Dossier
Le Conflit Afghan
Photos
«Collection Maladive»
Société Cinéma
SURVIVRE Tim Burton & Jacques Tourneur
#3 (mar. / avr. / mai)
La Contagion Se Répand
edito
OÙ SONT PASSÉS NOS INSTINCTS ?
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PAR LAuRE WAgnER
Le génie réSide danS L’inStinct
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Friedrich nietzsche, aphorisme posthume
L’homme moderne aspire à la tranquillité. Deux exemples de la vie quotidienne en témoignent. Tout d’abord, si l’on observe la sphère politique, on s’aperçoit que la sécurité a pris une place prépondérante dans les débats politiques, et ce, tout particulièrement en période d’élections. En effet, c’était l’un des thèmes principaux -voire le thème central- de la campagne présidentielle de 2007, à droite comme à gauche. Aujourd’hui, à l’heure des élections régionales, on assiste au retour de ce thème sur le devant de la scène politique, au plan national comme au plan local. La sécurité : une vieille rengaine politique, synonyme de succès électoral ? Il faut ensuite s’intéresser aux spots publicitaires. Alors qu’auparavant il fallait mettre en valeur la « nouveauté » ou la « modernité » d’un produit, il s’agit désormais de souligner la « facilité » de son utilisation ou le « confort » qu’il procure. Sécurité, facilité et confort sont des besoins de l’homme du XXIème siècle qui aspire à une vie tranquille, sans heurts, ni violence… Seulement, ces nouveaux besoins ne viennent-ils pas masquer une peur latente et grandissante du danger ou de la maladie, derrière laquelle se dissimule (in fine) la peur de la mort ? Une peur inhérente à la nature humaine, mais qui semble paradoxalement encore plus présente chez l’homme moderne, justement parce qu’il cherche à disposer de tous les moyens lui permettant de s’en écarter. L’importance prise par les notions de « préservation », de « protection » et de « prévention » dans nos sociétés est la conséquence directe de ce constat. De nouvelles nécessités ont vu le jour, comme la préservation de la planète ou la prévention de toutes sortes de maladies. C’est très bien… Mais, parfois, on tend à en faire trop. La gestion de la grippe A en France est l’illustration parfaite de ce « trop ». roselyne Bachelot - Ministre de la Santé et des Sports - qui avait d’abord commandé 94 millions de doses de vaccins, en prévision d’une pandémie éventuelle, a ensuite été contrainte de résilier la commande de 50 millions de ces doses, faute de pouvoir les écouler, car la pandémie n’a jamais eu lieu ! La peur de tout ce qui touche de près ou de loin à la mort devient obsessionnelle chez l’homme moderne qui craint toute forme de bizarrerie ou d’étrangeté. Tout ce qui n’est pas « normal » devient alors un risque potentiel contre lequel il cherchera à se protéger. Mais, finalement, à force de vouloir nous protéger contre tout (et rien), ne risquons-nous pas justement d’annihiler nos capacités innées de résistance ? Avons-nous oublié que nous disposons en nousmême d’une force essentielle et unique : notre instinct humain ? Qu’il s’agisse d’un réflexe physique ou d’une intuition prémonitoire, nos instincts se manifestent dès que notre corps est en danger, ne l’oublions pas (il suffit d’écouter son corps pour s’en rendre compte). La meilleure façon de vivre véritablement n’est donc pas de se ranger derrière les barrières de protection illusoires que le monde a créé autour de soi, mais bien de se fier à son instinct ! 3
sommaire
3 mode
P. 18 - Cold Spring P. 22 - A vos marques, pieds, partez
international P. 14 - Mexique, l’épopée intérieure P. 16 - L’OnU face au monde : le bilan
dossier P. 10 - Que se passe-t-il en Afghanistan?
point de vue
P. 8 - Facebook : sommes-nous des exhibitionnistes?
edito
P. 3 - Où sont passés nos instincts ?
LXXV Magazine 4, rue du Dragon 75006 Paris, France www.wearelxxv.fr
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rédactrice en chef Laure Wagner responsable des équipes Caroline Tixier Directeur Artistique Dorian Dawance Administrateurs/gérants Laure Wagner, Caroline Tixier, Dorian Dawance
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Journalistes Léa Samain-raimbault, Stan Coppin, Eléonore Lecointe, Pierre Plettener, Jean du Sartel, Axel Cousin, Lerna Sahincik, Olivier Abessolo, Christina Bézès-Feldmeyer, Anton-Josef Hagen, Jaś Jegliński, Thibaut Bauer Grandjean, Aurélien Hubert, Cécile Carpentier, Constantin Yvert, Laure Wagner, Tatiana nagorna, Quentin Touchard, Alexander Barclay, Marie-Blanche Paumier, Arnaud Héry, Lucie L’Hôpital, Hortense Foillard, Pierre-Ingvar Mougenot, François Vincent, Charles Linel, Marie Grégori, Edina Ettig, Camille Yvert
Illustrateurs � photographes Coline Brun-naujalis, Dorian Dawance, Camille Yvert, Christelle Sipolis, Lisa Boudet, Thomas Goisque, Hortense Foillard, Constantin Yvert, Pierre-Ingvar Mougenot, Jean du Sartel
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Comité de lecture rapproché Catherine Dawance, Aude Aït Kaci Ali a également participé à ce numéro Jana Svagr
le magazine lxxv est édité par l’association loi 1901 lxxv soixante-quinze, siège social : 34 rue saint-placide 75006 Paris, le magazine décline toute responsabilité quant aux sujets et photos qui lui sont envoyés. les articles publiés n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. reproduction interdite
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sommaire
europe
Le vote suisse contre les minarets - P.24 Loi anti-blasphème en Irlande - P.25 Les lendemains du communisme en Pologne - P.26 Gordon Brown, et après ? - P.27 Le Service Volontaire Européen - P.28
en vogue Vanités, quand la mort inspire l’artiste - P.29
litterature
L’économiste et la vraie vie - P.30 Meetic au cimetière en Suède - P.30 L’iréel de l’Est - P.31 Une vieille Maîtresse - P.31
france
L’instinct de survie - P.32 Une rupture somme toute classique - P.33
photos
Collection maladive - P.34
societe nessia Tova ! - P.40 «Et vous, ça fait combien de temps?» - P.41 How to survive an ecologist attack - P.42
cinema Jacques Tourneur et la naissance des films d’épouvante - P.43 Yes He Cannes - P.44 Critiques - P.46
musique
Art scénique et musique : l’envers du décor - P.48 Bonaparte : nouvel empereur d’un son - P.50 Critiques - P.51
tendances
L’érotisme au service du style - P.52 nos heures propices - P.53
sorties
Les bons plans LXXV - P.54
lxxv x palais de tokyo
LXXV se dévoile au Palais de Tokyo - P.55
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point de vue
Faceboo k : Somm es-no
PAR CAMILLE YVERT
us des exhibitionnisteS ?
Si Facebook rassemble 350 millions d’utilisateurs, il n’en est pas moins le premier réseau social en ligne. Qu’est-ce qui différencie alors Facebook au point d’être le leader incontesté du marché ? La propagation spectaculaire de Facebook peut, dans un premier temps, s’expliquer par le fait que le site Internet s’adressait, à l’origine, à une génération qui était en confiance avec la webosphère. Facebook invite donc ses utilisateurs à révéler leur véritable identité ainsi que des renseignements sur leur vie privée. Cet attrait de la population pour Facebook laisse sous-entendre que nous sommes prêts à faire tomber dans le domaine public de nombreuses informations. Esprit bien façonné de la génération consumériste ou exhibitionnisme primaire ? Si Facebook n’utilise pas de pseudonyme, il ne se gêne pas non plus pour dévoiler religion, statuts amoureux, ou encore opinion politique. Chacun peut à sa guise ajouter de nouvelles informations : vidéos, photos, statuts etc. C’est ce fonctionnement de « mini blogging » qui a fait de Facebook le deuxième site le plus vu au monde, après Google. En effet, parallèlement à l’explosion des blogs, Facebook a fait sa révolution sur le Web. Mais, cette manière de se présenter aux autres n’est-elle pas légèrement idéalisée ? Après s’être rendu compte, grâce à la télé-réalité, que la vie des autres pouvait intéresser, Facebook est venu leur donner la possibilité de tester leur pouvoir d’attraction. Ainsi, on peut aisément s’improviser fan d’un lieu dans lequel on n’est jamais allé, ou encore participer à un événement auquel on ne se rendra pas. C’est ce pouvoir de se créer une vie qui fait de Facebook un réseau social particulièrement attrayant. Chaque individu est alors à même de se montrer sous son meilleur jour ou tel qu’il souhaiterait apparaître aux autres.
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point de vue Une fois son profil créé à son goût, il est alors possible de tester sa «popularité». Comme l’admettent souvent les 12-18 ans : «Facebook est également un concours», le concours de celui qui aura le plus d’amis, le plus de messages sur son Wall, le plus d’évènements, bref le concours de celui qui aura la vie la plus « active », la plus « mondaine ». Tous ces comportements irrationnels et inimaginables dans la réalité semblent alors légitimés par le fait qu’ils ont lieu sur Internet. Par ailleurs, si l’engouement pour Facebook est venu accompagner la banalisation de la télé-réalité, doit-on penser qu’il doit également son succès à notre intérêt pour le voyeurisme ? Ou agissons-nous seulement par besoin de réalité ? Cependant, rassurezvous, le site de Mark Zuckerberg doit encore faire face à quelques réfractaires du syndrome Facebook. Peur des représailles et volonté de se montrer différents viennent changer la donne. Quoi qu’il en soit, Facebook fait maintenant partie de notre vie sociale. On peut alors s’interroger sur l’avenir du réseau. Va-t-il s’effondrer sous le poids de la concurrence ? Les fonctionnalités de Twitter étant différentes et son utilisation n’empêchant pas celle de Facebook, on peut alors aisément prévoir un développement des réseaux sociaux spécialisés comme Modepass (réseau mode) ou Linkedin (réseau professionnel). Ainsi, Facebook continue pour le moment son ascension fulgurante paisiblement, ce qui laisse encore un bel avenir à l’irrésistible question : « T’es sur Facebook ? ». 9
dossier
Photos de Thomas Goisque Photographe indépendant pour la presse magazine (www.thomasgoisque-photos.com)
Que se passe-t-il en Afghanistan ? Dossier réalisé par Laure Wagner
A la suite de l’effondrement des tours jumelles du World Trade Center, les Etats-Unis lancèrent, en octobre 2001, l’opération « Enduring Freedom » -liberté immuable- en Afghanistan, pour défaire les talibans et capturer Ben Laden, identifié comme l’instigateur des attentats. Sous l’égide de l’OTAN, une force internationale d’assistance et de sécurité (ISAF), mandatée par l’ONU, est créée en décembre, afin d’assurer la sécurité du pays et l’autorité afghane face aux talibans. La France participe à cette guerre sous le commandement des Etats-Unis, dans le cadre de l’opération « Enduring Freedom » et sous le commandement de l’OTAN, en envoyant ses soldats dans les rangs de l’ISAF. Aujourd’hui, cette guerre dure depuis plus de huit ans et l’issue est de moins en moins certaine.
Les forces en présence La guerre en Afghanistan, c’est 70 000 soldats mobilisés et 44 pays engagés dans les rangs d’une coalition dirigée par les Etats-Unis. L’Armée nationale afghane (ANA) fut créée, avec l’aide de l’OTAN, au début de l’année 2002. Elle comprend 80 000 hommes, mais seulement quelques 50 000 sont opérationnels et la plupart des soldats doivent encore être formés. L’ANA est donc, à ce jour, incapable d’opérer seule face aux talibans. Face à l’ANA et aux forces étrangères : les talibans. Aux commandes du pays entre 1997 et 2001, ces fondamentalistes musulmans, opposés au modèle occidental, constituent des petits groupes armés -comprenant entre cinq et cinquante hommes- et pratiquent la guérilla sur tout le territoire afghan. Après avoir été chassés du pays par les forces étrangères en 2001, ils ont repris le contrôle de certaines régions du sud et de l’est de l’Afghanistan. Repliés dans la campagne profonde et très souvent cachés derrière des habits civils, ils sont très difficiles à repérer et il n’est donc pas possible d’avoir une estimation exacte de leur nombre. C’est donc un conflit asymétrique, dans lequel chaque force joue un rôle qui lui est propre : les forces étrangères veulent rétablir la paix et assurer la sécurité du pays, les talibans veulent mettre en péril les forces étrangères, pour les chasser du pays, et l’Armée nationale afghane cherche d’abord à gagner son autonomie militaire lors des opérations, afin de reprendre la situation en main.
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dossier
Du côté français 3800 soldats français sont mobilisés dans le conflit afghan : soit un dixième des soldats français déployés dans le monde et un centième du personnel militaire français en activité. La participation française au conflit afghan est répartie en différentes opérations : - l’opération Héraklès concerne les composantes aériennes et navales, elles sont déployées sur le territoire afghan et dans les pays limitrophes, ainsi que sur l’océan Indien - l’opération Epidote est consacrée à l’entraînement et à la formation de l’armée afghane - l’opération Arès (juillet 2003 décembre 2006) fut menée en coordination avec les Etats-Unis dans le cadre de l’opération « Enduring Freedom », par un contingent de 200 soldats du Commandement des opérations spéciales, dans la région de Spin Boldak (sud du pays) - l’opération Pamir regroupe la plus importante proportion de soldats français, dans le cadre de la participation française à l’ISAF, depuis le 1er novembre 2009, elle déploie la plupart de ses unités dans la plaine de Kapisa (située à l’est de Kaboul, cette plaine constitue une zone de passage pour les talibans entre le Pakistan et l’Afghanistan)
Les missions La principale mission des forces étrangères consiste à veiller au maintien de la paix et de la sécurité sur le territoire afghan. C'est avant tout un travail d’observation. Le reporter Géraud Burin des Roziers raconte : « il faut en permanence observer, épier, déceler ». Ce travail d’observation doit permettre d’assurer la sécurité de la population, en repérant les lieux sécurisés, et de rechercher les talibans (qui ne se montrent pas et restent cachés), en patrouillant dans les villages et en se renseignant auprès de la population. « La recherche de renseignements est un élément très important de cette guerre », selon Géraud Burin des Roziers. En effet, il est impossible de concevoir une opération contre des talibans sans avoir, au préalable, suffisamment de renseignements sur leur nombre ou sur leur localisation. Les forces étrangères participent, ensuite, aux opérations de combat. Les grosses opérations sont préparées en avance et regroupent plusieurs forces armées. Elles sont la plupart du temps commandées par l’armée américaine : c’est le cas de l’opération Mushtarak (en cours depuis le 13 février dans la province d’Helmland, au sud du pays) qui est menée par l’ANA et les forces américaines et britanniques principalement. Mais certaines opérations peuvent aussi être préparées et commandées par d’autres forces étrangères : ce fut le cas de l’opération Dinner Out qui fut menée par les forces françaises du groupement tactique interarmes de Kapisa en mars 2009 (composé alors des unités du 27 bataillon de chasseurs alpins), avec, à ses côtés, l’ANA et avec le soutien des américains. Cette opération permis de récupérer la vallée d’Alasaï qui était sous le contrôle des Talibans. Les soldats de la coalition ont également la mission de former l’Armée nationale afghane, afin qu’elle soit en mesure de combattre les talibans et qu’elle devienne autonome. Le but étant d’arriver, à terme, à une « afghanisation de la guerre ». Cette formation passe par la mise en place d’équipes de liaison et de mentors opérationnels : les OMLT (Operation Mentoring & Liaison Team) regroupant des soldats directement intégrés dans les rangs de l’armée afghane et participant aux opérations militaires, à ses côtés. Mais l’objectif de formation est loin d’être atteint et les désertions sont très nombreuses : « Un soldat de l’armée afghane est payé 4 dollars par jour, tandis qu’un insurgé gagne 8 dollars par jour. Donc, il arrive souvent que des soldats de l’ANA partent chez les talibans, une fois qu’ils ont été formés par les armés étrangères, parce qu’ils sont mieux payés », explique Géraud Burin des Roziers. Enfin, les soldats effectuent des « actions civilo-militaires » : les CIMIC (Civil Military Cooperation) qui doivent apporter un début de confort à la population afghane. Les CIMIC concernent principalement la distribution de vivres et l’assistance médicale gratuite, elles peuvent également englober la construction de routes ou d’écoles. En créant une forme de contact avec la population afghane, les actions civilo-militaires doivent permettre aux forces étrangères d’avoir une image favorable auprès de cette population et de recueillir son assentiment. Or le soutien de la population afghane représente un atout non négligeable dans cette guerre pas comme les autres. 11
dossier Sylvain Tesson Ecrivain et grand voyageur, il est l’auteur de récits de voyages, de nouvelles et de romans. Ses voyages l’ont porté dans de nombreux pays, mais son lieu de prédilection reste l’Asie centrale. Réalisé avec le photographe Thomas Goisque et le dessinateur Bertrand de Miollis, son dernier livre, Haute tension, retrace leur expérience en Kapisa, avec les chasseurs alpins du 27ème bataillon qu’ils ont côtoyé pendant plusieurs semaines. Propos recueillis par L.W.
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La guerre est un moyen d’atteindre la vérité humaine
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Haute Tension, Des chasseurs alpins en Afghanistan, de Sylvain Tesson, Thomas Goisque et Bertrand de Miollis, Gallimard, octobre 2009, 141 p.
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LXXV : Quelles sont les raisons qui vous ont poussé à faire ce voyage et à écrire ce livre ? S.T. : Il y en a trois. Tout d’abord, je suis quelqu’un que la proximité avec le danger (ou la mort) intrigue. C’est donc le fait de partir dans un pays en guerre, d’observer cette « machine à décaper » et le comportement des hommes face au danger qui m’ont attiré. Ensuite, j’avais envie de faire de la littérature avec des hommes, et pas seulement avec des paysages cette fois-ci. Enfin, la dernière raison qui est en fait la plus importante, c’est que je suis fan de ce pays. J’avais déjà eu l’occasion de voyager en Afghanistan, mais c’était la première fois que je m’y rendais dans des circonstances dangereuses. LXXV : Comment cette guerre est-elle perçue par les soldats français ? S. T. : La guerre en Afghanistan est difficile à appréhender pour les soldats français pour deux raisons. D’abord, parce que c’est un conflit d’un genre nouveau auquel l’armée française n’est pas habituée : un conflit asymétrique dans lequel les deux camps n’ont pas les mêmes moyens, les même objectifs, les mêmes modes opératoires, ni la même culture de guerre. Puis, surtout parce que les français ne partagent pas le même jugement de ce conflit que les américains (à la tête de la coalition). Les Etats-Unis voit la guerre en Afghanistan comme une guerre humanitaire, dans laquelle l’ennemi n’est plus un adversaire mais un coupable ; tandis que pour les Français, il n’y a pas de moralisation du conflit : il s’agit toujours de gagner un territoire sur un ennemi. LXXV : Qu’est ce qui vous a le plus marqué pendant votre expérience en Kapisa ? S. T. : Le comportement des hommes face au danger et à la mort. Dans un contexte de guerre, l’homme se déshabille, de telle sorte qu’il est amené à libérer son intériorité plus rapidement qu’en temps normal. La guerre est donc révélatrice de la nature humaine, et je pense qu’elle est un moyen d’atteindre la vérité humaine. Les comportements sont exacerbés : la gentillesse individuelle est effacée par la folie collective. Il n’est plus question d’apparence, chacun est amené à révéler sa nature profonde.
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Propos recueillis par L.W. LXXV : Quel était l’objectif de ce documentaire ? G.B.R. : Mon objectif était de rendre compte de la réalité de la guerre en Afghanistan, en racontant les combats depuis l’intérieur et en révélant le quotidien des soldats du 27ème BCA. Le but était de raconter cette guerre de la façon dont elle vécue par les soldats, afin que les téléspectateurs puissent (en quelque sorte) vivre leur vie le temps du film. Il ne s’agissait pas de faire du « scoop », mais un travail de recherche. Dans cette optique, j’ai participé à toutes les opérations et à chaque débriefing pendant deux mois et demi ; ce qui m’a permis de partager avec eux certains des moments les plus durs et de ressentir en même temps qu’eux le courage ou l’appréhension lors de ces moments.
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Dans cette guerre, on est acteur malgré soi
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Géraud Burin des Roziers Reporter de guerre indépendant, il a rejoint la société de production Ligne de Front en 2004, pour laquelle il réalise de nombreux reportages et documentaires sur des thèmes très variés. Cet ancien militaire a suivi les soldats du 27ème bataillon de chasseurs alpins, depuis leur préparation à Annecy jusqu’au cœur des combats en Kapisa, pendant dix mois, afin de réaliser le documentaire « Papa part à la guerre » pour l’émission Zone Interdite sur M6.
LXXV : Comment était organisée l’Unité de chasseurs alpins du 27ème BCA ? G.B.R. : Les soldats étaient tous volontaires pour effectuer cette mission en Kapisa. Ils avaient entre 20 et 45 ans. La hiérarchie est fixée selon une chaîne allant du chef (le colonel Le Nen) jusqu’aux soldats. C’est le chef qui prend les décisions et qui donne les ordres. Le succès comme l’échec d’une opération dépendent donc du chef, mais aussi des soldats qui doivent respecter les règles. Parallèlement à cette hiérarchie, la cohésion du groupe est nécessaire face au risque et face aux talibans tout particulièrement. Enfin, la solidarité entre les soldats est également très importante. J’ai pu le remarquer quand les soldats sont allés jusque chez l’ennemi pour récupérer le cadavre d’un de leurs camarades, mort lors de la bataille d’Alasaï. LXXV : Quelles ont été vos impressions sur place ? G.B.R. : Quand on fait du reportage de guerre, l’immersion complète est impossible car deux camps sont en opposition et chacun veut défaire l’autre. La recherche de renseignement étant un des éléments essentiels de cette guerre, il faut choisir un camp et y rester pour ne pas mettre en danger les membres de son camp. Il faut également veiller à toujours être prudent et à faire attention à ne pas se faire capturer par l’ennemi. Dans cette guerre, on est donc acteur malgré soi, car les règles ne sont plus les mêmes, il n’y a plus d’exigence de neutralité qui tienne.
« Papa part à la guerre, D’Annecy à Kaboul, 10 mois avec les soldats français et leurs familles », de Géraud Burin des Roziers, Ligne de Front, diffusé sur M6, dans l’émission Zone Interdite, en mai et en juillet 2009 (5 millions de téléspectateurs)
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Mexique, , l’epopee interieure PAR ConsTAnTIn YVERT
L’idée que nous nous faisons des Mexicains est bien souvent réductrice : une bande de joyeux fêtards qui siestent toute la journée sous leurs sombreros de paille, un verre de tequila à la main et le sourire radieux sous la moustache. Et si derrière cette apparente jovialité se cachait une réalité beaucoup plus sombre ?
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« Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. A l’inverse, c’est de l’isolement que meurent les civilisations » nous rappelait Octavio Paz, prix nobel de littérature en 1990, dans Le Labyrinthe de la solitude (1950). C’est en arrivant au Mexique le 28 juillet 2008 que j’ai appris à confronter la mienne à celle des Mexicains, attitude rigoureusement maintenue pendant tout mon séjour dans le plus grand pays d’Amérique Centrale. Dans cette interaction, la civilisation mexicaine est venue à moi, par couches de couleurs et de sons, dans une soumission constante au regard différent que je posais sur elle. Mon vagabondage de dix mois dans ce pays né du divorce de Moctezuma et Cortès pourrait se résumer à une seule tentative (parmi tant d’autres) : la déconstruction progressive d’une contrée imaginaire qui s’est petit à petit donnée à moi dans sa réalité insaisissable, mélange énigmatique de violence et de résignation, de rejet radical et d’asservissement. Car, au fond, le Mexique ce n’est pas la tequila, les mariachis (dont on ne connaît toujours pas l’origine exacte, ne serait-ce que sémantique) ou les tortillas : ils sont de plus en plus nombreux à leurs préférer le rhum, la musique électronique ou les hamburgers. Et surtout ce n’est pas une « culture », c’est une « civilisation », c’est à dire une nation toujours en devenir, dont les pas foulent la voie de la rédemption d’un passé houleux. Et l’hydre à deux têtes qui porte sur ses épaules cette histoire écorchée et toujours en suspens, c’est le Mexicain ; lui, dont l’identité est si récente, doit-il choisir entre ses traditions indigènes et son passé colonial ? Doit-il en exclure une, ou tout simplement les dépasser de manière groupée ?
Tag sur un mur dans la ville de oaxaca (sud du Mexique) : « Le peuple uni, jamais ne sera vaincu »
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Car le problème principal du Mexique d’aujourd’hui, c’est d’abord celui de son identité. Cette difficulté à se trouver emboîte le pas à tous les autres obstacles auxquels il doit faire face : trafic de drogue, démocratie corrompue, exclusion des populations indigènes et relations conflictuelles avec les Etats-Unis. Le Mexicain, ce serait l’inconnue x appliquée à une équation historique complexe et souvent indéchiffrable. Certains ont pourtant cherché à la résoudre, notamment Octavio Paz dans Le Labyrinthe de la solitude, ouvrage célèbre qui tenta une première définition de la « méxicanité ». Malgré tout, mes nombreux voyages Combattants zapatistes dans une à travers une terre grande comme quatre fois la France ont révélé la province du Chiapas (Sud du Mexique) quasi impossibilité de cerner ce sentiment d’appartenance collectif. Patriotes, les Mexicains le sont sans l’ombre d’un doute – parfois même à l’excès, au point d’être atteints d’une cécité farouche. Mais, au-delà de quelques symboles unificateurs, relevant le plus souvent de la fiction, (la vierge de Guadalupe, la Llorona ou le football), leurs témoignages en disent long sur les différentes appréciations qu’ils peuvent avoir de leur pays : « Les mayas ont toujours été dans le vrai. Le 21 décembre 2012, le monde que nous connaissons s’éclipsera pour permettre la renaissance d’un autre, plus juste », « La situation actuelle du pays, c’est uniquement la faute des gringos (les Américains en langage péjoratif), ils nous volent nos terres et notre misère est cadenassée par leurs intérêts impérialistes », « Ici, tout est gangrené par le trafic de drogue ou la corruption, le président est un lâche ! On ferait mieux de tous se barrer aux Etats-Unis avant que ça pète ». Ces témoignages ont été récoltés au cours de discussions (parfois houleuses) avec des camarades de l’université. Leur étonnante diversité frappe d’autant plus qu’ils appartiennent tous au même milieu social et à la même zone géographique : à savoir l’extrême nord du pays, à quelques kilomètres de la frontière. Je vous laisse imaginer le discours que pourrait tenir un paysan du Chiapas (région paysanne et indigène située au sud du Mexique) ou un citadin emmuré dans la capitale tentaculaire ! Le Mexique est là, dans sa multiplicité à la fois vindicative et fragile ; et la faute retombe toujours sur quelqu’un qui n’est pas soi… Pour toutes ces raisons, et dans un même mouvement collectif, on préfère alors adhérer à un pays rêvé, un Eldorado intemporel, pour se protéger contre les ignominies du présent. Le machisme, la corruption, la soumission, on les ignore au profit de Dieu, des révolutionnaires Villa et Zapata (c.f. photo) -dont les slogans résonnent encore dans les ruelles des villages pauvres- ou de Jésus Malverde (leur « robin des Bois », héros des pauvres et des trafiquants, un « Zorro » à la gâchette facile dont la véracité historique n’a jamais été certifiée). Le Mexicain me fait souvent penser à ce cadre moyen qui rentrerait chez lui le soir, en vociférant devant sa femme : « Ah ! Tu aurais dû me voir au bureau aujourd’hui, je lui ai montré à ce petit monde qui je suis moi, et tu aurais dû voir la tête du patron quand je lui ai fermé le clapet ! » ; mais qui s’assiérait derrière son bureau tous les jours pour exécuter les ordres sans broncher, en baissant la tête. Cette incapacité à la révolte est au cœur de la violence mexicaine, d’autant plus forte parce qu’elle est très souvent tue ou masquée. Zorro portait un masque, mais c’était d’abord pour rétablir la justice. Ce processus complexe de glorification à outrance du passé et des mythes mexicains invite, dès lors, à la perplexité. Une attitude qui inspira à Carlos Fuentes une sentence sans appel : « La mémoire est le désir satisfait » (La mort d’Artemio Cruz, 1966). Ainsi se présente, dans ses grandes lignes, un des paradoxes fondamentaux du Mexique contemporain : moins son identité est marquée, plus son patriotisme est fort. Celui-ci, dans son exagération même et du fait qu’il repose sur des éléments essentiellement irrationnels, explique la fragilité de l’identité mexicaine. La construction de la nation dans ce pays aux traditions anciennes, loin d’avoir été achevée par la révolution de 1910 qui en a jeté les bases dans la fureur et le sang, est encore à poursuivre. Mais par où commencer ? Octavio Paz nous confiait que « la solitude est le fond ultime de la condition humaine ; l’homme est l’unique être qui se sente seul et qui cherche l’autre » dans Le Labyrinthe de la solitude. Avant de glorifier les grandes icônes d’un pays finalement récent à l’échelle de l’Histoire, afin de marcher la tête haute pour regagner sa dignité passée et pour apporter à son pays toutes les réformes qui lui sont nécessaires, le Mexicain ne devrait pas se lamenter interminablement sur les aventures d’autrefois ; il doit d’abord réussir son épopée intérieure.
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PAR CéCILE CARPEnTIER
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somalie, Tchad, Cote d'ivoire, Rwanda, Kosovo, Afghanistan, Liban, Tchétchénie et haïti aujourd'hui. Aux vues des plaies qui déchirent notre monde, que dire de l'action de l'onu, après 65 ans au service de la paix et de la sécurité ?
L'ONU face au monde : le bilan
Le système onusien, c'est 61 000 fonctionnaires et un budget de 1000 millions de dollars pour résoudre les conflits par le désarmement et la détente, et pour la défense des droits de l'homme et de l'environnement. Si l'âge d'or de ce système de protection collectif -formé aujourd'hui par 192 pays- se situe dans la période d'après guerre mondiale, l'OnU n'a pas toujours été la « solution miracle » à tous les drames internationaux. Après des succès évidents jusqu'à la guerre froide et un prix nobel décerné en 1988, l'OnU connaît depuis les années 90 une phase de remise en question. Pour maintenir des actions cruciales telles que l'amélioration du sort de la planète et des hommes, la lutte contre le terrorisme, la protection des enfants ou la lutte contre le sida, il a fallu redéfinir des objectifs clairs. Il s'agissait de revenir aux sources de l'OnU et même de son ancêtre, la Société des nations (SDn), avec la mise en place d'un Agenda pour la paix, en 1992, par le secrétaire général de l'époque: Boutros Boutros-Ghali. Car, si aucun conflit généralisé ne s'est déclaré depuis 1945, il faut relativiser l'action de l'OnU au regard de la situation actuelle. La mondialisation entre autres, a participé au creusement du fossé entre pays riches et pauvres, et les conflits locaux -notamment ethniques et religieux- se sont multipliés. L'OnU n'est donc plus en mesure de régler toutes les difficultés du monde. Il faut noter également l'action de plus en plus importante et individuelle des pays riches et en premier lieu celle des Etats-Unis qui disposent d'une force de persuasion et de moyens égaux si ce n'est supérieurs à ceux l'OnU pour mettre fin aux crises nouvelles. Ainsi, à la suite des attentats du 11 septembre, le régime taliban est tombé sous la présidence de G.W. Bush, les stars de Hollywood ont alerté le monde sur la situation au Darfour, et en Haïti, on a davantage parlé de l'aide de l’Eglise de Scientologie que de celle de l'OnU. De m�me, les organisations internationales régionales répondent mieux à l'impérieuse nécessité des états puisqu'elles sont, par définition, plus proches et donc plus à même de comprendre le conflit et de le gérer de l'intérieur. Pour autant, l'OnU n'est pas devenue inutile, bien entendu, mais il apparaît qu'elle est plus apte à former des régimes à la démocratie, à lutter contre la faim ou à combattre le réchauffement climatique qu'à s'immiscer entre les grandes puissances pour résoudre des conflits sanglants et sans issue. C’est donc un défi pour l’OnU que de s’adapter aux grandes puissance, par un partage des responsabilité ou par une redéfinition de ses actions pour plus d’efficacité ; et ce d’autant plus si l’Europe réussit le pari de former une union politique.
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À vos marques, pieds, partez ! Par Marie Grégori
L'été se rapproche, il est temps de faire un topo. Talons, sandales, baskets… Il y en aura pour tous les goûts !
On quitte ses après-ski et ses bottes de pluie, l’été arrive à grands pas (bon ok, pas si grands que ça les pas… mais il arrive). On se lâche et on ose. Consignes : esprit vintage et soucis du détail. Le top du top pour 2010 ? Le talon très haut (à nous les jambes d’Adriana !). Nude, multicolore, flashy ; du velours, des strass, du vernis, du cuir, du (faux) croco… Tout est bon à prendre. Bien entendu le sabot est remis au goût du jour (merci Karl !). On aime les sandales à pompons ou à boucles et quelques clous ou zips pour parfaire nos souliers. Pour la hauteur, sans douleur on misera sur les plateformes. Pas de panique pour les adeptes du plat : les spartiates ne nous ont jamais vraiment quittées et on ressortira même nos chaussures de Pocahontas, histoire de donner le ton. Fans des sneakers, on ne vous oublie pas : misez sur le mélange de motifs et de couleurs. Quitte à avoir des baskets, autant qu’elles sortent du lot, non ? Pour éviter d’avoir les mêmes chaussures que tout le monde, on fouine, on farfouille. L’esprit vintage est parfait pour ça ! Friperies ou minuscules magasins dans une rue paumée, on met toutes les chances de notre côté pour se démarquer. Le grenier de mamie peut être pas mal, à condition de revisiter un peu ses trouvailles… Perchées sur des échasses ou à plat, l’important c’est d’être bien dans ses pompes !
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europe
Par Anton-Josef Hagen
Le vote suisse contre les minarets : quelles leçons pour l’Europe ? Le vote suisse du 29 novembre dernier, interdisant la construction de tout minaret sur le territoire, a choqué. Pourquoi une proposition discriminatoire a-telle reçu le soutien populaire ? Le résultat de ce vote est-il un phénomène purement suisse, ou européen? Quelles leçons l’Europe peut-elle tirer de ce vote? 57% de l’électorat suisse a voté pour l’initiative contre les minarets. Personne n’avait prévu ce résultat. Les sondages ne prévoyaient qu’un soutien de 37 % (53% contre, et 10% d’incertains), les hommes politiques ne prenaient pas sérieusement les craintes révélées par cette initiative, et le comité de soutien (à l’origine de l’initiative) doutait du succès. S’agit-il d’une surprise ? Une analyse montre qu’il y avait des facteurs indiquant un pareil résultat. Les raisons de ce succès en Suisse sont complétées par des facteurs similaires à l’échelle européenne. Mais les réactions des pays voisins ne doivent pas être généralisées. L’initiative a réveillé chez le peuple suisse des peurs de notre malheureux Zeitgeist (notre esprit de temps) : selon le président du comité de soutien, il s’agissait d’arrêter « l’islamisation de la Suisse ». Mais les chiffres ne le soutiennent pas. La Suisse compte environ 400 000 musulmans, ce qui représente 5% de la population nationale, et les trois quart d’entre eux sont d’origine européene. Seulement 40 000 sont pratiquants. Enfin, sur les quelques 150 mosquées et chambres de prières du pays, seulement quatre possèdent des minarets. Or, ce sont les minarets, et pas les mosquées que l’initiative a interdits. Lors de la demande de construction du quatrième minaret en 2005 à Wangen (dans le canton de Soleure), la population locale a voulu s’y opposer, sans issue. La controverse locale est devenue nationale : l’Union Démocratique du Centre (UDC, parti de droite malgré son nom) a commencé la rhétorique populiste à l’échelle nationale, en annonçant le lancement d’une initiative populaire. Un choix binaire fut présenté au peuple : soit accepter la misogynie et les châtiments cruels au nom de l’Islam, soit garder un pays chrétien. Très rarement on a entendu une attaque sur les minarets eux-mêmes, le Ministre de la Justice disait que le vote serait un « proxy pour des peurs d’une islamisation ». En tout cas, il parait peu probable que les peurs adressées par le comité d’initiative soient annihilées par l’interdiction de construire des minarets : au contraire, une telle interdiction pourrait aggraver le statu quo. De plus, selon les politiciens et les experts de droit, il s’agit d’une initiative discriminatoire et incompatible avec le droit international. Toutefois, devant un choix binaire et un gouvernement peu enthousiaste à mener une campagne comparable à celle du comité, les indécis et certains électeurs qui ont dissimulé leur volonté lors des sondages se sont révélés essentiels pour remporter le vote contre les minarets. La presse internationale, ainsi que pléthore d’organisations internationales, ont vite condamné la Suisse et son électorat. En Europe, les médias ont démontré que leurs propres populations auraient fait le même choix que la Suisse, parfois même avec une majorité plus importante. Le choix suisse n’est donc pas isolé, il semble qu’il y ait en effet une vague de peur au niveau européen. Quant aux politiciens, leurs réactions étaient plus équivoques. Le Ministre de l’Intérieur italien a soutenu la décision suisse, tout en songeant à un vote identique en Italie. Par contre, bien que la majorité des français semble soutenir la décision suisse, le gouvernement s’engage sur un chemin plus ambigu. D’un côté, Bernard Kouchner, Ministre des Affaires étrangères, a exprimé son désir que le vote soit « refait », considéré comme étant intolérant ; mais, d’un autre côté, le Président Nicolas Sarkozy a lancé un débat sur « l’identité nationale » qui a provoqué de nombreuses polémiques tout en laissant de côté d’autres problèmes plus actuels… 24
europe L’île d’Erin était dans tous les esprits en ce début d'année 2010. Mais quelle en était la raison? La victoire à un match de rugby, de football, ou plutôt l'adoption incongrue et choquante d'une loi anti-blasphème? C'est avec fracas que la presse, tant irlandaise qu'étrangère, a accueilli la nouvelle, dans le contexte d'une Europe marquée par un retour prononcé de l'intolérance de la critique des religions. Entrée en vigueur le 1er janvier 2010, ce nouveau texte de loi fait du blasphème une infraction et le rend passible d'une amende pouvant aller jusqu'à 25 000 euros. Introduite par le Ministre de la Justice irlandais, Dermot Ahern, et votée par le Parlement dans le cadre du « Defamation Act », cette loi porte amendement de la législation de 1961 contre la diffamation. Originairement présente dans la Constitution de 1937, cette intolérance à l’égard du blasphème n’était pas effective, faute de loi. Dermot Ahern a souhaité y remédier en précisant que, selon cette Constitution, toute « publication ou déclaration de nature blasphématoire, séditieuse ou indécente est un délit punissable par la loi ». La lettre de la nouvelle loi est néanmoins très vague et sujette à une large interprétation. Le blasphémateur est celui qui « publie ou profère des propos grossiers ou insultants envers toute religion : des propos susceptibles de provoquer la colère d'un nombre important de croyants de cette religion, et […] qui a l'intention, par la publication ou l'expression de tels propos, de provoquer ce genre d'indignation ». Michael Nugent, cofondateur de Atheist Ireland, une association pour une Irlande athée, a très vivement réagi. Il condamne l’adoption de cette loi qu’il juge « injuste ». Selon lui, les lois anti-blasphème « imposent le silence à des personnes dans le but de protéger certaines idées. Dans une société civilisée, les gens ont le droit d'exprimer et d'entendre des idées sur la religion, même si d'autres personnes les trouvent scandaleuses. ». Défendant une Irlande démocratique, ouverte et laïque, cette association a publié sur son site une liste de 25 citations pouvant être jugées blasphématoires, citations de « personnalités » marquantes telles que Jésus ou encore Benoît XVI. Octroyant une certaine marge d’interprétation au juge qui pourrait faire preuve d’indulgence à l’égard de propos qui ont une valeur « littéraire, artistique, politique, scientifique ou académique », cette loi est jugée stupide et dangereuse, car elle marque un retour à des valeurs dépassées. Membre de la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH), l’Irlande fait le choix d’une restriction de la liberté d’expression en adoptant une loi scandaleuse dans son fondement. Pour le Ministre de la Justice, Dermot Ahern, « cette loi devenait indispensable dans notre pays qui connaît une forte immigration, accompagnée de religions diverses, alors que la Constitution datant de 1936 n’assurait une protection juridique qu’aux croyances des Chrétiens ». A l’heure où des Etats islamiques, guidés par le Pakistan, souhaitent que l’ONU adopte une telle réglementation garantissant la condamnation du blasphème, la loi irlandaise pourrait bien être le « cheval de Troie » face à la résistance des pays démocratiques.
PAR Lerna Sahincik
Loi antiblasphème en Irlande: quelles inquiétudes? Reflet d’une société très « catho », cette loi n’est pourtant pas une nouveauté...
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PAR JAŚ JEgLIŃsKI
Les lendemains du communisme en Pologne
europe
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La fin des années 1980 apporte un bouleversement géopolitique dans le monde entier. Le Rideau de Fer tombe et c’est une nouvelle page de l’histoire qui se tourne. C’est la période post-communiste, de « décommunisation », c'est-à-dire de délégitimation de l’ancien régime.
En ex-république Démocratique d'Allemagne (rDA), la structure sur laquelle reposait l’Etat était la STASI (Staatssicherheitsdienst), c’est elle qui s’occupait de la répression. En 1989, la Stasi est abolie et son chef, Erich Mielke, fut arrêté, les actes des opérations (180 km d’actes) ont été rendus publics, mais la plupart de leurs agents n’ont pas été jugés. En Pologne, la situation est loin de changer. Les communistes veulent absolument garder le pouvoir, mais ils sont finalement contraints à négocier avec l’opposition qui monte en puissance. Le 6 février 1989, commencent, à Varsovie, les négociations de la table ronde : les communistes doivent partager le pouvoir. C’est Lech Wałęsa, le leader du syndicat Solidarność, qui désigne les personnes qui participent à ces négociations, en omettant certains opposants. Mais, le régime commence à ne plus vouloir négocier, ce qui créé une impasse dans les négociations. En conséquence, les négociations furent très dures et les communistes cédèrent peu ; ils conclurent finalement que le parti communiste conserverait la majorité des voix lors des prochaines élections. Lors des élections du 4 juin 1989, les communistes se voient infliger une grande défaite, mais, paradoxalement, ils conservent la majorité, et ce sont eux qui désignent le Général Wojciech Jaruzelski en tant que Président. Les manœuvres entreprises par le parti visent à donner le moins d’importance possible à l’opposition. Après des protestations, le régime doit céder face l’appui dont bénéficie l’opposition, et c’est Tadeusz Mazowiecki (membre de l’opposition) qui devient Premier Ministre. Ces élections sont très importantes pour les polonais, car c’est pour la première fois -depuis la deuxième guerre mondiale- qu’ils peuvent s’exprimer librement et sans avoir peur des répressions. Mais, ce pouvoir est toutefois illusoire, car les communistes conservent les ministères importants, comme celui de l’Intérieur, de la Défense et des Transports. Ces ministères (Intérieur et Défense) sont cruciaux, car ils ont conservé toutes les structures de répression de l’appareil communiste. Du ministère de l’Intérieur est issu l’équivalent de la Stasi polonaise : le bureau de la sécurité, Urząd Bezpieczeństwa, (UB), qui était chargé de la répression de l’opposition. Durant les années 1990, comme beaucoup de communistes sont toujours au pouvoir, la « décommunisation » est impossible. Les anciens agents de l’UB gardent beaucoup d’influence et sont présents, aujourd’hui encore, dans différentes sphères de la vie publique ou politique. Le problème qui surgit pendant ces années est la rupture qui se créée au sein de l’opposition. Car L. Wałęsa ne prend pas en compte tous les avis, lors des négociations, et il est partisan d’une entente avec les communistes. Les années 1990 se caractérisent donc par un chaos politique où des gouvernements d’opposition et des gouvernements « d’ex-communistes » se succèdent ; et jamais aucune reforme n’est passée pour rendre publiques les actions des communistes (considérées aujourd’hui comme des crimes contre la nation). Si une telle loi n’est jamais passée, c’est sans doute que les communistes ont obtenu de l’opposition qu’ils ne passeraient pas en jugement, lors de l’impasse durant les négociations ». D’où une division au sein du syndicat Solidarność. Chaque gouvernement qui a voulu passer une telle loi n’est pas resté longtemps au pouvoir. La conséquence de ces événements, c’est que la « décommunisation » n’a pas eu lieu, que, aujourd’hui, les gens qui étaient au pouvoir y sont toujours et que les anciennes structures communistes sont toujours présentes dans certaines administrations. Il en ressort donc un certain malaise, car, même si des jugements ont été entrepris, ils n’ont jamais abouti, les ex-communistes se sont « reconvertis » et font toujours partie des élites du pays ; ils contrôlent les médias et le business. Et actuellement, il devient de plus en plus difficile de les juger.
Gordon Brownet après ?
Par Olivier Abessolo
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Il y a trois ans, l’Ecossais Gordon Brown s’installait au 10 Downing street. Si le Premier Ministre britannique n’a jamais été un fervent défenseur d’une Europe politique, il a su dans les moments difficiles appuyer avec succès ses partenaires français et allemand. Aujourd’hui, le contexte a changé outre-manche, les travaillistes sont au plus bas dans les sondages et essuieront probablement une lourde défaite le 3 juin prochain lors des élections générales. L’arrivée des conservateurs britanniques à Downing street, ralentirat-elle un peu plus la lente marche vers l’Europe politique ? Brown, un européen pragmatique En 2007, après une décennie passée avec Tony Blair, on s’inquiétait de l’euroscepticisme à peine voilé de Gordon Brown. Il semblerait que nos inquiétudes n’aient pas été fondées. Le Premier ministre n’a aucunement mené la politique qu’il défendait en étant Chancelier de l’Echiquier. La différence avec Tony Blair, concernant la politique européenne réside, encore aujourd’hui, surtout dans le style et la présentation. Depuis trois ans, le premier ministre britannique ne s’est jamais dérobé aux attentes de ses partenaires européens. Au plus fort des crises économiques et politiques, Gordon Brown a profondément dynamisé le triangle Paris-Londres-Berlin, en se concertant régulièrement avec ses partenaires. En faisant du RoyaumeUni un pays leader, il a impulsé de nombreuses politiques. C’est ainsi que la politique de l’environnement, tout comme l’aide au développement en Afrique, a connu une progression en partie grâce à l’action du Premier ministre. Certes les Anglais n’ont pas adopté la monnaie unique sous son mandat, mais en trois ans Gordon Brown a fait bien plus qu’un petit pas pour la construction européenne. En allant jusqu’à rompre la traditionnelle entente avec les Etats-Unis sur la question irakienne, il a activement œuvré pour une Europe plus forte. David Cameron cultive une douteuse fibre européenne S’il est vrai que Brown a tout fait pour nous rassurer, il n’en demeure pas moins que le vent du changement souffle outre-manche. Avec 7 points d’avance dans les sondages, David Cameron, jeune leader des Tories, devrait l’emporter lors des prochaines élections générales. Faut-il donc s’inquiéter de l’euroscepticisme affiché de David Cameron ? La question européenne divise très largement l’électorat britannique et, en particulier, l’électorat conservateur. En Novembre dernier, David Cameron a laissé entendre qu’il s’abstiendrait de remettre en cause le récent traité de Lisbonne par référendum. Il a aussitôt été attaqué par l’aile la plus radicale de son parti qui souhaite la sortie de l’UE, et notamment par le maire de Londres, Boris Johnson, figure de proue des antieuropéens. Autre sujet de polémique : la décision de David Cameron de quitter le Parti populaire européen (PPE) au Parlement européen et de former un regroupement strictement nationaliste avec deux petits partis, l’un polonais, l’autre lituanien, tous deux accusés d’antisémitisme et de néonazisme. Enfin, le chef de file de l'opposition conservatrice, a promis que la Grande-Bretagne n’adopterait pas l'euro tant qu'il serait Premier ministre. Une attaque cordiale D’ores et déjà, des critiques à l’égard de David Cameron se font entendre. Les propos peu diplomatiques de Pierre Lellouche -qui a traité de « pathétique » la politique européenne de David Cameron- a mis en émoi toute la sphère politique britannique, et a renforcé l'ambiance de crise au sein du Parti conservateur. David Cameron n'a pas daigné répondre aux attaques de Pierre Lellouche. En revanche, malgré les apparences, les critiques du ministre français des Affaires européennes sont un atout pour David Cameron. Pour les conservateurs, c'est toujours très bien de se faire attaquer par les responsables politiques français sur la politique européenne. La majorité des anglais sont en effet persuadés que Paris cherche toujours à imposer une Europe fédérale. Du coté de Bruxelles, David Cameron semble bien décidé à freiner toute nouvelle avancée vers une Europe politique. Les difficultés rencontrées par l’économie britannique, la nécessité de concerter les politiques européennes, lui feront peut-être entendre raison, une fois au pouvoir. Une chose est sure : si les britanniques ont soif de changement, les européens risquent de se réveiller le 5 juin avec une sérieuse gueule de bois. 27
europe PAR ChRIsTInA BéZÈs-FELDMEYER
Le Service voLontaire européen : LeS JeuneS citoyenS de L’europe en action Agés de 18 à 30 ans, vous vous reconnaissez dans les valeurs de démocratie, d’échange interculturel, de solidarité et d’engagement volontaire et vous voulez vous sentir citoyen de l’Europe, alors le service Volontaire Européen (sVE) est tout indiqué pour vous.
Le SVE est un volet du Programme Européen Jeunesse en action (PEJA) qui fait partie d’un ensemble de programmes, initié et dirigé par la Commission européenne, visant à créer un espace européen pour l’éducation et la formation professionnelle. Il en existe deux types : un SVE individuel et un SVE collectif (un groupe de 2 à 100 volontaires). Les modalités et les procédures à suivre sont, en revanche, identiques. Le SVE s’adresse à des jeunes de 18 à 30 ans et leur permet de réaliser un projet d’intérêt général à l’étranger et ainsi de contribuer activement à la construction de l’Europe au quotidien. La durée du volontariat varie de 2 à 12 mois et fait l’objet d’un Contrat d’Activité entre les volontaires et les organisations d’envoi et d’accueil. Un large éventail de missions et de destinations permet à chacun de construire le projet qui lui correspond le mieux. Les activités abordent des thèmes très variés, comme l’art et la culture, la lutte contre les exclusions, le racisme et la xénophobie, l’environnement et la protection du patrimoine, pour ne citer que quelques exemples. 31 pays (27 Etats membres de l’Union européenne, ainsi que l’Islande, le Liechtenstein, la norvège et la Turquie) sont directement concernés, mais des «Partenaires voisins de l’UE» et d’«Autres pays Partenaires dans le reste du monde» font aussi partie du PEJA. Cette expérience unique en son genre, fondée sur la réciprocité de l’échange, œuvre pour la compréhension des peuples. En effet, à travers les rencontres internationales, le volontaire découvre une autre culture, une nouvelle langue. En exerçant son activité, il acquiert de multiples compétences qui l’aideront à bâtir son projet professionnel et personnel. Pour les organisations, les volontaires contribuent au développement local d’activités non lucratives, et partagent des expériences et des pratiques. Le mot Europe devient ainsi réalité ! Le SVE est totalement gratuit pour le volontaire car tous les frais (hébergement, restauration, de formation…) sont pris en charge par le PEJA et les organisateurs. Par contre, ce n’est pas un séjour linguistique, ni un travail rémunéré, encore moins un stage dans une entreprise ou une période de formation professionnelle à l’étranger. Concrètement, si vous souhaitez participer au SVE, il vous suffit, en premier lieu, de contacter une organisation d’envoi qui vous aidera à élaborer votre projet et à prendre contact avec les organisations d’accueil de votre choix. Pour toute information complémentaire : http://www.injep.fr/-Service-Volontaire-Europeen-18-25-.html Pour une Europe solidaire, soyez volontaires.
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Vanités, quand la mort inspire l’artiste
en vogue
Par AXEL COUSIN
Alors que la société fait tout pour la repousser ou la cacher, l’artiste s’empare de la mort et la remet sur le devant de la scène.
Quelques détails à connaître avant de rentrer Tout d’abord, il faut savoir ce que sont les vanités, afin, notamment, de ne pas passer pour un inculte auprès de la vieille dame à qui vous demanderez ingénument l’information. Les vanités sont un genre de nature morte qui suggère que l’existence terrestre est vide, et que la vie humaine a peu d’importance. On peut les symboliser par ces mots d’un esclave au Général Pompé : « Mento Mori » (« souviens-toi que tu vas mourir »). Bref, les quelques 160 œuvres exposées sont largement inspirées d’ossements de référence morbide. Il y a mieux pour se remonter le moral avant d’attaquer un nouveau semestre… Mais on ne discute pas avec l’art ! Il faut également savoir que l’organisation de l’exposition est déplorable. D’une part, celle-ci est présentée sous forme chronologique inversée : c’est-à-dire que l’on commence par les artistes modernes pour remonter vers l’Antiquité, au mépris total de la lisibilité globale du parcours. D’autre part, les explications sont inexistantes, excepté les trois ou quatre petits paragraphes, écrits en gros, qui indiquent à la louche l’époque des œuvres exposées. Il faut sans doute louer un audio guide pour comprendre les œuvres (mais à 4,5 euros le boîtier, on réfléchit à l’investissement). Et, si la salle du rez-de-chaussée est spacieuse et confortable, le reste de l’exposition est constitué d’un dédale d’impasses et de petites salles étriquées, où l’on se bouscule continuellement. Le coin de mur, orné des deux cotés de flèches indiquant « suite de l’exposition » vers des directions opposées, illustre parfaitement l’organisation générale de l’exposition. Enfin, il y a des grosses, pour ne pas dire mauvaises, surprises qui ponctuent le parcours. Au sous-sol, on tombe sur une « cuisine communautaire soviétique », dont les murs sont couverts de « dialogues d’époque », en russe évidemment, et dont le plafond est orné d’ustensiles de cuisine. Longtemps après, on se demande toujours quel était le rapport avec l’exposition… Toujours au sous-sol, plus loin, on peut voir un film de 33 minutes sur « la plus grande vanité du monde ». Celle-ci se compose d’un enchevêtrement de livres, de crânes, d’escargots, de bougies et d’horloges, censés représenter respectivement la continuité de l’histoire et la brièveté de la vie… Le tout est filmé en gros plan, centimètre par centimètre, avec des ralentis en prime, et rythmé par le cliquetis monocorde des horloges. Ça décoiffe !
Si vous souhaitez vous cultiver, rendezvous au 61 rue de Grenelle, au Musée Maillol, pour aller voir l’exposition « C’est la vie! Vanités de Caravage à Damien Hirst»
« C’est la vie! Vanités de Caravage à Damien Hirst», au Musée Maillol jusqu’au 28 juin 2010 (61, rue de Grenelle 75007 Paris)
L’exposition en elle-même Cependant, malgré ces gros défauts, il faut bien admettre que la très grande majorité des pièces exposées est splendide. Du tableau aux bijoux, de la sculpture à l’objet du quotidien, presque tous les supports sont représentés. La mort, certes omniprésente, perd largement son coté glauque, grâce à l’inventivité dont font preuve les artistes, particulièrement les modernes, jusqu'à ce que le crâne devienne presque un motif comme un autre. Par exemple la photo du crâne qui rit, incrusté de milliers de diamants, par Damien Hirst (For the Love of God, Laugh), symbolise élégamment le rapport étroit qu’il peut y avoir entre l’art et la mort. L’exposition met ainsi côte à cote Andy Warhol et Picasso, Caravage et Cézanne, dans leurs travaux respectifs sur la vanité de la vie. On comprend donc comment se crée le rapport entre l’artiste et la mort, entre les périodes où on la voit trop (lors de guerres ou de génocides par exemple) et les périodes où on la cache ou l’oublie. La réflexion et l’esthétique de l’exposition sont donc en parfaite symbiose et l’exposition est soutenue par une richesse et une qualité des œuvres indéniables. C’est donc finalement une exposition qui mérite qu’on s’y attarde, malgré tous les efforts déployés par le musée Maillol pour la déprécier. 29
litterature
PAR ALEXAnDER BARCLAY
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, L’ECONOMISTE ET LA VRAIE VIE
Dans son dernier livre (Discover your inner economist), l’économiste et bloggeur américain, Tyler Cowen, applique des concepts des sciences économiques à la vie quotidienne. Moins caricatural que les auteurs de Freakonomics (stephen Dubner et steven Levitt), plus sérieux et très lisible, on aime sa méthode pour devenir « milliardaire en art ».
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MEETIC AU CIMETIERE EN SUEDE I
Tyler Co�en est un curieux personnage. C’est un économiste, professeur dans une université américaine, mais c’est aussi un amateur de « bonne bouffe », un amateur d’art et un bloggeur. Si ses précédents livres étaient surtout conçus pour un public académique -notamment In Defense of Commercial Art, paru aux éditions Princeton Press, dans lequel Tyler Cowen défend l’art commercial-, son dernier livre est accessible et à recommander pour tous : Discover your inner economist. (use incentives to fall in love, survive your next meeting, and motivate your dentist.). Un amateur d’art, c’est sympathique, mais un promoteur du libre-échange, ça l’est peut-être un peu moins. Intuitivement, en bons européens, on imagine que c’est le manque d’appréciation de la diversité qui permet aux américains de souhaiter le libre-échange. Et bien non ! Tyler Cowen, un américain, économiste qui plus est, aime la diversité. Il encourage la consommation de livres, de musées, d’oeuvres de toutes sortes, mais seulement de ce qui nous plaît. Ce livre est intéressant parce qu’il applique des concepts économiques -comme les « incentives », ou les « bénéfices à la marge »- à la vie de tous les jours. Par des exemples concrets, mais sans être supérieur, Tyler Cowen nous présente la façon de posséder tout l’art du monde sans être Bill Gates… L’économie du bon côté !
Discover your inner economist. use incentives to fall in love, survive your next meeting, and motivate your dentist., de Tyler Cowen, éd. Plume
une nouvelle façon de mesurer le succès d’un livre, c’est de regarder son rang dans les ventes d’Amazon. Pour un roman traduit du suédois, Le mec de la tombe d’à côté, de Katarina Mazetti, se défend plutôt bien. Ce livre traite du clash des cultures au sein de la suède, un pays pourtant très homogène.
Le mec de la tombe d’à côté, de Katarina Mazetti, traduit du suédois par Lena Grumbach et Catherine Marcus, éd. Actes Sud
Une bibliothécaire municipale se rend souvent au cimetière. C’est là qu’elle a eu le mauvais goût de quitter son mari… Enfin, pour ainsi dire. Car il repose maintenant sous une dalle de marbre. Elle se rend au cimetière, près de sa tombe, par habitude. C’est un moment de recueillement régulier qui lui fait du bien. Sauf quand l’abruti -pardon, le mec de la tombe d’à côtése pointe. Il a rendez vous avec une tombe kitchissime, tous les deux se regardent avec un dédain réciproque. Jusqu’à ce que... Une jolie histoire sur la solitude dans nos sociétés -dans les villes, comme à la campagne- et sur l’incompréhension entre suédois des villes et suédois des champs, qui alterne la vue des protagonistes d’un chapitre sur l’autre. Le pari des éditions Actes Sud de miser sur le nord est donc réussi !
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, L’ IRREEL , DE L ’EST Le tragicomique et l’absurde : un nouveau réalisme sous la plume d’Andreï Kourkov.
Laitier de nuit, d’Andreï Kourkov, traduit du russe par Paul Lequesne, éd. Liana Levi, Paris, janvier 2010.
Dans son dernier roman, Laitier de nuit, l’écrivain russe Andreï Kourkov continue de dépeindre une réalité propre aux pays de l’Est. Dans un style minimaliste et satirique mais pourtant empreint de tendresse, l’auteur nous introduit dans le monde fantastique du Kiev d’aujourd’hui. Tout commence avec une potion magique qui permet de surmonter tous les obstacles : l’ « antifrousse ». Son inventeur est assassiné et tout s’enchaîne : des chats ressuscitent, un député exige du lait humain pour l’éclat de son teint et des veuves font « plastiniser » leurs défunts époux. Quelques verres d’alcool d’ortie plus tard, on s’aperçoit que c’est le tableau d’un pays tout entier qu’Andreï Kourkov compose ici. Si le romancier fait couler son acide lactique, c’est bien pour dévoiler les trafics, la corruption et la pauvreté qui font l’actualité de l’Ukraine. Laitier de nuit nous offre l’occasion de sourire, mais aussi de traverser les frontières d’une réalité qui joue avec l’absurde. T.n.
UNE VIEILLE MAITRESSE un roman du milieu du XIXème siècle qui traite de sujets intemporels : l’infidélité et la passion amoureuse Un homme, ryno Marigny, pris entre une sylphide et une catin. La sylphide, c’est sa femme, Hermangarde ; la catin : Vellini, une espagnole qui n’est même pas belle mais qui lui a empoisonné le cœur, le sexe et le sang. Marigny, retiré dans le Cotentin pour sa lune de miel, s’est juré de rompre avec sa vieille maîtresse. Mais, un jour qu’il se promène à cheval le long de la mer, il retrouve la Vellini. Ses retrouvailles le replongeront dans ses souvenirs passés et entraîneront des moments de souffrances effroyables pour chacun des personnages. Toute la force de ce roman réside dans l’analyse subtile des passions humaines ; avec une vérité criante, Barbey parvient à nous peindre toute la richesse des sentiments amoureux, des plus purs jusqu’aux plus monstrueux. De ce fait, le lecteur s’identifie tour à tour à un des personnages : que se soit la sanguine Vellini qui est liée par des liens indélébiles à ryno, ou Hermangarde, jeune femme belle et radieuse que l’on a envie de protéger des griffes de cette tigresse malagaise, ou encore que l’on soit tiraillé comme Marigny par ce dilemme, la passion et les souvenirs ou l’amour et l’avenir. Grâce à une écriture incisive et sans fioriture, Barbey décrit le polymorphisme de l’amour et nous montre qu’un cœur peut aimer deux personnes à la fois, sans pour autant être infidèle à aucune. roman diabolique et scandaleux, une Vieille Maîtresse, mérite d’être lu en tant que vrai chef d’œuvre de littérature amoureuse. Q.T.
france
L’instinct de survie
PAR AURELIEN HUBERT
La nature est ainsi faite, bien diront certains : chaque être est programmé pour survivre. Au zoo de Solferino la cause est entendue : chacun pousse son cri de guerre dans l’espoir de conserver un semblant d’existence médiatique. Quant à la survie du parti elle semble des plus incertaines ; étourdit dans le brouhaha des beuglements individuels le PS devenu jungle peine à trouver son hymne, constat menant à la terrible interrogation : le socialisme a-t-il perdu son instinct ?
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Un parti qui se morcelle depuis des mois, à tel point qu’un compte rendu des évènements relève davantage du « résumé de l’épisode précédent » que d’une tentative de mettre en avant la logique réformatrice d’hommes politiques naviguant à vue. Ralliements à l’UMP ou au MoDem, coups de gueules, ouvrages sur soi : si vous cherchez une démarche constructive commune, passez votre chemin. C’est d’ailleurs ce que font les électeurs à en juger par les sondages pré élections régionales : l’avance du PS s’est réduite au fil des semaines, quand le contexte de crise du modèle libéral aurait dû remettre le parti à flot. Pire, savoir qui gagnera telle région semble avoir noyé tout débat d’idées. On aurait presque tendance à l’oublier dans le tumulte des gros titres, mais la dérive du parti est aussi celle du socialisme ; peu importe qui incarne le PS si personne n’y croit plus. Le libéralisme pourtant contesté a su s’émanciper des carcans séculaires, conservateurs, rabat-joie ; la droite sarkozyste défend la modernité, le changement, le bien-être. A l’inverse, le socialisme peine à renouveler son ambition sociale assimilée à un corpus « aide, déni de soi, privation », ambition accusée d’entretenir des inégalités entre travailleurs méritants et profiteurs RMIsés. Il est amusant de constater que le socialisme a convaincu dans le sillon de crises sociales majeures : guerres, révolutions, un évènement qui menace l’individu au point que sa survie dépend de celle de l’autre. Hormis ces circonstances exceptionnelles, la notion de mérite conforte un darwinisme social pourtant décrié ; question de survie. Celle du socialisme dépendrait alors de sa capacité à proposer un idéal concurrent au modèle consumériste, si attractif, non dans une logique contestataire et moralisatrice mais dans une perspective de mieuxêtre. Si la force du libéralisme est d’éluder la question de l’insécurité en proposant de stimuler le désir matérialiste, l’intérêt du socialisme serait de rassembler autour d’un projet réaliste sans faire du plaisir un péché. Offrir du long terme sans dénigrer le court terme. Remplacer le « ou » par le « et ». En l’absence d’un contre modèle déclassant les promesses libérales, les tribulations du PS s’apparentent davantage aux gémissements d’un animal agonisant qu’à la construction d’un avenir meilleur. Espérons que les mois de brasse coulée sauront raviver son instinct de survie.
france PAR THIBAUT BAUER GRANDJEAN
UNE RUPTURE SOMME TOUTE CLASSIQUE A l’approche des élections régionales des 14 et 21 mars prochains, le mandat de Nicolas Sarkozy, malgré les promesses de rupture, semble suivre un parcours semblable à celui de ses prédécesseurs.
Durant la campagne présidentielle de 2007, le candidat Nicolas Sarkozy avait clamé haut et fort sa volonté de changer la France. Avec lui « tout devenait possible » et, durant les premiers mois de son mandat, nous avions pu assister au spectacle d’un gouvernement actif mené par un Chef de l’Etat essayant d’être présent sur tous les fronts, défendant les propositions de lois du Conseil des Ministres et donnant l’impression d’être à l’origine de toutes. La volonté de changement était affichée, les changements semblaient tous aller dans le sens d’une « France qui se lève tôt ». Le Président Sarkozy avait su s’entourer de ministres fidèles et présumés compétents. L’« ouverture » pratiquée pour la composition des deux gouvernements Fillon apparaissait comme la preuve de la volonté de prendre les meilleurs où qu’ils se situent sur l’échiquier politique. Deux ans et dix mois plus tard, le parcours de l’UMP au pouvoir est on ne peut plus classique. Des réformes ont été mises en place, d’autres se sont heurtées aux décisions défavorables du Conseil Constitutionnel, la plupart du temps elles ont été mises en place de manière énergique et défendues par des ministres unis et fidèles. On peut alors se demander si là n’est pas justement le problème, si, trop occupé à construire la rupture ou à négocier les réformes, le gouvernement ne s’est pas progressivement coupé de la base que représente le parti majoritaire. Cette base qui, de plus, s’est élargie jusqu’à l’extrême en essayant de réunir un maximum de petits partis au sein de l’UMP. Xavier Bertrand a la lourde tâche de faire coexister, au sein de la majorité présidentielle, des personnes dont les opinions divergent parfois très fortement. Finalement cette politique d’élargissement ne conduit-elle pas à fragiliser l’UMP et à rendre encore plus visibles les désaccords entre le gouvernement et celle-ci ? A l’approche des élections régionales, les sondages montrent une gauche gagnante, et ce malgré les tensions internes au PS. Ces élections, malgré les changements invoqués par N. Sarkozy, prennent une tournure tout à fait classique. Les médias deviennent le théâtre de la lutte électorale, chaque parti grossit les traits des autres, les listes proposées font débat au sein des groupes politiques. Si ces élections donnent les résultats prévus par les sondages, la rupture annoncée par Nicolas Sarkozy n’aura été qu’un discours électoral de plus. Ceci amène à se demander si ce n’est pas dans la manière de faire des promesses aux électeurs et dans celle de prendre des décisions au sein d’un Etat que la rupture doit avoir lieu. 33
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COLLECTION MALADIVE
PAR CoLInE BRun-nAuJALIs 35
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« Collection Maladive » est un projet personnel réalisé par Coline Brunnaujalis. La collection se compose de dix spécimens anatomiques. A chaque organe est associé une idée méticuleusement étiquetée sur le bocal. De cette relation se révèle une approche caustique du corps. Coline Brun-naujalis poursuit actuellement ses études en Master de communication design à La Central Saint Martins College of Art and Design à Londres. Plus sur www.moustachefree.com
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societe Un voyage est toujours l'occasion, sinon d'une renaissance, au moins d'une remise en question. Quoi de mieux pour un esprit curieux et avide de changement qu'un pèlerinage en Terre Sainte ? Minuscule bande de désert à la frontière de l'Occident et de l'Orient, Israël attire et repousse, enchante et révolte. Soixante ans de conflit israélo-palestinien ont durablement marqué l'opinion publique française et mondiale, qui ne voit plus ce pays autrement que comme le symbole de l'unilatéralisme forcené et d'un communautarisme institutionnalisé. Alors, Israël pays divisé, comme l'atteste la construction du « mur de la honte », initiée dans les années 2000 par Ariel Sharon ? Certes, les retombées du « rêve israélien » sont difficiles ; les séquelles de soixante ans de guerres et d'attentats sont désormais portées par une jeunesse qui aspire aujourd'hui à partir à l'étranger, au grand dam de leurs aînés qui ont construit le pays pour eux. La conscription obligatoire, de 18 à 21 ans, la sensation constante de vivre dans un pays dont la survie dépend de l'efficacité, voire de l'agressivité politique et militaire ; ces facteurs suscitent inévitablement un sentiment de malaise chez l'observateur de passage. Quoi de plus caricatural et absurde qu'un mur de séparation entre deux territoires aux yeux d'un européen ? Isra�l est un pays dont les habitants sont en perpétuelle réaction : les aînés ont défié le monde, et les jeunes défient aujourd'hui les aînés. L'histoire mouvementée et souvent tragique du peuple juif explique sûrement -au moins partiellement- cette furieuse envie d'exister, que ce soit en tant que nation ou simplement comme individus. J'ai eu la chance d'assister à une exposition organisée pour célébrer le centenaire de la naissance de Tel Aviv. Des photographies relatant les étapes de la construction de la ville à partir de 1909, se dégage une impression de ferveur et de communion dans la réalisation d'un « rêve israélien », chaque cliché montre des visages qui trahissent une tranquille conscience que l'avenir sera meilleur. La ville conserve cette fraîcheur aujourd'hui, et, du pays plus généralement, émane une aura particulière, omniprésente, presque romantique… Celle que l'on pourrait ressentir devant Le voyageur contemplant une mer de nuages de Caspar Friedrich. La fontaine « feu et eau » à Tel Aviv qui crache des flammes les jours de commémoration illustre la dualité de ce pays capable de tous les extrêmes : des habitants d'une rare gentillesse et sérénité qui sont néanmoins conscients plus que nul autre que la vie n'est pas sans les tribulations qui l'accompagnent et qui au final constituent sa beauté. Peut-�tre que, tout simplement, Israël est un pays vivant. Au delà des dissensions internes de ses habitants, le fait religieux, les souffrances et les espoirs partagés donnent vie à cette nation, qui n'en devient que plus belle et plus unique à mes yeux. C'est une terre de tous les possibles qui, malgré son ancrage dans le passé, appartient à l'avenir. 40
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CHrOnIQUE D'Un VOYAGE En ISrAËL
PAR PIERRE-IngVAR MougEnoT
Des monts de Judée à Tel Aviv, des kibboutzniks à la jeunesse branchée... Israël, terre de contrastes. Israël, terre de communion.
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Et vous, ça fait combien de temps ?
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PAR HORTENSE foillard
« Et vous, ça fait combien de temps que vous Ces néo-baba-cools qui ont choisi l’Inde êtes là ? ». Cette question, lorsque l’on est au Exilés en Asie, des Occidentaux y recherbout du monde et que notre route croise celle d’autres chent de nouveaux repères qui peuEuropéens, elle revient régulièrement. Sûrement un bevent paraître surréalistes dans le soin de comparer et partager ses expériences d’un environcontexte du XXIème siècle. nement totalement étranger et de paysages déconcertants. Mais quelle surprise lorsque, plusieurs fois en Inde, je reçus pour réponse « dix ans » ou encore « depuis toujours » de la part de personnes qui visiblement ne s’y trouvaient pas pour des raisons diplomatiques… Mais qui sont ces « aliens » de la population indienne ? On les rencontre dans des villes comme Pushkar, Varanasi ou, bien sûr, Goa. Ils sont vêtus et coiffés à la mode locale sans que cela ne paraisse incongru. Ils discutent avec vous, mais vous snobent un peu et semblent être ailleurs. Vous n’êtes qu’un touriste et eux ont fait leur vie ici. Qu’est-ce qui les a donc amenés à faire ce choix ? Certains sont arrivés dans les années 70… et ne sont jamais repartis. Ils affirment que l’Inde « les a adoptés ». Motivés par la douceur de vivre, le rejet des valeurs occidentales et la spiritualité des lieux, ils sont restés et se sont liés aux habitants. On ne peut s’empêcher d’envier un peu ces spécimens qui, eux, ne se laissent pas amadouer par les vendeurs, connaissent les bons plans hors des sentiers battus et sont chez eux ici. Loin de l’agitation de New Delhi ou Bombay, ils se sont réfugiés dans des havres de paix et, des années plus tard, rejouent l’époque « Peace and Love ». Ces communautés hippies vivent dans un nuage de fumée, de vapeur d’encens (et autres…), ne jurent que par le végétarisme, se sont convertis à l’hindouisme ou au bouddhisme et aspirent à vivre d’amour et d’eau fraîche… Alter-mondialisme, utopie du retour à la vie sauvage… ou tout simplement refus du sens des réalités ? Car, s’ils ont déserté le système capitaliste, ils ne partagent certainement pas la misère des Indiens et vivent coupés du monde dans cette bulle qui ressemble à s’y méprendre à un déni de tout sens des responsabilités, encouragés par un niveau de vie bien peu onéreux. Quarante ans après la révolution du « Flower Power », l’Inde continue à faire rêver et à exercer son pouvoir d’attraction sur les marginaux de nos sociétés. Mais est-ce là un véritable moyen de lutter contre un système générateur d’inégalités ou une fuite dans le passé à l’heure où l’Inde a, elle aussi, effectué sa révolution ? 41
societe Cette espèce est contagieuse : il s’agit donc d’une opération de santé publique. Méfiez-vous de tout. « Qu’est-ce que c’est ce temps ? Le climat fait n’importe quoi ! ». Depuis le jour où Lucchini m’a expliqué qu’en n’utilisant pas des ampoules basse consommation, j’empêcherai la neige de tomber, les néons sont allumés tout le temps dans ma chambre. Et il n’y neige pas. Merci, Monsieur Lucchini ! Le côté « Il n’y a pas de petits gestes quand on est 60 millions à les faire », c’est bien, ça fait des citoyens responsables. Mais ce qui chatouille, c’est que l’engagement s’arrête là ; ce qui gratouille, c’est que personne ne semble réellement se renseigner sur ce qu’est le changement climatique. Un discours de type révélation, assorti de petits rites purificateurs, et d’un soupçon de morale culpabilisante : voilà autant de symptômes de la contagion. Pour parer à toute attaque, commencez par protéger votre tête : apprenez ce qu’est le réchauffement climatique, et sachez qu’il existe des controverses sur ses causes, mais que ces controverses sont saines. Les outils de base à cette étape sont : tout résumé de votre choix des résultats du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), et le documentaire « La grande arnaque du réchauffement climatique » pour un exposé clair et rapide des grandes controverses. Une fois ce casque mis en place, vous êtes parés pour le pire. Reste à éviter les morsures, hautement contagieuses. Comment? « Remove the head or destroy the brain ». Solution n°1 : parlez-lui d’écologie, tout simplement. La vraie, s’entend. Le pire ennemi de l’infecté est le véritable écologiste, scientifique ou politique. Ces deux espèces sont documentées, et savent par exemple que le mot « sceptique » n’est pas une insulte, mais bien un élément normal et essentiel du progrès scientifique. S’ils ont choisi une théorie ou une autre, c’est en toute conscience : ils savent que le GIEC n’est pas la bouche de Dieu sur Terre. Imitez-les. Solution n°2 : bien plus radicale, à n’user qu’en cas d’agressivité du sujet dénotant une incapacité à recevoir l’argumentaire de base : le « low-kick Pastafariste ». Tentez de le convertir au culte pastafariste, selon lequel le réchauffement climatique est directement lié à la baisse de la population de pirates. Ca s’appelle tirer une causalité d’une corrélation, et c’est normalement interdit en recherche scientifique. Or, l’essentiel de l’argumentaire de cet écolomoraliste tient en des assomptions aussi infondées scientifiquement que celle-ci. Il s’agit alors de l’amener à s’en rendre compte. A défaut de le guérir, vous pourrez au moins vous amuser. 42
HOWSURVIVTOE AN ECOLOGIST ATTACK
Par Lucie L’Hôpital
L'écologiste est un redoutable prédateur : apprenez à en identifier les différentes espèces, et découvrez les gestes qui sauvent La contagion se répand… Ils sont venus vérifier que vos toilettes avaient un économiseur d’eau, et que celles de Bové étaient sèches. Ils sont suspicieux, et vous font remarquer tous ces petits gestes « qui ne coûtent rien », mais qui n’étaient pas là avant l’ « homo oecologicus ». Pas de mal à ça me direz vous, sauf que vos grand-mères faisaient les mêmes sans en appeler à Dame Nature. Bizarre, bizarre.
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JetaficllaquemsnasdiiseTourne u r saponuvacendetes PAR éléonore Lecointe
Outre le cinéphile aguerri, le spectateur d'aujourd'hui a oublié que les premiers films d'épouvante remontent aux années 19301940. Il est donc temps de rendre hommage à l’un des précurseurs du genre qui marque encore l'histoire du cinéma, tant par son originalité que par sa technique cinématographique : Jacques Tourneur.
Ce réalisateur français ayant émigré aux Etats-Unis doit principalement son succès à ses films d'épouvante comme La Féline (Cat People, 1942), Vaudou (I Walked With A Zombie, 1943), L'Homme Léopard (The Leopard Man, 1943) et Rendez-Vous Avec La Peur (Night Of The Demon, 1957) Tourneur est remarqué car il n'hésite pas à s'écarter des canons esthétiques du film fantastique de l'époque: la peur résidait alors dans la création d'un personnage au faciès monstrueux et de son lieu de vie aux décors gothiques et étranges, comme dans Frankenstein de James Whale ou Dracula de Tod Browning. C'est alors l'hybridité qui est la cause majeure de la peur. Mais représenter directement un monstre à l'écran, c'est se frotter au ridicule selon le cinéaste français. Il évite les effets faciles grâce à la suggestion. Le noir et la peur forment un couple essentiel dans le cinéma de Tourneur. Les ombres aux formes inquiétantes entraînent la curiosité, puis l'inquiétude, et enfin la peur du personnage dans La Féline. Il utilise un éclairage le plus naturel possible : se produit alors un jeu entre ténèbres et sources lumineuses, dans le but d'inspirer au spectateur ses propres peurs intimes. Plus encore, il utilise des procédés cinématographiques particuliers à l'époque. L'ellipse visuelle a pour but d'engendrer le mystère : ainsi la métamorphose d'Irina en panthère (dans La Féline) est explicitée par le passage de traces de pas d’animal derrière la jeune femme à des traces de pas humain. Le hors-champ, dans L'Homme Léopard, fait augmenter la tension ; seuls les cris et les grognements parviennent au spectateur. Tourneur se joue de la volonté du spectateur de voir et de savoir. A ces effets, est ajouté le jeu sonore de l'écho et de la réverbération des sons qui trouve toute sa primauté en servant d'adjuvant au « non-visible » du hors-champ ou de l'obscurité. Dans La Féline, l'accélération des pas d'Alice et les bruits étranges qui l'entourent créent le suspense et provoquent l'interprétation du subjectif par le spectateur. Au-delà des effets techniques et par le jeu structuré du trouble, Tourneur aime pousser l'expérience timérique à son paroxysme, afin de susciter, chez le spectateur, une démarche intellectuelle d'introspection. Son but est d'amener le spectateur à l'examen spéculaire de ses propres peurs. Loin de la culture de masse, Tourneur a créé un cinéma du doute et de l'épouvante d'une grande complexité et d'une esthétique remarquable. Alors après avoir vu et revu Saw, Blair Witch et autres films pour teenager, comment ne pas prôner un retour aux filmssources de Tourneur ? 43
cinema
Yes he cannes
PAR JEAN DU SARTEL
Le maître du fantastique, Tim Burton, s'impose : quand critiques cinéphiles et succès populaires font bon ménage. Timothy William Burton a grandi à Burbank, dans la banlieue de Los Angeles, à deux pas des studios Disney. Résidences cossues, vies rangées et calquées, classe moyenne… Jeunesse se passe. Le garçon est solitaire, discret, et mûrit le spleen de la routine bourgeoise qui l’entoure. Le jeune homme passe son temps dans les salles obscures, et découvrira, par ce biais, la littérature (Poe particulièrement). Une période, dont il deviendra nostalgique sans même l’avoir connue. Dessiner, créer et réaliser, pour mieux modeler, et traduire l’univers très particulier qu’il assemble de toutes pièces, de mille références. Jeune adolescent, il mange de la série B et Z en tout genre, se nourrit du courant expressionniste allemand, des films d’horreur et d’épouvante… L’idole de Burton c’est Vincent Price, figure emblématique des films de la Hammer, dès 1940. 44
cinema Rapidement, le personnage veut faire du cinéma son métier. Son entrée aux Studios Disney ne plait pas, et, en 1974, il n’est pas invité à reconduire son contrat avec la maison, considéré comme trop noir et macabre pour le jeune public, bref, pas assez empreint de la veine Disney. La suite, on la connaît : son court-métrage en hommage à Price, Vincent (1982) introduit une longue série de réalisations. En 1985, La Warner propose à Burton de réaliser, avec un faible budget, Pee-Wee’s Big Adventure. Le film est réalisé en moins d’un mois, sans aucun dépassement budgétaire. Danny Elfman signe la musique ; c’est le début d’une longue et fructueuse collaboration entre le compositeur et le réalisateur. Succès surprise au box-office, le premier long-métrage de Tim Burton divise la critique. Burton signe, par la suite, une longue liste de succès critiques et populaires : Beettlejuice, Edward aux mains d’Argent, les deux Batman, Ed Wood, Mars Attacks !, Sleepy Hollow, La Planète des Singes, Big Fish, Charlie et la Chocolaterie, Les Noces Funèbres, Sweeney Todd… Mais qu’est-ce que la griffe burtonienne ? Le réalisateur sait flairer les gros coups, il lance Johnny Depp, en 1991, dans le rôle d’Edward, sorte de pantin malhabile, triste et isolé dans sa tour d’ivoire surplombant la bêtise humaine. Esthète qui, grâce à ses mains on-ne-peut-moins extraordinaires, sublime le laid et unifie les habitants d’un même quartier. Ce rôle écrit par Burton, et presque autobiographique, popularisera le jeune Johnny Depp. S’en suivront alors de nombreuses collaborations fructueuses avec l’acteur. Ce géant du cinéma fantastique, c’est aussi l’amoureux d’un genre cinématographique éteint : le rétro, le gothique, l’élégance, la poésie lunaire et macabre et les contes d’Europe de l’Est, le romantisme du XIXème, la période hollywoodienne d’avant-guerre, le cinéma muet. Bref, tout ce qu’il y a de rare, d’intelligent, de subtil et de beau à prendre dans les deux derniers siècles écoulés, au cinéma, dans la littérature et dans les récits, contes et légendes de l’imaginaire populaire traditionnel. Si ses films sont aussi bien accueillis par la critique, ce n’est pas un hasard : ses fables ne sont pas moralisatrices primaires, le héros marginal, le poète fou, le pauvre et l’orphelin sortent toujours victorieux (et souvent à défaut d’une justice jugée trop rationnelle, corrompue et caricaturale). Le consensus et le politiquement correct ne sont pas la marque de fabrique du réalisateur qui perçoit les choses avec un recul et un détachement exemplaire. Il n’aime pas son époque et elle le lui rend bien, aussi, il n’est pas des plus sociables lors des interviews ou des tournées promotionnelles. Mais, il sait aussi plaire, en se différenciant d’une intelligentsia du cinéma, trop attachée à l’image qu’elle renvoie d’elle-même. Le personnage timide intimide ; une humilité paraît-il désarçonnante qui le rend éminemment sympathique et donc populaire. Burton donne des ailes, le temps d’un film, à son public, et fait rêver avec des ingrédients pas toujours simples, mais efficaces. La technique est parfois presque aussi datée que le cinéma (tel le « stop-motion » dans L’Étrange Noël de Monsieur Jack - réalisé par Henry Selick d’après un scénario original de Tim Burton - ou dans Les Noces Funèbres)… Bref, on en a pour notre argent. Le réalisateur, jamais à cours de projets, nous offre cette année encore de quoi nous émerveiller d’avantage… Alice au Pays des Merveilles, une adaptation de l’œuvre de Lewis Carroll, sort sur nos écrans, le 24 mars prochain, en 3D ; Mia Wasikowska, Johnny Depp et Helena Bonham Carter font partie du casting. Le réalisateur est aussi célébré outre-Atlantique. Au Musée d’Art Moderne de New York (MoMA), se tient une géante expo burtonienne, offrant au public des œuvres du personnage jamais exposées : peintures, dessins, croquis, sculptures… Et ce jusqu’au 26 avril prochain. Enfin, Tim Burton présidera le jury du 63ème festival de Cannes. Réjouissons-nous, car c’est le plus bel hommage que la France pouvait lui faire… 45
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oLdie but goodie PIERROT LE FOU de Jean-Luc Godard
Michel travaille dans le cinéma et rencontre deux jeunes filles, Liliane et Juliette, avec qui il va passer ses dernières semaines entre Paris et la Corse avant de partir, appelé en Algérie.
un road movie haletant et poétique, dans lequel godard nous narre la fuite d’un couple
ADIEU PHILIPPINE de Jacques rozier (1962) DVD édité par Potemkine
Jacques rozier est un peu l’oublié de la nouvelle Vague. Alors que rivette, rohmer, Godard et Truffaut ont gagné leur place dans le Panthéon des réalisateurs cultes, rozier est resté ce cinéaste discret et mystérieux, rarement projeté dans les salles sombres des cinémathèques. La faute est due à l’échec commercial de ses films, bien que Truffaut se soit battu sang et eau pour promouvoir le film et le défendre. Présenté par Godard lui-même à son producteur, Jacques rozier réalise son premier film en 1962. On retrouve ces dialogues pétillants, ce réalisme teinté d’humour et les expérimentations visuelles inhérentes à la nouvelle Vague. Ces fameuses actrices aussi, presque inconnues, sont les mêmes personnages féminins que l’on retrouve chez Eustache, rohmer et Godard : hypnotisantes, sublimes, gracieuses ; des personnages qui n’ont rien à envier à ceux de Jean Seberg. Ce qui est étonnant dans Adieu Philippine, c’est la pléiade de séquences cultes. La marche sur les Grands Boulevards, le tournage pour la publicité de Frigo, le «Adieu Philippine» -la boite de nuit- et surtout la danse finale, irréelle, durant laquelle Liliane (Yveline Céry) fixe la caméra sans cligner des yeux. Jacques rozier semble peu intéressé par la narration classique, sa manière de diriger les acteurs par l’improvisation laisse le temps au spectateur d’être fasciné par les personnages et les rend inoubliables. ne seraitce que par leur voix, c’est un plaisir de les écouter encore et encore, avec ce timbre étrange, dû au micro de l’époque. rozier réussit une belle comédie douce et amère, dans laquelle il filme la jeunesse des années 60 avec justesse; leur indifférence et leur naïveté, autour d’une guerre sous-jacente presque jamais évoquée. On remercie les éditions Potemkine de ressortir une bonne majorité de ses films, pour rendre hommage à cet auteur hors du commun. S.C. 46
Ferdinand Griffon (Jean-Paul Belmondo), marié à une riche italienne qu’il n’aime guère, retrouve une ancienne maîtresse, Marianne (Anna Karina), alors qu’elle vient jouer les baby-sitters. Ferdinand et sa femme se rendent à une soirée donnée par les parents de cette dernière. A cette soirée, Ferdinand s’ennuie, il retourne chez lui, puis raccompagne Marianne chez elle, et dort chez celle-ci. Au petit matin, ils retrouvent un mort dans l’appartement. Ainsi commence leur fuite vers le Sud. Les deux amants se rappellent de l’amour éternel qu’ils s’étaient promis. Pierrot, comme l’appelle Marianne, car on ne peut pas dire « mon ami Ferdinand », veut vivre, ressentir, être un artiste. Alors que Marianne, femme d’une beauté angélique, cherche à fuir de mystérieux criminels, sans doute son frère à qui elle doit de l’argent, mais là n’est pas le principal. Le film se concentre sur l’histoire de ses deux êtres qui sont partis dans une Peugeot 504, remplie de billets, mais qu’ils feront brûler. Sans argent, sans travail, ils peuvent ainsi vivre leur amour pleinement et librement. Godard filme la vie, la passion. Film littéraire et poétique, non seulement à cause de l’omniprésence de rimbaud, de nombreux peintres impressionnistes, ou encore du journal intime écrit par Pierrot, mais aussi dans son essence même. En effet, le film nous montre la folle escapade d’un couple mû par le même désir de liberté et par un amour rare. Par un traitement de l’image et des plans toujours esthétiques, comme lors de leur pause sur la riviera, mais aussi grâce aux dialogues, utilisant toutes les techniques du cinéma de la nouvelle Vague (voix-off, plan sur fond musical), Pierrot le Fou est un chef d’œuvre de la nouvelle Vague et du cinéma français en général. A l’heure de toutes les superproductions hollywoodiennes qui se rapprochent du vulgaire divertissement, Pierrot le Fou rend au cinéma ses lettres de noblesse. Q.T.
cinema TOUJOURS EN SALLES BIENTÔT EN DVD
Nine de Rob Marshall (sorti le 3 mars 2010) Avec Daniel Day-Lewis, Marion Cotillard, Kate Hudson…
Certainement pas un « 8½ ». Simplement une comédie musicale… très séduisante. Au cœur de l’Italie de la Cinecittà, l’agitation règne autour du célèbre cinéaste Guido Contini. En pleine crise personnelle et créative, celui-ci tente de retrouver l’inspiration auprès des femmes de sa vie : épouse, maîtresse, journaliste de mode américaine, ou encore prostituée de son enfance… Nine est l’adaptation cinématographique d’une comédie musicale éponyme jouée à Broadway depuis bientôt trente ans, elle-même inspirée de 8½, le film autobiographique de Federico Fellini. La trame de fond reste identique : elle dépeint la difficulté pour tout artiste de réussir sa vie à la fois sur les plans personnel et professionnel, en évitant de faire souffrir ses proches ou de décevoir le public. Cependant, le film de Rob Marshall n’est pas une « satire-hommage » à l’œuvre de Fellini. Etablir une quelconque comparaison serait donc vain. Nine est simplement une comédie musicale dont le but avoué est de divertir un public averti. Si ce genre de cinéma vous plaît, précipitez-vous dans les salles dès le 3 mars : vous ne serez certainement pas déçus par les prestations pétillantes de Penelope Cruz, Marion Cotillard et Judi Dench. Mention spéciale pour les performances éblouissantes de Kate Hudson, journaliste aguicheuse dans le numéro « Cinema italiano », et de Fergie en prostituée voluptueuse sommant Guido d’assumer son faible pour les femmes : « Be Italian » ! L.S-R.
Mother de Joon-ho Bong (sorti le 27 janvier 2010)
Mother Le réalisateur de The Host et Memories of Murder a encore frappé, et fort Do-Joon, 27 ans, est un jeune homme qui n’a d’homme que l’apparence : tout sauf indépendant, un peu simplet, une source d’angoisse permanente pour sa mère. Veuve, elle ne vit que pour lui, formant avec lui un coupe étrange et terriblement fusionnel. Quand Do-Joon est accusé du meurtre d’une jeune fille, sa mère va remuer ciel et terre pour prouver son innocence. Joon-ho Bong confirme avec Mother, sélectionné au festival de cannes, tout le talent qu’il avait déjà exprimé dans Memories of Murder et dans The Host. En effet, comme dans ses précédents films, il y mêle les genres avec une habileté déconcertante, tout en atteignant, ici, une virtuosité dans la réalisation qui fait de ce film l’un des bijoux de ce début d’année. Mother est traversé de scènes grandioses, notamment grâce à la performance impressionnante de Kim HyeJa qui centre inévitablement l’attention du spectateur autour du personnage fascinant de la mère. P.P.
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musique I
PAR MARIE-BLAnChE PAuMIER
ART SCENIQUE ET MUSIQUE : L’ENVERS DU DECOR I
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MAIS QU’EST CE QUI FAIT DAnSEr LES FILLES ? La musique et la scène sont liées. En effet, quoi de plus magique que d’entendre en live les chansons que l’on connaît par cœur, et de ressentir cette empathie unique avec nos compatriotes fans ? D’en sortir extasié et dégoulinant de sueur et de bière ou écœuré en se jurant qu’on ne nous y reprendra plus. Le live représente toujours une dimension du talent de l’artiste et contribue à créer ou détruire un mythe. Sur scène le charisme se dévoile ou se cache tragiquement et l’univers du groupe prend toute son ampleur. Il arrive que la salle ou le stade soit électrisé, captivé. C’est le cas de grandes figures du rock qui savent rendre le public hystérique, tout en étant naturelles. Charisme, attitudes, humour, flegme, panache…Un Elvis tant imité et jamais retrouvé, avec ce sourire charmeur et ce jeu de jambe incomparable, demeure un précurseur de cette génération. notre Elvis national, Johnny, remplit toujours les stades à 67 ans et a réussi à faire de ses chansons des hymnes. En plus d’une voix unique, il sait créer une proximité avec son public et occuper l’espace musical et visuel de façon incroyable. Que l’on aime ou pas, c’est indéniable. Ces deux légendes du rock ont ça dans la peau et ça ne s’invente pas. Mick Jaegger n’est pas mal non plus dans ce style. Son physique original, sa démarche saccadée et sa voix inimitable ont fait de lui une icône. L’hyperactivité élastique d’Iggy Pop semble, elle aussi, tout aussi innée et a contribué à nourrir le mythe de l’iguane, toujours aussi déchaîné et fascinant d’étrangeté. Ces personnages sont captivants et cela semble irrationnel. Cette aura s’acquiert par une voix, des chansons, et une aisance naturelles chez ces musiciens. L’aspect esthétique a aussi son rôle à jouer ; ainsi un groupe comme Kiss est davantage connu pour son maquillage excentrique et ses tenues déjantées que pour ses tubes. D’autres, en proie à une crise de schizophrénie, en viennent à se créer un double pour la scène. Ainsi, David Bowie, avec son étrange androgyne de Ziggy Stardust, a conquis l’Angleterre des seventies ; et Mathieu Chedid a repris ce modèle avec -M-, personnage rose à la coiffure plutôt absurde. Cela plaît, car le public veut du rêve, de l’évasion et du spectacle !! Ce qui n’est possible que grâce à une grande créativité et un talent certain. Cependant cette magie de la scène n’est pas courante et beaucoup cherchent à posséder la formule miracle pour remplir les stades. Ainsi, certains choisissent de se donner en spectacle et sont prêts à se transformer en bêtes de foire pour se créer une image. On peut penser au spectacle, plutôt indécent et imposant, offert par Beth Ditto, la chanteuse de Gossip, en sous-vêtements… 48
musique Beaucoup de groupes s’en tiennent à un spectacle rock type. Ils font de leur mieux, sont énergiques et sympathiques, et nous offrent de bonnes vieilles recettes sans grande originalité. On appréciera ainsi un bon concert punk rock des Hives, ou de rock pétillant à la Franz Ferdinand, où l’on pourra se défouler au son de chansons écoutées, réécoutées et dansantes. Ces artistes font leur métier si l’on peut dire, se donnent du mal, mais ont accepté l’idée qu’ils n’entreront jamais dans l’histoire… D’autres, sous prétexte d’une certaine notoriété, jouent avec l’amour que leur porte le public, et décident de ne pas se fatiguer -voire de ne pas venir- et adoptent un jeu de scène que l’on qualifiera de « blasé ». Ainsi les Strokes, qui gâchent un son génial par de ridicules sets sans surprise de 45 minutes aux rappels décevants et au mutisme agaçant. Les Arctic Monkeys s’inscrivent également dans cette lignée, avec un jeu de scène quasi inexistant et une distance qui s’installe naturellement, malgré les efforts surhumains d’Alex Turner pour paraître sympathique. Un groupe connu pour sa placidité scénique : les Pixies, mais cela fait leur charme. On va les voir pour observer l’alliance entre une musique déjantée et un groupe statique. Expérience étrange, parfois ennuyeuse, un concept qui a du inspirer les XX. Ces derniers remplissent les salles avec un son épuré et un jeu de scène qui l’est tout autant. La tendance scénique de l’électro semble bien être celle du calme plat. Toute l’ambiance repose alors sur la qualité du son et le degré de folie du public. restent ceux qui brillent par leur absence. Ainsi, quand on prend ses places pour le lunatique Pete Doherty et la tourmentée Amy Winehouse, on accepte l’idée de vivre dangereusement. Même si leurs absences répétées agacent, elles créent paradoxalement un effet de rareté. On est d’autant plus excité de les voir que l’on sait qu’ils auraient tout aussi bien pu ne jamais venir. A cette relation de manque quasi shakespearienne, s’ajoutent de fortes personnalités, des chansons de qualité, quelques addictions, et des prestations parfois très impressionnantes. Cela explique l’amour que leur porte, malgré tout, leur public. C’est en quelque sorte une loterie du concert : on espère tomber sur celui où notre cher artiste névrosé sera d’humeur mélomane et créative. Dans la chanson comme ailleurs, c’est le charisme et le talent qui permettent de créer des monstres sacrés. Le public sait déceler cela et reste seul juge d’une bonne prestation scénique. Même si les critères varient selon les styles, on sent toujours ce qu’est un concert réussi : un moment où, transcendé, on oublie tout et où seule la musique nous anime.
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musique
PAR ARnAuD héRY
bonaparte : nouveL empereur d'un Son Entouré de ses « bêtes de cirque », Tobias Jundt propose un punk d'un nouveau genre.
La propension de Tobias Jundt à donner des ordres dès son plus jeune âge lui fit gagner le surnom de « Bonaparte ». Quand le collectif démocratique tenu par un petit dictateur fou voit le jour, son domaine n'est point la politique, mais bien la musique. Auteur, compositeur et interprète, le jeune suisse évolue sur scène, accompagné de personnages variables -parfois près de vingt figurants ou musiciens extatiques et costumés s'entremêlent- étranges, sensuels et effrayants à la fois. Coiffé d'oreilles d'ours et l'œil cerclé de noir, le « pop-rock punky player » se produit cette année en Allemagne principalement, aux Pays-Bas et en Italie. En 2009, après ses dates en nouvelle-Zélande, le réalisateur Quentin Tarentino a invité Tobias Jundt à jouer le « one man band » pour une de ses réceptions. Les textes, majoritairement écrits en anglais, accueillent également le français et l'espagnol. Symptomatiques d'une jeunesse moderne, ils décrivent les inefficaces remises en question, l'humour et le sens de la fête de l'empereur, lors de « Bonaparty ». Les « freaks », bêtes de cirque issues de l'imagination de Bonaparte et de ceux qui les incarnent, comme le « grenadier Zachov », le « canonnier Beaux-Arts » de l'orchestre impérial ou « Vasy mouton » -au masque de chèvre et aux gants de boxe-, transmettent au public leur force et leur allégresse. Leur succès « Too Much », terriblement énergique et plein de folie, expose le genre décalé de cette formation aléatoire et venue d'ailleurs. « You know Tolstoï, well I know Playboy » ou « You know politics and I know party chicks » caractérisent les thèmes récurrents du parolier : les femmes, la fête et « spam spam spam spam » ... Le mélange de genres musicaux et la liberté qu'il offre font rougir les oreilles de plaisir. Pour ces hédonistes, il s'agit de cela : leur plaisir, mais aussi le nôtre. Dans « Three Minutes in Bonaparte's Brain », on découvre également un auteur mûr et touchant qui a su mettre les mots sur des sensations. Leur son déjanté est donc tout de même réfléchi. « no, I'm not sick, that's my style », s'excuse Tobias Jundt dans « I Can't Dance ». Sans prétention autre que son titre d'empereur, simplement drôle ou dévoilant un léger malaise, comme victime de son époque, Bonaparte a conquis son public et étend encore son territoire. 50
musique Par Aurélien hubert
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balance les decibels papy! Goldfrapp est de retour avec le single « Rocket » ; il précède l’album « Head First » prévu pour mars. Ça c’était la bonne nouvelle. Le titre est une catastrophe. Banal, il reprend la sauce des sons façon 80s, sauf que tout le monde le fait depuis deux ans. Culcul, il est affublé d’un refrain niais qui fait « oh oh oh », joie. Terne, la production déçoit par rapport à ce que le groupe a su faire, Simplet est aux manettes. Si cela présage de l’album, autant dire que Goldfrapp s’est arrêté dans le temps et a troqué son originalité avant-gardiste contre un joli faisceau lumineux rose. Goldfrapp Rocket (pop)
En 2008 leur son pour le moins original mêlant hip hop et électro avait suscité les réactions les plus extrêmes : produit par des ados avec une console Nintendo pour certains, révolutionnaire pour d’autres. Leur deuxième album reste dans la lignée, cette fois mieux produit (traduire « moins brouillon ») mais la fraîcheur s’est essoufflée et le côté refrain accrocheur n’est plus tout à fait là. Ça reste très bon comme le démontrent les singles « M.A.D. » et « Turn The Lights Out » ; mais là où le premier album suivait à la lettre la règle du « all killers no fillers », il y a cette fois de sérieux coups de mou. En espérant qu’ils trouvent du viagra pour la suite, on peut se rabattre sur les singles produits pour la chanteuse Meg (« Freak »), tous deux excellents.
Chew Lips Unicorn (indé)
Hadouken! For the Masses (hip hop / electro)
Dernière découverte de Kitsuné, Chew Lips débarque de Londres à grand renfort de soutien Twitter, régulièrement encensé par les DJ qui font la pluie et le brouillard aux pays des Girls Aloud. Cette fois la pop anglaise a su faire mieux qu’un girls band en se teintant d’un son minimaliste électro ; l’album est correct quoique moins inspiré que leur meilleur titre à ce jour, « Salt Air », curieusement absent de ce premier essai.
Un an après son premier EP, Marina sort enfin son album, le moins qu’on puisse dire c’est qu’elle prend son temps. Après une série de singles qui a crée le buzz, celui-ci a fini par retomber un peu et le premier single officiel Hollywood n’a pas vraiment su le relancer. L’album de Marina est pourtant excellent, même si on regrette que le son excentrique et intimiste des démos ait laissé place à une pop plus convenue lors du mastering. Dans la mesure où chaque titre est réussi, on ne va pas se plaindre, et si vous n’avez pas suivi la trace des leaks antérieurs vous ne serez pas déçus.
Marina & The Diamonds The Family Jewels (pop)
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tendances
L'érotiSme au Service du StyLe PAR EDInA ETTIg
Comment l’art de séduire a-t-il changé avec l’évolution des mœurs ? quelle est son expression dans les médias et au sein de la société ? Les nouveaux codes érotiques du XXIème siècle En dix ans, le XXIème siècle nous a permis de découvrir de nouveaux codes érotiques au sein de notre société. En effet, sans nous la jouer « summer of love », un certain conservatisme s’est imposé contre la volonté de chacun, ayant pour conséquences de rendre les codes érotiques de plus en plus subtils. Cependant, comme chaque période où les libertés se réduisent, un mouvement réactionnaire s’est créé et nous pouvons observer un renouveau des « codes trash » des années 80’s. reprise de ces codes par les médias Ce mouvement s’observe essentiellement au sein de l’industrie musicale féminine. En effet, les tenues de rihanna -ou dans la moindre mesure celles de Lady Gagareprennent de manière ostentatoire les codes sadomasochistes caractérisés par le cuir vernis, les chaînes, les clous ou même les cuissardes. De plus, la scène pop british présente de plus en plus de shows subversifs, comme la dernière prestation du gagnant de X-factor qui aurait fait pâlir de jalousie Madonna. A contre courant de la musique actuelle, la mode féminine de cette saison reprend les codes de la littérature romantique du XIXème siècle, en associant le rose pale aux robes vaporeuses, le beige aux pantalons taille haute et le vert d’eau aux chemisiers officiers. Donc, par pitié, inspirez-vous de vos cours de littérature et non pas de votre iPod pour vous habiller! rupture inter-générationnelle de ces codes Au sein de la génération des 15-35 ans, les codes vestimentaires évoluent vers une homogénéisation des pièces. Le parfum « one to one » de Calvin Klein annonçait déjà la tendance. De nouvelles marques se sont imposées sur le créneau du style Boyish -pièces du vestiaire masculin adaptées à la gente féminine- comme Acne, Sandro ou encore The Kooples. Dans la même veine, les vêtements masculins sont de plus en plus étriqués et les accessoires de plus en plus inspirés par le vestiaire féminin. Cependant, l’évolution est plus lente. Une surprise ? Pour les plus de 40 ans, le retour de la « cougar » et du « vieux-beau » (what else ?), nous présente une manière totalement différente d’aborder la sexualité. Une question se pose : quels seront nos codes érotiques dans 20 ans ?
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Nos heures propices PAR ChARLEs LInEL
tendances
OrAISOn FUnèBrE DE LA MOnTrE à QUArTZ
La montre mécanique connaît, ces temps-ci, un regain d’intérêt largement mérité chez les plus jeunes générations. Il n’est en effet plus rare de voir certains d’entre nous s’enticher chaque jour d’une tocante de près de 50 ans leur aïeule et il est de plus en plus facile de troquer sa traditionnelle Swatch à pile, produite à des millions d’exemplaires, pour un morceau d’histoire siglé d’une grande marque panthéonisée sur la sacro-sainte Place Vendôme. Pour ce faire, plusieurs moyens nous sont offerts. Le premier - et de loin le plus économique - consiste le plus souvent en une visite familiale chez ses nobles aïeux, dont les tiroirs renferment souvent des trésors insoupçonnés, mais rares au demeurant. En second lieu, les plus patients d’entre nous peuvent toujours écumer les brocantes et antiquités à la recherche d’une Omega vintage, noyée dans un flot de montres anciennes sans grande valeur. Un tout autre moyen, moins économique et à réserver aux plus pressés, consiste en un parcours méthodique des magasins spécialisés de la rue Saint-Honoré ou du quartier des Antiquaires du Louvre qui cachent, parmi certains articles à prix prohibitif, quelques belles occasions remises à neuf. En dernier lieu, les enchères proposées par les grandes maisons de vente constituent, à coup sûr, un vif moment d’émotion pour l’acquéreur qui, enivré par le doux parfum des enchères et le monologue théâtral du commissaire priseur, parvient à quérir l’objet tant convoité. Face à une telle offre permanente, il est donc tout à fait possible de se parer à moindre coût d’une belle montre. Les plus aisés s’orientant alors vers les marques prestigieuses - telles que rolex, Breitling ou encore Jaeger-leCoultre - qui peuvent se dénicher autour de la barre symbolique des 1000€. Les plus économes regardant du côté des Oméga vintages qui se négocient pour la moitié de ce prix. Les moins fortunés, enfin, peuvent également se tourner vers des marques qui n’ont pas survécu à la révolution quartz, mais qui délivrent le même « tic tac » entêtant et le même plaisir chaque matin lorsqu’il s’agit de les remonter : ces marques défuntes - telles que Lémania, Lip ou Dreffa - qui n’ont désormais pour valeur que les sentiments qu’on leur porte, en deçà même, souvent, de leur poids en or. Dès lors, devant le tribunal de notre passion et de nos sentiments, condamnons de sang-froid le quartz et redonnons une seconde vie à ces garde-temps honorables, dont les aiguilles ont indiqué l’heure des plus grands évènements de la seconde moitié du XXème siècle.
En ces temps numériques propices aux avancées technologiques, un phénomène est venu nous rappeler que le passé n’est pas toujours dépassé et que ceux qui avaient condamné à mort, en leur temps, la traditionnelle montre mécanique avec la naissance de sa sœur fratricide à quartz dans les années 1970, sont bien forcés de se raviser.
Automatique
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sorties Le SCopiTone 5 Avenue de l'Opéra, 75001 Paris
On prend les mêmes, on vire le leader et on rajoute quelqu’un. C’est un peu ce qui c’est passé à la direction du « Paris-Paris » qui a vu partir André -l'illustre « artgrapheur » à la tête du collectif « la Clique » gérant les hauts lieux branchés parisiens- mais dont le noyau est resté le même. Le « Paris-Paris » n’est donc plus, mais l'endroit se renomme le Scopitone. Entre nous, c’est la même chose, mais en moins fou. Les baby-rockers sont toujours un peu présents, mais la clientèle a vieilli (car elle peut enfin avoir une chance de renter). L’avantage est que les concerts sont gratuits. On y commencera donc notre soirée pour la continuer autre part… Au Tigre peut-être ? e.e.
pod hoTeL 4* 230 East, 51st Street nYC, nY 10022 www.thepodhotel.com
LA bonne affaire de new York, selon la presse américaine, se situe en plein cœur de Manhattan. Le Pod Hotel 4* a développé un concept innovant en hôtellerie économique, dédié aux jeunes voyageurs. Les 347 chambres de cet hôtel, au design proche des cabines d’avion, concentrent tous les « must have » du voyageur itinérant : station iPod, WIFI gratuit, écran LCD… Le tout avec un prix d’appel à 89$ la nuit. Pour les soirées animées, l’hôtel dispose d’un bar sur le toit et d’un jardin extérieur. Autre innovation de la maison : le « Pod community blog », premier réseau social en hôtellerie, permet de communiquer avec les autres clients pour organiser des sorties lors de votre séjour. Si vous ne voulez pas mettre tout votre budget « vacances » dans une chambre d’hôtel et éviter les mauvaises surprises, voici l’adresse tendance où vous pourrez réserver une chambre les yeux fermés. f.V.
Le TiGRe 5 rue de Molière, 75001 Paris
Ce club un peu paumé qui vient juste d’ouvrir dans le très chic quartier de la place royale est le premier concurrent du « Scopitone », tant sur le plan géographique que sur sa clientèle jeune et branchée. Mieux vaut avoir été faire un tour sur le site Internet de Topshop ou avoir fait la ronde des fripes avant de rentrer dans ce lieu où la décoration à dominante rouge est très burlesque. Comme dans tous les clubs, le type de musique dépend des soirées, mais le rock y tient une place prépondérante tout comme l’électro parisien. Un conseil pour maximiser ses chances de rentrer ? Avoir le nom complet du DJ et dire qu’il vous a invité à cette soirée. De plus, ayez l’air blasés ; mais ça, normalement, on n’a pas besoin de vous le rappeler ! e.e. 54
lxxv x palais de tokyo Pour fêter le début de l’année, LXXV s’est arrêté le temps d’un soir au Palais de Tokyo, le 9 janvier 2010... une occasion de mettre un visage derrière les plumes et les palettes graphiques du magazine et de parler bonnes résolutions avec nous en feuilletant une édition spéciale du LXXV #2!
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1. Cécile Carpentier et une amie, Christelle Sipolis, Eléonore Lecointe, Stan Coppin 2. Laure Wagner, Sylvain Tesson (écrivain), Marin de Viry (écrivain), et une amie 3. Eléonore Lecointe, Quentin Touchard 14 4. Karen Hazan, Léa Samain et une amie 5. Dorian Dawance, Lisette Sung et des amis, MarieBlanche Paumier et une amie 6. Caroline Tixier et Lauriane Couturier 7. Lerna Sahincik, Christina Bézès 8. Jonathan Masia, Jean-Baptiste (MJB) 9. Steven Sampson (écrivain) 16 10. Cécile Carpentier, Quentin Touchard 11. Sylvain Tesson 12. Cécile et Laure Wagner 13. Jean du Sartel et une amie 14. Caroline Bourgine et Emilie Meranger-Gay 15. romain le Cam (bloggeur) et une amie 16. Dorian Dawance et Marc-Antoine Gélibert (Valmonde) 17. Jonathan Masia et Stan Coppin
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Encore merci à l’équipe du Tokyo Bar/ et à Sylvain Mauberret du Groupe O pour l’impression des magazines pour cet évènement. 55