La lettre n°8

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ÉTÉ 2019

CONCERTS

MAISON DE LA RADIO

LA LETTRE

n° 8

MAHLER À ORANGE SYMPHONIE DES « MILLE » RENARD, CHAT, BALEINE CHANTEZ MAINTENANT ! VOUS AVEZ DIT GLAGOLITIQUE ?

© François Olislaeger


LA LETTRE N° 8 – ÉTÉ 2019

L’ÉTÉ FAIT SON ENTRÉE. C’EST UN CONSTAT BANAL À CETTE ÉPOQUE DE L’ANNÉE, C’EST AUSSI LE TITRE QUE MAHLER AVAIT SONGÉ DONNER AU PREMIER MOUVEMENT DE SA TROISIÈME SYMPHONIE. MAIS CET ÉTÉ, C’EST LA HUITIÈME SYMPHONIE DU MÊME MAHLER QUI SERA INTERPRÉTÉE DANS LE CADRE DES CHORÉGIES D’ORANGE. UN RENDEZVOUS HORS DU COMMUN CAR LES QUATRE FORMATIONS MUSICALES DE RADIO FRANCE SE RÉUNIRONT POUR L’OCCASION AU GRAND COMPLET. IL EST BEAUCOUP QUESTION DE LA MAÎTRISE, PAR AILLEURS, DANS CE NUMÉRO DE LA LETTRE : UNE HISTOIRE DE RENARDE ET L’ÉPANOUISSEMENT DU PROJET VO!X, MA CHORALE INTERACTIVE, NOUS ENCOURAGENT DANS CE SENS. MAIS IL Y EST AUSSI QUESTION DE SLAVON, DE PIANO, DE SUITE. DE BIEN DES CHOSES EN SOMME, COMME DIRAIT CYRANO.

LES DEUX ORCHESTRES, LA HUITIÈME, LES CHORÉGIES Le National et le Philhar’, mais aussi le Chœur et la Maîtrise de Radio France, sans oublier le Chœur philharmonique de Munich et huit chanteurs solistes : ils seront tous là le 29 juillet pour interpréter la Huitième Symphonie de Mahler au théâtre antique d’Orange. sur le podium, tout le public s’est levé. Silence absolu. Ce fut l’hommage le plus saisissant qu’on ait jamais rendu à un artiste. J’étais dans une loge, presque évanouie d’émotion. Mahler, ce divin démon, a dominé les masses colossales, qui sont devenues sources de lumière. (…) Tout le monde s’est précipité vers lui. J’ai attendu derrière la scène, profondément émue, jusqu’à ce que le brasier ardent se soit calmé. » L’œuvre d’un horloger On appelle la Huitième la « Symphonie des mille » : ce titre est dû à Emil Gutmann, imprésario un peu trop zélé qui tira argument de l’effectif réuni lors de la première exécution. Certes, la partition exige un grand nombre d’exécutants (huit voix solistes, un chœur mixte, un chœur d’enfants, un orchestre fourni, un orgue). Toutefois, comme toutes les partitions subtiles, elle exige d’abord un effectif en phase avec la dimension du lieu où elle est jouée, et ce afin que chaque effet sonore et dynamique prenne tout son éclat. Y entendre les voix de la surenchère est ne rien comprendre à la volonté de Mahler de faire chanter les mondes. Car rien n’est jamais forcé ni crié dans cette symphonie qui est au moins autant l’œuvre d’un orfèvre que celle d’un statuaire. CHORÉGIES D’ORANGE Mahler a très vite inventé sa manière. S’il ne cultive que la LUNDI – 21H30 très grande forme, mis à part quelques cycles de lieder, Pagliacci au Théâtre antique d’Orange en 2009 avec l’Orchestre National de France sous la direction de Georges Prêtre © Philippe Gromelle il le fait via une esthétique 25 septembre 1975 : pour la première fois, les latines composées par Raban Maur au IXe de fantôme dans la non pas du développement JUILLET deux formations orchestrales de Radio France se siècle, succède ainsi la dernière scène du nuit. Une symphonie du continu mais de la rupture, réunissent à l’occasion d’un concert. Le Chœur Second Faust de Goethe (en allemand, bien bonheur, donc ? Ne rêvons de la fragmentation, qui sont Maîtrise, Chœur et Orchestre Philhamonique de Radio France de Radio France est lui aussi de la partie. Au sûr), le rappel des thèmes ramenant peu à peu pas. La Huitième n’est aux antipodes du récitatif Orchestre National de France programme, une grande œuvre de ferveur : dans la seconde partie l’esprit de la première. pas un banal hymne à la perpétuel alla Wagner ou Jukka Pekka Saraste, direction le Requiem de Berlioz. Au pupitre : Leonard Autant le « Veni creator » cloue sur place joie mais une célébration de la patiente construction Bernstein en personne. Le lieu ? l’église Saint- l’auditeur par sa concision abrupte et sa coda du mystère de l’amour brucknérienne. « Mis à part Louis des Invalides, à Paris, là où précisément euphorique, autant le vaste mouvement qui suit et de la création. Une quelques cycles de lieder » : fut créé en 1837 ledit Requiem. prend son temps, fait se succéder sans heurt partition d’une âpre grandeur dans le premier on devrait dire au contraire que l’esthétique Cette fois, le 29 juillet prochain, c’est la Huitième les différents épisodes, et renoue avec l’intimité mouvement, une vaste contemplation qui monte du lied est constitutive de l’appréhension de la Symphonie de Mahler que retrouveront les du lied. Un voyage des plus sombres forêts vers les hauteurs à mesure que se déroule le forme selon Mahler. Le plus long mouvement qu’il deux orchestres à Orange, avec la complicité jusqu’aux cercles les plus éthérés, qui s’achève second mouvement. nous a laissé (la seconde partie de la Huitième du Chœur et de la Maîtrise : une œuvre qu’ils lui aussi dans l’exaltation. En 1900, contrairement à la France où tout Symphonie) est à cet égard exemplaire, avec ont en effet déjà interprétée ensemble, un beau Avec cette Huitième, Mahler montre une fois de se fait à Paris, l’Autriche-Hongrie et surtout ses moments lyriques successifs, et il n’est pas soir de 1977, sous la statue d’Auguste. Vaclav plus qu’une symphonie, pour lui, est un monde. l’Allemagne comptent plus d’une ville comportant excessif d’affirmer que Mahler fut un miniaturiste, Neumann était alors au pupitre. Les contrastes décapants, les instruments traités un orchestre capable de jouer une symphonie soucieux jusqu’à la maniaquerie de ciseler ses Au fait, en quoi la Huitième Symphonie comme des solistes, les constantes ruptures de de Mahler. C’est ainsi que la Première a été partitions dans le détail. nécessite-t-elle la présence de deux orchestres ? style et de ton, le sens de la miniature enchâssée créée à Budapest, la Deuxième à Berlin, la Tous ces jeux de timbres, ces entrelacements dans la très grande forme, voilà ce qui forge Troisième à Krefeld, la Quatrième à Munich, de nuances, ces télescopages de rythmes et Six semaines auront suffi l’esthétique de Mahler, même si encore une la Cinquième à Cologne, la Sixième à Essen, de dynamiques exigent bien sûr des interprètes On sait que Mahler, très pris de l’automne fois la Huitième surprend par son enthousiasme la Septième à Prague. C’est de nouveau à hors pair. Virtuose de la direction, Mahler était au printemps par son activité de directeur de sans noirceur. « Représentez-vous que l’univers Munich, mais dans la Neue Musik Festhalle de le mieux placé pour diriger sa propre musique l’Opéra de Vienne, était un compositeur d’été. commence à retentir et à vibrer. Ce ne sont plus Munich, que naît la Huitième, le 12 septembre et pour amender ses partitions après les avoir Mais chaque année, quand venait le moment des voix humaines mais des planètes et des 1910, quatre ans après son achèvement, soumises à l’épreuve du concert. Ce qu’il n’eut de se retirer dans sa komponierhäuschen soleils qui tournoient », explique le compositeur. huit mois avant la mort du compositeur. Ce pas l’heur de faire avec sa Huitième, qu’il (cabane à composer), il éprouvait un sentiment Mahler passe pour un compositeur douloureux, concert (repris le lendemain) est l’occasion de dirigea trop peu et trop tard pour en corriger d’angoisse : l’inspiration allait-elle revenir ? Il lyrique, volontiers grinçant. Il est peu de ses la dernière apparition publique de Mahler en les défauts. avait eu le sentiment, au moment d’entamer la partitions en effet qui puissent échapper à Europe. Tout est fait ce jour-là pour marquer les Après cette Huitième euphorique, quelle Septième Symphonie, que son génie créateur l’un au moins de ces qualificatifs. A contrario, esprits : l’œuvre bien sûr, le lieu, les effectifs, partition écrire ? Une autre symphonie, très menaçait de lui faire défaut. Mais quand vient la Huitième Symphonie paraît étonnamment et jusqu’au programme de salle, maquetté par logiquement. Qui portera le numéro neuf. Mais l’été 1906, qu’il se rend dans sa villégiature de fervente, confiante, sereine, voire triomphale. Alfred Roller, le célèbre décorateur avec lequel il y aura eu, entre-temps, l’année terrible : 1907. Maiernigg et qu’il se lance dans la composition Aucune valse défigurée ici, aucun laendler Mahler a beaucoup travaillé à l’Opéra de Et Le Chant de la terre. Mais c’est là une tout de la Huitième, la musique semble lui venir du goguenard, aucune fanfare menaçante ; ni Vienne. autre histoire. ciel. En six semaines, la partition est bouclée. Et musique militaire de cauchemar, ni chuintement Alma raconte : « Lors de l’apparition de Mahler Christian Wasselin quelle partition ! Avec son hymne à l’esprit créateur et sa transfiguration de Faust par l’esprit apollinien, la Huitième renonce, selon Mahler luimême, à donner du monde une vision « tragique et subjective » ; elle dissipe les enchantements équivoques de la nuit qui font l’étoffe de la Septième, elle clame au contraire l’amour créateur et l’amour de la femme, qui se résolvent dans l’amour divin, dans l’amour de l’amour. La Huitième proclame, et de manière péremptoire. Enregistré aux Invalides en 1975, le Mahler la considérait luiRequiem de Berlioz dirigé par Leonard même comme « une immense Bernstein réunit le Chœur de Radio dispensatrice de joie ». Elle France, l’Orchestre National de France est dédiée à Alma, l’épouse et l’Orchestre Philharmonique de Radio vénérée. France. Il a été réédité récemment par Une partition en deux volets, Warner dans le coffret de 7 CD réunissant donc, même si certains les enregistrements effectués dans les ont vu dans le second un années 1970 par Leonard Bernstein à la mouvement lent, une espèce tête de l’Orchestre National. de scherzo et un finale enchaînés. À l’hymne « Veni creator », sur des paroles 1975 : répétition du Requiem de Berlioz sous la direction de Leonard Bernstein © Roger Picard/Radio France

HUITIÈME DE MAHLER

UNE LETTRE À ALMA SUR LA HUITIÈME SYMPHONIE Mahler écrivit régulièrement à Alma à la faveur des concerts qui l’obligeaient de quitter Vienne. Celle-ci est datée de juin 1909 et fut écrite à Toblach. Mahler est dans sa cabane à composer, il s’apprête à écrire la Neuvième Symphonie et revient sur le sens de la Huitième, notamment sur la dernière scène du Second Faust de Goethe qui en innerve la seconde partie. 2 Mon Almscherl, Ta chère lettre d’aujourd’hui m’a comblé (de plus, c’était la seconde de la journée). L’important est précisément de tendre vers un but spirituel. À ce niveau, tout prend un autre aspect ! Et le fait que tu te sois lancée dans l’œuvre de Goethe met bien en évidence le plus profond de toi-même. Cela montre que tu recherches la lumière, qu’elle vienne de l’extérieur ou de toi-même. Je considère donc que ces quatre lignes sont profondément liées aux précédentes, comme leur prolongement direct d’une part, et d’autre part comme le sommet de l’énorme pyramide de l’œuvre entière qui nous a présenté un monde de personnages, de situa­tions et de développements. Au début, confusément, puis avec une maîtrise croissante d’une scène à l’autre (spécialement dans la seconde partie, où la puissance du poète a mûri), tout annonce ce moment suprême qui, bien qu’inexprimable, à peine pres­senti, touche jusqu’au plus profond des sentiments. Tout n’est qu’allégorie quand la forme ne peut qu’exprimer insuffisamment l’idée requise. Seul le fugitif se prête à la description ; ce que nous ressentons et devinons, mais que nous n’atteindrons ni ne par­viendrons jamais ici à expérimenter nous-mêmes, ce permanent qui se cache derrière toute apparence, est parfaitement indes­criptible. Ce courant mystique qui nous attire et que toute créature, peut-être même la pierre, ressent avec certitude comme étant le cœur même de son être ; ce qu’ici Goethe, utilisant encore un symbole, nomme l’Éternel féminin, c’est-à-dire le refuge, le but, en opposition à l’éternelle aspiration, à l’effort, à la lutte vers un but, l’éternel masculin donc ! — tu as parfaitement raison de l’appeler « la force de l’amour ». Il existe une infinité de noms et de façons de la représenter. (Tu n’as qu’à voir de quelle façon l’enfant, l’animal, l’homme simple ou cultivé vivent et organisent leur existence.) Goethe lui-même la révèle de plus en plus clairement, image après image, pas à pas, à mesure que s’approche la fin de l’œuvre : dans la recherche passionnée de Faust pour Hélène, toujours plus loin dans la nuit de Walpurgis, dans l’Homoncule en création — dans les multiples réalités ache­vées de valeur plus ou moins élevée. Il la présente et l’exprime, avec une clarté et une certitude croissantes, jusqu’à la « Mater gloriosa », — la personnification de l’Éternel féminin ! En rapport direct avec la scène finale, Goethe en personne s’adresse ainsi à son auditoire : « Tout ce qui est transitoire (ce que je vous ai présenté ici pendant ces deux soirées) n’est qu’images, naturellement in­fidèles sous leur forme terrestre ; mais là-bas, libérées de leur enveloppe terrestre imparfaite, elles deviendront réelles et alors nous n’aurons plus besoin de périphrases, de comparaisons, d’images, pour les situer ; il y a là-bas précisément ce que j’ai essayé en vain de décrire ici, et qui est indescriptible. Et qu’est-ce, en vérité ? Je ne puis que vous répondre à nouveau par une image : l’Éternel Féminin nous a attirés — nous sommes arrivés à destination — nous nous reposons — nous possédons ce que sur la Terre nous ne pouvions qu’aspirer à posséder et nous efforcer d’atteindre. Le Christ appelait cela le « salut éternel » et je dois utiliser cette belle appellation mythologique — la conception la plus adéquate à laquelle il soit possible d’accéder à cette époque de l’humanité. » J’espère m’être clairement exprimé. Il y a toujours le danger d’une profusion de mots lorsqu’il s’agit d’affaires aussi délicates et, comme je l’ai déjà dit, irrationnelles. C’est pour cette raison que tout commentaire a quelque chose de choquant. Mahler et l’éternel féminin © Médiathèque Gustav Mahler

Je termine pour aujourd’hui. Mille pensées de ton Gustav. Gustav Mahler, Lettres à Alma, traduit de l’allemand par M. et R. d’Asfeld (Van de Velde, 1979), p. 172-174.

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EH BIEN, CHANTEZ MAINTENANT ! Concert avec la Maîtrise Notre-Dame à l’Auditorium le 4 juin, Petit Poucet le 11 juin à Bondy, Petite Renarde rusée à la Philharmonie de Paris en compagnie du London Symphony Orchestra le 2 juillet, Concert de Paris au pied de la tour Eiffel le 14 juillet, Huitième Symphonie de Mahler à Orange le 29 juillet, sans oublier le concert donné le 8 juin avec Vo!x, Ma chorale interactive : la Maîtrise de Radio France est en pleine efflorescence.

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n a envie de chanter les louanges du chant choral : il réunit, il donne le goût de travailler ensemble, de se perfectionner toujours, d’éprouver du bonheur à chanter avec les autres et de trouver au fond de soi la couleur de sa propre voix et le rythme de son propre souffle. Comme l’explique Sofi Jeannin, directrice musicale de la Maîtrise de Radio France, « outre le travail vocal, j’ai toujours insisté pour que le chant sorte du corps tout entier. Quand je suis arrivée, il y a dix ans, les maîtrisiens étaient excellents vocalement, mais je les trouvais un peu raides, un peu figés. Au fil du temps, ils bougent avec de plus en plus d’aisance, ce qui leur donne encore plus d’indépendance, encore plus de confiance en eux. Quand on a perdu la spontanéité de la petite enfance, il est important de réapprendre

à s’exprimer avec son corps. C’est pourquoi il y a un atelier théâtre à la Maîtrise, et qu’on y enseigne également la rythmique Dalcroze, qui est un cours de mouvement. » On peut déplorer que l’éducation nationale ait renoncé à faire travailler la flûte à bec au collège, mais on ne peut que se réjouir que chaque établissement scolaire soit appelé à faire vivre une chorale qui, outre ses vertus purement musicales, est une manière de permettre à chaque enfant de s’exprimer, de trouver un équilibre, de gagner de la confiance en soi, de porter un autre regard sur les autres et sur le monde. L’Allemagne et l’Angleterre ne s’y sont pas trompées, qui depuis longtemps encouragent la pratique du chant choral. Comme le rappelait récemment Marianne Vourch sur France Musique, « en Angleterre ce sont des centaines

de chœurs amateurs qui se rassemblent dans tout le pays, dans les écoles, les chapelles, les cathédrales et les universités : une tradition de plusieurs siècles ! » On peut même remonter plus loin, avec Henri Pompidor, qui fut notamment chef de chœur de l’Université et de l’Orchestre philharmonique de Thaïlande : « Dès l’instauration des premières organisations sociales fondées sur la famille (--35 000 ans), la voix collective traduit par une réalité sonore spécifique à la fois l’existence de la société et des groupes sociaux, mais aussi l’appartenance des individus à chacune de ces entités. Dans la plupart des tribus d’Océanie, d’Amazonie ou d’Afrique saharienne et subsaharienne, le chant collectif dans sa dimension épique est aux origines du monde. Il existe avant l’apparition du clan et de la tribu elle-même ; il en raconte

la longue histoire mythique. Il est aussi utilisé à des fins incantatoires. » Pratiquer le chant choral, c’est d’une certaine manière renouer avec ce qui fait l’essence de la vie et notamment le souffle. C’est tout l’enjeu du portail Vo!x, ma chorale interactive, qui permet à chacun d’aborder le chant choral et de progresser à son rythme. Camille, marraine de Vo!x, nous dit ce que représente pour elle ce projet. Nous donnons aussi la parole aux mécènes de la Maîtrise, et nous reproduisons un article publié par Berlioz, en 1851, dans le Journal des débats, où le compositeur fait part de « la chose la plus extraordinaire que j’aie vue et entendue depuis que j’existe », selon ses propres termes : un immense chœur d’enfants. Ch. W.

LA MUSIQUE ET L’ANIMAL, UNE HISTOIRE DE FORMES ET DE SYMBOLES

« Écoutez les oiseaux, ce sont des grands maîtres ». Radio France reprend à bon compte ce conseil de Paul Dukas à Olivier Messiaen en programmant prochainement plusieurs concerts d’inspiration zoologique avec La Petite Renarde rusée donnée ce 2 juillet en compagnie de la Maîtrise de Radio France, ou encore, la saison prochaine, le concert-fiction Ernest et Célestine de Daniel Pennac et Karol Beffa. L’occasion de tisser quelques liens entre la faune et la forme symphonique.

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u Musée d’Orsay, le sombre Orphée de Gustave Moreau évoque l’amour, le deuil mais aussi la musique. Notre regard est hypnotisé par la lyre sur laquelle la tête du musicien repose. À l’arrièreplan, il se perd dans les brumes d’un paysage d’Arcadie qui laisse entrevoir un berger aulète. En bas à droite du tableau, un détail intrigue : ce détail nous parle de musique d’une manière bien moins classique que la représentation d’instruments antiques. Aux pieds d’Eurydice se trouvent deux petites tortues qui rappellent le tribut que doit la musique aux animaux. Les Hymnes homériques racontent en effet qu’Hermès a inventé la lyre en utilisant la carapace du mammifère comme d’une caisse de résonance recouverte de la peau d’un bœuf à laquelle il attacha des cordes en boyaux. Au-delà du mythe, les flûtes du Paléolithique n’étaient-elles pas de simples os ou des cornes évidées ? L’ivoire de l’éléphant ne se retrouve-t-il pas sur les touches des vieux pianos ? Le frottement du crin de l’archet sur les cordes en Babar, une histoire qui repose © Hachette 1951 – Laurent De Brunhoff boyaux du violon ne fait-il pas aussi hennir la viole Morin-khuur du Mongol ? Il faut de musiciens zoomorphes dans les enluminures se rendre à l’évidence : la musique est fille de de textes sacrés. Ici, un lapin blanc frotte une l’animal. lyre, là un singe assis souffle dans une trompe à laquelle répond un lion et sa petite vièle à archet. Le chant du serpent Pour l’historienne, ces étranges représentations La faune inspire la forme de certains instruments évoquent une conception paradoxale de la de manière bien plus organique que les têtes de musique au Moyen-Âge : « Si d’un point de lion sculptées à la cime des contrebasses. Aux vue théologique, la musique est le fondement côtés d’un cornet à bouquin à l’embouchure des lois de l’univers, d’un point de vue pratique, de dragon ou d’une vièle elle incarne à travers les bengale en peau de chèvre, instruments de musique la le promeneur du Musée de dépendance de l’homme la musique, à Paris, peut envers la matérialité, la chair s’arrêter un instant sur un et le “bas corporel”. » instrument à vent étonnant. Son nom et sa forme ne Comme l’écrit Emmanuel souffrent aucune équivoque. Reibel dans son essai Nature PHILHARMONIE DE PARIS On attribue à Jean-Baptiste et Musique, « l’histoire de la Coeffet la paternité d’un musique est une vraie arche MARDI – 20H30 drôle de serpent daté de de Noé ». Au fil des pages, 1830. Il s’agit d’un instrument le musicologue dresse une à vent composé de cuir, de liste non exhaustive d’œuvres JUILLET laiton et de noyer à la forme qui s’inspirent des animaux. sinueuse et dont la sonorité Il y évoque le Chant des Maîtrise de Radio France feutrée pouvait être entendue oiseaux de Janequin, le ranz London Symphony Orchestra & Chorus lors d’offices religieux ou de des vaches (qu’on trouve Sir Simon Rattle direction fanfares militaires au milieu aussi bien dans l’Ouverture du XVIIIe siècle. de Guillaume Tell que dans Quand ce n’est pas l’instrument qui prend la la Symphonie fantastique), les Bandar-Log de forme de l’animal, c’est l’instrumentiste lui- Kœchlin mais aussi le Bestiaire ou L’Histoire de même. L’ouvrage de Martine Cluzot Images de Babar, le petit éléphant de Poulenc créée sur les musiciens (1350-1500) s’intéresse à la présence ondes nationales en 1946. Ce conte musical

JANÁČ EK LA PETITE RENARD RUSÉE

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rossignol enregistré. Les animaux peuvent aussi s’émanciper de l’instrument comme dans La Selva, œuvre acousmatique de Francisco Lopez dans laquelle la faune de la forêt costaricaine forme une chorale avec la pluie et le vent dans les arbres.

retrouvera d’ailleurs le chemin de Radio France avec un concert donné le 5 octobre prochain dans une mise en scène du Hana San Studio. L’histoire de la musique, un vaste bestiaire On citera au passage, bien sûr, le Carnaval des animaux de Saint-Saëns, ou les interventions du rossignol, du chat et de la chatte, de la libellule, de la chauve-souris, de la rainette et de l’écureuil dans L’Enfant et les Sortilèges de Ravel. D’ailleurs, Orphée, héros des musiciens, avait le don d’apprivoiser les animaux sauvages : preuve que l’animal reconnaît là sa mère. Les oiseaux, dans cette cohorte, se taillent si l’on peut dire la part du lion. Ils sont évidemment on ne peut plus présents chez Messiaen, jusqu’à ces Fauvettes de l’Hérault révélées au public français par Roger Muraro lors du festival Présences 2018. Les poissons, par comparaison, se font plus discrets, même si Mahler met en musique dans un Wunderhorn Lied le prêche que leur adresse Saint Antoine de Padoue ! Avec l’avènement des microphones, le compositeur ne cherche plus forcément à évoquer les sons des animaux. Il peut les intégrer tels quels à sa partition comme dans Cantus Arcticus, un concerto pour oiseaux et orchestre de Rautavaara dans lequel les chants d’oiseaux arctiques enregistrés dialoguent avec l’orchestre, ou comme dans le troisième mouvement des Pins de Rome de Respighi, qui fait entendre un

D’une saison l’autre Radio France s’apprête à puiser dans ce vaste abécédaire zoomusicologique en programmant à la Philharmonie de Paris le 2 juillet prochain, La Petite Renarde rusée de Janáček. L’histoire de la renarde héroïque et avide de liberté sera racontée par le London Symphony Orchestra et la Maîtrise de Radio France dirigés par Sir Simon Rattle. Le studio 104 prendra également des airs de zoo avec la création de trois spectacles radiophoniques où l’animal aura le premier rôle. Le 14 septembre prochain, la Maison de la radio accueillera les acteurs de la Comédie-Française dans une adaptation du roman Le Chat de Georges Simenon, disparu il y a trente ans. Autre rendez-vous à ne pas manquer, la création de Moby Dick par l’Orchestre National de France, le 5 octobre prochain (la fabuleuse baleine ayant aussi fait l’objet d’un opéra de Jake Heggie créé en 2010 à Dallas), ainsi que Le Roman d’Ernest et Célestine (un ours et une souris !) de Daniel Pennac mis en scène et en ondes pour France Culture. Après l’adaptation radiophonique de L’Œil du loup (2012)*, ce conte musical signe les retrouvailles de Daniel Pennac et de Karol Beffa. En ce qui concerne la mise en musique du Roman d’Ernest et Célestine, le compositeur prophétise : « Cette musique sera, je l’espère, aussi tendre que l’est le conte de Pennac. Derrière cette histoire d’amitié a priori impossible entre une souris curieuse et un ours mal-léché se cache une parabole à destination d’un public adulte et de nombreuses références au quotidien. Côté partition, l’Orchestre Philharmonique de Radio France prendra des allures d’orchestre mozartien et si chaque personnage aura des timbres et des couleurs spécifiques, la musique aura tout autant le rôle de commenter l’action que de servir d’ambiance et de toile de fond au récit. » Fin du suspense dans un peu moins d’un an, le 13 juin 2020 ! Max Dozolme * Sur le loup et la musique, on se référera à l’article paru dans La Lettre jeune public n° 4 (printemps-été 2019).

CAMILLE, UNE MARRAINE POUR VO!X

La chanteuse Camille, à qui l’on doit Le Sac des filles et Ouï, est marraine de Vo!x, Ma chorale interactive. Elle nous parle de voix, de corps et de vibration.

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amille, pourquoi êtes-vous marraine de Vo!x ? Tout simplement parce que je suis très heureuse de transmettre l’amour du chant. Je trouve dommage qu’on laisse en France une trop grande place à la théorie au détriment de la pratique. Petite, à l’école, j’ai manqué de cette matière qu’est le son. Les élèves n’ont pas assez de contact avec le corps, contact que leur apportent le sport, le théâtre ou le chant. Le projet Vo!x est formidable, car il ne peut qu’aider les enseignants et les élèves à trouver dans le chant un outil pour s’exprimer, se libérer, créer, transformer, proposer et improviser. Il faut stimuler le coté créatif et inventif des élèves ! Votre rapport au chant est assez instinctif : la musique a toujours été présente au sein de votre famille, vous aimez chanter depuis que vous êtes toute petite… J’ai un besoin physiologique de chanter, de vibrer. C’est aussi un plaisir jubilatoire ! Si je pouvais, je dirais « chorale obligatoire pour tous »… et peu importe le répertoire ! C’est en cela que Vo!x est un outil ouvert et transversal. Sa grande valeur est de s’adresser à tout le monde. C’est surtout une invitation aux chefs de chœur à avoir confiance en eux, à prendre une initiative, à trouver eux-mêmes leur manière de transmettre. Et c’est la même chose pour l’enfant qui a simplement envie d’oser et d’offrir ce qu’il a en lui. Le chant est un geste généreux. Il a une valeur absolue à partir du moment où on commence à le pratiquer ! Vo!x est une invitation à se lancer, justement. Après, évidemment il faut que l’enfant agisse avec un relais direct… pas uniquement

sur la tablette, mais physiquement, avec son corps ! Votre musique s’aventure vers plusieurs univers : musique a cappella, musique sacrée, musique électronique ou encore musique traditionnelle. Vous n’en avez pas fini d’explorer votre timbre. Avez-vous déjà chanté des œuvres du répertoire classique ? Oui, même si je n’ai pas eu d’éducation dans ce sens. L’important, c’est la vibration, et le fait de trouver sa place dans la création. J’ai interprété, dans une proposition très personnelle, un arrangement des Ceremony of Carols pour trois voix et guitare, mais aussi actuellement la mélodie La Lune blanche de Fauré dans le projet BAUM. J’aimerais faire partie d’une chorale mais cela me semble difficile à réaliser aujourd’hui. En revanche, je crée des cercles de chant dans mon quartier et j’organise des ateliers de chant choral avec des amateurs, enfants et adultes. C’est une grande richesse. Justement, la vibration, la technique ou la perception changent-elles selon ce que vous chantez ? J’essaie de respecter mon identité. Être à une place où je me sens bien pour raconter une chanson. Je cherche une forme d’intimité entre l’auditeur et moi, sans trop faire vibrer ma voix. J’aime poser les choses pour qu’elles respirent d’ellesmêmes, sans pathos, et ne pas déformer les mots. Garder une sorte de neutralité. Mais j’adore m’amuser avec ma voix dans les arrangements, ceux qui font le paysage, l’arrière-pays de la chanson. Propos recueillis par Gabrielle Oliveira Guyon

LES INCONNUS DANS LA MAISON HUBERT PARRY Sir Charles Hubert Hastings Parry fait partie de ces musiciens qui ont préparé la renaissance de la musique anglaise. Depuis la mort de Purcell (1695) en effet, aucun compositeur d’envergure n’était né sur le sol anglais, au point qu’il fallut importer Haendel le saxon pour animer la vie musicale londonienne. Tout changea avec Elgar, puis Holst, Vaughan Williams, Britten, Tippett et quelques autres. Né en 1848, mort en 1918, sir Charles fit ses études à Eton, Oxford et Londres. Chef des chœurs à Oxford, il dirigea le Royal College of Music de Londres à partir de 1894. On lui doit l’opéra Guinevere (1885-1886), des oratorios dans la lignée de ceux de Haendel et Mendelssohn, cinq symphonies, trois quatuors à cordes, etc. ; et des pièces chorales dont les Songs of Farewell et I was glad, que chanteront la Maîtrise de Radio France et la Maîtrise Notre-Dame le 4 juin à l’Auditorium de Radio France.

« ILS FONT DES MERVEILLES ! » TROIS MÉCÈNES DE LA MAÎTRISE RACONTENT — Jean-Luc Bérard, directeur des ressources humaines du groupe Safran et président des deux Fondations Safran* : « Le plaisir et l’exigence » Jean-Luc Bérard, quel est le rôle de la Fondation Safran pour la Musique auprès de la Maîtrise de Radio France ? Notre engagement financier est récent, il a moins d’un an. C’est sur l’aspect de l’insertion que l’incroyable mission de la Maîtrise nous a sensibilisés. La démarche de la Maîtrise, à l’origine très parisienne, et qui petit à petit s’est ouverte en créant le site de Bondy, est remarquable. Ce projet a quelque chose de merveilleux parce qu’il accueille des enfants dans un environnement social qui leur était inconnu. Intégrer la Maîtrise leur permet d’approcher la musique et de connaître des valeurs comme l’exigence et l’excellence que leur demande la discipline du chant. C’est ce projet de Bondy qui a été déterminant dans notre engagement car il concilie insertion et musique. En nous engageant, nous avons la certitude de la solidité du projet et nous sommes heureux d’apporter notre soutien financier pour accompagner toutes les initiatives de la Maîtrise. À titre personnel, pourquoi avez-vous souhaité vous engager auprès de la Maîtrise ? J’ai été chanteur de neuf à treize ans, au sein des Petits Chanteurs à la croix de bois et de la Maîtrise nationale d’enfants. Cela m’a énormément plu, sur le plan musical mais aussi humain. J’ai noué des liens très forts avec des personnes que je vois encore régulièrement aujourd’hui, c’était pourtant il y a plusieurs dizaines d’années ! J’ai abandonné le chant mais je suis resté un grand mélomane. Je préside le Festival de l’Orangerie de Sceaux. L’engagement de la Fondation Safran auprès de la Maîtrise reflète tout ce que j’ai appris plus jeune, le plaisir de la musique, l’exigence mais aussi le grand apprentissage de la vie ensemble et de l’insertion par l’art. * L’une pour l’Insertion, l’autre pour la Musique.

— Florence Javoy, secrétaire générale de la Fondation du groupe RATP : « Un réel apprentissage ! » Florence Javoy, quelles sont les qualités de la Maîtrise qui ont permis que la Fondation du groupe RATP lui apporte son soutien ? Quel est votre rôle auprès des deux sites de la Maîtrise, à Paris et à Bondy ? Le mécénat entre la RATP et la Maîtrise de Radio France s’est fait à l’occasion des dix ans du site de Bondy. Dès mon arrivée en tant que secrétaire générale de la Fondation RATP, je me suis attachée à ce projet. Je connaissais la qualité de l’enseignement qui est proposé aux jeunes et le merveilleux travail des enfants à Paris, mais accompagner la Maîtrise dans des zones plus difficiles comme Bondy est d’autant plus admirable. Le groupe RATP souhaite soutenir l’accès à la culture pour des personnes qui en sont éloignées. Que représente la voix pour vous ? C’est un réel apprentissage, et très sérieux ! Je suis allée sur place, j’ai assisté à une répétition avec des collégiens et à une séance de travail avec des primaires. Le travail des professeurs est admirable. Avec beaucoup de sérieux, ils arrivent à faire entrer les jeunes chanteurs dans le jeu et à les faire se dépasser. C’est très professionnel, mais aussi très humain et à la hauteur des enfants, dans le respect de leur personnalité. J’y ai vu un grand enthousiasme, un état d’esprit d’ouverture et d’adaptation. Avec des moyens simples, ils font des merveilles ! Les professeurs comme les jeunes donnent beaucoup d’eux-mêmes et ont un très bel élan commun. Aller ensemble vers quelque chose de bien… voilà ce que le chant permet. Que pensez-vous du portail numérique Vo!x ? Je le trouve génial ! Les ressources font preuve d’excellence pédagogique et elles me semblent complètes, car elles explorent les différents aspects (musique, contexte socio-historique, aide aux enseignants adaptés aux différents âges des élèves) et les différentes étapes de l’apprentissage d’un chant. Proposer une ressource d’une telle qualité, avec un enrichissement régulier, qui plus est en accès libre, est une admirable façon de diffuser largement des pratiques et de partager l’expertise de la Maîtrise avec l’ensemble des établissements qui le souhaitent. C’est à la fois ambitieux, généreux, intelligent, le tout dans une grande simplicité et une grande modestie. Vo!x renvoie au partage et non à une attitude surplombante de l’excellence vers le commun des mortels.

— Katia Bijaoui, présidente du Fonds de dotation éducation, culture et avenir : « Humilité et philanthropie » Katia Bijaoui, pourquoi vous êtes-vous engagée en 2018 auprès de la Maîtrise en tant que mécène avec votre fonds de dotation ? Notre objectif premier est l’insertion professionnelle des jeunes par le biais de la culture. Nous aidons de manière modeste mais très impliquée de nombreux projets culturels et liés à l’éducation. Le projet de la Maîtrise, et particulièrement le site de Bondy qui accompagne des jeunes hors de Paris et loin de la culture, a donné du sens à notre travail et à notre investissement. Nous prônons l’égalité des chances. Pour ce faire, nous suivons les concerts de la Maîtrise, nous rencontrons les acteurs principaux de ce chœur d’enfants et nous nous engageons sur la durée. Nous sommes heureux de le suivre de manière humble et philanthropique, pourrais-je dire. Vous êtes par définition très sensible à la musique… Absolument. Nous sommes tous musiciens et mélomanes dans la famille, quels que soient les styles musicaux ! Nous avons même repris une école de musique, à Paris, rue du Cherche-Midi, qui est un espace de rencontre et de partage. La musique est un véritable média d’éducation. La culture et l’éducation, justement, sont deux piliers essentiels dans la vie d’un jeune, surtout dans les quartiers populaires. Radio France est une maison prestigieuse et je suis très sensible au fait qu’elle encourage la mixité, l’échange, avec des talents venus d’ailleurs. Aujourd’hui, accompagner les jeunes maîtrisiens est un honneur car je vois qu’il y a un réel croisement entre les jeunes chanteurs de Paris et ceux de Bondy. Je suis allée au concert d’ouverture de la saison, j’essaie d’assister à leurs concerts dès que je le peux. Maintenant, mon plus grand souhait serait que les publics eux aussi se croisent, celui de la banlieue et celui de Paris !

vox.radiofrance.fr Hubert Parry, l’un de ceux qui ont préparé la renaissance de la musique anglaise © DR

Propos recueillis par Gabrielle Oliveira Guyon

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LA LETTRE N° 8 – ÉTÉ 2019

POUVOIR DU CHANT CHORAL En 1851, à Londres, Berlioz entend chanter un chœur de 6 500 enfants dans la cathédrale Saint-Paul. Il en éprouve une telle émotion qu’il décide d’ajouter un chœur d’enfants à son Te Deum récemment composé.

J

eudi dernier a eu lieu dans la cathédrale de Saint-Paul la réunion annuelle des enfants élevés par la charité dans les écoles de Londres. J’avais lu il y a plusieurs années ce que M. Fétis a écrit sur cette cérémonie ; je m’attendais donc à quelque manifestation remarquable, mais la réalité a dépassé de beaucoup les promesses de mon imagination. C’est la chose la plus extraordinaire que j’aie vue et entendue depuis que j’existe. (…) Dès dix heures du matin, la foule encombrait les avenues de l’église ; je parvins, non sans peine, à la traverser. Arrivé dans la tribune de l’orgue destinée aux chantres de la chapelle, hommes et enfants, au nombre de soixante-dix, je reçus une partie de basse qu’on me priait de chanter avec eux, et un surplis qu’il me fallut endosser, pour ne pas détruire, par mon habit noir, l’harmonie du costume blanc des autres choristes. Ainsi déguisé en homme d’église, j’attendis ce qu’on allait me faire entendre avec une certaine émotion vague, causée par ce que je voyais. Neuf amphithéâtres presque verticaux, de seize gradins chacun, s’élevaient au centre du monument, sous la coupole, et sous l’arcade de l’est devant l’orgue, pour recevoir les enfants. Les six de la coupole formaient une sorte de cirque hexagone, ouvert seulement à l’est et à l’ouest. De cette dernière ouverture partait un plan incliné, allant aboutir au haut de la porte d’entrée principale, et déjà couvert du peuple immense qui pouvait ainsi, des bancs même les plus éloignés, tout voir et tout entendre parfaitement. À gauche de la tribune que nous occupions devant l’orgue, une estrade attendait sept ou huit joueurs de trompettes et timbales. Sur cette estrade, un grand miroir était placé de manière à réfléchir pour les musiciens les mouvements du chef des chœurs, marquant la mesure au loin, dans un angle au-dessous de la coupole, et dominant toute la masse chorale. Ce miroir devait servir aussi à guider l’organiste tournant le dos au chœur. Des bannières plantées tout autour du vaste amphithéâtre dont le seizième gradin atteignait presque aux chapiteaux de la colonnade, indiquaient la place que devaient occuper les diverses écoles, et portaient le nom de la paroisse ou du quartier de Londres auxquels elles appartiennent. Au moment de l’entrée des groupes d’enfants, ces divers compartiments, se peuplant successivement du haut en bas, formaient un coup d’œil singulier, rappelant le spectacle qu’offre dans le monde microscopique le phénomène de la cristallisation. Les aiguilles de ce cristal aux molécules humaines, se dirigeant toujours de la circonférence au centre, étaient de deux couleurs, le bleu foncé de l’habit des petits garçons sur les gradins d’en-haut, et le blanc de la robe et de la coiffe des petites filles occupant les rangs inférieurs. En outre, les garçons portant sur leur veste, les uns une plaque de cuivre poli, les autres une médaille d’argent, leurs mouvements faisaient scintiller la lumière réfléchie par ces ornements métalliques, de manière à produire l’effet de mille

étincelles s’éteignant et se rallumant à chaque instant sur le fond sombre du tableau. L’aspect des hauts échafaudages couverts par les filles était plus curieux encore ; les rubans verts et roses qui paraient la tête et le cou de ces blanches petites vierges faisaient ressembler exactement cette partie des amphithéâtres à une montagne couverte de neige, au travers de laquelle se montrent çà et là des brins d’herbes et des fleurs. Ajoutez les nuances variées qui se fondaient au loin dans le clair-obscur du plan incliné où siégeait l’auditoire, la chaire tendue de rouge de l’archevêque de Cantorbéry, les bancs richement ornés du lord-maire et de l’aristocratie anglaise sur le parvis au-dessous de la coupole, puis à l’autre bout et tout en haut les tuyaux dorés du grand orgue ; figurez-vous cette magnifique église de Saint-Paul, la plus grande du monde après Saint-Pierre, encadrant le tout, et vous n’aurez encore qu’une esquisse bien pâle de cet incomparable spectacle. Et partout un ordre, un recueillement, une sérénité qui en doublaient la magie. Il n’y a pas de théâtre si grand et si riche qu’il soit, pas de décorations, pas de mise en scène, si admirables qu’on les suppose, qui puissent jamais approcher de cette réalité que je crois encore avoir vue en songe à l’heure qu’il est. Au fur et à mesure que les enfants parés de leurs habits neufs venaient occuper leurs places avec une joie grave exempte de turbulence, mais où l’on pouvait observer un peu de fierté, j’entendais mes voisins anglais dire entre eux : « Quelle scène ! quelle scène !!... » et mon émotion était profonde, quand les six mille cinq cents petits chanteurs étant enfin assis, la cérémonie commença. Après un accord de l’orgue, s’est alors élevé en un gigantesque unisson le premier psaume chanté par ce chœur inouï : All people that on earth do dwell Sing to the Lord with cheerful voice. (…) Malgré l’oppression et le tremblement que j’éprouvais, je tins bon, et sus me maîtriser assez pour pouvoir faire une partie dans les psaumes récités sans mesure (reading psalms) que le chœur des chantres musiciens eut à exécuter en second lieu. Le Te Deum de Boyce (écrit en 1760), morceau sans caractère, chanté par les mêmes, acheva de me calmer. À l’antienne du couronnement, les enfants se joignant au petit chœur de l’orgue de temps en temps, et seulement pour lancer de solennelles exclamations telles que : God save the king ! — Long live the king ! — May the king live for ever ! — Amen ! Hallelujah ! l’électrisation recommença. Je me mis à compter beaucoup de pauses, malgré les soins de mon voisin qui me montrait à chaque instant sur sa partie la mesure où on en était, pensant que je m’étais perdu. Mais au psaume à trois temps de J. Ganthamy, ancien maître anglais (1774), chanté par toutes les voix, avec les trompettes, les timbales et l’orgue, à ce foudroyant retentissement d’une hymne vraiment brûlante d’inspiration, d’une harmonie grandiose, d’une expression noble autant que touchante, la nature reprit son droit d’être faible, et je dus me servir de mon cahier de musique, comme fit Agamemnon de sa toge, pour me voiler la face. Après ce morceau sublime, et pendant que le lord-archevêque de Cantorbéry prononçait son sermon que l’éloignement m’empêchait d’entendre, un des maîtres de cérémonies vint me chercher, et me conduisit, ainsi tout lacrymans, dans divers endroits de l’église, pour contempler dans tous ses aspects ce tableau dont l’œil ne pouvait d’aucun point embrasser entièrement la grandeur. Il me laissa ensuite en bas, auprès de la chaire, parmi le beau monde, c’est-à-dire au fond du cratère du volcan vocal ; et quand, pour le dernier psaume, il recommença à faire éruption, je dus reconnaître que pour les auditeurs ainsi placés sa puissance était plus grande du double que partout ailleurs. En sortant, je rencontrai le vieux Cramer, qui, dans son transport, oubliant qu’il sait parfaitement le français, se mit à crier en italien : Cosa stupenda ! stupenda ! la gloria dell’ Inghilterra ! (…) Le résultat prodigieux de cet unisson est dû, selon moi, à deux causes : au nombre énorme et à la qualité de voix d’abord, ensuite à la disposition des chanteurs en amphithéâtres très élevés. Les réflecteurs et les producteurs du son se trouvant dans de bonnes proportions relatives, l’atmosphère de l’église, attaquée par tant de points à la fois, en surface et en profondeur, entre alors tout entière en vibration, et son retentissement acquiert une majesté et une force d’action sur l’organisation humaine que les plus savants efforts de l’art musical, dans les conditions ordinaires, n’ont point encore laissé soupçonner. J’ajouterai, mais d’une façon conjecturale seulement, que dans une circonstance exceptionnelle comme celle-là, bien des phénomènes insaisissables doivent avoir lieu, qui se rattachent aux mystérieuses lois de l’électricité.

Il me laissa au fond du cratère du volcan vocal.

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Hector Berlioz, Journal des débats, 20 juin 1851 Be

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3 QUESTIONS À BERTRAND CHAMAYOU Bertrand Chamayou est artiste en résidence à Radio France jusqu’à la fin de la saison 2018-2019. Le 19 juin, il donne un récital au Théâtre des Champs-Élysées.

Bertrand Chamayou réside à Radio France © Marco Borggreve

Bertrand Chamayou, le 6 octobre dernier, nous avons pu vous voir au piano entouré d’enfants de trois à six ans dans l’Auditorium de Radio France. Est-ce que ces Enfantines vous ont changé des masterclasses habituelles ? Avec les enfants, la difficulté réside dans le fait de les accrocher et de garder leur attention. C’est la première fois que j’intervenais avec des enfants aussi petits, et j’ai voulu essayer quelque chose d’original : j’ai joué des pièces contemporaines, en partant du principe que les enfants n’ont pas d’a priori devant la « bizarrerie » de certaines pièces, d’ailleurs assez ludiques. Le fait d’être moi-même papa a dû m’aider ! La musique contemporaine, pour des adultes, demande de désamorcer quelques préjugés, quelques inhibitions, et l’Éducation nationale a un rôle primordial à jouer. À propos d’expériences nouvelles : vous avez dirigé du piano le Triple Concerto de Beethoven, le 31 mars dernier. Un rêve jusque-là inavoué ? Beaucoup de collègues pianistes y pensent, à un moment ou un autre, mais cette forme de pouvoir qu’est la direction d’orchestre me fait un peu peur, y compris en « jouer-diriger ». Nous étions, Sol Gabetta, Vilde Frang et moi-même, à la recherche d’un chef pour ce concert. C’est Sol qui m’a suggéré de le faire, et de placer le piano au centre de la scène. Progressivement, l’idée m’a plu : en commençant à m’investir corporellement, je me suis aperçu que l’orchestre devenait musicalement dépendant de ma direction, au risque même de perdre sa substance lorsque j’étais plus absent. Je ne prétends pas pouvoir diriger avec les gestes d’un chef : il a fallu faire comme certains chefs baroques et compenser l’absence de gestes par la parole, au cours des répétitions, et par la connaissance de la partition et du style. Je ne peux plus concevoir à présent cette œuvre autrement. Le piano n’assume pas le rôle d’un soliste mais plutôt celui d’un accompagnant, un rôle d’orchestre, ce qui facilite le travail du « jouerdiriger » : lorsqu’il est placé au centre du dispositif d’orchestre, alors tout prend sens ! Sol Gabetta me l’a confirmé : elle ne veut plus le faire avec un chef d’orchestre, même excellent. Cela crée trop de barrières entre les solistes et l’orchestre. D’un concerto à l’autre : vous avez créé un concerto de Michael Jarrell avec l’Orchestre Philharmonique le 25 mai dernier ? Oui et nous avons par ailleurs commandé à Michael Jarrell une partition pour le prochain Concours Long-Thibaud-Crespin, dont je serai le directeur artistique.* J’ai conçu le programme avec l’idée d’éviter le côté « examen », en laissant une marge de liberté et de choix aux candidats pour mieux les évaluer dans leur répertoire de prédilection. Certains pianistes peuvent tout jouer, d’autres sont meilleurs dans certains répertoires précis : il sera intéressant d’évaluer s’ils sont lucides sur leurs capacités esthétiques. L’idée, cette année, n’est pas de savoir qui est le plus habile dans telle étude de Chopin, mais plutôt d’avoir accès à l’artiste autonome qui se trouve en face de nous. Propos recueillis par Christophe Dilys * Les épreuves « concerto » auront lieu les 15 et 16 novembre prochain à l’Auditorium de Radio France en compagnie de l’Orchestre National de France.

Vous avez dit glagolitique ? Le 20 juin, le Chœur de Radio France aborde la Messe glagolitique de Janáček en compagnie de l’Orchestre National. Glagolitique : de quoi parle-t-on ? d’une langue, d’une forme, d’un style ?

A

u milieu de l’été 1926, Leos Janáček est dans la jolie ville thermale de Luhačovice où il séjourne en habitué. Le temps maussade, début août, est propice au travail : le compositeur commence la messe qu’il a en projet depuis cinq ans. « Elle tombe, elle tombe à flots, la pluie de Luhačovice. Par la fenêtre, tu regardes la montagne assombrie de Komon. Les nuages roulent dans le ciel ; la bourrasque les déchire, les balaie (…) L’obscurité descend, de plus en plus épaisse. Déjà tu regardes dans la nuit noire ; des éclairs la lacèrent. Au haut plafond, tu allumes une lumière électrique tremblotante. Rien, tu n’ébauches rien qu’un motif feutré de l’âme éperdue sur les mots Gospodi, pomiluj (« Seigneur, aie pitié »). Rien que l’exclamation de joie Slava ! Slava ! (Gloire, Gloire !). »* Le texte est en vieux slavon et Janacek intitulera sa partition Messe glagolitique. « Glagolitique » comme l’écriture dite « glagolitique », inventée par les saints Cyrille et Méthode. Comment Janáček, qui à l’époque n’entre plus dans les églises auxquelles il trouve une atmosphère macabre, et qui se dit à soixantedouze ans « ni vieux, ni croyant, jusqu’à ce que je voie par moi-même ! », en vient-il à composer une messe, qui plus est, en vieux slavon ? Enfant (il est né en 1854), Janáček a été pensionnaire pendant quatre ans au monastère Klášter králové de Brno, petite capitale de la Moravie, alors partie de l’Empire autrichien (qui devient l’Empire austro-hongrois en 1867). Les frères augustiniens accueillaient dans leur couvent des boursiers auxquels ils donnaient une éducation générale, religieuse et musicale. Leoš a été envoyé là en 1863 par son père. Ce dernier, sentant sa mort proche, l’a confié à un ancien élève et ami : Pavel Křížkovský, prêtre, compositeur et maître de chapelle du monastère. Le jeune Janáček non seulement apprend beaucoup à Klášter králové, mais il y forge de façon définitive un très fort sentiment d’identité morave, donc slave. Chez Krízkovsky, ce sentiment passe par une vénération des deux frères Cyrille et Méthode, évangélisateurs des Slaves d’Europe centrale au IXe siècle. Originaires d’une famille noble de Thessalonique, Cyrille et Méthode étaient venus en 863 en Grande Moravie à la demande du prince régnant Rastislav. La Grande Moravie regroupait notamment la Moravie, la Bohême, la Slovaquie, la Silésie, la région de Cracovie, une partie de la Hongrie. Rastislav voulait que son peuple ait accès aux textes sacrés en

langue vernaculaire, autrement dit, en slave La Moravie se retrouva du côté catholique et de l’époque (« vieux slavon »). Il lui fallait des romain, et le vieux slavon fut abandonné au traducteurs. L’empereur de Constantinople lui profit du latin pour la liturgie ; un latin senti avait recommandé Cyrille et par les Slaves comme une Méthode qui connaissaient marque de l’impérialisme le slave de Macédoine. Pour germanique. mettre par écrit sa traduction Retour à Janáček. Dans des textes sacrés en « vieux les années 1921-1922, le slavon », Cyrille invente compositeur se promène un alphabet qu’il nomme en forêt avec l’archevêque AUDITORIUM « glagolitique » – de glagol : d’Olomouc, deuxième ville DE RADIO FRANCE « le mot », en vieux slave. De de Moravie après Brno. cet alphabet glagolitique Comme il critique la piètre JEUDI – 20H naquit ensuite l’alphabet qualité de la musique cyrillique. d’église, le prélat lui suggère Deux siècles après d’écrire une messe. L’idée JUIN l’évangélisation, le Grand est adoptée, sans qu’il soit Schisme entre les églises question cependant, pour Chœur de Radio France d’Orient et d’Occident le Morave qu’est notre Orchestre National de France (1054) sépara l’Europe en musicien, de garder le Jukka Pekka Saraste, direction catholiques et orthodoxes. texte de la messe en latin !

JANÁČ EK MESSE GLAGOLITIQUE

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Il le fait donc traduire en vieux slavon, bonne façon de marquer son opposition à la fois à la germanisation des Slaves, et à la romanisation de l’Église. Cinq ans plus tard, la musique prend forme sous la pluie de Luhačovice. Au même moment, en Amérique, le peintre tchèque Alfons Mucha termine dans une même affirmation identitaire, son Épopée slave en vingt tableaux. Laetitia Le Guay * Publié dans Lidové noviny, 27 novembre 1927. Voir Janáček, Écrits choisis, traduits et présentés par Daniela Langer (Fayard, 2009) et Guy Erismann, Janáček ou la passion de la vérité (Seuil, 1980).

7 La Célébration de Svantovít par Alfons Mucha : « Quand les dieux sont en guerre, le salut est dans les arts » (1912) © DR

PELLÉAS ET MÉLISANDE, LA SUITE

Il existe plusieurs suites confectionnées à partir des pages symphoniques de l’opéra de Debussy. Avant d’aller écouter, le 13 juin, celle qu’a signée Alain Altinoglu, il n’est pas inutile de faire le point sur la question.

E

n composant Pelléas et Mélisande, Debussy avait imaginé de faire successivement. J’ai essayé que ces deux émotions fussent parfaitement s’enchaîner avec naturel les différentes scènes de son opéra. Puis il fondues et simultanées. » Erich Leinsdorf, en imaginant sa suite, a fait se heurta aux contraintes de la scène et composa dans l’urgence des ce qu’il y avait de plus simple a priori : il l’a articulée en cinq pages interludes permettant les changements de décor, soit environ 150 mesures successives, chacune reprenant l’un des lieux où se situe l’action des cinq de musique. Ces pages symphoniques, augmentées des introductions actes. On ne cherchera pas ici de narration, sinon psychologique, on instrumentales de chaque acte, ont donné l’idée à se laissera prendre au contraire à cette orchestration plusieurs musiciens d’élaborer une suite symphonique fluide et vénéneuse qui fait tout le délicieux malaise qui pût être jouée au concert. C’est dans ce sens de l’opéra. qu’ont œuvré le chef Erich Leinsdorf en 1946, sous la Publiée en 1946, cette suite fut enregistrée les 22 forme d’une suite, puis le compositeur Marius Constant et 24 février de la même année par l’Orchestre de en 1983, avec sa Pelléas et Mélisande-Symphonie. Cleveland sous la direction de son auteur, puis en Pierre Monteux et John Barbirolli ont aussi cédé à 2003 par Claudio Abbado à la tête de l’Orchestre la tentation. Par ailleurs, explique David Grayson, philharmonique de Berlin. Mais le chef italien, à cette AUDITORIUM « dans l’enregistrement intégral dirigé par Désormière occasion, se permit d’ajouter sa touche au travail de DE RADIO FRANCE en 1941, trois des interludes furent placés sur un 78 Leinsdorf. tours isolé, le dernier du coffret, ce qui permettait plus La suite de Leinsdorf, cependant, n’a jamais reçu JEUDI – 20H aisément de les écouter comme une suite pour orchestre l’assentiment de Durand-Salabert, éditeur de l’opéra séparée plutôt que suivant leur ordre d’apparition dans (elle a été jouée, sans doute pour la dernière fois, le l’opéra ». 17 novembre 2017 par l’Orchestre Philharmonique de JUIN Plus près de nous, en 2015, René Koering s’est lui aussi Radio France dans le cadre du Festival d’Automne à attelé à la tâche, mais d’une manière plus originale : Paris). À tel point que ce dernier passa commande Orchestre Philharmonique de Radio France « En évitant les “interludes” moins inspirés car composés à Alain Altinoglu d’une nouvelle suite, laquelle a été Mikko Franck direction après coup (…), je remarquai que la partition appelait créée le 21 septembre 2017 lors du premier concert aisément une suite d’instants somptueux pour un dirigé par le chef français à la tête de l’Orchestre orchestre moins large que celui de l’opéra. C’est ainsi qu’est née ma suite philharmonique de Berlin. « Je me suis basé principalement sur ces pour orchestre de chambre qui, ne pratiquant que le début et l’ultime fin interludes pour élaborer ma suite. J’ai voulu conserver la dramaturgie du drame, m’a servi à intégrer les moments et les mesures les plus denses de l’œuvre et ai suivi l’ordre chronologique depuis l’introduction lente et et douloureuses de la partition. » sombre de l’opéra jusqu’à la lumière du do dièse majeur final qui suit la Debussy, de son côté, mettait l’accent sur l’irrépressible unité de sa mort de Mélisande », explique Alain Altinoglu, dont on pourra écouter la conception : « À l’audition d’une œuvre, le spectateur est accoutumé à suite le 13 juin sous la direction de Mikko Franck. éprouver deux sortes d’émotions bien distinctes : l’émotion musicale d’une Florian Héro part, l’émotion du personnage de l’autre ; généralement, il les ressent

DEBUSSY DUBUGNON PROKOFIEV

VIENT DE PARAÎTRE ÉDITIONS RADIO FRANCE

Régis Campo vient d’être installé à l’Institut, mais il nous livre là un disque fort peu académique. Il y explore le motif de la répétition dans toutes ses possibilités musicales : sous sa forme motorique (à la Steve Reich), hypnotique et technologique (avec un jeu sur l’effet de boucle ou l’intervention du synthétiseur), avec les rythmes ondoyants et noyés d’harmoniques du piano, sur le mode expressif de la mélodie populaire... Cette obsession répétitive est ponctuée par de véritables morceaux de bravoure confiés à la voix, au piano, à la clarinette, à la flûte.

13

Régis Campo : Street Art, Ensemble TM+ (1 CD Signature SIG11111)


JUIN

JUILLET

1 JUIN — 20H

SA.

STUDIO 104

Musique contemporaine Akousma 2

ABECASSIS & FRIEDL / HOLSEN / PATERAS / RAILTON En partenariat avec l’Ina-GRM

1 JUIN — 20H

SA.

Symphonique

THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES

Orchestre National de France / Chœur de Radio France / M. Poschner

2 JUIN — 16H

AUDITORIUM

Tous en scène

PHILHARMONIE DE PARIS

ONF / Orchestre des Grands Amateurs de Radio France / J. Sirvend

2 JUIN — 18H

11 JUILLET — 20H30

JE.

ABBAYE DE SAINT-RIQUIER

RACHMANINOV / PROKOFIEV Orchestre Philharmonique de Radio France / A. Poga / N. Angelich

14 JUILLET — 21H15

DI.

CHAMP-DE-MARS

CONCERT DE PARIS Orchestre National de France /Chœur de Radio France / Maîtrise de Radio France / J. van Zweden

STUDIO 104

Musique contemporaine Akousma 3

MA.

16 JUILLET — 20H

LE CORUM – OPÉRA BERLIOZ

PARMEGIANI / SCHWARZ

Festival Radio France Occitanie Montpellier

En partenariat avec l’Ina-GRM

VASKS / LISZT / PROKOFIEV Orchestre Philharmonique de Radio France / A. Poga / E. Kissin

3 ET MA. 4 JUIN — 20H30

LU.

BASILIQUECATHÉDRALE DE SAINT-DENIS

Festival de Saint-Denis MAHLER Résurrection

4 JUIN — 20H30

AUDITORIUM

Musique chorale

Maîtrise de Radio France / Maîtrise Notre-Dame de Paris / S. Jeannin / H. Chalet / Y. Castagnet

6 JUIN — 20H

AUDITORIUM

Symphonique BRAHMS Symphonie n° 3 Orchestre National de France / E. Krivine / N. Bône

7 JUIN — 20H30

VE.

19 JUILLET — 20H

LE CORUM – OPÉRA BERLIOZ

CITÉ DE LA MUSIQUE

Festival ManiFeste Ircam Musique contemporaine

BRAHMS / ZEMLINSKY Orchestre National de France / E. Krivine / V. Frang / N. Alstaedt

VE.

19 JUILLET — 21H30

LA ROQUE D’ANTHÉRON

Concert d’ouverture du festival International de piano

PARRY / HAENDEL / ELGAR / PURCELL / TIPPETT

JE.

VE.

Festival Radio France Occitanie Montpellier

Orchestre Philharmonique de Radio France / M-W. Chung / Chœur de Radio France / J. Prinz / L. Crowe / C. Huckle

MA.

LISZT / PROKOFIEV Orchestre Philharmonique de Radio France / A. Poga / E. Kissin

LU.

29 JUILLET — 21H30

150e festival des Chorégies d’Orange MAHLER Symphonie n° 8

THÉÂTRE ANTIQUE D’ORANGE

Orchestre National de France / Orchestre Philharmonique de Radio France / Chœur de Radio France / Chœur Philharmonique de Münich / Maîtrise de Radio France / J. Pekka Saraste / M. Miller / R. Merbet / E. Marguerre / C. Mahnke / G. Romberger / N. Schukoff / D. Boaz / A. Dohmen

• Pour bénéficier d’un tarif privilégié tout au long de la saison 2019-2020 : 15 % de réduction

XENAKIS / BEDROSSIAN / VARÈSE Orchestre Philharmonique de Radio France / B. Lubman / É. Levionnois / R. Meier

SA.

8 JUIN — 11H - 14H30

STUDIO 104

De 3 à 6 ans

LES ENFANTINES : ACCORDÉON ET COMPAGNIE E. Macarez / F. Brut

SA.

8 JUIN — 11H30

AUDITORIUM

Tous en scène

LE CLASSIQUE EN CHANSON AVEC VO!X Mendelssohn / Beethoven Orchestre National de France / Maîtrise de Radio France / F. Mildenberger / J.E. Gonzales-Buajasan / S. Nemtanu / C. Lehn

MA.

11 JUIN — 19H AUDITORIUM A. ET R. TRIBOUILLOY –

Musique chorale

BONDY

LE PETIT POUCET Pré- Maîtrise de Radio France / M-N. Maerten / B. Perbost

JE.

13 JUIN — 20H

AUDITORIUM

Symphonique

Orchestre Philharmonique de Radio France / M. Franck / L. Wilson

Jazz

15 JUIN — 20H30

16 JUIN — 16H

INFORMATIONS PRATIQUES AUDITORIUM

Philhar’intime

ZEMLINSKY / FAURÉ Musiciens Orchestre Philharmonique de Radio France / J-Y. Thibaudet

MA.

• Pour avoir la possibilité de payer en deux fois sans frais

STUDIO 104

PAN-G  /  MOUTIN FACTORY QUINTET DI.

• Pour vous faire offrir les frais d’envoi pour toute commande supérieure à 100 € effectuée avant le 31 juillet

Illustration : François Olislaeger

AUDITORIUM

PROKOFIEV Pierre et le Loup

SA.

• Pour pouvoir échanger gratuitement vos billets jusqu’à 7 jours avant la date du concert et dans la limite des places disponibles

MAISON DELA RADIO.FR

Debussy / Dubugnon / Prokofiev Orchestre Philharmonique de Radio France / M. Franck / J-Y. Thibaudet / G. Capuçon / A. Ley / F. Brannens

15 JUIN — 14H30 - 17H

• Pour avoir une priorité de réservation jusqu’à l’ouverture des ventes à l’unité

RENSEIGNEMENTS, RÉSERVATIONS, ABONNEMENTS, NEWSLETTER, DEMANDE DE BROCHURE… UNE SEULE ADRESSE :

COUPLES ET DUOS / MIKKO FRANCK

SA.

18 JUIN - 20H

AUDITORIUM

Symphonique

BILLETTERIE Sur internet maisondelaradio.fr Par téléphone 01 56 40 15 16 à partir de 10h Au guichet Accès par l’entrée Porte Seine, du lundi au samedi de 11h à 18h. Inscrivez-vous à la newsletter sur maisondelaradio.fr

CHAUSSON / PROKOFIEV Orchestre Philharmonique de Radio France / M. Franck / H. Hahn Au profit de l’Unicef

19 JUIN — 20H

ME.

Récital de piano

THÉÂTRE DES CHAMPS-ÉLYSÉES

SAINT-SAËNS / HAENDEL / LISZT / MOZART / KOECHLIN / FAURÉ / RAVEL / CHABRIER / HAHN B. Chamayou

JE.

20 JUIN  — 20H

AUDITORIUM

Symphonique

JANÁČEK Messe glagolitique Orchestre National de France / Chœur de Radio France / J-P. Saraste

VE.

21 JUIN — 20H

AUDITORIUM

Tous en scène

ABONNEZ-VOUS Abonnement libre à partir de 4 concerts : 15 % de réduction*. 4 formules thématiques : 15 % de réduction*. Symphonique I, la sélection de Frédéric Lodéon / Symphonique II la sélection de Saskia de Ville / Jeune Public la sélection d’Aurélie Moreau et Audace la sélection de Benjamin François. Pass jeune Moins de 28 ans : 4 billets pour 28 €*. Il peut être acheté sur le site ou au guichet et peut être utilisé tout au long de la saison en une ou plusieurs fois, seul ou entre amis (âgés de moins de 28 ans) et dans la limite des places disponibles au moment de la réservation pour chaque concert. Profitez de nombreux avantages Abonnés à découvrir sur notre site maisondelaradio.fr. *Hors productions extérieures Voir détail et conditions sur maisondelaradio.fr

VIVA L’ORCHESTRA Orchestre National de France / Orchestre des Grands Amateurs de Radio France / J. Sirvend

MA.

25 JUIN — 20H

STUDIO 104

Musique contemporaine

KAIJA SAARIAHO 40 Heartbeats Orchestre Philharmonique de Radio France / M. Desmons Concert de l’atelier de composition du Festival ManiFeste

JE.

27 JUIN — 20H30

Festival de Saint-Denis TIPPETT A Child of our Time

BASILIQUE-CATHÉDRALE DE SAINT-DENIS

Orchestre National de France / Chœur de Radio France / M. GražinytėTyla / M-E. Williams / D.F. Palmer / J. Stewart / M.Brook

VE.

SAISON 2019-2020 POURQUOI S’ABONNER ?

London Symphony Orchestra / Maîtrise de Radio France / London Symphony Chorus / Sir S. Rattle / P. Sellars

Symphonique

VIVA L’ORCHESTRA

DI.

2 JUILLET — 20H30

Musique chorale JANÁČEK La Petite Renarde rusée

Tournée

OFFENBACH Maître Péronilla

DI.

MA.

28 JUIN — 12H30

Midi Trente du National

ONSLOW / BRITTEN Musiciens Orchestre National de France / S. de Ville

STUDIO 104

TOUTE L’ANNÉE Moins de 28 ans : Chaque début de mois un quota de places limité à 10 €. Disponible sur une liste de concerts sur maisondelaradio.fr. Jusqu’à 50 % de réduction sur les ventes de billets à l’unité, pour les demandeurs d’emploi, bénéficiaires du RSA, ASPA. Réservations au guichet ou par téléphone, un justificatif vous sera demandé au moment de l’achat ou du retrait des billets. Tarif dernière minute sur place 30 minutes avant le concert : 25 € pour les concerts en tarifs A et B, 10 € pour les concerts en tarifs C et D. Dans la limite des places disponibles. Groupes d’amis, collectivités, comités d’entreprise : Jusqu’à 20 % de réduction (hors productions extérieures). Nous contacter : collectivites@radiofrance.com / 01 56 40 15 16. Associations d’élèves (BDA/BDE) : Un tarif spécifique de 7 € est réservé pour vos adhérents de moins de 28 ans (hors productions extérieures). Nous contacter : collectivites@ radiofrance.com / 01 56 40 15 16.

VOTRE FIDÉLITÉ SERA RÉCOMPENSÉE VOUS BÉNÉFICIEREZ TOUT AU LONG DE L’ANNÉE D’OFFRES ET DE RENDEZVOUS EXCLUSIFS (VISITES GUIDÉES THÉMATIQUES, TARIF RÉDUIT POUR LES AVANT-CONCERTS, INVITATIONS ET AVANTAGES DANS DES ÉTABLISSEMENTS CULTURELS PARTENAIRES).

MAISONDELARADIO.FR

CHÈQUES CADEAUX Achetez vos chèques cadeaux d’un montant maximum de 200 €. Le chèque cadeau est valable 1 an à compter de sa date d’achat et peut être utilisé à la billetterie de Radio France ou sur maisondelaradio.fr pour la réservation d’abonnements, concerts, concerts-Fictions, visites guidées, ateliers jeunes public… Le chèque est à usage unique, aucun avoir ni rendu de monnaie ne sera effectué.

7 CHAÎNES RADIO, PARTENAIRES DES FORMATIONS MUSICALES DE RADIO FRANCE

INFORMATIONS Les billets ne sont ni repris ni échangés. Paiement immédiat pour tout achat effectué dans les 10 jours qui précèdent la représentation. Toute réservation non payée 10 jours avant la date du concert sera systématiquement remise à la vente. Si le concert doit être interrompu au-delà de la moitié de sa durée, les billets ne sont pas remboursés. Les billets peuvent être retirés au guichet une heure avant le début des représentations. ACCÈS AUX SALLES Les portes ouvrent 45 minutes avant le début de chaque concert. Le placement n’est plus garanti après l’heure indiquée sur le billet. L’accès aux salles est interdit aux enfants de moins de trois ans, le personnel de salle se réserve le droit de refuser l’entrée. Le règlement complet d’accès à Radio France est disponible sur maisondelaradio.fr. Spectateurs en retard : les retardataires seront accueillis et placés pendant les pauses ou à l’entracte. Aucun échange ou remboursement ne sera possible. Vestiaires : des vestiaires gratuits sont à votre disposition. Programmes de salle : les programmes de salle sont distribués gratuitement au début de chaque concert (sous réserve de modification). Des brochures d’information sont disponibles dans le hall. Tous les programmes sur maisondelaradio.fr HANDICAP Les salles de concert sont accessibles aux personnes en situation de handicap. Les titulaires d’une carte « mobilité inclusion » et leurs accompagnateurs peuvent bénéficier d’un tarif réduit. Information et réservation uniquement au guichet ou par téléphone au 01 56 40 15 16. RESTAURANT RADIŒAT Grande hauteur sous plafond et grandes baies vitrées : le nouveau restaurant de 148 couverts et le bar apportent leur touche de plaisir et de spectacle à ce décor vivant qu’est Radio France. Restaurant panoramique de Radio France. Ouvert midi et soir 7/7, 1er étage Galerie Seine. Bar ouvert le soir, du mardi au samedi de 18h à 2h du matin, 2e étage. Réservations : 01 47 20 00 29 eat@radiœat.com

DIRECTRICE DE LA PUBLICATION : SIBYLE VEIL LA LETTRE EST UNE PUBLICATION DE LA DIRECTION DE LA MUSIQUE ET DE LA CRÉATION DE RADIO FRANCE. DIRECTEUR : MICHEL ORIER DIRECTEUR DE LA RÉDACTION : DENIS BRETIN COORDINATION ÉDITORIALE : CAMILLE GRABOWSKI RÉDACTEUR EN CHEF : CHRISTIAN WASSELIN COORDINATION DE LA PUBLICATION : SONIA VERDIÈRE GRAPHISME : HIND MEZIANE-MAVOUNGOU/PASCALE MONCHARMONT IMPRIMEUR : IMPRIMERIE COURAND & ASSOCIÉS LICENCES N° 1-1111708/ 2-1111709 / 3-1111710 Programme donné sous réserve de modifications.


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