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Sommaire Avant-propos du traducteur Préface de l’auteur à l’édition française
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Chapitre 1
Papillons – Métamorphose
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Chapitre 2
Jamais assez – Grandir
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Chapitre 3
Le creuset d’or – Fabriquer le cocon
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Chapitre 4
Dans la nuit – Lâcher prise
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Chapitre 5
Depuis les profondeurs – Accueillir
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Chapitre 6
Marcher côte à côte – Accompagner
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Chapitre 7
Cheminer seul – L’émergence
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Chapitre 8
L’imago – Être
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Chapitre 9
L’effet papillon – Voler
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Chapitre 10
Regarder en arrière – Voir la globalité
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Chapitre 11
Les relais à papillons – Être stratégique
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Chapitre 12
La maison des papillons – Une perspective pleine d’espoir Bibliographie
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Préface de l’auteur à l’édition française
Je vis actuellement dans la ville de Christchurch en NouvelleZélande. En 2011, cette ville a été frappée par une série de tremblements de terre qui ont dévasté le cœur de la cité, détruit des milliers de maisons et bouleversé à jamais la vie des habitants. Ces évènements ont affecté notre perception de la solidité du sol sur lequel nous nous tenions, nous laissant vulnérables et tremblants. Ce livre a été écrit pour ceux dont la foi subit un tremblement de terre ; quand tout ce qui semblait autrefois solide et fiable s’effondre en morceaux. Chrysalide veut offrir un soutien à ceux qui traversent des lieux douloureux qui s’étendent bien au-delà des débuts de la vie chrétienne. Ces lieux de souffrance où tout ce que nous avons appris et compris à propos de Dieu, de la prière ou de la foi chrétienne semble s’effriter. Ce livre est pour les personnes qui, conscientes de la fragilité de leur foi, osent néanmoins s’aventurer courageusement au-delà des rivages connus. J’espère que cet ouvrage apportera de la compréhension dans ces moments où tout paraît confus, une perspective d’avenir au cœur des ténèbres et de l’encouragement quand vient la tentation d’abandonner Dieu ou de renoncer à tout espoir qu’une nouvelle dimension de la foi, plus riche et plus belle, nous attende au-delà du désespoir présent. 13
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Je suis très reconnaissant à Hélène Guilloy d’avoir envisagé la possibilité de cette édition française de Chrysalide, d’avoir traduit le texte et trouvé un éditeur. Alan Jamieson Juillet 2014
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Chapitre 1
Papillons – Métamorphose
Trouver le titre d’un livre n’est pas chose aisée ! J’aurais pu appeler ce livre « Le creuset », du nom de cet objet qui permet de porter des composants chimiques à très haute température. Un tel titre aurait souligné l’importance d’être contenu et maintenu lorsque nos vies et notre foi sont soumises à l’intense brûlure de la peine, de la déception et du doute. Ce terme aurait également évoqué l’alchimie, processus magique qui transforme les métaux ordinaires en pierres précieuses, tel le mythe du plomb changé en or. Intituler ce livre « Le creuset » aurait traduit l’espoir ; l’espoir que les temps de crise auxquels notre foi est soumise constituent des opportunités de changement ; l’espoir que ces moments pendant lesquels notre perception du sens de la vie est tiraillée de toutes parts, constituent des lieux privilégiés où notre foi grandit et notre intimité avec Dieu s’approfondit. Mais ce titre aurait laissé entendre que, comme l’alchimie, le processus de transformation de la foi relève de la magie. Or, la maturation de la foi chrétienne est un voyage qui concerne notre humanité ordinaire faite de choix quotidiens et de luttes ; il n’y a rien de magique.
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J’ai donc finalement opté pour « Chrysalide », un titre qui se réfère à la nature ainsi qu’à certains écrits de la tradition chrétienne. « Chrysalide » évoque le processus de transformation de la larve en chenille, de la chenille en chrysalide et enfin de la chrysalide en papillon : un seul organisme, à l’ADN identique, mais qui existe sous des formes variées résultant des transformations qu’il traverse tout au long de sa vie. Cette succession de transformations, naturelles mais radicales, est mise en parallèle avec le voyage de la foi chrétienne ; des premiers pas vers la maturité, de l’ordinaire vers la sainteté. Ce voyage est lui aussi constitué de périodes de mutations radicales qui nous font grandir. Il concerne les gens ordinaires, comme vous et moi ou ceux que nous côtoyons à l’église, des personnes avec des boulots ordinaires et des luttes bien réelles. Ce voyage qui peut nous effrayer ou nous désorienter, est souvent commencé mais rarement mené à terme. C’est un voyage au cours duquel il est facile de se perdre, beaucoup de crises de foi nous entraînant davantage vers une déception amère et une destruction sans fin que vers une transformation fructueuse. Mais de telles impasses ne sont pas une fatalité. Les crises de foi constituent également de puissants vecteurs de changement, nous permettant d’abandonner le passé et de découvrir Dieu d’une nouvelle manière. Ce livre traite de ces transformations. Il donne un aperçu de ce voyage de la foi, à partir des Écritures, de la sagesse chrétienne construite à travers les siècles ainsi que des apports de la sociologie, de la psychologie et de ma propre expérience acquise en tant que sociologue de la foi, pasteur et voyageur moi-même. L’objectif de cet ouvrage est d’apporter de l’espoir à ceux qui s’aventurent audelà des premiers pas de la foi vers les eaux profondes de l’intimité avec Dieu.
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Cette idée de « chrysalide de la foi » m’est venue lors d’un voyage en Irlande. Ma femme, Sandra, avait récupéré la brochure d’un centre de retraite spirituelle. Le titre en était « Chrysalide » et le sous-titre précisait : Je pense souvent à la paix et à la sérénité d’une chrysalide, et me souviens de l’esprit de liberté qui la caractérise ; elle offre un endroit sûr pour que mon moi intérieur puisse doucement faire son chemin jusqu’en surface. Actuellement, beaucoup de chrétiens ont besoin de cette chrysalide de foi, un lieu protégé, dans lequel des transformations radicales sont en mesure de se produire et duquel peut émerger une identité authentique, nouvelle et fragile.
À qui s’adresse ce livre ? Ce livre est principalement destiné à ceux qui cherchent un sens à leur voyage de foi, et notamment aux crises qu’ils traversent au cours du chemin. Il s’adresse aux personnes remplies de doute, de désespoir, de désillusion et de chagrin, mais aussi à celles qui, sans traverser de souffrances ni de crise, perçoivent néanmoins que leur foi s’éveille à de nouveaux horizons. Ce livre est également destiné à tous ceux qui souhaitent comprendre ou accompagner un ami qui traverse une période difficile. La lecture de cet ouvrage est particulièrement recommandée aux pasteurs, conseillers spirituels et autres responsables d’église. Il leur servira de guide d’accompagnement, notamment des personnes qui traversent ce que j’appelle « la période de chrysalide de la foi », faite de profondes ténèbres et des plus terribles déserts. Mais plus important encore, ce livre est destiné aux personnes qui sentent leur foi changer et veulent comprendre pourquoi. Cet ouvrage ne traite ni de recherche ni de théologie, ces aspects étant déjà abordés dans d’autres publications. Pratique et d’une lecture facile, il s’appuie sur la métaphore du cycle de vie du papillon 17
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pour illustrer les différentes étapes du développement de la foi chrétienne. Au fil des chapitres, nous analyserons plus en détail les principales étapes de ce voyage, telles qu’elles ont été comprises par des générations de chrétiens, remplis de discernement, qui nous ont précédés. Ce livre fournit une sorte de carte approximative pour nous aider à nous situer sur cet itinéraire de foi. Je parle d’une carte approximative, car lorsqu’il s’agit des voyages de l’âme, les cartes topographiques détaillées n’existent pas ! À l’image de chaque personne, chaque voyage est unique. Aussi, le mieux que nous puissions offrir est une carte succincte, semblable aux cartes touristiques qui indiquent quelques repères et les principaux carrefours, mais ne contiennent ni échelle ni détails. Je comparerais aussi cet ouvrage au plan qu’un ami nous griffonnerait au dos d’une enveloppe pour nous aider à trouver un endroit inconnu. Malgré son imprécision, cette carte sera utile car elle nous rappelle que la foi est un voyage et que nous devons continuer à avancer ; elle nous donne aussi une idée de là où nous sommes et de ce qui nous attend plus loin. La carte étant peu détaillée, l’important n’est pas de perdre notre énergie à la décrypter. Le voyage doit être vécu et expérimenté. J’apprécie les cartes et je suis toujours prompt à m’en procurer une lorsque je visite une nouvelle ville. Mais je suis toujours amusé par les touristes qui semblent plus concentrés à lire leurs cartes qu’à jouir du lieu dans lequel ils se trouvent. Absorbés par leurs plans, ils ne sont finalement pas connectés à leur environnement immédiat. Pour les touristes comme pour les voyageurs de la foi, l’important est donc de vivre pleinement l’expérience du voyage. Je me souviens d’une histoire entendue il y a quelques années. Une tribu vivait au pied d’une montagne. Un jour, l’un de ses membres partit explorer la montagne puis revint pour raconter 18
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son voyage aux villageois. Après avoir franchi les contreforts de la montagne, il avait découvert une rivière importante. Il indiqua aux villageois où se situaient les meilleurs gués pour la traverser. Il leur décrit les affleurements rocheux signalant les meilleures voies pour escalader les falaises abruptes. Il leur conta les nuits froides, l’équipement nécessaire, les pistes à suivre pour apercevoir les animaux les plus discrets, les endroits propices pour établir le campement et enfin l’exaltation d’avoir vaincu le dernier éperon rocheux le séparant du sommet. Après avoir raconté son histoire bien des fois, cet homme repartit vers de nouvelles aventures. Les villageois se souvenaient de son récit. Au coin du feu, ils racontaient souvent cette histoire, décrivant en détail les gués pour traverser la rivière, les repères rocheux pour escalader les falaises, les lieux de campement et la beauté du sommet. Mais bien qu’ils connussent par cœur l’histoire, aucun d’entre eux ne quitta jamais le village pour escalader la montagne… La carte, approximative et incomplète, est destinée aux alpinistes, ceux qui entreprennent l’exigeant mais épanouissant voyage vers une maturité approfondie de la vie chrétienne.
Un voyage épique Plus jeune, j’observais les personnes d’une trentaine et d’une quarantaine d’années, me demandant ce qui pouvait encore changer dans leurs vies. Ils avaient atteint l’âge adulte, avaient formé leurs croyances et leurs opinions, et étaient engagés dans une vie de famille et dans un projet de vie. J’appréhendais aisément la croissance et les changements caractérisant l’enfance. Je percevais bien l’effervescence de l’adolescence et de la période du lycée. J’étais conscient de la phase libératrice de formation de l’identité caractérisant la jeunesse. Mais que se passait-il ensuite ? Est-ce que les personnes continuaient à changer et à grandir ? En tant que jeune, 19
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j’avais une perception faussée de la réalité, considérant les changements physiques comme unique forme de croissance. Pourtant, imperceptiblement, du moins sur les plans spirituels et psychologiques, il existe d’importantes opportunités pour grandir tout au long de notre vie d’adulte. Ce sujet est de mieux en mieux compris. Notre voyage de la foi chrétienne embrasse l’intégralité de notre expérience de vie. C’est un voyage épique qui relève davantage du marathon que du sprint. Cette course d’endurance n’est donc pas vécue de la même façon par tous. La foi change et se développe chez chacun, même si tous ne le comprennent malheureusement pas. Dans un sondage relatif aux attentes vis-à-vis de la foi, 65 % des personnes interrogées estimaient que la foi change et se développe. Seuls 35 % considéraient la foi comme un phénomène statique et constant. Lorsque ces réponses étaient corrélées avec le fait de fréquenter ou pas une église, les deux groupes avaient des perceptions très différentes. Parmi ceux fréquentant une église, 39 % pensaient que la foi était statique alors que cette opinion n’était partagée que par 24 % des personnes ne fréquentant pas d’église. Ce résultat indique que des gens tels que moi, qui ont passé des années dans l’église chrétienne, sont souvent surpris et mal préparés s’ils sont amenés à un point où ils perçoivent que leur foi change, et devient confuse ou indéterminée. Dans le Nouveau Testament, il nous est rappelé que nous devons dépasser le stade de l’enfance et passer du « lait spirituel » à la « nourriture solide ». Malgré ces avertissements, nous sommes souvent déstabilisés lorsque nos attitudes enfantines ne fonctionnent plus comme avant, et nous sommes perturbés, voire choqués, par la « nourriture solide » qui nous est proposée 1.
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Ce voyage épique implique que des changements majeurs impactent les profondeurs même de notre foi, affectant par conséquent notre vie entière. Car la foi est bien plus qu’un ensemble de croyances, un credo ou une collection de doctrines. Jésus a manifesté le modèle d’une foi qui concerne l’intégralité de notre pensée, de nos passions, de nos convictions et de notre volonté. C’est une entreprise intrinsèquement relationnelle. Comme le disait Frederick Buechner : La foi est moins une conviction « à propos de » qu’un mouvement « vers », moins une certitude qu’une intuition. La foi, c’est attendre. La foi, c’est voyager à travers l’espace et le temps. Finalement, la foi consiste à tirer du sens de nos expériences de vie, puis à vivre en fonction de cette compréhension. Partout et dans toutes les générations, les hommes sont des « chercheurs de sens ». C’est une, si ce n’est LA, caractéristique inhérente à l’espèce humaine. Durant la Deuxième Guerre mondiale, le psychiatre Viktor Frankl a été emprisonné dans les camps de la mort nazis. En se basant sur sa propre expérience et sur ses observations relatives à ceux qui survécurent et ceux qui périrent, Frankl montra que la motivation première de l’humanité était la recherche de sens. Il définit la « foi comme l’activité qui consiste à chercher et à fabriquer du sens au milieu des expériences qui nous posent question ». Mais la foi chrétienne dépasse la seule question de la recherche de sens. Il s’agit d’incarner, de vivre en cohérence avec nos perceptions les plus intimes. C’est le modèle que nous a donné Jésus : une vie de foi combinant « faire sens » et « être sens ». Ce « faire sens » résidait dans sa confiance et dans son engagement entier 1. 1 Co. 13,11 ; He. 5,12 ; 1 Co. 3,2. Comparez avec Jn. 4,34 pour constater quelle
est la « nourriture solide » que choisit Jésus. 21
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envers son Père. Sa vie « faisant sens » s’est exprimée dans son œuvre pour apporter le royaume de son Père dans ce monde. À l’image du marathon, un tel voyage, épique et intégrant toutes les dimensions de notre être, demande de la persévérance. Plusieurs auteurs ont écrit au sujet de ce voyage, décrivant comment le cœur même de notre vie, constitué de cette combinaison de « faire sens » et « être sens », change et se développe au cours de notre existence. D’anciens écrivains et mystiques chrétiens ont proposé leur analyse du voyage de la foi. Les deux principaux sont Ste Thérèse d’Avila et St Jean de la Croix 2. Thérèse compare le voyage de la foi à un parcours à travers les différentes pièces d’un château, où chaque salle contient de nouvelles opportunités, de nouvelles luttes et de nouveaux apprentissages. St Jean utilise une analogie avec la nuit, décrivant la sombre nuit des sens et la sombre nuit de l’âme comme deux des étapes majeures de ce voyage de foi. Plus tard, et sous une forme romanesque, John Bunyan par son récit célèbre Le voyage du pèlerin ou Hannah Hurnard dans son livre Hinds’ Feet on High Places, ont également abordé cette question. De plus, l’évolution des connaissances dans le domaine de la psychologie permet de mieux appréhender et de comprendre les différentes étapes qui caractérisent le cheminement de la foi. Dans ce domaine, le spécialiste est sans conteste le professeur James W. Fowler de l’Université d’Emory. Les auteurs de livres d’histoire, les romanciers et les théoriciens de la psychologie décrivent la foi davantage comme un processus dynamique et évolutif que comme un phénomène statique. C’est pourquoi un verbe serait plus approprié qu’un nom pour traduire la nature de la foi. Dans une conversation ordinaire, nous concevons 2. Thérèse
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d’Avila, Jean de la Croix, Œuvres, La Pléiade, Gallimard, 2012.
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la foi comme un nom : quelque chose que l’on possède ou pas. Mais la foi, comprise comme un verbe, est un processus qui traite de « devenir ». Ce processus implique notre amour, notre confiance, nos croyances, nos actes, nos souffrances, notre sens des valeurs, notre connaissance et notre engagement. En ce sens, la foi est bien davantage que l’acceptation d’un certain nombre de croyances : c’est une façon de vivre qui englobe tous les aspects de notre existence. Pour mieux comprendre les propos des grands leaders historiques tels que Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, ou des chercheurs contemporains comme James W. Fowler et Sharon Parks, je voudrais m’appuyer sur une image tirée de la nature et inspirée par les écrits de Thérèse d’Avila. Elle utilise le cycle de vie du ver à soie pour expliquer la manière dont la foi change : Le ver à soie est issu d’œufs de la taille de petits grains de poivre. Lorsque le printemps arrive et que les feuilles apparaissent sur les branches du mûrier, les œufs éclosent alors qu’ils paraissaient morts jusqu’alors. Les vers à soie se nourrissent des feuilles du mûrier. Une fois leur taille maximum atteinte, ils s’installent sur des rameaux. Alors, ils commencent à filer la soie et fabriquent de petits cocons très épais dans lesquels ils s’enferment. Le ver à soie, laid et obèse, meurt alors qu’émerge du cocon un magnifique petit papillon blanc. Plutôt que le ver à soie, j’utiliserai l’exemple du papillon monarque. Comme toutes les analogies, celle-ci possède ses limites et perd son sens si l’on pousse la comparaison trop loin. Néanmoins, le cycle qui mène de la chenille au papillon offre une métaphore très utile pour appréhender une nouvelle perspective sur l’évolution de la foi. Une asclépiade poussait devant la fenêtre de ma chambre d’enfant. Chaque année, des larves minuscules apparaissaient. Depuis ces commencements fragiles, de petites créatures en pyjama rayé 23
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émergeaient et grandissaient. Après plusieurs mois, les chenilles, véritables machines à manger, se transformaient en chrysalides ennuyeuses. Je perdais alors tout intérêt et les oubliais, jusqu’à cet instant magique où les papillons commençaient à émerger. J’étais fasciné en observant comment ils déchiraient leur cocon et déployaient lentement leurs pattes et leurs ailes, puis se séchaient au soleil. Ensuite, d’abord hésitants puis de plus en plus confiants, ils s’envolaient. Années après années, j’observais le même évènement. Parfois, il y avait beaucoup de chenilles, grosses et grasses ; parfois, juste quelques-unes. Une année, alors que l’asclépiade ne portait que quelques feuilles, la plante n’hébergea quasiment aucune chrysalide. Malheureusement, parfois les cocons étaient endommagés et des papillons morts jonchaient le sol. Bien que je connaisse ce processus, je ne constatais qu’une faible ressemblance entre le magnifique papillon émergeant de la chrysalide et la chenille qu’il avait été. Le voyage de la foi chrétienne est très similaire. Il combine une croissance quasi imperceptible et des transformations radicales. Beaucoup commencent le voyage, mais peu le poursuivent tout au long de leur vie. Ils ne perdent pas la foi mais ils dressent le camp à une étape du parcours. Ils arrêtent le pèlerinage et deviennent sédentaires, des chenilles ou des chrysalides pour la vie, dont aucun papillon n’émergera jamais. Une blague courante dans les cours Alpha concerne deux chenilles assises sur une feuille et regardant un papillon passer. L’une déclare très sérieusement à l’autre : « pas question que je devienne un de ces trucs ! ». Cette plaisanterie nous rappelle que la vocation d’une chenille est une vie faite de changements majeurs ; ainsi en est-il pour la plupart des personnes engagées dans le voyage de la foi chrétienne.
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Avertissement Avant d’entrer dans le vif du sujet, je souhaite avertir le lecteur. Comme pour la théorie des étapes de la foi décrites par James W. Fowler, l’analogie avec le processus de l’évolution de la chenille en papillon nous aidera à mieux appréhender notre propre chemin de foi, mais elle n’en reste pas moins une image insuffisante pour décrire la variété et la complexité de la foi chrétienne. À la différence des chenilles et des papillons, nous gardons en mémoire nos expériences successives et la compréhension qui en découle. Comme le dit Erik Erikson, le grand spécialiste des théories du développement : On ne dira jamais assez que chaque étape s’enracine dans l’ensemble des précédentes, apportant à la fois une nouvelle compréhension aux niveaux inférieurs déjà traversés et éclairant les niveaux supérieurs en train de l’être… De plus, au cours de notre vie, nous serons probablement confrontés plusieurs fois à des transformations aussi radicales que celle du passage de la chenille au papillon. Bien que la métaphore du papillon soit pédagogique, le chemin qui nous mène vers une plus grande compréhension et une véritable incarnation de notre foi, reste unique et personnel.
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