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INTERVIEW Kataryna Lindström suit son coeur et devient ingénieure de conception chez Volvo
« NOUS RENCONTRONS LES MÊMES PROBLÈMES EN SUÈDE »
KATARYNA LINDSTRÖM SUIT SON CŒUR ET DEVIENT INGÉNIEURE DE CONCEPTION CHEZ VOLVO
Kataryna Lindström, une citoyenne du monde qui a une mission.
Que faire quand, jeune ingénieure belge in spe de 23 ans, vous trouvez l’amour dans un pays aussi lointain que la Suède ? Vous quittez tout pour aller construire une nouvelle vie en tant qu’ingénieure de conception chez Volvo Equipment. C’est ce qu’a fait tout naturellement Kataryna Lindström, il y a 20 ans.
Kataryna s’est bien intégrée à son nouveau pays, comme en atteste son nom peu commun. Un choix conscient, semble-t-il. « Je n’ai pratiquement plus de lien avec la Belgique même si j’ai encore des parents éloignés qui y vivent. On peut dire que je me sens Suédoise à 100% bien que je sois très reconnaissante envers la Belgique. J’y ai de très bons souvenirs mais quand mon mari m’a proposé de prendre son nom et sa nationalité, ce fut pour moi une étape logique. Et puis je suis à moitié Belge puisque ma mère était une vraie Française. »
« Le fait que je me sente peu liée à la Belgique est sans doute aussi dû à l’ambiance cosmopolite qui régnait à la maison. Mes parents étaient des aventuriers. Ils ont dirigé un hôtel en Indonésie pendant tout un temps, puis ont été concierges dans une mine en Afrique du Sud, et ils ont même travaillé sur un bateau de croisière. Le lien avec la Belgique, en tant qu’enfant et plus tard en tant qu’adolescent, était moins fort par rapport à une approche plus traditionnelle. »
Comment un avion vole-t-il?
« Ma passion pour le métier d’ingénieur est né de ces expériences à l’étranger. J’ai toujours été une enfant qui posait mille questions et cela agaçait mes parents. Les avions me fascinaient. Quand je fabriquais un avion en papier de quelques grammes, il volait plusieurs secondes. »
« Mais quand nous prenions l’avion pour notamment Pretoria, nous volions pendant des heures, avec des centaines de personnes à bord, des bagages, il y avait le carburant, le poids de l’avion, … Cela me captivait mais mes parents ne s’y connaissaient pas trop en technique. Je suis donc souvent restée sur ma faim et j’ai trouvé refuge dans des livres scientifiques. »
« C’est finalement par hasard que j’ai fait mes études en Belgique. Ma grand-mère, après le décès de mon grand-père, vivait seule à Menen en Flandre occidentale et est tombée gravement malade. Mes parents ont alors décidé que ce serait mieux de retourner vivre en Belgique. J’avais alors 16 ans et je me suis retrouvée en Electromécanique dans l’enseignement secondaire technique. Ce fut un choix pragmatique: mes parents craignaient que l’écart entre l’enseignement que j’avais eu et le niveau belge de l’enseignement général ne fut trop grand. Si cela n’avait tenu qu’à moi, j’aurais probablement suivi l’orientation Mathématiques-Sciences. Dans cet institut flamand, j’étais la seule fille de la classe ; il y en avait d’autres dans l’orientation textile. »
De l’enseignement technique à Ingénieure civil
« Après mes études secondaires, j’ai franchi un grand pas en optant pour la formation Ingénieur civil à Bruxelles. Les gens pensaient que j’étais folle, on me l’a vivement déconseillé. J’aurais trop de retard, je ne saurais pas comment étudier, je n’étais pas ancrée dans l’aspect théorique de l’orientation, … autant de raisons avancées pour casser ma motivation. »
« Mais s’il y a une chose qu’il ne faut pas dire à un jeune de dixhuit ans, c’est qu’il est incapable de faire quelque chose. Je me
Une première expérience professionnelle s’ensuit chez une entreprise qui développe des systèmes de propulsion par jet d’eau.
Chez Volvo, Kataryna Lindström travaille notamment à l’électrification de la flotte.
souviens que quelques mois après le début, nous avons eu des examens blancs dans plusieurs matières. Je les ai réussi avec brio. Cette négativité a alors disparu. »
« Le fait que je me sois retrouvée en Suède est une pure coïncidence. À l’époque – dans les années ’90 – le programme Erasmus était très populaire chez les étudiants. Vous aviez l’opportunité d’étudier une partie du programme à l’étranger. C’était très apprécié à l’époque, on découvrait une partie du monde et je dois admettre que les étudiants Erasmus réussissaient plus facilement. J’avais jeté mon dévolu sur une destination dans le sud comme Athènes, mais le jour de l’inscription, je me suis levée trop tard. Quand je suis arrivée au secrétariat, les destinations ensoleillées étaient complètes, j’ai donc choisi Uppsala en Suède. » (rires)
« Je n’avais jamais entendu parler de cet endroit mais il y avait une excellente université. Le fait que je me sois réveillée trop tard le jour des inscriptions m’a conduit dans un autre lieu d’études et j’y ai rencontré mon partenaire actuel. C’est à partir de ce moment-là que j’ai envisagé de ne pas retourner en Belgique. Mes parents avaient entretemps divorcé et je n’aurais jamais pu construire une vie sociale entre Menen et Bruxelles ; le choix était finalement logique. La langue ne fut pas un problème car les Suédois parlent couramment l’anglais. J’ai appris le suédois au fil des ans. Il n’y avait pas de grandes différences entre les formations suédoise et belge, bien que je n’ai étudié que quelques mois là-bas. J’avais l’impression que l’accent ici était davantage mis sur le travail en groupe. »
Un premier emploi dans la conception
« A l’issue de mes études, j’ai commencé à travailler chez Marine Jet Power, un bureau de conception où j’ai tout appris sur les systèmes de propulsion des navires. Nous étions spécialisés dans la propulsion hydrojet, une technique principalement déployée sur les navires rapides. La technologie est astucieuse et relativement simple: le système se compose d’un conduit d’admission, d’une pompe et d’une tuyère. Via l’admission, l’eau est aspirée sous la coque du navire. La pression d’eau est augmentée par le rotor de la pompe puis expulsée à grande vitesse par la tuyère. Par l’accélération de l’eau par le jet, une contre-réaction se crée et propulse le navire. »
« En tant que première expérience au travail, cette entreprise fut parfaite pour moi : l’équipe était jeune, il y avait beaucoup de travail et de sérieux défis à relever. Mais à la longue, j’avais un sentiment de frustration. Nous pouvions faire plus, entreprendre des projets plus importants. Mais la direction a toujours prôné la prudence, un peu trop selon moi. C’est la raison pour laquelle je suis finalement partie. »
« Mon employeur suivant est un des joyaux de la couronne suédoise : Volvo. Demandez à n’importe qui dans le monde de citer une marque suédoise, il y a de fortes chances qu’elle vous réponde Volvo après - bien entendu - IKEA. Je travaille depuis 2009 de manière indépendante au département Equipment où je suis responsable du ‘continious improvement‘ des départements. C’est un job très varié : je garde les yeux et les oreilles bien ouverts et j’étudie les systèmes qui pourraient devenir intéressants pour nous. Dans le secteur, limiter les temps d’arrêt est crucial : quand une machine s’arrête, ce sont les rouages d’un chantier qui s’immobilisent. Voilà pourquoi nous avons développé dernièrement un système pour pouvoir discuter en temps réel – depuis le chantier donc – avec les experts techniques. Comme tous disposent des mêmes informations, nous pouvons rechercher rapidement des solutions. De nombreuses entreprises sont aux prises avec un manque de personnel et avec ce type de système, nous pouvons leur offrir de l’expertise. »
« Un autre projet dans lequel j’ai été étroitement impliquée concerne la consommation, un autre aspect important dans ce secteur concurrentiel. Via notre solution Fuel Advice, une machine est surveillée pendant un certain temps puis une analyse du modèle de travail est réalisée en vue d’une meilleure efficience en carburant. Et n’oublions pas l’électromobilité qui est l’avenir, pour nous aussi. Des machines silencieuses et sans émissions sont meilleures pour l’environnement mais aussi pour les opérateurs et les riverains. D’ici 2030, nous voulons électrifier une partie de notre parc de machines. Finalement, c’est la tâche de l’ingénieur : améliorer la vie d’autrui, créer un monde meilleur. Peu importe qu’il soit Suédois ou Belge, homme ou femme. »