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CAFÉ DES LYONNES
MARYLÈNE MILLET
Chaque mois, Alexandra Carraz-Ceselli, fondatrice de l’Équipe des Lyonnes, nous propose un entretien avec une Lyonnaise au parcours remarquable. Découvrez avec ce « Café des Lyonnes », l’étonnant portrait de Marylène Millet, maire de la commune de Saint-Genis-Laval. Outre ses multiples engagements, elle évoque avec nous son parcours, ses choix de vie, ses sources d’inspiration et les fondements de son engagement dans le débat public.
Propos recueillis par Alexandra Carraz - Photos © Saby Maviel et DR
Alexandra Carraz-Ceselli : Êtes-vous une femme engagée ?
Marylène Millet : Oui, je pense être une femme engagée, d’ailleurs être maire, c’est être engagée. Occuper cette fonction, c’est non seulement une preuve d’engagement, mais également une continuité avec mes engagements antérieurs. Depuis toute jeune, j’ai toujours été engagée, dans mon parcours à la fois professionnel et personnel, et c’est ce qui m’a progressivement conduit vers les fonctions que j’occupe aujourd’hui.
Que vous apporte cet engagement exactement ? Pourquoi est-ce si important pour vous ?
Ce qui est important c’est de dépasser sa propre personne, de faire des choses pour les autres et d’essayer de servir, aujourd’hui les habitants, mais autrefois à travers des missions associatives, d’autres causes. C’est cela qui m’anime, parvenir à dépasser son cas personnel.
Pensez-vous qu’aujourd’hui il manque quelque chose aux femmes pour s’inscrire dans le débat public ?
Je pense qu’elles ont les capacités et la motivation, cependant il y a parfois ce qu’on appelle ce fameux plafond de verre qu’il faut percer. Il faut surtout être persuadée qu’on a cette capacité, et ne pas avoir peur d’y aller : il faut oser ! Et puis toujours, chevillée, l’envie de faire quelque chose pour les autres.
Quel a été le moteur de votre engagement à devenir (la première femme) maire de Saint-Genis-Laval ?
C’est à la fois une volonté de prendre part au débat public, et puis une continuité par rapport à d’autres fonctions électives. Après on ne se réveille pas un matin en se disant « je vais devenir maire de Saint-Genis-Laval » car on ne devient pas maire tout seul, on a aussi une équipe ; c’est d’ailleurs très important pour moi cette notion de collectif. J’avais envie de proposer un projet, des personnes se sont agrégées autour de moi et on a construit ensemble ce projet, avant de le porter devant les habitants, et aujourd’hui de le défendre et de l’exécuter.
« IL FAUT PERCER LE FAMEUX PLAFOND DE VERRE »
À votre avis, est-ce plus difficile de devenir maire quand on est une femme ?
Le plus difficile finalement, c’est souvent le regard des autres. On me disait souvent « ça ne va jamais marcher ». Je me suis dit « et alors ? » Avec mon équipe, on était persuadé qu’on avait un projet intéressant, on avait beaucoup de motivation à le porter, et on s’est dit qu’on allait bien voir si on rencontrerait notre public. Finalement, ce qu’il ne faut pas, c’est s’interdire d’essayer ! Ce n’est pas grave d’échouer. Si je n’avais pas été élue, cela ne remettait pas en cause qui je suis, ni ce que j’ai accompli dans la vie.
Quel a été votre parcours ?
Petite je voulais être majorette, puis volcanologue, ce qui m’a valu de collectionner tous les livres d’Haroun Tazieff, avant de réaliser au collège que je n’aimais absolument pas la géologie. J’étais plutôt bonne élève, je suis rentrée en école de commerce et me suis lancée dans la vie active avec de nombreux changements de caps. À chaque fois que j’ai senti que je n’étais plus totalement à ma place quelque part, je me suis posé la question de ce que j’aimerais faire et de qu’il fallait faire pour y arriver. Je ne me suis jamais fixée de limite, ce qui est lié à mon éducation. Ma mère travaillait, on m’a toujours incitée à travailler, à donner le meilleur de moimême, et on m’a toujours fait confiance et dit que j’étais capable. Je crois que ça c’est très important, car ce sont des choses qui se construisent dès l’enfance et qui nous poursuivent après.
Avez-vous connu des difficultés dans votre évolution de carrière, en tant que femme ?
Dès mon premier emploi, où j’étais commerciale dans un grand groupe de l’agroalimentaire, j’ai été véritablement « blacklistée » à la naissance de mon premier enfant quand j’ai demandé un 80%. À l’époque, le directeur commercial France m’avait répondu : « Chez nous, même les secrétaires ne travaillent pas à temps partiel ». Du jour au lendemain, l’attitude de l’entreprise a beaucoup changé par rapport à moi, alors que de mon côté mon investissement, mon travail, étaient restés les mêmes. Cela ne me correspondait plus, donc j’ai repris des études par le CNED, en parallèle de mon travail et de ma vie de jeune maman, et j’ai passé le concours de professeur des écoles.
Quel a été le chemin vers votre engagement en tant qu’élue locale ?
Au bout de dix ans de professorat, le côté collectif et travail en équipe me manquait, et c’est à ce moment-là que j’ai rencontré celui qui m’a permis de m’engager en politique. Je connaissais déjà l’engagement associatif, puisque j’étais bénévole dans plusieurs associations (les scouts et dans une maison de quartier pour l’apprentissage du français), mais cette rencontre m’a permis de connaître l’engagement au niveau d’une commune. Je me suis impliquée dans la campagne de manière très enthousiaste, et je me suis retrouvée adjointe des solidarités et des personnes âgées, ce qui m’a passionnée. À tel point, que plusieurs années après, j’ai de nouveau repris des études pour travailler en EPHAD.
« L’ÉGALITÉ SALARIALE DOIT ÊTRE LA PRIORITÉ »
Quels sont vos conseils aux femmes souhaitant s’engager dans la vie politique ?
C’est le fait que l’on soit des hommes et des femmes qui apporte au débat public, donc ne vous posez pas la question de savoir si c’est trop compliqué, posez-vous la question de ce que vous voulez apporter, au niveau de votre quartier, de votre ville, ou même plus loin. Les femmes ont des idées, il faut qu’elles osent. Mais c’est encore plus aux enfants que j’ai envie de m’adresser, notamment aux jeunes filles, puisqu’au Conseil municipal des jeunes, j’en rencontre beaucoup et je leur dis : « Ne vous mettez pas de limites, osez faire ce que vous avez envie de faire ».
Si vous aviez une baguette magique, et que vous étiez en capacité d’agir très concrètement, quelles mesures vous prendriez pour permettre aux femmes d’être plus engagées dans le débat public ? Y-a-t ’il un levier ?
L’égalité salariale doit être la priorité. S’il n’y avait pas eu la loi sur la parité, on ne nous aurait pas ouvert si largement la porte, par exemple en politique. Donc, il faut en passer par là. Il faut savoir faire d’une contrainte, une opportunité.
> Retrouvez cet entretien dans son intégralité sur la chaine « L’équipe des Lyonnes »
UNE FIGURE FÉMININE COMME SOURCE D’INSPIRATION
Marylène Millet évoque souvent le parcours de la marathonienne Kathrine Switzer comme modèle. Alors que les marathons n’étaient pas ouverts aux femmes, Kathrine Switzer s’inscrit officiellement en 1967 mais sous ses seules initiales. Le jour de la course, elle décide de ne pas masquer son identité. Les organisateurs feront tout pour l’empêcher d’accomplir le marathon. Elle parviendra pourtant à terminer sa course et à devenir ainsi la première marathonienne officielle de Boston. #freetorun fait référence au film qui retrace sa vie