Numéro 2 - DEC./JAN./FEV. Le magazine politique & culture gratuit
MAGAZINE
SE TAIRE, C’EST SE TUER
ouvre la
Pub
Pub
edito PAR LAURe WAGNeR
COMMUNIQUER, QUEL MODE D’EMPLOI ?
‘‘
Pourvu que je ne parle en mes écrits ni de l’autorité, ni du culte, ni de la politique, ni de la morale, ni des gens en place, ni des corps en crédit, ni de l’Opéra, ni des autres spectacles, ni de personne qui tienne à quelque chose, je puis tout imprimer librement, sous l’inspection de deux ou trois censeurs
‘‘
(Le Mariage de Figaro, Acte V, scène 3)
eT SI CeTTe CITATION De PIeRRe-AUGUSTIN CARON De BeAUMARChAIS (17321799) ÉTAIT eNCORe D’ACTUALITÉ ?
La �aculté de communiquer caractérise l’homme comme animal social et, depuis la révolution Française et la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, la liberté et les modalités de la communication se sont considérablement développées en France et dans les autres démocraties occidentales. Seulement, aujourd’hui, il semblerait que l’homme ait décidé d’user de cette faculté pour obtenir son effet contraire : communiquer à tord et à travers pour masquer le fait qu’en réalité il ne veut pas communiquer... En effet, paradoxalement, on n’a jamais autant communiqué que maintenant, mémoires et autobiographies font la joie des libraires car ce genre d’écrit fait grimper leur chiffre d’affaire : Frédéric Mitterrand et sa «mauvaise vie», Charles Pasqua raconte «ce qu’[il] sai[t]» et pour Jacques Chirac «chaque pas doit être un but». Or, finalement, dans ces écrits, rien n’est véritablement dit, avoué ou confessé. Ces hommes politiques ont des choses à se reprocher, mais ils ne vont pas jusqu’au bout de leur «exorcisme» et leurs écrits ont donc avant tout un caractère d’autojustification. Les développements actuels de la communication ne constitueraient donc qu’une avancée factice ? Au�ourd’�ui comme �ier, ce dont la démocratie a besoin, c’est d’une communication interactive. Or, la communication politique contemporaine semble fonctionner à sens unique, soit qu’elle serve à justifier une décision politique déjà prise, soit qu’elle serve à masquer l’absence de véritable projet politique (comme les fameux débats participatifs de la campagne de Ségolène royal). L’exemple le plus récent de cette communication artificielle est, sans doute, l’ouverture sur Internet du grand «débat sur l’identité nationale». Décision du Ministre français de l’immigration et de l’identité nationale, Eric Besson, il a pour but de «favoriser la construction d’une vision mieux partagée de ce qu’est l’identité nationale aujourd’hui». Encore une formule qui peut à la fois tout dire et rien dire en même temps... Le résultat ? Plus de 7000 contributions sur le site le jour du lancement du débat et des millions de réactions sur la toile depuis un mois, mais toujours pas de réponses aux questions et de solutions aux problèmes. Le gouvernement se contente de faire parler et s’évertuer les Français qui finissent par s’essouffler, mais ne propose même pas sa définition de l’identité nationale! Il y a donc, à l’évidence, un manque de communication dans nos démocraties qui commence à se faire sentir de façon de plus en plus problématique, car il conduit certains à attaquer, voire à rejeter, le système démocratique. Est-ce la raison pour laquelle ces militants qu’on appelle les « autonomes » revendiquent et s’efforcent de créer une «contre-société» ? Ce qui est sûr, c’est qu’ils s’opposent à l’Etat, auquel ils reprochent sa dimension « carcérale » et son « travail de flicage » : sabotages de lignes SNCF à Tarnac, manifestations violentes lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg, en avril dernier, et tout récemment à Poitiers, en octobre. En France, leurs actions prennent de plus en plus d’ampleur et leur réseau s’agrandit ; depuis que Le Monde a choisi de leur consacrer sa une, le 9 novembre dernier, le gouvernement français ne peut plus ignorer leur importance politique, voire la menace qu’ils peuvent représenter. La solution pour éviter ce genre de menaces ? Communiquer ! reste à trouver le mode d’emploi…
4
Le l ’i pr la la llus oto sch ré ion co izo ali d le p hré Po té ’u ar urq nie d’ n a mé uo un cc n du iC e i or o-t rap ha nj d, ur vez po us c: rt G «n tic e la old e sto fer me 15 ne ra L’ac p 14 as tua » lité Les si 12 à su gnes o stenta ivre toires 11 e en Fra nce : nb le por re t du v oile f poin 8 t de v ue
sommaire
De
is er int ck Ba
at
o
ur op
e,
su
bv ers
sV én
ie
na
l
fra
nc o-
all
qu
el
em
an
d cr ren ise fo ér os Un s à rcé o ion itie a ta fi d so ré pa e ns lgi de et mp té pé r e s d G lé tue uX im titi les d u p e i ag ux VI lla ho l’E s A on e e um éc s s n s l t : l ièc rin 22 e su po em e ? le rré po T a u e : n ur rl d ali ll le 24 ’ex s sm un co d ee e, 25 mb rD e ph xp at A os o to de 26 itio g s ti rap ne tan hie xce La p s , fi pti arol lm 28 on e es en t d’a ne 29 lle rgen vo t, le gu 29 silen ce e e st ro L’UM P vase t-elle mal ? 30 fr Entrave. 31 anc De la fac ulté de c e hoisir ses contraint es 32 La
io
e od
rn
m
du
L’E Pe int re
te
edito Le
L’O sta lg
W
4
in
16
:l
an
Ka fh
nu
m
e
u
ro
pe
photos
Aider les peuples d’Himalaya, une action haut perchée ? 38 Ces Philippins qui boxent la misère 40
Déchets, le cauchemar du nucléaire 41
societe �e somm�i�e �on�in�e s�� �� ���e s�i��n�e...
5
sommaire
ue
siq mu
cinema
ht… ’s nig y a d ard nah e e b ’s nt 42 It mome u d s album 43 Les
45 Le Petit Nicolas, Lucky Luke et Astérix… 46 Des mouches et de la terre plein la bouche
litter
47 Les critiques
atur
ra
di
o
e
49 La n ostalg ie du dandy 50 Qua nd le G 51 re ran dé d Fe cou nwi 52 v ron ck d Elo om sM ge inai arc de t le el P so mo r nde ou nd … s es t
OURS
LXXV Magazine 4, rue du Dragon 75006 Paris, France www.wearelxxv.fr
lxxvmagazine.blogspot.com
rédactrice en c�e� Laure Wagner responsa�le des équipes Caroline Tixier Directeur Artistique Dorian Dawance Administrateurs/gérants Laure Wagner, Caroline Tixier, Dorian Dawance Journalistes Olivier Abessolo, Constance Andras, Atahana An’Bert, Alexander Barclay, Thibaut Bauer Grandjean, Christina Bézès, Stan C., Cécile Carpentier, Henri de Cazanove, Axel Cousin, Karen Hazan, Aurélien Hubert, Eléonore Lecointe, Jonathan Masia, Alice de Mony Pajol, Tatiana Nagorna, Marie-Blanche Paumier, Pierre Plettener, Lerna Sahincik, Léa Samain, Quentin Touchard, Laure Wagner Illustrateurs & p�otograp�es Lisa Boudet, Stanislas Coppin, Dorian Dawance, Alice de Mony Pajol, Christelle Sipolis, Phalène de la Valette Comité de lecture rapproc�é Catherine Dawance, Dominique Fayolle, Françoise Péronneaud ont également participé � ce numéro Emilie Meranger-Gay, Lisette Sung, Cécile Wagner
shopping sorties
6
53 La crise au service du style 54 Les suggestions
Contact Pu�: lxxv.publicite@gmail.com Contact rédaction: lxxvmagazine@gmail.com le magazine l��� est édité par l’association loi 1901 l��� soi�ante-quinze, si�ge social : 34 rue saint-placide 75006 Paris, le magazine décline toute responsa�ilité quant au� su�ets et p�otos qui lui sont en�oyés. les articles pu�liés n’engagent que la responsa�ilité de leurs auteurs. reproduction interdite
point de vue PAR ATAhANA AN’BeRT
Les signes ostentatoires en France : le port du voile LeS eNJeUX De LA LOI De 2004, COMMeNT RÉAGIR ?
Aujourd’hui la question se pose : fallait-il ou non interdire le port du voile islamique dans les lieux publics ? Les signes religieux sont-ils sources de conflits ou est-ce leur interdiction qui en est une ? La la�cité garantit la liberté de conscience protégeant le choix de croire ou de ne pas croire, elle assure à chacun la possibilité d’exprimer et de vivre paisiblement sa foi. Cependant, en ce XXIe siècle, jamais autant de textes et de plaquettes sur le racisme et sur la discrimination n’ont été diffusés, et jamais autant de réunions et de conférences sur ce thème ont été organisées, nous laissant interrogateurs quant à leur impact. Une situation très alarmante pour les droits humains dans nos démocraties occidentales. Une loi appara�t, ainsi, comme une perte de liberté individuelle au profit de l’Etat. L’adoption de la loi contre les signes religieux à l’école, en date du 02 septembre 2004, est un scandale absolu qui ne nous laisse plus véritablement notre liberté... Elle est une atteinte aux libertés religieuses. De plus, ces débats enflamment les esprits et créent des tensions, desquelles naissent des discriminations de plus en plus malsaines. Les signes religieux s’affichant dans notre quotidien sont-ils néfastes à notre bienêtre ? Prenons l’exemple de la « main de Fatma » pour les musulmans (« main d’Esther » pour les juifs) : ce symbole, appelé « Khomsa », apporte protection à ses fidèles. Elle rappelle, par ses cinq doigts, les cinq piliers de l’Islam et le souvenir d’Esther qui sauva son peuple d’un génocide en épousant le roi des Perses. Signification religieuse, certes, mais qui n’a pas rapporté d’un voyage touristique en Tunisie ou au Maroc ce joli bijou, porté comme porte-bonheur ? Quel drame peut bien résider dans le fait de porter une croix, une étoile, un voile ? Faut-il enlever ce droit aujourd’hui à celle ou à celui qui revendique ses choix de son plein gré, juste pour mieux le différencier et, ainsi, souligner encore une fois les différences religieuses ?
8
point de vue
Il est essentiel de se rappeler que le compromis de 1905 était historiquement situé à la fois par rapport au contexte national français et par rapport à un contexte plus international. L’Etat répu�licain place dans l’enseignement une grande partie de ses ambitions, telles l’égalité des chances ou la paix civile. La laïcité questionne ainsi le milieu scolaire de deux manières différentes : elle renvoie au rôle du corps enseignant dans la république, à son activité et à ses méthodes pédagogiques ; et elle entraîne la remise en question de la présence du fait religieux dans les lieux scolaires. L’immigration constitue une mutation de la société française. Le regroupement familial a fait émerger l’Islam dans la république. Ce rapport fait entrer Islam et laïcité en résonance. A l’évidence, le fait que la majorité des musulmans de France soit issue de l’immigration et réside dans des quartiers dits « sensibles » renforce, tout d’abord, l’image de dangerosité de l’Islam, ensuite se pose le problème crucial de la représentation de l’Islam en France. Mais les évidences d’un monde, où les religions et les coutumes sont en effervescence, doiventelles nous faire oublier le respect de l’être humain ? Le voile au fond qu’est-ce que c’est ? Plusieurs passages du Coran font allusion aux vêtements et, notamment, au voile de la femme musulmane. Le Coran insiste sur le principe suivant : il est recommandé principalement aux croyantes de ne pas exposer leurs cheveux. Le vêtement ne doit ni être serré ni transparent afin de ne pas attirer les regards. Si l’on interdit le port du voile dans les lieux publics, on peut considérer ne plus être dans un pays libre. En effet, même si l’on peut pratiquer sa religion chez soi ou dans un lieu de culte, il faut admettre que l’on exige l’amputation d’une exigence religieuse, impossible à réaliser pour certaines personnes, sachant que l’école est obligatoire et indispensable. Aller à l’école sans voile est donc un affront envers Dieu pour les femmes musulmanes pratiquantes. Comment peuvent-elles donc faire ? Monsieur Ferry a déclaré que les signes ostensibles -tels qu’une kippa, une grande croix ou un voileseraient prohibés dans l’espace scolaire. C’est, selon moi, un non-sens au respect humain et à la laïcité. L’école devant être, pour moi, avant tout le partage de la dignité entre élèves et professeurs. S’accepter pour mieux apprendre des uns et des autres. Mais, le 02 septembre 2004, l’Etat français a pris la décision d’interdire tout signe religieux ostentatoire dans les lieux publics. Faut-il comprendre qu’une simple croix peut mettre en danger la laïcité ?
9
Pub
en bref PiERRE BERGÉ REMET En CAUsE lE TÉlÉTHon L’homme d’affaire à la tête de Sidaction, Pierre Bergé, a accusé, samedi 21 novembre dernier lors d’une interview sur France Info, le Téléthon de « parasiter la générosité des Français d’une manière populiste ». Ses propos ont été rejetés par de nombreuses personnes : l’Association Française contre les Myopathies (AFM), organisatrice du Téléthon, le généticien Axel Kahn, président de l’université Paris-Descartes, ou encore Valérie Pécresse, la Ministre de la recherche, qui a rappelé le « rôle crucial » des associations dans le financement de la recherche. Line renaud, Vice-présidente de Sidaction a, elle, soutenu son président. Cette polémique autour de la question des fonds des associations a été lancée à deux semaines de l’ouverture du Téléthon 2009 qui aura lieu les 4 et 5 décembre prochain.
PlUs lE dRoiT dE ConsTRUiRE dEs MinARETs En sUissE ? Contredisant les sondages, les Suisses ont voté massivement en faveur du référendum, lancé par la droite populiste, appelant à l’interdiction des minarets sur le territoire helvétique, dimanche 29 septembre dernier. Dénonçant un symbole « politico-religieux », ce référendum a reçu l’approbation de 57,5 % des Suisses et de 22 des 26 cantons de la confédération helvétique. Une victoire écrasante pour l’Union Démocratique du Centre (UDC) et l’Union Démocratique Fédérale (UDF), à l’origine du projet, et un désaveu pour le reste de la classe politique suisse qui avait fait front contre ce projet… Mais cette dernière ne baisse pas les bras face à ce qu’elle considère comme une attaque contre la liberté religieuse : la saisie éventuelle de la Cour Européenne des Droits de l’Homme a déjà été évoquée par les verts. AFGHAnisTAn : UnE inVEsTiTURE ConTRoVERsÉE
lEs BlEUs s’En iRonT En AFRiQUE dU sUd Malgré la main très largement contestée de Thierry Henri, malgré les nombreuses demandes de faire rejouer le match, malgré la polémique mondiale déclenchée par cette main et les millions de commentaires diffusés sur Internet depuis le match qualificatif décisif France-Irlande du mercredi 18 novembre dernier, la victoire des bleus a été entérinée par la Fédération Internationale du Football Association (FIFA). La décision est sans appel, les bleus participeront à la dix-neuvième édition de la coupe du monde de football qui s’ouvrira le 11 juin prochain en Afrique du Sud.
Suite à la décision du candidat de l’opposition, Abdullah Abdullah, de se retirer de la course présidentielle et donc de ne pas participer au second tour initialement prévu, la Commission Electorale Indépendante (IEC) a officiellement réélu le président sortant, Hamid Karzai, le 2 novembre dernier. Son investiture a eu lieu le jeudi 19 novembre dernier : au cours d’une cérémonie à laquelle étaient conviés 800 invités, dont 300 étrangers, il a prêté serment devant la Cour Suprême. Il s’est engagé à lutter contre la corruption qui sévit en Afghanistan, des promesses dont certains doutent, en raison des fraudes massives qui ont entaché le scrutin présidentiel en sa faveur depuis le 20 août dernier…
11
international PAR CONSTANCe ANDRAS
Pourquoi I i Chavez ne la i I fermera pas i
et pourquoi on aurait tort de prendre le president venezuelien pour un imbecile i
i i
i
A L’OMBrE DU PErSONNAGE CArICATUrAL AUX DÉCLArATIONS FANTASQUES, L’HABILE POLITICIEN POUrSUIT DISCrÈTEMENT SA rOUTE. « ¿Por qué no te callas? » (pourquoi tu ne la fermes pas ?) : lancée lors du sommet ibéro-américain de novembre 2007 par un roi d’espagne excédé par la logorrhée du président hugo Chavez, la formule a fait le tour du monde. Aussitôt déclinée sur T-shirts, sonneries de téléphones portables et autres gadgets, elle est devenue un signe populaire de l’opposition à Chavez. Le froid diplomatique qui avait succédé à l’altercation est certes révolu, mais l’anecdote demeure, symbole de ce que beaucoup aimeraient pouvoir dire au chef d’etat vénézuélien. 12
Prompt à s’enflammer dans des discours ubuesques sur « l’Empire du mal » et ses alliés « fascistes », Hugo Chavez multiplie les déclarations aussi polémiques que contradictoires. Un exemple ? Son allocution, devenue célèbre, devant l’Assemblée générale de l’ONU, le 20 septembre 2006 : « Hier le Diable est venu ici ; ça sent encore le soufre (…) La prétention hégémonique de l’Impérialisme Nord-américain met en péril la survie même de l’espèce humaine » professait-il en se signant gravement… et passant sous silence les 1,5 millions de barils de pétrole qu’il vend chaque jour aux EtatsUnis. Mais il ne faudrait pas s’y tromper : derrière les provocations et le ridicule se dissimule un projet politique ambitieux que le président a juré de mener à bien. Lors de sa cérémonie d’investiture pour le mandat 2007-2013, Hugo Chavez avait proclamé sa volonté de réaliser la « révolution socialiste du XXIe siècle ». Un socialisme qu’il conçoit comme « bolivarien », en référence à Simon Bolivar, général né à Caracas qui conduisit une partie de l’Amérique Latine à se dégager du système colonial espagnol. La modification en 2000 du nom du pays en république bolivarienne du Venezuela n’a rien d’anodin : pour Chavez, l’avènement du socialisme nouveau -dénomination politiquement correcte pour un communisme qui lui n’a rien de nouveau- est inséparable de l’unification de l’Amérique hispanique que Bolivar avait tenté d’accomplir. La premi�re étape de cette unité rêvée a existé dans les faits pendant une décennie (18201830) avec la « Gran Colombia », une fédération constituée du territoire colombien -alors non amputé du Panama-, de l’Equateur et du Venezuela. Aujourd’hui, reconstituer la Grande Colombie paraît à première vue irréalisable, sans être toutefois déraisonnable sur le fond quand on songe à tous les éléments qui rapprochent les différents pays cités : un seul père fondateur, une histoire commune, une langue partagée, un catholicisme dominant partout, un même drapeau pour trois d’entre eux (avec la combinaison de couleurs jaune, bleu, rouge)… Après tout, l’Union Européenne s’est fondée sur beaucoup moins…
international A ce stade, le plus grand obstacle à l’idéal chaviste est l’allié privilégié des USA dans le sous-continent, le colombien Alvaro Uribe qui ne cache pas son hostilité envers ce qu’il qualifie « d’ingérence » du Venezuela. Hugo Chavez a donc tout intérêt à affaiblir son homologue : ce n’est pas un hasard si le 11 janvier 2008, le président vénézuélien demandait la reconnaissance des Farc comme « forces insurgées qui ont un projet bolivarien qui, ici, est respecté ». Les documents retrouvés sur l’ordinateur de raul reyes, le n°2 des FArC tué le 1er mars de la même année lors d’un raid colombien en Equateur, confirmaient d’ailleurs un appui logistique de Caracas aux Farc (carburants, documents de voyage, aide financière, munitions…). La manœuvre n’a pas fonctionné, puisque les Farc sont aujourd’hui au bord de l’anéantissement. Mais qu’importe : cet échec, Chavez l’a anticipé, un mois avant la libération d’Ingrid Betancourt, et s’en est tiré par une déclaration de circonstance exigeant la fin de la guérilla. Et puisque les Farc ne font aujourd’hui plus l’affaire, autant brandir à nouveau l’épouvantail yankee : le sentiment anti-étatsunien, toujours très fort en Amérique Latine, est un des grands vecteurs de ralliement au chavisme. Le chef d’Etat vénézuélien tente de le diriger contre Uribe en s’obstinant à voir dans les accords de coopération militaire contre le narcotrafic, signés récemment entre la Colombie et les Etats-Unis, une menace d’invasion de l’Empire. « Le gouvernement colombien est transféré aux Etats-Unis, il n’est plus à Bogota. (…) Les militaires yankees peuvent être à leur aise en Colombie, comme s’il s’agissait d’un Etat de l’Union » », a-t-il proclamé le 8 novembre dernier, au cours de son émission dominicale « Alo presidente », obligatoirement transmise en simultanée sur toutes les radios et chaînes télévisées vénézuéliennes, sous peine de sanctions.
« Compagnons militaires, ne perdons pas un jour dans notre mission fondamentale, nous préparer à la guerre et aider le peuple à se préparer à la guerre, c’est une responsabilité de tous ! (…) Formons les corps de miliciens, entraînons-les, les étudiants révolutionnaires, qui sont majoritaires, les travailleurs, les femmes, tous prêts à défendre cette patrie sacrée nommée Venezuela », est allé jusqu’à exhorter Chavez. Des déclarations fracassantes qui ont l’avantage de camoufler les difficultés internes du pays (pénuries d’eau, d’électricité, d’aliments, explosion de la criminalité, inflation…), d’offrir aux vénézuéliens une sorte de bouc émissaire indirectement responsable de tous leurs maux, et de les habituer à l’idée d’une guerre contre la Colombie étatsunienne d’Alvaro Uribe. Il sera toujours temps, le cas échéant, de jouer sur ce créneau. Car Hugo Chavez est un homme qui aime à parier : sa carrière entière s’est bâtie sur les coups de poker et les volte-face. En 1992, c’est par un coup d’état sanglant qu’il se révélait au grand public. Quelques minutes à la télévision, comme condition de reddition, suffirent à faire de l’obscur militaire vaincu un héros national. Se poser en champion de la démocratie, quand on est un ancien colonel putschiste emprisonné deux ans ? Un grand écart réussi par Chavez, élu président en 1998 avec la plus forte majorité jamais constatée au Venezuela. Un triomphe qu’il doit en particulier aux classes moyennes, ralliées à celui qui leur paraissait capable de réformer le pays tout en défendant les valeurs traditionnelles. La métamorphose est rapide, soutenue par un joker inespéré : la multiplication par trois du prix du pétrole, quelques mois après son élection. A mesure que le président affermit son pouvoir, la chemise rouge s’installe, les références marxistes font leur apparition, les liens avec Cuba se resserrent, jusqu’à ce que Fidel Castro lui-même salue en Chavez son héritier politique. Quand les vénézuéliens se rendent compte du subterfuge, il est trop tard : leur président, qui a modifié la constitution a cet effet, entame un second mandat et n’exclut pas de rester à vie au pouvoir. « La parole a été donnée à l’homme pour déguiser sa pensée » disait Talleyrand, passé maître en la matière. Hugo Chavez « ne la fermera pas » parce qu’en politique, parler, c’est jouer : et tant qu’il aura des cartes à abattre, il peut encore gagner la partie. 13
international Huit mois apr�s l’opération israélienne « Plomb Durci » sur Gaza, le rapport Goldstone, commandé au juge sud africain du même nom par le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU, a été approuvé par cette même instance, avec une majorité de 25 voix sur 47. La résolution soutient donc un rapport dont la conclusion principale est que « des actes assimilables à des crimes de guerre » ont été commis par le Hamas et Tsahal, « et que peut-être par certains aspects, des crimes contre l’humanité ont été commis par les Forces israéliennes ». En conséquence, ce vote ouvre la porte à une saisine de la Cours Pénale Internationale (CPI), via le Conseil de Sécurité de l’ONU, et un examen du dossier par l’Assemblée Générale de la même organisation est ainsi prévu fin décembre.
DE LA SCHIZOPHRENIE DU RAPPORT GOLDSTONE PAR JONAThAN MASIA
DE LA GUErrE INSTITUTIONNELLE COMME TOMBE DU rAPPOrT Alliés �istoriques d’Isra�l, les Etats-Unis n’hésiteront pas à user de leur droit de veto au Conseil de Sécurité pour éviter la saisine de la CPI, tandis que la seule valeur d’une éventuelle résolution de l’Assemblée Générale restera d’ordre purement symbolique. Toute�ois, le gouvernement de Benyamin Nétanyahou, conscient du retentissement auprès de l’opinion que pourrait avoir une légitimation du rapport par l’Assemblée, s’est lancé dans une vaste opération de lobbying, contrairement à un Hamas décidé à porter l’affaire à New York bien que lui aussi assis, dans une moindre mesure, sur le banc des accusés. Ainsi, entre remise en cause de la légitimité de l’ONU et anxiété quant aux votes des pays européens qui donneraient du crédit à la procédure, la nervosité gagne Israël. VErS UNE LÉGITIMATION OCCIDENTALE DU CrIME ? Pour l’instant, ces jeux de couloirs semblent fonctionner auprès des européens, Paris, Londres et rome en tête. Mais, dans ce contexte, force est de constater que l’attitude des diplomaties occidentales suscite de multiples interrogations. Quelles conséquences seront tirées par un Tsahal, ainsi indirectement légitimé dans son action pourtant désormais qualifiée de criminelle par les instances internationales ? Quelle sont les réactions des autres Etats membres de l’ONU, africains et « non alignés » notamment, quand leurs voix sont considérées comme insignifiantes, comparées à celles des européens ? Mais surtout, comment interpréter ce rejet par les diplomaties occidentales d’un produit issu d’une instance et né de leur propre volonté de ne plus jamais revivre ce genre de drame ? Ces questions restent en suspend, mais le « déséquilibre » des pertes humaines entre ces deux soldats israéliens morts lors de l’opération « Plomb Durci » et ces 1 400 palestiniens tués semble symbolique de la cacophonie du moment. 14
Une fois de plus, le conflit israélo palestinien s’enlise, comme une vieille rengaine que la diplomatie internationale ne pourrait s’empêcher de chanter. Loin des murs construits hâtivement et des jets de rockets artisanales, l’objet des tensions actuelles est d’ordre institutionnel et pourrait embourber un peu plus le conflit. explications.
international
PAR LeRNA SAhINCIK
LE PROTOCOLE ARMÉNO-TURC: L’ILLUSION D’UN ACCORD, LA RÉALITÉ D’UNE INJUSTICE Quand l’art diplomatique turc conduit à une remise en question du passé
«On ne peut plus vivre et continuer comme ça. Nous devons avoir des relations normales avec la Turquie et pour y parvenir, l’on doit commencer par se parler ». Cette phrase prononcée par l’actuel président arménien, Serge Sarkissian, au sujet de la conclusion d’un protocole arméno-turc, fait état de la situation figée et hermétique à tout dialogue qui régnait entre ces deux pays depuis des années. Signé à Zurich en Suisse par les ministres des Affaires étrangères turc et arménien, cet accord entre la Turquie et l’Arménie prévoit l’établissement de relations diplomatiques. L’élément principal est la réouverture de la frontière, fixée en 1993, par Ankara, en réplique contre la lutte armée menée par l’Arménie au Karabagh (enclave azérie peuplée majoritairement d’arméniens). La question du Haut-Karabagh qui n’est pas expressément mentionnée dans le protocole d’accord, est, néanmoins, du point de vue de la Turquie, un préalable à la réouverture de la frontière. A plusieurs reprises, le Premier Ministre Erdogan a assuré que la frontière ne serait pas ouverte, si les négociations sur le conflit au Haut-Karabakh ne progressaient pas. Les mesures principales de cet accord ne seront cependant effectives que lorsque les deux Parlements auront ratifié le protocole. Alors l’ouverture de la frontière pourra intervenir. Loin d’aboutir, cette ratification risque d’être soumise à des tensions internes dans les deux pays. En Turquie, dès la signature du protocole, Onur Öymen, Vice-président du principal parti d’opposition, a avoué être très triste et a affirmé que cette signature «est un exemple d’abdication du gouvernement turc face aux pressions extérieures, très inquiétant pour l’avenir de notre pays». regrettant l’absence de toute référence à la question du Nagorny-Karabakh, M. Öymen a assuré que sa formation voterait contre sa ratification. En Arménie, des manifestations massives ont eu lieu, dénonçant la signature du protocole. Mais, c’est en diaspora que l’opposition se fait la plus forte. La mise en place d’une commission «d’historiens» et de «scientifiques objectifs» pour examiner «les archives et les sources historiques» des deux pays, afin de déterminer l’existence d’un Génocide, est un scandale pour la diaspora arménienne. Elle induirait que l’Arménie accepte la mise en doute de la réalité du génocide. William Schabas, le Président de l’Association Internationale des Spécialistes du Génocide (IAGS), déclare que « La reconnaissance du génocide arménien doit être le point de départ de toute «commission historique impartiale» et non pas une de ses possibles conclusions. ». Le parti FrA Dachnaktsoutioun (Front révolutionnaire Arménien), s’oppose à ce protocole et appelle les arméniens à une manifestation constante de leur désapprobation. Les en�eu� économiques sont, au delà de cette réconciliation, la motivation principale de la signature. Parrainé par Moscou, Washington et l’Union Européenne, cet accord a pour but de stabiliser la région et de créer un nouvel axe économique Bakou-Erevan-Ankara. L’objectif visé par Moscou est d’amoindrir l’importance de la Géorgie. Celui des puissances occidentales est d’avoir recours à un acheminement des ressources naturelles via l’Arménie. Ainsi, la réalité de ce protocole est celle d’enjeux historiques pour la Turquie et celle d’enjeux économiques pour les grandes puissances qui cautionnent un accord allant à l’encontre de toute défense des Droits de l’Homme. 15
mode
WINTEr IS BACK
PHoToGrAPHE lISA BouDET MoDÈlE lISETTE SuNG
vESTE ZArA 16
roBE rEISS
mode
17
mode
18
mode
MANTEAu ZADIG & volTAIrE
BouClES D’orEIllE vINTAGE
19
mode
CHAuSSurES ForuM 20
Pub
europe
Le duo francoallemand renforce par les crises a repetition PAR OLIVIeR ABeSSOLO
22
europe A Paris, comme à Berlin, on s’inquiétait de ne jamais voir arriver cette nouvelle, c’est désormais chose faite. Le traité de Lisbonne est maintenant ratifié par les vingt-sept états membres de l’Union européenne. Les menaces du président Tchèque, Vaclav Klaus, et du conservateur anglais, David Cameron, ont fait grincer des dents des deux côtés du Rhin. en dépit des difficultés qui guettent la relation franco-allemande, les crises à répétition semblent renforcer les liens entre les deux grandes puissances européennes. La relation �ranco-allemande a connu deux étapes. L’élection de Nicolas Sarkozy à l’Elysée a suscité une attente très forte. D’une part, les Allemands ont pensé que le départ de Jacques Chirac marquait une fin de cycle. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se connaissant de la période où ils présidaient leurs partis respectifs, les relations franco-allemandes s’annonçaient prometteuses. D’autre part, à cette phase d’attente positive à l’encontre de Nicolas Sarkozy, a suivie une véritable phase de déception. Il est vrai que le caractère du nouveau président français a quelque peu surpris. Sa tendance à tout ramener à lui n’a pas tellement plu - en période de présidence allemande de l’Union européenne encore moins. Au dernier trimestre 2007, la presse allemande s’est montrée plus dure que jamais à l’égard d’une France stigmatisée pour son arrogance. L’année 2008 s’est mieux déroulée, car la crise financière a permis un rapprochement. La France et l’Allemagne se sont ralliées au thème de la régulation. La chancelière et le président de la république ont rédigé des lettres communes et leur double initiative fut très précieuse pour préparer le G20 de Londres, en avril 2009. La crise économique a donc favorisé un redémarrage des relations franco-allemandes.
Plus récemment, le contexte du vingtième anniversaire de la chute du mur de Berlin a favorisé les «fortes» initiatives communes franco-allemandes. Le président et la chancelière, fraîchement réélue, souhaitaient certainement faire taire ceux qui parlent d’une «non-relation» ou d’un «rêve futur», en relançant durablement le fameux couple au cœur de l’Europe. Leur présence, ensemble, aux cérémonies françaises du 11 novembre est un symbole, dont il ne faut pas sous-estimer la portée. Mais, à eux seuls, que peuvent faire ces deux pays en Europe et dans le monde face aux défis politiques, économiques et sociaux actuels ? Les enjeux sont considérables. L’Allemagne et la France sont les deux premières puissances économiques du continent européen (1,5 fois le produit intérieur brut chinois). Elles incarnent un certain modèle d’économie sociale de marché - envié jusqu’en Asie. Cependant, plusieurs sujets de friction sont annoncés pour les mois à venir. La renégociation du budget européen constitue un point délicat. L’Allemagne considère en effet qu’avec 43 % du budget, la politique agricole commune pèse trop lourd dans le budget européen. Un autre sujet polémique provient de la politique méditerranéenne. L’Union pour la Méditerranée reste encore très mal vécue par les Allemands qui continuent de la considérer comme une initiative bureaucratique mal ficelée. La France et l’Allemagne doivent donc, avant tout, concevoir le renforcement de leur alliance sur un strict plan bilatéral. L’�istoire commune des deux pays est riche de symboles : Schuman-Adenauer, De Gaulle-Adenauer, Giscard et Schmidt, Mitterrand et Kohl... Le risque de vouloir en ajouter sans contenu est réel. Certains prônent, par exemple, le remplacement des ambassades à Berlin et à Paris par des représentations permanentes, chacune dirigées, à terme, par un ministre qui participerait aux délibérations du gouvernement du partenaire et qui serait placé aux côtés de la chancelière et du président français. Plus que �amais, le rapprochement des outils diplomatiques est une nécessité urgente pour peser davantage. La France pourrait, dès aujourd’hui, décider de ne jamais voter au Conseil de sécurité de l’ONU, sans une concertation préalable avec son partenaire allemand, premier pas vers une voix unique européenne. Par ailleurs les deux pays pourraient, en outre, partager des locaux diplomatiques et consulaires, sans remettre en cause, pour autant, leur capacité d’agir seuls. Sur des sujets majeurs comme l’économie, le futur de nos industries, la prolifération, le terrorisme, la prévention des conflits, les droits de l’homme, le réchauffement climatique, l’aide au développement, la voix franco-allemande pourrait ainsi devenir déterminante… 23
europe Tant que Vacla� Klaus n’avait pas dit oui au Traité Européen, tous les yeux étaient rivés sur la république Tchèque, pour savoir si oui ou non le Traité entrerait enfin en vigueur. Maintenant que Prague et Bruxelles semblent avoir trouvé un accord, une autre grande question se profile: Qui sera Président de l’UE? Il faudrait bien sur un candidat qui représente l’Europe dans son ensemble : l’Europe occidentale, l’Europe de l’est, l’Europe du sud, du nord, celle des grands pays, mais aussi celle des petits. Quête impossible ? De nom�reu� candidats ont étés mentionnés, bien que les intéressés n’aient rien annoncé officiellement. C’est le cas notamment de Jean-Claude Juncker, le premier ministre luxembourgeois, et de Tony Blair, l’ancien premier ministre britannique. Ce dernier était parti grand favori, et se retrouve aujourd’hui dernier de la course. Depuis qu’il a été évoqué, les critiques pleuvent sur son nom : tout d’abord, la Grande Bretagne n’est pas europhile : elle ne fait pas partie de l’espace Shengen, ni de la zone Euro. De plus, la position de la Grande Bretagne sous Tony Blair pendant la guerre en Irak ne sera pas oubliée de si tôt. Edouard Balladur, qui s’est prononcé contre sa candidature, le taxe d’ « auxiliaire empressé des États-Unis ». Angela Merkel n’a jamais soutenu la candidature du Britannique. Nicolas Sarkozy, l’un des premiers à lui avoir déclaré son soutien, se rétracte peu à peu, désireux qu’il est de trouver une position commune avec son homologue allemande. Seul Silvio Berlusconi lui garde son soutien : un argument de plus contre cette candidature ? Les arguments sont très nombreux. Mais on pourrait en trouver autant pour chaque candidat. Son erreur est de nature plus politicienne que politique : le premier à se découvrir est aussi le premier à subir des attaques. Sa candidature ayant été suggérée très tôt, ses détracteurs ont eu tout le temps d’échafauder leur riposte. Et de rassembler 41 000 signatures dans leur pétition contre lui. Il n’en reste pas moins que Tony Blair est l’une des rares figures européennes capables de négocier avec les grands dirigeants de ce monde d’égal à égal. Et faut-il rappeler que même si la Grande Bretagne est une Européenne frileuse, Tony Blair, lui a toujours été un europhile convaincu ? Le premier enjeu de ce poste reste la représentation de l’Europe sur la scène internationale : il lui faut une voix de ténor. Tony Blair semble pour l’instant le candidat le plus adéquat à ce poste. Mais peutêtre les autres candidats sérieux ont-ils compris la leçon, peutêtre attendent-ils le dernier moment avant de se révéler… nB : Entre temps, c’est le belge, Herman Van Rompuy, qui a été nommé, ce qui n’est pas pour déplaire à Angela Merkel et nicolas sarkozy. le nouveau président permanent du conseil européen n’a pas l’aura internationale de Tony Blair. sera-t-il le président du consensus et de l’immobilisme, ou saura-t-il donner à son poste une énergie nouvelle ? les prochains mois seront décisifs pour Monsieur Van Rompuy, mais ils détermineront aussi la teneur du poste de président européen sur le long terme. 24
Avec l’adoption prochaine du Traité européen, la question que posait Kissinger en 1970 est sur le point de trouver une réponse, mais les indicatifs téléphoniques sont nombreux…
l’Europe, quel numéro de téléphone ?
PAR KAReN hAZAN
europe
PAR ALeXANDeR BARCLAY
Kadhafi et Guillaume Tell
Depuis juillet 2007, les relations entre la Suisse et la Libye se dégradent. La légendaire neutralité suisse a-t-elle isolé le pays dans un conflit face au lunatique dictateur de Tripoli ?
LA LIB… LA LYB… LE rOYAUME DE KADHAFI ? rachida Dati, célèbre membre du parlement européen, s’est récemment faite piéger à la télévision : « comment épelle-t-on Libye ? ». Silence, regards à gauche et à droite, hésitation. Elle se lance : « l y b … », « Non, c’est l-i-b-y-e » ! Il y a un pays du continent européen, dont les cinq lettres squattent les titres des journaux depuis plus d’un an : c’est la Suisse. Et cela n’a rien à voir avec la concurrence fiscale ou le secret bancaire : la Suisse, petit pays au centre de l’Europe, a agressé la Libye en arrêtant un des fils du colonel Kadhafi en juillet 2008. Hannibal Kadhafi et sa femme Aline, enceinte alors, et qui séjournaient quelques jours dans un palace sur les rives du Léman à Genève, ont passé deux nuits en prison, suite à l’accusation de maltraitance envers leurs deux domestiques. La police genevoise procède à l’arrestation avec des moyens substantiels, au vu de la réputation d’Hannibal Kadhafi, notamment à Paris : il aime les bagarres entre ses gardes du corps et la police. Deux jours après, il est libéré sous caution. LA rÉACTION LIBYENNE On est sans nouvelle depuis d’un membre de la famille d’un des deux domestiques, disparu depuis le début de l’affaire. En même temps, la Libye interdit à deux citoyens suisses choisis (apparemment) au hasard de quitter le territoire libyen, et ferme les bureaux d’entreprises suisses dans le pays. Aussi, Tripoli exige des excuses officielles, des mesures punitives envers les policiers engagés dans l’arrestation et invente d’autres exigences au fur et à mesure. La menace de l’embargo pétrolier est brandie, sans effrayer la Suisse qui peut s’approvisionner ailleurs, mais n’est jamais mise à exécution. D’ailleurs, les Helvètes boycottent peut-être déjà Tamoil. UN PrÉSIDENT SOUS PrESSION Quelle n’est pas la surprise des Suisses le 20 août 2009, lorsqu’ils découvrent au journal télévisé que leur président, Hans-rudolf Merz, a fait un saut en Libye dans la journée pour présenter les excuses officielles de la Suisse ! D’autant qu’il semble que les autres membres du gouvernement l’apprennent en même temps qu’eux. Ce qui est fâcheux dans un pays, où le gouvernement est depuis longtemps un gouvernement de coalition, et où la présidence est un poste honorifique d’une année, un primus inter pares l’un après l’autre. L’HUMOUr À LA SAUCE MOUAMMAr Mais cela ne suffit pas à calmer Kadhafi. Les deux otages suisses sont emmenés « en lieu sûr » et l’on reste sans nouvelle d’eux pendant plus d’un mois. Les deux hommes d’affaires sont maintenant de retour à l’ambassade à Tripoli, mais restent toujours dans l’interdiction de quitter le pays. Le bon colonel, lors de la préparation de sa présidence de l’assemblée générale de l’ONU, a envoyé à Ban Ki-moon la géniale proposition de démantèlement de la Suisse, dont le territoire serait réparti entre la France, l’Allemagne et l’Autriche. Bigre, on l’a bien énervé ! ET MAINTENANT ? La Suisse a changé de stratégie, avec la fin d’un énième délai pour la libération des otages ; cela peut comprendre le blocage de tout visa Schengen pour les ressortissants libyens. Enfin, la Suisse a reçu des soutiens extérieurs, notamment de la part des Américains, et une proposition de médiation par l’Organisation de la Conférence Islamique. Et la France ? Cela me rappelle rama Yade, également dans le tourment en ce moment, lorsqu’elle s’adressait au colonel en lui rappelant qu’il devait « comprendre que notre pays n’est pas un paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s’essuyer les pieds du sang de ses forfaits ». Elle ajoutait : « La France ne doit pas recevoir ce baiser de la mort », s’attirant l’ire de l’Elysée. Avait-elle tort ? 25
europe I
I
L OSTALGIE LA NOSTALGIE DES ALLEMANDS I DE L EST POUR I L EX RDA PAR ChRISTINA BeZeS
Le Mur de Berlin est tombé il y a vingt ans, mais le Mur existe toujours dans les têtes. C’est la raison pour laquelle certains Allemands de l’ex-RDA (République Démocratique Allemande) continuent d’éprouver une nostalgie pour le pays disparu.
I I
Selon un sondage réalisé par l’Institut de psychologie de l’Université de Leipzig, plus de la moitié des «Ossis» (Allemands de l’Est) se considèrent comme des «citoyens de seconde zone», alors que 41% s’estiment, au contraire, traités sur un pied d’égalité avec les «Wessis» (Allemands de l’Ouest). Ce malaise s’explique en partie par la situation économique et sociale de l’Est, car même si les nouveaux Länder (ex-rDA) créés à la réunification ont bénéficié d’investissements publics massifs, l’écart du niveau de vie est toujours important. Les salaires et les retraites sont encore inférieurs à l’Est, où le taux de chômage est en moyenne deux fois plus élevé. De plus, comme le souligne Thomas Ahbe, un sociologue allemand, «Pour les Ossis, le changement a été profond et brusque. Ils ont gagné la liberté et la possibilité de consommer, mais ils ont aussi perdu leur identité». Le modèle ouest allemand leur a été imposé dès le départ et la rDA était seulement associée à la pénurie, au mensonge et à la terreur. Il n’a jamais été question de s’inspirer de certaines structures, comme les systèmes scolaires ou de santé par exemple. En tout cas, le design «made in rDA» est en pleine recrudescence. Un «safari en Trabant», la voiture culte de l’Est, fait partie des attractions touristiques à Berlin. Les films tels que Sonnenallee ou Good Bye Lenin ont attiré beaucoup de spectateurs. Les vêtements comme les T-shirt FDJ (mouvement de la Jeunesse libre en rDA) ou encore les pulls CCCP (Union des républiques Socialistes Soviétiques en alphabet cyrillique) font à nouveau partie de la garde-robe. La clientèle afflue aux «Ostalgiepartys» et dans les cafés au design «communiste». Et, bien entendu, sur internet (Ebay) des produits originaux (documents, insignes) issus de la rDA sont troqués à n’importe quel prix. M�me si ce p�énom�ne semble être une mode passagère, il risque néanmoins de banaliser l’ancienne dictature communiste et de minimiser ses crimes. Selon une étude menée auprès de 5 000 élèves par le centre de recherche sur l’Etat communiste est-allemand, la majorité des jeunes de l’est ont une image positive de la rDA et partagent l’idée qu’elle n’était pas une dictature. De plus, le directeur de ce centre, Klaus Schröder, ajoute: «les connaissances sur la rDA s’effacent peu à peu et le sujet ne fait plus l’objet de discussions objectives. Certains souhaitent embellir la réalité, d’autres l’oublier. rares sont ceux qui veulent faire un vrai travail de mémoire». Le sujet devrait être davantage évoqué en cours et une véritable approche pédagogique est nécessaire. Mais avec le temps, la barrière psychologique entre Wessis et Ossis s’atténuera sûrement et la polémique autour de la mémoire de la rDA s’apaisera probablement. Nostalgie quand tu nous tiens !
26
Pub
en vogue PAR AXeL COUSIN
PEINTRES VÉNITIENS DU XVIE SIÈCLE: LE COMBAT DES TITANS A PARIS, LeS MAÎTReS De LA PeINTURe ITALIeNNe RIVALISeNT De GÉNIe DANS UNe GUeRRe SANS MeRCI.
Alors que l’exposition des «hollandais», à la Pinacothèque, se révèle d’une médiocrité accablante, le Louvre sort le grand jeu. Magnifiques locaux du hall Napoléon, immenses tableaux, illustres peintres. La classe !
Titien, Tintoret, Véronèse… Rivalités à Venise, jusqu’au 4 janvier 2010 au Louvre, nocturnes jusqu’à 22h le mercredi et le vendredi, 11 euros
28
Ce qui saisit en premier, c’est l’organisation même de l’exposition qui offre le double intérêt d’enchaîner les salles à la fois chronologiquement et thématiquement. On profite donc de l’évolution du style des peintres, tout en bénéficiant de la mise en perspective de leurs tableaux les uns par rapport aux autres. Ainsi, on peut voir en parallèle les travaux des plus grands peintres sur un même sujet : depuis les scènes bibliques jusqu’aux nus féminins. Cette disposition est particulièrement agréable pour les néophytes, puisqu’elle permet de comparer les œuvres et les styles, sans avoir besoin d’être un expert. A cela, s’ajoutent les commentaires sur les murs qui combinent des informations sur les styles ou les inspirations des peintres, mais également sur la guerre qu’ils se sont livrée à coups de pinceaux. En e��et, la particularité de cette exposition, au-delà de la beauté des tableaux, est que les artistes qui y sont exposés, notamment les trois principaux, Titien, Tintoret et Véronèse, avaient, à partir de 1540, des relations à la limite du puéril. Ainsi, on apprend que lors des concours, Titien, déjà au rang de maître, boycottait les tableaux de Tintoret, favorisant Véronèse (son disciple). Dans le même style, Tintoret court-circuitait les autres peintres, lors des appels d’offre, en proposant d’emblée un projet fini, alors que les autres arrivaient comme prévu avec de simples propositions : naturellement il obtenait le contrat. C’est ainsi que le visiteur passe d’une salle à une autre avec une réelle curiosité, car les anecdotes racontées sur la vie des peintres donnent le sentiment de les connaître personnellement. On comprend l’histoire qui entoure leurs tableaux au lieu de les admirer abstraitement. De plus, au-delà du lien entre peintre et peinture, on remarque la création d’un lien incroyable entre le tableau et le spectateur. Physiquement, le bleu, largement utilisé par les artistes, attire l’œil de manière impressionnante, voire presque obsédante, en ce qu’il semble se dégager de la toile pour entrer dans la salle. Psychologiquement, avec certaines oeuvres, on croit surprendre une femme nue, de dos, qui nous regarde en réalité fixement à travers un miroir : le tableau joue alors un rôle actif dans sa relation avec le spectateur. Bien s�r, au-delà de l’originalité de la structure de l’exposition et de la particularité des relations des peintres entre eux, la simple beauté des œuvres et la qualité des styles, qui évoluent les uns par rapport aux autres, entre inspiration et plagiat, rendent cette exposition simplement magnifique. Titien, l’aîné du groupe, innove en utilisant de l’huile pour ses toiles, tandis que Véronèse se concentre sur la couleur et Tintoret sur l’énergie. Ensemble, les trois surenchérissent de talent et d’inventivité, pour donner finalement certaines des plus belles toiles jamais exposées au Louvre. On regrettera simplement la non gratuité de l’exposition pour les jeunes et l’imposante queue qui se forme, rapidement passée l’heure du déjeuner. À part ça, c’est un sans faute.
en vogue
LA SUBVERSION DES IMAGES : SURRÉALISME, PH OT On vous en a parlé et reparlé, on vous en a rabâché les oreilles OG RA bien avant même qu'elle débute, mais c'était pour la bonne cause: PH « La subversion des images », l'exposition qui se tient au Centre IE, FIL Georges Pompidou depuis le 23 septembre, est une réussite, un M vrai petit bijou de commissaire. Elle retrace l’oeuvre de ces hommes et femmes des années 30 qui se sont autoproclamés « surréalistes » en référence au terme employé par Apollinaire pour qualifier Les Mamelles de Tirésias, pièce de théâtre qui avait fait scandale en 1917. Ces artistes surréalistes, ce sont Louis Aragon, André Breton, Man ray, Paul Éluard, Gala, Dora Maar et autres Salvador Dali, tous de joyeux lurons qui se sentaient une âme de révolutionnaire et qui, pour parvenir à « changer la vie », décidèrent de d’abord « changer la vue ». Partant de ce principe, ils expérimentèrent toutes sortes de nouvelles techniques dans les domaines de la photographie et du cinéma. C’est le résultat de ces jeux surréalistes qui est aujourd’hui exposé à Pompidou. Des portraits délirants que la bande d’amis s’est amusée à faire dans le photomaton d’une fête foraine, leur émerveillement devant les possibilités offertes par une plaque d’égouts fortuite « La subversion des images », au C����� G������ ou encore les photographies publicitaires désormais célèbres de P������� (Métro rambuDora Maar pour Petrole Hahn ou de Man ray pour une compagnie teau, Châtelet), jusqu’au d’électricité parisienne de l’époque... Il ne vous reste plus qu’un 11 janvier 2010 Horaires: 11h00 - 21h00 mois pour aller découvrir ou redécouvrir l’oeuvre de ceux qui ont 12€, tarif réduit 9€ inspiré Ionesco, Frida Kahlo, Bob Dylan et bien d’autres... En attendant de vous inspirer, vous. l.s.
M���� J���������-A����, 158, Boulevard Haussmann, 75008 Paris. Métro : Charles de Gaulle-Etoile, Miromesnil, Saint-Philippe du roule. Tarif étudiant : 7,50 € pour la visite du musée et de l’exposition temporaire. Horaires : 9h30-18h, nocturne jusqu’à 21h30 le lundi.
UN SOMPTUEUX ÉCRIN POUR UNE EXPOSITION EXCEPTIONNELLE Vous êtes-vous déjà rendu au musée Jacquemart-André ? Souvent méconnu des parisiens, ce musée se révèle pourtant être un bijou architectural, serti de nombreux chefs-d’œuvre collectionnés par les époux Jacquemart-André. Il fait actuellement honneur aux peintres de l’école flamande tels que Bruegel, Memling et Van eyck, en exposant une partie de la précieuse collection Brukenthal. Tout dé�ute quand Edouard André fait exécuter son portrait par l'artistepeintre, Nélie Jacquemart, en 1872. Ils se marièrent finalement en 1881, unis par leur amour pour l'art. C'est en faisant de multiples voyages, et notamment en Italie, qu'ils constitueront leur impressionnante collection de peintures, mais aussi de mobiliers et de tapisseries. C'est dans cette culture du raffinement que se côtoieront, dans les salons de leur hôtel Boulevard Haussmann, des toiles de Fragonard, de David et de Boucher, mais aussi une Vierge à l'Enfant de Botticelli. A leur mort, la demeure restera telle quelle et sera transformée en musée. Le musée Jacquemart-André fait place jusqu'au 11 janvier 2010 à l'inestimable collection du connaisseur d'art, Samuel Von Bruckenthal. Vous pourrez y reconnaître des oeuvres des maîtres flamands comme Bruegel, et le très célèbre tableau « Le Massacre des Innocents », ou encore « L'homme au Chaperon Bleu » de Van Eyck, qui se distingue par son réalisme minutieux. Ne manquez donc pas de vous rendre dans ce musée qui vous surprendra par sa richesse et sa beauté. Quelle que soit votre connaissance de l'art, vous ne serez pas déçus! E.l. 29
france Quand on a beaucoup parlé, et souvent pour ne rien dire, il est bon de ralentir la cadence des interventions borderline et d’opter pour un jeu ancien, séculaire, pré-hystérique : le roi du silence ; le PS l’a enfin compris et depuis octobre, c’est le silence des éléphants. Se taire, c’est aussi un bon moyen de porter son énergie sur des actions positives, voire constructives comme penser à l’avenir; les règles du jeu sont simples, et les socialistes sont des joueurs avertis.
LA PAROLE EST D’ARGENT, LE SILENCE EST ROSE PAR AUReLIeN hUBeRT
30
Le �ut du �eu : parler à bon escient. Les disputes qui ont émaillé l’été ne se sont sans doute pas arrêtées, mais elles ne font plus les gros titres du Monde : un point pour le PS. Martine Aubry semble avoir repris les rennes de son parti, et a annoncé une rénovation votée par les militants: un point supplémentaire. Un réseau social du PS, acoopol, a été mis en ligne: un bon point. Il y a aussi les déboires de Frédéric Mitterrand, qui malgré l’absence de couleur politique claire est implicitement perçu comme un des socialistes vendus à l’Elysée ; entre l’affaire Polanski et les accusations de tourisme sexuel - et sans se repaître des accusations dont Mitterrand a été l’objet - cela permet de nuancer l’embarras de l’affaire Julien Dray et sa collection de rolex achetée à tarif préférentiel : demi point là-dessus, c’est déjà ça. La r�gle du �eu : parler d’une seule voix. On s’est remis à parler politique rue de Solférino, avec le débat sur la réforme de l’autonomie des universités, la question de l’identité nationale, et même les élections régionales. C’est essentiellement Benoit Hamon qui s’exprime en tant que porte parole du parti, ce qui témoigne d’une certaine forme d’organisation retrouvée: joli score de deux points. L’écueil du �eu : parler pour ne rien dire. Les rares interventions se cantonnent à critiquer la politique du gouvernement, ce qui est relativement démagogue vu la politique en question. Faire un facebook du parti socialiste est une démarche intéressante, même si s’investir sur twitter aurait été plus conforme au devenir probable des réseaux sociaux. rénover le Parti est une idée pour le moins salutaire, à condition de ne pas se reposer sur les lauriers du probable succès aux régionales. La question de l’identité nationale illustre le paradoxe de la communication du parti : s’exprimer pour refuser de participer au débat organisé par l’Elysée sous la houlette d’Eric Besson, le Judas du PS. Sans oublier François Hollande qui annonce sa candidature aux présidentielles : attention à ceux qui racontent n’importe quoi, on a dit silence. Analyse du �oueur : il est évident qu’après une période de médiatisation excessive, peser ses mots est une bonne solution. Mais si le silence se réduit à une opération com et conduit au statut quo, il valait mieux poursuivre les piques par médias interposés, au moins c’était distrayant.
france PAR ThIBAUT BAUeR GRANDJeAN
L’UMP Va-t-elle Mal ?
ETAT DU PArTI MAJOrITAIrE DANS LE JEU POLITIQUE FrANÇAIS L’actualité politique des derniers mois est fortement marquée par des événements en rapport proche ou lointain avec des membres du parti majoritaire français. Devant un discrédit grandissant, l’Union pour un Mouvement Populaire (UMP) semble malgré tout conserver sa place omnipotente dans le paysage politique français. Il apparait justifié de se demander si cette situation ainsi que les incidents qui l’ont amenée ne représentent pas un danger pour le caractère démocratique et méritocratique de la République.
Clearstream, l’EPAD, les révélations des anciens cadres du rPr… Ces événements ont révélé aux yeux des français une face peu reluisante de nos dirigeants. Le proc�s des responsables de l’affaire Clearstream tout d’abord, a été un épisode marquant de l’actualité politique des derniers mois. Le fait que Dominique de Villepin n’ait rien fait pour empêcher la publication des faux listings à l’origine du scandale étant admis, il apparaît, quel que soit le verdict de la justice, que cette affaire mettant en cause un certain nombre de nos dirigeants, membres de l’UMP, était avant tout une manœuvre de déstabilisation interne au parti majoritaire. L’annonce de la nomination au Conseil d’administration de l’EPAD de Jean Sarkozy a créé une véritable vague d’indignation largement relayée par les médias accusant le Président de népotisme. La stratégie de Jean Sarkozy semblait être de devenir, malgré son âge et son faible niveau d’étude, le président du Conseil d’administration de l’EPAD. Ce poste lui aurait offert la visibilité nécessaire pour être élu Président du Conseil Général des Hauts-de-Seine, ces deux postes ayant déjà été occupés par son père. L’ancien ministre de l’Intérieur, Charles Pasqua, a également marqué l’actualité politique française par sa comparution dans le procès de l’ « Angolagate ». En plus de son dédouanement, M. Pasqua semble avoir pour objectif de régler ses comptes avec l’ancien Président, Jacques Chirac, et son Premier Ministre, Dominique de Villepin, qui selon lui n’ignoraient rien de l’affaire. Si l’UMP peut sembler affaiblie par ces différents éléments, cette situation a peu de chances d’être pérenne. Le parti politique au pouvoir apparaît aujourd’hui comme la seule force politique crédible en France. Face à une opposition déchirée qui semble chercher un discours commun, l’UMP et ses cadres semblent s’être libérés des limites posées normalement par un adversaire politique présent. L’impact de ces événements sera fort sur l’image de la classe politique qui semble plus motivée par les différents intérêts personnels de ses membres que par l’intérêt général censé être son but. L’élite gouvernementale donne l’impression, malgré ses différents discours, d’être avant tout sélectionnée en fonction des logiques internes des partis politiques plutôt qu’en fonction des compétences de ses membres. Si l’UMP se remettra très certainement de cette situation contrariante, la république elle, pourrait avoir plus de mal. 31
photos
Entrave PAR STANISLAS COPPIN
DE LA FACULTÉ DE CHOISIr SES CONTrAINTES
32
photos
33
photos
34
photos
35
photos
36
photos
‘‘
JE N’AI VrAIMENT L’IMPrESSION QUE JE SUIS LIBrE QUE LOrSQUE JE SUIS ENFErMÉ. LOrSQUE JE FAIS TOUrNEr LA CLEF, CE N’EST PAS MOI QUI SUIS BOUCLÉ, CE SONT LES AUTrES QUE J’ENFErME. SAChA GUITRY 37
‘‘
societe PAR ALICe De MONY PAJOL
i
Aider les peuples i d’Himalaya, une action haut perchee ? Prenons l’expression dans son sens propre. Alors oui, l’action d’himalaya était haut perchée. Un mois, un groupe de vingt personnes, une altitude s’élevant jusqu’aux 5500 mètres… Pour autant, c’est une action bien concrète qui a mené cette folle aventure. Qui l’eût cru ? «Miss Mimi», comme on l’appelle là-bas, une hôtesse de l’air de chez Air France, a réalisé l’irréalisable : depuis maintenant dix ans, l’association, initialement basée à Boulogne Billancourt, apporte un peu de modernité, mais surtout beaucoup d’aide et de bonheur aux populations reculées de la vallée du Zanscar…
38
Cette �allée, l’une des plus reculées que la Terre compte actuellement, n’est pas à moins de deux jours de route (et quelle route !) de la capitale de la province du Ladack (Leh), fief bouddhiste de l’Inde. Depuis Paris, c’est un véritable périple. Paris-Delhi, 8h, Delhi-Leh, 1h30, Leh-Padum, deux jours de car sur des routes qui, si elles étaient en France, seraient qualifiées d’insalubres. Comment, alors, expliquer cet engouement? En juillet-août, le Zanskar compte presque autant de touristes que de locaux. C’est donc que ses paysages doivent valoir le détour. Pour autant, loin de s’attirer la sympathie, les bons occidentaux qui pensaient se retrouver « seuls perdus au bout du monde » sont bien déçus : « ya surtout trop d’français ouais! » nous lance-t-on dans un bazard… Enfin, je m’emporte. Si Leh et le Ladhak sont assez touristiques, c’est surtout depuis que des instants ont été immortalisés par le photographe français, Franck Chaput, mais aussi par les célèbres récits de l’anthropologue, Alexandra David Neil. Mais non, je ne vous avais pas menti, il reste bien un lieu des plus reculés : la vallée du Zanskar. Vous-même, l’aviez-vous, ne seraitce qu’une fois, entendu citée? Avant que Gilbert Montagné ne la rende quasi célèbre, grâce son reportage que vous avez pu découvrir sur France 2, au mois de septembre dernier, personne ou presque n’en connaissait même son existence. Qu’est-ce qui, alors, a pu pousser notre directrice, Mireille Bacos, à s’aventurer dans un tel terrain ? Comme tout le monde, il a fallu expérimenter le trekking. Comme la plupart des gens, cette fois, il a fallu s’émouvoir de ce peuple ! De ses valeurs telles que l’hospitalité et la pudeur, mais aussi celles véhiculées par le bouddhisme, réel message de paix et d’amour. C’est donc grâce à rigzin, simple accompagnateur, membre du « staff », qu’elle a pu être alertée de cette vallée reculée : « If you want to help those people, you better meat the Zanskari. I come from there, and I can assure you they are really poor and they would love to be helped ». Il n’en fallu pas plus ! Pas plus à Miss Mimi pour devenir la reine adulée de cette contrée.
societe Par c�ance, j’ai donc pu assister et, même, faire partie intégrante d’une des sessions annuelles d’aide aux Peuples d’Himalaya. Voilà dix ans que Mireille Bacos et son équipe parcourent la vallée, de Kirghiz (dans le Kashmeer) à Padum, distribuant vêtements, lunettes de soleil et de vue, mais aussi effectuant des consultations médicales et ophtalmiques… C’est alors que nous arrivons ! Nous, six étudiantes en commerce, en littérature ou encore en art, pour apporter un peu de punch à l’action de cette association. Ayant, au cours de ses voyages, constaté les terribles lacunes de leur enseignement, Mimi a donc décidé, pour la première fois en dix d’existence de son association, de tenter un projet innovant : apporter une méthode d’Anglais aux professeurs, de manière à faciliter l’interactivité entre les élèves et les professeurs. Si cette vallée est reculée, elle est en effet indéniablement condamnée à s’insérer dans le monde globalisé. Il suffit de lire les simples guides touristiques, eux-mêmes constatent les changements qui s’effectuent à une vitesse folle. Les jeunes d’aujourd’hui vont étudier à Jammu (du moins pour les plus chanceux d’entre eux), où ils flirtent avec la modernité. Bientôt, il leur sera indispensable de maîtriser au moins l’Anglais pour avoir une place à tenir dans cette immense démocratie qu’est celle de l’Inde, où après l’Hindi, l’Anglais est la seconde langue nationale. Or au Zanskar, la connaissance de cette langue est encore très primaire, voire inexistante. C’est donc le fruit d’un travail d’un an qui nous a permis de participer à cette mission. En amont, nous avons traduit une méthode intitulée « Speak and Play », utilisée en Europe, basée sur l’interactivité, mais aussi sur le fait que les enfants ont avant tout une mémoire visuelle et même gestuelle. Les jeux, tels les lancements de balle, flashcards et gamecards, participent de ce travail d’une autre sorte de mémoire, moins classique que l’orale ou l’écrite. Outre cette mission sérieuse, en aval, c’est aussi l’apprentissage, la découverte, l’enthousiasme face à une culture totalement inconnue. C’est aussi les enfants qu’il fallait faire jouer, pendant que les parents faisaient la queue pour parler de leur problème de vue, ou encore s’asseyaient et observaient les nouveaux vêtements de la voisine… Plus qu’une e�périence à mettre sur un CV, je considère l’Humanitaire comme la seule et vraie méthode capable de faire véritablement mûrir une personne, de la faire se rendre compte de l’énorme chance que nous avons de pouvoir vivre de tels moments, alors que les Zanskari, eux, ne peuvent que les souffrir, ou du moins les subir. Alors ne pensez plus : bougez, aidez, mais surtout rECEVEZ !! 39
societe PAR JONAThAN MASIA
Las Vegas, le 2 mai dernier. D’un crochet du gauche dévastateur, Manny Pacquiao envoie la star anglaise, Ricky hatton, au tapis en moins de deux rounds dans ce qui était censé être le combat de l’année. Depuis ce petit philippin d’1m69 est considéré comme le meilleur boxeur en activité, toutes catégories confondues, auréolé de gloire, et bien loin du temps où il fallait dormir dans des boites en carton. Pour autant, « Pacman » est avant tout un symbole pour son pays. Aux Philippines, plus qu’un sport, le Noble Art est d’abord une issue de secours pleine de rêves pour ces milliers de gamins qui boxent la misère.
UNE TErrE DE PAUVrETÉ Ancienne colonie espagnole, les Philippines sont à ce jour un pays à la pauvreté des plus inquiétantes. Inquiétante, notamment par sa répartition totalement déséquilibrée des terres agricoles : 5% de la population se partage plus de 40% des surfaces exploitables. Les conséquences d’une telle situation sont dramatiques pour un pays ainsi démuni de son autosuffisance alimentaire qui lui permettait jusqu’alors de tenir. SE BATTrE CONTrE L’IMPOSSIBLE Il suffit de se promener dans les rues de Manille pour se rendre compte de la misère et de la détresse sociale qui acculent le pays, où, pour plus d’un million d’enfants sans abris, délinquance et prostitution infantile représentent souvent l’unique recours. Toutefois, depuis plusieurs années, la boxe a réussi à s’imposer comme un véritable refuge. A l’image du destin de Pacquiao, repéré par des entraîneurs lors de combats de rue, le Noble Art semble prendre la place de l’Etat en matière de prise en charge sociale de la jeunesse. Comme le décrit Paco - gaucher philippin étudiant à l’Université DelaSalle de Manille, bénéficiant du programme d’échange de l’université de Limoges - rien, dans ce pays, n’est pourtant à priori favorable à la pratique de la boxe : «Nos rings sont des matelas posés sur des palettes et la famine est un frein pour suivre des programmes de nutrition adaptés ». Malgré tout, ils sont de plus en plus nombreux, envieux de la réussite de leurs aînés, à pousser les portes de ces vétustes entrepôts d’entraînement, animés par la rage de fuir la misère et l’espoir de se faire repérer. BOXE, PACMAN ET POLITIQUE Ainsi, malgré le succès retentissant d’un « Pacman » entré au panthéon mondial de la boxe, les efforts des gouvernements successifs quant au développement d’infrastructures et de moyens pour valoriser cet extraordinaire potentiel sportif restent de l’ordre de l’utopie ou au mieux de la démagogie. Cependant, pour Paco, l’important est ailleurs : « Peu importe que l’Etat nous aide, ce n’est pas parce qu’on n’a pas de jolis rings qu’on ne boxera pas. La technique et la vitesse font partie de notre instinct de survie. L’important en montant sur le ring, c’est l’envie de démolir l’autre, dans le respect de l’art bien entendu. ». Lucien roupp, entraîneur de Marcel Cerdan, se plaisait à dire qu’un boxeur qui gagne, c’est un boxeur qui sait ce que sait que d’avoir faim. Et après tout, n’est ce pas là l’essentiel d’un « sport » pas comme les autres? 40
Apr�s Le Monde selon Monsanto, ArTE repart à la quête de la vérité. Cette fois-ci, ce sont les déchets nucléaires qui font l’objet de l’enquête, menée par le réalisateur Eric Guéret et la journaliste Laure Noualhat. Dans un premier temps, ils se rendent à Hanford au nord-ouest des Etats-Unis, premier site nucléaire du monde. Puis à Mayak, une ville secrète de l’Union soviétique qui connut en 1957 une explosion d’une cuve de déchets. Ils constatent, grâce aux analyses de la CrIIrAD (Commission de recherche et d’informations indépendantes sur la radioactivité), que de très dangereux déchets radioactifs ont été rejetés dans l’environnement, sans traitement préalable, sacrifiant ainsi une génération entière au nom du secret nucléaire. Dans un deu�i�me temps, il est question de la gestion de ces déchets prouvés polluants et explosifs. En 1993, un traité des Nations-Unis a finalement interdit le rejet de tout déchet nucléaire en mer par bateau. La France, comme le Japon et l’Angleterre, a fait le choix de les retraiter. Les déchets des centrales françaises et de pays étrangers arrivent à la Hague dans l’usine de retraitement. Ces installations rejettent des déchets radioactifs dans l’environnement, mais l’exploitant Areva refuse de parler de «contamination» et préfère le terme «d’absence d’impact». Ce dernier encore prétend «recycler» 96% des combustibles usagés mais ceci n’est pas le cas. L’uranium, appauvri lors du retraitement, représente 95% des déchets. Il est envoyé en Sibérie (8 000 kilomètres) pour y être enrichi. Mais, au final, 90% environ de l’uranium appauvri reste entreposé là-bas dans une sorte de décharge à ciel ouvert, ce que confirme EDF. Le c�oi� du retraitement est donc discutable. La solution de stockage la plus répandue est de laisser les combustibles irradiés dans de grandes piscines, en attente d’une éventuelle solution, mais cela n’est pas sans risques non plus. La proposition la plus moderne serait de les enfouir sous terre à de très grandes profondeurs et de faire confiance aux propriétés de confinement de la roche. Mais les déchets restent tout de même dangereux car la dégradation radioactive dure des milliers d’années. Une question éthique se pose alors : avons-nous le droit d’imposer nos déchets aux 6 000 générations futures ? Cette enqu�te scientifique et politique de qualité, en vente en DVD, fera peut-être avancer les choses. En tout cas, elle invite à la réflexion et brise le tabou autour des déchets. De plus, après la diffusion de celleci, le gouvernement a demandé l’ouverture d’une enquête interne chez EDF concernant le stockage en russie de matières radioactives. Une affaire à suivre !
societe
PAR ChRISTINA BeZeS
UN FILM D’INVESTIGATION QUI DÉVOILE LE SECRET DES DÉCHETS NUCLÉAIRES
en France, 80% de l’énergie électrique est produite par le nucléaire. Ce dernier est rarement remis en cause en raison de l’opacité qui l’entoure. Mais pourtant le problème des déchets radioactifs est bien loin d’être résolu.
41
musique ...quand ils se sont séparés en 1970. It’s been a hard day’s night, quand John Lennon fut assassiné dix ans après, le 8 décembre 1980. It will be a hard day’s night quand Paul McCartney aura fini d’enflammer la scène de Bercy, le 10 décembre prochain.
it's been a hard day's night... PAR CeCILe CARPeNTIeR
42
THE Beatles : un nom, quatre artistes d’exception, treize albums, un esprit largement anticonformiste, un talent indéniable : c’est ce qui fera naître en 1963, la Beatlemania. Les quatre gar�ons dans le vent, s’il faut encore le rappeler, sont John Lennon, le poète, Paul McCartney, le génie, Georges Harrison, le mystique, et ringo Starr, l’original . Le groupe vient de Liverpool, a fait ses armes à Hambourg, et s’est ensuite forgé une réputation qui traversa rapidement les frontières. Après un passage remarqué à l’Olympia de Paris à l’hiver 64, le groupe poursuit son chemin outre atlantique. Mais, The Beatles, c’est aussi quatre artistes hors normes : consommateurs de LSD, utopistes, capricieux, précurseurs quand au style musical adopté, ils ont toutes les caractéristiques pour se faire connaître, tant par leur musique que grâce à leurs personnalités. Et ils sont loin d’être modestes. Comment leur en vouloir ? John Lennon déclarera au moment le plus haut de leur carrière : « Le christianisme disparaîtra. Il s’évaporera, décroîtra. Je n’ai pas à discuter là-dessus. J’ai raison, il sera prouvé que j’ai raison. Nous sommes plus populaires que Jésus, désormais. Je ne sais pas ce qui disparaîtra en premier, le rock ‘n’ roll ou le christianisme. » Cette popularité les poussera même à mettre un terme à leurs représentations en public, les conditions étant épouvantables : trop de cris de femmes hystériques, une qualité de son trop mauvaise pour des salles trop grandes, et une sécurité de moins en moins garantie pour eux. Cependant, la période qu’on appellera les «années studio» sera fructueuse puisqu’elle produira le meilleur album rock de tous les temps, selon les spécialistes de l’époque : « Sgt. Pepper’s Lonely Hearts Club Band ». Mais la �in des années 70 marque la fin du groupe, puisque le 20 août 69 sera le dernier jour où les quatre Beatles sont réunis pour enregistrer. Et le 10 avril 70, la séparation est officiellement déclarée. Après dix ans et autant de tentatives pour reformer le groupe, l’impensable se produit et met fin à tous les espoirs : John Lennon est assassiné. George Harrison dira à ce sujet : « Les Beatles ne se reformeront pas tant que John Lennon sera mort ». Seulement, les fans peuvent se réjouir. L’aventure des Fab Four n’est pas tout à fait finie. A la fin de l’année, Paul McCartney remonte sur la scène française, pour un concert exclusif à Paris. L’ampleur de l’évènement se mesure en fonction de la vitesse de vente des places. Quand on sait que la salle de Bercy a fait le plein de fans en 1h30 à peine, le 6 novembre dernier, jour de l’ouverture des billetteries, on imagine la frénésie générée par un des derniers des Beatles. Et le show risque d’être exceptionnel ! Pour ceux qui ne font pas partie des chanceux qui seront présents à Bercy, il reste encore à se procurer le coffret renfermant tous les titres des Beatles en version remasterisée. A coup sûr un véritable bijou à collectionner !
musique rihanna est de retour, avec la même équipe de producteurs qui avait assuré le succès de son précédent album. Chris RiHAnnA, Brown en moins, pour des raisons as���e� � sez… évidentes. Le virage musical est (rNB) net, avec un son plus agressif, à défaut d’être aussi efficace que par le passé. Le premier single « russian roulette » traite de la roulette russe et se termine par un coup de feu (mais non, rihanna n’est pas morte pour de vrai pas de panique) ; produit par Ne Yo, le titre est incroyablement sombre pour de la pop, même si musicalement ça reste une ballade des plus conventionnelles. Les radios ayant accordé un accueil réservé, un buzz single « wait your turn » a été lancé presque immédiatement, suivi du second single confirmé « hard », là enIl y a une nette tendance au glauque arcore ce n’est pas la joie, mais c’est déjà tistique dans la pop actuelle. Lady Gaga plus abordable. Le visuel a également suit le même chemin que rihanna, avec changé, avec comme à l’accoutumée un visuel assuré par Hedi Slimane ; le une nouvelle coupe de cheveux pas forphotoshoot est remarquable, côté mulAdy GAGA, cément réussie (voire pas du tout ; voire sique et paroles, l’amélioration est nette ��e ��me mons�e� moche) et des photos à tendance SM : depuis le souvent sirupeux premier al- (POP) rihanna nue, entourée de grilles, de barbum : le single « bad romance » reprend belés, lançant des regards pas contents, la recette de « poker face », avec un clip bref c’est l’éclate. De toute évidence, là encore remarquable réalisé par Franelle essaie de faire passer un message, cis Lawrence, « alejandro » est à Lady mais à qui ?? Inutile en revanche de prêGaga ce que « la isla bonita » était à ter attention aux clips, cheap à souhait, Madonna et « telephone » en duo avec cela dit ça a toujours été le cas avec riBeyoncé est la meilleure chose produite hanna. par rodney Jerkins depuis une dizaine d’année. Chaque morceau est supposé La caution intellectuelle de la rubrique incarner un « monstre » qui fait peur est assurée par Edward Sharpe, le à Lady Gaga, et toute Gaga qu’elle est, groupe propose de l’indé commerce ses peurs sont un peu celles de tout le équitable, façon Manu Chao, avec son monde : l’alcool, la solitude, l’amour, le EdwARd petit look bonnet péruvien. Le premier sexe, la mort, comme ça au moins il est sHARPE And single « 40 day dream » est une merfacile de s’identifier. rien ne vaut une THE MAGnETiC veille, léger, frais, aux accents rétro ; le description de l’album par la chanteuse ZERos, reste de l’album est réussi, mélangeant elle-même, qui ne recule devant aucun U� ��om �e�ow les styles musicaux pour créer une atsuperlatif pour évoquer son art : « l’ob(INDIE) mosphère particulière, entre world, session du génie lyrique de la pop mésoul, indie, pop. C’est un peu l’inverse lancolique » (ben voyons) « que j’ai écrit de Lady Gaga, ça ne se prend pas la alors que je regardais » (une expo sur tête, mais c’est très bien vu dans les le surréalisme ? un film de Visconti ?) « milieux musicaux ; comme en plus c’est les défilés de mode sans le son ». En atde bonne facture, ça permet de se détendant un prochain album sur Casper, tendre un peu, tandis que Britney rale fantôme inspiré par les chaussures de conte ses plans à trois et que rihanna Manolo Blahnik, Lady Gaga dit « bouh ». pense au suicide. PAR AURÉLIeN hUBeRT
i
balance les decibels papy !
43
musique et aussi ... Miike Snow est le projet des suédois Bloodshy & Avant, les producteurs qui se cachent derrière les récents succès de Britney Spears (de «Toxic» à «Piece of me»). Ils se sont finalement lancés dans l’écriture de leur propre album, avec un son électropop dynamique et inventif : on y retrouve l’efficacité des titres de Spears sur un fond sonore plus travaillé et naturellement moins sucré. «Animal» est le premier single, mais ce sont surtout «Cult logic», «silvia» et «Jungle» qui se dégagent. «Cult logic» notamment s’est attiré les faveurs des networks américains : le titre est apparu en fond sonore de Gossip Girl et Melrose Place, favorisant un buzz rapide autant que mérité - sur la blogosphère. A.H.
Le groupe Black Eyed Peas traverse les tendances. Après trois ans d’absences, liées à des THE Black carrières solo réussies, leur nouvel album surfe eyed Peas, maintenant sur la vague d’auto tune. Ce logiThe E.N.D (POP) ciel permet de modifier la voix en la calquant sur des notes prédéfinies. La liste des chanteurs l’utilisant est longue : Madonna, Britney Spears, T-pain et une multitude d’artistes hiphop. L’avènement de la house dans les hits des classements a détrôné les producteurs hip hop en faveur des djs électro. Les Black eyed Peas aux 26 millions d’albums vendus ont donc eu recours à plusieurs collaborations résolument dancefloor, comme David Guetta, pour s’implanter rapidement à la tête des charts mondiaux. Le premier single « Boom boom pow » a mis en exergue cette nouvelle tendance musico-commerciale. S’en sont suivis des tubes, comme « I gotta feeling » ou « Meet me halfway », basés sur le même schéma musical : un synMiike Snow, thétiseur pour les basses et l’accompagnement, miike snow un beat simple et efficace et auto tune avec des (electro) paroles entraînantes, mêlant tour à tour des paroles chantées et des passages hip-hop. Par conséquent, l’album est un carton planétaire indispensable dans les discothèques et soirées entre amis. Attention toutefois à ne pas traduire les paroles au risque de vous sentir ridicule si vous chantez à tue-tête avec vos amis « J’ai le sentiment que cette soirée va être une bonne soirée, que cette soirée va être une bonne soirée, que cette soirée va être une bonne soirée » ou encore « Il faut qu’on l’ait, il faut qu’on l’ait, il faut qu’on l’ait, qu’on l’ait, qu’on l’ait, boom boom pow » ! H. de C.
LA PLUME DE GOSCINNY NE CESSE DE NOUS CARESSER
Le Petit Nicolas, Lucky Luke et Asterix ...
PAR LÉA SAMAIN
cinema
Plus de trente ans après sa mort, Anne Goscinny continue de veiller sur l’œuvre que son père nous a léguée.
*Le Petit Nicolas joue gros, par
Christophe Carrière, publié le 28/09/2009 dans L’Express.
Ce ne sont pas les occasions qui manquent cette année de nous rappeler qui se cache derrière nos lectures d’enfant. En effet, depuis le début de l’automne, rené Goscinny est mis à l’honneur : exposition urbaine au coeur du Paris- « Lutèce » pour les 50 ans d’Astérix, opération marketing de grande envergure pour fêter les 20 ans du parc éponyme et sorties respectives sur grand écran du Petit Nicolas et de Lucky Luke. Sans aucun doute, notre cher rené résiste aux modes, comme le village gaulois à l’envahisseur romain. D’origine �ui�e polonaise, Goscinny passe le plus clair de sa jeunesse entre Buenos Aires et New-York. C’est d’ailleurs là-bas qu’il rencontre Morris, le jeune dessinateur de Lucky Luke. Cependant, au risque de faire mentir l’archétype du « rêve américain », c’est en France qu’il veut faire fortune. A son arrivée à Paris, il fait la connaissance d’Albert Uderzo, qui devient rapidement son plus proche complice. Par une chaude journée d’août 1959, alors même qu’ils ne disposent que de deux mois avant la sortie du premier numéro de leur magazine Pilote, Goscinny et son ami donnent finalement naissance à Astérix le Gaulois... Depuis la mort de son p�re en 1977, c’est Anne Goscinny qui se pose comme unique héritière des droits de propriété intellectuelle qu’il détenait. Ainsi, c’est à elle que les producteurs du Petit Nicolas ont eu affaire lorsqu’ils ont voulu mettre sur pied leur projet. La jeune femme a été difficile à convaincre : déçue par les adaptations cinématographiques passées des Dalton, Iznogoud et autres Astérix aux Jeux Olympiques, Anne Goscinny a décidé que seuls des projets fidèles à l’oeuvre de son père pourraient être repris par le septième art. En témoigne son avertissement au réalisateur Laurent Tirard quelques jours avant le tournage : « Vu l’importance du Petit Nicolas pour mon père, ce film ne peut être autre chose qu’un chef-d’œuvre. Ne me décevez pas »*. Malgré les apparences, l’héritière du célèbre scénariste n’est pas intéressée outre mesure par les sommes colossales que son patrimoine pourrait lui rapporter. Elle a d’ailleurs préféré revendre la totalité des droits de distribution des albums de son père - soit un manque à gagner de plusieurs dizaines de millions d’euros par an - à la maison Hachette, dont elle apprécie le travail. Ce qui intéresse d’abord cette femme au tempérament discret, c’est d’assurer la pérennité de l’oeuvre de son père et de rester fidèle à son esprit. Quality more than money. Dans le contexte actuel qui voit les spéculateurs reprendre leurs activités sans tenir compte des leçons de la crise, la ligne de conduite de l’héritière fait figure de modèle. Chacun dans leur style, Goscinny père et fille ont plu et continuent de plaire... 45
cinema PAR STAN C.
Des MOuCHes et De La teRRe PLeiN La BOuCHe Avant The Road, adapté du best seller de Cormac McCarty, John hillcoat nous décrivait déjà un enfer de solitude et de poussière dans ce western d’exception. Il aura �allu attendre près de quatre ans pour que The proposition, le western épique de John Hillcoat, trouve enfin un distributeur en France. Pourtant, les perches ont été nombreuses : 3h10 pour Yuma, L’assassinat de Jesse James par le lâche Robert Fort et dernièrement Apaloosa, dont les sorties ont été remarquées. Mais non. Ce chef d'oeuvre, pourtant de premier plan d'un point de vue artistique, est toujours passé entre les mailles des filets des distributeurs, frileux de ne pas pouvoir compter sur un casting très grand public. Mais mieux vaut tard que jamais et l’attente est toute pardonnée. Découvrir The Proposition en salle est le petit cadeau de l’année. Les �r�res Burns terrorisent une petite ville du désert australien. Vols, meurtres, viols, ils ne reculent devant rien. Le capitaine Stanley veut la peau du gang et réussit à attraper deux des frères. Il passe un pacte tacite avec l’un des deux prisonniers, Charlie. Il lui laisse neuf jours pour tuer Arthur Burns, l’aîné et le démon du groupe, sinon il tuera le plus jeune resté enfermé. Charlie part donc en expédition dans les montagnes arides du désert pour tuer les siens pendant que le village campe autour de la prison, hurlant pour la mort du capturé… Ecrit par Nick Ca�e et troisième collaboration avec John Hillcoat, The Proposition est un western pur et dur, dans la tradition des « westerns spaghettis » italiens, et sa recherche obsédante du réalisme accroît sa violence. Les mouches peuplent chaque plan et font partie intégrante du décor. Elles virevoltent, se posent sur la peau couverte de poussière et salissent encore plus l’environnement. Elles sont notre odorat et nous permettent une immersion totale dans un enfer jaune de poussière, de sang et de sable. Une balle suffit pour tuer et la mort est sale, elle entraîne une putréfaction certaine dans un désert où il est difficile de retrouver votre dépouille. Du scénario se dégage une violence bilatérale qui floute notre libre arbitre et nous met au défi de discerner les bons des mauvais. Le villageois analphabète veut tuer pour rendre coup pour coup ce que les siens ont reçu. Charlie est élevé soudainement au rang de héros du film, car il doit tuer son propre frère, un tueur sanguinaire et démoniaque, bien qu’il le soit aussi un peu lui-même. reste le capitaine Stanley, auquel il est difficile de s’identifier, il se bat pour une cause qui lui semble noble, mais dont les moyens utilisés le font culpabiliser. T�e proposition distille un climat d’insécurité totale, où la vie d’un homme ne vaut rien de plus que celle d’un animal sauvage, où chacun se bat en permanence pour sa survie. C’est pour quelques instants de bonheur arrachés qu’ils se battent, les sentiments ressentis par les personnages et par nous mêmes sont alors décuplés et la musique aérienne et hypnotique de Nick Cave contribue à les renforcer.
46
THE PROPOSITION de JOHN HILLCOAT (sortie le 16 décembre)
cinema
UNE HISTOIrE D’ENFANT ET DE VIOLENCE DA NS Un �illage protestant du nord de l’AlleL’A LLE magne à la veille de la première guerre MA GN mondiale. Des étranges événements EP surviennent - un piège tendu au médeUr ITA cin pour le faire chuter de cheval, un enINE fant roué de coups, un champ saccagé…. - sans que les habitants n’y trouvent ni motif ni coupable. Le « ruban blanc » PAR PIeRRe PLeTTeNeR est une punition infligée par le pasteur à deux des enfants, les aînés : ils doivent porter ce ruban, signe de la pureté et de l’innocence auxquelles ils doivent aspirer. Haneke nous raconte l’histoire des LE RUBAN BLANC enfants du village, et de leurs familles, (eine deutsche kindergeschichte), nous immisçant dans leur vie, pour y de MICHEAL HANEKE réaliser une étude quasi scientifique des rapports humains et de l’autorité sous UN EXIL FAIT DE VIOLENCE ET D’AMOUr toutes ses formes. Sayra, qui vient de retrouver son père Accomplissement de son �u�re, le film après une longue séparation, tente de Haneke remporte une palme d’or à d’émigrer avec lui et son oncle aux EtatsCannes, peu surprenante tant le film Unis pour y retrouver de la famille. Cascondense les talents et les aspirations per essaye lui aussi d’émigrer, pour fuir du réalisateur. Il unit le fond, critique son ex-gang, la « Mara », dont il a tué le de l’autorité malsaine (exercée ici par chef pour venger la mort de sa fiancée. les hommes et les institutions qu’ils reLeurs routes vont se croiser dans le train présentent) sur les femmes et enfants, qui les fait traverser l’Amérique centrale, et la forme, un noir et blanc superbe pour aller vers le Nord et, peut-être, vers qui confère au film son atmosphère peun avenir meilleur. sante, parfois à la limite du supportable, On peut regretter un manque de dans une beauté terrifiante. souffle, d’ampleur au film, ou encore un En tant que redresseur de torts, Hamanque d’audace de la part du réalisaneke ne nous convie pas à une partie teur. Ce qui fait que Sin Nombre restera de plaisir. C’est à une leçon de cinéma, un film mineur, peu marquant. Cepenmais surtout à une effroyable fable, un dant il n’en reste pas moins un film de spectacle pénible, mais prémonitoire de qualité. La prouesse réussie par Fukutoute l’histoire du XXe siècle, qu’on asnaga est de réaliser un film profondésiste. Le ruban blanc est un grand film, ment pessimiste et violent, mais réaqui laisse une marque profonde et qui liste et sans surenchère. Le film retrace est appelé à être vu et revu. l’histoire d’amour vécue par les deux personnages principaux et semble vouloir montrer que le sort réservé à tous ces immigrés clandestins était « banal ». Les deux jeunes acteurs sont parfaits et donnent sa vraie personnalité au film. En effet, si l’on est finalement peu surSIN NOMBRE, de CArY FUKUNAGA pris de la violence des gangs, d’une part, Premier film de Cary Fukunaga, Sin et des voyages clandestins, d’autre part, Nombre, récompensé à Deauville et à on oubliera moins le couple Sayra / CasSundance, se révèle plein de promesses. per. Fukunaga signe donc un film fort et pessimiste, mais manquant légèrement de singularité.
Les NeWs Des saLLes OBsCuRes
47
Pub
lA NoSTAlGIE Du Pe�i�e ����e�ion s�� �n ��� �e �i��e ��i s’en��e�ien� e� se ���nsme�.
DANDY
litterature
PAR MARIe-BLANChe PAUMIeR
Dandy, quel joli mot ; agréable à prononcer et à imaginer. A force de l’employer dès que l’occasion s’en présente, on finit par l’associer à tout. Il sonne comme un compliment vantant l’élégance et l’originalité. Il marque aussi une intemporalité, un état propre aux artistes et attribuable aux esthètes de toute époque. Forcément, il existe quelques archétypes du dandy dans l’imaginaire collectif : Oscar Wilde arrive ici en référence type, tout comme George Brummell, Barbey d’Aurevilly et Baudelaire. Désordre et élégance, succès et décadence, voilà ce à quoi pourraient se résumer leurs vies chaotiques. Qualifiés de dandys en raison de leur style parfois exubérant et décalé, ils sont préoccupés par un souci constant de l’apparence. Cependant, sous leurs précieux chiffons ils incarnent une sorte d’héroïsme romantique déchu. Ils aiment à se dresser contre les normes de la société de leur époque par le biais de leur art, l’écriture pour la plupart d’entre eux. Ils collectionnent et cultivent le scandale, par leurs attitudes qualifiées de dépravées. Baudelaire, Brummell et Wilde connurent des périodes de difficultés financières et moururent dans la pauvreté. Une condamnation divine de leur style de vie éparpillé et égocentrique ? George Brummell, le seul ici à ne pas être un écrivain mais bel et bien un mondain futile et provocateur est considéré comme le père du dandysme. Ainsi, cet anglais raffiné et attaché aux hautes sphères de la société londonienne s’affaira à créer un mythe autour de son personnage, avec ses excentricités, son impeccable style vestimentaire et son sens aigu de la répartie : ingrédients de tout dandy qui se respecte. Il para�t donc difficile d’être un dandy naturel puisque tout est travaillé chez ces derniers : l’allure, le verbe et même les scandales. Le dandy est un homme public puisqu’il n’existe en tant que tel qu’à travers le personnage social qu’il s’est créé. Cela n’est pas sans nous rappeler quelques contemporains qui tentent d’entretenir ce mythe un peu flou à travers leur art et leur attitude. Alors que nos sociétés sont de plus en plus obsédées par le profit et l’utilité, tandis que le langage s’appauvrit considérablement, le dandysme représente une nostalgie de l’amour de la beauté et du divertissement, à travers l’excès et la futilité. Le dandy est d’autant plus dans le vent qu’il se dresse face à la diminution de certaines libertés jugées nocives, comme les fameux « paradis artificiels ». Serge Gains�ourg et ses provocations, Frédéric Beigbeder et sa coke, Jarvis Cocker et ses lunettes sont ils les nouveaux George Brummell ? 49
litterature LE GrAND FENWICK AU BOrD DE LA CrISE Que faire quand on est un petit pays, niché dans les Alpes, et que sa prospérité est tirée exclusivement d’un seul produit ? Que faire si ce produit est un vin, le fameux Pinot Grand Fenwick ? Et surtout, que faire si la production de vin, ensuite exportée, ne permet pas d’importer suffisamment pour maintenir son niveau de vie ? C’est la fâcheuse situation à laquelle doit faire face le duché du Grand Fenwick, petit pays entre la Suisse et la France, cinq miles par trois. Le pays se divise en deux partis, les dilutionnistes, qui sont pour verser un peu d’eau dans le vin, (qui le sentira ?), et leurs opposants, les anti-dilutionnistes, qui, eux ne veulent pas dégrader la source de la fierté nationale ! Comme quoi, le débat sur l’identité nationale, ce n’est pas nouveau… DE L’AVANTAGE D’UNE MONArCHIE ÉCLAIrÉE Le pays, dirigé par sa sage duchesse Glorianna XII, organise un meeting politique des deux partis (que l’on n’oserait appeler gouvernement et opposition, tout le monde ayant vécu en paix jusque là). Il ressort de cette réunion une solution, partant d’un constat sur la politique étrangère américaine : lorsqu’un pays est menacé à l’intérieur par un parti communiste, l’Amérique envoie des fonds au pouvoir en place, sans en attendre de remboursement. Pourquoi donc ne pas fonder un parti communiste d’apparat pour pouvoir prétendre à un prêt ? DE L’HONNEUr D’UNE NATION ET DE SES AVANTAGES INATTENDUS Seulement, si la fondation d’un faux parti communiste avait pu, peut-être, sauver le duché, alors le pays aurait vendu son honneur. Le modeste futur héros national a une meilleure idée : la guerre ! Comment ça, vous dites la guerre ? Oui, la guerre ! En effet, les Américains sont connus pour se défendre lorsque ils sont attaqués, et ensuite aider à la reconstruction. Cela sauve l’honneur du Grand Fenwick, et c’est encore plus facile : une déclaration de guerre par la poste, les Etats-Unis répliquent, et basta, arrivée des fonds ! Sauf que… les Américains ne tiennent pas compte de la missive, forçant le Grand Fenwick (honneur oblige) à affréter un bateau plein de vingt vaillants soldats en cottes de maille qui, arrivés en conquérants de cirque à New York, prennent le contrôle, par un concours de circonstances, de l’arme la plus puissante au monde ! UNE PArODIE DE LA GUErrE FrOIDE EN DIrECT Cette histoire est parue en feuilleton dans le Saturday Night Post, sous le titre The Day New York Was Invaded, au début des années cinquante, à une époque où les Américains craignaient de voir débarquer l’Armée rouge. Sous le couvert du comique, c’est une introduction très valable aux grands concepts des relations internationales et de la guerre froide. En 1959, elle fut adaptée en film, avec Peter Sellers dans les trois rôles phares.
50
Quand le Grand Fenwick dominait le monde… PAR ALeXANDeR BARCLAY
Dans un livre hilarant publié sous forme de feuilleton dans les années cinquante, Leonard Wibberley a détendu l’atmosphère de la guerre froide et sa course aux armements en faisant rire le public américain
The Mouse That Roared, de Leonard Wibberley, Ed. Four Walls Eight Window
litterature
Redecouvrons Marcel Proust PAR QUeNTIN TOUChARD
Camus au panthéon ? et pourquoi pas Proust qui, à travers La recherche du temps perdu, nous livre une œuvre à la fois littéraire, philosophique, sentimentale et sociologique.
A la recherche du temps perdu, de Marcel Proust, disponible en édition poche
«Longtemps je me suis couché de bonne heure». Ainsi commence le déferlement de La recherche du temps perdu de Marcel Proust, œuvre unique en son genre. Souvent critiquée, souvent mal comprise. Ce roman de sept volumes relate la vie d’un homme, de sa plus tendre enfance à sa vieillesse. Proust, contrairement à ce que beaucoup de gens pensent, n’a jamais voulu faire son autobiographie. Dans La Recherche, nous suivons l’évolution psychologique et le cheminement d’un jeune bourgeois de la belle époque à la première guerre mondiale, d’abord à Combray (Normandie), où il passe sa jeunesse. Avec tendresse, le narrateur nous décrit tous les moments de sa vie, notamment les rapports privilégiés qu’il entretient avec sa mère. Puis grandissant, il part à Paris, où il commence à aimer, d’abord Gilberte Swann, une « cocotte », qui est la fille de Swann et d’Odette de Crécy. Le narrateur, dont nous ne connaissons pas le nom, devient adulte, il passe ses vacances à Balbec ; un endroit où il a toujours rêvé d’aller. Il tombe alors amoureux d’Albertine. Avec elle, il découvrira la passion, une passion dévorante qui déviera rapidement vers une jalousie presque maladive. Mais le personnage central du roman ne se contente pas de nous compter ses tribulations amoureuses, il est bien plus complexe. Il envisage de devenir écrivain et de devenir un mondain. Ainsi, il parcourt toutes les soirées les plus cotées de l’époque, à Saint Germain des Près, comme en Normandie. L’�istoire du personnage sert de support à Proust pour développer sa philosophie, sa vision de la vie. Tout au long du roman, l’écrivain réfléchit sur l’amour. Il en donne une définition tout à fait somptueuse dans La prisonnière, une définition dont bien des gens devraient s’inspirer : « l’amour, c’est l’espace et le temps rendus sensibles au cœur ». Que pourrait-on ajouter d’autre ? Proust s’intéresse à l’homosexualité, autant féminine que masculine. Un ouvrage entier, Sodome et Gomorrhe, y est consacré : nous découvrons l’attrait d’Albertine pour les femmes mais également la pédérastie ou l’invertitude (selon les mots de Proust) de Monsieur de Charlus, homme aisé et appartenant à la haute société. La rec�erc�e est une œuvre totale qui réunit tous les sentiments humains et qui parvient à nous faire changer de regard sur la vie ou, tout du moins, à nous faire réfléchir. Ce qui semble essentiel par les temps qui courent.
51
radio
PAR TATIANA NAGORNA
LA PrEUVE QU’EN FErMANT LES YEUX, ON OUVrE AUSSI SON ESPrIT La radio pourrait être le média des paresseux intellectuels : ceux qui aiment en apprendre un maximum avec un minimum d’efforts. Ranger, prendre son bain, faire la vaisselle eT devenir incollable sur une actualité politique finement analysée, l’absurde, Adam Smith ou les îles Lofoten: la radio, c’est ça. elle ne vous fige pas comme la télévision ou la lecture de la presse quotidienne, tout en vous en apprenant souvent plus. A l’heure où l’on se pose de grandes questions sur la disparition des médias traditionnels face à Internet, on voit réapparaître des campagnes publicitaires pour certaines stations. Alors un regain d’intérêt pour « le poste » pourrait peut-être finir par émerger… La preuve par trois. 52
« LES NOUVEAUX CHEMINS DE LA CONNAISSANCE » DE rAPHAËL ENTHOVEN, DU LUNDI AU VENDrEDI, DE 10H À 11H SUr FrANCE CULTUrE. Le principe : une semaine, un thème, un invité spécialiste du thème par jour, interviewé par l’élégante voix de raphaël Enthoven. Les thèmes sont variés : philosophie, littérature, cinéma, histoire, politique, économie, psychologie. Quelques exemples de thèmes récents : Freud, la portée politique de Tintin, Jules Verne, le libéralisme, le marxisme ou encore l’absurde chez Ionesco, Vian et Beckett. Les invités sont toujours bien choisis, l’échange se fait sous forme de questions-réponses-remarques, l’animateur ne coupe pas la parole à son invité, ce qui est rare. A l’arrivée, reste l’impression d’avoir suivi un cours mais en mieux, avec la sensation gratifiante d’avoir appris beaucoup en une heure sans s’en apercevoir. « ALLÔ LA PLANÈTE » D’ErIC LANGE, DU LUNDI AU JEUDI, DE 23H15 À 1H DU MATIN SUr FrANCE INTEr. …ou comment s’endormir dans un coin du monde différent chaque soir. L’animateur reçoit des appels des auditeurs qui sont en voyage, vont partir ou viennent de rentrer. Un certain nombre de « bouteilles à la mer » sont jetées chaque soir par des auditeurs préparant leur départ et cherchant qui un logement à Shanghaï, qui un travail à Edimbourg, qui des informations sur les missions humanitaires en Afrique. D’autres appellent pour raconter le voyage qu’ils sont entrain de faire, leur vie d’expatrié, leur voyage au bout du monde pour adopter un enfant... On part d’Istanbul, on passe par Ushuaïa, on repique sur la Suède pour finir au Guatemala. Le plus : toutes les petites infos et les bons plans livrés par les auditeurs, de bonnes adresses parfois. «L’ESPrIT PUBLIC » DE PHILIPPE MEYEr, LE DIMANCHE MATIN, DE 11H À 12H SUr FrANCE CULTUrE. L’actualité politique française et internationale de la semaine décryptée par des politologues, des chercheurs, des journalistes. Une émission qui s’attaque à ces thèmes entendus maintes fois dans les flashs info des médias, auxquels il est fait allusion brièvement comme si vous étiez déjà très calé sur la question alors qu’au fond, vous ne savez pas vraiment de quoi il s’agit. Là, on prend le temps, sous forme de débat contradictoire mené par les intervenants, d’éclaircir et d’analyser point par point un événement politique survenu dans la semaine passée. Ce qui fait l’intérêt de cette émission, c’est qu’elle attache autant d’importance à l’international qu’au national et qu’on en apprend autant sur les élections en Afghanistan que sur le projet de sortie de crise prévu par le gouvernement français. Tant d’autres émissions seraient à citer…Au-delà du contenu, l’atmosphère même qui se créé à l’écoute des ondes reste particulière. Avec la radio, vous n’aurez pas d’images, pas d’appui textuel, pas de contenu visuel rassurant. Juste votre esprit, votre imagination et des idées. L’essentiel, en somme.
shopping Soyons réalistes, la crise touche le milieu étudiant depuis que celui-ci existe. Donc, krach boursier ou non, nous sommes dans l’obligation de trouver des alternatives aux podiums. Pour cela, quelques bons plans sont nécessaires. LE PrAGMATISME DES CrÉATEUrS Ainsi, cette saison, suivre les nombreuses collaborations des grands créateurs avec des marques de grande distribution s’avère être une aubaine autant pour nous que pour eux (coup de pub fabuleux). L’enseigne précurseur dans ce domaine, à savoir h&m, s’est lancée dans un projet de grande envergure avec pas moins de trois micro collections : deux avec Sonia rykiel (lingerie et pull débutant le 5 décembre) et une avec la marque Jimmy Choo (une ligne accessoires débutant le 14 novembre). D’autres collaborations, comme Christopher Kane pour Topshop, Jil Sander pour Uniqlo (actuellement) et Gilles Deacon pour New Look (le 9 décembre) méritent que l’on s’y intéresse. LES FrIPES COMME ALTErNATIVE AUX GrANDES MArQUES Cependant le style ne va de pair qu’avec l’unicité. Or, le risque avec ces collections, c’est de retrouver les mêmes pièces sur chacun d’entre nous. Pour éviter cela, les fripes se trouvent être un repaire de bonnes affaires pour ceux qui s’arment de patience et d’imagination, car les pièces exposées ne sont pas forcément dans la tendance ou nécessitent un rafraîchissement que seuls les manuels peuvent entreprendre. Ainsi, nous ne saurons que trop vous conseiller deux fripes qui, pour les profanes, sont des self-services de tendance à prix très bas. La première est Episode (12/16, rue Tiquetonne 75002), tout droit venue de Londres et tenue par des berlinois, pratiquement tout est portable en soirée et la tenue du magasin (espace, rangements, mannequins) fait oublier tous les préjugés que nous pouvons avoir envers les fripes. La deuxième est rag (86 rue Saint Martin 75004). La sélection n’est pas trop mal faite et les prix restent encore très accessibles. NOUS SOMMES PArISIENS : PrOFITONS-EN En plus des fripes, Paris organise régulièrement des salons vintage, où tous les plus grands marchands de la capitale se réunissent en un seul et même endroit. L’avantage de ce genre d’événement est de trouver de très belles pièces qui sont rarement exposées ailleurs. Les prix sont parfois plus élevés et l’entrée est payante mais nous en sortons rarement déçus. Pour les réticents aux vêtements déjà portés, d’autres opportunités sont offertes aux parisiens, comme, notamment, les ventes presse. Halte aux préjugés ! Celles-ci sont accessibles à tous. Il suffit juste de se rendre sur le blog de Marielupink, d’imprimer une invitation et de s’armer de patience (encore et toujours … le style se mérite !). Pour finir, n’en déplaise aux rédactrices de mode, suivez votre instinct et puisez dans les blogs de Street style (The Sartorialist, Garance Dorée…), ces blogs donnent plein d’idées, pour la plupart gratuites à réaliser. Après cela, vous n’aurez plus d’excuse pour vous faire recaler du Montana Bar !
lA CrISE Au SErvICE Du STYlE
PAR eDINA eTTIG
53
sorties Une pièce assez drôle, qui nous fait sourire, rire parfois... Notamment un rôle que je vous laisse découvrir, si bien interprété ! L'écriture n'est pas toujours fine, mais, dans l'ensemble, on passe un bon moment. Les comédiens, sont très talentueux. A voir un dimanche aprèsmidi en famille. A.A.
HORS PISTE, d’ErIC DELCOUrT Mise en scène : Eric Delcourt et Dominique Deschamps Jusqu’au 2 janvier 2010 au Théâtre Fontaine (10, rue Fontaine, 75009 Paris)
LE DÉMON DE HANNAH, de ANUne pièce qui mêle la Phi- TOINE rAULT
losophie, l’Amour et l’Histoire. Un beau moment de théâtre, avec de bons acteurs et un texte magnifique qui nous emporte. Une pièce passionnante qui nous émeut et nous fait réfléchir sur la condition de l’homme et sur ce que peut être un véritable amour. A aller voir absolument ! A.A.
Mise en scène : Michel Fagadau Jusqu’au 3 janvier 2010 au Théâtre Comédie des Champs Élysées (15, Avenue Montaigne, 75008 Paris)
l�� ���������� 7, rue de la Verrerie 75004 Paris, ouvert tous les jours de 18h à 2h (minuit en début de semaine)
Paris est réputé pour ses bars mondains à tendance « ennuyeux », c’est en partie vrai. Pas totalement. Direction le Marais et un bar discret, quoique bondé chaque soir, où les places assises sur les poufs en cuir sont prises d’assaut, pourvu d’une salle de danse au sous sol, bénéficiant d’un accompagnement sonore réussi et de cocktails novateurs. L’accueil est lui aussi très agréable, tandis que la déco renouvelée tous les mois (et confiée aux photographes en devenir de la scène parisienne) affirme par delà tout cliché l’originalité du 7 rue de la Verrerie, où hétéros, gays, lesbiennes et trans de tous horizons sont réunis sans se préoccuper de qui est quoi. En happy hour jusqu’à 21h, histoire de ne pas finir ruiné trop vite. Comme quoi, tout n’est pas que conformisme dans le monde de la nuit ! A.H.
l� s����, 31 rue glacière, métro : glacière (ligne 6), ouvert le jeudi de 21h à 00h00 (dernières entrées à 22h)
Il était une fois un ancien garage transformé en squat. On entre par la rampe d’accès des voitures ; instantanément on est plongé dans l’ambiance : graffitis et tags flamboyants, dont le fameux « mieux vaut être un clown qu’un clone ». Puis on arrive au bar. Un bar enfumé, chaleureux et remplis d’odeurs enivrantes, où règne une douce atmosphère, on y croise des personnages tous plus extravagants les uns que les autres : punks, roots, bobos, mais également le sosie d’Arletty ou encore un certain Daniel. Tout ce petit monde se croise, se parle, échange. Ensuite, une petite fringale nous fait nous diriger vers le comptoir mitoyen au bar, où l’on peut se restaurer et déguster toutes sortes de plats : chauds, froids, desserts, à des prix défiants toute concurrence. Il est alors dix heures, c’est l’heure où commencent les spectacles : des représentations d’art de rue, des jongleurs, des groupes de musique africaine. Summum du plaisir lorsqu’un artiste du diabolo éteint la lumière et commence à faire virevolter un, deux, puis, pour finir, trois diabolos lumineux. Il est alors minuit et cet endroit, unique en son genre, retrouve son calme ; nous, nous retournons à la réalité avec un léger pincement au cœur, mais en nous disant que, la semaine prochaine, tout recommencera et que l’expérience sera encore plus intense et jouissive. Q.T. 54
Pub
Pub