envoyer un courrier électronique à l´adresse suivante: lppreykjavik@gmail.com
N3 o
Photo: Lea Gestsdóttir Gayet
« Nous sommes des voyageurs. Qu´est-ce que voyager ? Je le dis en un mot: avancer. Que toujours te déplaise ce que tu es pour parvenir à ce que tu n´es pas encore... Avance toujours, marche toujours, ajoute toujours. Ne demeure pas en chemin, ne recule pas, ne sors pas de la route. Il demeure immobile celui qui n´avance pas ! Mieux vaut un boiteux sur la route qu´un coureur hors de la route. » Saint Augustin
N 4 Street Interview o
Micro-trottoir : Comment les Islandais
Sandra, 25 ans, propriétaire du salon de coiffure « 101 Hárhönnun » et originaire d’un petit village de l’Est de l’Islande, Höfn í Hornafirði. La France ? Pour moi, c’est lié à l’art et aux belles choses. Je me souviens qu’à Paris, il y avait de belles choses à chaque coin de rue. Ici, il faut chercher avant d’en voir ! La France, c’est lié aux cafés et aux baguettes ! Mais la vie est chère.
La Belgique ? Lié à la musique. Les deux fois où j’y suis allée
c’était pour un festival de jazz, puis pour le festival Rock Werchter.
La Suisse ? Dans mon imaginaire, cela signifie les montagnes et les beaux paysages.
Björn, 29 ans, vendeur à Brim, magasin de skate. Vient de Keflavík. Belgique ? Je suis seulement passé à travers par avion. Je pense au fait qu’ils ont plusieurs langues . Canada ? Mon oncle ainsi que sa famille vivent à Vancouver mais je n’y suis jamais allé. Les canadiens semblent être comme les américains mais en plus propre !
France ? Je suis allé en vacances à Paris et à Bordeaux. La France
signifie le bon vin et l’art même si à Paris je ne suis même pas allé voir la Tour Eiffel. Je pense, cela dit, qu’il est difficile de communiquer avec les Français car, souvent, ils ne parlent pas anglais.
Suisse ? J’y suis allé pour faire du snowboard pendant deux jours, ça m’a vraiment plu. Ce pays me fait penser au chocolat, au snow et aux banques !
Sindri, 23 ans, travaille depuis 4 ans à la boulangerie Sandholt où il a commencé en job étudiant. Vient de Reykjavík.
Arndís Dögg, 6 ans.
La Belgique ? Cela signifie le chocolat, la campagne, les petites
La France ? La Tour Eiffel !
villes.
Le Canada ? Je n’en ai aucune idée. La France ? Cela me fait penser à la nourriture bien sûr, au vin, aux croissants. La Suisse ? Pour moi c’est la même chose que la France mais avec des montagnes !
N5 o
perçoivent-ils les francophones ?
Rósa et Jónsi, tous les deux sur leurs 35 ans. Rósa travaille dans une banque et Jónsi est musicien et a représenté l’Islande à l’Eurovison cette année. La Belgique ? Nous avons un ami qui habite à Gand et il y a apparemment les meilleurs moules du monde. Nous cherchons quelqu’un pour nous en ramener ! Les Belges semblent assez calmes. C’est difficile de mettre le doigt sur ce que sont les belges. Malheureusement, les islandais ne savent pas grand-chose à leur propos… Le Canada ? On dirait un mélange entre l’Est et l’Ouest. Les Canadiens ont beaucoup d’espace et une nature magnifique. Ils sont plus faciles à vivre que les Américains - Jónsi débute une grande imitation des Américains, assez moqueuse ! - et semblent avoir beaucoup de connexions avec les Européens. La France ? Rósa : je suis allée à Toulon et à Aix-en-Provence
Jónsi : je ne suis jamais allée en France C’est un pays culturel où il y a du bon vin et de la bonne nourriture. C’est également synonyme de mode. La vie est plus facile, moins stressante qu’en Islande. C’est la capitale culturelle de l’Europe où les grandes tendances se retrouvent. Si un français dit que c’est cool c’est que ça l’est ! Les français sont assez autosuffisants, polis, raffinés, ils ont un charme particulier.
Ulrik, 76 ans, architecte, professeur de ski en Autriche cinq mois par an, guide dans plus de six langues et écrivain. Né en Allemagne mais installé en Islande depuis cinquante ans et marié à une Islandaise. La Belgique ? Les Belges sont doux et sympathiques, un peu comme les Irlandais. Le pays est agréable. Le Canada ? Je suis allé à Montréal. C’est un peu plus cool que les Etats-Unis. Les Montagnes Rocheuses sont superbes.
La France ? J’aime vraiment beaucoup la beauté de ce pays par exemple la vallée de la Loire. J’y suis allé peu de temps après la Seconde Guerre mondiale et je me souviens de ce Français qui m’avait dit : « nous sommes bien plus contre les Anglais que contre les Allemands ! ». J’adore l’humour des Français. J’adore les premières minutes où je les rencontre dans le bus quand je suis guide. Ce qui les caractérise aussi c’est qu’ils ne donnent jamais de pourboire ! Je les trouve en général très intéressés par tout ce qui se passe autour d’eux. La Suisse ? La Suisse romande est époustouflante. Je me sou-
viens d’une conductrice de 95 ans très colérique ! En général je pense que les Suisses sont très polis les uns envers les autres mais ce n’est peut-être qu’une façade…
La Suisse ? Les suisses ressemblent un peu plus aux allemands car ils sont très organisés !
Johannes, 55 ans et son fils Kristján, 27 ans. La France ? Jóhannes: La Tour Eiffel, le vin rouge et le football ! Kristján: Paris et le vin rouge.
La Belgique ? Jóhannes : La Belgique n'a pas d'équipe de sport qui la fasse rayonner. La Suisse ? Jóhannes : J'imagine une belle nature et une vie chère! Kristján : Je pense à l'argent et aux montres.
Le Canada ? Jóhannes : le froid. Kristján : le hockey sur glace et les émigrés islandais. Jóhannes : j'allais dire la même chose pour les émigrés islandais !
N 6 Société o
Un hiver en Islande
Comment fait-on pour vivre sur le cercle polaire et supporter le long hiver islandais?
l´esprit et éviter de poser le regard trop longtemps sur une réalité cruelle : on estt bloqué sur une île, les Bahamas sont loin, et il faut tenir coûte que coûte. Ce constat est sans appel: l´hiver islandais est tout sauf une partie de plaisir. Les axes de communications internes sont souvent perturbés pour des raisons météorologiques. Si on veut rejoindre le nord du pays pour les fêtes de Noël, il faut être mentalement préparé à voir le vol annulé pour cause d’intempéries... Les Islandais dépendent fortement de leur environnement naturel et doivent souvent s´armer de patience avant d´entreprendre un voyage.
C´est une question récurrente. Beaucoup de voyageurs qui posent le pied sur le sol islandais sont émerveillés par la beauté de l´île et ravis de leur séjour. Néanmoins, ils s´accordent sur une chose : ils ne s´imaginent pas un seul instant pouvoir y vivre. Pourquoi? L´hiver y est réputé rude et long. Alors, quels sont les avantages et les inconvénients d´une vie à l´islandaise? Nous avons posé la question à des lo- Les maisons chaudes qui sencaux. Voici le fruit de leurs tent bon la cannelle. Face à ce tableau peu attrayant pensées. L´hiver islandais est froid et long. Certes, l´hiver islandais est interminable. Il faut un moral d´acier pour passer l´hiver sans déprimer. Les Islandais tâchent justement d´être occupés durant cette période de l´année afin de ne pas voir le temps passer. Ils vont à l´université, occupent un ou plusieurs emplois. Ils fréquentent assidument les salles de sport ainsi que les centres d´UV. Le mot d´ordre hivernal est «að hafa nóg að gera» : avoir assez à faire. Il faut s´occuper
de l´hiver, la réaction des touristes francophones visitant l´Islande trouve son bien fondé. L´Islande, si belle en été, est dure à vivre en hiver. Y a-t-il des avantages à passer l´hiver en Islande? «Il fait toujours bon vivre dans les maisons islandaises». Gestur, la cinquantaine, a vécu deux années en France. A plus d´une reprise il s´est surpris à avoir froid dans les appartements qu´il louait « Les maisons françaises que j´ai connues isolaient nettement moins bien que celles d´Islande». Un avantage de l´hiver islandais : la
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chaleur des domiciles tranche avec le froid extérieur. La géothermie permet la production d´électricité et de chauffage à des tarifs avantageux. C´est la meileure arme des islandais contre l´hiver glacial.
L´eau chaude: le soleil des Islandais. Autre avantage lié à la géothermie : les piscines. La piscine fait partie intégrante du quotidien des islandais. Dans de nombreux villages isolés, elle fait office de lieu social: les Islandais s´y rendent après le travail. La piscine (et le jacuzzi notamment) est un haut lieu d´échanges. On y apprend les derniers potins et on échange des avis politiques. Durant les longues nuits froides hivernales il est indispensable de se rendre à la piscine, au sauna et de s´immerger dans un bassin à quarante degrés jusqu´à brûler de chaleur. A ce moment on peut sortir de l´eau et se promener au bord du bassin en maillot de bain entouré de neige. C´est une expérience extraordinaire ainsi qu´une manière optimale pour tonifier le corps. Finalement, en hiver, les Islandais passent beaucoup de temps à la piscine, et donc dehors. L´air pur vivifie le visage pendant que le corps est immergé dans une eau chaude.
La magie de Noël et les aurores boréales. Les Islandais font beaucoup la fête durant la période estivale. Il y a pratiquement un festival chaque fin de semaine. L´hiver, les nuits longues, la neige et le froid mettent un frein à la frénésie ambiante caractéristique de l´été. Mais les Islandais préparent les festivités de Noël avec un soin particulier. Noël en Islande est un paradis pour les grands et les petits, surtout dans les petits villages hors Reykjavík. Les maisons sont décorées (la plupart du temps avec goût) avec des guirlandes électriques. Tout d´un coup, il ne fait plus si noir. La neige blanche réfléchit les reflets de la lune et des décorations de Noël. Un léger halo lumineux se répand sur les villages. Le Père Noël se divise en treize lutins taquins qui font les 400 coups. Chaque jour qui précède Noël est dédié à un lutin et à sa particularité. Par exemple, lorsque le lutin Skyrgámur vient en ville, il faut cacher les yaourts et les crèmes. Skyrgámur est en effet gourmant et ne résiste pas à l´envie de finir les écuelles qui traînent en cuisine. La fin de la période de Noël est fêtée avec des feux d´artifices... Le courrier de Noël est distribué par les lutins en personne. De plus, le ciel est régulièrement éclairé par de magnifiques aurores boréales. Bref, Noël en Islande
est un moment féérique. L´hiver islandais n´a rien à envier à l´hiver français, belge ou suisse. Finalement, l´hiver islandais n´a rien de terrible. Katla, 23 ans, a vécu une année à Paris dans le cadre d´un programme d´échange «Le mois de janvier à Paris est morose. Je me levais, prenais le train alors qu´il faisait toujours nuit noire dehors. Ensuite je me rendais en cours, transie de froid. Et le soir lorsque je rentrais enfin chez moi il faisait noir à nouveau...». Katla affirme que ce sont les sorties à la piscine qui lui ont le plus manqué lors de son séjour en Europe. «J´ai passé mon temps emmitouflée dans mes manteaux et n´avais pas l´occassion de vivifier mon corps. J´ai trouvé cela difficile, car les bains chauds sont un remède contre le froid. Ils sont essentiels à mon bien-être.» Katla ne peut pas se prononcer entre le soleil et les bain chauds. Les deux peut-être? « C´est une question difficile... Mais l´Islande allie bains chauds en hiver avec le soleil l´été. C´est parfait pour moi! » affirme la jolie blonde avec un regard malicieux. Par Lea Gestsdóttir Gayet Photo : Lea Gestsdóttir Gayet
Une professeur de français devient prÊsidente d'Islande
N 8 Société / Rencontre o
Vigdís Finnbogadóttir, première présidente au monde élue démocratiquement, a gouverné l’Islande entre 1980 et 1996 et reste toujours très engagée pour l’égalité des sexes et des êtres humains en général.
Vigdís, l'amie des Islandais Le soleil et la tranquillité de cette journée dominicale n’empêchent pas Vigdís Finnbogadóttir de passer d’une interview à l’autre et de recevoir des appels du monde entier. Elégante, elle laisse entrouverte la porte de sa bibliothèque d’où l’on peut distinguer des centaines de beaux livres, avant d’apparaître dans son spacieux salon lumineux. Entre un piano sur lequel sont posés partitions, poèmes de Rimbaud, et quelquestableaux, cette femme raconte son pays, l’Islande. Pays qu’elle a gouverné et qu’elle continue de suivre avec amour.
En quoi a consisté votre éducation entre l´Islande et l´ étranger ? J’ai commencé par étudier à l’universté de Grenoble. Je suis de la génération de la propédeutique et c’était dur! Cela servait à limiter l’entrée à l’université. Il y avait trente étudiants sur cent cinquante admis par an à l’université de Grenoble. On passait un examen au printemps. Autour de moi il y avait des étudiants qui s’évanouissaient! Si vous allez dans les chapelles autour de Grenoble vous verrez des « merci pour la propédeutique » sur les murs. Quand j’ai passé le concours, j’ai fini vingt-neuvième sur trente, je n’oublierai jamais! J’étais tellement heureuse de ne pas être le numéro trente-et-un. Je suis ensuite allée à Paris où j’ai fait des études littéraires et je suis tombée amoureuse du théâtre. A l’époque, le théâtre de l’Avant-Garde envahissait Paris. Il y avait Beckett, Ionesco, ils étaient tous là et encore vivants ! Vous les avez rencontrés ? Non pas personnellement, je n’étais qu’une étudiante. C’était typique de l’époque d’après guerre de faire de l'art en réaction à ce qui venait de se dérouler. Le théâtre de l’absurde était l’écho de l’absurdité de cette guerre 1939-1945 avec tous ces morts et la cruauté en Allemagne, celle des nazis. Il y avait une créativité artistique extraordinaire. Toutes mes études littéraires étaient fondées sur le théâtre.
J’ai découvert que les études universitaires à la Sorbonne étaient très en retard, voilà pourquoi à la révolution de 1968 il n’y avait pas de place, pas de bâtiment, nous étions assis par terre, dans les escaliers et nous n’avions pas encore créé l’histoire du théâtre. C’est pourtant une histoire extraordinaire qui commence au Moyen-Age quand les gens
ce qu’il est aujourd’hui! Peu de temps après être rentrée à Reykjavík, j’ai créé un théâtre expérimental. Il n’y avait pas de théâtre à l’époque à Reykjavík ? Si, il y avait le théâtre national islandais et le théâtre de la ville de Reykjavík. Mais je voulais insuffler mon savoir aux gens, ce que j’avais appris
« Nous vous prions de vous présenter à la présidentielle et nous vous assurons que nous vous supportons de tout cœur. »
ne comprenaient pas le Latin dans les églises. Ils ont pris l’Evangile et l’ont mis dans des wagons sur la place. Le ciel était au milieu, l’Enfer à droite et la vie à gauche pour que les gens comprennent ce qui se passait dans l’Evangile. J’ai quitté Paris pour Copenhague afin d’y étudier l’histoire du théâtre. Je me suis mariée puis, une fois séparés, je suis rentrée en Islande pour finir mes études à l’université de Reykjavík. J’étudiais l’anglais, la littérature anglaise, le français, la littérature française et le théâtre. J’ai eu formellement le droit d’enseigner le français qui était bien meilleur que
sur le théâtre. J’ai bien fait car au bout de quelques années, on m'a proposé la direction du théâtre de la ville (Borgarleikhús), place que j’ai occupé fait pendant huit ans. Le premier janvier 1980, le président d’Islande - Kristján Eldjárnannonce qu’il ne se représentera pas à la suite de la journée de grève des femmes du 27 octobre 1975. C’était extraordinaire cette journée, ça c’était de l’Histoire! Que s’est-il passé ce 27 octobre 1975 ? En 1975, je suis directrice du théâtre de la ville et l’Organisation des Nations Unies -ONUdécide de consacrer cette an-
née «Année internationale de la femme» et de faire du huit mars la journée internationale de la femme afin d’attirer l’attention sur les femmes dans le tiers-monde. Les femmes islandaises étaient très mécontentes à l’époque, elles étaient déjà en train de s’éveiller en réalisant qu’elles n’avaient pas de place dans le Parlement. Elles étaient sur les listes, travaillaient pour les partis mais étaient toujours sixième ou huitième sur ces listes et ne servaient qu’à encourager les hommes à entrer au Parlement. Elles ont entendu que l’ONU avait créé cette journée et ont décidé de faire grève. Elles ont voulu prouver que les femmes sont les piliers de la société autant que les hommes. Cela devait être un secret! Tout le monde pensait que personne n’était au courant mais, en fait, tout le monde le savait, même les hommes. Ils ont dû l’accepter. Personne ne se doutait que cela prendrait une telle importance. Toutes les femmes du pays, dans les usines, sont allées voir leur patron pour leur demander si elles pouvaient retrouver leurs amies dans l’après-midi pour chanter, faire des discours. Ils ont tous répondu oui car s’ils disaient non, ils avaient peur d’être jugés par ceux qui avaient acceptés. Résultat : la moitié de la nation était dans la rue, des milliers de femmes se sont retrouvées! L’évènement a été pris avec beaucoup d’humour. A la radio, on entendait que les journalistes masculins avaient emmené leurs enfants à la crèche. Ils ont téléphoné
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aux quatre coins du pays pour demander aux marins comment ils se débrouillaient. Ils ont répondu : « ma femme a été gentille, elle m’a laissé quelque chose à manger dans la cuisine ainsi que pour mes enfants ». C’était plein de gentillesse et d’humour. Il faisait très beau ce jour-là. Les usines, surtout les usines de poissons, les banques, tout était fermé. Les femmes ont prouvé qu’on ne pouvait pas se passer d’elles car elles portent sur leurs épaules la moitié de la société. Cela a fait beaucoup de bruit. On a vu cette actualité dans le monde entier. Beaucoup de pays ont interprété cela comme la grève des femmes dans la chambre à coucher tel qu’on le voit dans "Lysistrata" d’Aristophane -pièce qui lutte pour l’égalité des sexes. Sparte est en guerre contre Athènes et pour créer la paix, les femmes refusent d’entrer dans la chambre à coucher. Mais là, ce n’était pas Aristophane. C’était véritablement une grève du travail qui prouve que la société ne fonctionne pas sans l’apport des femmes. Cela a ouvert les yeux de beaucoup de monde dans le pays sur l’égalité et sur le rôle de la femme. Cette grève a eu très peu d’effets jusqu’à ce 1er janvier 1980 où Kristján Eldjárn annonce qu’il ne va pas se représenter et qu’il y aura des élections présidentielles six mois plus tard, en juin. On réalise qu’il faut une femme alors on commence à chercher. Dans les journaux, de temps en temps, il y avait une photo d´une femme avec marqué « on a demandé à cette femme mais elle a dit non ». Un jour, il y a eu une photo d’une femme connue qui s’occupait des personnes en difficulté dans le centre de Reykjavík, Laufey Jakobsdóttir. Elle connaissait vraiment la vie de ses conci-
donne des cours de français à la télévision ». J’avais participé à des cours sur la culture dans lesquels je parlais du théâtre et j’étais la première femme à diriger le théâtre de la ville. Mais j’ai refusé. Cela ne m’intéressait pas. Mon projet était de créer un théâtre pour les enfants dans ma maison. Il y a même eu un siège autour du théâtre et je me suis enfuie. Des gens venaient à ma porte avec des pétitions. J’ai reçu un télégramme plié en accordéon de la part des marins islandais. On me vouvoyait dans ce texte, ce qui est inhabituel en Islande, et on me disait « nous vous prions de vous présenter à la présidentielle et nous vous assurons que nous vous supportons de tout cœur ». Il y avait trente-deux signatures en-dessous. Vous étiez surprise ? Cela m’a profondément touchée. J’ai soudain réalisé que le pays voulait une femme présidente. C’était extraordinaire. J´ai été convoquée au théâtre où on m´a dit «tu vas le faire on va t’aider». J’ai accepté. Durant la campagne je sautais d’un avion à un autre. Les pilotes m’ont dit que j’avais tellement volé dans ces petits avions qu’ils me donneraient mon diplôme tout de suite ! Le jour de l’élection, j’étais épuisée. Toute ma famille était devant la télévision. A quatre heures du matin ma demi-sœur a frappé à ma porte en disant : « on te demande ». C’était le signe que j’étais élue. Qu’est-ce que vous pensez avoir apporté à l’Islande pendant ces années durant lesquelles vous avez dirigé le pays ? Moi ? Oh je ne sais pas, il faut demander aux islandais. Je sais que j’ai beaucoup ins-
«la société ne fonctionne pas sans l’apport des femmes.» toyens et surtout celle de la jeunesse. Les jeunes savaient qu’ils pouvaient compter sur elle s’ils étaient tristes ou en cas de drame. C’etait une femme merveilleuse qui était fleuriste. Et elle a écrit une lettre en disant : « pourquoi ne pas demander à Vigdís ? Tout le monde la connaît. Elle
piré les femmes. Elles se disent que si Vigdís peut le faire alors elles peuvent le faire aussi. J’ai toujours été une amie: l’amie de la population. Il n’y a jamais eu de conflit. Sauf une fois quand on a voulu rentrer dans l’Espace Economique Européen, certains voulaient et d’autres non. Maintenant, la
question ne se pose plus et je ne regrette rien. Nous sommes européens. Si les Islandais n’avaient pas accepté, ils auraient navigué vers l’Amérique. Je me demande quel aurait été le résultat. Vous aimeriez que l’Islande fasse partie de l’Union Européenne ? Je n’ai pas d’opinion là-dessus. Avant midi je suis pour, après midi je suis contre. Nous sommes très européens dans notre culture et la littéra-
Entre Français, on peut discuter même si personne n’est du même avis. On va dire « tu te souviens de ce qu’a dit Pascal ? Descartes ne dirait pas ça. Et Rousseau ? ». En Islande, je crois qu’il y a une peur du rejet, de l’exclusion du groupe auquel vous appartenez si vous exprimez une opinion originale. Que pensez-vous des résultats des élections en France? Ce sont des affaires étrangères
«Je suis tellement fière quand on réalise que les femmes peuvent faire comme les hommes.»
ture mais il y a une importante influence américaine sur la jeunesse.
Pouvez-vous nous parler des différences et des ressemblances entre les systèmes éducatifs français et islandais ? C’est à peu près la même chose. L’éducation se passe de la même manière à l’université. Par contre , en Islande, nous sommes si peu nombreux par rapport à la France que l’élève connaît son professeur et inversement. L’éleve peut toujours aller voir son professeur s’il y a quelque chose qu’il ne comprend pas. Tout le monde se connaît ici. Cela peut être très bon ou très mauvais. Dans la politique par contre, ce n’est pas une bonne chose. Il y a toujours cette tendance à vouloir rendre service à quelqu’un... Cela aurait été différent pour vous d’être présidente en France ? Non, je ne pense pas. J’ai des idéaux comme celui de sauvegarder la langue qui est une volonté commune partagée par la France et l’Islande. Nous apprécions ce qui est produit dans notre langue, que cela soit la littérature, les sciences, les films, la musique… Il y a en permanence le respect de la langue. Comment voyez-vous la gestion de la crise? Je suis très malheureuse. Au lieu de discuter logiquement, les Islandais se disputent. Pourquoi ? Parce que nous n’avons pas d’héritage philosophique.
dont je ne me mêle pas mais je suis assez contente. Je suis abonnée à pas mal de journaux français. Vous êtes convaincue que les hommes prennent plus de risques que les femmes ? Oui, nous le savons tous! Les hommes sont plus enclins à prendre des risques. Il ne faut jamais généraliser mais c´est ainsi. Mais je suis tellement fière quand on réalise que les femmes peuvent faire comme les hommes. Même conduire un camion! Et il faut aussi reconnaître que les hommes peuvent faire tout ce que les femmes font sauf donner naissance à un enfant... Qu’est-ce qui vous importe le plus aujourd’hui ? Mon institut - un institut consacré aux 6800 langues dans le monde ouvrira d’ici trois ans - et le bonheur de mes petits-enfants et de ma famille. Mon institut est à l’image de tout ce que j’ai fait pendant ma présidence : je le fais pour le futur. On se moque de moi en disant que je plante des arbres (Vigdís est a l’origine de la plantation de plusieurs forêts dans le pays. Il y a d’ailleurs une forêt dans laquelle elle plantait un arbre chaque fois qu’un nouveau chef de l’Etat se rend en Islande). Pourquoi je fais cela ? On vit dans un pays érodé, nous avons perdu deux tiers de la végétation depuis que nos ancêtres viking se sont installés ici. J’ai donc essayé
d’enseigner aux enfants qu’il faut sauvegarder la terre. On m’offrait des cadeaux quand je rendais visite à la population, alors je me suis dit qu’est-ce que je peux donner en échange? C’est une tradition en Islande de venir avec des cadeaux. Je donne à la population en plantant des arbres et je souhaite une prise de conscience à ce sujet. Qu’est-ce que donnerait une journée de grève des immigrés asiatiques ou polonais en Islande ? Les plus grands déplacements de populations depuis le Vème siècle ont lieu de nos jours car le monde est plus ouvert et on ne peut pas s’isoler. Nous devons faire face à cela d’une meilleure manière. Comment ? En essayant d’éliminer les préjugés. Parce que les noirs, les jaunes, les arabes et les blancs ont le cœur au même endroit, ont le cerveau au même endroit, ils sont au mieux intelligents ou au pire bêtes ! Nous sommes tous des êtres humains. Ces déplacements de populations sont un fait dans le monde, on ne peut pas se renfermer sur soi-même. Je sais que c’est un grand problème en France, la famille Le Pen refuse de voir cela. J’ai une fille et trois petites filles et je crois profondément que si nous pouvons changer le monde ce sera grâce aux femmes. Par Virginie Le Borgne et Lea Gestsdóttir Gayet Photographie : Virginie Le Borgne et Ólafur K. Magnússon (mbl.is)
N 10 Politique / Rencontre o
Þóra ou l’espoir d’une jeune femme à la tête de l’Islande « Comme vous pouvez le constater, notre maison est sens dessus dessous ! » annonce avec un sourire franc Svavar Halldórsson, compagnon de Þóra Arnórsdóttir, en ouvrant la porte de leur demeure à Hafnarfjörður. Entre des vêtements éparpillés çà et là, des photos encadrées de leur grande famille et des papiers relatifs à la campagne présidentielle, la svelte Þóra apparaît, une tasse de café à la main : « Je dois reformuler ce texte que nous envoyons aux soixante ans et plus, il faut le rendre plus simple ». Svavar s’assoit à ses côtés et, ensemble, ils reformulent ces quelques lignes. Une osmose affichée qui a sûrement aidé cette journaliste de trente-sept ans à se hisser en deuxième position dans les intentions de vote de l’élection présidentielle du 30 juin 2012, derrière le président actuel, Ólafur Ragnar Grímsson. Rencontre avec cette mère de famille qui a mené sa campagne électorale enceinte.
Combien de personnes travaillent pour vous durant cette campagne ? Il y a des centaines de volontaires qui travaillent pour moi pour cette élection, très peu sont payés. Ils passent leurs grandes vacances à faire ça! (Svavar intervient) Environ vingt ou trente volontaires participent, entre cinquante et cent personnes fournissent un travail considérable, et peutêtre autour de mille personnes travaillent vraiment sur le projet. (Þóra reprend) C’est un sentiment si agréable d’avoir des gens dans la rue qui te disent « j’ai vraiment envie de faire quelque chose dans cette campagne » (Svavar) J’ai deux semaines de vacances, qu’estce que je peux en faire ? Aider? (Þóra) C’est un sentiment spécial. Qu’est-ce qui vous a encouragé à vous présenter à l’élection présidentielle? A la fin de l’année dernière, j’ai commencé à recevoir des appels, des messages, que je ne prenais pas du tout au sérieux. Cela ne faisait pas partie de nos plans, nous attendions un bébé pour le mois de mai, nous aimions nos travails respectifs, nous étions heureux. Mais au mois de mars dernier, j’étais submergée d’encouragements. Nous en avons parlé et nous sommes dit que c’était quelque chose que nous devions considérer. Je me suis rendue compte
que c’était une opportunité pour réaliser un changement, pour tracer une ligne dans le sable et dire « prenons l’expérience de ces dernières années et utilisons là pour former le futur ». Nous avons été tellement concentrés sur le passé, nous avons tellement essayé de savoir pourquoi cela était arrivé –la crise-, qui nous devions blâmer... J’ai considéré la présidentielle comme une bonne opportunité pour changer de direction, encourager les gens à parler de tous les sujets importants. Par exemple : où désirons-nous aller en tant que société, quel genre d’atmosphère voulonsnous pour élever nos enfants. Oui il y a eu le crash et les problèmes qui en découlent mais il y a également beaucoup d’opportunités pour remodeler nos attitudes et nos valeurs. Des valeurs qui, je pense, ont perdu de leur sens les années qui ont précédé le crash. Quand on regarde sur internet, sur les blogs, il y a, en Islande, tellement de personnes qui ne participent plus aux discussions de la vie démocratique du pays. Elles se disent : « J’ai arrêté de suivre les débats, je ne regarde pas la télé, je ne lis pas les journaux, je me contente d´être dans ma petite bulle parce que de toutes façons je ne peux rien faire ».
Quelle serait la différence entre le pouvoir du président en Islande et en France? Il y a une grande différence car ici le président est une figure apolitique alors que le président français a énormément de pouvoir. En Islande, le président a des pouvoirs limités. Son pouvoir principal est l’influence. Il est censé unifier le pays. Nous sommes seulement
famille, je n’ai pas de carrière politique, je n’ai aucune expérience en tant que présidente ! Il y a une autre différence très nette. Si vous vous intéressez aux discussions de ces dernières semaines, vous verrez qu´il a beaucoup parlé de pouvoir, de responsabilités, à quel point le rôle du président est important dans la décision du destin de la
« Pourquoi n’est-ce pas bien qu’une femme, enceinte, se présente à l’élection présidentielle? »
320 000. Il doit aussi attirer l’attention sur le pays, encourager les entreprises internationales à investir dans le pays. Dans quelle mesure apportezvous la nouveauté dans cette élection présidentielle ? Considérez le président actuel: il a soixante-neuf ans, c’est un homme, un ancien chef politique et il est président depuis seize ans. Le contraste est donc saisissant… Je suis son opposé-e! Je suis jeune, je suis une femme, avec une vie de
nation. Je ne pense pas que cela soit une bonne chose pour un président de penser autant au pouvoir. Traditionnellement, depuis 1944, le président a un rôle bien précis et j’ai l’impression qu’ Ólafur est en train d’étendre ce pouvoir. Le président représente ce que nous sommes censés protéger pour les prochaines générations, à savoir notre pays, notre langage, notre culture. J’agirai en fonction de ces valeurs sur lesquelles notre société est bâtie et elles n’ont malheureusement
N 11 o
pas été mentionnées durant ces deux derniers mois. Quelles valeurs soutenez-vous ? Quand des gens viennent de l’étranger et se demandent pourquoi l’Islande est le meilleur endroit pour être une femme, pour élever ses enfants, je réponds juste que nous avons décidé de bâtir notre société sur l’égalité des chances ainsi que la confiance. Nous souhaitons que les gens soient honnêtes, libres et tolérants. Par exemple, l’Islande est un des meilleurs pays où vivre en tant que gay. Bien sûr tout ceci est arrivé petit à petit. Nous voulons que la société continue dans cette direction, car je pense que c’est la bonne. Cependant, ces dernières années, nous n’avons pas parlé de ces sujets. Et j’ai désormais l’opportunité de le faire. Mais les débats tournent principalement autour de la constitution, de la manière dont le droit de véto devrait être utilisé et si c’était une bonne idée de l’utiliser pour Icesave. Si vous êtes élue le 30 juin quelles sont les premières mesures sur lesquelles vous allez vous concentrer ? J’aimerais augmenter la collaboration entre le président et les citoyens. Je souhaiterais qu’il y ait une coopération avec les politiciens, les chefs de tous les partis, la majorité et la minorité dans le parlement, les juges, qu’on essaye d’avancer ensemble avec différentes opinions, qu’on essaye d’encourager les gens à prendre sur soi et à relativiser. La première ministre actuelle -Jóhanna Sigurðardóttir- a été au Parlement pendant trente-quatre ans, depuis 1978. Durant sa carrière il n’y a jamais eu autant de haine et de peurs dans les débats au Parlement. Cette atmosphère se propage sur la société. Lorsqu’on regarde ce qu’il se passe au parlement, on se dit que ce n’est plus possible.
Mon but premier, et ce qui me semble être le rôle principal du président, est d’essayer d’unifier le pays. Nous sommes une petite nation, nous ne devrions pas nous scinder en
«Le président représente ce que nous sommes censés protéger pour les prochaines générations, à savoir notre pays, notre langage, notre culture.»
petits groupes selon l’endroit où on habite ou selon nos opinions. Il y a tellement plus de raisons qui nous unifient que de motifs qui nous divisent. Même si les temps ont été durs, c’est le moment d’avancer. Je ne dis pas qu’il faut qu’on agisse comme si rien ne s’était passé, je dis seulement que c’est très important d’affronter ces problèmes. L´attitude avec laquelle nous le faisons est cruciale. Ces questions seront le fil rouge de tout mon mandat. J’ai le sentiment que le président en fonction pense que ce n’est pas la peine de parler du langage, du pays, de l’environnement, de notre héritage. C’est vraiment mauvais signe si on pense qu’il est inutile de discuter des fondements de notre nation. Comment voyez-vous le futur de l’Islande quatre ans après la crise? Nous avons toutes les clés en main pour reconstruire la société. Nous avons de puis-
santes industries -pêche et énergie-, une population cultivée et créatrice, une industrie du tourisme très fertile. Nous avons tout pour nous améliorer et aller de l’avant. La croissance est vulnérable, il y a du chômage, il y a encore des problèmes que nous n’avons pas résolus mais nous avons toutes les possibilités pour aller dans la bonne direction. Le futur de l’Islande se trouvet-il dans l’Union européenne? Je n’en sais rien... Personne ne va rentrer dans l’UE maintenant. Ce n’est pas le bon moment pour cette question. Les négociations vont continuer pendant encore quelques années et si le nouveau gouvernement, qui sera élu dans quelques mois, décide de continuer les négociations, c’est un point qu’on devra soulever dans deux, trois ans mais cela dépendra de ce qui se passe dans l’UE. Dans tous les cas, ce sera au Parlement et ensuite à la nation de décider. En tant que femme candidate, quel message souhaiteriezvous adresser à l’Europe? Les femmes, à tout âge, ne devraient jamais être exclues d’emblée pour ce qu’elles sont. Même si je ne gagne pas le 30 juin, je pense que j’aurais au moins fait quelque chose de bien. J´aurais encouragé les gens à avoir des débats. Pourquoi n’est-ce pas bien qu’une femme, enceinte, se présente à l’élection présidentielle ? J’aurais au moins introduit le débat! C’est juste une question d’habitude à prendre... Par Virginie Le Borgne Photo : Nýtt líf
Að velja sér forseta er ekki auðvelt, hvað þá þegar 6 manns sækjast eftir hlutverkinu. Að hitta Þóru í aðdraganda kosninganna var bæði áhugavert og hjálpaði mér að gera upp hug minn. Það var gaman að hlusta á hana segja frá bæði góðum og slæmum hliðum framboðsins, tala um sín stefnumál varðandi ESB og á sama tíma gera sér fyllilega grein fyrir því að við búum í heimi sem stjórnast af miðaldra karlmönnum. Hún vill leggja mikið upp úr grunngildum samfélagsins, mannréttindi, jafnrétti, traust. Henni finnst traust mikilvægur hlutur og það er eitthvað sem allir mættu taka sér til fyrirmyndar, hvort sem þeir eru 37 ára kona í framboði í fyrsta sinn, eða 69 ára karlmaður í framboði í fimmta sinn.
Il n´est pas évident de décider pour qui voter quand 6 personnes se présentent aux présidentielles. J´ai rencontré Þóra à quelques jours du vote et cette entrevue a influencé mon choix. J´ai aimé l´écouter parler simplement des bons et des mauvais côtés d´une vie en politique; parler de l´Union européenne ainsi que du fait que notre monde est dirigé par des hommes de plus de cinquante ans. Ses valeurs fondamentales sont la défense des droits de l´Homme. A son sens la confiance est un concept essentiel dans les relations humaines et c´est ce que tout le monde devrait constamment avoir à l´esprit. Que l´on soit une femme de 37 ans qui se présente pour la première fois ou un homme de 69 ans qui se présente pour la cinquième fois.
Sandra, 25 ans.
Art N 13 o
Etre
artiste en Islande Goddur Artiste et professeur islandais
Quel est ton parcours? J’ai étudié à l’Icelandic College of Art & Crafts de Reykjavík entre 1976 et 1980 puis je suis allé à Vancouver en 1986 où j’ai étudié le graphisme. Je suis professeur à l’Icelandic Academy of the Arts. Quelle est ta philosophie de l'art ? Ce qui établit ta signature c’est la manière dont tu crées. Tu places ta personnalité dans le type d’ambiance que tu choisis. Si les gens se reposent plus sur l’enseignement et la tradition, ils ont tendance à perdre leur cœur. Ils deviennent si éduqués et ont si peur des élitistes qu’ils n’osent plus faire des choses dans lesquelles le cœur importe. Dieter Roth nous a enseigné l’importance de l’identité : par exemple qui es-tu si tu vis en Islande ? Qu’est-ce que l’Islande ? En Islande, nous n’avons pas de maîtres en peinture comme il peut y en avoir
Artiste belge vivant en Islande Quel est ton parcours et pourquoi as-tu choisi de t’installer à Reykjavík ? J’ai 26 ans et un master de design industriel obtenu à La Cambre à Bruxelles. En 2008, j’ai fait de la consultance pour Wim Delvoye- un artiste plasticien belge, auteur notamment de l’installation « Cloaca » ou machine à caca- puis j’ai été designer pour Jerszy Seymour –un designer canadien- à Berlin où je suis resté un an. Je suis ensuite revenu en Belgique mais les projets ne m’excitaient pas vraiment. Vers 2009 j’ai designé des produits avec Sruli Recht à Reykjavík. J’ai fait une collection de sacs qui a été montrée au Reykjavík Fashion Festival de 2010. Je suis en Islande depuis trois ans et j’ai pris des cours intensifs pour apprendre la langue.
Texte et photos: Virginie Le Borgne
en Hollande ou en France. Je pense toujours à ce grand artiste islandais qui s’est marié à une Hollandaise à la fin des années soixante. Il était sans cesse en train de se vanter de l’Islande, en disant que ce pays était fantastique et que tout le monde était artiste en Islande. Sa femme était surprise parce qu’en Hollande tout le monde ne l’est pas, c’est une chose sérieuse que d’appeler quelqu’un un artiste. Elle est donc venue en Islande, pour la première fois, histoire de vérifier cela. Ils ont pris un taxi depuis l’aéroport de Keflavík et elle était impatiente de vérifier cette théorie sur le chauffeur de taxi. Elle s’est adressée à lui : « tu connais Rembrandt ? » Il n’a rien répondu. « Tu connais Mondrian ? » Il a demandé « Qui sont ces gens ? » Elle reprend d’un air très fier « Ce sont les plus grands artistes hollandais ». « Moi aussi je suis un artiste ! » a rétorqué le chauffeur de taxi ! Qu’est-ce qui caractérise un Islandais ? Ce qui est drôle en Islande c’est qu'il est très facile de devenir célèbre dans le domaine de l’art. C’est incroyable le
Nicolas Kunysz
J’ai travaillé avec Mundi– un créateur islandais dont le magasin de vêtements se trouve sur Laugavegur 12-. Nous étions plus ou moins potes. Ici Au début je faisais seulement des accessoires pour Mundi, des sacs, des lunettes, c’était plus pour rigoler qu’autre chose. J’ai créé des coupes, des patrons, le lookbook pour deux collections et demie. Puis j’ai voulu tenter ma chance de mon côté. Quels sont tes projets ? Je crée des produits à droite à gauche et je viens de mettre sur pied mon entreprise de consultance en design, production, packaging, identité graphique nommée The Makery. Je vais peut-être designer un skate park aux îles Vestmann.
Qu’est-ce qui différencie le statut d’artiste en Islande et en Europe ? Ici, en Islande, c’est beaucoup plus artisanal, il y a moins de connaissances techniques, c’est peut-être plus naïf, incomplet. Les gens ne finissent pas leurs créations mais les montrent quand même lors d’expositions. C’est une petite communauté et ils n’ont pas envie de mal parler des autres. Par exemple, récemment, un ami organisait une exposition avec seulement quatre chemises ! A la fin, tout le monde lui a dit que c’était super, j’ai été le seul à lui dire que son travail était bon mais que ce n’était en aucun cas terminé. Il m’a dit le lendemain que cela avait été la critique la plus constructive qu’on lui ait faite ! Ici, chacun fait un peu à sa sauce.
nombre de gens en Islande qui écrivent une autobiographie. Les Islandais ne sont pas aussi sophistiqués que des artistes d’autres pays peuvent l’être, ils ont la capacité d’utiliser le cœur et de le faire parler, ils peuvent être sciemment insouciants. Si tu es vraiment une personne créative, qu'importe le lieu ! Etre artiste n’est pas le résultat d’une analyse ou d’une réflexion logique. Ce n’est pas un processus logique. C’est comme quand tu joues au pingpong contre quelqu’un qui est très fort et que tu es en train de perdre le jeu. Pour tourner le jeu à ton avantage, il faut que tu dises à l’autre « tu es super bon, comment fais-tu ? » Et lorsque l’autre se met à se demander « c’est vrai ça, pourquoi suis-je bon ? », il perd le jeu. Car si tu n’es pas capable de jouer avec ton cœur, tu n’es pas capable de jouer du tout.
N 14 Art o
Président Bongo Membre du groupe de musique électronique islandais GusGus.
Quelles études as-tu faites? Je suis né en Islande, j’ai étudié la photographie à l’Icart, à Levallois-Perret en France après le lycée – qu’on finit à 20 ans en Islande- puis je suis rentré. J’ai fait un an de glande à Paris. J’y suis resté entre 1989 et 1995. On a fait GusGus direct. Je n’ai jamais étudié la musique à part à l’école quand j’étais petit, de la flûte en bois, du piano. Entre Paris et Reykjavik je me suis arrêté à Copenhague pour faire une école de film : Danish Film School. J’étais assez bon, ils n’en prennaient que cinq et j’étais huitième. J’ai rencontré un réalisateur qui faisait un film en Islande avec lequel le projet GusGus a commencé…et c’était parti ! Vous étiez déjà amis avec les membres de GusGus ? Non. On est un peu comme un boysband rassemblé autour d’un leader. Moi et deux autres sommes vraiment le noyau. A l’heure actuelle, nous sommes cinq dans le groupe. Le groupe
a été fondé en 1995 et le nom vient du film de Fassbinder « Tous les autres s’appellent Ali ». Il faut voir le film pour comprendre le lien ! As-tu d’autres projets musicaux hormis GusGus ? Je suis sur trois projets en même temps. Un avec un DJ islandais, Margeir, le groupe s’appelle Gluteus Maximus, c’est le plus gros muscle des fesses. Et puis je fais de la musique de film en ce moment, pour la première fois. C’est un film déjà réalisé mais il n’y a aucune musique. Sur le DVD on peut choisir entre la la musique de GusGus et une autre. Quelles sont tes influences musicales ? Gainsbourg, Rachmaninov et ACDC. A part la musique, que fais-tu ? De la photographie, de la navigation. J’ai mon bateau à moi. Je suis guide en montagne parfois.
Tu as bien aimé la vie à Paris ? Oui mais à la fin les grandes villes me fatiguent. Je suis islandais moi. Tu ne peux rien y faire. Ici y’à l’océan, l’énergie que tu tires de Reykjavik tu ne la trouves nulle part ailleurs dans le monde. En quoi le fait d’être islandais a influencé ta création ? Ici, si tu veux faire quelque chose tu le fais en claquant des doigts. Ce n’est pas comme à Paris : « On va faire un court métrage, ah c’est bien. On va commencer là-bas, on va trouver un caméraman, une location, on peut commencer dans
quatre mois! » Ici, c’est demain, on y va, c’est prêt ! Si tu as besoin d’un arrangement musical, tu peux le faire en trois jours ! Tout le monde se connaît, c'est facile. Ce qui est adorable avec les islandais c’est que nous sommes tellement isolés que nous avons tous l’ambition d’être les meilleurs. C’est fou ce que nous voulons être les meilleurs ! Nous sommes les meilleurs ! C’est cette mentalité qui pousse le bateau. Les musiciens français sont nostalgiques. Nous, en Islande on est plus punks dans l’esprit. Je ne
me vois pas vivre ailleurs qu’en Islande. Il y a de l’air frais, les montagnes et mon studio. L’hiver c’est dur, il fait noir. Depuis que je suis vieux –j’ai 41 ans- cela commence à faire mal. Mais parfois c’est bien le noir, on s’enferme dans le studio et puis je vais à la piscine tous les jours. Voyager c’est travailler pour moi. Si j’ai du temps libre, je reste à la maison ou sur mon bateau. Quand je veux prendre l’air, je reste en Islande.
Egill Sæbjörnsson Artiste islandais vivant à Berlin
Quel type d’art fais-tu ? Je travaille avec mon pinceau et avec la vidéo. J’utilise le monde et je joue avec lui. Je projette des vidéos sur des objets. Ce sont toujours des mélanges entre objets, endroits et vidéos. Quelles études as-tu faites? En Islande, j'ai etudié plein d'arts différents et j'ai fait un échange Erasmus en France, à Paris VIII, Saint-Denis. Je vis à Berlin depuis 1999 mais l’Islande me manque. A Berlin, il y a plus de connexions artistiques avec le monde alors qu’ici c’est un peu plus coincé. J’aime le béton sur la terre, les détails, les gens, la langue, cela
fait des mois que je n’entends pas l’islandais. Je suis partout dans le monde : New York, Europe, Amérique du Sud mais mon pays me manque. Comment l’Islande a influencé ton processus de création artistique? Je n’en ai aucune idée. Moimême je ne m'en rends pas compte mais il y a des pierres qui apparaissent dans mon art, de la lumière. J’utilise beaucoup d’objets quotidiens comme les pierres. Selon moi, la pierre est l’objet le plus typique, tout ce qui existe est une pierre transformée. J’écris un livre sur la connexion entre les pierres et nous. La pierre est
un objet simple à trouver, on le rencontre partout. La pierre est le symbole de l’Islande, c’est la nature. Je pense qu’il y a cette nature à l’intérieur de moi. Le monde me modifie. Quelles différences fais-tu entre le statut d’artiste en Islande et en Europe ? Il y a des choses spéciales en Islande qu’on ne trouve pas ailleurs. Il y a une relation particulière avec cette île que nous avons rejointe. En Islande, il y a quelque chose de l’ordre de la communauté entre des gens. C’est un esprit. Ici, le marché de l’art n’est pas très développé. C’est comme New York dans les années 1950 ou Paris vers la
fin du XIXème siècle. Comme le marché n’est pas très développé en Islande, les artistes ne se focalisent pas dessus. Il n’y a pas trop de chances de faire carrière donc les gens n’ont pas peur de ne pas entrer dans la société d’artistes. En Allemagne par contre, les gens ont plus peur de ne pas être acceptés. Les artistes ici sont polyvalents. Mais ce qu’il manque en Islande c’est une structure. Ce que j’aime sur mon île, c’est que tout le monde se connaît. J’ai beaucoup d’amis qui sont compositeurs. Hier, il y avait mon vernissage au musée et en même temps j’étais au théâtre à faire de la musique pop, j’aime faire beaucoup de choses en même temps. J’adore aller voir des artistes différents dans les studios pour travailler avec eux. A Berlin, cela me prend toujours beaucoup de temps pour faire cela. Mon année à Paris a été très importante dans ma vie. Il y
avait énormément de choses à faire et c’était génial. Il y avait plus de structure qu’en Islande mais, d'un autre côté, j’aime qu’il n’y en ait pas ici ! C’est une idée de liberté et si cette structure arrive en Islande, le pays va changer. Et qu’en est-il de l’art en Belgique, que tu connais bien? Je travaille pour une galerie à Bruxelles, « Hopstreet », qui était à Gand avant et est dans la capitale depuis deux ans. J’adore Bruxelles car il y a un mélange de français et de flamand. En Belgique, il y a de l’argent et des collectionneurs, tu peux y vivre en tant qu’artiste. En Islande, cela fonctionne plus sur un système de de volonté. Je vois l’Islande comme un laboratoire d’idées. Le pouvoir de ce pays est énorme. Cela serait une grosse erreur de vendre ce pays aux Chinois ! Il est vulnérable, il faut en prendre soin.
N 15 Photo: Lea Gestsd贸ttir Gayet
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La nature islandaise vs l 麓art islandais
L'Islande en bref Ne pas oublier de parler avec les locaux (et pas en français si possible ! )
L´Islande de Pierre Loti
Paradis des ornithologues
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p
Boire du Brennivín !
Goûter au poisson séché
Faire attention lorsque nous posons nos chaussures de marche sur la mousse délicate
i m La fête !
Magnifiques sources d´eau chaude
k
La météo change très rapidement en Islande. Espérez le meilleur et attendezvous à tout mais préparez-vous au pire !
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Grímsey, île magique sur le cercle polaire
Baleines
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Les secours: 112
h
Ne pas oublier d´acheter son alcool avant 18h dans les magasins d´Etat ou les carottes sont cuites (Ríkið) !
j Ne pas conduire hors des pistes!
Sur la trace des hors-la-loi
En restant seul un instant dans les paysages lunaires de l´Islande, on voit des elfes
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Rennes ! Soyons prudents sur la route
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r Aller aux piscines municipales, et débattre avec les locaux
Sur les traces du premier colon
« En réalité, il y a deux Islande. D´une part la capitale, d´autre part le reste du pays. La différence entre ces deux Islande ? Les habitants de Reykjavík sont contre tout : ils critiquent la pêche et ils sont contre les usines d´aluminium et les gros 4x4. Tout ce qui les intéresse, ce sont les gens qui peignent. » Un pêcheur du nord de l´Islande.
N 18 Découverte / Publicité o
« Slow travel » à Mývatn Je suis un nostalgique des voyages lents des siècles passés, plusieurs mois pour atteindre l’Inde, l’Indochine, les Amériques…et peut être finalement s’atteindre ! Cela signifiait aussi l’éloignement des êtres chers, l’épreuve de la patience et de la confiance. Nous retrouverons sans doute cela avec les longs voyages interplanétaires… Nous vivons une époque d’accélération, de zapping. Ralentir est une question de survie, pour mieux sentir, mieux intégrer, mieux vivre et mieux mourir. La vitesse est souvent une fuite en avant. Par exemple, elle permet dans toute pratique corporelle (danse, arts martiaux, musique) de cacher les défauts (pas toujours), les failles, parfois la médiocrité, au risque de devenir une gesticulation inutile. Cela demande un effort, une maîtrise que de ralentir son geste ou son activité, de sentir que ceux-ci ont un prolongement plus important que celui du corps apparent. Habitons nos mouvements plutôt que d’être possédé par eux.
Ralentir la consommation pour préserver notre écosystème, cela passe aussi par la prise de conscience de nos besoins réels, par le fait de se dégager du superficiel pour consommer autrement. Ralentir les repas permet de manger mieux et moins. Ralentir la parole, redonner la place au silence, à l’écoute. La liste est longue pour remplacer le règne de la quantité et de la vélocité par celui de la qualité et de la lenteur. Ralentir n’est pas faire moins, mais mieux, plus en profondeur, avec présence. Ce n’est pas l’inertie ou l’inaction, mais tendre vers un geste juste au moment juste. Entretenons le mouvement, la vie, mais dans la lenteur, la vitesse vient d’ellemême et reste toujours relative, Albert Einstein ne contredirait sans doute pas cela.
Appliquons cela à nos voyages, prenons l’avion (petit compromis !), mais une fois sur place, ralentissons, osons rester au même endroit, quitte à décevoir notre entourage qui ne manquera pas de dire : « Tu n'as pas vu Geysir, le Blue Lagoon ? ».
La recherche de la lenteur peut nous permettre d’approcher des vitesses infinies, les extrêmes se rejoignent. Le temps nous échappe, ne courons pas après, asseyons-nous ! On ne court pas après son ombre et soyons plus créatifs que le chien qui poursuit sa queue, à moins qu’il ne le fasse pour se moquer de ses maîtres !
La terre d’Islande, jaillie des eaux il y a seulement 20 millions d’années, est toujours en formation et poursuit son expansion. Elle est la manifestation de la vie sous nos pieds, terre brute, chaotique, sans le mensonge du temps et de son activité érosive.
Après un temps de vie en Cévennes, terre de rebelles et « île » alternative dans le paysage français, j’ai choisi l’Islande pour me poser, île d’espace (320 000 habitants pour 100000 km2), île de silence, de transformation géologique puissante et visible à l’échelle humaine. J’y ai découvert une terre et un ciel qui invitent à s’asseoir, à écouter leur dialogue, à rencontrer la nature pour rencontrer notre propre nature, à nous réconcilier avec nous-même.
Elle nous renvoie à une vérité brute, sans masque et nous invite à retirer les nôtres. Le magma est ici plus proche
qu’ailleurs de la surface, profondeur fluide, qui nous accompagne dans la décristallisation de nos mémoires et souffrances. Ici, il est encore possible de déployer ses ailes pour rejoindre les fous de bassan ou les mondes subtiles des elfes. Cette terre est thérapeutique pour celui qui prend le temps de s’abandonner entre ses mains avec confiance. Nous vous y invitons pour vous connecter au mouvement lent et inexorable d’un glacier, au mouvement nonchalant et fluide de la lave, à celui de la séparation des plaques tectoniques, des aurores boréales, des échos de nos propres rythmes intérieurs. Nous avons choisi Myvatn pour organiser nos séjours car cette région est un concentré de l’Islande qui permet, une fois sur place, de passer très peu de temps en véhicule et d’avoir à quelques minutes : champs de solfatares, caldeira, lac et oiseaux migrateurs, hommes et traditions vivantes, bains chauds dans la nature, baleines à Husavik, gorges de la Jokulsá, royaume des elfes dans l’Est, Askja, aurores boréales l’hiver… Nous sommes ouverts à toute organisation de séjour où la contemplation est à l’honneur que ce soit avec l’ornithologie,
la géologie, la photographie ou des séjours de yoga, Qi gong, méditation, watsu. L’Islande est pour nous une terre initiatique, dans le sens premier du retour à la source. Ce n’est pas pour rien que Jules Verne s’en est inspiré pour son « Voyage au centre de la terre » ou JRR Tolkien pour « Le seigneur des anneaux » Avec Harpa Barkardóttir, ma compagne, nous nous sommes donnés comme objectif de créer des voyages en individuel ou en groupe où les conditions sont réunies pour que chacun puisse vivre l’expérience de l’Islande en profondeur, dans le respect de l’environnement, des habitants et de soi-même. www.alkemia.is Contact@alkemia.is Par Jean-Marc Plessy, fondateur de l’agence de voyage Alkemia Photo : Jean-Marc Plessy
N 19 o
Aux quatre saisons de l’Islande, Fjallabak, pionnier du trekking, vous propose une découverte intime et hors des sentiers battus. Trekking, Randonnée, Voyages Nature, Ski, Expéditions, Petits groupes privés Auto-tours en liberté.
www.fjallabak.is
Agence réceptive islandaise francophone crée et dirigée par Philippe Patay et sa famille
Iceland trekking & adventure company Nos partenaires francophones : En France : www.terresoubliees.com www.escursia.fr www.objectif-nature.com www.aguila-voyages.com
Au Québec : www.karavaniers.com www.expeditionsmonde.com
En Suisse : www.thierrybasset.ch www.tourismepourtous.ch www.neos.ch www.kontiki.ch www.apnvoyages.ch
N 20 Découverte o
La vie est belle à Dalvík
L´islandais n´est pas une langue si compliquée qu'il y paraît. Une fois que l´on connaît quelques mots, on les retrouve à peu près partout. Par exemple, le suffixe « vík » de Reykjavík signifie « baie » et est présent dans un grand nombre de noms de village le long de la côte. C´est le cas de Dalvík. Dalvík signifie: baie de la vallée. Et effectivement, la commune est magnifiquement encastrée au pied d´une montagne, au bord d´une baie, ouvrant l´acces à la vallée du Svarfaðardalur. Dalvík est un village récent. Par le passé, les habitants vivaient dans le Svarfaðadalur et étaient principalement fermiers. Le tournant du siècle dernier a vu se développer le secteur de la pêche et explique la formation des villages le long des côtes. Dalvík est un village islandais typique. Tout le monde se connaît, tout le monde y est plus ou moins cousin. Les hommes prennent la mer, les femmes travaillent le poisson. Néanmoins, la ville est très moderne et dispose de
toutes les commodités. Fait inimaginable pour un village de la même envergure en Europe. Deux maternelles, un terrain de foot, une superbe piscine locale. Dalvík est hors des circuits touristiques et représente la porte d´entrée du cercle polaire. C´est un endoit idéal pour aller passer du temps dans la véritable Islande. Dans une Islande fière de son histoire et de ses traditions. Ici, on observe d´un oeil interrogateur et amusé ceux qui viennent d´ailleurs. Si on n´est pas du coin, impossible de se camoufler au sein de la population locale. On est grillé ! Et être d´ailleurs ne signifie pas uniquement ne pas être Islandais, être d´ailleurs renvoie à tous ceux originaires d´un autre village que Dalvík. Le village entretient une rivalité ancestrale avec son voisin, Ólafsfjörður. Arrêtez-vous un instant au port et observez les marins qui rentrent. Dans leur jeunesse, ils en venaient tous les week-ends aux mains avec
Fáskrúðsfjörður Il est plus facile de visiter Fáskrúðsfjörður que de prononcer le nom du village. En bon français, Fáskrúðsfjörður se dit : faouskrouzfieurzur. La commune est charmante. La nature qui l´entoure époustouflante. Les habitants sauvages et civilisés à la fois. On dit parfois que Fáskrúðsfjörður est le plus francophone des villages d´Islande. Il est vrai que cette jolie commune œuvre à faire revivre la mémoire des marins français et belges qui venaient ici à l´époque des Pêcheurs d´Islande de Pierre Loti. Les noms des rues sont en islandais et en français. Le drapeau tricolore flotte dans plusieurs endroits de la ville. A la sortie du village, on peut garer sa voiture et descendre une petite pente afin d´atteindre le cimetière des pêcheurs d´Islande qui conserve les dépouilles de quarante-neuf marins bretons et flamands. Le village est jumelé
à la municipalité de Gravelines en France et les relations entre les deux pays sont cordiales. Les maires se rendent visite et beaucoup de choses sont mises en œuvres pour entretenir la mémoire du passé. A une époque le fjörd de Fáskrúðsfjörður pullulait de français. Un hôpital y fut construit, aujourd´hui reconverti en hôtel de luxe. Si on est chanceux, on peut grimper au grenier de l´école publique et fouiller dans les cartons recouverts de poussière. Là, le glorieux passé des relations franco-islandaises éclate au grand jour: des livres des années 1880 sont conservés en parfait état. C´est un véritable trésor, qui, l´été, est exposé au musée français du village. Certains se demandent si les habitants du coin ont du sang français ou belge qui coule dans les veines... A ce sujet, les Islandais sobres sont avares en anecdotes ( retentez votre
chance le soir au bar). Ces histoires là appartiennent au passé et n´ont rien d´officiel. Laissons cela de côté et attachonsnous aux faits : chaque été, on fête les pêcheurs d´Islande à Fáskrúðsfjörður lors du festival Franskir Dagar ( les journées françaises). On y mange bien, surtout au café Sumarlína. Depuis la fenêtre, on se laisse submerger par la nature magique et on repense à l´héritage plus ou moins glorieux laissé par les marins francophones. Par exemple, on raconte que le mot islandais peysa, qui signifie pull, vient du français paysan. On dit aussi que l´insulte islandaise mella (fille facile) vient de l'abréviation française de mademoiselle (Melle). C´est aussi à Fáskrúðsfjörður qu´est né le Pourquoi Pas! C´est un endroit génial, on vous dit... Par Lea Gestsdóttir Gayet Photo : Lea Gestsdóttir Gayet
les pêcheurs des autres communes. « On faisait cela pour le sport, pour garder la forme. On commencait à se battre à l´église et on terminait au port. Et la police faisait mieux de se tenir à l'écart, sinon on s´unissait contre elle ! », raconte Matthías, marin de 85 ans qui va en mer depuis l´âge de huit ans. Aujourd´hui, on ne peut plus s´amuser comme ça, sans que tout le monde brandisse la déclaration des droits de l´Homme ! ». Si vous passez par Dalvík, ne vous laissez pas aveugler par la froideur apparente des Islandais. La glace se brise autour d´une bière Kaldi, qui est brassée à quelques kilomètres d´ici à Árskógssandur. Allez sur l´île de Grímsey franchir le cercle polaire et observer les oiseaux. Prenez le temps de respirer, d´oublier les soucis du quotidien, et laissez-vous bercer par la dolce vita dalvikoise. Par Lea Gestsdóttir Gayet Photo : Lea Gestsdóttir Gayet
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Kirkjubæjarklaustur, dans le sud de l'Islande, est le seul point de civilisation entre Vik et Höfn. Ce village à la riche histoire est une oasis entre un désert de lave et l’immensité du Vatnajökull. Son évolution est caractéristique de celle de l’Islande, c’est le récit d’une transition entre agriculture et économie liée au tourisme. Kirkjubæjarklaustur est ce village qui a fait la une des journaux télévisés il y a un an. Le 21 mai 2011, le Grímsvötn, un volcan se situant sous la calotte glaciaire du Vatnajökull entre en éruption. Cette éruption provoque un fort nuage de cendres et l’émoi des médias internationaux. L’Eyjafjallajökull est encore dans toutes les mémoires. De nombreux vols internationaux sont annulés mais le trafic aérien en Islande n’est presque pas perturbé. Des journalistes du monde entier sont dépêchés dans cette commune de près de 160 âmes, principale victime du volcan. A Kirkjubæjarklaustur, les envoyés spéciaux français se sont révélés impuissants face à la nomenclature islandaise. Il faut décomposer ce long nom pour pouvoir le prononcer et, également, obtenir des clés de l’histoire de cette bourgade. Kirkju signifie église, bæjar ferme et klaustur couvent. C’est donc la « ferme-église du couvent ». Ses habitants le dénomment plus simplement Klaustur. Comme son nom l’indique, l’histoire de ce village est étroitement liée à la chrétienté. Ses premiers habitants étaient des moines irlandais qui y passaient leurs étés en ermite, nous
Kirkjubæjarklaustur, entre histoire et avenir
sommes là au IXème avant l’arrivée des premiers colons norvégiens. La localité a ensuite vu s’installer un couvent de Bénédictines ainsi qu’un monastère de moines un peu plus au sud. Les membres de ces communautés religieuses communiquaient souvent par des chants. Quand les nonnes remarquaient que leurs frères rentraient au monastère, elles s’installaient dans la grotte des chants (Sönghellir) pour accueillir les moines. Depuis lors, cette grotte a conservé ce nom. Cette présence religieuse est la source de nombreuses légendes locales. Par exemple, l’imposante roche à l’entrée du village quand on arrive de Vik, est en fait le promontoire des sœurs ou Systrastapi. Elle marque l’endroit où deux nonnes ont été exécutées et enterrées après avoir été accusées d’avoir couché avec le diable. Une des roches qui surplombe l’église est aussi la conséquence d’une punition divine. La tradition voulait que les terres de Kirkjubæjarklaustur ne puissent recevoir de païen. Un non chrétien tenta de s’y installer… et fut transformé en rocher. Un des événements majeurs de la vie de ce village est l’éruption du Laki voisin, en 1783. Là encore, la religion a joué un grand rôle, selon la tradition. Lorsque la coulée de lave s’est approchée des fermes et de l’église du village, le pasteur Jón Steingrímsson, persuadé que cette menace était le signe de la faiblesse de ses ouailles, regroupa ses fidèles dans l’église et prononça un sermon devenu célèbre : le sermon du feu. Par ses paroles, il mit un terme à l’avancée de la rivière de feu. Kirkjubæjarklaustur est une étape. Que l’on vienne de l’est ou de l’ouest, c’est le seul point
de civilisation entre Vik et Höfn. Une étape, mais aussi une oasis entre le désert noir d’Eldhraun - la plus grande coulée de lave jamais enregistrée au monde à la suite de l’éruption du Laki– et son plus imposant glacier, le Vatnajökull. Le village offre à sa communauté - Kirkjubæjarklaustur appartient au re-
ing et les trois hôtels en sont une preuve, le développement d’actions et d’activités dans cette direction aussi. Par exemple, un chantier de fouilles a été mis en place pour excaver les ruines du couvent des Bénédictines. La nouvelle chapelle se trouve sur le même emplacement. Il ne faut pas oublier les randonnées commentées
« La tradition voulait que les terres de Kirkjubæjarklaustur ne puissent recevoir de païen. Un non chrétien tenta de s’y installer… et fut transformé en rocher. »
groupement de commune de Skaftárhreppur- tous les services possibles : une école, un centre médical, une maison de retraite, des cafés, une supérette et des hôtels. Ses principaux centres d’activités sont l’agriculture et la maçonnerie. Deux compagnies dans le bâtiment officient sur toute l’île. Cependant, l’agriculture reste un sujet d’inquiétude. Officiellement, il y a deux fermiers sur la commune, mais, tout en demeurant l’activité majeure du district, elle devient vieillissante. Les fermiers sont de plus en plus âgés et le renouvellement demeure faible. L’installation dans la commune de cinq jeunes diplômés de l’école agronome est donc accueillie avec grand espoir par ses habitants. L’avenir de cette région réside également dans le tourisme. Le nombre de possibilités d’hébergement entre le camp-
qui sont proposées avec des approches géologique, historique ou botanique. Kirkjubæjarklaustur est également le point de départ pour découvrir le Laki et sa vallée lunaire, le Landmannalaugar et Fjallabak. Des excursions en bus ou en 4x4 sont organisées tous les jours au départ de Klaustur ainsi que des ballades en quad sur les immenses plages de sable noir où de nombreux navires se sont échoués, parmi lesquels des bateaux de pêche français. Leurs restes, ces véritables dons de la mer, ont été en partie utilisés par les habitants pour construire des bâtiments. Le village offre aussi l’étrange formation volcanique Kirkjugólf : un tapis de colonnes basaltiques aplanies. La culture et la diffusion scientifique représentent deux domaines en plein essor dans la région. Trois grands projets sont en cours de développement sur la commune : le pre-
mier concerne le célèbre peintre islandais Erró. Ce dernier a passé toute son enfance ici. Ses premiers coups de pinceaux ont eu lieu dans un ancien hangar de l’armée, transformé en atelier dont on peut apercevoir les décombres depuis la route circulaire numéro 1. La famille du peintre et ses admirateurs ont voulu l’honorer en lui créant un musée. La première pierre sera posée cet été par le peintre lui-même qui habite dans sa maison d’enfance quand il ne vit pas en France. Le deuxième projet est le géoparc du Katla. Cet organisme né en 2011 fédère les communautés situées entre l’Eyjafjallajökull et le Vatnajökull autour de la recherche géologique et botanique, entre autre. Un centre accueillant des écoles et des laboratoires de recherche pourrait voir le jour. Le dernier projet est en partenariat avec le parc national du Vatnajökull. Un espace dédié à la connaissance de cette région sera construit sur les rives de la Skafta. Son toit de gazon proposera des sentiers pour profiter d’une vue panoramique sur la région. Par Guillaume Bara Photo : Guillaume Bara
N 22 Découverte / Histoire o
Árbakki ma mémoire - la saga d’Árbakki
Árbakki, le hameau, n’est plus qu’un souvenir éphémère...Un tremblement de terre a tout détruit, les maisons, les serres, les hangars. En place et lieu du hameau a été édifié un centre équestre. Le hameau n’existe désormais que dans la mémoire de ceux qui l’ont connu. Combien sont-ils ? Ils devraient se compter sur les doigts des deux mains, mais peut-être que leur nombre se réduit à une poignée. Souvent j’ai l’impression, sans doute fallacieuse, d’être le seul à garder en mémoire l’Árbakki du passé et la mosaïque de visages de ses habitants. Tant de fois, pendant des décennies, je suis retourné par les sentiers de la mémoire, les traverses de l’imaginaire, dans Árbakki. J’en connais la topographie, les moindres détails. Je revois la rivière qui serpentait en contrebas de la maison des Thorsteinsson. Je revois la fumée qui s’élevait en volutes de la cheminée de la maison de maître du voisin fortuné. Je distingue clairement la masse bleutée au loin du volcan Hekla. Je me retrouve habillé d’une parka islandaise, chaussé de bottes de caoutchouc, poussant une brouette remplie de fumier vers l’une des serres. Un paysage de neige. Un paysage cher au cinéaste Ingmar Bergman. Des poneys dans un enclos. Un tracteur sous un hangar. Une vie au ralenti. La vie à l’islandaise. Noël 1964, Serge débarque à l’aéroport de Reykjavík d’un avion à hélices en provenance de Glasgow, sans un sou en poche. La neige est partout. L’obscurité omniprésente. Serge ne sait pas ce qu’il l’attend. Mais il fait partie de ceux qui n’hésitent pas à sauter dans l’inconnu avec le sentiment qu’ils n’ont plus rien à perdre parce qu’ils ont déjà presque tout perdu. 21 ans, le regard givré de ceux qui n’ont pas besoin de boire d’alcool pour entrer dans les mirages de l’éthylisme ou les fulgurances de l’onirisme, prêt à en découdre avec le monde entier. Serge a choisi - du moins le croit-il à l’époque - l’aventure en Islande, en fait c’est l’île de glace et de feu qui l’a attiré à elle comme l’aurait fait un aimant - il en prendra conscience plus tard, mais pour quel dessein? Serge est venu rejoindre à Kopavogur Elisha, un ami d’enfance, époux de la doctoresse Kristin Jonsdóttir, père de la petite Ester. Celuici lui a trouvé du travail dans une ferme à une centaine de
kilomètres de Reykjavík. Une semaine plus tard, la propriétaire de la ferme Maria Thorsteinsson, vient le chercher pour le conduire en voiture jusqu’à Árbakki. Maria s’exprime dans un français à l’accent rocailleux, mais quasi parfait. Elle a la soxantaine inquiète, le corps noueux, le visage sec, les cheveux peut-être teints. Maria Thorsteinsson va se révéler être une personne dotée d’une force de caractère hors du commun, taillée à l’image de ce district d’Árbakki synonyme de « puissance et pureté ».
Elle avait vécu à Paris et côtoyé le peintre Modigliani, passé les affres de la Seconde Guerre mondiale à Londres. Malgré l’éloignement, Maria continuait à officier comme traductrice pour les services gouvernementaux à Reykjavík. Elle vivait dans cette maisonnette à Árbakki en compagnie de ses deux frères. Þorsteinn, octogénaire, cheveux de jais en dépit de son âge, retraité de la marine marchande. Il avait ravitaillé les républicains espagnols en morue salée ou séchée durant la guerre civile. Et puis Jacob le rouquin, septuagénaire d’aspect frêle, mais avec des mains d’acier. Jacob avait travaillé sur une base de l’armée britannique quand les tommiess occupaient l’île. C’est lui qui dirigeait l’exploitation agricole: deux immenses serres,
d’hôpital tant elle était austère. Dimanche après-midi, Þorsteinn sacrifiait à la convivialité. Il offrait à Serge tout de suite après le déjeuner un verre de brandy de qualité et un cigare des îles Canaries avant de commencer avec lui d’interminables parties d’échecs dans le salon. Þorsteinn jouait selon les règles de l’art, Serge improvisait au fur et à mesure. Chaque adversaire admirait l’autre. Mais il avait du mal à prononcer « Serge », alors, d’un commun accord, ils décidèrent que Þorsteinn appellerait le jeune français de son second prénom « Simon ». Quant à Jacob, il s’était mis l’idée en tête que Serge, aussi peu doué soit-il pour les travaux de la terre, ferait quand même un successeur acceptable lorsque la grande vieillesse viendrait limiter ses mouvements. Dans la foulée, Maria voulut faire de Serge un vrai islandais. Elle s’attela à lui inculquer des rudiments de culture nordique. Pendant ces longues nuits d’hiver, Maria interrompait son quotidien pour lire des sagas à Serge. Elle lisait un paragraphe après l’autre, puis les traduisait aussitôt. Peu à peu, Serge devint familier d’Eric le Rouge, de Leif Ericson, des Sagas et Eddas, de la mythologie nordique. Les expéditions guerrières des Vikings meublaient le silence de la nuit. Leur fureur, leur
«Souvent j'ai l'impression, sans doute fallacieuse, d'être le seul à garder en mémoire l'Arbakki du passé et la mosaïque de visages de ses habitants. »
l’une pour les tomates, l’autre réservée aux fleurs. Pendant l’hiver, Jacob ouvrait les vannes des conduites d’eau volcanique en vue de « brûler » les terres et réparait le vitrage extérieur des serres : de petits carreaux de verre enchevêtrés. Les violents vents hivernaux n’arrivaient pas à le faire vaciller du haut de l’échelle. Il tenait bon. Petite carrure, mais grande résistance. Þorsteinn et Jacob partageaient la même chambre qui ressemblait à une chambre
ruse, leur goût de la liberté résonnaient à l’infini dans ses oreilles jusqu’à frapper son imagination. Se développait alors en lui un sentiment d’appartenance. Maria scandait le texte, elle le faisait vibrer. Elle le vivait de l’intérieur. Elle fit visiter à Serge - dans le but de le rapprocher encore de ce qu’elle espérait être sa nouvelle patrie - Þingvellir, le site de l’antique parlement viking à ciel ouvert, également l’église de Skálhot où devait se façonner l’identité nationale islandaise.
Le premier heurt entre Maria et Serge intervint à propos de la fille du maire du hameau, le riche propriétaire terrien. La fille âgée de 16 ans, interne dans un lycée régional, était tombée enceinte. Maria se disait « scandalisée ». Serge, déjà porteur des germes de mai 1968, relativisait : « Ce n’est pas aussi dramatique Maria ! ». Elle prit la mouche. Elle ne lui parla pas pendant au moins une semaine. Elle appartenait à une autre génération, qui ne pouvait envisager que l’imagination et le respect d’autrui puissent un jour prendre le pouvoir. Deuxième prise de bec, à propos d’une jeune allemande au pair dans une famille de fermiers des environs. La jeune allemande avait fait des avances à Serge et l’avait invité à lui rendre visite sur un ton prometteur. Maria, mise au courant par la famille de fermiers, était intervenue bruyamment : « Ce n’est pas une fille pour toi! ». La réplique de Serge fut instantanée : "De quoi je me mêle!". Cependant, Maria intrigua si bien que le rendez-vous avec l’ allemande aux formes généreuses n’eut jamais lieu. Serge en voulait à Maria, il ne comprenait pas un tel comportement. De son côté Maria prit conscience que Serge n’était pas de ceux qui plient l’échine. Au lieu de voir ce qui les rapprochait, elle ne voyait dorénavant que ce qui les différenciait. Serge logeait dans la chambre d’hôte. Une chambre confortable, bien meublée. Par la baie vitrée, il avait une vue sur les méandres de la rivière. C’était la seule source d’eau potable des habitants d’Árbakki. L’eau du robinet, comme celle de la douche, dégageait en effet une très forte odeur d’oeufs pourris. Cette eau du volcan était pourtant employée par la quasi totalité des habitants d’Árbakki pour leurs ablutions . Aujourd’hui seuls les poneys viennent s’abreuver à la rivière. Un jour où Jacob avait ouvert les vannes d’eau volcanique bouillante en vue de rendre plus friable le sol gelé d’une des serres, Serge poussa soudain un grand cri de douleur. Par un trou minuscule d’une de ses bottes en caoutchouc l’eau s’était infiltrée, lui infligeant une brûlure au pied du troisième degré. Un médecin fut appelé à la rescousse. Tignasse blonde, de type norvégien, il s’exprimait cependant couramment en espagnol. Il
l’avait appris en soignant des pêcheurs de la péninsule ibérique malades ou blessés sur leurs embarcations au large des côtes d’Islande. L’espagnol devint la langue de communication entre eux. Le medecin lui prescrivit une période d’immobilisation de deux semaines et des compresses d’eau tiède.
«Le temps s'effilochait à Arbakki au rythme des événements familiaux, des conditions climatiques.» Tout le long de plusieurs décennies Serge porta au pied droit la cicatrice de cette profonde brûlure. Comme une marque indélébile d’attachement à Árbakki. Chaque mois de février, les fermiers et agriculteurs du district se réunissaient pour une soirée festive dans la salle communale. Ils arrivaient en famille, trimbalant leurs victuailles dans une espèce de meuble en bois et quelques bonnes bouteilles de Brennivín (le tordboyaux local). Beaucoup de femmes revêtaient pour l’occasion l’habit ancestral et portaient la coiffe traditionnelle. Les gens se congratulaient, se tapaient dans le dos, s’annoncaient des nouvelles familiales comme une naissance, un décès. Il régnait dans la salle une atmosphère rabelaisienne. Cela ressemblait aussi à une peinture de primitif flamand. Une réunion paysanne qui sentait bon les orgies gastronomiques du Moyen-Age. Les rires se déversaient en cascades. Et sur la scène se produisaient des artistes amateurs. Un prestigitateur dont les tours de passepasse étaient à ce point cousus de fil blanc, les astuces à ce
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point visibles, que cela frôlait le ridicule. Mais personne ne s’en souciait. Un chanteur d’opérette entrait sur scène à moitié ivre. Sa voix déraillait de temps à autre. Mais personne ne lui en faisait la remarque. La bonne humeur devait toujours avoir le dessus. Les jeunes en âge de se marier faisaient connaissance. Les filles se faisaient belles, les garçons se montraient audacieux et titubants sous l’effet de l’alcool.
Le temps s’effilochait à Árbakki au rythme des événements familiaux, des conditions climatiques. Dans une des maisons du hameau résidait un colosse au visage barré d’une moustache. C’était un saisonnier. Il vendait sa force de travail aux Thorsteinsson pour les travaux agricoles les plus pénibles. Lui et Jacob s’entendaient à merveille. Maria lui préparait un café plus fort qu’à l’accoutumée. Il venait également saluer Þorsteinn dans le salon et y boire un petit verre de Brennivín. Quand Maria devait acheter quelques produits d’entretien ou des médicaments, elle se rendait dans la petite ville la plus proche, Laugaland. Elle incitait Serge à l’accompagner. Les deux déambulaient dans la localité sous le regard curieux des habitants du cru. Elle savait aussi pouvoir y rencontrer le colosse au détour d’une ruelle. Elle avait parfois la langue bien pendue Maria, mais parfois aussi, elle se refermait sur elle-même comme une huître. Elle parlait aux commerçants, qui l’interrogeaient sur la présence à ses côtés de ce jeune inconnu. Elle répondait rarement à leurs questions, mais Maria avait une qualité précieuse, elle savait écouter. Au mois de mars la neige tombait drue. Brusquement, Maria créa la surprise en apprenant à Serge : « A une vingtaine de kilomètres d’ici réside dans une ferme isolée une Française mariée à un Islandais, voudraistu la rencontrer? ». Serge ne pouvait qu’acquiescer. Maria
monta une véritable expédition polaire en vue de lui permettre d’atteindre la ferme en question dans le désert blanc de l’hiver islandais. Il fallait en effet deux Land Rover. Si l’une tombait en panne, les passagers devaient pouvoir monter dans la deuxième pour continuer la route. A cette époque pas de téléphone portable, ni de téléphone satellite. Il fallait également prévoir un stock de produits alimentaires et une
trousse d’aide d’urgence en cas de pépin grave. C’est dans une terrible tempête de neige, qui balayait le paysage, que les deux véhicules tout-terrain s’éloignèrent d’Árbakki. La visibilité était quasi nulle. Le colosse, au volant de la première Land Rover, ouvrait le chemin. Il était prudent et roulait lentement. Pour la première fois, il ne paraissait pas aussi sûr de lui. Le chemin de terre battue, recouvert d’une épaisse couche de neige, débouche soudain sur la ferme. Elle nous attendait, le nez collé à la vitre d’une fenêtre. Elle avait découvert du
«Il ne savait pas non plus qu'à son retour il découvrirait que le hameau avait été totalement détruit par un séisme.» regard les deux véhicules qui s’approchaient. Elle se précipite dehors, le sourire aux lèvres, puis nous fait entrer dans le salon- salle à manger. Elle a le teint mat, les yeux ardents,
une expression dans le visage qui oscille entre naïveté et intelligence. Les visiteurs, aussi emmitouflés soient-ils, sont frigorifiés. « Je suis Liliane », ditelle en serrant la main de Serge. L’emploi du français lui délie la langue. Avec son mari Njáll, elle ne parle que l’anglais. Elle s’active dans la cuisine à faire chauffer le café et à déposer des petits gâteaux secs dans un plat tout en continuant à s’entretenir avec Serge comme s’ils
s’étaient toujours connus. Elle souffre apparemment de solitude. Njáll fait irruption dans le salon. C’est un Viking à la musculature impressionnante. Il a une vingtaine d’années de plus que Liliane, mais, ni elle, ni lui, ne semblent gênés par cette différence d’âge. Comment se sont-ils rencontrés? Liliane, en randonnée solitaire, avait simplement demandé à Njáll Þoroddsson l’autorisation de planter sa tente dans le jardin. Njáll avait dit oui. Puis la nature avait fait le reste. Ils s’étaient mariés à Paris avant de faire le tour du monde. Ensuite, retour en Islande avec le projet de faire de leur ferme un petit coin de paradis. Serge n’a jamais revu Liliane. Pourtant, il a conservé l’image d’une femme vulnérable, fragile. Revenu faire un reportage en Islande pour un journal suisse, il devait apprendre que Liliane et Njáll avaient divorcé. Njáll, atteint d’une tumeur cancéreuse au cerveau, était hospitalisé à Reykjavík. Liliane était à ses côtés pour lui tenir la main avant que la mort ne se l’approprie. Ensuite, c’était au tour de Liliane de mourir d’un cancer. Elle fut incinérée dans le Massif Central. La série noire devait se poursuivre avec la mort de leur fils adoptif. De toute évidence les dieux de la mythologie nordique n’avaient pas su les protéger. Toutefois, Liliane avait écrit un livre de souvenirs avant de disparaître. Un livre sans doute publié à compte d’auteur puisque in-
trouvable en France. Heureusement, il avait été traduit en islandais. Les trois exemplaires qui subsistent se trouvent à la bibliothèque nationale à Reykjavík, sous le nom de l’auteur: Liliane Zilberman. A la fin de sa vie Liliane s’était mise à l’apprentissage de la langue islandaise. C’était pour elle vraisemblablement un signe de fidélité et une preuve d’amour. Malgré ses états dépressifs, elle n’avait jamais renié sa décision d’avoir mis le cap sur l’Islande. Ses parents n’avaient pas compris ce choix, mais elle savait pourquoi. Maria Thorsteinsson, quant à elle, puisait dans les photos jaunies de son enfance et de sa jeunesse la force d’affronter le spectre de la vieillesse. Elle n’arrivait plus à se supporter, elle avait encore moins de patience pour les autres. Dans ce contexte, Serge avait le don de l’exaspérer. La façon dont il disait oui à la vie contredisait le non qu’elle lui opposait. Maria était obnubilée par l’approche du déclin, elle craignait pour ses facultés mentales, elle appréhendait la dégradation de son apparence physique. Le jeune français plein de fougue, qui arpentait Árbakki en terrain conquis, l’énervait de plus en plus. Il allait apparemment lui survivre, elle enrageait à l’idée de cette éventualité. En plein mois de juin lorsque la nature s’épanouit de manière exubérante sous le soleil de minuit, elle lui décocha sur un ton amer : « Tu nous coûtes trop cher et tu nous rapportes trop peu. Nous devons nous séparer de toi ». Jacob surtout avait du mal à cacher sa peine. Þorsteinn resta muet, mais son regard exprimait de la perplexité. Maria comprit très vite que ses paroles avaient dépassé ses intentions. Pour se rattraper, elle proposa à Serge de lui trouver un emploi dans une des pêcheries de la côte. Il accepta. Quelques jours après, Maria lanca à la cantonade : « Serge est attendu lundi prochain à la pêcherie ». Le soleil brillait. Dans le ciel bleu quelques nuages filandreux lézardaient. Avant de monter dans le camion qui devait le transporter jusqu’à la pêcherie, Serge s’approcha de Maria pour lui faire ses adieux. Elle avait les yeux secs, mais les mains moites. Elle jouait l’indifférente, en fait elle était ébranlée. Elle lui dit d’une voix étouffée : « Tu vas nous manquer ». Serge resta silencieux. Pendant ces mois passés dans l’exploitation agricole des Thorsteinsson, il avait su s’enrober d’une carapace. Il n’était plus le même. Le mode de vie nordique avait déteint sur lui. Il avait redressé sa colonne vertébrale. Il regardait la vie droit dans les yeux. Jacob lui donna l’accolade, Þorsteinn un cigare. Le chauffeur du camion s’impatientait. Serge se retourna pour lancer un ultime regard
sur Árbakki. Il ne savait pas qu’il lui faudrait un demi-siècle pour y revenir. Il ne savait pas non plus qu’à son retour il découvrirait que le hameau avait été totalement détruit par un séisme. C’est au moment de prendre place dans le camion que Maria lui fit une timide caresse au visage - une esquisse de caressse. Ce geste avait de la signification. Serge ne l’a jamais oublié. Le camion démarra, prit la direction de la mer. Le chauffeur lui tendit son paquet de cigarettes, Serge en prit une. Il fumait nerveusement... Quelques mois plus tard, Serge reçut par la poste un colis des Thorsteinsson. Des friandises, des chaussettes de laine. Il téléphona à Maria pour la remercier. Il y avait de nouveau de la tension entre eux. Elle lui rappela d’une voix autoritaire que le sac de couchage qu’elle lui avait prêté devait passer au pressing avant de lui être rendu. Serge promit de le faire, mais il ne fit rien. Le sac de couchage était dans un tel état de saleté et de délabrement dans le dortoir de la pêcherie qu’il n’était bon que pour la poubelle. Comment l’expliquer à Maria ? Il n’expliqua rien. C’est ainsi que prit fin toute relation épistolaire entre eux, tout contact téléphonique. Serge éprouvait le besoin de la joindre au téléphone. Mais il n’osa pas. Elle non plus ne prit aucune initiative, elle ne chercha pas à rétablir le dialogue. Cette étrange relation tourna court. De temps en temps, par le biais d’Elisha, il recevait des nouvelles d’Árbakki. Il apprit que Maria faisait des séjours de plus en plus prolongés à Reykjavík. Pour quels motifs ? Il ne voulait pas le savoir. En dépit de la cadence endiablée du travail dans l’usine de poissons, Serge se mit à rêver. Le hameau faisait son entrée dans le domaine onirique. Il allait s’y lover durant une grande partie de sa vie et tisser la trame d’une saga. Maria est enterrée dans un cimetière de Reykjavík. La pierre tombale, à l’abandon, était recouverte de ronces. Il a fallu les couper les unes après les autres pour que réapparaisse enfin en pleine lumière l’inscription lapidaire : « Maria Thorsteinsson ». L’inscription sortait d’un abysse d’oubli. Dans la Saga d’Árbakki le dieu Thor armé de son marteau n’avait épargné personne. Il s’était acharné à broyer, concasser, le hameau et les fermes du voisinage, à anéantir les personnes qui y vivaient, de manière la plus cruelle. Il n’avait eu aucune pitié. Sa furie destructrice était sans limite. De quoi Thor cherchait-il à se venger ? Pourquoi tant de vindicte ? Par Serge Ronen Photo : Lea Gestsdóttir Gayet
N 24 Economie : Le point de vue islandais o
L ‘Islande, la crise et le très impopulaire gouvernement On dit que l´Islande est la « success story » de la crise économique. Les banques islandaises se sont effondrées en octobre 2008, et avec elles l´économie toute entière du pays. Toutefois, la façon dont les Islandais gèrent la crise est citée en exemple dans diverses publications, notamment le Financial Times et le Wall Street Journal. Le prix nobel d´économie Paul Krugman voit en l´Islande une lueur d´espoir dans le marasme économique actuel. Plusieurs faits. L´Islande a contrôlé la faillite de ses banques, les dettes du pays ont été réduites au niveau honorable de 65% du PIB, et les emprunts d´Etat vont à l´investissement. Avec une croissance de près de 3% cette année et un taux de chômage aux alentours de 6%, l´avenir semble sourire aux Islandais. Il peut alors sembler paradoxal que l’on est pas décerné des lauriers au gouvernement - une coalition entre les Sociaux-Démocrates et les Verts, arrivée au pouvoir peu de temps après le crash -. Au contraire, sa cote de popularité rase les 28% ce qui en fait le second gouvernement le moins populaire de l´histoire de l´Islande, juste derrière le gouvernement en place lors du crash. Notons que la cote de popularité de ce gouvernement était de 83% avant le début de la crise. Il est désormais de notoriété publique qu´à l´époque, en 2007, l´économie était totalement hors de contrôle, entrainant l´effondrement de toutes les banques en octobre 2008. Le chef du gouvernement Social-Démocrate (centregauche) Jóhanna Sigurðardóttir et le président des Verts Steingrímur J. Sigfúgsson sont tres impopulaires, et les propos tenus à leur égard sont souvent violents. L´un de leurs défaut est qu´ils ne sont pas très doués en communication. Eux mêmes rétoqueraient qu´ils sont trop occupés à réparer les pots cassés par leurs prédecesseurs. Une autre
difficulté est la propagande du parti de l´opposition. Vaste alliance des partis de droite, Le Parti de l´Indépendance fut au pouvoir durant les dix-huit années qui ont précédé la crise. Il bénéficie d´un large soutien des entreprises, des secteurs de la pêche et industriel, et est en mesure de causer d’importants dégats à un parti rival.
l´euro, la demande d´adhésion à l´UE est devenue profondément impopulaire ; le pro-
d´Europe, l´Etat Providence a été largement protégé, et l´Islande s´en sort mieux que
250 couronnes. Ceux qui sont le plus opposés à l´adhésion à l´Union européenne voient en
cessus de réecriture de la Constitution a été bloqué au parlement et pire encore, le gouvernement a ouvert une véritable boîte de Pandore en se lançant dans la réforme du système de pêche, sujet qui a tendance à faire sortir les Is-
d´autres états ayant été secoués par la crise, comme l´Irlande, la Grèce et la Lettonie.
la couronne la condition de l´indépendance de l´Islande. Néanmoins, les industries de l´export -même celle de la pêche qui a toujours rechigné à entrer dans l´UE- sont de plus en plus en faveur de l‘euro.
Il n’en demeure pas moins que nombre de problèmes sont directement causés par la politique de Jóhanna Sigurðardóttir et Steingrímur J. Sigfússon. L´endettement des ménages a fortement augmenté après le crash et l´effondrement de la couronne, et les solutions proposées par le gouvernement n´ont malheureusement pas été à la hauteur – malgré la promesse de Jóhanna d´ériger une forteresse autour des ménages du pays. Ceci a provoqué d´importantes manifestations et sera certainement au coeur des débats des prochaines élections d‘avril 2013. Un autre sujet de discorde majeure, les accords d‘Icesave à passer au sujet du remboursement des dettes qu’a contractées la banque Landsbanki à travers ses filiales au Royaume-Uni et aux Pays-Bas. Ceci est à l´origine de tensions
« Toutefois, il y a une reprise de l‘économie que même l´opposition a du mal à nier. »
internationales pour l´Islande; par deux fois un accord fut établi, soutenu par le gouvernement et adopté de justesse au parlement; par deux fois – début 2010 et courant 2011 – le président de la république a opposé son veto à l´accord, soumettant la décision à un réferundum. A chaque fois le gouvernement fut humilié, coups durs dont il ne se remettra jamais. Encore d’autres débats font rage. A cause de la crise de
landais de leurs gonds. Certains diront que le gouvernement était trop ambitieux. Il est entré en fonction lorsque tout était sens dessus-dessous et à présent il a beaucoup de mal à tenir ses promesses. Toutefois, il y a une reprise de l‘économie que même l´opposition a du mal à nier. Elle utilise même cette reprise comme argument contre le fait de rejoindre l´UE. Le taux ne chômage n´a pas atteint les niveaux des autres pays
Tout ceci est évidemment causé, dans une certaine mesure, par la dévaluation de la couronne. Il fallait moins de 90 couronnes pour un euro contre 168 aujourd´hui. L´une des raisons du crash était cette monnaie totalement surévaluée, mais maintenant que la couronne est au ras des paquerettes, les industries qui exportent -principalement poisson et aluminium- ainsi que le tourisme, sont comme jamais en expansion. En Islande, cependant, on perçoit les choses différemment. La couronne islandaise a été à la fois un cancer et son antidote. L´effondrement de la monnaie représente un lourd fardeau sur le dos de la population, tant au niveau des prêts en devises étrangères – qui étaient légion avant la crise – que des subprimes - un système ayant été qualifié de dangereux par d‘ illustres économistes. L´inflation est à présent de 6,8%, la plus haute d´Europe, et les prêts augmentent. Un euro vaut 165 couronnes, mais sur les marchés étrangers un euro atteind jusqu´à
Pour adopter l´euro, l´Islande devra adhérer à l´UE, ce qui, malgré la demande d´adhésion en cours, semble être une réalité lointaine. D´autres solutions ont été évoquées, comme par exemple l´adoption de la couronne norvégienne - les Norvégiens ne semblent pas enchantés -, ou de "l´huard" canadien - et à ce sujet, les Canadiens sont discrets. Par Egill Helgason, traduit de l'anglais par le LPP Photo : Virginie Le Borgne et Lea Gestsdóttir Gayet
Economie : Le point de vue français N 25 o
Le temps des cerises au pays de glace et de feu ? Un cerisier sur le sol islandais on ne le verra jamais. Ou alors dans une serre chauffée par la géothermie. Que dieu bénisse l’Islande avait déclaré son premier ministre et sans doute son plus vieil animal politique, Geir Haarde, le jour où le pays a coulé comme un paquebot à l’automne 2008. Qu’en est-il quatre plus tard ? Vu de l’étranger l’Islande sert de laboratoire à tous les endettés, aux indignés, aux nostalgiques du grand soir. Révolution de velours sur fond de bruits de casseroles ou supercherie médiatique ? Une vidéo d’origine québécoise circule sur les réseaux sociaux depuis plus d’un an vantant les mérites de la démocratie islandaise et de son peuple. Des images de manifestations devant le parlement de poche islandais aux murs sombres. Quelques vues du siège de la Landsbanki et un survol du pays pour accompagner un long commentaire (en voix off) plus proche de la propagande que des faits. Des sites Internet émanant de réseaux altermondialistes, devenus indignés voire alternatifs font leur marché, eux aussi, dans un dédale d’ informations puisées ici et là dans quelques médias étrangers et qui dénoncent une censure internationale pour donner du coffre à l’ensemble. Bref, l’Islande serait, selon eux, devenue une île porteuse d’espoirs pour révolutionnaires en bleus de travail ou en culottes courtes. Qu’en est-il exactement de la situation économique, financière et politique? Les Islandais ont tout simplement obtenu en manifestant le départ d’un clan aux affaires depuis des lustres, lié au parti de l’Indépendance (conservateur et antieuropéen). Puis des élections anticipées après la démission de Geir Haarde et la refonte totale de la constitution datant de 1944 (copie conforme de celle du Danemark). Ensuite, ils ont voté par deux fois (referendum) contre le remboursement des énormes dettes bancaires. Le nouveau gouvernement (une alliance centre gauche/vert) a bien sûr refusé d’indem-
niser les banques étrangères victimes de l’affaire « Icesave » (certains diront l’escroquerie « Icesave ») orchestrée par la Landsbanki et qui a fait sombrer l’économie du pays considérée jusque-là comme exemplaire par les agences de notations. Une bonne affaire pour ceux qui plaçaient leur argent via Internet à des taux défiant toute concurrence. La banque islandaise offrait ces taux hors normes grâce à l’argent de quelques banques européennes. Une affaire qui empoisonne désormais l’économie de l’île et les relations avec la Grande-Bretagne, les Pays-Bas et la Belgique depuis ce fameux automne 2008 puisque les banques concernées sont issues de ces trois pays. L’état islandais, alors dirigé par Geir Haarde, avait aussitôt nationalisé les banques du pays pour éviter l’effondrement financier mais il rendait dans le même temps chaque islandais responsable du remboursement de la dette colossale à venir. Entre trois et quatre cents mille euros par habitant. Le nouveau gouvernement a dépensé 15% du PIB pour sauver ses banques nationales mais il a toujours refusé d’indemniser les clients étrangers de la Banque Icesave, mise en faillite. Citons parmi ceuxci le chanteur français Enrico Macias qui a fait le deuil de plusieurs millions d’euros. Il n’en reste pas moins qu’une décision de la Cour de justice européenne pourrait contraindre Reykjavik à régler une ardoise estimée à 8 milliards d’euros. Ce qui renforce chez les islandais un euroscepticisme latent. Le parti de l’indépendance né après-guerre d’une alliance entre lobby des pêcheurs et des agriculteurs entretient bien volontiers cet euroscepticisme. Les patrons pêcheurs islandais raclent les fonds des mers sans respecter les quotas européens ni le bon sens commun. Ils ont déjà fait disparaître le hareng de leur zone de pêche puis la morue. Maintenant ils pêchent au large de la Russie dans les eaux internationales donc dans l’Océan Arctique. Ils ne respectent pas davantage la chasse à la baleine dépassant largement le nombre toléré par les instances mondiales. Ils annoncent trente prises annuelles mais ils tuent
en réalité près de 250 baleines pour satisfaire leur clientèle japonaise et ce malgré la présence d’écologistes dans leur nouveau gouvernement. De son côté le lobby fermier préfère conserver ses prérogatives qui datent elles aussi des années d’après-guerre. Il détient depuis cinquante ans toutes les coopératives du pays, des participations dans toutes les banques via un réseau de maga-
les journalistes locaux qui s’expriment plus librement sur leurs blogs que dans les medias qui les emploient. L’alternance seulement entre copains Avant de se prévaloir d’être devenus les deux piliers du Parti de l’indépendance, Oddsson et Haarde étaient déjà de vieux copains du lycée de Reykjavík. Oddsson a toujours aimé
« Les nouveaux banquiers, ces fameux «nouveaux vikings», encensés comme des héros nationaux, ont engagé dix fois le produit intérieur brut du pays à l’étranger. »
sins créés dans les principales bourgades de l’île et qui s’est développé sans concurrence... Comment tout cela fonctionne ? Par un clientélisme forcené. Geir Haarde, né d’un père norvégien et d’une mère islandaise, est le grand manitou de ces petits arrangements entre amis. Membre du Parti de l’indépendance jusqu’au «désastre» de 2008, il a bâti sa carrière dans l’ombre de David Oddsson, ex-directeur de la Banque centrale au moment du naufrage. « C’est peu dire que l’ombre d’Oddsson, l’ancien homme fort de l’île, plane sur le système politique insulaire. C’est lui que l’opinion publique tient directement pour responsable de la «catastrophe nationale». Mais Oddsson n’est pas poursuivi par la Haute Cour : il n’était plus ministre lors de l’effondrement. Il s’accrochait à son fauteuil de directeur de la Banque centrale. Il aura fallu une loi, votée par le Parlement, en mars 2009, pour l’en déboulonner. Mais, même aujourd’hui, il reste influent. Il s’est reconverti comme éditorialiste du Morgunblaðið, le (plus) grand quotidien national, ce qui a achevé de discréditer la presse, déjà accusée de ne pas avoir enquêté sur l’enrichissement fulgurant de quelques familles de l’île avant la débâcle. » répètent à l’envi
s’afficher comme quelqu’un de flamboyant, Haarde était volontiers plus effacé. Son apprentissage sera américain. C’est là qu’il s’est fait les dents dans des études d’économie tandis que son ami montait sur les planches en demeurant au pays. Peu sollicité, il écrira des scenarii pour la télé et ira jusqu’à produire de la musique. Tout ce qui peut le mettre sous les feux de la rampe l’attire. Esseulé comme artiste il tentera une entrée sur la scène politique. Deviendra maire de Reykjavík en 1982. L’appétit venant en mangeant, il prendra la direction du Parti de l’indépendance un an plus tard puis ministre des Affaires étrangères et enfin Premier ministre de 1991 à 2004. Treize années passées à privatiser les banques, à ouvrir les vannes d’un libéralisme à la Thatcher. Et surtout, il va distribuer les bonnes cartes à ses amis. Des entrepreneurs choisis pour leur incompétence, issus prioritairement du parti de l’Indépendance selon les observateurs de la vie politique du clan. Lui se considère comme le petit père de l’Islande moderne. Ce sont les années fric et de grande consommation. Les Islandais ne crachent pas dans la soupe et ne voient rien venir quand leur grand leader va s’octroyer la Banque centrale, en 2005. Geir Haarde est alors Premier ministre. Fidèle
à Oddsson, il se contentera de faire l’autruche quand le loup entrera dans le coffre-fort. Jusqu’au jour où il s’en remettra à Dieu pour qu’il bénisse l’Islande en état de choc. Et depuis ? Le peuple islandais a fait son introspection. Pendant des mois, un comité des sages a enquêté sur les responsabilités du clan à la demande du parlement. Eva Joly a même été consultée pour dénouer l’écheveau financier d’envergure internationale et permettre de poursuivre les fraudeurs nichés à tous les niveaux de l’état et de la finance. Résultat des courses : des mois d’enquêtes, 9 volumes, 2900 pages, 147 personnes impliquées. Et aucune arrestation. La suite est peu connue à l’extérieur de l’Islande: les nouveaux banquiers, ces fameux «nouveaux vikings», encensés comme des héros nationaux, ont engagé dix fois le produit intérieur brut du pays à l’étranger. Le système, hypertrophié, aura fini par exploser. Quelle révolution ? Pour l’heure les Islandais attendent l’accouchement de leur nouvelle constitution et débattent encore sur l’opportunité d’adhérer à l’Union européenne et à la zone Euro. Les avis divergent. Les uns préférant laisser flotter leur petite monnaie et profiter d’une inflation vertigineuse (plus de 40%) qui « dope » les exportations, continuer d’échapper aux quotas imposés par l’UE. Les autres hésitant entre l’adhésion sans la monnaie unique ou avec. Le débat à Reykjavík est loin d’être tranché, y compris dans la coalition gouvernementale, à l’instar du ministre de l’Économie social-démocrate partisan de l’euro et de son homologue des Finances qui défend les vertus de la couronne. La révolution n’est pas inscrite en lettres d’or dans les programmes ni les consciences. Reste que l’Islande doit faire face à une fuite de ses cerveaux comme jamais. Et à un endettement de milliers de familles dont certaines risquent de se retrouver sans toit dans les mois qui viennent. Par Philippe Meunier
N 26 Population o
L’Islande s’ouvre aux étrangers La théorie selon laquelle la population islandaise est quasi homogène ne serait qu’un leurre. Une vue de l’esprit. De fait les Vikings norvégiens, qui appareillaient à destination de l’Islande, faisaient un petit détour par l’Irlande, les îles Orcades et Shetland en vue de remplir leurs drakkars d’une main-d’oeuvre bon marchée, les esclaves celtes. Il suffit de se promener dans Reykjavík pour s’apercevoir que les longs descendants des blonds vikings sont minoritaires, en revanche les bruns d’origine celtique y sont légion. L’île, perdue dans
les brumes septentrionales, a sans doute été coupée du monde extérieur pendant des siècles, mais n’en a pas moins continué a jouer un rôle de relais sur le parcours Europe-Amérique.
Une étude scientifique, réalisée en 2010 par le CSIC ( Centre de recherches scientifiques espagnol ), révèle qu’il y a plus de 1000 ans une femme amérindienne a débarqué en Islande. Les analyses pratiquées sur un échantillonnage de 80 personnes du sud de l’Islande, provenant de 4 familles, dévoilent qu’elles ont dans leur ADN un passé génétique présentant des similitudes avec les Amérindiens. Cette femme, selon
Hébergement sur la Côte sud, à une heure de Reykjavík, où dormir à Þorlákshöfn ? Hjá Jonna est une petite guesthouse élégante et récemment rénovée avec quatre chambres à coucher (1x4 et 3x2) et un accès à une salle de bains commune avec douche et baignoire. Tout confort: télévision, internet, machine à laver et sèche-linge, fer à repasser, sèche-cheveux, barbecue. Le petit-déjeuner et un accès à la piscine locale sont inclus. Pour tout renseignement: hjajonna.is ou par téléphone: 00354 483 5292.
l’explication la plus plausible, aurait été enlevée par les Vikings à Terre-Neuve, puis embarquée de force sur un de leurs drakkars. D’autre part des textes déjà anciens évoquent l’incursion de pirates arabes dans un village de pêcheurs islandais. Aussi isolés étaient-ils,les habitants de l’île entrenaient néanmoins contre vents et marées, souvent à leurs dépens, des relations avec les peuples des contrées environnantes ou lointaines. C’est ainsi que les marins français venus de Bretagne ou du Pasde-Calais étaient au XIX ème siècle jusqu’à 6000 à pêcher la morue dans les fjords islandais. Ces dernières années, surtout avant la crise financière engendrée en 2008 par le krach du système bancaire, les immi-
grants se pressaient aux portes de l’Ile. En 2005, indiquent les statistiques, 1970 Polonais ont immigré en Islande, 560 Danois, 560 Portugais, 520 Allemands et 450 Chinois. La communauté polonaise a pu atteindre les 8500 et la communauté lituanienne les 1500. Ensuite on a assité à un reflux. De nombreux Polonais sont rentrés chez eux ou se sont dirigés vers la Norvège. Mais de nouveau le flux migratoire se déverse sur les côtes islandaises. Dans le flot, des Asiatiques, qui représentent 10% de l’immigration, mais également des Africains qui cherchent à obtenir le statut de réfugié politique. La communauté regieuse musulmane serait comprise entre
300 et 800 personnes. les chiffres varient selon les sources d’information. Elle a été officiellement reconue par les autorités de l’Etat. La communauté juive, quant à elle, n’en est qu’à l’état embryonnaire, mais elle comprendrait de 50 à 100 personnes originaires des Etats-Unis, d’Europe et d’Israël. Les bouddhistes avoisineraient les 650. Par Serge Ronen Photo: Lea Gestsdóttir Gayet
Pêche N 27 o
La pêche en Islande
La mer est ce qui a fait évoluer l'Islande au fil des siècles. Des marins de l'Europe entière sont venus affronter les eaux froides et difficiles autour du pays. Les Français arrivaient de Bretagne ou du nord, les Norvégiens partaient d'Oslo et les Britanniques étaient très présents également. Les poissons recherchés sont le cabillaud, l'églefin, le lieu noir, la rascasse du nord, le loup de mer... C'est l'or islandais que les navires venaient chercher. Les hommes étaient en mer, les femmes et les enfants travaillaient ensuite le poisson au port, la plupart du temps en extérieur. Pour conserver ces prises, les seuls moyens étaient de les saler ou simplement de les sécher au vent, comme pour le fameux « hardfiskur » qui donne envie à tous les touristes. Ses eaux poissonneuses ont valu à l'Islande une « guerre » contre l'Angleterre dans les années 70. Ces derniers voulaient pêcher comme bon leur semblait dans nos eaux territoriales qui s'étendent à 200 milles nautiques autour des côtes. Les Anglais ne voulaient pas tirer sur les bateaux islandais,
Portrait d ´un marin islandais
mais cherchaient à les percuter de côté pour les renverser, ce qu'ils n'ont jamais réussi. Un jour, alors qu'ils tentaient une manœuvre de ce type, ils sont tombés sur un navire qui avait à l'arrière une couche d'acier de 25 cm d'épaiseur, ce qui a complètement bousillé l'avant du navire militaire qui a évité de couler de peu. Cela reste le fait le plus marquant de cette bataille et les Islandais rient encore du soldat décoré de la Légion d'honneur pour avoir sauvé un tableau de la reine dans ce bateau. Aujourd'hui le système de quotas fait qu'il y a moins de marins, mais ceux qui pratiquent ce métier en vivent correctement. C'est ainsi un des seuls pays au monde où la pêche n'est pas subventionnée par l'état et est même la source principale de recettes du pays. Un marin non qualifié peut gagner jusqu'à 100 000 euros par an. Les techniques de pêche sont diverses : filet, palangre, hameçons, et dépendent du poisson recherché ainsi que de la période de l'année. Par Victor Gayet Gestsson Photo : Lea Gestsdóttir Gayet
Matthias Jacobsson, 75 ans, a commencé à naviguer à l'âge de 8 ans avec son cousin qui en avait 10. En buvant un café il me raconte:
un entrepôt sans être pesé. Les Anglais nous volaient du poisson ! Et pas qu'un peu... Mais nous ne pouvions rien y faire, c'était comme ça à l'époque. »
« On partait sur une barque et on prenait tellement de poisson qu'on les attachait avec une corde derrière le bateau quand il n'y avait plus de place à bord ».
Il a vu le pays se développer et passer des habitations sous terre aux maisons chauffées à l'eau chaude.
Il est né à Grimsey, la petite île du nord de l'Islande traversée par le cercle polaire arctique. « Chez moi ce n'était pas l'océan Atlantique mais l'océan Glacial arctique, et il porte bien son nom. Mais les cabillauds, on les relachait s'ils ne faisaient pas leurs 10 kilos, alors qu'aujourd' hui un enfant de 1,5 kg est gardé... » Après avoir passé son diplôme de capitaine, il lança son entreprise et acheta d'abord un, puis deux, puis trois bateaux. Son métier difficile lui a tout de même permis de beaucoup voyager et il ne se lasse pas de ranconter ses histoires. "T'as faim ?" me demande-t-il en sortant de l'agneau fumé. « Une fois nous arrivons au port de Hull-City avec un navire plein comme jamais, le travail commence, nous avions des prix fixes suivant les espèces. Nous remarquons ensuite qu'une bonne partie du poisson part directement dans
« Tout s'est passé très vite, presque en un clin d'œil, le plastique et la ferraille ont remplacé le bois des bateaux et il a fallu se mettre au goût du jour. » Après avoir vendu son entreprise, il s'est mis à aider celle de son fils Gestur qui pêche depuis le port de Dalvík à bord d'un petit bateau. Il fait pour lui tout le travail à terre et sort encore en mer l'été « pour le plaisir » comme il dit en souriant. Sinon il passe son temps à faire d'excellentes pâtisseries pour ses petits enfants ou à pêcher à la ligne les salmonidés qui traînent vers chez lui. La maison bleue au bord de la rivière au nord de Dalvik est la sienne, elle est pleine d'histoires et si vous voulez découvrir ce qu'est un marin de l'extrême frappez à sa porte, vous serez accueillis avec un grand sourire, et quelques pâtisseries. Par Victor Gayet Gestsson pecheislande.centerblog.net Photo : Lea Gestsdóttir Gayet
N 28 Sports o
Le sport et les Islandais
Le sport fait partie intégrante de la vie des enfants et adolescents islandais. La sécurité dans le pays permet par exemple aux jeunes garçons de rester jusque tard le soir à s’amuser avec un ballon. Le pays a en effet un ratio assez important de sportifs de haut niveau ou professionnels, avec des résultats sur la scène internationale presque incroyables pour une île glaciale qui compte seulement 320 000 habitants. La fin de la seconde guerre mondiale ainsi que le plan Marshall ont sorti l’Islande de la pauvreté et ont permis au pays de commencer à se développer à la manière occidentale, tout en gardant un esprit nordique caractéristique de tous nos sportifs de haut niveau. QUAND ? à l’époque du plan Marshall ? Les infrastructures étaient rares ou de mauvaise qualité, ce qui ne permettait pas de s'entraîner correctement, et l’hiver interdisait alors les sports d’extérieur. Malgré cela, les résultats étaient au rendez-vous lors des jeux Olympiques, dans des disciplines comme le saut en longueur, le lancer de poids et d’autres pouvant se pratiquer régulièrement, même si les médailles se faisaient parfois attendre.
avant tout personnelles. Une volonté de s’entraîner dur dès l’adolescence, une foi inébranlable en la réussite ou encore un très grand professionnalisme par rapport au régime alimentaire.
En réalité, ceux qui deviennent sportifs sont le plus souvent repérés entre 14 et 17 ans, le petit nombre d’habitant fait que chaque jeune à sa chance d’être vu par observateur étranger. Pour les autres, la tâche est plus difficile car presque chaque islandais travaille pour financer ses études, ce qui empêche de s'entraîner correctement. Il n’existe pas de centres de formation à l’année, seulement en période estivale. Les résultats dans les différents sports sont très honorables. L’équipe de Handball islandaise est excellente, les Jeux de Londres seront leur quinzième grande compétition de suite. L’équipe a remporté la médaille d’argent après une finale perdue face à la France à Pékin en 2008 ainsi que la médaille de bronze deux ans plus tard aux championnats d’Europe en Autriche, compétition encore un fois gagnée par les Bleus, qui s’y connaissent également au lancer de balle taille 3.
Lors de ces trente dernières années le sport s’est beaucoup développé : des gymnases, terrains synthétiques, piscines ainsi que des pistes chauffées ont étés construites. Des entraîneurs étrangers sont venus apporter leurs connaissances comme le français Jacky Pellerin aujourd’hui à la tête de nos équipes de natation.
La « star » dans l’équipe est Olafur Stefansson, ou Oli tout court (prononcez « au lait »). Son palmarès est incroyable : champion d’Allemagne, champion d’Espagne avec des coupes nationales également, champion d’Europe de nombreuses fois et, plus récemment, champion du Danemark avec le club “nouveau riche” de AG København à Copenhague. Il fut longtemps le meilleur arrière droit du monde. Il sait marquer, avec ou sans saut, délivrer des passes magiques à son pivot ou son ailier et j’en passe. Il est si fort que la plupart des équipes le prenaient en “strict” dès le début du match, terme handballistique qui consiste à ce qu’un défenseur vienne se placer juste devant un attaquant pour l’empêcher de recevoir la balle et limiter ainsi au maximum son impact dans le jeu. Malgré cela, il était quand même proche de la perfection.
Ce qui définit les sportifs islandais est un ensemble de valeurs
Il fut longtemps le joueur le mieux payé au monde avec
Le premier à avoir réussi une grande carrière dans le football fut Albert Gudmundsson dans les années soixante, son majestueux pied droit l’a mené à Arsenal, Nancy puis au Milan AC.
cinq millions d’euros par an, aujourd’hui seul son coéquipier danois Mikel Hansen gagne un peu plus.
A 38 ans, les prochains JO seront probablement sa dernière compétition avec la sélection, il laissera un grand vide derrière lui. Lors des dernières demi-finales de coupe d’europe, l’Islande était représentée par 6 joueurs dans trois équipes et deux entraîneurs, contre par exemple les deux français Didier Dinard et Luc Abalo. Les autres sports qui nous réussissent bien sont le ski, le badminton, la natation, lancer de poids , le saut à la perche -surtout chez les filles- et le football, plus par les individus que par l’équipe nationale, même si on trouve du mieux depuis l’arrivée du sélectionneur suèdois Lars Lagerback. Dans le football nous avons des générations montantes prometteuses, les terrains syntéthiques intérieurs commencent à payer. La plupart de nos joueurs évoluent dans les championnats scandinaves, mais également dans les trois plus hautes divisions anglaises. Le football féminin est bien meilleur que le masculin, la sélection se classe parmis les 15 meilleures du monde et nos joueuses pratiquent en Suède, en Allemagne et plus chaleureusement au Brésil.
Portrait: Eidur Gudjohnsen Ses talents balle au pied furent vite repérés par les néerlandais venus d’ Eindhoven, il s’exila alors jeune et commença sa carrière sur le front de l’attaque du PSV aux côtés d’un brésilien nommé Ronaldo. Une sale blessure au genou contractée en sélection l’obligea à rentrer au pays et presque à mettre une croix sur sa carrière. Il repris cepedant l’entrainement au club de Reykjavik : KR. Tout le monde se moquait de son poids mais petit à petit on redécouvrit ses qualités. La chance de sa vie est arrivée quand le Bolton football club a contacté son père et agent. Quelques essais plus tard et un contrat fut signé. Eidur était loin d’être ridicule contre les rugueux défenseurs anglais et Chelsea en fit son attanquant durant de nombreuses années, et il ne furent pas déçus lorsqu’il enchaînait les buts. L’arrivée d’Abrahamovic et ses pétro-dollars ont changé le status du joueur qui malgré tout était amoureux du maillot et resta encore un an. Ensuite ce fut Barcelone qui fit venir le joueur pour une somme entre 12 et 15 millions d’euros, ce qui reste le plus gros transfert pour un Islandais. Il joua beaucoup un et demi avant d’être placé parmis les remplaçants, mais il gagna tout de même la ligue des champions et deux championnats d’espagne. Il ne serait pas correct de ne parler de ses problèmes extra sportifs : jeux d’argent principalement, sans cela il aurait sûrement fait une carrière plus grandiose encore. Après un passage raté à Monaco, où il louait son 150 mètres carré à 45.000 euros mensuels, et un petit rebondissement à Tottenham, il joue aujourd’hui à Athènes. Pour l’anecdote son père était professionnel aussi, le petit est rentré en cours de match internationnal à la place de son père et ils devaient jouer ensemble lors du prochain match mais la blessure au genou a brisé ce rêve.
Le manque pour les sportifs est souvent financier, les institutions ne sont pas puissantes et les citoyens islandais donnent souvent de leur propre argent pour aider un peu. Par exemple nos handballeuses devaient jouer un match au Brésil récemment et il n’y avait d’argent disponible que pour le vol aller, ce sont alors elles-mêmes et des suporters ou amateurs qui ont permis le vol retour. L’avenir est prometteur, on observe toujours la même volonté dans les yeux des enfants et le pays sortant gentiment de la crise permettra peut-être enfin à nos sportifs de s’épanouïr pleinement dans leurs activités. Par Victor Gestsson Gayet Photo : eurofootboll.se et qpr. co.uk
Heiðar Helguson, joueur de QPR a été élu sportif de l'année
Publicité N 29 o
s e r u t n e v a s De pour tous!
Rafting
Ice Climbing Snorkeling
Diving
Glacier Hike Canoeing
Hiking
Climbing
Super-Jeep Caving
Horse Riding Sightseeing Snowmobile Whale Watch ATV
Kayaking
Cycling
Surfing
Boat Ride
Hot Spring
Incentive
Skiing
Mountain Hut Camping
Swimming
Multi Trips
www.adventures.is | info@adventures.is | +354 562 7000 | Laugavegur 11 | 101 | Reykjavík
Laurent Jegu, guide chez Arctic Adventures Quel est ton parcours ? Je viens de Rennes. J’ai un master de commerce et communication avec une spécialisation multimédia et audiovisuel. J’ai travaillé dans l’audiovisuel à Paris en tant que chargé de production à « Sorcier production », la boîte de Fred et Jamy de « C’est pas sorcier ». Puis, j’ai travaillé dans un bar pendant deux ans, ce petit boulot m’a éclaté. J’ai appris à faire de la bière Pourquoi es-tu venu en Islande ? A l’origine, je suis venu en Islande pour voyager. J’avais un ami réalisateur qui me montrait souvent ses scénarios et qui s’est installé en Islande. Et puis plein d’amis à moi venaient tous les étés en Islande. Un été, après ce travail au bar à Paris, j’ai appelé mes potes pour savoir si je pouvais bosser pour eux histoire de me faire un peu d’argent. Le deal c’était
donc de rester trois mois en Islande et de revenir en France avec de l’argent. Je bossais dans un hôtel à Skaftafell et je vivais là-bas. Au bout de trois mois ils m’ont demandé si je ne voulais pas rester plus longtemps, ce que j’ai fait.. Vers 2005-2006. J’ai fait deux étés à l’hôtel.
Ensuite, j’ai appelé mon pote à Reykjavik et on a fait des sites web et du design, on s’est éclaté, on a dépensé tout notre fric ! Puis j’ai été embauché au Reykjavik International Film Festival –RIFF-. Comment es-tu devenu guide ? Par hasard. J’ai rencontré un type qui m’a demandé de venir faire la cuisine sur un voyage pendant trois semaines avec un groupe de géologues et un prof de géologie. C’était génial. En plus, je parlais français et à l’époque c’était très recherché. Je n’avais jamais pensé devenir guide mais les opportunités
en ont décidé autrement. La France ne me manque pas spécialement. Ici, en Islande, je me sens libre et en sécurité. Quelles sont les clés d’un voyage réussi ? L’Islande n’est pas un pays qui a besoin de survendre donc il faudrait diminuer la romance des catalogues et des brochures. Je pense qu’en général, il ne faut pas promettre aux touristes des choses que tu n’es pas sûr de garantir comme lors des « whale watching » par exemple. Il ne faut pas leur vendre du rêve. On doit penser aux gens et ne pas penser à l’argent, être à la hauteur de ce qu’ils attendent.
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Pensées d'Islande
Découvrir, y retourner, s’enivrer… de paysages (et plus modérément de Brennivín) Chaque nouveau voyage en Islande est une aventure, ce que l’on croyait connaitre a changé, ce que l’on ne connait pas est bluffant, on aime encore et toujours l’air, la lumière, l’eau, le glacier, l´oiseau, le saumon (fumé particulièrement). Oui, je l’avoue je suis ISLANDADDICT ! Avis aux frileux de tous poils : inutile de vous couvrir de polaires triple épaisseur. L'Islande et les Islandais sont chaleureux, ils vous réserverons un ac-
Point de vue Nous au LPP sommes ouverts à toutes les cultures. La case point de vue est réservée aux textes envoyés par des lecteurs ayant une autre langue maternelle que le français. Pour ce numéro, nous laissons la plume à l´Italie. Guida brevissima per il turista convinto. Avete passato almeno 50 minuti in totale a spiegare ad amici e colleghi che andate in Islanda, che non e' l'Irlanda, ma un'altra isola ancora piu' a nord piuttosto sperduta.
Arrivate magari di notte a Keflavík ma c'e' piena luce, o meglio, la luce di un 2 novembre piovoso.
Siete attrezzati per la « guerra » : scarponi con suola vibram, giacche gore tex, pantaloni da neve, impermeabili di plastica che si usano solo in vacanza e che nella vita « normale » non mettereste mai. Utilizzate questo armamentario anche per una pacifica passegiata nel centro di Reykjavík. Proteggete la vostra Canon dalla pioggia con le mani mentre guardate alienati le grondaie delle case!
Il robusto e barbuto testimonial della marca 66° sembra guardarvi minaccioso dai cartelli pubblicitari « o comprate o vi meno! » Vi fate tentare da un maglione di lana di pecora da 12 kg, vi sentite piu' integrati, avete imparato anche a dire takk!
Adesso veniamo a quando ci provate con una/un islandese (piu' comune il primo caso). Siete confusi, avete sentito che sono facili ma anche che hanno il carattere di un guerriero vichingo. Con cauta marpioneria cercate di capire quale delle due versioni e' piu' veritiera.
cueil bien au-delà de ce que vous pouvez imaginer. En Islande, quelle que soit la météo, avancez, quoiqu'il arrive ! Dans les recoins cachés que vous offre cette île, il y a toujours un spectacle fabuleux. Vous en aurez le souffle coupé. Les déserts, les chaos de lave, les plages de sable noir, les volcans, les glaciers... Vous n'aurez pas assez de vos deux yeux pour assimiler tout cela la première fois ! Les couleurs sont fabuleuses. Les sources d'eau chaude dans la nature, même sous la pluie et le vent, il faut y aller ! Allezy, plongez-vous dedans, adrénaline garantie. Enfin, ne réchignez pas sur le budget, même si c'est un peu cher, n'hésitez pas à goûter à la gastronomie islandaise: poisson, mou-
ton et surtout, gâteaux au chocolat avec la crême fouettée, à tomber !
Vi preoccupano anche i ragazzi locali, non esattamente felici della presenza dei turisti don giovanni, in fondo dovrebbero essere pacifici, non fanno una guerra da piu' di 1000 anni! Occhio comunque...
Blue lagoon, ghiacciaio e whales watching, bene, conclusa l'immancabile giro di attivita' turistiche proviamo a disfarci del pacco di cliché, buttiamo la canon sempre appesa al collo (si fa per dire, costa pur sempre 900 euro) guardiamo islanda e islandesi senza luoghi comuni, ne vale davvero la pena. Buon Viaggio!
Ci siamo! Si sta attacando discorso con una! Da qui in poi valgono solo le propie capacita' di corteggiatore (e l'alcool ovviamente). I libri guida per rimorchiare le islandesi (si, esistono) in pieno stile libretto di istruzioni per elettrodomestico sono troppo teorici.
Après cela, vous ne verrez plus le monde comme avant, si, comme beaucoup vous devenez camés à l'Islande. Vous y retournerez... Si vous avez la chance d´être invité chez les locaux, vous repartirez avec des idées d'aménagement de votre intérieur, tellement c'est cosy chez eux! Par Marie-Paule et Nikygirl, amoureuses de l'Islande
Par Giuseppe Di Rienzo
L'œil de Rax Quels sont les photographes que vous admiriez à cette époque ? Aux Etats-Unis j’aimais Eugene W Smith et Ernst Haas en Suisse.
Comment était la photographie en Islande lorsque vous avez commencé ? Il y avait quelques bonnes photographies mais en très petit nombre. Dans les médias, les photos ont toujours été très petites et le texte plus important.
Un des plus grands photographes islandais, Ragnar Axelsson, auteur du livre « Last days of the Arctic » raconte son processus de création photographique, sa relation privilégiée à l’Islande, et la nécessaire mise en avant de la région Arctique dont les changements climatiques sont alarmants. Comment la photographie estelle arrivée dans votre vie? J’ai étudié en Islande. Quand j’avais 22 ans, j’ai passé plusieurs semaines avec Mary Ellen Mark, une amie, à New York. On allait dehors photographier et on débattait. Elle est merveilleuse. Elle est tellement passionnée par ce qu’elle fait, elle ne s’arrête jamais. Cette période a été comme un « coup de pied au cul ». Je pensais être bon quand, tout d’un coup, elle me fait réaliser que non. J’étais persuadé que je pouvais me satisfaire des photos que j´avais mais elle me disait ‘ne t’arrête pas, continue’. Lorsque je photographiais pour mon livre « Last days of the Arctic » j’étais au Groenland et il faisait horriblement froid. Je suis resté là-bas pendant trois semaines. Il y avait toujours cette petite voix dans ma tête qui me disait ‘ne t’arrête pas de photographier’. Mary Ellen Mark est votre modèle ? Pas vraiment. Je regarde son travail et j’en tire des idées. Je ne veux pas essayer de la copier. Je vois une image et cela me donne des idées. J’ai été très inspiré par Mary Ellen Mark mais elle utilise des techniques différentes, elle utilise beau-
coup d’assistants avec elle, ce n’est pas mon cas. Je n’ai pas fini mes études car le studio a fermé. Il faut avoir un master pour finir ses études et je n’ai pas réussi à en avoir un. A ce moment-là, j’étais dans un dilemne : être pilote d’avion ou bien photographe car j’ai aussi une formation de pilote. C’est ma passion depuis tout petit. Quand j’avais cinq ans, je voulais être pilote. Je sautais depuis le toit de ma maison et j’essayais de voler à l’aide
«Il faut gagner la confiance des gens pour photographier. Photographier une personne sans s ´intéresser à elle, c ´est du vol.» du tablier de ma mère. Je me suis cassé tous les os du corps ! J’étais dans une ferme quand j’étais petit et j’ai commencé à prendre les fermiers en photo. Tous les ans, mes parents m’envoyaient dans une ferme, Kvísker. Il y avait une rivière et j’ai construit un bateau avec un tonneau. Je faisais du rafting avec quand la pluie tombait, c’était très drôle ! Je lisais des vieux magazines comme Paris Match, tout ce que je pouvais obtenir. Tout le monde me rapportait des magazines de photographies. J’étais fou d’images, obsédé.
Vous pensez que c’est encore le cas aujourd’hui? Nous vivons à l’époque des images, des médias visuels. Par exemple on ne peut montrer une éruption volcanique qu’à travers une image. Bien sûr on peut écrire un texte mais il faut surtout montrer une image. Les journaux islandais n’ont jamais vraiment donné d’importance à la photographie comme c’est le cas dans de bons magazines ou journaux. La photographie n’a jamais été ce qu’elle devrait être. Comment avez-vous trouvé votre travail au Morgunbladið (plus grand quotidien national) ? C’était assez drôle. J’ai demandé à mon père s’il pouvait me trouver un job étudiant mais il n’a appelé personne alors j’étais en colère. J´ai pris le bus. J’ai foncé aux bureaux du journal. J’ai rencontré le chef du service photo qui m’a demandé ce qu’il pouvait faire pour moi ce à quoi j’ai répondu « Rien. Ah si je cherche un travail ». Je voulais juste être payé. J’ai commencé par prendre des photos pour le service des sports. Je crois que j’ai fait les meilleures photos d’évènements sportifs ! De toutes façons il n’y avait pas de travail en tant que pilote ! J’ai décidé de travailler uniquement au journal. Comment avez-vous rencontré ces personnes photographiées au Groenland ? Cela m’a pris vingt-cinq ans pour photographier le Groenland. Je l’ai fait en noir et blanc. Je ne réalisais pas qu’il se passait quelque chose là-bas mais ensuite j’ai été obsédé par l’idée de faire un sujet là-dessus. Ils ont du pétrole donc ils sont peut-être les peuples les plus riches du monde ! C'est un pays plein de ressources mais, à cause du changement clima-
tique, les habitants qui vivent principalement de la chasse ne peuvent plus s'aventurer sur la glace. J’ai gagné leur confiance, ils m’ont laissé venir. La première fois que j’y suis allé, ils étaient bourrés. Les héros de mon livre étaient bourrés ! Moi je me suis abstenu... Pourquoi la majorité de vos projets est tournée vers la région Arctique ? Vivre en Islande et me rendre en Afrique lors d´un fait divers c’est comme concourir aux Jeux Olympiques et arriver alors que la course avait lieu hier. Je me suis donc rendu dans le Nord, à un endroit où personne n’allait et c’était comme un défi puisqu’il faisait tellement froid, c’était si difficile. Il faut être fort, se concentrer sur ce que tu as en tête. Les clichés pris dans des conditions climatiques difficiles sont parfois les meilleurs parce qu’il n’y a personne. On ne montre pas assez la réalité et ces images ont besoin d’être montrées dans des magazines. Au lieu de cela, on montre des images de gens connus alors que certains d’entre eux ne savent même pas eux-mêmes pourquoi ils le sont. Si vous n’aviez pas été publié, par exemple pendant dix ans, vous auriez gardé cette vision idéale ? Au début, personne ne voulait mes photos du Groenland parce qu’elles étaient en noir et blanc. Je fais ce que je veux. En quoi le fait d’être Islandais a-t-il influencé votre processus de création ? J’ai été élevé dans la nature. J’aime la nature. Tu commences par aimer la beauté de ton pays. Cela me rend triste parfois de voir que les gens ne réalisent pas que c’est un trésor, pas seulement pour eux mais pour le monde entier. La lumière ici est spectaculaire, elle est tellement changeante. Mon ami dit que j’ai des photos de tous les gens édentés ! Toutes ces vieilles personnes, elles se moquaient de la manière dont elles étaient habillées, elles travaillaient, elles étaient sales et elles s’en moquaient ! J’aimais photographier ce genre de personnes.
Rencontre N 31 o
C’est comme le vieil homme à barbe que j’ai pris en photo – qui fait la couverture du livre ‘Faces of the North’-, la première fois que je l’ai rencontré, il était brutal mais nous sommes devenus de très bons amis car je n’arrêtais pas de revenir le voir. Il a même voulu me donner sa ferme, ce que j’ai refusé en lui disant qu’il avait de la famille. A la fin de sa vie, il ne mangeait plus -il est mort à l’âge de 82 ans- et je me souviens que quand je passais près de chez lui, je déposais un peu de nourriture. Il me faisait confiance. Il faut gagner la confiance des gens pour photographier. Photographier une personne sans s´intéresser à elle, c´est du vol. Quand vous avez offert votre livre à ce vieux monsieur il l’a refusé ? Oui parce qu’il n’aimait pas tous les médias autour mais quand ils sont partis il a pris le livre. On ne pouvait jamais savoir comment il allait réagir ! Pensez-vous que l’Islande soit un bon endroit pour être photographe ? Je ne pense pas, non. Je crois qu’il vaut mieux être d´ailleurs et venir photographier ici. Je vois tellement l’Islande qu’il y a des choses qui m’échappent. L’Islande c’est parfait pour les paysages. J’embête mon ami qui est un photographe de paysages en lui disant que les montagnes seront encore là dans 5 000 ans, donc tout le monde peut les photographier ! Je lui dis qu’il devrait aussi photographier des gens. Tu ne penses pas aller vivre ailleurs un jour ? Il y a une chose en Islande que j’aime vraiment: la liberté. Et la nature. C’est chez moi ici. J’aime voyager mais pour toujours revenir. Si le système était meilleur ici, cela serait le pays parfait. Et si on pouvait changer la météo également… Par Virginie Le Borgne Photo : Virginie Le Borgne et forlagid.is
« Là où le glacier rejoint le ciel, le pays cesse d’être terrestre et la terre reçoit le ciel en partage. Là, il n’y a plus de place pour aucun chagrin et la joie est superflue; là, seule règne la beauté, au-delà de toute exigence. » Halldór Laxness