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INTERVIEW L’ingénieure An-Roos De Potter Force Aérienne Belge
RENCONTRE AVEC L’INGÉNIEURE AN-ROOS DE POTTER, RESPONSABLE DU SERVICE MAINTENANCE À LA FORCE AÉRIENNE BELGE
photo © Michael Moors
An-Roos De Potter peut se prévaloir de nombreuses années d’expérience dans la maintenance de divers avions et hélicoptères.
Pendant près de trois décennies, An-Roos De Potter a travaillé au service Maintenance de la flotte aérienne de la Défense. Durant toutes ces années, nombre d’avions et d’hélicoptères connus et moins connus sont passés par les mains des techniciens de son équipe. Nous l’avons rencontrée et nous avons discuté de la structure et de l’importance de la maintenance dans une flotte moderne.
Contrairement aux nombreuses femmes ingénieures que nous avons rencontrées dans le cadre de notre série d’articles qui leur est dédiée, An-Roos De Potter n’a aucun parent ni connaissance qui fut une source d’inspiration directe lorsqu’elle s’est tournée en 1988 vers des études d’ingénieur. La famille a néanmoins joué un rôle important dans le choix d’études final. Son père, alors professeur à l’université, l’a stimulée à suivre une formation d’ingénieur civil à l’issue de ses études secondaires Latin-Mathématiques. Et son frère lui a inconsciemment donné un coup de pouce, cette fois vers une formation militaire.
An-Roos De Potter: « J’avais déjà entendu parler de la formation d’ingénieur civil mais je craignais que ce soit une formation ‘classique’ un peu ennuyeuse pour moi parce que je suis plutôt du type actif. À l’époque, mon frère était intéressé par une formation pour rejoindre la Gendarmerie, il y avait donc à la maison des brochures sur l’Ecole Royale Militaire que j’ai lues. Allier une formation à l’aspect militaire et sportif me plaisait énormément et j’ai donc posé ma candidature. Parallèlement à cela, je me suis inscrite à la formation de pilote de ligne. Mon intérêt pour l’aviation était déjà là. Finalement, j’ai été admise à l’ERM et j’ai commencé ma carrière à la Défense. J’ai suivi ultérieurement d’autres cours et formations. La plus importante fut peut-être ma formation à la célèbre Ecole de Guerre à Paris. On y apprend, dans un contexte international et sous les auspices de l’armée française hautement opérationnelle, comment est structurée la défense dans d’autres pays, quelles sont les organisations et les intérêts internationaux qui jouent un rôle, etc. »
La gestion de flotte, fil conducteur de la carrière
Le fil conducteur de la carrière d’An-Roos De Potter est la maintenance et la gestion de la flotte d’avions et d’hélicoptères de la Défense. D’où vient le choix de la maintenance? An-Roos De Potter: « Comme j’ai terminé mes études dans l’option Aviation, on s’attend à exercer une fonction technique dans la branche. En tant que non-pilote dans le domaine technique de l’Aviation, vous devenez quasi automatiquement officier dans une fonction de maintenance. Pour ma part, ma carrière a commencé en 1994 à Kleine Brogel où j’ai été Officier de maintenance pour les F16 du 10e Wing tactique. Au cours des premières années, je gérais plusieurs équipes qui réalisaient chacune une tâche de maintenance bien spécifique. Une équipe réalisait les maintenances planifiées, une autre se chargeait des maintenances non planifiées, … »
« C’est dans cette dernière équipe que j’ai commencé. Je me rendais souvent à l’étranger car certains mouvements de vol sont presque impossibles à réaliser dans le pays, comme des vols à basse altitude ou des entraînements de tir. Dans ces cas-là, un détachement complet d’avions et de personnel de soutien est envoyé à l’étranger, impliquant à chaque fois une équipe de maintenance. J’étais chargé de préparer les avions, d’effectuer les réparations et de veiller éventuellement à l’armement. » « Au cours de ces années, je me suis rendu notamment au Canada, au Maroc et au Portugal pour apporter mon aide lors des exercices. J’ai aussi été présente lors du premier déploiement de F16 qui s’est déroulé à Vilafranca (Italie) lors de la guerre avec l’ex-Yougoslavie. En principe, la maintenance dans un cadre opérationnel ne diffère pas beaucoup d’un cadre d’exercice. Seuls les créneaux horaires peuvent être différents car il faut parfois travailler jour et nuit lors d’une campagne intensive. Les tâches d’armement peuvent aussi être plus étendues selon la mission et le type de campagne. »
Le programme de maintenance dépend du fabricant
« En principe, le modèle de maintenance d’un avion ne diffère pas beaucoup d’un appareil standard. Avec la Défense, nous suivons le programme de base prescrit par le constructeur, bien que notre propre expérience conduise parfois à un resserrement du calendrier. Pour certaines modifications spécifiques, nous avons des prescriptions de maintenance adaptées. C’est par exemple le cas pour le F16 qui, dans notre pays, a subi un certain nombre de modifications spécifiques. »
« L’industrie joue un grand rôle dans la maintenance. Pour le C130, la maintenance a été sous-traitée à Sabena Technics et plus tard SN. La Sabca joue un rôle important dans la maintenance et l’évolution du F16. Ces entreprises se chargent principalement des entretiens périodiques typiques.
« Les intervalles de maintenance dépendent des spécifications du fabricant. Pour le C130, c’était tous les six ans, pour l’hélicoptère Agusta A109, toutes les 2.400 heures de vol. Pour la Défense, il est important de disposer de connaissances en interne pour réaliser la maintenance lors d’un déploiement opérationnel. L’externalisation de ces entretiens spécifiques n’est donc pas un inconvénient. »
« Au total, quelque 1.000 à 1.200 personnes travaillent dans les différents services de maintenance, et des fonctions de support sont ajoutées. Nous sommes nous aussi confrontés à un grand besoin de personnel techniquement qualifié. Voilà pourquoi nous considérons toujours les priorités et nous cherchons des alternatives. »
« À titre d’exemple, un modèle hybride a vu le jour à la base de Florennes pour la maintenance des F16, où des parties externes viennent à la base pour réaliser la maintenance. Il y a donc une variation dans les opportunités. Le constructeur vient aussi parfois sur place pour effectuer les réparations lorsqu’il y a peu d’information disponible dans la documentation. Si une ‘engineering proposal’ doit à nouveau être établie sur la manière dont doit se dérouler une réparation, le constructeur doit alors formuler l’approche de maintenance la plus appropriée. »
« En principe, les services de maintenance ne sont pas impliqués dans l’achat de nouveaux appareils. C’est par contre le cas du gestionnaire de matériel, une fonction que j’ai aussi exercée. Vous participez à l’élaboration du cahier des charges
A l’aéroport militaire de Melsbroek, le nouveau hangar de maintenance de l’Airbus A400M vient d’être mis en service.
Quelque 1.000 à 1.200 personnes travaillent dans les différents services de maintenance.
et vous réalisez l’évaluation technique lors de la prise de décisions d’achat de nouveaux appareils, et vous pouvez faire appel à l’expertise de diverses unités au sein de la Défense. C’est ce qu’il s’est passé notamment avec le F35. Je dois ajouter ici qu’il ne s’agit bien entendu pas de design des appareils. Les tâches sont principalement de nature comparative, nous comparons les spécifications des divers types entre eux. »
Les principales évolutions rendent le métier passionnant
« L’avantage de travailler à la Défense est l’énorme variation dans le contenu des tâches qui changent régulièrement. Au cours de ces dernières années, j’ai exercé plusieurs fonctions et géré divers appareils : notamment le C-130, l’Alpha Jet et les F16 pour les avions et le Sea King, le NH90, l’Alouette III et l’A109 pour les hélicoptères. La grande évolution dans la maintenance au cours de toutes ces années est incontestablement la digitalisation. Jadis, il fallait connaître chaque appareil de fond en comble pour pouvoir trouver une défaillance. Aujourd’hui, on connecte un laptop ou un iPad à l’avion et les codes d’erreur sont générés automatiquement. »
« Les exigences en matière de navigabilité et autres sont aussi devenues plus strictes et soumises à davantage de réglementations. Il en résulte moins de liberté d’action en matière de configuration. À l’époque, nos collaborateurs internes avaient par exemple développé un nouveau GPS pour l’A109, de la planche à dessin au prototype. Ce n’est plus possible aujourd’hui. Mais les nouvelles évolutions apportent de grands avantages. C’est ce qui rend une carrière si passionnante à la Défense : vous êtes chaque jour au cœur de la technologie de pointe. »