BICHE
Made in China
母鹿
HS#1 Mars2016
新年快乐
Nous tenons à remercier toutes les personnes s’étant investies dans ce numéro hors série de Biche spécial Chine ! Les expat’, ceux qui sont revenus, ceux qui y retourneront pour leurs textes et leurs photos de qualité... Et particulièrement Lionel Debus, à l’origine de ce Made In China, qui s’est vraiment donné et a dû harceler tout son répertoire ! 2
EDITO
Nihao! A l’occasion du Nouvel An chinois qui a eu lieu le 8 février dernier, Biche se met aux couleurs de la Chine. Ce numéro Made in China, réalisé par nos étudiants passés ou présents sur la base de leurs expériences personnelles, académiques, professionnelles ou de recherche, va vous transporter à des milliers de kilomètres pour vous faire découvrir les merveilles de l’Empire du Milieu. A travers ce numéro bien fourni (vous avez le droit de faire des pauses!), vous pourrez avoir un aperçu de la grandeur et de la richesse de la Chine. En somme, un condensé de l’aventure chinoise que l’école mène depuis plus de cinq ans déjà, et des fruits qu’elle a pu porter. Alors, bonne lecture à vous. Zaijian!
八. 十. 十二. 十八.
二十. 二十二. 二十六. 三十二. 五十八. 六十二. 六十六. 七十. 七十二. 七十八. 4
8. 10. 12. 18.
Nouvel An Chinois
Shanghai c’est quoi
Tuto évasion
There is no reason why
. 20. 22. 26. 32. Masterchef Shanghai
Internet et la censure
L’ENSAS, la Chine et moi
Histoire d’un Road Trip
58. 62. 66. 70. L’Opéra de Pékin
Lilongs, lieux d’émotions
72. 78. So Cliché
Jeu
Travailler en Chine
Shu, un artiste made in China
6
8
å…«
8 Février 2016
Année 4714, singe de feu Le singe est le neuvième animal du zodiaque chinois. On le dit malin, débrouillard, doué en affaires et opportuniste. Il s’entend bien avec le Rat et le Dragon mais très mal avec le Tigre.
Chiffres : 3 4 5 7 Couleurs : blanc, bleu, jaune Prochaines dates : 28 janvier 2017 (Coq), 16 février 2018 (Chien), 5 février 2019 (Cochon)
À savoir :
Caractère « fú » inversé, il signifie « le bonheur arrive » ; on le retrouve souvent placardé sur les portes des maisons ;
Le Nouvel An chinois, aussi appelé Fête du Printemps ou Fête du Têt au Vietnam, est la fête la plus longue et la plus importante pour les communautés asiatiques.
Couleur rouge : elle symbolise le bonheur
Le terme « Nóngshì Xīnnián » signifie littéralement « nouvel an du calendrier agricole » car il se célèbre suivant un calendrier à la fois lunaire et solaire. Il se fête chaque année entre mi-janvier et mi-février, le jour de la première nouvelle Lune de l’année. Cette fête est un moment dont on profite en prenant des vacances, en se réunissant en famille et entre amis. Traditionnellement, les festivités s’étendent sur quinze jours, jusqu’à la première pleine lune de l’année.
Nouvel an chinois Bonne année ! Bonne fortune, longévité
Enveloppe rouge : offerte aux proches, elle contient de l’argent ; Danse du lion : pratiquée pour chasser les esprits malins et apporter la bonne fortune Dragon chinois : il est le symbole de la bonne fortune Pétards : de nombreux pétards sont lancés pour cette fête, leur bruit est censé faire fuir les mauvais esprits. Poisson : homophone de surplus en chinois, il représente l’abondance. xīn nián xīn nián kuài lè fú, cháng shòu
新年 新年快乐 福 长寿
SHANGHAI C’EST QUOI ? Ce sont d’abord plus de 24 millions d’habitants, une mégalopole de 6340 km², 16 districts. C’est le premier port mondial. Ce sont 255 milliards de dollars de PIB. C’est aussi plus de 1000 gratte-ciels, et tout autant de chantiers. Une tour de 632 m de haut. Une rivière large de 500. Musées, temples, et jardins par dizaines. Sans oublier le futur Disneyland Shanghai. 2 aéroports, 4 gares, 14 lignes de métro et un train dépassant les 425 km/h. Enfin, Shanghai c’est aussi 45 500 restaurants, et presque autant de food trucks.
On continue ? Shanghai offre de multiples possibilités qui raviront chacun suivant ses envies : Collocation de Français dans une tour ou immersion dans un quartier typique ? Café chez Starbucks ou Chinese Tea House ? Salle de sport ou tai-chi collectif dans un parc ? 1 Noodles et 图片 au coin de la rue ou Barilla et Vache qui Rit chez Carrefour ? Shopping chez Zara ou négociation ardue au Fake Market ? Night club made in Ibiza ou soirée karaoké ? Musée d’art contemporain, ou M50, le repère d’artistes locaux ? C’est la ville de tous les possibles, le plus difficile est presque de choisir. Alors Shanghai, est-ce vraiment la Chine ? La réponse, s’il y en a une, est probablement plus proche du non. Mais cette ville est avant tout ce que l’on décide d’en faire. Un savant mélange d’histoire et de traditions en même temps qu’une cité moderne et mondialisée. Une jeune ville devenue un organe majeur de l’Empire du Milieu. Une ville qui ne dort jamais et brasse des centaines de nationalités. Une ville investie autant par les businessmen que par les touristes, par les Chinois autant que par les « laowai »2. Le conseil made in China ? Chers lecteurs de Biche, oubliez tout ce que vous pensiez savoir sur Shanghai et laissez-vous porter par l’énergie bouillonnante de cette ville. Aucun doute qu’elle offrira beaucoup à tous ceux qui franchiront, comme nous, les 10 000 km qui nous séparent. Candice Grojean
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1
Baozi : petite brioche fourrée incontournable.
2
Petit surnom donné aux étrangers non-asiatique en Chine (se traduit littéralement par vieil étranger).
十
TUTO EVASION
COMMENT DEVENIR CHINOIS ? LES 92 ETAPES CLEFS
Guillaume Sanseigne. Sans intégrer la mafia et la contrebande d’opium bien sûr, parce que c’est pas bien! Et sans être obligé de recourir à la chirurgie esthétique parce que c’est pas bien non plus (exemples : Donatella Versace, les frères Bogdanoff etc.). Ola mon bon Strasbourgeois, c’est avec impatience que BICHE attendait de te retrouver, toi, mon bon lecteur, oh oui tu m’as manqué! Et tu me manqueras encore pendant un bon semestre, car je suis parti à l’étranger. Voilà déjà six mois que j’ai quitté mes tartes flambées pour rejoindre le Royaume de l’Absurdité. Tu me diras : « Mais whaaaat? Qu’est-ce qu’il me dit lui ?! » Oui, c’est comme ça qu’on te décrira l’Empire du Milieu le jour de ton arrivée. Et très vite, tu comprendras pourquoi. Tu rêves de vivre dans un monde WTF? Plus besoin de passer des heures à éplucher les blogs à la con plein de vidéos de chats « trop mimiiiiiii » !
12
十二
Eteins plutôt ton putain de laptop à 2000 balles – de toute manière il te sera inutile ici, car oui dans mon monde merveilleux, Internet n’existe pas – et viens me rejoindre! On pourra acheter des lapins en cage sur un scooter au bord d’une route à 6 voies, juste sous la highway qui survole la ville. Si t’es pas trop lapin, ne t’inquiètes pas, on pourra acheter une tortue vivante. Dans un sac plastique. Ou dans un porte-clefs, si tu préfères. Car, OUI, dans mon bon royaume tout est possible. Laisse-moi te partager une petite description Wikipédia de ce pays fabuleux (car oui, ici, en cours les profs n’ont pas peur de citer Wikipédia comme une source scientifique, et c’est bien normal) :
Voilà, désolé mais ce sera tout, car comme d’habitude, Internet a coupé.
Assez papoté. Parlons à présent du principe qui régira ta vie ici en Chine : le CHINESE STYLE. C’est LA seule notion qui te sera utile ici. Si tu veux t’intégrer, faire corps avec la marée humaine qu’est la Chine, tu devras vivre le Chinese style, en faire ta priorité. Mais qu’est-ce que le Chinese style ? Oui ! Qu’est-ce que c’est ? Et bien c’est très simple : c’est le mode de vie que tous les Chinois appliquent. Par exemple : passer devant tout le monde dans le métro (car oui faire queue, ça n’existe pas en Chine), pousser pour avoir sa place dans les escalators (qui par ailleurs ont fait pas mal de blessés cet été), fumer sous un panneau interdiction de fumer, ignorer les gens quand tu as la flemme, faire genre de ne pas comprendre quand ça te fais chier, parler (ou gueuler) en français aux Chinois, se foutre complètement de ce qu’on te dis … Bref tellement de choses caractérisent ce Chinese style, qu’il en devient presque impossible à expliquer. En gros, on pourrait essayer de résumer ça à : « Je m’en fou ! j’ai la flemme ! Balec ! De toute manière on est plus d’un milliard donc si tu veux te faire une place oublie ta politesse et tes bonnes manières à la française, tellement petit bourgeois, SO 2014 ! Fonce dans le tas! On verra ! Et interdiction, interdi-quoi ? Je comprends pas.” Pour tout t’avouer, cher lecteur, je pourrais tout te décrire, tout t’expliquer, mais pour le faire, même un numéro de Biche entier ne serait pas suffisant. En un semestre, tu en prends tellement plein la gueule (#dedicacemanon) que c’est juste impossible de tout te raconter mon petit. Je pourrais te raconter l’histoire de l’octogénaire qui te répare la chaussure en marchant alors que tu lui a dit clairement « bu shi » 150 000 fois et que tu continues à marcher mais qu’elle te suit quand même ; l’histoire de la fille qui voulait avoir sa chambre et que la réceptionniste lui a juste dit de se trouver un hôtel parce qu’elle avait la flemme de tendre le bras pour prendre le cahier dans lequel elle avait sa chambre ; l’histoire du chauffeur de taxi qui dort (Mais vraiment !) au volant à 120 km/h alors que c’est limité à 50 ; l’histoire de la coupure d’électricité dans ta chambre ; celle du mec qui livre l’eau au dortoir ; te raconter l’expérience des fake markets ; te décrire les styles vestimentaires les plus douteux que tu côtoies toute la journée ; te montrer les nombreuses photos que j’ai dû prendre avec des Chinois ; te citer tous les endroits où les Chinois font la sieste, à n’importe quelle heure de la
journée (bon celui-là c’est simple, c’est PARTOUT, surtout au travail). Bref, en fait, tant que tu n’y es pas tu ne peux pas te faire une idée de ce que c’est réellement. Je pense que le Chinese style correspond en grande partie au fameux « choc culturel ». Si tu veux savoir en quoi il consiste ce choc, pitié, n’épluche pas les résultats Google, tu vas tomber sur de nombreux blogs, notamment celui de « la meuf de 30 piges qui est genre trop stressée parce que son enfant doit s’adapter et il a du mal et puis après ça va mieux ». Bref, le blog typique d’expat’ tellement chiant, où on te dit que oui le fromage te manque, mais que c’est dépaysant, et que « ouh là là on est rentré en France ben ça fait tout bizarre-bizarre ». Laisse-moi plutôt te l’expliquer : moi j’appellerais plutôt ça un « WTF culturel », quand je te parlais d’absurdité, c’est de ÇA dont je parlais. En fait c’est juste que tu vas toujours te poser la question « Mais pourquoi ?! » et puis finalement, tu vas t’y faire et plus rien ne te choquera. En gros c’est le genre d’endroit où tu peux croiser un vieux balayant le trottoir avec un balais plus que moyenâgeux, si ce n’est pas mérovingiens, fait de branches au pied de la deuxième plus haute tour du monde. Un des seuls endroits où dans le métro tu peux voir une mamie de 90 ans sans dents, avec un faux sac Channel, et des fringues dégueu bien bling-bling doreyy, strass et paillettes, en train de regarder ses messages sur son iPhone 6+ doré, et de regarder une série avec son deuxième smartphone dernier cri dans son autre main. Car oui on a deux mains, alors pourquoi n’avoir qu’un smartphone ? C’est complément con comme idée c’est vrai ! Et ah oui ! Au passage, si tu es geek, paradoxalement, ce pays et fais pour toi, ici on est geek de 7 à 77 ans (#MerciSardou). En gros, la Chine, enfin Shanghai, pour l’instant j’ai plus l’impression que c’est la France des années 90, que toi nouveau lecteur de Biche a failli ne pas connaître, et que toi (il se reconnaitra) tu as vécu pendant ton adolescence. Je m’explique : te souviens-tu de l’époque des 40 emballages plastiques qui entouraient ton goûter et tous les trucs au supermarché ? L’époque où l’on pouvait fumer dans les restaurants, bars et autres “discothèques” ? Où la voiture était le moyen de transport préféré de tes parents ? Quand les trottoirs étaient des parkings ? Quand les chaussures qui clignotent existaient encore ??
Ben voilà, en gros ça ressemble à ça, tu ressens parfois les dizaines d’années de retard qu’ils ont par rapport à nous, mais aussi les années d’avance qu’ils ont notamment par rapport au trucs de geek, genre réseaux sociaux, là franchement, on est ridicule nous avec notre baguette et notre béret (#CLICHEYY). Ici ils ont déjà la fake iBaguette Channel ! Et la poubelle Louis Vuitton ! Pour résumer, disons que ici, c’est pratiquement l’Europe mais en mieux : tu as un peu l’impression de revivre l’insouciance ambiante des 90’s de ton enfance, genre tout est possible, tu te fiches de tout, tu “Kiff graaAAaave”. Voilà j’espère que mon royaume te fait rêver ! Car malgré sa saleté et parfois son apparente insalubrité, tout comme moi, tu vas l’adorer, le vénérer, et plein d’autre verbe du premier groupe ! Là tout de suite je tiens à m’excuser pour la longueur de mon article, pauvre lecteur, pauvre toi, tu es toujours à Strasbourg et en plus de ça tu es entrain de te coltiner une page et demi d’absurdités mal rédigées, avec beaucoup trop de rime en -é. Mais comme tu l’as compris Biche s’en fiche, Biche vit à l’heure du Chinese style ce mois-ci. Comme dirait quelqu’un que je ne connais pas : « BREF BREFI BREFOUILLE ». Je vais terminer avec mon idée première qui était d’écrire les « Dix Commandements de l’Expat’ en Chine ». Mais bon, réflexion je me suis rendu compte que je pouvais écrire autant de commandements que le nombre d’habitants de ce pays glorieux et conquérant. Tu trouveras tout au long de ce Biche un petit aperçu de ces Commandements (soit environ 0,0001%). ENJOY ! Voilà, moi je m’arrête là, sache quand même que l’on travaille un peu quand même ici, mais je sais que ce n’est pas ce qui t’intéresse, toi, mon petit lecteur de Biche.
Ignorer les crachats tu devras (oui
Du mifan tu mangeras. Les caméras tu salueras. Au karaoké tu iras.
Mao tu vénéreras. Sur la route tu ne mourras pas.
Dans le métro tu pousseras.
A la visite médicale tu survivras.
Chiller sur les rooftops tu feras. Peu importe ce que tu achèteras tu négocieras.
La vaisselle tu oublieras, car des foodtrucks La sauce pimenté tu refuseras. La vraie bière te manquera.
Le vin tu oublieras.
Manger comme les chinois tu éviteras, A l’usure les Chinois tu auras.
L’eau du robinet tu ne boiras pas. Le petit livre rouge tu apprendras.
BISOUS CHINOIS. Koeur koeur.
Avoir des arguments et des priorités Guillaume Sansaigne
PS : En cadeau, tu as le droit à une petite agression visuelle bien kitshouille WTF bling bling chinese style. 14
Des milliers de cartes tu accumuleras. D’un routeur et d’un VPN tu te muniras.
maintenant c’est au tour des rimes en -a). Au WTF et à l’absurdité tu t’habitueras.
Des articles pour Biche tu écriras.
Les GIF Wechat tu collectionneras. Ta patrie tu oublieras.
Des babioles traditionnelles tu collectionneras. L’immensité de la ville tu réaliseras, quand 2h30 de métro à 8h du mat’ tu feras. Les scooters ninja tu éviteras.
Aux taxis douteux et dangereux tu t’habitueras.
Du pétrole tu seras le roi.
De l’été indien jusqu’à novembre tu profiteras.
La forêt de bambou après 18h tu éviteras, sinon les oies sauvages combattre tu devras.
Comme tous les Chinois, l’argent tu vénéreras. Toute communication avec le monde extérieur tu oublieras.
L’escale à Dubaï avec Emirates tu éviteras, sinon tu le regretteras.
tu abuseras.
Bla bla bla bla bla bla bla
Du café au carrefour tu achèteras.
Les soirées promoteur tu essayeras, et le lendemain tu regretteras. Au coucher de soleil à 18h30 tu te feras.
Au dortoir tu dormiras, mais des économies tu feras.
sinon propreté et dignité tu perdras.
Le sino-fran-glais tu parleras.
Chez ton opérateur mobile tu (raqueras) tu paieras.
Sur une planche de bois tu dormiras, mais merci à IKEA qui te vendra un matelas. La surpopulation allemande te surprendra, plus qu’à Kehl tu en verras.
Acquiescer à tout ce que tu ne comprends pas tu devras.
business pour ton projet tu devras, car un consommateur toujours il y aura. Les problèmes avec ta banque tu prévoiras.
Beaucoup trop d’huile tu ingéreras, mais BurgerKing te sauvera.
D’être partis tu ne regretteras pas.
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THERE IS NO REASON WHY Mickaël Giraud. Je crois bien qu’il s’agit là de la « doctrine » la plus explicite et la plus évidente à suivre lorsque l’on prévoit de vivre en Chine. Elle vous sera haleinée « ivrement » par un Englishman en manque de sa Queenie, sur le Bund, avant l’heure du tai-chi, un matin de rosée polluée. Imagine-toi, petit L3 : Tu prendras le métro à Shanghai, car oui marcher c’est pour les faibles. Ne t’attends pas à devoir faire la queue pour acheter un billet, encore moins pour passer les portiques : premier arrivé, premier servi, c’est la règle d’or ici. Ce principe ne s’applique pas seulement au métro mais aussi en caisse au supermarché, au musée, à la banque, chez l’opérateur mobile, sur la route, dans l’ascenseur, chez Uniqlo, au food truck, bref PARTOUT. Alors NON ce n’est pas de l’impolitesse, ni un manque de respect, c’est seulement la Chine. Tout comme le crachat : où que tu sois, tu entendras toujours un bel et profond reniflement tout droit venu des entrailles les plus profondes des cavernes sinusoïdales chinoises, suivi d’un bon Llama style… Tu ne t’y feras jamais. JAMAIS ! Maintenant le Chinois… du haut de ses 1m50, (oui, tu seras grand en Chine), le Chinois est l’être le plus étonnant au monde. Je dirais même qu’il est le plus intelligent ! Oui, vraiment, ne tourne pas de l’œil ! Cela dit, n’attend pas de réponse à une question posée à un Chinois, s’il n’a pas envie de te parler (parce qu’il a mieux a faire en jonglant entre son Iphone 6S et son Galaxy S7 : deux téléphones c’est mieux, un pour jouer, un pour Wechat). Aussi, la communication reste chose difficile : sa connaissance de l’anglais est à peu près aussi inexistante que ta maîtrise du mandarin. S’il n’a pas envie de te parler il te le fera savoir malgré la barrière de langue. En revanche, s’il veut te parler, en chinois bien sûr, il ne te lâchera pas petit veinard ! Il te touchera, il te caressera les cheveux, se payera ta tête… car oui, tu ne parles pas chinois, mais le langage universel, ou les gênes primitifs du chaînon manquant, ou l’instinct de survie, que sais-je, te font bien comprendre qu’on se paye ta tête. 18
十八
Ton rapport à l’argent prendra une tout autre démesure ici. Tu apprendras que des agences ne remportent pas de concours parce que le BUDGET N’EST PAS ASSEZ ELEVE, ou encore que le rêve numéro un pour le Chinois, c’est d’être riche, et tu le comprendras par ce que tu verras : Shanghai est le temple du bling-bling kitsch post 90’s. Tu meubleras ta chambre avec des poubelles Louis Vuitton à 1,20€, avec des statues dorées de chat en transe, de dragons dans des positions inimaginables, ou encore par des lustres en cristal à en faire baver de jalousie Marie-Antoinette. Tu as une idée folle, un besoin inassouvi ? DO NOT WORRY : tout s’achète à Shanghai. Il te suffit juste d’envoyer un petit message Wechat à ton fournisseur officiel (du fake market) de sacs, chaussures, montres, vélos, motos, téléphones… et il passera sa journée à éplucher le tout Shanghai pour te trouver le dernier sac à dos Issey Miyake ou même le prochain iPhone 8s. Tu entreras alors dans le monde merveilleux de la négociation à la chinoise… Après être passé par une trappe dans le plafond de sa boutique de 8m2, ton fournisseur/vendeur/ ami (rayer la mention inutile) en ressortira par le sol, sous l’étalage de chaussures. S’entame alors la meilleure partie de ta journée : tout d’abord vous vous cacherez car la négociation est un art secret, on ne fait pas ça en public. Puis une fois la calculatrice devant vous, il ne faut pas lâcher. Attends-toi à assister à la plus belle pièce de théâtre de ta vie : cris, larmes, compliments, excuses, tout est bon pour te faire craquer. Comment savoir si tu as fait l’affaire du siècle ? Seulement quand tu ressortiras le sourire aux lèvres et que le vendeur t’aura jeté hors de sa
Alors oui, tu te demanderas : « Mais comment on peut vendre du faux Chanel, devant la vraie boutique Chanel ? » … Alors tu te feras dire par tes professeurs que : « Oui la politique de la propriété intellectuelle en Chine n’est pas bonne, mais bon c’est à cause de l’ONU et des Pays de l’Ouest qui assomment le pays de restrictions, et que du coup, des lois sont écrites à la va vite… » Mais ne t’inquiètes pas, on te dira aussi que ce sera mieux dans les années à venir, et que, de toute façon, ce sera toujours la faute des Pays de l’Ouest (fichus Américains). Bon si Shanghai te fait peur, en réalité, dis-toi que malgré les quelques 24 millions de bébés Mao, la ville reste très sûre. La criminalité et la violence sont quasi-inexistantes, les vols très peu courants, les conflits se règlent par consensus, par voie du dialogue. Encore une fois, les Chinois sont les meilleurs, tu comprends ?!!
Le seul danger vrai danger, ici, exception faite des particules fines et des empoisonnements alimentaires, c’est la route. Elle vous rend parano, tu regardes partout. Tout le temps. Même aux aguets, tes oreilles ne servent à rien, leurs scooters-ninjas sont électriques (ils sont meilleurs). Le seul code de la route en vigueur c’est le feu rouge (et encore). Pour le reste, ce qui importe c’est d’arriver à la destination finale, peu importe comment. C’est la jungle, les priorités n’existent pas, les limites de vitesse non plus, c’est le règne du klaxon et des appels de phares ! Mais encore une fois, le taxi chinois reste meilleur que toi au volant : il ne fait jamais d’accident, même quand il s’endort à pleine vitesse sur l’autoroute ; il trouve toujours le truc pour se sortir du bouchon ; il te mettra la meilleure musique possible… Et sera ton meilleur ami durant le trajet du retour, après une soirée bien arrosée, de jour comme de nuit.
Alors, oui, toi, le L3 en hésitation, tu vas lire nos articles, et te dire que tu n’as peut-être pas envie de venir. NON, STOP ! Laisse le Québec à ton ami hipster qui fera 5h de route pour faire LA photo qui cartonnera sur Instagram, ou encore laisse le payer 15€ ses cigarettes jusqu’à en être dans le rouge pour faire son atelier à Cuba (Spéciale dédicace à la Franche-Comté)… Shanghai est fait pour toi : Il y fait chaud jusqu’en novembre, tu dormiras dans des coussins Chanel, prendras le taxi pour sortir et revenir, payeras une misère pour aller à Hong Kong, (où tu achèteras ton matos informatique sans taxes), tu iras faire ton festival sur la muraille de Chine, tu feras ton workshop sponsorisé par l’Unesco avec ton cours de poterie tous frais payés par Tongji, tu auras des profs de Harvard, du MIT, de la AA School, tu auras enfin l’impression de savoir parler anglais, tes cours n’auront pas d’examens (ou presque pas) tu seras content quand tu comprendras tes premiers mots de chinois, et que tu commanderas à manger ; tu pourras aller visiter la Corée du Nord sans que personne ne te demande un tas de papiers inimaginables, tu pourras t’amuser au plus grand Disneyland du monde, tu travailleras avec des Versaillais qui seront jaloux de ta situation puisqu’ils passent leurs PFE et mémoire à Tongji, en plus des cours à suivre, et enfin tu te sentiras chez toi très vite, tu te diras que c’est pas plus mal que ça l’accès à l’Internet limité, puisque tu ne seras pas submergé d’informations et d’images de désastres, de haine, de malheurs, de rejet (puis maintenant que Claire Chazal s’est faite virée, ça ne vaut plus la peine de voir les infos), ton Internet deviendra un outil et non plus un passe temps et tu te sentiras en sécurité car oui, la Chine est l’amie du monde entier, future première puissance mondiale oblige !
SO, WELCOME TO CHINA GUYS!
Mickaël Giraud
MASTERCHEF SHANGHAI Bonjour à tous, et bienvenue dans MasterChef Shanghai !!!!!! Aujourd’hui nous allons vous donner par le menu les ingrédients et la recette pour vivre une véritable aventure chinoise. Alors attention les papilles et à vos tabliers, vous allez être dépaysés !!!!
Difficulté : un investissement Durée : une année complète Coût : variable suivant le taux de change Ingrédients : 1 grosse ville, bien démesurée 1 énorme campus, certifié 90% chinois 500 g de lieux insolites 1 grappe d’étudiants strasbourgeois, au tempérament bien trempé 1 poignée d’étudiants internationaux, bien mûrs 50 cl de bouillon, type Mandarin(e) et le Petit Chinois incompréhensible soleil, moustiques une pincée de contrastes époustouflants sel, poivre
En entrée, nous vous proposons un déglacé de Strasbourgeois dans son écrin de bâtiments extravagants sur lit de vinaigrette « surprise chaotique ». Viennent ensuite en plat nos célèbres brochettes d’étudiants internationaux, façon « laowai », accompagnées d’une poêlée de lieux insolites assaisonnés aux épices poudre aux yeux. Le tout sera arrosé d’un bouillon de culture savoureux bien que quelque peu relevé. Nous vous conseillons vivement de goûter à notre spécialité locale, notre dessert maison « Extrêmes de Chine », une chinoiserie sans nul autre pareil où un biscuit sablé sucré-salé rencontre une mousse aigre-douce à la fleur de kitsch. Un MUST incontournable à Shanghai. Pour faire descendre le tout, nous vous invitons à tester notre cocktail unique en son genre : « Shanghai vie nocturne ». Hautement stimulant, il ne vous laissera pas indifférent : on se l’arrache de Londres à Ibiza, on the rock, préparé au shaker avec un soupçon de baijiu. À consommer sans modération ! Pour finir le repas le ventre bien rempli, un large bol de riz délicatement parfumé servi avec ses baguettes. Magique !
J’espère que ce menu exotique vous mettra l’eau à la bouche autant que la vie ici nous ravit les papilles. Shanghai, c’est un festival d’odeurs, de saveurs, de goûts et de couleurs. Nous en prennons chaque jour plein les yeux. Et chaque jour, une surprise plus insolite encore que celle de la veille nous émerveille. Pas encore convaincu ? Une seule solution : l’essayer, c’est l’adopter ! En espérant vous voir bientôt dans notre nouveau restaurant. D’ici là, à la vôtre ! Ganbei ! 20
二十
Marie Billa
Internet etET la Censure dans INTERNET LA CENSURE l’Empire du Milieu DANS L’EMPIRE DU MILIEU Célèbre ?
Critique le gvt ?
En rapport à la vie publique ?
Viral ?
Critique le gvt ?
Contredit les priorités du gvt central ?
Encourage des activités illégales ?
Révèle des méfaits en particulier?
Encourage des rassemblement large ou récurrents ?
Critique le gvt local plutôt que central ?
Contient des images obscènes ?
De la localité de résidence ?
Coïncide avec un pic de discutions sur le sujet ? *
De la famille alors ? Voici les différentes étapes auxquelles un post sur l’internet chinois doit se conformer pour être considéré comme «Harmonieux». 22
Intervention de la police ou d’agents gouvernementaux incluant mais n’étant pas limité à : suppression du compte, interrogation, détention.
*Censuré / Supprimé
Un des aspects les plus marquants pour un étranger vivant en Chine est la censure, notamment celle concernant l’Internet.
L’image la plus censurée de l’année en Chine :
Plus connu sous l’appellation « Great Firewall of China », en allusion à la célèbre muraille, ce système englobe un ensemble de dispositifs assurant au gouvernement chinois un contrôle total sur les activités digitales des résidents du pays, citoyens autant qu’expatriés et touristes. Pour le visiteur étranger, cette censure de l’internet se traduit notamment par l’impossibilité d’accéder à des sites utilisés quotidiennement comme Facebook, Twitter ou encore l’ensemble des services Google (de Maps à Gmail en passant par Drive.. et Youtube !). Ces sites ont en commun, outre leur monopole massif en occident, d’être dédiés à la diffusion d’informations et d’idées. Leur accès a été rendu impossible la plupart du temps suite à la propagation de renseignements jugés nuisibles à « l’harmonie sociale » (ie : débat sur des émeutes, révélation de corruption mais aussi contenu pornographique ou satirique). La censure est en générale mise en place suite au refus d’obtempérer de ces sites par rapport aux demandes du gouvernement, qui peuvent aller de la suppression de contenu à la divulgation d’informations personnelles des utilisateurs. Il n’est donc pas forcément réjouissant de voir qu’un site occidental est accessible en Chine, puisque cela peut être synonyme de collaboration ou de compliance.
La photo de ce jouet en plastique Winnie l’Ourson postée l’année dernière sur le réseau social Weibo (l’équivalent chinois de Twitter) associée au texte « a picture to share » a été partagée plus de 65,000 en 69 minutes avant d’être supprimée par le gouvernement.
L’image fait référence à cette photo du président chinois Xi Jinping lors de l’inspection des troupes en 2015. En effet depuis 2013, le président a souvent été comparé à l’ourson peu malin, tournant en dérision son culte de la personnalité et sa centralisation du pouvoir. Dans ces conditions, le gouvernement, de peur de ne plus avoir la mainmise sur le message politique n’hésite pas à sévir. Comme George Orwell l’écrit, « Every joke is a tiny revolution ». L’une des caractéristiques principales à retenir de la censure en Chine et sûrement la plus terrible est la surveillance. En effet, plutôt que de bailloner les citoyens en empêchant purement et simplement l’expression, le gouvernement surveille et modère sévèrement presque au cas par cas (plus de 100,000 personne à temps plein). La formule marche, une véritable panoptique virtuel est en place et le plus souvent l’auto-censure engendrée suffit à maîtriser les foules. Sources : ForeignPolicy.com, (The)Economist.com
Thomas Guilhen
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L’ENSAS, LA CHINE ET MOI Monsieur Chine de l’ENSAS. Diplômé en 2014, je viens de finir un Master recherche en Urbanisme & Aménagement, et me lance désormais dans une nouvelle grande aventure : la thèse ! Ce mois de février marque un anniversaire très spécial pour moi. Rend-toi compte, cher lecteur, il y a quatre ans à peine, je quittais mes pénates et me lançais à l’assaut de Shanghai ! J’étais alors plus jeune, et fougueux (si, je t’assure !), et partais sans hésitation pour l’aventure de ma vie. ATTENTION ! La propagande commence… MAINTENANT ! Etudier à Shanghai. Un rêve pour certains. Pour moi, une aventure devenue réalité. Une période de ma vie qui me revient en mémoire (instant nostalgie) à chacune de mes visites chinoises. Car il faut dire qu’une fois que l’on a goûté à la Chine et ses petits plats, on ne peut qu’en redemander ! Tant et si bien qu’entre 2011 et aujourd’hui, ce n’est pas moins de cinq allers retours Strasbourg-Shanghai que j’ai entrepris, avec un sixième qui ne saurait tarder. Et tout mon Master de s’en être trouvé teinté d’or, de vermillon et de jade. Je ne suis pas un aventurier (aussi surprenant que cela puisse paraître). Sortir de ma zone de confort ?! Mais quelle idée saugrenue ! Quel non-sens ! Une aberration de la pire espèce ! Si cela n’avait tenu qu’à moi, je serai parti à Montréal, ou à Québec… Mais Shanghai ?! Pourtant, il faut croire que le destin avait d’autres projets pour moi en réserve… le hasard fait parfois bien les choses. Et me voilà parachuté à Tongji Daxue, la célèbre Université Tongji. Le College of Architecture and Urban Planning (CAUP pour les intimes) jouit d’une réputation incroyable, en Chine et au-delà. On y croise Wang Shu à la cafétéria, Mario Botta y joue du piano dans l’atrium, Neri&Hu, Morphosis et Architecture Studio et tant d’autres y donnent régulièrement des conférences… Bref, c’est l’Eldorado de l’étudiant en architecture. Les cours pour étudiants internationaux sont en anglais, dispensés par des enseignants ayant étudié aux EtatsUnis ou au Japon, ou par des guest lecturers tels que Richard LeGates, sociologue de l’urbain américain, ou encore Peter Bersen, enseignant chercheur à la TU Berlin. Les thèmes soulevés sont d’actualité pour cette mégapole de la démesure : l’importance de la mobilité et des transports dans l’évolution et le développement de la ville, l’impact de la mondialisation et des nouvelles technologies dans la redéfinition des rapports sociaux des Shanghaiens, le combat pour la sauvegarde du patrimoine bâti le plus ancien, et la redéfinition d’une identité culturelle et esthétique chinoise puisant dans le vernaculaire si décrié par la révolution culturelle… 26
二十六
N’étant parti qu’un semestre, je n’ai eu à suivre à l’époque qu’un seul atelier de projet. Mon studio s’intitulé « Creative Architecture ». C’était un studio suivi par une grande majorité des étudiants internationaux, exceptés ceux participant au double-diplôme CAUP/Bauhaus, et quelques étudiants chinois anglophones. L’enseignante, Ciao Qingsan, chinoise d’origine, est partie étudier l’architecture à Berkeley, puis a enseigné au Koweït pendant une dizaine d’année avant de revenir à Shanghai. Une enseignante cosmopolite pour une université mondialement réputée ! Pendant le semestre, deux exercices nous ont été proposés, par petits groupes d’étudiants. D’abord, un travail à la petite échelle sur un thème très culturel : créer un pavillon de thé/café de 3m par 3m s’inspirant de l’essence de la culture dont on s’inspire. Notre groupe, avec Jules, un français de Versailles, et Martin, un Allemand de Berlin, a travaillé sur le thé à la menthe marocain. Un travail sur ce qui est vu et ce qui se devine, sur les cinq sens, sur l’image des mille et une nuits et la tente bédouine ont résulté en une espèce de pavillon/ tapis volant élaboré sur les parois duquel un jeu d’ombres chinoises narrait toute la gestuelle de la préparation du thé. Le jury aura consisté en une exposition/vernissage de nos pavillons à Tianzifang, un quartier culturel branché du centre de Shanghai. Pendant l’évènement, nous avons eu la chance de présenter nos projets de pavillon construits à l’échelle 1/1 et de servir du thé à des passants qui venaient les essayer (c’est sans doute de là que je tiens ma passion pour servir à la Kfet). Pour le second exercice, c’est un travail tout à fait différent qui nous attendait. Sur l’invitation d’un homme d’affaire chinois dirigeant une entreprise de BTP, après un détour par Ningbo et Hangzhou (pour voir le cousin de notre SHU national, le camarade Wang Shu)
l’atelier s’est rendu à Yangzhou, une ville au nordouest de Shanghai. Le site n’était rien de moins que la plus ancienne mosquée de Chine, enchâssée dans un magnifique jardin traditionnel, au bord du Grand Canal, et autour de laquelle restaurants et de boutiques ont été construits. Toujours avec Jules (mon Versaillais) nous avons opté pour retravailler le thème du mur habité. Nous nous sommes débarrassés des boutiques et restaurants, et avons érigé un mur le long du jardin. Mais un mur différent. Un mur filtre, comme un écrin pour un patrimoine menacé par la croissance chaotique d’une petite ville chinoise (seulement 3 millions d’habitants). Le mur, également, comme élément vernaculaire chinois. Et dans ce mur, dense et aux ouvertures et vues contrôlées sur le jardin, vient intégrer un programme culturel. Et sur ce mur, le chemin de garde devient un jardin de toiture reliant la ville à son canal. Au final, un travail s’inspirant des travaux de Wang Shu, du Corbusier, et de l’architecture vernaculaire chinoise pour offrir une réponse qui découle du site et de sa richesse. Pour cet exercice, un jury plus « traditionnel » aura rassemblé deux enseignants chinois, un architecte koweïti, un canadien et un enseignant allemand. Somme toute, un atelier enrichissant par son aspect international, le travail sur les échelles et les thèmes très culturels abordés. Je logeais sur le campus. Et dans le dortoir réservé aux étudiants internationaux, une multitude de nationalités se croisait sous un même toit ! Caroline, une étudiante en business de Montréal, avait pour colocataire Alyson, une danseuse malaysienne. Armelle, une amie française, partageait sa chambre avec Papry, une étudiante en médecine du Bengladesh… Quant à mon colocataire, Jan, il étudiait la géographie à Berlin avant de venir à Shanghai. A deux dans un 25m²… Un seul mot : FUN. Et ces gens que l’on rencontre en mobilité, ils vous marquent, ils vous changent : je suis toujours encore le « bro » de Houston et Gordon, deux américains de mon atelier de projet avec lesquels j’ai mangé les meilleurs burgers de ma vie, et à qui j’ai depuis fait découvrir la tarte flambée (amazing, dude) !
Quand je ne les passé pas charrette à finir mes rendus de projet, je passais des nuits blanches à faire la tournée des clubs – The Apartment, Shiva, The Shelter, une espèce de bunker électro-jazz (oui, c’est possible à Shanghai !) – pour finir la « soirée » avec Jan, Martin, Mareike, Kerstin, Mathilde, Juliette et tant d’autres à regarder un cours de tai-chi sur le Bund, le soleil levant en toile de fond… Car à Shanghai, il ne se passe pas un soir sans que vous ne fassiez quelque chose ! Entre les soirées teppanyaki, les karaokés, les bars, la street food, les restaurants en tout genre… Et les expos ! Celles sur le campus réalisées par des étudiants en architecture, les expos de peintures du Musée des Beaux-Arts ou celles de, la Biennale d’architecture… Shanghai est une métropole qui bouge, tout le temps ! Tous les jours quelque chose d’autre à faire, et si peu de temps pour le faire ! On en devient boulimique, à vouloir profiter de chaque opportunité, tenter au hasard toutes les recettes sur les menus incompréhensibles du petit resto du coin… On en veut toujours plus ! Et le Helen’s ! Un bar étudiant où les cocktails se commandent au seau (au bucket) et où le menu ne comporte QUE des spécialités américaines : lasagnes, burgers et pizzas côtoient milkshakes et brownies… Un havre pour tous ceux qui se sentent loin de chez eux et ont besoin de comfort food au milieu de toutes les chinoiseries de Shanghai ! On comprend aisément avec quelle facilité on devient amoureux de cette métropole où votre seul statut d’étranger vous ouvre toutes les portes, et où une simple bourse d’étude suffit pour vous faire vivre mille et une aventures de Shanghai à Pékin. Le marché de la construction ralentit, c’est vrai, mais Shanghai restera pour quelques années encore le lieu de travail rêvé pour de jeunes architectes qui veulent travailler sur toute sorte de concours intéressants… ou non ! Une aventure à tenter, et vite ! Alors lâchez vos charentaises, et troquez votre fourchette pour des baguettes !
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J’écrivais ce texte pour un précédent numéro de Biche, voilà quelques années. En quatre ans, il faut bien reconnaître que les rapports de l’Ecole avec le College of Architecture and Urban Planning de l’Université Tongji – par ailleurs meilleur établissement d’enseignement d’architecture en Chine (la classe) – ont bien évolué. Tu l’auras compris, cher lecteur, tout a donc commencé en douceur (séquence flashback), comme un simple partenariat d’échanges. En 2011, je levais les voiles, seul, vers l’Orient extrême. Parallèlement, mon homologue chinoise, Shangcheng, faisait de même en sens inverse à destination de Strasbourg.
L’année suivante, une nouvelle équipée de quatre étudiants – Nathan, Elsa, Benjamin et Pierre - larguait les amarres. Puis Anna et Vincent l’année suivante. Et chaque année, en plus du programme de mobilité étudiante, l’ENSAS organise un workshop à l’Université Tongji. Le premier, en lien avec le séminaire Métropoles en projet, permit à une douzaine d’étudiants de Master 1 et 2 de comprendre et lire Shanghai avec des outils conceptuels et graphiques. Les suivants ont eux été organisés en lien avec l’atelier de PFE en Architecture, Ville et Territoire. Certains étudiants (comme Anna) sont même allés jusqu’à centrer leur sujet de mémoire sur des problématiques actuelles chinoises. D’autres, une fois leur PFE soutenu, se sont envolés directement pour travailler en Chine (comme Amandine et Aubin, ou Vladimir, ou Josselin, ou Pierre). L’ensemble de ces travaux fait alors l’objet d’une exposition franco-chinoise durant l’été 2014. Car l’année 2014-2015 a marqué, ni plus ni moins , un tournant dans l’histoire de nos relations franco-chinoises avec la mise en place d’un double master entre l’ENSAS et le CAUP, en plus de la mobilité simple existante. Dès lors, la machine est lancée, et la nébuleuse « Chine » à l’école prend de l’ampleur, s’organise, se diversifie. Au nombre toujours plus grand de projets de fin d’étude, de mémoires et autres Joint Urban Studio du Dual Master Degrees, de nouvelles actions entreprises dans les domaines de la recherche et des partenariats viennent un peu plus renforcer les relations franco-chinoises. Fin 2014, l’ENSAS et le laboratoire AMUP, en partenariat avec l’Université Tongji et Systra (des ingénieurs transport), fondent la Chaire Franco-Chinoise des Mobilités Métropolitaines Innovantes. Cette Chaire, en plus d’être un espace-temps de transmission de savoirs et de visions du monde inscrite dans la stratégie de l’Ecole, englobe donc également l’accompagnement de la recherche scientifique sur le thème des mobilités innovantes (c’est dans ce cadre que s’inscrit mon sujet de thèse par exemple). Ainsi que le partenariat dans le domaine de l’enseignement supérieur et de la recherche avec Systra et l’Université Tongji, ou encore avec les services de la Ville et de l’Eurométropole de Strasbourg !
Bref, tu l’auras compris, cher lecteur de Biche, la Chine, à l’ENSAS, c’est quelque chose d’ENORME ! Nos partenaires chinois ont bien compris et apprécié notre engagement et notre sérieux, et ont décidé, cette année, de mettre la barre du partenariat qui nous unit un cran audessus ! Les choses intéressantes commencent ! En d’autres termes, comme tu as pu le lire et le voir dans ce numéro spécial que l’on t’a concocté, un investissement fait sur la longue durée, une collaboration riche et fructueuse… ET QUI N’EST PAS PRETE DE S’ARRETER ! Alors n’hésite plus, cher lecteur, et rejoins l’aventure chinoise ! Lionel Debus
2011 2013 2014 2015 2016 30
Julia BOLLE-REDDAT - Suzanne CHAPON - Lionel DEBUS - M DYDUCH - Josselin JUNG - Céline KERAUDRAN - Pierre RE - Benjamin PRA - Pierre VIDILI - Redona CANI - Cyrielle DOU KYRIAKOU - Inmaculada MARTIN-CABELLO - Florian MIOSK LEPENDEVEN - Joffrey ABOUT - Johanna AGUSTINI - Pauline Florian FERANDON - Iva IVANOVA - Charbel JARBOUR - Emr - Simon CRANTZ - Guillaume HANSMANN - Alexandre PU Stéphanie DELSART - Fabien DOUVIER - Mélanie GUENO MAIGNIEN - Victoria NUYAKSHEVA - Chara NIKOLAOU - Ma Cyrielle BEAUMONT - Cécile BOUCHET - Clémentine DUFAU
ILS ONT TENTE LA CHINE
mobilité, PFE, mémoire, premier emploi, stages, workshop, double-diplôme
Marie KIHN - Marie-Madeleine PFEFFER - Charles DE FINANCE - Vladimir EB - Saltana ELFAIZ - Fabrice WACK - Nathan HERMELIN - Elsa LARCHER UCET - Guillaume FARBOS - Aubin GASTINEAU - Jérémie JAMET - Marina KOWSKI - Amandine PARISOT - Lucile THOMAS - Anna DIALLO - Vincent e ANJUERE - Ourania ARGEITI - Caroline BERNHARDT - Dariya DEMIDOVA re KAYA - Chloé NACHTERGAEL - Charlotte VAXELAIRE - Thomas GUILHEN UECH - Pierre-Baptiste TARTAS - Elise BAUMAN - Guillaume CRIDLIG OT - Caroline HEITZ - Aleksandar LAZAROV - Lauriane LERCH - Christophe arie BILLA - Mickaël GIRAUD - Candice GROJEAN - Guillaume SANSEIGNE UT - Noël PICAPER - Sarah TANGUY - Maria PINHEIRO - Léopold PRUDON
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三十二
La Chine, notre Chine, celle que nous avons vue, n’est pas la Chine de Shanghai ou de Pékin. Car dans un pays large comme 19 fois la France, on trouve des paysages et des cultures d’une extrême variété. Notre road trip commence donc par une idée somme toute basique : « Et si l’on évitait de s’ennuyer pendant nos vacances ? Et si l’on profitait de la saison basse pour fuir la grisaille shanghaienne, pour voir les montagnes et la mer ? Et si, tout simplement, l’on allait découvrir le fin-fond de la Chine, pour ne pas dire la Chine profonde ? ». Avec un groupe d’amis issus de tous horizons, nous avons donc organisé ce voyage d’un mois et demi. Mexicains, Italiens, Canadiens, Indiens et Français se lancent alors dans une aventure hors-norme. Première étape : la capitale, Pékin.
Étape 1 - Pékin en passant Pékin contraste déjà fondamentalement avec Shanghai : de grandes et larges avenues orthogonales, sur lesquelles débouchent un réseau de ruelles aux habitations basses - les « hutongs » - pour une ambiance bien moins mouvementée. Nous avons le sentiment que nous n’appartenons plus à la ville. Cette échelle humaine nous fait découvrir une certaine intimité du quotidien. On découvre aussi la Cité Pourpre Interdite, le Versailles chinois, qui franchement en jette avec sa succession de pavillons, plus beaux les uns que les autres, construits sous plusieurs dynasties et par plusieurs empereurs. Et que dire de la Grande Muraille ? Même si la visite a été très dirigée, elle n’en reste pas moins majestueuse. Cheminant sur les crêtes des montagnes, nous avons l’impression qu’elle est infinie. Il fallait du courage pour y monter et parcourir ces kilomètres tortueux entre escaliers, rampes et petits forts séparatifs, le tout sous des températures peu clémentes. La beauté du lieu, elle, nous a réchauffé le cœur et l’esprit.
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Étape 2 - Hohhot, ou redécouvrir la liberté La Mongolie Intérieure, entre prairie et sable, balade à cheval, festivités mongoles… Nous avons vécu de bons moments, loin de l’agitation urbaine chinoise. À des centaines de kilomètres à la ronde, la plus grande prairie au monde ne présente... rien ! Une sorte de désert de verdure peu rassurant. Un monde parfaitement opposé à Shanghai qui s’étend à perte de vue.
On respire enfin, on éprouve un sentiment de liberté guidé par les nuages qui se perdent à l’horizon. Ici, c’est le Moyen-Age : arcs, chevaux et maisons sous-équipées... ça fait du bien à l’égo de voir cette vie si simple, certes, tournée vers le tourisme. Les voitures et les toilettes sont plutôt modernes, ce n’est pas pour nous déplaire.
Étape 3 - Xi’an plein les yeux Après deux vols retardés et une attente interminable on est arrivés à Xi’an. Visite du quartier musulman et de ses bizarreries : agneau entier dans le frigo, brochette avec de vrais morceaux de bois et j’en passe des bien plus belles. Ce quartier regorge de spécialités culinaires et l’ambiance est vraiment différente, plus animée que dans le reste de la ville. Un subtil mélange de marché et de fête foraine, le tout dans un décor typique. Tout le centre-ville a été reconstruit à l’identique avec des techniques modernes. Les bâtiments conservés se comptent sur les doigts d’une main. Seuls quelques édifices religieux, mosqués et pagodes, ont su garder leur matériaux d’origine. Le second jour, on en a profité pour aller voir l’armée de terre cuite impressionnante on en a pris plein les yeux.
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Étape 4 - Randonnées dans le Sichuan Départ à 7h20 de l’auberge dans un bus bondé avec nos sacs de randonnée, direction la gare routière pour un départ, dans un brouillard de pollution, pour le parc naturel de la Vallée de Jiuzhaigou. 10h30 de bus sur des routes de montagne à travers des paysages à couper le souffle, à travers des villages typiques, loin, très loin de l’image high-tech des grandes villes. Les villages pittoresques défilent sous nos yeux. Lors d’une pause, nous découvrons des toilettes inédites, faites de simples parois basses séparatives traversées par une rigole. Nous remontons le temps, vers une époque où les ânes et les yacks tractent des chariots, où l’électricité ne tient qu’à un fil , et où les toilettes ne sont plus qu’un trou. C’est notre première claque culturelle du séjour. Se geler les miches à Jiuzhaigou On arrive à 16h40 à Jiuzhaigou dans une auberge sans chauffage et tous les moyens sont bons pour nous réchauffer. Il fait aussi chaud dehors que dedans soit 6 à 7°C. À 7h du mat, il fait encore -15°C, mais on pète le feu à plus de 2 500 m d’altitude. Le parc est une merveille à l’état pur, un site montagneux où se nichent des lacs turquoise, des cascades et de nombreuses forêts, on n’a pas encore tout vu mais cette première journée nous en a déjà mis plein les yeux , un paysage totalement dépaysant et incroyable ! Se lever tôt et dormir dans une auberge de montagne valait le coup ! Réveil sous la neige, petit-déjeuner à la tibétaine, bouillie de riz, chou salé, ce n’est pas le meilleur repas qu’on ait mangé jusqu’ici, mais c’est probablement le plus typique ! De la neige, des lacs à l’eau bleu turquoise allant parfois jusqu’à être fluorescente, des montagnes qui jouent avec les nuages… Nous sommes quelque part au paradis. Malheureusement, le parc est à moitié fermé. Nous sillonnons les routes goudronnées aux bords des lacs, alors que les touristes chinois se tassent sur les belvédères. Nous trouvons quand même quelques jolies spots. 30 KM DE MARCHE ! On se prépare aux courbatures demain !
Songpan la forteresse Petit village fortifié, enclavé entre deux vallées, l’ambiance y est super typique et les gens adorables ! Les yacks sont présents dans la ville, les coutumes ont l’air d’avoir traversé la modernité, la culture appartient encore à l’air du temps. L’influence tibétaine très présente nous offre un spectacle totalement différent de ce qu’on a pu voir jusqu’ici. Bref un bout de paradis sur Terre avec un ciel bleu comme on en voit rarement à Shanghai : c’est vraiment les vacances !
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Le lac de Huanlong Des piscines calcaires qui se succèdent sous forme de petits bassins, voilà ce qui vous attend à Huanlong. À 3 600 m d’altitude, même si avec l’hiver le site perd un peu de son charme (les bassins de calcaires sont presque toutes vides), ça n’en reste pas moins impressionnant ! Des petites pépites comme ce lac perché en haut de la montagne ou encore la mer de glace formée par le froid rendent le spectacle une fois de plus super saisissant ! S’en suit une bonne journée de marche de 10 km à plus de 3 000 m d’altitude.
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Étape 5 - retour en ville... les Bouddhas de Leshan Un parc au mille et une cachettes et monastères. Puis en contrebas surgissent une tête, seule, comme suspendue dans le vide, et les nombreux temples et grottes qui surplombent le fleuve. C’est le grand Bouddha, qui accueille du haut de ses 28 m touristes et pélerins. Il faut descendre le long de la falaise pour apprécier l’ampleur de la réalisation de cette statue taillée directement dans la roche. Nous restons en-bas le temps de récupérer de nos émotions.
Étape 6 - l’Himalaya et Shangri-la
Une surprise nous attend, l’auberge n’existe pas ! Alors à 22:30, par -15°C on ne faisait pas les fiers. Après 30 minutes, la porte d’un voisin s’ouvre et il nous propose des chambres et des lits. Tout va mieux on a trouvé un endroit pour dormir ! On se souviendra de cette arrivée après un vol turbulent, une galère pour communiquer avec les conducteurs de taxis et une auberge qui n’a en fait jamais existé… Bref, il est temps d’aller au lit !
Une randonnée bien dure pour commencer notre périple dans le Yunnan, départ de 3 300 m avec une vue extraordinaire sur toutes les vallées. Le mal de l’altitude et les chaussures trempées par la neige n’ont pas affecté le pur spectacle offert au point culminant de la marche ! Les jambes ont piqué. Les chaussures ont pris la boue. Les cœurs sont montés à plus de 180 pulses. Les têtes ont tourné. Mais nous l’avons fait! Nous avons atteint le sommet à 4 200 m. Approximativement 10h de marche avec des guides super sympas, on est tous K.O. le soir. Un repas fait de viande de yack nous attend, de quoi nous requinquer. Nous nous endormons avec un mal de crâne terrible, le changement d’altitude et le manque d’air, ajoutés à l’effort, se font sentir. Au programme de la deuxième journée : barbecue sauvage, visite d’un temple bouddhiste et d’un monastère avec en prime un coucher de soleil sur la ville. Une petite journée tranquille après la montée de la veille. Le lendemain, départ à 4h du matin sans carte ni taxi, pour nous amener à la gare routière. Nous manquons presque de nous perdre pour finalement attraper notre bus ! 44
Étape 7 - les Gorges du Saut du tigre ou la marche de la mort Comme si on en avait pas eu assez dans le Sichuan et à Shangri-la ! Nous nous sommes lancés dans une nouvelle randonnée ! C’est un changement climatique radical : après avoir enduré des températures oscillant entre -15°C à 5°C nous nous retrouvons dans des paysages secs à la végétation épineuse évoquant le sud de l’Europe. Ici les températures atteignent les 17°C ce qui nous oblige à nous changer sur le bord de la route en sortant du bus ! Des montagnes super hautes, tombant à pic, des sentiers en lacet interminables, on a bien mangé la poussière sous un soleil de plomb mais la vue en valait la peine Après 5h de marche on a atteint le sommet. Il fallait garder la tête froide à 3 000 m de haut pour se pencher au-dessus des 1 000 m de précipice. La pause du soir dans une auberge, avec une terrasse donnant sur les montagnes, a été plus qu’appréciée, on est reparti le matin pour finir le trek, après 2h de marche on est enfin de retour à la ville c’est l’heure du burger de yack pour récupérer! D’ailleurs, fini les études d’architecture, on se reconvertit en bergers dans les montagnes !
Étape 8 - Lijiang a une histoire à nous raconter Vieille ville du Sichuan, classée au patrimoine de l’UNESCO... c’est notre première déception du road trip. Une ville surfaite, des magasins qui vendent les mêmes bibelots. Une ville Disney, tournée vers le tourisme de masse. Heureusement que la forme de la ville n’a pas changé : les pavés et les petites courts biens décorées nous font presque oublier cette mascarade chinoise si décevante. Le centre-ville est piétonnisé, et le cadre reste magique, ponctué de temples et de jardins.
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Étape 9 - Dali l’originale Randonnée à vélo à travers champs, rizières et petits villages bordant le lac. Lorsqu’on ne se tape pas des marches de 10h on s’impose la location de vélos pour partir à la découverte du Dali un peu moins touristique. Une petite balade sympathique qui permet de se remettre doucement de cette première moitié de voyage ! Nous avons quitté la Chine des montagnes et cela se ressent sur l’architecture de la ville et des villages que nous traversons. Organisées autour de petites rues piétonnes, les grandes maisons blanches et rouges dominent le lac et dessinent le paysage.
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Étape 10 - Kunming ou le traitement nerveux Nous découvrons le supplice à la chinoise avec le train de nuit. Plus de sept heures de trajet, entre 30 et 50 km/h, agglutinés comme des sardines sur des lits-couchettes ! Le folklore à la chinoise avec un train qui fait des pauses toutes les demiheures et des contrôleurs super bruyants, accompagnés de vendeurs bien funky ! Arrivés, nous visitons dans la foulée le temple Yuantong et nous nous faisons masser par des aveugles dans les rues. La forêt de pierre est classée au patrimoine mondial de l’UNESCO. Le site est assez fou mais un peu trop « disneylandisé »... pour le plus grand plaisir des touristes chinois ! Nous commençons peut-être aussi à nous lasser de ces paysages déformés par la main de l’homme qui perdent une bonne partie de leur charme.
Étape 11 - Drôle de ville Guilin Longji et ses rizières en terrasses, le brouillard domine. Nous sommes déçus à cause du temps même si cela donne un certain charme à l’ensemble. Nous ne pouvons pas profiter entièrement des vues et des rizières en plateau. C’était une étape attendue parce que nous avions en tête ces images de rizières à perte de vue qui redessinent le relief naturel. Ce n’était certainement pas la bonne saison pour visiter. Yangshuo est une petite merveille de la nature. Perchée sur notre roof top nous pouvons que tomber amoureux de la « Baie d’Halong terrestre », version chinoise. Le trek à vélo nous a permis de mieux en profiter et de nous promener au plus proche des montagnes. Après presque trois heures de vélo nous nous sommes perdus et arrivons dans un petit village où personnes ne parlait anglais. Ce jour-là, on a vraiment rencontré des gens extraordinaire ! La générosité existe encore, on s’est fait inviter et nourrir par des locaux vivant au beau milieu des montagnes. Juste génial. Cet homme nous a cuisiné un plat traditionnel avec de la viande, du riz et des légumes et il nous l’a donné avec le cœur. Lui qui n’a rien d’autre que ses terres pour se nourrir, nous a offert tout ce qu’il avait, son humanité.
Étape 12 - Sanya, la plage, la chill Une arrivée en fanfare sur l’île de Hainan, il est 4h00 du mat, nous sommes sur la plage en attendant le check-in de notre hôtel, on a pu manger un vrai gros burger dans un taxi inattendu qui nous a amené de l’aéroport à l’autre bout, tout au sud de l’île. 2h30 de voiture avec des inconnus chinois super sympas, bref on est à Sanya, il fait chaud, et notre nuit blanche de transit s’annonce fun ! Le sable fin, les plages, les noix de coco… Tout va bien, après un mois de voyage rien ne passe mieux que de se la couler douce au bord de l’eau en profitant du soleil. Ce jour-là, découverte de l’ile à scooter ! Le plus long voyage de notre vie, parce qu’il ne faut jamais, mais jamais, dire que tout s’est bien passé tant que l’on n’est pas arrivés à bon port ! Le départ vers Hong Kong a été la pire course qu’ont ait vécu en 5 semaines ! Parce qu’on était en train de commander un poisson pour midi dans un aquarium, au bord de la mer, et qu’on a réalisé que notre vol n’était pas à 19h00 mais à 16h30 à l’autre bout de l’île … On aime les défis mais là arriver à l’aéroport à 20 minutes près, après avoir payé un mec à moto pour nous déposer à la gare, pris le train sans siège et mangé notre repas par terre pour se rendre compte que notre vol a en fait trois heure de retard ! Ascenseur émotionnel du jour…
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Étape 13 - Hong Kong ou la liberté bénie La Chine moderne, oups, pardon, « Hong Kong » n’est pas chinoise. Mais qu’elle ville! Je ne sais pas si c’est parce que nous sommes un peu coincés en Chine mais là, malgré la densité et la hauteur des buildings, nous nous sentons libres. Comme si nous revivions. Dans la rue nous retrouvons des repères égarés depuis des mois. Cette ville est tout simplement stupéfiante : elle fonctionne par strates superposées les piétons à leur niveau, les voitures à un autre, et tout se croisent et s’entremêle. Coincée entre mer et montagne, elle puise sa puissance dans sa densité et son ingéniosité. Chaque virage est une nouvelle découverte, une surprise. Et ses formes urbaines ! On trouve à Hong Kong un mélange entre Londres et New York, mais aussi Lisbonne et Barcelone. La juxtaposition brutale de l’ancien et du neuf donne à la ville une ambiance toute particulière.
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Étape 14 - Huangshan, retour en Chine profonde Littéralement, Huangshan veut dire « les montagne jaunes ». Des milliards de milliers de marches à monter, escalader parfois, parmi une foule de locaux venus en masse. Entre porteurs, touristes et sportifs, il a fallu se frayer un chemin, celui-ci n’étant pas très large, à peine un mètre, pour atteindre le sommet. La masse chinoise nous connaissons bien ça maintenant, nous l’avons apprivoisée même si elle nous étonnera toujours. Surtout au petit matin, pour assister au lever de soleil, où il faut jouer des coudes face à une foule qui mitraille chaque instant du spectable et le commente en direct. A fleur de roche, sous nos pieds, presque 200 m de vide, où la nature montre sa persévérance de manière impressionnante. Huangshan, c’est l’image même de l’estampe chinoise. On pourrait se croire dans ces peintures qui représentent une végétation délicate qui se mêle avec les falaises rocailleuses pour se perdre dans une brume mystique. Devant un tel spectacle, on comprend sans mal que la montagne a été une source d’inspiration raffinée pour la peinture et la poésie chinoise.
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Étape 15 - Hangzhou la Belle Lac de l’ouest, visites d’îles, de la vieille ville, du musée du thé et des kilomètres et des kilomètres de marche sont au rendez-vous, mais cela valait vraiment le coup parce qu’on a découvert le village de Longjingshan plutôt très connu dans le monde entier pour sa fabrication de thé vert. Les terrasses des plantatations de thé sont impressionnantes, une belle pause nature en somme avec un repas typique chez des chinois vraiment adorables ! Dernière grosse épreuve celle de l’ascension des milliers de marches - encore - vers le temple perché sur le pic des montagnes. A l’arrivée une vue imprenable sur toute la ville. On apprécie aussi l’architecture de ce lieu très paisible et reposant. Le tour du lac a été une belle initiative : après un mois et demi de road trip le temps est venu de nous reposer un peu. Soulager nos corps et marcher sur du plat, voilà qui n’était pas du luxe !
Après 15 000 kilomètres et un périple à travers plus de 15 villes, nous sommes passés de la campagne, à la montagne, à l’océan. Des villes surpeuplées et polluées de la façade pacifique aux deserts d’herbes de Mongolie Intérieure. De 0 à 4 200 m au-dessus du niveau de la mer. De -22°C à +30°C... nous pouvons dire que nous avons parcouru et vu un bon morceau de l’Empire du Milieu. En long, en large et en travers ! Nous avons fait un voyage qui nous a beaucoup apporté et appris sur nos limites, sur nos valeurs. Un grand tour de Chine, certes, mais avant tout un petit tour de nous-même. Gandhi : « Le plus dure n’est pas de voyager partout autour de la terre mais de faire le tour de soi-même ». La Chine nous aura permis d’entamer ce tour de nous-même. Guillaume Hansmann, Alexandre Puech, Pierre-Baptiste Tartas
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L’OPÉRA DE PEKIN : DEUX ÉTATS Extraits du film La légende du serpent blanc de Fu (Chaowu), 1980
Au cours de mes études, j’ai eu la chance de pouvoir vivre à plusieurs reprises en Chine continentale et à Taiwan. Intriguée, je me suis lancée durant mon Master dans la rédaction d’un mémoire sur le sujet de la place de la culture chinoise ancienne dans la Chine contemporaine, à travers l’exemple de l’Opéra de Pékin, de Paul Andreu. Malgré plusieurs séjours, j’avais de la difficulté à percevoir la place de la culture ancienne chinoise dans la vie de tous les jours… du moins au début !
Les mégalopoles comme Shanghai ou Pékin semblent refléter une ville sans âge avec un nombre de monuments et de bâtiments anciens dérisoire par rapport à des villes comme Paris ou Rome. Pourtant, à chacune de mes visites, quelque chose a fait que je subissais, comme beaucoup d’étrangers ici, des phases de gros « chocs culturels ». Bien qu’elle vive au rythme effréné des villes mondiales, une partie de la ville semble comme figée dans une époque antérieure. Quelque chose autour de moi me faisait me dire que j’étais bien en Chine, et nulle part ailleurs. Mais je n’arrivais pas à mettre de mots sur ce « quelque chose ». Ce je ne sais quoi évanescent mais pourtant bien présent. Peut-être en Chine la culture ancienne est-elle impalpable ? 58
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Peut-être ne la perçoit-on qu’après avoir gratté la surface ? Devant les maisons en ruines qui laissent place à des constructions flambant neuves le long des rues de Shanghai, un sentiment semble émerger, imperceptible, pour prolonger le souvenir de modes de vie anciens qui résistent aux attaques du temps et des bétonneuses. Les livres d’histoire m’ont alors appris la grande richesse et l’immensité millénaire de la culture chinoise. Pourquoi donc, alors, ne sait-elle pas manifestée, imposée à moi plus tôt lors de mes premiers séjours ? Comment traverse-t-elle les âges ? En Occident les bâtiments du quotidien comme les monuments les plus majestueux
DU « MONUMENT » EN CHINE sont érigés à l’assaut du ciel et du temps. Bâtis pour durer, ils ont à jamais inscrit dans la pierre nos sociétés, gravé dans le marbre, leur histoire et leurs instants fugaces. En Chine, il n’en est rien, et les architectures anciennes endossent volontiers un caractère furtif, discret, et somme toute peu bavard pour le néophyte. Quel est donc alors le mode de diffusion culturel dominant, si ce n’est l’architecture ? Comment la culture chinoise est-elle passée à travers les mailles des différents autodafés et autres épurations culturelles en règle ? Et si l’architecture n’est pas le « monument » incarnant et transmettant ces traditions, que représente-t-elle ? « La demoiselle papillon se rend dans le jardin, c’est le printemps, les fleurs sont en train de s’ouvrir, les oiseaux de chanter, l’atmosphère dans ce jardin est paisible… » Lu Chengfang, actrice d’opéra Kunqu à Suzhou, près de Shanghai, introduit l’air qu’elle s’apprête à me chanter. Avec ses mots poétiques, elle s’assure que je saisisse bien le contexte de l’histoire car le chinois utilisé dans l’opéra résiste à la compréhension des novices. Si l’opéra a son langage, c’est parce qu’il est en Chine comme un monde en soi. Un monde dans lequel se seraient cristallisés des milliers d’années d’histoires et de traditions qui, curieusement, détonnent avec la modernité affichée par les mégalopoles chinoises. Derrière les façades de verre et de béton construites pour des clients ambitieux par quelque Pritzker vaniteux, un domaine vaste et invisible traverse les esprits après avoir traversé le temps. Et si quelques bombes suffiraient à détruire ces nouveaux bâtiments, les milliers de parchemins brûlés n’ont pas réussis à effacer la langue chinoise au cours de sa longue histoire. Pour Thorsten Botz-Bornstein professeur allemand ayant vécu plusieurs années en Asie, « [en Europe] l’essence de la civilisation est l’urbanisation; pour les chinois il s’agit de l’art de l’écriture ». Il n’y a qu’à voir la racine étymologique du mot « civilisation » pour l’affirmer. La racine latine « civis » renvoie au citoyen citadin antique, et par extension, à la cité, la ville. En chinois, le concept qui s’en approche le plus en mandarin est wenhua , littéralement, la civilisation est « une transformation par l’écriture ». Les caractères sont donc devenus la structure qui bien plus que le bois, l’acier ou le béton unissent les Chinois dans une histoire commune.
Si le mode de transmission culturel majeur en Chine est l’écriture, cela fait-il du livre son architecture ? Déjà, dans Notre-Dame de Paris, Hugo n’affirme-til pas : « Ceci tuera cela. Le livre tuera l’édifice » ? C’est qu’avant d’être un bâtiment, l’opéra de Pékin est un des nombreux styles d’opéra chinois. Or l’histoire de l’opéra en Chine subordonne celle du pays. Très lié à la vie sociale, cet art a en effet toujours subit de plein fouet les aléas de la vie politique chinoise. D’ailleurs, la portée qu’il avait sur les foules en a souvent fait un puissant outil de propagande. C’est pourquoi il est devenu un « monument immatériel » pour le pays. Aussi, la grande diminution de son répertoire n’a pas affecté la valeur de l’opéra chinois en tant que genre lyrique, puisque deux styles d’opéras chinois : le Kunqu et l’opéra de Pékin, ont été reconnus comme patrimoine mondial immatériel de l’UNESCO respectivement en 2001 et 2010. De fait, si les arts traditionnels chinois résistent aussi bien au temps, contrairement aux bâtiments, c’est parce qu’ils subsistent grâce aux hommes. L’opéra chinois est un art qui lui aussi a bénéficié de la transmission d’homme à homme afin de répandre des histoires, des légendes, mais aussi des valeurs morales. Il faut donc imaginer un patrimoine invisible où les murs seraient faits de broderies, les piliers d’encre, les fenêtres de mots et de chants… Jadis présent dans toutes les couches sociales, l’opéra puise ses origines dans la religion mais surtout dans la ville elle-même. Il est né au cœur des quartiers de divertissement de l’énergie de quelques artistes ambulants. Aussi notable sous sa forme immatériel soit-il, qu’en est-il alors de sa forme matérielle? Quel écrin donner à un art qui est déjà un « monument » national ?
Jiang Zeming bande dessinée 43, Dajiyuan Journal, 19.07.12
L’opéra chinois, sa gestuelle, son maquillage et ses costumes sont très codifiés. A tel point que les acteurs eux-mêmes incarnent toute l’intrigue. Les gestes mêmes de Lu Chengfang, rencontrée il y a un peu plus d’un an maintenant, m’évoquaient la pérennité de ces traditions. Quant à la scénographie, elle est minimaliste. Et le mouvement des acteurs, transcendantal. L’opéra chinois s’adapte donc à différents lieux, et son architecture est demeurée secondaire pendant des siècles. Au cours de son histoire, elle évoluera de l’estrade éphémère aux annexes construites à l’extérieur des temples. La performance est jusqu’alors totalement mêlée à la dynamique urbaine, interférant peu avec les activités de la ville. Les premiers théâtres d’opéra sont arrivés au XIXÈME siècle en Chine sous influence de protagonistes étrangers. Du théâtre à la maison de thé, en passant par la salle de restaurant, un pas a été franchi depuis les scènes en plein air qui suffisaient aux premières représentations. L’évolution de son architecture s’est d’ailleurs soldée par un changement de scénographie et un resserrement de son public. Pour comprendre les enjeux qui entrent dans la construction massive d’opéras en Chine, il faut garder à l’esprit que l’art de l’opéra est un « monument » de la « culture » chinoise, et que l’évolution de l’art du théâtre chinois a eu pour conséquence l’évolution de l’architecture de théâtres en Chine. L’apparition en Chine de salles d’opéra spécifiques a surtout signifié un renouveau culturel majeur, et d’innombrables débats sous-jacents en termes d’architecture.
Lu Chengfang, artiste de Kunqu se maquillant, Suzhou, Chine, Mars 2015
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La rencontre de l’art et de l’architecture dans l’édifice « Opéra » au XXIÈME siècle ne s’est pas faite sans bruit en Chine. Elle pourrait même être qualifiée comme l’affrontement de deux camps : ceux de la tradition et de la modernité. Le projet de Paul Andreu à Pékin pour le Grand Théâtre National a en effet attisé les foudres avant, pendant et après sa construction. Les raisons de ce fracas? Un projet très couteux, imposant dans le paysage, et qui adopte une forme inédite d’architecture en Chine. En 2010 peu après la livraison de l’opéra de Pékin, l’article de Xue Charlie « In search of identity: the development process of the National Grand Theatre in Beijing, China » issu de la revue The Journal of Architecture, montrait que l’opéra d’Andreu, avait été le catalyseur d’un mouvement de très grande ampleur dans la profession architecturale chinoise. Si la construction de cet opéra a eu tant d’impact sur l’évolution de l’architecture, c’est parce qu’elle s’est faite à un moment où l’architecture était en train de se formaliser en Chine. D’ailleurs, l’auteur utilisait l’opéra de Pékin de Paul Andreu, comme une borne pour définir un avant et un après dans l’histoire du développement de l’architecture moderne en Chine. Dans quelles mesures alors, l’opéra de Pékin a-t-il engendré une évolution de l’architecture moderne en Chine?
On pourrait presque parler d’un « effet Paul Andreu », tant le projet a changé la vision de l’architecture en Chine. Remettons-nous dans le contexte, le projet, livré en 2007, a été initié en 1950. Il est donc le fruit de plusieurs concours, nationaux puis internationaux, mais aussi de plusieurs changements de gouvernements. Par ailleurs, l’opéra de Pékin, « bulle » dans la capitale chinoise, a été l’un des grands projets construits pour les Jeux Olympiques au moment de la réouverture de la Chine. L’enjeu était donc de taille puisque non seulement les Chinois se remettaient-ils tout juste de la « perte du nord culturelle » qu’ils venaient de subir au cours de la révolution culturelle, mais en plus le gouvernement d’alors voulait s’opposer à son prédécesseur en redéfinissant la place du pays dans l’économie mondiale et rattraper son retard. Paul Andreu, architecte français n’ayant jusquelà construit que des aéroports avec la firme Aéroports de Paris, s’essaye alors à ce concours d’opéra, qu’il remporte après presque un an d’épreuves successives. Ce que l’on a demandé à Paul Andreu à la fin du XXÈME siècle, après que l’opéra ait été interdit pendant plus de soixante ans, c’était de construire le plus grand opéra en Chine. La principale conséquence de ce paradoxe est qu’il a déclenché une prise de conscience en Chine de la valeur que pouvait avoir l’architecture. Ni plus, ni moins. Pourtant, les nouveaux opéras sont-ils une continuité de l’architecture de théâtre en Chine ? Quelle place a l’art du théâtre chinois dans ces nouveaux opéras ? Au moment du concours, l’architecte est formel sur les intentions du gouvernement : c’est le modèle architectural occidental de l’opéra qui est souhaité. Mais rappelez-vous, la version chinoise de ce genre lyrique est une habitué des lieux de petite dimension voire sans dimension, puisque qu’il n’existait qu’à travers les acteurs d’opéra. Il a donc fallu retrouver les codes d’une culture de l’opéra en partie disparue et les placer dans un contexte inédit. Pour avoir eu la chance de le rencontrer, Paul Andreu m’a ainsi avoué que bien qu’il soit conscient d’avoir joué un rôle dans l’architecture en Chine avec son opéra, il ne se sent pas responsable des nombreux opéras qui ont suivi le sien. Selon lui son opéra avait surtout été l’occasion de remettre en cause les critères de l’architecture en Chine. Et entre le chantier et le résultat actuel, son discours n’a pas changé car l’opéra de Pékin tel qu’il est correspond presque
à ce qu’il avait imaginé. Mais concernant les performances qui s’y déroulent, l’opéra chinois n’est paradoxalement que peu représenté contrairement à des pièces internationales qui ne se limitent pas nécessairement à l’opéra ! Ainsi, quelles sont les conséquences directes de l’apparition de « monuments » culturels sur la relation entre « monument » et « culture » ? En prenant contact avec Uli Shifferdecker, architecte travaillant pour Zaha Hadid sur les opéras de Shangsha et Guangzhou, j’ai pu me faire un avis sur la question. Pour lui, construire un opéra en Chine en tant qu’architecte étranger se résume à essayer « d’inventer quelque chose de nouveau ». Cette chose transcende pour lui l’idée de culture et ces opéras constituent des ensembles complexes alliant différentes branches de la culture. Pour la chaine ZDF, à travers le reportage Chinas neue Musentempel l’engouement pour les opéras en Chine est expliquée, par le journaliste Ralf Pfleger, comme un phénomène résultant d’une certaine culture de l’objet. Depuis l’apparition de nouvelles typologies comme le théâtre, en 1880, l’engouement autour de ces lieux culturels a été notable. Pour une fois un lieu était créé spécialement pour un genre d’art lyrique supplantant même parfois l’art qu’il accueillait. On pourrait dire que la relation à la culture qu’avait jusque-là le peuple chinois se serait presque inversée après la révolution culturelle. Ces opérasobjets sont maintenant de véritables vitrines pour les villes chinoises. Alors qu’avant l’opéra n’existait que par les acteurs on pourrait croire qu’aujourd’hui le bâtiment a pris le relais pour représenter la culture de l’opéra. Il est en effet surprenant de constater qu’une typologie inexistante il y a un siècle suscite un tel enthousiasme. C’est un peu comme si dans cents ans, des Maisons de thé fleurissaient partout en Europe. Bien réelle, cette frénésie vient-elle d’un désir populaire ou d’une lubie politique? L’opéra n’est-il pas devenu en Chine un objet pour la ville loin de l’œuvre populaire qu’il était pendant des siècles? Ainsi, alors que l’Occident inscrit son histoire à la verticale, par l’érection d’édifices qui partent à l’assaut des cieux, en Orient, le passé a subsisté jusqu’à présent dans son échange constant de pair à pair, horizontalement. Mais qui, désormais, de l’art ou de l’architecture fait le plus vivre l’opéra en Chine ? Mises à part les tentatives comme celle de l’UNESCO, l’opéra en tant qu’art et mode de transmission culturel est-il toujours un ambassadeur de la culture chinoise? Ou l’architecture d’opéra a-telle tuée l’opéra de Pékin ? Anna Diallo
L’imaginaire de la métropole shanghaienne se dessine selon sa célèbre skyline, symbole de démesure et de modernité. Au pied des tours d’habitations et de bureaux, les ruelles shanghaiennes permettent au promeneur de découvrir un aspect tout autre de la métropole : les « lilongs » et leur bourdonnement vernaculaire. Ce tissu urbain est associé, au-delà d’une architecture, à un mode d’habiter où la ruelle devient porteuse de sociabilités, où l’intime se dévoile et enrichit le paysage urbain. Le workshop à Shanghai nous a permis de découvrir, d’explorer et d’admirer ce tissu urbain spécifique. Nous avons ainsi été amenés à interroger la notion de patrimonialisation en Chine et à appréhender cette problématique à travers le devenir des lilongs shanghaiens. Nous avons retenu pour site d’étude un ensemble de parcelles appartenant au quartier Jing’an. Il comprend quatre lilongs au sein d’un échantillon urbain disparate qui est voué à disparaitre. L’image de la caisse de résonnance, révélatrice de cette acoustique urbaine a été utilisée afin de proposer un prototype amplificateur de ce bourdonnement foisonnant de ressources et d’émotions. À partir de ce concept, nous avons imaginé un processus visant à proposer une nouvelle politique de conservation, d’évolution et de densification des lilongs.
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DE PORCHE EN PROCHE 越来越近 Dans une première phase, nommée de Porche en proche, l’enjeu a été de conserver et consolider la population existante des quatre lilongs du site en refusant de déplacer les habitants actuels vers la périphérie de Shanghai. L’objectif était double, pallier à l’embourgeoisement du centre de la ville et conserver les liens existants entre les habitants et toutes les émotions qui en émanent.
Cependant, il était nécessaire d’intégrer à leurs conceptions aussi bien les qualités et les caractéristiques du shikumen traditionnel, maison traditionnelle shanghaienne, dans un esprit de conservation de ce patrimoine, mais aussi de marquer, d’affirmer un nouveau départ offert aux lilongs, tel un totem, comme un lieu à part entière de la métropole shanghaienne.
À la suite de l’analyse du site, nous avons décidé d’initier le processus à travers la rénovation de logements dont les habitants ont déjà été évacués par la ville. Ces habitats rénovés pourront alors être mis à la disposition des habitants toujours in situ, lors des travaux de revitalisation de leurs propres logements au sein des différents lilongs. Un travail de densification de ces logements a alors été imaginé afin de répondre aux exigences de la ville en terme de densité, mais aussi aux logiques économiques et immobilières.
Enfin, ces logements ont également été pensés, toujours dans une démarche de logements intermédiaires ou tiroirs, comme des recours possibles, des logements aptes à accueillir des habitants en difficultés ou à accompagner des familles dans le besoin, suite à un divorce ou à un rapprochement familial, le centre shanghaien n’offrant actuellement pas de place à ses imprévus et aux besoins multiples des habitants des lilongs.
L’INTIME CONNEXION DES FOULES 私密融入人流 La phase suivante, appelée L’intime connexion des foules, s’est appuyée sur deux parcelles au centre de notre site d’étude, où des lilongs ont d’ores et déjà été détruits pour laisser la place à de nouveaux projets notamment une tour de bureau. Nous avons fait le choix de retravailler cet axe en cohérence avec notre volonté de faire émerger cette partie de la ville comme un ensemble, une représentation du zhong, où les typologies, les habitants et les fonctions se rencontrent et se nourrissent. L’intitulé de cette deuxième phase image cette rencontre entre l’intime, les lilongs et ses habitants, et les foules, les promeneurs. Cet oxymore entre l’intimité et la foule atteste de la complexité et de la tension entre l’intégration des lilongs dans une nouvelle modernité et un tissu urbain en perpétuelles évolutions qui perd ses émotions. Ainsi nous avons travaillé sur un nouveau séquençage autour de l’axe central du lieu. Au sein de la première parcelle, au nord du nouveau Musée d’histoire naturelle de Shanghai, le projet d’un pôle de santé a été proposé, il vient s’inscrire géographiquement entre deux hôpitaux. Ce nouveau pôle dynamique apportera à la fois des services peu ou pas présents au sein de ce site, mais aussi de nouvelles offres d’emploi. La deuxième partie de cette phase consiste à l’aménagement de la deuxième parcelle libre, au nord du pôle santé. Il s’agit alors de proposer une nouvelle opération de logements, inspirée des lilongs tout en s’inscrivant dans les nouvelles aspirations des habitants et du marché immobilier de Shanghai.
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PARTAGER LE RÉCIT 分享一个故事 Une fois ces deux premières phases établies, le processus se poursuit par une réflexion autour du devenir du mode d’habiter des lilongs. Cette dernière étape prépare l’aboutissement de cette expérimentation, faire à nouveau résonner le vernaculaire des lilongs dans la modernité flamboyante de Shanghai. L’objectif premier était alors de conserver ses liens et ses émotions promulgués par les habitants des lilongs et leurs modes de vie. Pour cela, il sera nécessaire de rénover, mais aussi d’adapter les habitations des lilongs selon les nouvelles aspirations des habitants en site occupé, grâce à la phase de porche en proche. Une architecture homéopathique devra accompagner
les rénovations, toujours en respectant un processus de suivi réactif en collaboration avec les habitants. Afin de répondre aux besoins des habitants, de nouvelles extensions pourront accompagner la restauration des lilongs, ou de nouveaux espaces extérieurs. D’autre part, de nouveaux logements pourront être conçus toujours en accord avec l’avis des habitants afin d’augmenter la densité et appuyer la viabilité économique de ce projet, en suivant les mêmes principes que ceux proposés dans l’élaboration des logements tiroirs même si leurs architectures pourra différer sans endommager les habitations existantes et les atouts de ce mode de vie.
« Chaque lilong est différent. Du pauvre au riche. Une considération de tous les lieux. Entrecroisés ils forment un réseau géant. À la surface ils ont l’air complètement exposés, mais en réalité ils cachent une âme complexe qui reste mystérieuse, insondable. » Wang Any, Le chant des regrets éternels Pour la première fois dans notre cursus, aucune limite ne nous était fixée. Nous avons ainsi pu utiliser nos sensibilités, nos aspirations et nos choix propres afin de confectionner un projet de fin d’études témoin de nos convictions. Cette course au diplôme d’architecte (parfois difficile, en témoignent les cernes qui hantent toujours nos visages juvéniles) marque l’aboutissement de cinq années d’études mais aussi une expérience humaine. En plus, d’un accompagnement en atelier, nous avons pu partager avec de nombreux intervenants ouverts, intéressés et intéressants, mais aussi avec l’ensemble de nos collègues de la rue Moll que nous remercions tous. L’ambiance de la rue Moll n’est pas étrangère au fait que nous ayons pu mener ce projet à bon terme. Maintenant, nous attendons avec impatience de découvrir les PFE de la cuvée 2016 ! Bonne chance, et bon guronsan ! « Qui vivra long, verra le lilong ! » Reine Claude et Fabiche Fabien Douvier et Mélanie Guenot
TRAVAILLER EN CHINE
Septembre 2013. Je soutiens mon Projet de Fin d’Etudes à l’ENSAS – une rénovation urbaine du site de l’Exposition Universelle de 2010, sur les rives de Pudong, à Shanghai. Le mois suivant, Architecte Diplômé d’Etat, je m’envole pour la Chine. Les premiers mois, je les passe dans l’agence d’architecture Dazhong International. Mais très vite, une nouvelle opportunité s’est proposée à moi, et je suis aujourd’hui employé au sein de SUZUO Architects. C’est une jeune agence chinoise. Nous travaillons particulièrement en Chine, mais collaborons parfois sur des projets internationaux comme en France. L’agence se consacre autant à des projets architecturaux (bureau, hôtels, centres commerciaux), qu’urbains (rénovation urbaine et plan directeur) et paysagers (réaménagement de zone industrielle). SUZUO Architects est une équipe internationale constituée d’architectes Chinois, Français et Américains. Depuis mon arrivée, j’ai eu l’opportunité de travailler sur une grande variété de projets : depuis une série de kiosques de 6m2 extensibles pour le parc central de la ville de Chongqing jusqu’au plan directeur d’un million de m² pour un nouveau quartier de Ren Huai, en passant par un centre commercial de 70 000 m2 pour Riyad, ou encore le réaménagement des berges du 66
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nouveau quartier de Shaoxing de 8 600 hectares. Et même si s’adapter n’a pas toujours été facile au début, la grande diversité des échelles et des programmes est au cœur de mon travail. En général, un jeune architecte expatrié en Chine va particulièrement se concentrer sur les phases esquisses et permis de construire dans les agences chinoises. C’est dans ce domaine où les architectes étrangers vont être particulièrement talentueux, dû à notre façon relativement différente de concevoir par rapport aux architectes chinois. Par contre, dès qu’il s’agit de produire des plans de construction, on est confronté aux règles chinoises qui sont très différentes des règles françaises et européennes. C’est aussi pourquoi je n’ai jamais dessiné de résidentiel en Chine : le règlement chinois est très contraignant (on peut d’ailleurs le voir dans le paysage urbain...). Travaillant actuellement à la rénovation d’anciennes usines de tissus à Changshu, ainsi qu’à la rénovation et extension d’un tout petit village dans les montagnes à Zhutouxiacun, ou encore la planification de l’extension du Central Business
District de Chongqing. La rénovation urbaine est un domaine qui a de beaux jours devant elle en Chine. En parallèle, je travaille également sur une villa à Zhuzhou d’environ 400 m². Toujours, donc, cet équilibre entre grands projets de développement urbain et projets d’architecture. Ce qui m’étonne encore ici, c’est que le plus souvent, le client ne vient pas voir l’agence avec un programme, une surface ou un budget précis. Nous avons alors un important rôle de conseil à mener. A titre d’exemple : la ville de Changshu, en pleine rénovation urbaine, souhaite faire quelque chose de ses anciennes usines en friche dans un quartier en plein développement. Après un travail d’analyse urbaine et architectural, nous allons alors lui proposer une sélection de bâtiments à rénover ou à détruire, en plus de lui soumettre une proposition de développement, allant de la définition programmatique, au type de forme urbaine à adopter, en passant par des ambiances industrielles à promouvoir sur ses sites. Autre exemple caractéristique de ma pratique en Chine : le village de Zhutouxiacun. Dans ce petit village niché au cœur d’une vallée pittoresque, un client privé à l’intention d’investir pour créer un centre à vocation touristique et hôtelier (ce qui se développe beaucoup ici ces dernières années).
Nous lui avons proposé alors ici aussi une sélection de bâtiments à rénover et des zones potentielles d’extension. Après ajustement du programme et validation par le client, nous travaillons à présent plus en détail sur l’architecture. D’autres situations sont plus étonnantes et conflictuelles : c’était le cas pour l’élaboration du plan directeur de la ville de Ping Ba. Située dans un très joli paysage de montagnes. La municipalité souhaitait faire son extension dans cette topographie très vallonnée, sans hésiter à remodeler le paysage par la destruction de collines. Dans ces villes chinoises très pittoresques, il n’est malheureusement pas rare de voir des saillies rocheuses de grande beauté être dynamitées puis recouvertes de béton. C’est aussi ça, le développement de la Chine. Quant à ma vie quotidienne à Shanghai, il faut aimer vivre dans une mégalopole. Je me rends compte aujourd’hui que je m’y suis habitué très rapidement. Il y a une quantité incroyable de services, partout. Tout est proche, et paradoxalement, vu la taille de la ville, tout est éloigné. Le charme de Shanghai n’est pas perceptible au premier abord, et il faut du temps pour prendre ses repères, s’adapter aux contrastes entre les quartiers anciens où je vis et les centres d’affaires où je travaille. Malgré tout, le bulldozer chinois commence, tout doucement, à ralentir. Les chantiers, s’ils sont encore nombreux, débouchent sur des villes fantômes ou des tours vides de toute occupation. Pour l’instant, tout va bien. Business as usual, ou presque. Mais qu’en sera-t-il dans 1 an ? Dans 5 ans ? Je n’en sais rien, et ça ne me fait pas peur. Car je sais que je pourrai toujours revenir en France, ou travailler ailleurs. Car il y aura toujours de la place pour des jeunes occidentaux dans les agences chinoises. En d’autres termes, je ne regrette rien. J’irai même jusqu’à dire : profitez-en tant que ça dure ! Aubin Gastineau
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SHU, UN ARTISTE MADE IN CHINA Shu, alias Guy H. dans certains milieux moins catholiques, naît le premier dimanche suivant le 1er janvier 1958, en ce saint jour de l’Epiphanie. Symbole, manifestation divine ? Nul ne le sait, mais dès lors Shu sera promis à un destin glorieux. Elevé dans un orphelinat népalais par des nonnes Ngakmas, il élabore dès l’âge de 6 ans et demi, ses premières esquisses photographiques. Une autre version, issue des fables et contes Inuits, rapporte que Shu se serait construit seul au sein d’une meute de loups (cf. Survivre avec les loups). Faisant preuve d’un grand talent dans l’art de la lutte, il est envoyé en 1973 dans la ville de Zhengzhou, pour disputer l’un des plus grands tournois de notre époque. Tel un chien fou et sauvage, il terrasse un à un ses adversaires, et le 12 avril, s’arrache la victoire finale face au monumental Bruce L., qui y laissera le lobule de son oreille gauche ? Un événement qui aurait, toujours selon la légende, poussé le roi du Swaziland, Sobhusa II, à s’octroyer les pleins pouvoirs de son pays jusqu’à sa mort en 1982. Mais c’est aussi et surtout à cette occasion, que Shu foule pour la première fois la terre chinoise. De là naît une passion qui n’aura d’égale que sa beauté. Après quelques années de galère à écumer les mers de Chine sous le commandement d’un descendant direct de Shap Ng-tsai, il parvient à s’installer temporairement à Macao. A la veille de son trentième printemps, il est l’heureux propriétaire d’un chenil de diables de Tasmanie, qui compte alors deux pensionnaires : son perroquet Arthur et lui-même (l’histoire ici, ne nous raconte pas la nature exacte des relations qui liaient les deux amis). Arthur étant décédé des suites d’une insolation et les F4 lui rendant hommage lors d’un concert inédit sur les plages de Macao, Shu plaque tout et décide de concrétiser un rêve d’enfance. Il part en road-trip dans le désert de Gobi en compagnie de Francis Lalanne, écrivain et poète maudit et y réalise ses premiers clichés en tant que grand reporter de guerre. S’en suit un florilège de récompenses, du Prix Bayeux-Calvados des Correspondants de Guerre 2004, à la Médaille du Fair-Play Saint-Pétersbourg 2015. Son travail alors reconnu dans le monde entier, Shu, jusque-là homme au grand cœur, perd la tête, se détourne du monde artistique et plonge dans les abysses du capitalisme en devenant « SHU ® ». Durant cette période trouble, les tabloïds anglais lui prêtent une relation avec le plantureux sosie d’Elton J. Dégouté par la puanteur des $ qu’il amasse et de sa vie de débauche hollywoodienne, il part pour la côte Est et Broadway où il monte sa célèbre comédie musicale « Shu must go on », encore jouée actuellement à l’Hysterical Theater of New York. Shu vit actuellement à Chicago Beach, retiré du monde et se consacre tout entier à son art, entre comédies musicales et photographies de charme (cf. calendrier des Dieux de l’Equerre).
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Li Wei ou la gravité de la situation Photographe qui utilise le corps humain comme toile de fond, Li Wei propose pour un mélange incomparable entre performance et photographie. On y retrouve tout un vocabulaire troublant et provocateur, voire comique, qui le différencie bien de l’imagerie traditionnelle chinoise. Wei exprime la liberté en défiant la gravité par la suspension de ses personnages. La ville, repère stable et bien ancré de chaque scène, constitue le socle sur lequel les personnages prennent leur envol, et vient accentuer leur légèreté par effet d’oppostion.
Ren Hang ou la vérité toute nue
C’est à travers un travail délibérément provocateur et explicite que Ren Hang représente cette nouvelle jeunesse qui rejete la société conservatrice et ses codes conventionnels. Malgré des images parlantes mais qui ne versent jamais dans la vulgarité, cet artiste a largement été censuré en Chine. Pourtant, le corps humain dénudé, même s’il semble être au centre de chacune photographie, n’est pas l’unique sujet... Nous retrouvons le rapport à la ville, la manière dont nous pouvons l’investir de manière improbable, la géométrie, la répétition, le clonage, le rapport à la terre plus généralement... Voila les autres thèmes qui ne peuvent nous échapper et qui permettent au photographe d’obtenir des images au cadrage franc ,où les personnages semblent se fondre dans leur environnement, projetés dans les airs, se libérant de toute cette densité en arrière-plan. C’est une respiration, une bouffée d’oxygène, chose de plus en plus rare en Chine.
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Ronghui Chen et l’atelier du Père Noël Ici est retranscrite toute l’importance de la « photo documentaire » afin de traduire les changements et l’évolution extrêmement rapides de la Chine. « Christmas Factory » est une série retraçant la vie dans les usines à Yiwu. Celles-ci sont à l’origine de 60% de la production mondiale de décorations de Noël. On y retrouve les employés recouverts de poussière rouge utilisée pour colorer les flocons de neige factices, ce qui créer une atmosphère travaillée et presque mystérieuse. L’ambiance est d’une nature chaleureuse et calme, et pourrait presque rappeler un petit artisan travaillant seul dans son atelier. Mais la réalité est tout autre, car des mots comme exploitation, aliénation et capitalisme peuvent aussi être évoqués. Ronghui Chen cherche ici à provoquer un regard nouveau sur ces conditions de travail que nous nous définirions en Occident comme scabreuses. Il est question d’un univers complexe, représentatif de la vie en Chine, mais évoqué de manière plus poétique. Ces clichés nous rappellerait presque un lendemain de fête, le personnage semble prendre la pose et regarde calmement l’objectif. Un critique habile de la des conditions de travail en Chine. Amélie Diemert
JEU Xióngmāo
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Rédacteurs en chef Eloise Combe & Marine Joli Chroniqueurs Eloise Combe, Lionel Debus, Marie Billa, Candice Grojean, Guillaume Sanseigne, Mickael Giraud, Thomas Guilhen, Aubin Gastineau, Anna Diallo, Fabien Douvier, Mélanie Guenot, Amélie Diemert, Guillaume Hansmann, Alexandre Puech, Pierre-Baptiste Tartas & Marine Joli Photographies Shu, Lionel Debus, Candice Grojean, Ronghui Chen, Ren Hang, Li Wei Jeux Dudolf Infographie comparaisons Candice Grojean Relecture Inès Bazaz Mise en page Marine Joli Imprimé à la repro de l’ENSAS
C E R F 鹿
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