Peel Magazine n°1 / Jan.-Fév. 2015

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eel signifie en anglais « éplucher ». Pour nous, ce terme correspond à l’exploration et au partage des aspects les plus divers et insolites de la culture au sens large et de la créativité en particulier. Ce nom rappelle par ailleurs l’avant-gardisme, comme un clin d’œil acidulé à Madame Peel, qui déjà durant les 60’s bousculait les frontières de la pensée collective… Tellement pop ! Nous vous parlons ici d’avant-gardisme et de curiosité, au XXIe siècle désormais, mais il ne s’agit pas de vous proposer des choses conceptuelles qui n’auraient en réalité pas grandchose à dire, sauf provoquer, parfois, la nausée, à défaut de compréhension. Bien sûr, vous découvrirez dans notre magazine, des œuvres qui pourraient sembler à certains provocantes ou entrainer dans un concept nébuleux, mais toujours avec un regard distancié préférant les étoiles au trou noir, avec un quatrième degré, un humour sérieux que ne renieraient pas The Avengers (pour en revenir encore à Emma Peel). Surtout, PEEL est un magazine rémois, conçu et produit à Reims qui va vous offrir gratuitement tous les deux mois, une découverte, une flânerie, un partage de ce que nous aimons, c’est-à-dire une culture exigeante mais ouverte à tous, qu’elle soit « savante » ou « populaire », qu’il s’agisse d’architecture, de design, de musique, de photo, d’art « contemporain » ou d’art « modeste », présent dans de grandes institutions, des galeries ou au détour d’une rue, de jour comme de nuit, sur le territoire rémois, à Paris (c’est si proche) ou ailleurs. Toujours chic, parfois gouailleur, mais jamais vulgaire. Des gestes, des œuvres, des livres, des disques, des lieux, des bistrots, des bulles, des gens, vous, nous, voilà PEEL !

Le magazine Peel est édité par Diabolus SARL. Tous droits réservés. Toute reproduction, même partielle est interdite, sans autorisation. Le magazine Peel décline toute responsabilité pour les documents remis. Les textes, illustrations et photographies publiés engagent la seule responsabilité de leurs auteurs et leur présence dans le magazine implique leur libre publication. Le magazine Peel est disponible gratuitement dans plus de 100 points de dépot à Reims. Magazine à parution bimestrielle. Prochain numéro en mars 2015.

COFONDATEURS

Benoit Pelletier Alexis Jama Bieri Julien Jacquot DIRECTEUR DE PUBLICATION

Benoît Pelletier RÉDACTEUR EN CHEF ARTS / MUSIQUE / ÉDITO

Alexis Jama-Bieri RÉDACTEUR EN CHEF ARCHITECTURE / DESIGN / LIFESTYLE

Julien Jacquot DIRECTEUR CRÉATIF

Benoît Pelletier RÉALISATION GRAPHIQUE

www.pelletier-diabolus .com

WWW.MAGAZINEPEEL.COM

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14 PLACE DU CHAPITRE BP 2146 51081 REIMS CEDEX


05 / FEEL

PEEL

PLAYLIST / PEEL EAT / OBJET DU MOIS / PEELBOARD

09 / RONE 10 / RUDY

RICCIOTTI

18 / SOUS

LES PAVÉS…

PAR

YVONNE DEBEAUMARCHÉ

21 / GIRLS

IN HAWAÏ

22 / DO

YOU STILL LOVE ME ? CYRILLE PLANSON PAR

27 / ATOMIC

MOOG

28 / MAISON

JAUNE

30 / PAUL

BALDESARE

36 / À

PROPOS DE CHRISTOPH MARTHALER OLIVIER CADIOT

CONTRIBUTEURS

PAR

38 / COLLEC

DE COLLECS

LES MACHINES À LAVER DE BERTRAND DIDIER

40 / FÉLIX ALEXIS JAMA-BIERI

JULIEN JACQUOT

Reims

Paris & Reims

dirigeant culturel

architecte

BENOÎT PELLETIER

directeur créatif photographe Reims

SCHRAMM

48 / PAGES 50 / UN

& IMAGES

CONNU DU MOIS

AUGUSTE, LA MASCOTTE DU STADE DE REIMS

OLIVIER CADIOT

PRIEUR DE LA MARNE

YVONNE DEBEAUMARCHÉ

Paris

Reims

Reims

auteur

CYRILLE PLANSON

Redac-chef La Scène Le Piccolo Théâtre(s) mag Nantes

tendresse & musique

auteur-réalisatrice


LE ROMANTIQUE CONTRARIÉ

Une playlist suggérée par

© Sylvère H.

PRIEUR DE LA MARNE

The Married Monk

Silk Rhodes

Emma Tricca

LOVE COMMANDER

PAINS

ALL PRETTY FLOWERS

À l’école élémentaire, j’étais voisin d’un gaucher contrarié. Les contingences de la vie ont fait de moi un romantique contrarié… Contrarié comme je l’étais en entendant pour la première fois cette chanson. Seul au volant sur les hauteurs d’une route de Balagne. Seul au lever du jour de retour de fête, ou simplement seul dans un train… Je ne me souviens plus.

Prieur de la Marne, un nom étrange mais évocateur en hommage à Pierre-Louis Prieur, député de la Marne à l’Assemblée Constituante de 1789. Acteur majeur de la Révolution Française, il fut surnommé “ Crieur de la Marne ” grâce à son éloquence et à son charisme uniques, ses origines marnaises et ses études à Reims. Aujourd’hui, Prieur de la Marne s’approprie des trésors pop plus ou moins cachés pour en faire des édits et des reworks aussi charmants qu’improbables. Ce fils de Pop a rejoint le label Alpage Records pour entamer une romance pleine de tendresse et de mélancolie, en messages personnels couchés sur vinyl translucide. Pour PEEL, Prieur de la Marne livre un message sous forme de playlist déambulatoire. Pop et romantique !

Tony Allen & Damon Albarn

GO BACK La postérité retiendra de 2014 la débâcle du Brésil face à l’Allemagne, ou le « Happy » de Pharrell Williams… Prieur de la Marne retiendra ce merveilleux titre. Damon Albarn et Tony Allen ont réinventé une couleur et un taux d’humidité. Une sensation entre l’engouement et le malaise amoureux. Cette sensation ne peut être ressentie intensément qu’au cours des 5 minutes 38 secondes de l’écoute intégrale de cette chanson… Qu’on soit amoureux ou non.

Chaque être humain devrait avoir la chance d’entendre cette chanson dans n’importe quel ascenseur du monde, nez à nez avec un(e) parfait(e) inconnu(e). Il n’en demeure pas moins que face à son supérieur hiérarchique ou son vieux voisin de palier, aigri et acariâtre, ce slow éructif perd de son pouvoir de séduction… Mais il anoblira cette journée, du sceau de la convoitise, même la plus improbable…

Eurythmics

I SAVED THE WORLD TODAY Qui n’a pas un jour rêvé de pouvoir remonter le temps ? Que ce soit pour tuer Hitler, faire partie des Rolling Stones, nous avons tous secrètement fantasmé la même chose. Croire un bref instant et en toute modestie, que nous aurions pu sauver le monde sans en tirer une quelconque gloire… Cette ritournelle, pourtant très mal produite, est ma chanson honteuse de l’hiver.

soundcloud.com/prieurdelamarne

QUOI BULULU AREPARA TYPE Street Food Vénézuélien OÙ 20 rue de la Fontaine du But 75018 Paris. PLAT AREPA LOLITA INGREDIENTS Galette de Maïs Blanc « P.A.N » à la Plancha garnie de Poulet, carottes, oignons vert, petit pois, ananas cuit au Rhum. Sauce Basilic.

Puisque le désespoir et la torpeur ne sont plus de ce monde, voici venu le temps de la plus belle folk song de l’année écoulée. Sans tambour ni trombone, la belle Emma Tricca annonçait un très bel automne… Une saison durant laquelle il serait permis tous les matins, d’envoyer comme un papillon à une étoile quelques mots d’amour, d’envoyer nos images, d’envoyer notre décor et nos plus belles victoires sur l’ironie du sort. Mais par définition, une saison ne dure qu’un temps.

René Char featuring FR David

WORDS

(Prieur de la Marne Edit) La déclaration, en matière d’entreprise amoureuse, est toujours plus facile à envisager avec les mots d’un autre… J’ai décidé, de manière totalement arbitraire, qu’il serait désormais de bon goût de s’approprier les mots de deux artistes plutôt qu’un seul pour une déclaration d’une sincérité irréprochable (ce troublant édit retraçant le cheminement quasi exact de ma pensée et reflétant assez fidèlement mon intérêt pour l’être désiré). En revanche, cette technique ne garantit en rien un succès immédiat. Mais j’encourage tous les lecteurs de Peel à s’en inspirer et à me faire part de leurs observations…

BOISSON GUARAPO CALIENTE Servie Chaud avec du sucre de cannes, citron vert pressé, mélange d’epices de piment, cannelle et badiane. PRIX 10,50 € : Une tuerie !


LA MAQUETTE DES

HALLES DU BOULINGRIN EN LÉGO DE STEEVE GRANDSIRE

D’autres spots architecturaux rémois en légo à venir en 2015 : coquilles de la fac de Croix-Rouge, médiathèque Falala, centre culturel St Exupéry et le stade de Reims...

www.grand-sire.tumblr.com


8 ÉVÈNEMENTS À NE PAS RATER EN JANVIER - FÉVRIER

QUOI LEONI’S DELI QUAND 22 JAN. OÙ 67 rue d’argout 75002 Paris. : Le nouveau restaurant créé par des rémois, organise les soirées « Bulles Dog » mêlant Hotdog & Champagne.

QUOI MAISON & OBJET

© Pierre Emmanuel Rastoin

www.leonisdeli.com

QUOI LA FRISQUETTE QUAND 31 JAN. OÙ Le Mont Nüba, 36 Quai d’Austerlitz, Terrasse sur les toits de la Cité de la mode et du design de Paris. : Soirée hivernale où l’on danse en combinaison et moonboots comme au pied des pistes.

QUAND 23-25 JAN. OÙ Parc des Expositions, Paris Nord Villepinte. : Le grand salon dédié à l’architecture intérieure et au design fête cette année son 20ème Anniversaire, où l’on retrouve quelques designers diplômés de l’ESAD.

© Jean Charles Amey

www.comediedereims.fr

www.france3.fr

© Fotolia

QUOI LA BARAQUE QUAND 6 -12 JAN. OÙ L’Atelier de la Comédie de Reims, dans le cadre de Reims Scènes d’Europe. : Un petit atelier clandestin se transforme peu à peu en une entreprise terroriste… florissante et respectable. Une comédie de l’absurde ! D’Ayet Fayez. m.e.s. Ludovic Lagarde Rés. : 03 26 48 49 00

QUOI DOCUMENTAIRE « À TAMBOURS BATTANTS » QUAND 10 JAN. 15h20 OÙ France 3 Champagne-Ardenne : « À tambours battants » ou comment la machine à laver a contribué - un peu à l’émancipation des femmes. Un film de Caroline Behague et Marie-Noëlle Dumay.

www.maison-objet.com

QUOI GAVIN MEIDHU QUAND 6 FÉV. OÙ Le Carreau, Halles du Boulingrin, Reims. : L’association Velours organise une soirée pour la sortie du 1er Ep du rappeur rémois Gavin Meidhu.

QUOI « REIMS 2034 » QUAND 18 FÉV. OÙ Manège de Reims. : À la suite du spectacle « Wagons libres », projection de « Reims 2034 », d’Yvonne Debeaumarché et Sandra Iché, un essai filmique sur Reims, inspiré du protocole d’entretien des archives du futur. www.manegedereims.com www.futurearchive.org

QUOI JOKE MTP QUAND 19 FÉV. OÙ La Cartonnerie, Reims. : Concert de la jeune star montante du hip hop français. Les rémois le connaissent pour son titre Louis xiv produit par G.Vump. www.cartonnerie.fr

© Yoann Guerini

www.carreaudeshalles.com


E N

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L A CARTO

MUSIQUES & CULTURES ACTUELLES I REIMS 84 RUE DU DR. LEMOINE 51100 REIMS I T. 03 26 36 72 40

W W W. C A R T O N N E R I E . F R

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_© Timothy Saccenti

E LE CT R O

Erwan Castex

Quand as-tu commencé à faire

alias Rone (en fait R One est un jeu de mots avec son prénom), est un musicien et producteur de musiques électroniques. Rone a grandi dans le sud-ouest parisien, a débuté son projet musical à Paris, puis a vécu 3 ans à Berlin avant de revenir en France pour retrouver un environnement plus calme. Rone s’est déjà produit à Reims, en septembre 2013 lors du XIe festival Elektricity. En décembre dernier, il a créé son nouveau Live à la Cartonnerie, Live qu’il a joué à Rennes quelques jours après en tête d’affiche des transmusicales. Son 3ème album, intitulé Créatures, sort le 9 février 2015. Rone sera en Live à la Cartonnerie le vendredi 20 février. Rencontre de milieu d’après-midi, sur les marches d’un monument du XVIIe siècle, écrin idoine pour parler électro.

de la musique ?

J’ai commencé à faire de la musique très tôt, et concrètement à bricoler des sons vers l’âge de 14 ans. J’ai eu des platines, puis j’ai fait du saxophone, puis un peu de piano. Très vite, j’ai compris que j’aimais la musique. Quelles écoutes t’ont donné envie de faire de la musique ?

Il y a des musiciens qui m’ont donné envie de faire ça, mais c’est tellement vaste. Je pense à des choses que ma mère mélomane écoutait quand j’étais enfant et qui m’ont complètement éveillé musicalement comme Chopin. Plus tard, ma sœur qui a 2 ans de plus que moi m’a fait découvrir le punk. Donc, comme je te le disais, c’est très vaste.

pourrait plaire aux gens. Le but est de laisser s’exprimer les machines et faire quelque chose qui me touche et qui me donne des frissons. Si j’ai l’impression de tenir quelque chose, j’insiste alors pour aller au bout de mon idée. Quelles machines utilises-tu ?

Mon studio, c’est un peu un mélange de vieilleries, de vieux synthés analogiques et de logiciels hyper récents (je suis un peu à l’affut de ce qui sort dans ce domaine). De plus, quand j’ai envie qu’il y ait, par exemple, une orchestration avec des violoncelles, je fais venir des amis qui jouent du violoncelle au lieu de chercher un synthétiseur qui aurait un son similaire. Pour toi c’est quoi un live réussi ?

Je fais de la musique expérimentale, contrastée et évolutive.

C’est un live qui passe très vite et dans lequel je ne pense à rien, dans lequel tout glisse tout seul et se fait sans anicroche, et où il y a un échange d’énergie entre le public et moi. Un live réussi c’est quand on est sur la même longueur d’ondes, que j’ai l’impression d’être avec des potes et qu’on fait une grosse fête tous ensemble. Un Live réussi, c’est quand à la fin on a l’impression de se connaître tous et d’avoir vécu un moment un peu intime, même si on est très nombreux.

Comment travailles-tu sur tes compo-

Quel est le club ou le lieu où tu as pré-

sitions ?

féré jouer ?

J’ai un studio rempli de machines, avec des synthétiseurs vintage, des boites à rythme et des instruments. Lorsque je me réveille le matin, et avant même de prendre un café ou une douche, je vais dans mon studio et je commence à faire de la musique sans penser à rien, en essayant de faire en sorte que ce soit le plus instinctif possible, sans réfléchir à ce que je pourrais faire ou à ce qui

Pour le club, c’est le Panorama bar du Berghain à Berlin. Concernant le lieu, j’ai plein de bons souvenirs, comme à Calvi on the Rocks sur la plage, à Chamonix au Black week-end en doudoune en pleine montagne, ou devant la cathédrale à Reims pour le festival Elektricity. En fait, j’aime les lieux un peu atypiques !

Quelles sont les musiques qui t’influencent ?

J’ai du mal à parler d’influences ou du moins à les cibler. C’est évident qu’en musique électronique il y a des noms qui ont compté pour moi à leur manière comme Aphex Twin ou comme Laurent Garnier. Comment décrirais-tu ta musique ?


A R C H I T E CTU R E

RUDY RICCIOTTI

« JE NE VEUX PAS FAIRE DES BÂTIMENTS COMME ON FAIT DE LA MALBOUFFE DE FAST-FOOD »

_Rudy Ricciotti © Rene Habermacher


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A R C H I T E CTU R E

uelles sont vos influences ?

Toutes les architectures jusqu’en 1939. Rudy Ricciotti figure parmi les plus grands architectes français actuels. Défenseur d’une architecture contemporaine, intervenant sur le béton et les matériaux à la manière d’un plasticien, il conçoit des architectures dans lesquelles le rôle de la main d’œuvre et de l’artisanat est capital. On lui doit notamment la réalisation de l’architecture du stade Jean Bouin à Paris, du MUCEM à Marseille et du Département des arts de l’Islam du musée du Louvre. À Reims Rudy Ricciotti réalise l’architecture du siège social de Redeim dont la pose de la première pierre est prévue en 2015. Rencontre en lettres capitales pour le magazine PEEL.

Quelle est votre philosophie de l’architecture ?

L’abstraction ne trouve sa finalité que dans la figure. Quelle serait pour vous la cité idéale ?

Une ville qui ressemble aux villes du 19e siècle et toutes les villes imaginaires d’Italo Calvino. Quels sont vos matériaux de prédilection ?

Le pain et le vin, sinon : Je travaille avec le béton, c’est une affaire de croyance, au sens politique et esthétique. Lorsque l’architecte fait son métier, l’intérêt du béton est sa liberté, pas forcément dans la technologie mais dans l’« ouvragerie ». Cela signifie que le béton appelle de gros besoins de main d’œuvre, fabriquant de mémoire du travail non délocalisable. Ce qui me fascine, c’est faire des bâtiments sur lesquels l’intervention de la main-d’œuvre est capitale. Et non l’inverse. On a atteint aujourd’hui un niveau incroyable d’accélération du déclin de perte de savoir-faire par le biais hégémonique du minimalisme pour lequel j’ai du mépris, non comme phénomène de style mais comme moteur-accélérateur de la perte des mémoires. Je pense que nous, les architectes, avons très largement contribué à la destruction des métiers et à la destruction de la mémoire du travail car, en collaborant à cette extase minimaliste, l’on participe aussi, à notre petit niveau de prédateur, à la délocalisation des savoirs. Bientôt il n’y aura plus de menuisiers. Aujourd’hui, un vrai menuisier qui sait faire de bons châssis, des fixes, des ouvrants assemblés à noix et à gueule de loup, de beaux détails, du bel ouvrage, relève de l’exception ! Je ne veux pas faire des bâtiments comme on fait de la malbouffe de fast-food. Je veux faire des bâtiments complexes à réaliser, activant un gain en termes de recherche et développement.

_Musée Jean Cocteau, Menton © Eric Dulière


A R C H I T E CTU R E

_Espace Aimé Césaire, Gennevilliers © Olivier Amsellem


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A R C H I T E CTU R E

Dans vos créations, quel dialogue instaurez-vous avec l’environnement (naturel, urbain, patrimonial, humain…) ?

Chaque ouvrage se nourrit du contexte. J’essaie tout simplement de ne pas réduire la richesse présente naturellement sur les lieux. Mais lisez donc mon dernier pamphlet « L’architecture est un sport de combat »* vous trouverez les réponses à cette question. C’est un livre politique qui n’est pas réservé aux architectes mais à celui qui aime encore son époque et s’attarde sur le rire pour échapper au cynisme. Vous avez conçu des lieux pour des publics et des usages différents : des habitations, des bureaux, des lieux consacrés aux arts (Département des Arts de l’islam au Louvre, MuCEM à Marseille, musée Cocteau à Menton, Palais des festivals à Venise…) ou à la musique et la danse (Nikolaisaal à Postdam, Centre Chorégraphique National d’Aix-en-Provence…). Quel impact pensez-vous que peut avoir une forme architecturale sur la perception et les usages de l’utilisateur ? Comment valorisez-vous le contenu par le contenant, notamment en ce qui concerne les lieux consacrés aux arts (visuels, musique…) ?

Chaque ouvrage, chaque fragment interroge l’architecte qui doit évaluer les enjeux afin d’établir la plus juste réponse. La mémoire des métiers et des savoirs est l’essentiel à transmettre aux utilisateurs. Le contenant valorise le contenu en exprimant des valeurs qui font appel à la sensibilité, la beauté et l’effort du travail. J’écoute le site et le programme pour pouvoir le faire parler et ainsi reconstruire un récit. Quelle doit être, selon-vous, la place du geste et de l’esthétisme en architecture ?

En pratiquant la rupture avec les discours de rupture. Si je conçois comme Sartre que « l’art n’existe qu’en situation », il convient de reconnaître que la névrose situationniste a produit des nécroses. Considérer l’esthétique, le signe et le décor comme l’attribut de la scène bourgeoise fut à l’origine de l’exil de la beauté. Quel regard portez-vous sur le développement architectural des grandes villes aujourd’hui ?

Il faut participer à la nécessaire densité urbaine, dessiner le visage de la verticalité, lutter pour quelques matériaux nobles, croire au principe de beauté… La ville de demain doit se nourrir des valeurs de la vieille ville européenne.

_Pont de la République, Montpellier © Lisa Ricciotti


A R C H I T E CTU R E

_MuCEM, Marseille Š Lisa Ricciotti


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A R C H I T E CTU R E


A R C H I T E CTU R E

Quels sont les projets qui vous ont apporté le plus de satisfaction?

Le MuCEM, par son immense succès populaire. Quels sont les projets que vous rêveriez de réaliser ?

Je ne rêve pas, je construis ce que l’on me donne et le fais avec passion… Quelle est l’architecture que vous auriez voulu avoir dessiné ?

Le sanctuaire de Notre Dame du Laus dans les Alpes de HauteProvence ; c’était l’engagement humaniste le plus aboutit. Archaïque dans ses matériaux et son écriture, savant dans son raisonnement scientifique. Je le regretterai toujours. Sur quels projets travaillez-vous actuellement ?

J’ai achevé ces derniers temps l’espace culturel et social Aimé Césaire à Gennevilliers, le nouveau département du Louvre (l’aile muséale des Arts de l’Islam), le Stade Jean Bouin à Paris, le MuCEM à Marseille, le Musée Jean Cocteau à Menton et suis en train de réaliser le Musée d’art contemporain de Liège en Belgique, la Grande Salle de Spectacle de Bordeaux, les logements étudiants du campus universitaire de Bordeaux-Pessac, la Philharmonie de Gstaad, le Fonds Régional d’Art Contemporain de Caen, un petit centre de congrès en Auvergne et divers logements sociaux en France. Sinon, je travaille aussi sur mon corps gastronomique, car je suis très exigeant sur ce que je mange… Sur ce sujet je suis aux antipodes des névroses conceptuelles et minimalistes de l’art contemporain ! * L’Architecture est un sport de combat de Rudy Ricciotti. Éditons Textuel - 2013.

WWW.R U DY R I CC I OT T I.CO M

_Musée du Louvre, Paris © Antoine Mongodin



B E LLE S L E T TR E S

SOUS LES PAVÉS … U N TEX TE D ’ YVO NNE DEBEAUMARCHÉ, POUR LE MAGA Z INE P E E L .

Il fait froid. Le ciel est blanc, et bas. On se sent un peu à l’étroit dans la boule à neige rémoise. Il faudrait pouvoir convier des visions d’or et d’azur, imaginer nos peaux dorées comme les fleurs de lys au sommet de la Cathédrale, visualiser des flots d’un bleu royal sur le parvis. Convoquer l’été et la mer, là, tout de suite, sans attendre, sans même avoir à partir. Allez, s’il te plait, encore un ressac et reviens-nous, tu connais le chemin ; il y a quelques dizaines de millions d’années, tes eaux salées recouvraient la région. Il doit bien rester quelque chose de ce passé océanique dans notre psyché collective. Quelque chose de toi. Oui, ici, à Reims : sous les pavés, le souvenir de la plage, et dans une coupe de champagne, l’écho des vagues. J’ai laissé filer les métaphores, cette langue trop aisément accostable, et bravant le vent glacial, bien réel, je suis partie à ta recherche dans les rues désertes, dans des recoins oubliés de la ville. Au bord de la Vesle, près du pont Huon, je suis tombée sur des vestiges insolites au milieu desquels avec un peu d’imagination l’on peut encore entendre des cris d’enfants qui se jettent joyeusement à l’eau, des rires ensoleillés et les splashs retentissants quand les corps plongent. Au bord de la Vesle, près du pont Huon, croyez-le ou pas, il y a des cabines de plage. Fut un temps où elles étaient peintes en vert d’eau, couleur lagon, mais ce temps a passé et le bois est désormais à vif. À vif, comme les souvenirs de Josette Labbe qui habite la maison jouxtant les cabines. Josette, accueillante et volubile, dont la famille dirigeait autrefois ce lieu désormais à l’abandon, méconnu, là où des milliers de rémois apprirent à nager : les Bains des Trois-Rivières, soit un bassin aménagé en 1882 sur un bras de Vesle, une plage de gazon, un Eden champêtre créé à l’initiative de la municipalité et de la Compagnie des Sauveteurs de Reims dans le but de pourvoir aux classes populaires un endroit sécurisé où découvrir les délices de la nage. L’Eden a fermé ses portes en 1965, « deux ans avant l’ouverture de la Piscine Olympique du Nautilud » m’apprend Josette, et en arpentant avec elle la pelouse où s’étendaient jadis les baigneurs, l’on se prend à rêver que les ruines de ces bains froids, ces cabines qui sont comme une apparition soient davantage mis en valeur afin que le promeneur puisse s’abandonner à leur contemplation quand survient la nostalgie des vacances et des jeux aquatiques en plein air. C’est important de susciter les visions d’un ailleurs, particulièrement dans une ville qui ne dispose guère d’atouts naturels notables, guère de points de vue d’où scruter l’horizon du voyage. Cela met du baume au cœur pour passer l’hiver… J’ai laissé la famille Labbe à ces souvenirs fluviatiles (oui, ce mot existe, du latin fluviatilis : « qui habite la rivière ») et j’ai poussé la navigation jusqu’à la rue de Courcelles, jusqu’aux Tropiques, les vrais, palmiers, océan et sable fin. C’est encore une femme qui m’accueille, une dame sans âge, émigrée espagnole, la voix chantante, très douce, avec de jolis traits. Ici, dans son café, les habitués l’appellent Maria bien que ce ne soit pas son vrai prénom. À ce propos, elle ne m’en dit pas plus, un brin circonspecte. L’endroit est simple, dépouillé,


B E LLE S L E T TR E S

un bistrot à l’ancienne, deux grandes tablées, un bar sixties, un porte-manteau vintage, et au mur, en guise d’unique décoration, un poster géant, l’un de ces papiers-peints paysage un peu kitsch représentant une plage des Tropiques. Maria l’a collé elle-même, et elle l’a déjà changé trois fois ; sous la grisaille locale, les couleurs ont vite fait de se délaver, la Vierge prend soin de son coin de paradis. À l’ombre de ces cocotiers, on joue à la belotte, et l’on rencontre des gens originaires de terres radieuses. Ce jour-là, j’y croise le sourire de l’Algérie - un vieux monsieur nommé Sassi - ainsi que Gérard avec qui j’engage une conversation sur sa Martinique natale que je connais bien. On évoque les plus belles plages de son île sous le poster miraculeux. Avec un peu d’imagination, encore, on s’y croirait presque. Pourtant, au bar du Stand, certaines existences n’ont rien d’un songe d’une nuit d’été. Au dessus du café, un refuge modeste : Maria loue parfois des chambres à des êtres au parcours cabossé, une chambre en guise de logement provisoire, en attendant que la roue tourne. Et le soir, après le dîner, elle écoute leurs confidences, elle fait comme avec le poster, elle prend soin d’eux. Eux, les naufragés échoués sur son atoll chaleureux. Au moment où je m’apprête à quitter cette drôle de plage, Maria accepte de me révéler son vrai prénom. Elle s’appelle Amparo, un nom espagnol qui signifie « refuge, abri, protection ». « Amparo, c’est la Vierge des malheureux » me ditelle. Elle, Maria-Amparo, Sainte protectrice des oubliés de l’hiver rémois. Un soleil qui n’a rien d’imaginaire. Un rivage

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© Yvonne Debeaumarché

d’humanité.

H T T P : // C A R G O C O L L E C T I V E . C O M / Y D B M



POP ROCK

J’ai découvert Girls

Comment est né Girls in Hawaii ?

in Hawai lors d’un

Lionel et Antoine se sont rencontrés au cours de leur scolarité et ont très vite compris qu’ils allaient avoir beaucoup de choses en commun, notamment en musique. Plus tard, ils se sont mis à enregistrer des chansons chez eux et ont envoyé une centaine d’exemplaires de leur démo aux maisons de disques, sans espoir particulier. Mais très vite ils ont eu une proposition pour jouer dans un festival et ont recruté les petits frères, les amis pour constituer un groupe. Le groupe est vraiment né en 2001.

concert au Splendid à Lille en 2004. Déjà, la musique du groupe belge, pop rock mélodique et décomplexée, avait durablement marqué ma mémoire. Ce n’est qu’en 2014 que j’ai pu les revoir en live, à la Cartonnerie à Reims, ce Live confirmant ma bonne impression de départ. Pour clore leur dernière tournée, Girls in Hawaï vient de sortir en fin d’année un album live, intitulé Hello Strange. Rencontre de fin d’après-midi.

« Everest », le cas était un peu particulier car le groupe ne s’était quasiment pas réuni durant 2 ans. Antoine et Lionel avaient réalisé, chacun de leur côté, plusieurs démos qui n’avaient pas été composées dans l’idée de faire ce disque en particulier. Mais, en rapprochant et mêlant une sélection de leurs idées respectives, un album est né. Quand on est rentrés en studio, on n’avait jamais joué les morceaux ensemble, mais chacun s’est vite approprié sa partie. Vos noms d’album studio (From Here

[Girls in Hawaii est composé d’Antoine Wielemans (chant-guitare), Lionel Vancauwenberghe (chant-guitare), Brice Vancauwenberghe (guitare électrique-lapsteel), Daniel Offermann (basse), François Gustin (guitare électrique-claviers) et Boris Gronemberger (batterie)]. Et tout s’est vite emballé pour vous ?

Oui, tout s’est mis rapidement à bien marcher, et on a dû très vite arrêter nos études pour nous consacrer uniquement à la musique (Daniel étudiait la communication, Lionel la photo, Antoine le graphisme…). [Très rapidement, Girls in Hawaï a multiplié les scènes. Après la sortie de son 3ème album « Everest » le groupe a renoué avec le live pour une tournée européenne de plus de 120 dates] Quelles sont vos influences ?

Nos influences sont plutôt variées et viennent de la pop anglaise et américaine, du jazz, de la folk, du hip hop, de l’électro.

to There, Plan your Escape, Everest) font plutôt référence au voyage, est-ce voulu ?

Le voyage est un peu l’idée du groupe au départ, d’où son nom, un nom qui ne nous ressemble pas forcément, afin d’imaginer des ailleurs avec la musique. Certains de vos morceaux ont été repris par le cinéma indé. Quel est votre rapport à cet art ?

C’est chouette d’avoir un morceau choisi pour un film. Mais on ne nous a jamais demandé de créer de toutes pièces une bande originale pour un film, et c’est quelque chose qu’on aimerait bien faire, ne serait-ce que parce qu’il y a une filiation avec les centres d’intérêts que nous avons (photo, image…). En Live, vous allez au-delà de vos productions studio, vous vous éloignez de la simple retranscription, sur scène, de vos albums…

Comment qualifieriez-vous votre style ?

C’est une pop-rock soignée et mélodique, qui peut aussi devenir puissante et débordante d’énergie sur scène. Quels sont vos rôles respectifs dans la composition de vos morceaux ?

Pour notre dernier album studio

En live, nous jouons des sets assez longs car on a beaucoup de matière. On pioche évidemment dans le répertoire de nos 3 albums, mais nous allons au-delà, en piochant dans des chutes de studio qui n’ont pas encore été dévoilées jusque-là. Et nous y apportons tous notre propre sensibilité musicale.

_© Olivier Donnet

W W W . G I R L S I N H AWA I I . B E


T HÉÂ T R E

L’IMPROBABLE RENCONTRE DU FOOT ET DU THÉÂTRE

Pour Reims Scènes d’Europe, l’artiste Sanja Mitrovic est partie à la rencontre des supporters du Stade de Reims. Ensemble, ils créeront un spectacle croisant leurs passions pour les planches et le ballon rond.


T HÉÂ T R E

ui a dit que le sport et la culture étaient deux

entre la passion d’un comédien pour la scène et l’amour

univers a priori étrangers l’un à l’autre et irrécon-

d’un supporter pour son club. Sont-elles si différentes ?

ciliables ? À Reims, celles et ceux qui savent apprécier les

À Reims, elle s’est lancée dans un défi un peu fou : réunir

beaux textes de théâtre sur le sport se souviennent en-

sur scène des comédiens professionnels et des supporters

core d’avoir vu sur la scène de la Comédie, il y a une di-

de foot pour un échange inattendu sur la passion dévo-

zaine d’années, Monsieur Armand dit Garrincha de Serge

rante qui les réunit.

Valetti, hommage au personnage fantasque mais central

- DU THÉÂTRE AUX ULTRAS… -

de l’historiographie du foot argentin. Et la centaine de personnes présentes dans la salle de spectacle de « feu » Le Kraft garde sans nul doute un souvenir ému de la prestation du comédien Jacques Bonaffé, ahanant dans son effort de comédien-cycliste, en coursier de fond de

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classement, pour nous livrer le passionnant 54 x 13 de Jean-Bernard Pouy. C’est cette même aventure, en plus grand, que tente cette année le festival Reims Scènes d’Europe. Do you still love me ? sera créé à cette occa-

sion par la jeune metteure en scène d’origine serbe, Sanja Mitrovic. Pour ce projet, elle tente d’établir un parallèle

Le Stade de Reims avec son histoire et ses différents groupements de supporters se prêtait parfaitement à cette expérience de longue haleine. « Tout a commencé dès juin », explique Quentin Carrissimo-Betola, chargé de projet du festival et aux côtés de Sanja Mitrovic pour partir à la rencontre des supporters rémois. « Et nous nous sommes vite rendus compte qu’il n’était pas si simple de les rencontrer », glisse-t-il dans un sourire. Quentin et Sanja sont donc partis directement à la rencontre des trois groupes de supporters : le Groupement officiel des


T HÉÂ T R E

supporters du Stade de Reims, le KMR (Kop mythique

au foot. Et puis, on croise aussi ces familles impliquées

rémois) et Ultrem, qui fédère les ultras rémois. De son

dans le foot de génération en génération. L’une d’entre

côté, Sanja Mitrovic avait très envie de travailler à Reims,

elles réunit dans cette même ferveur la mère, le fils et la

de rencontrer les supporters d’un club historique qui a

grand-mère ».

connu ses grandes heures dans le années 1950 autour de Raymond Kopa et René Jonquet. Les rencontres entre

- COMPLICITÉS NAISSANTES -

l’artiste et les « footeux » se multiplient assez naturellement. Sanja Mitrovic interroge, note, écoute et consigne

Actuellement, Reims Scènes d’Europe a réuni un groupe

tout ce que lui racontent les supporters. Les anecdotes

de quinze supporters que Sanja souhaite revoir. Quatre

se succèdent, la passion affleure à chaque rendez-vous.

d’entre eux devraient se retrouver sur scène pour le spec-

Comme celle de ce supporter intarissable, un homme

tacle. « Sanja leur a bien expliqué qu’elle ne souhaitait

de 78 ans ayant assisté à son premier match à l’âge de…

pas en faire des acteurs, mais qu’elle voulait juste qu’ils

5 ans.

soient eux-mêmes, avec leur histoire, leurs mots, sur le - DES SUPPORTERS SUR SCÈNE -

Do you still love me ? croisera paroles de supporters et témoignages de comédiens. « Au début, le projet partait sur la participation de onze supporters réunis sur scène pour un match de 90 minutes, rappelle Quentin Carrissimo-Bertola. Les arbitres auraient été des comédiens professionnels. Mais le projet a évolué vers un format plus proche du miroir, avec quatre supporters et quatre comédiens professionnels. « Les anecdotes des supporters sont parfois cocasses, parfois émouvantes. L’une des plus marquantes pour moi est celle de ce supporter un peu fétichiste et superstitieux. Pour chaque match du Stade, il porte son slip porte-bonheur aux couleurs du club. Il ne peut pas imaginer aller au stade sans son slip fétiche. C’est son rituel ». Des histoires de ce type, Sanja et Quentin en ont collecté des dizaines, à l’image de l’histoire de cet homme qui s’est éclipsé lors du mariage de son fils pour aller voir le match du Stade à la télévision. « Nous avons aussi découvert que certaines mères ou femmes de supporters ont un rapport parfois glamour au club et

plateau du théâtre », témoigne Quentin. Entre gens de théâtre et fans de foot, la méconnaissance est mutuelle et, de fait, tous se retrouvent sur un pied d’égalité et complices. « Sanja est venue pour le match opposant Reims à Bastia, se souvient Quentin. À l’issue du match, les supporters sont allés à la boutique du club acheter le CD de l’hymne officiel du Stade de Reims pour l’offrir à Sanja ». La curiosité est mutuelle. Les supporters monteront sur la scène de la Comédie, un lieu dont souvent ils n’ont jamais poussé la porte. Et même si l’un d’entre eux se souvient d’y être entré, à l’époque de la Maison de la Culture. Il faut reconnaître qu’il avait une bonne raison pour cela : cette année-là, on y délivrait les abonnements au Stade de Reims. Les supporters des Rouge et Blanc monteront donc sur les planches. Mais, attention, ils ont posé leurs conditions : ce ne sera pas un soir de match ! Quentin, lui, scrute avec un peu d’inquiétude les parutions, toujours tardives, des calendriers de match de Ligue 1. Il ne faudrait pas que le Stade joue un vendredi…


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T HÉÂ T R E

Anne Goalard Déléguée générale du festival Reims Scènes d’Europe

Pourquoi avoir choisi cette année le thème de la guerre et des conflits, anciens ou contemporains ?

Cette thématique s’est imposée à nous comme une nécessité dans le cadre de la commémoration nationale de la Grande Guerre. Nous pouvions notamment voir, à travers cette thématique, ce que la guerre produit sur les artistes et sur l’oeuvre. La Grande guerre est notre point de départ et, si le festival n’est pas uniquement composé de projets autour de la guerre, ce sera notre fil rouge. Nous pouvions aussi nous intéresser à des formes de conflits plus modernes, au terrorisme, sans perdre de vue la recherche de la paix, les espoirs et les idéaux véhiculés dans les oeuvres. Quels sont vos conseils, vos coups de coeur sur cette nouvelle édition de Reims Scènes d’Europe ?

Je dirais qu’il leur faut être curieux. Ne manquez pas le début du festival, vous pourrez ainsi vivre une expérience et pourquoi pas la prolonger avec d’autres spectacles. C’est possible car le festival dure une quinzaine de jours. Le projet autour de TERRORisms est important dans le festival C’est là que Ludovic Lagarde, le directeur de la Comédie, va créer La Baraque, sur un texte qu’il a commandé à Aiat Fayez. Nous serons ici dans un registre plutôt burlesque. Cette création aura son pendant avec God watts at the station,

DO YOU STILL LOVE ME ?

Conception, chorégraphie et mise en scène Sanja Mitrovic Jeudi 19 et vendredi 20 février La Comédie - 21 h

le projet de l’israélien Shay Pitowsky. Je l’ai vu à Tel-Aviv, c’est un très beau projet qui interroge les déterminismes qui alimentent les conflits et ne caricature pas les Palestiniens. Et puis, j’aimerais aussi parler de Front, qui donne la parole aux hommes des tranchées en réunissant des textes de l’Allemand Erich Maria Remarque (À l’Ouest, rien de nouveau) et du Français Henri Barbusse (Le Feu), tous deux sur le front en 1914-18. Vous avez lancé depuis plusieurs années YPAL, un réseau international de jeunes spectateurs. Que proposera-t-il cette année ?

Avec Ypal, nous voulions construire un dialogue productif avec de jeunes spectateurs. Ils s’interrogent et nous interrogent sur la relation à l’art et aux artistes. Pendant le festival, ces jeunes venus de toute l’Europe organisent des ateliers pour les spectateurs, des rencontres avec les artistes. Cette année, nous avons un partenariat avec RJR, Radio Jeunes Reims, et L’Hebdo du vendredi. Ils nous livreront des chroniques de spectacles. C’est nouveau, ils seront plus présents sur tout le festival et non sur un temps fort. Propos recueillis par Cyrille Planson



E LE CT R O

Atomic Moog est un duo rémois et parisien de dj et producteurs de musique électronique composé de Charles Lecca et Cédric Beaude. À l’automne 2014, ils se sont produits lors du before du festival Elektricity. Atomic Moog vient de signer avec un label allemand et sortira son 1er EP au printemps 2015. Comment est né Atomic Moog ?

Cédric : Charles, qui est mon cousin par alliance, mixait déjà de son côté et a voulu faire de la production. Comme j’en faisais déjà depuis une quinzaine d’années, il est venu me demander conseil. On avait de nombreux atomes crochus en matière de son et je me suis pris au projet de Charles jusqu’à en faire partie intégrante. Je faisais auparavant de l’électro soul avec de vrais instrumentistes, mais je n’avais jamais réussi à faire ce genre de musique frontale et club car je n’avais jamais trouvé quelqu’un qui avait exactement les mêmes aspirations que moi. Et je l’ai trouvé chez un mec de vingt piges qui m’a bousculé dans ce que je savais faire et qui m’a conduit à me réinventer. Charles : Par exemple, Cédric m’a apporté la technique de la MAO et je lui ai apporté mon savoir possible en matière de transcription de tracks piste par piste. Quand est officiellement né votre duo ?

Charles : on a décidé, en février dernier, de donner un nom à notre projet qui avait alors quelques semaines. Cédric a cherché l’inspiration dans sa vieille bibliothèque de disques et s’est arrêté sur un morceau de Coldcut intitulé Atomic Moog 2000. On a décidé de prendre ce nom (sans le 2000 trop marqué XXe siècle) qui correspondait parfaitement à notre projet. Comment travaillez-vous ensemble pour concevoir un morceau ?

_© Sabrina Godfrin

Charles : j’habite à Reims et Cédric à Paris. On ne peut évidemment pas se permettre de se voir 5 fois par semaine et on travaille à distance, sans règles particulières. Soit Cédric débute

un morceau et me l’envoie pour que je travaille dessus de mon côté, soit c’est l’inverse. À la base il y a beaucoup de brainstorming et d’écoute de musique. On parle de nos ressentis sur des morceaux. Par conséquent, chacun sait ce qui plait à l’autre et va essayer de l’impressionner. C’est comme une sorte de compétition, mais dans la même équipe. Cédric : le but c’est de donner envie à l’autre. On se renvoie un même morceau plusieurs fois, et au bout d’un moment, quand on pense être arrivés au bout du projet, on se voit et on le peaufine ensemble à Reims ou à Paris. Nous pouvons aller vite quand on a envie de créer un morceau grâce à la conjonction entre mes connaissances techniques engrangées depuis des années et la fraicheur, la rigueur de control freak » de Charles qui sait exactement comment une chose doit sonner et ne lache rien.

hip hop. On ne veut pas seulement faire danser les gens, on veut les faire transpirer ! Charles : d’ailleurs, en ce qui concerne notre proximité avec l’univers de la culture hip hop qui est pour nous une source d’inspiration, nous avons sorti le 16 décembre dernier un remix techno du morceau « Allo ? » du groupe de hip hop de Reims Black industrie.

ATOMIC MOOG

Pouvez-vous parler de votre EP ?

Charles : nous avions près de 20 morceaux non finalisés et 5 morceaux prêts à être édités sur un 1er EP. Mais Cédric m’a fait écouter un nouveau morceau qu’il venait de créer et j’ai tout de suite su que c’était une tête d’EP, alors qu’on avait déjà sélectionné nos morceaux. Finalement nous avons retenu, en plus de ce morceau, les 2 meilleurs des 5 initialement prévus auxquels nous avons ajouté nos 2 dernières créations. Sous cette forme, l’EP s’est constitué spontanément en 15 jours, parce qu’on avait bien défini au préalable la ligne directrice que nous souhaitions. Cédric : musicalement, on voulait quelque chose de frontal avec un esprit rock, loin de la disco filtrée qu’on peut souvent entendre aujourd’hui. Notre musique est à l’image de notre façon de mixer qui est explosive et où ça part dans tous les sens. Troopers me disait récemment qu’on avait une façon de mixer, avec des cuts, proche de ce qui se fait dans le rap. Notre musique est constituée d’une énergie techno avec une structure et des impulsions plutôt

Avec qui avez-vous travaillé pour réaliser sa couverture?

Charles : lors du dernier festival Elektricity, j’ai rencontré Jean André qui est graphiste pour Ed Banger et qui a également réalisé le visuel de cet Elektricity. En discutant lors d’une pause cigarette, j’ouvre mon Iphone dans lequel j’avais mis en fond d’écran une production d’une artiste parisienne du nom d’Inès Longevial. Jean, qui collabore avec Inès a alors pris une photo de mon écran qu’il lui a envoyé. 1 mois après je l’ai contactée par email pour lui dire que j’étais fan de son travail et pour lui demander si elle accepterait de réaliser l’illustration de notre EP. Après écoute de l’EP elle a accepté ! Quelle est la date de sortie de ce 1er EP ?

Charles : la sortie est prévue au printemps 2015, avec une release party de lancement à Paris.


DESIGN

Élodie et Julien Régnier vivent à Reims, se baladent un peu partout en Europe pour ensuite partager leurs trouvailles aux Marchés aux Puces de St Ouen. Le nom de leur studio « Maison Jaune » est dû à leur étonnante et singulière maisonnette Jaune, que l’on aperçoit au loin en entrant dans le Marché Paul Bert. On y découvre sur trois étages une sélection subtile de mobiliers signés, allant d’un bureau Pierre Paulin, aux chaises Saarinen, tout en proposant des pièces plus atypiques telles que les tables de bistrot tout droit sorties du Futuroscope. En 2013, ils réalisent le Bar Éphémère du Centre Culturel de Saint Exupéry de Reims. Les visiteurs pouvaient s’y installer le temps d’un café dans cet univers qu’ils définiront de « simple et confort ». Dernièrement, ils viennent d’investir l’intérieur du restaurant Les Halles 1929, en y ajoutant quelques éléments de décoration, en suivant cette volonté de produire un certain « Design convivial ».

aison aune


DESIGN

Comment en êtes-vous arrivés à faire

Quel est votre avis sur les copies

Quelle est la question la plus courante

ce métier ?

de meubles ?

posée par les professionnels ?

Nous avons toujours été passionnés par les objets et l’architecture d’intérieur. Nous nous sommes vite aperçus que nous pouvions travailler ensemble. Cette passion nous en avons fait notre métier. Nos parcours sont différents, mais nous avons créé Maisonjaune avec ces différences et une belle connivence créative. Maisonjaune est avant tout l’histoire d’une rencontre. Paris et Saint-Ouen étaient une évidence, tout en restant à Reims pour élever nos enfants.

Nous revendiquons la création, alors les copies sont pour nous une forme de pollution.

Les professionnels nous demandent toujours comment fait-on pour trouver nos objets, … mais il faut garder une part de mystère.

Comment procédez-vous pour la recherche de vos mobiliers ?

Nous parcourons les capitales européennes afn de trouver des idées. Nous aimons faire des rencontres et être surpris par une émotion. Notre quête d’objets insolites ne connait pas de limites. (si ce n’est financière…). Comment travaillez-vous ensemble ? Avez-vous des profils complémentaires ?

Comme évoqué auparavant c’est une histoire d’amour (pour les objets bien sur…). C’est une entreprise familiale où nous pouvons nous exprimer ensemble en respectant nos deux personnalités.

Faut-il avoir bon goût dans votre métier ?

Et par les badauds ?

L’excentricité peut-être une forme de mauvais goût et avoir beaucoup de succès. Donc nous ne pouvons pas répondre à cette question, sans un peu d’ironie. Maisonjaune a la chance de travailler avec quelques grandes maisons de luxe qui représentent pour nous une certaine définition du bon goût. D’ailleurs nos clients interprètent parfois mieux que nous nos propres choix.

« C’est où la Cocotte ? » Notre boutique se trouve proche du nouveau restaurant de Philippe Starck « La Cocotte ». Tous les nouveaux venus au marché aux puces nous posent cette question.

Quels sont vos objets fétiches ?

Pas d’objet fétiche. Nous ne sommes pas collectionneurs. Mais nous aimons associer des objets, des couleurs et des formes afn de créer une atmosphère érudite et chaleureuse. C’est intéressant de rendre visible un objet, de le faire restaurer et de le proposer pour un autre lieu, afin de le mettre en lumière. Que faudrait-il pour que les Halles du Boulingrin deviennent le marché Paul Bert ?

Quelle est la spécificité de la Maisonjaune ?

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Notre travail se concentre sur le design du XXème siècle. Nous regardons les objets pour ce qu’ils dégagent, pour l’atmosphère qu’ils créent. Nos clients sont très exigents. Nous leur présentons des pièces sensibles. L’idée est de créer une émotion forte entre un objet et une personne, une rencontre.

Il serait diffcile d’imaginer cette activité dans une ville comme Reims, car le marché des puces de Saint-Ouen est le plus grand rassemblement d’antiquaires au monde. Les Halles sont avant tout notre marché, un lieu de rencontre. Le quartier du Boulingrin est devenu un endroit magique, très convivial entre commerces de bouche et restaurateurs.

_Maison Jaune © Alexandre Isard _Mobiliers © Julien Régnier

Quel est le plus diffcile dans votre métier, l’art des affaires ou l’affaire des arts ?

Nous créons des atmosphères qui peuvent rencontrer des accueils différents. Mais nous avons la chance de pouvoir nous exprimer. Le monde des affaires et le monde des arts sont aujourd’hui très liés, ce qui crée de nouvelles rencontres . Quelle est la pièce que vous regrettez le plus d’avoir vendu ?

Sortir un objet de son contexte pour le placer dans une scénographie est toujours un défi et un acte engagé, donc pas de regret mais plutôt le souvenir de belles rencontres.


PAUL BALDESARE Paul Baldesare est un photographe anglais qui travaille et vit à Londres. La capitale britannique - sa rue, son métro - est son terrain de jeu favori. Il y capture dans son objectif des instants de la vie londonienne et les travers de sa population, rappelant parfois le regard de Martin Paar sur la société contemporaine.


_ Young women on the London Tube Š Paul Baldesare

P H OTO G RA P H I E


P H OTO G RA P H I E

Qu’est-ce qui vous a donné envie de vous exprimer par la photographie ?

Je suis allé en école d’art au début des 70’s, et j’y ai découvert le travail de deux photographes qui y enseignaient – l’un d’eux, John Benton Harris, est d’ailleurs devenu un bon ami. Ses photographies documentaires en n&b étaient d’une qualité de définition que je n’avais encore jamais vue, et un de ses projets qui m’avait particulièrement saisi concernait les « Anglais ». Il y avait inclus de nombreuses images, prises dans la rue à Londres lors d’événements, qui représentaient un intérêt particulier. Quelles sont vos influences ?

Mes influences vont d’Henri Cartier-Bresson à Garry Winogrand. Le travail de Larry Fink m’a toujours intrigué. Mais en général de nombreuses influences peuvent me provenir d’une seule image ou d’un simple projet. J’aime en effet découvrir de nouveaux travaux qui ne sont pas encore publics. Lors de mes 20 ans, je suis tombé sur un livre de Tony Ray Jones publié à titre posthume intitulé « A Day Off ». Je feuillette encore régulièrement ce livre et je pense qu’une citation de l’auteur dans l’introduction a certainement influencé mon travail : « Mon but est de communiquer quelque chose de l’esprit et de la mentalité des Anglais, leurs habitudes et leur mode de vie, les ironies qui existent dans la façon dont ils font les choses, en partie grâce à la tradition et en partie par la nature de leur environnement et de leur mentalité ». Quel a été votre premier appareil photo ?

Mon premier appareil photo « sérieux » fut un Leica CL équipé d’un objectif de 40mm. Le travail que je produisais avec cet appareil est toujours parmi mes préférés et j’effectue actuellement la numérisation des négatifs pris avec ce Leica au début des 80’s. C’est une honte qu’il n’y ait pas aujourd’hui d’équivalent numérique au CL !

du n&b a été dicté par sa polyvalence. Vous pouviez le traiter et l’imprimer à faible coût, à la différence de la couleur qui était alors tirée sur diapositive ou film transparent pour une meilleure qualité. C’était encore plus cher à imprimer qu’à partir d’un négatif. Mon 2e grand projet « Down the Tube » devait être photographié à l’origine sur film négatif couleur, mais ce procédé aurait été trop coûteux, j’ai donc opté pour le n&b. Pour le type de photos que je prends, je me sens tellement plus à l’aise avec la couleur. Heureusement, aujourd’hui avec les appareils numériques, la couleur est devenue tellement plus facile à photographier et à imprimer. Je suis un grand fan de cette nouvelle technologie ! Retravaillez-vous vos photographies sur ordinateur ?

Je ne modifie pas mes photographies que ce soit avec Photoshop ou tout autre procédé informatique. J’utilise simplement l’informatique pour son aspect pratique pour organiser les fichiers photo, mais mon système de classement est plutôt ad hoc, même si j’ai essayé d’améliorer les choses ces derniers temps. J’ai toujours produit de petits tirages sur papier des images qui m’intéressaient au premier abord en y écrivant la date et le lieu du cliché et je continue à le faire aujourd’hui. Vos photos sont un témoignage, presque scientifique de la civilisation occidentale, spécialement anglaise. Vous voyez-vous comme une sorte d’anthropologue visuel ?

Oui, beaucoup de mes projets m’ont fait me sentir comme un anthropologue visuel. Depuis de nombreuses années, je photographie dans Oxford Street dans le centre de Londres. Une des raisons qui m’ont amené à le faire, c’est que très peu de photographes ont semblé s’intéresser à cet aspect de la vie londonienne. C’est alors devenu pour moi une sorte d’étude anthropologique de l’espèce humaine, où lors de mes prises de vues, je reste toujours discret afin de ne pas influencer une situation.

Quel appareil utilisez-vous aujourd’hui ?

J’utilise un Nikon pour mon travail commercial et un Leica M9 pour mes projets personnels avec un objectif de 28mm, plus un objectif de 35 et un de 21mm, même si j’utilise rarement ce dernier. Vous utilisez à la fois le noir & blanc et la couleur dans vos séries de photos. Qu’est-ce qui détermine ce choix ?

Entre le n&b et la couleur, la couleur sera toujours mon premier choix. Quand j’ai débuté la photo dans les 80’s, le choix

Comment réagissent vos sujets ?

Je me suis souvent senti plus à la maison en voyageant à l’étranger que dans mon propre pays et ma propre ville. En Italie, par exemple, les gens semblent être attirés par l’appareil photo, alors qu’à Londres ils résistent ou se détournent. Mais Londres n’est pas comme le reste de l’Angleterre, et lorsque vous allez dans les petites villes et les villages, vous trouverez un état d’esprit très différent et un rapport particulier à la vie privée et à l’espace personnel. Quand je photographiais pour mon projet « Carna-


_ Window Dresser Oxford Circus, London © Paul Baldesare

2 _ Outside Houses of Parliament, London © Paul Baldesare

_ Devil of Threadneedle St. London © Paul Baldesare

P H OTO G RA P H I E

« J’AI TOUJOURS AIMÉ LA SATIRE, EN PARTICULIER LA CRITIQUE SUBTILE QUI ATTIRE L’ATTENTION SUR DES QUESTIONS SOCIALES PLUS SÉRIEUSES ».


_ Laughing women Oxford St., London © Paul Baldesare

P H OTO G RA P H I E

val », j’ai souvent été surpris par le mélange de chaleur et de suspicion dont les gens faisaient preuve. Je n’ai jamais su, en allant d’un endroit à l’autre, quelle serait la façon dont les participants réagiraient. Si vous êtes déguisés, c’est plutôt étrange de s’opposer à ce qu’on vous photographie, en particulier si vous ne pouvez pas être identifié… Avez-vous des thématiques de prédilection ?

Un thème qui m’intéresse particulièrement, c’est l’attrait du shopping. Pour ceux qui font du shopping, c’est un peu comme se saouler, c’est agréable sur le moment, mais avec une gueule de bois prévisible par la suite. Mais si le shopping est si agréable, pourquoi ont-ils l’air si misérable ? Quand je marche dans une rue commerçante animée, je suis toujours frappé par l’absence de visages souriants, sauf pour les vitrines, les affiches aux arrêts de bus et les panneaux publicitaires qui vendent un style de vie que la plupart ne peuvent pas se permettre. Il est devenu évident, après un court instant d’observation, que le shopping est une affaire très sérieuse, qui s’exerce en communion, dans le même état d’esprit que la pratique d’une religion. L’humour (noir) tient-il une place importante dans vos photographies ?

J’ai toujours aimé la satire, en particulier la critique subtile qui attire l’attention sur des questions sociales plus sérieuses. Par exemple, j’ai pris dans le centre de Londres, au début des

années 2000, une photographie qui montre un étalagiste qui semble être accroché sous un mannequin dans une vitrine. Cette image est pour moi une métaphore de l’accro au shopping. Je pourrais aussi prendre pour exemple les touristes qui se photographient ou se font photographier devant le Parlement, à la recherche de leur propre morceau de Londres, à la manière des pèlerins médiévaux qui jadis souhaitaient emporter de petits morceaux de pierre d’un monument. Pourtant, je ne vais pas particulièrement à la recherche de situations comiques, mais je suis toujours heureux quand une scène de rue s’exprime spontanément devant mon objectif, parmi une mosaïque complexe d’individus. J’aime découvrir à ma façon « Le cœur battant de la ville ». C’est pour ce chaos complexe de la rue et l’excitation ressentie au moment où se révèlent de subtils instants que le photographe de rue passe tellement de temps à chercher le bon shoot !

H T T P : // B A L D E S A R E P A U L . C O M /



B E LLE S L E T TR E S

À PROPOS DE CHRISTOPH MARTHALER U N TEX TE D ’ O LI V IE R C A D IOT, POUR LE MAGA Z INE P E E L .

Pour rencontrer Christoph Marthaler, j’avais dû prendre une longue série de trains à crémaillère dans la montagne. Nous avions rendez-vous à Sils-Maria, à l’hôtel Waldhaus. Tout un programme. Au bout de ce voyage vertical, on tombait sur un bâtiment au milieu de nulle part, comme si l’on avait construit un building au milieu de la forêt. C’était le centenaire de ce palace, construit en 1908 ; le petit fils du créateur de ce lieu, Jürg Kienberger, est un des fidèles de la petite troupe de musiciens-chanteurs-comédiens — particulièrement doué pour jouer du Mozart ou du Webern sur un assortiment de verres en cristal. Par amitié pour cet étonnant camarade, Martahler avait élaboré une sorte d’installation qui se déroulait pendant une longue soirée. Vu les riches habitués de ce lieu, on aurait pu s’attendre à un spectacle élégant et conventionnel. Là, c’est comme si une troupe de dadaïstes avait envahi l’hôtel. Les spectateurs-clients dînaient dans la grande salle à manger, une chanteuse interprétait des mélodies françaises ennuyeuses. On se demandait bien ce que l’on faisait là. Mais pendant ce temps, l’équipe avait littéralement emballé l’hôtel comme pour un déménagement ou en prévision d’un bombardement : les couloirs étaient recouverts de plastique; les fauteuils, les tables et les assiettes étaient emballés dans des cartons. Stupéfaction. Les gens arpentaient les couloirs, comme saisis par une catastrophe. Il emmenait ensuite les « spectateurs » dans les combles où l’on avait reconstitué de vieux bureaux RDA. On descendait ensuite en file indienne dans les parkings ; il fallait se coller aux vitres d’un mini bus pour écouter un quatuor fredonnant à la bougie. Au final, des acteurs, à plat ventre sur le court de tennis intérieur, chantaient du Wagner. En voyant travailler Marthaler par la suite, j’ai compris que cette « performance » me donnait quelques clés pour comprendre sa méthode de travail si particulière. On s’installe dans un lieu : un tribunal, une institution religieuse, un musée désaffecté ; et si l’on est dans un théâtre, on reconstruit sur scène un décor complet. Un habitat étrange : un hôpital-salon, une salle de conférence-sauna, un trois-pièces-usine. On verra plus tard comment habiter là. Pendant ce temps, on réunit sa troupe, on chante, on déchiffre des morceaux de musique en famille autour du piano. Du Satie, du Monterverdi ou du Sacha Distel. On apprend à chanter ensemble et puis un jour on installe ce petit monde sur scène et on les place dans des positions impossibles ; l’un enfermé derrière une porte de garage, l’autre dans une cage de verre. C’est cette opération qui rend les acteurs de Marthaler sur scène si unis et si terriblement seuls. Ce sont des boules d’énergie pures. Ils sont au bord de crier ; et c’est là où le texte arrive, à la fin seulement. Quand il faut enfin parler. Et ça parle, Labiche sera là ou Henri Michaux ou un discours politique ou une blague suisse allemande ou Goethe. Tout ce qui sera nécessaire pour faire vivre cette fantasmagorie. Le projet se retourne comme un gant. Le corps prend texte. C’est lumineux. C’est du théâtre à l’envers.


_ Portrait d’Olivier Cadio © Jean-Luc Guérin _ Portrait de Christoph Marthaler © Björn Jensen

6 B E LLE S L E T TR E S


C U LT U R E P O P U L A I R E


© Marie-Noëlle Dumay © Jean Christophe Genisset

Un Labiche débridé ! UNE ÎLE FLOTTANTE (DAS WEISSE VOM EI) d’après Eugène Labiche mise en scène Christoph Marthaler

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Illustration Gg

J A N V I E R

www.lacomediedereims.fr Spectacle bilingue français/allemand, surtitré en allemand/français


A RT CO N TE M P O RA I N

SCH RAM M

FÉLIX

Félix Schramm est un artiste allemand né en 1970 qui vit et travaille à Düsseldorf. Il a suivi un cursus d’études à l’École des Beaux-Arts de Düsseldorf de 1993 à 1997 et effectué plusieurs résidences d’artistes en Europe, le menant d’Italie en Allemagne, et en orient au Japon. Félix Schramm reçoit en 2006 le prestigieux prix Piepenbrock récompensant un artiste contemporain allemand pour ses sculptures. Son travail est régulièrement exposé dans de grandes institutions, telles que le Palais de Tokyo à Paris. Par son travail, il compose l’illusion d’une architecture qui serait la conséquence d’un accident survenu à l’intérieur du lieu d’exposition, laissant la vision du spectateur imaginer un potentiel effondrement mettant en cause la sérénité immaculée du « white cube ».


A RT CO N TE M P O RA I N

_COLLIDER, San Francisco, Museum of Modern Art Placoplatre, bois, couleur, papier peint 6,5 x 8 x 13 m, 2007 © DR

_ACCUMULATOR 5, Kunsthaus Baselland, Schweiz Placoplatre, bois, mastic, Plexiglas, cire, terre, metal texturé, laiton, polyurethane 274 x 802 x 415 und 150 x 130 x 150 cm (2-parties), 2014 © DR


A RT CO N TE M P O RA I N

_SAVAGE SALVAGE, De Vleeshal, Middelburg, Holland Placoplatre, bois, métal, métal texturé, couleur 7 x 9 x 35 m, 2008 © DR


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A RT CO N TE M P O RA I N

uel fut pour vous le déclic qui vous a donné envie de créer de l’art ?

J’ai eu très tôt une attirance pour l’art. Depuis mon jeune âge, j’adorais modeler ou bien construire toutes sortes de choses. Le besoin de savoir créer avec des formes tridimensionnelles m’a poussé à faire des études d’art. Pouvez-vous nous parler de votre parcours ? Vous avez étudié aux Beaux-Arts de Düsseldorf. Étiez-vous déjà particulièrement attiré par le médium « sculpture »?

J’ai commencé à étudier en Italie, à Florence. Après un séjour de 2 ans, je me suis décidé à poursuivre mes études de « sculpture » à Düsseldorf. Par la suite, j’ai séjourné à Tokyo. En général, mes séjours de longue durée à l’étranger ont été particulièrement importants pour mon développement personnel. Travaillez-vous avec une galerie en particulier ?

Je travaille conjointement avec la galerie « Max Mayer » à Düsseldorf et la galerie « Thomas Flor » à Berlin. Comment en êtes-vous venu à réaliser vos sculptures ?

Je suis fasciné par l’observation des formes tridimensionnelles. On peut percevoir qu’une forme, avec sa surface, avec ses contours, avec ses arêtes, constitue une frontière avec son environnement. Ainsi, pour appréhender visuellement une sculpture, vous devez vous déplacer. De ce fait, vous modifiez les perspectives de l’observation qui vous font entrer dans une scène toujours différente autour de la même forme. C’est une contemplation dynamique, et cette manière de voir l’œuvre est très importante lorsque je réalise mes sculptures. Quelles sont vos influences ?

Finnegans Wake de James Joyce (œuvre littéraire publiée à Londres en 1939, ndlr). Quel est votre processus de création d’une sculpture et comment choisissez-vous les matériaux utilisés ?

Mon travail implique des processus très différents. Par exemple, mes œuvres intitulées « Spatial Intersections », qui provoquent une subsidence et décrivent en même temps une brèche dans l’espace, doivent être réalisées avec une équipe plutôt conséquente. Avant la mise en place de l’œuvre, j’opère donc par préplanification. Au cours de cette phase, je travaille principalement avec des modèles réduits, c’est-à-dire avec des esquisses en trois dimensions que je crée avec des matériaux issus du dé-


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_IMACON, De Vleeshal, Middelburg, Holland Placoplatre, bois, couleur 2008 © DR

_OMISSION, Palais De Tokyo, Paris, France Placoplatre, bois, couleur 5,56 x 12,9 x 25,9 m, 2009 © DR


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montage d’anciens travaux. J’opère ainsi car je conçois toujours une œuvre basée sur des points de vue différents qui s’entremêlent. Mes modèles réduits me permettent alors de visualiser le projet avec mon assistant au fur et à mesure de son évolution. Grâce au travail avec ces modèles facilement manipulables, je peux imaginer quelles seront les différentes manières d’opérer et les options d’installation, alors qu’il est évidemment extrêmement difficile de faire tourner une œuvre monumentale qui pèse 4 tonnes... Et je peux laisser une certaine latitude au hasard. Dans votre processus, envisagez-vous votre sculpture comme un objet autonome, ou comme un complément, permettant de révéler l’espace où elle est installée, de dialoguer avec le lieu d’exposition ?

Pour moi il n’existe pas de sculpture autonome, car elle est toujours dépendante de l’espace. Chaque sculpture doit en effet dialoguer avec son environnement par sa propre subsidence. La salle d’exposition se déforme, se transforme par la simple présence de la sculpture et cette dernière agit différemment, selon l’espace, sur le spectateur. Peut-on dire que vos créations constituent quelque part une réflexion sur le white cube pensé comme une architecture dans l’architecture, un lieu qui se révèle par ses faiblesses, celles que l’on ne voit pas ou que l’on ignore par aveuglement ?

Le « white cube » constitue un espace scénique qui est bien entendu nécessaire pour l’art. Par conséquent, l’art est en même temps toujours une mise en scène. La perturbation de l’espace est comme une fissure. Cette fissure rappelle au spectateur qu’il s’agit bien d’une scène et c’est cela qui, je pense, importe. Envisagez-vous vos créations comme un « écorché » de l’espace, une mise en design de la déstructuration des structures de constructions architecturales ?

Si je prends encore pour exemple ma série « Spatial Intersections » j’y utilise des structures architecturales de base dans le but de les déstructurer, à partir de matériaux qui n’ont pas de réelle valeur architecturale, comme le Placoplatre. Je dirais que c’est une forme de dissolution des structures existantes. J’essaie alors de leur faire atteindre d’autres niveaux, pour les faire arriver rapidement à un état que je pourrais qualifier de géologique.


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En fait, votre art va au-delà du simple regard du spectateur. Il est une expérience sensitive qui se vit…

La perception du spectateur en face de l’œuvre, est pour moi d’une importance fondamentale. Elle varie en fonction du positionnement de l’œuvre dans son environnement. Notre champ de vision essaie plus de saisir la position des objets dans l’espace que d’en déterminer les caractéristiques objectives. Chaque infime déplacement de l’observateur conduit par conséquent à une modification de sa perception. Non seulement il voit de nouvelles choses, mais les choses qu’il a déjà vues se modifient dans sa perception elle-même. Par leur force, par leur mise en œuvre presque titanesque, vos œuvres ne se rapprochent elles pas de la performance ?

Bien sûr, mais il s’agit plus d’une performance intime, à huis clos. Quelles sont vos expositions récentes?

J’ai réalisé deux expositions personnelles en fin d’année 2014 d’une part, au Frac Alsace, d’autre part, au musée Lothar Fischer de Neumarkt, en Allemagne.

WWW.FELIXSCHRAMM.NET

_COLLIDER, San Francisco, Museum of Modern Art, USA Placoplatre, bois, couleur, papier peint 6,5 x 8 x 13 m, 2007 © DR


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PAG E S & I M AG E S

MANCHESTER MUSIC CITY JOHN ROBB éd. Rivages Rouges, 2009 --> L’histoire de la scène mancunienne par ceux qui l’ont faite.

FALSE FLAT AARON BETSKY WITH ADAM EEUWENS éd. Phaidon, 2004 --> Pourquoi et comment le design néerlandais contemporain est si bon.

L’ARCHITECTURE EST UN SPORT DE COMBAT RUDY RICCIOTTI éd. Textuel, 2013 --> Coup de gueule passionné de l’architecte critiquant avec amour et violence, les aberrations souvent constatées dans ce métier.

WA, THE ESSENCE OF JAPANESE DESIGN ROSSELLA MENEGAZZO STEFANIA PIOTTI éd. Phaidon, 2014 --> L’inspiration historique du design japonais sous toutes ses formes. Un très bel objet façonné selon les techniques traditionnelles japonaises.

49 CITIES WORKAC éd. Storefront --> Analyse urbaine inédite des architectes new-yorkais WorkAC, comparant sur les mêmes critères, les 49 projets de villes utopiques les plus marquantes.

L’OEIL INVISIBLE W.M. HUNT éd. Actes Sud, 2011 --> Entre noir et démence, un aperçu de la collection ultra-sensible de W.M. Hunt.

POLAROIDS GUY BOURDIN éd. Xavier Barral, 2009 --> Un recueil d’instantanés de Guy Bourdin. Mythique.

© Benoit Pelletier


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U N CON N U

AUGUSTE

LA MASCOTTE DU STADE DE REIMS

NOM

Sébastien CANARD PROFESSION

Facteur DEPUIS

C’est ma troisième saison. COMMENT

Le Stade de Reims cherchait une mascotte, et je me suis tout simplement présenté. PLUS BELLE RENCONTRE

Mon premier match pour la montée en ligue 1, contre Lens. PLUS BEAU SOUVENIR

Le premier match en Ligue 1, contre Marseille. DES PROJETS POUR AUGUSTE ?

Avoir une Femme et pourquoi pas un petit Lionceau. AUTRE SPORT FAVORI

La course à Pied.

À QUEL POSTE AUGUSTE POURRAIT-IL JOUER ?

Avant Centre.



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