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FRANÇOIS MASQUELIER
« Un bon trésorier doit être curieux »
Nouveau président de l’EACT (European Association of Corporate Treasurers), François Masquelier veut donner plus de poids au métier de trésorier d’entreprise.
Le métier de trésorier d’entreprise est encore peu connu. Comment peut-on le décrire ? C’est un métier assez récent (40-50 ans). Il rapporte au CFO, est en lien avec l’externe (banques, impôts…) et l’interne (comptabilité, audit). Il s’assure de la gestion du cash et de la relation bancaire. On peut le comparer à une sorte de banquier interne du groupe, car il est aussi bien emprunteur que prêteur. Il y a un lien fort avec la gestion de risque. Il gère également les opérations liées au front-office.
Pourquoi le Luxembourg est-il une Place attractive pour les trésoriers ? Il l’est et pourrait l’être plus encore. Sa position centrale, sa main-d’œuvre qualifiée et multiculturelle, l’infrastructure bancaire avancée, un écosystème compétent et une grande accessibilité des autorités en font un ensemble homogène... J’ajouterais que plusieurs groupes internationaux basés à Luxembourg ont des départements de trésorerie experts : PayPal, Aperam, RTL, Koch, Ferrero, Amazon…
Quelles qualités doit posséder un bon trésorier ? C’est déjà un technicien qui doit avoir une bonne culture financière et de gestion (assurances, taxes, juridique, IT…). Côté soft skills, il faut de bonnes qualités relationnelles, être communicant. Ce qui manque souvent, c’est la curiosité, car le métier est très évolutif.
On parle dorénavant de la finance durable comme d’une nouvelle norme. Comment percevezvous le rôle du trésorier dans ce nouvel élan ? Le trésorier a un rôle à jouer dans l’ESG, car, en digitalisant les échanges, il devient écoresponsable. Si une société fait un placement avec un excédent de trésorerie, elle essaiera de le rendre durable. Il y a aussi de plus en plus de femmes en trésorerie : je suis pour la parité justifiée et la diversité sociale, notamment en intégrant des compétences en data mining et IT, car le métier a évolué. Beaucoup de CFO n’ont pas la fibre ESG, et le trésorier peut finalement donner cette impulsion. La finance durable était un plus, cela devient un must ; on s’ouvre à un marché plus large d’investisseurs, et le Luxembourg a raison de le défendre. Mais, à titre privé, je ne suis pas encore convaincu du ratio coût / bénéfice de ces placements.
Pourriez-vous choisir trois étapes-clés de votre parcours pour vous présenter ? Une première étape bancaire, puisque j’ai travaillé en corporate finance et salle des marchés pendant six ans. Puis, une étape corporate en gestion de trésorerie et d’ERM pendant 26 ans, notamment chez RTL Group. Enfin, une étape entrepreneur depuis 2020, avec ma société de conseil. J’ai en parallèle un rôle associatif et de lobbying comme président de l’Atel (Association des trésoriers d’entreprise à Luxembourg, ndlr) depuis plus de 20 ans, et désormais de l’EACT. Mes activités se répartissent à 60 % en consulting et à 40 % en associatif.
Quel manager êtes-vous ? Assez consensuel, ce qui peut être aussi un défaut. Dans l’acceptation des idées, l’écoute constructive. Je me vois plutôt visionnaire, éclectique, et je me sens complémentaire aux autres. Parfois, j’ai du mal à dire non : j’en fais trop.
Comment avez-vous vécu votre nomination à l’EACT ? C’est une reconnaissance à différents niveaux. J’écris et je publie beaucoup, car j’aime pousser les idées et transmettre ma vision future de la trésorerie. J’avais cocréé cette association il y a 20 ans, dont j’ai été le premier président. Elle compte aujourd’hui 14.000 membres issus de 8.500 sociétés, réparties dans 22 pays en Europe. Il y a eu une rotation de présidence : j’ai été coopté et j’ai saisi l’opportunité.
Quel est votre objectif durant votre mandat ? Créer une fédération d’associations locales pour avoir une voix européenne et peser plus lourd dans la prise de décisions, à Bruxelles. À l’échelle d’un pays, nous serions inaudibles. L’axe principal est de partager les bonnes pratiques, d’éduquer le marché et d’uniformiser les standards de trésorerie en Europe. C’est aussi influencer, pour que les nouvelles réglementations soient adaptées au cas par cas, et créer plus de coopération entre associations nationales.
Comment et où vous voyez-vous dans 10 ans ? Retraité ! Bien que j’aurai sans doute beaucoup de mal à arrêter… Je ferai profiter les autres de mon expérience et resterai vraisemblablement très actif dans les associations.
Après RTL, François Masquelier a fondé son entreprise, Simply Treasury.